Du Parrainage Au Partenariat
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Du Parrainage Au Partenariat
Du Parrainage au Partenariat “ Bilan Indien au lendemain de rencontres sur le terrain " En s'engouffrant dans ma voiture, les journalistes de Canal Plus et de Paris Match me demandent : « Alors ce contact avec Ségolène Royal comment a-t-il été possible et à quand remonte-t-il ? ». Venus avec la délégation de la Région Poitou-Charentes, ces deux journalistes et leurs collègues des « Echos » et « Marianne » cherchent leurs repères. Ils vont suivre la délégation pendant 4 jours du 7 au 10 Avril en Inde du sud sur nos projets. On se dirige vers l'école publique de Vépéri dans le Tamil Nadu pour visiter deux projets ; celui de la potabilisation de l'eau et celui du traitement des eaux usées pour l'arrosage des plantes. J'ai devant moi une demi-heure, les conditions d'écoute sont bonnes, je me lance. abj Le tsunami ouvre les portes « Pour nous, l'histoire remonte à janvier 2005 quand la Région Poitou-Charentes a voulu, comme tant d'autres, témoigner sa solidarité à l'égard des victimes du tsunami en Inde. Elle a su par sa Présidente, s'impliquer financièrement, mais aussi, en apportant sa caution légale et morale d'entité publique, mobiliser un ensemble de partenaires de la région, divers par leur taille, leur statut, leurs moyens et leur fonctionnement. Sur la base d'un accord de principe, les contenus des actions de réhabilitation ont été conçus par la réflexion commune des experts français et les animateurs d'INDP et de la BRWD, en partant des populations et des réalités du terrain. Dès que le choix des projets a été fait par les partenaires, les financements ont suivi et nous avons bénéficié d'une marge de manœuvre réelle pour la mise en place et la conduite des projets. Un glissement conscient ; de la réhabilitation au développement durable Sur trois ans, de nombreuses rencontres physiques ont eu lieu en Inde et en France autour de ces projets. La première a été celle du maire adjoint de la ville de Poitiers, suivi par les hauts responsables de Véolia Fondation et de l'Agence de l'eau Adour-Garonne, puis celle de dix jeunes de la Région invités à venir vivre un mois avec dix jeunes victimes du tsunami. La rencontre, les échanges et les suivis entre jeunes ont été de grande qualité. Puis il y a eu l'accueil en France d'une délégation de six animateurs d'INDP et de la BRWD pour étudier des projets similaires à ceux mis en place en Inde. Ce fut l'occasion de comparer et de repérer les aspects positifs pour les intégrer dans les projets en Inde au retour. A cela s'ajoutent les conférences grand public, les communications de presse, les visioconférences, les formations en Inde mais aussi les temps informels de partage et Intercultural Network for Development and Peace d'amitié. C'est ainsi que le Parrainage s'est transformé en Partenariat et que l'on a glissé de manière consciente de part et d'autre de la réhabilitation vers le développement durable. Le point fort de ce partenariat fut le rapprochement entre l'Inde et le Sénégal à l'initiative de la Région Poitou-Charentes. En effet, à la demande de celle-ci une mission d'experts de la BRWD s'est rendue au Sénégal pour proposer un système de micro-crédit aux populations villageoises. Tour à tour donneur et receveur sur trois ans Je trouve que durant ces trois années l'attention a davantage porté du côté indien et que toutes ces expériences n'ont pas été suffisamment répercutées et valorisées dans la Région pour tenter de remobiliser les forces vives et de trouver des solutions à des problèmes similaires en France. Cela me fait penser à cette Indienne résidant et travaillant à Poitiers et qui, lors de ma conférence publique, m'a poussé à dénoncer la violence dans les banlieues françaises et la discrimination lors des recrutements. » « J'ai honte des exclusions dues au système de castes en Inde, m'a-t-elle dit après les avoir niées dans un premier temps, mais ici tout n'est pas rose non plus. » « Mais bien sûr madame, lui ai-je répondu, mais nous on est là pour parler de l'Inde et de ce que l'on fait pour corriger les écarts là bas sur le terrain. Mais pour la Région ou la France, c'est aux partenaires et aux citoyens français d'imaginer des actions en misant sur cette collaboration indienne ». abj « Je pense qu'il faut savoir être donneur et receveur, enseigné et enseignant pour garder un juste équilibre dans les relations de partenariat ou tout simplement d'apprentissage. Ceci doit pousser celui qui donne en premier à rechercher et accorder la même