Qui sont vos clients et quel- les relations entretenez-vous

Transcription

Qui sont vos clients et quel- les relations entretenez-vous
Qui sont vos clients et quelles relations entretenez-vous
avec eux?
Lorsque j’avais encore ma
boutique au quai des Bergues,
j’ai reçu des clients genevois
passionnés, à la recherche
d’une montre avec une histoire, derrière laquelle ils savaient qu’il y avait un horloger,
et qu’ils pourraient le rencontrer. Ils découvraient la montre,
réfléchissaient, revenaient un
mois plus tard, puis une troisième fois pour finalement devenir
Antoine Preziuso et son fils Florian, doubles lauréats du
à la fois des clients et des amis.
Grand Prix d’Horlogerie de Genève où ils ont remporté le
Aujourd’hui, je réalise l’essenprix de l’innovation et le prix du public. tiel de mon chiffre d’affaires
Photo: cmc éditions
au Japon où j’ai eu la chance
de développer le même type
de relations avec des clients qui me commandent aussi des pièces uniques, chargées
d’émotion, en souvenir par exemple d’une ascension du Cervin ou du Mont Fuji. Pour
les Japonais, l’horloger est presque un demi-dieu. Dans ce pays ultra-industrialisé, les
artisans sont protégés, respectés.
J’ai aussi un autre type de clientèle,
des gens au pouvoir d’achat très
élevé à la recherche de quelque
chose d’exclusif. Des sultans qu’on
ne rencontre jamais en personne,
ou encore des industriels passionnés qui veulent me voir à Genève,
s’asseoir à l’établi, examiner leur
montre sous la loupe pour mieux la
connaître et se l’approprier.
Quelle est la partie que vous préférez dans une montre?
La cardiologie bien sûr, son tic-tac!
Saviez-vous que chaque «tic» et
chaque «tac» est en réalité composé de trois bruits – dégagement,
Les métiers d’art et la gravure occupent une place
impulsion, chute – alors qu’on n’en
particulière dans l’univers d’Antoine Preziuso. Illustentend qu’un seul, le dernier? Des
ration avec ce Tourbillon baroque. Photo: DR
bruits produits à haute fréquence et
qu’il faut savoir régler. C’est tout un
art, l’achevage, qui permet d’optimiser le fonctionnement de la montre; les horlogers qui
le maitrisent sont de plus en plus rares car c’est un poste difficile à industrialiser, ce qui
explique que de nombreuses marques y renoncent.
Quelles sont selon vous aujourd’hui les tendances du métier?
Le métier se transforme. D’un côté, il y a une demande pour des horlogers peut-être un
peu moins qualifiés, prêts à travailler dans de grandes manufactures. De l’autre, de plus
en plus d’acteurs extérieurs à la branche qui se proclament horlogers sans l’être, des
banquiers, des industriels. Il y a désormais des horlogers qui n’ont pas d’atelier, pas de
manufacture, pas de magasins et qui pourtant vendent leurs montres sur la planète entière. Lorsque j’ai fait mes premiers pas à Bâle, dans ce qui s’appelait encore la Foire de
Bâle, il y avait 150 exposants, tous horlogers, des saucisses et de la fumée partout, un
joyeux désordre qui faisait penser à la place Jemaa el-Fna! Aujourd’hui, cela s’appelle
Baselworld, il y a 2500 exposants, presque plus d’horlogers, et un seul stand qui vend
des saucisses à 25 francs pièce!
Que dire de l’avenir du métier et de ceux qui l’apprennent aujourd’hui?
L’horlogerie ne s’arrêtera jamais, il y a encore quantité de choses à découvrir, à interpréter, à inventer. Un jeune qui choisit l’horlogerie aura du travail toute sa vie. La demande pour les montres mécaniques reste forte et 90 pour cent d’entre elles ne sont pas
jetables aux yeux de leurs propriétaires. On aura donc encore besoin de SAV pendant
longtemps, et la production elle-même demande beaucoup de main d’œuvre malgré
une industrialisation toujours plus poussée. C’est un beau métier qui demande de la
passion, de la persévérance et de la patience, les trois qualités d’un bon horloger.
Marco Cattaneo
57