importance et valeur aux apports non financiers des populations économiquement faibles ou des petites ONG de terrain. Sachez que les deux journalistes sont descendus avec moi à l'école, ravis de ce petit entretien et pour ma part, comme je suis bien lancé, je continue avec vous. Le terrain ; point d'entrée obligé La présidente de Poitou-Charentes, tout comme chacun des membres de la délégation, a demandé à avoir un maximum de visites de terrain et c'est là toute la spécificité de cette visite officielle. C'est ainsi qu'a débuté la visite et c'est ainsi que nous faisons pour chacun de nos partenaires. Partir des réalités du terrain et des populations permet de bien saisir le contexte de départ dans lequel s'inscrit le projet, afin de comprendre le sens et le contenu des interventions et donc l'utilisation des fonds. Les financeurs de la région Poitou Charpentes ne sont pas les seuls, nous en avons d'autres bailleurs de fonds. Nous invitons chacun d'entre eux à vérifier le bien fondé et les résultats de leur contribution. Et dans le cas des financements regroupés sur un projet, nous poussons chacun des financeurs à garder une vision globale du projet. Le projet de conscientisation sur l'utilisation de l'eau, par exemple financé par l'un, a une incidence sur le projet technique de potabilisation de l'eau de l'autre. Il faut donc retenir Intercultural Network for Development and Peace l'interaction entre les projets et donc entre les financeurs et être prêt à dépasser le stade d'investisseur isolé qui s'auto suffit. Les visites de projets que nous organisons régulièrement pour nos multiples financeurs sont aussi des formations pour eux sur les questions de développement. Développement holistique La visite tente de faire toucher du doigt les différents aspects des projets. Ainsi l'on présente le contexte culturel sur le projet de reforestation qui se veut plus économique. On mesure ainsi l'impact que peut avoir cet aspect culturel pour la réussite du projet. Par exemple des sessions de formation et d'éducation sont nécessaires pour faire travailler ensemble des populations de castes différentes qui se divisent sur les notions fausses de supériorité et d'infériorité, de pureté ou d'impureté dues au système des castes. D'un projet à un autre les partenaires ont découvert par eux-mêmes la définition holistique d'INDP sur le développement. Et c'est également à la suite de ces visites de terrain que les membres de la délégation ont dit : « Je ne pensais pas que les situations seraient aussi dures » ou encore « On a vu la dignité dans cette femme qui s'occupe si bien de sa vache et sa volonté à s'en sortir. « Le développement holistique dont parle INDP, c'est le développement durable avec en plus la recherche de valeurs ». Pour nous il n'y avait pas de meilleures réactions ! Le réseau pour dépasser ses limites. La présence des officiels indiens, des représentants d'autres ONGs lors des visites de terrain, illustre notre volonté de travailler en réseau, de reconnaître nos propres limites, en mettant en place des accords tripartites entre les populations marginalisées, INDP ou la BRWD et un autre partenaire. Les officiels représentant le gouvernement participent d'une manière ou d'une autre au projet en y apportant soit des financements soit des aides en nature (terrain, connexion électrique ou eau, routes, etc). Et enfin, l'ouverture aux institutions de recherche et de technologies permet de faire bénéficier les populations marginalisées des avancées scientifiques. Ainsi pour les zones désertiques l'énergie solaire pourrait être un atout majeur à l'ouverture de la communauté sur le monde extérieur. C'est cela qui nous a poussé à rajouter une session de réflexion sur les questions de développement rural en partenariat avec le « Pondicherry Engineering College ». abj Ce sont de pareils exercices qui nous font passer du micro au macro et de la pratique à la théorie. Ces « aller-retour », (sorte d'évaluation interne et constante) nous permettent de vérifier le bien fondé de nos propres stratégies et de nos actions. Les 2 C, compréhension et confiance. La cerise sur le gâteau c'est la jeune journaliste des « Echos » qui, après un long entretien filmé, me demande « Et alors qu'est-ce que vous attendez du Nord et de nous ? » Alors là je m'y attendais à cette question ! Intercultural Network for Development and Peace On me la pose régulièrement et ma réponse crée une certaine stupeur. Certains souhaitent fortement que je leur dise que j'attends leur aide. Et quand je réponds autrement, ils reviennent à l'attaque avec leur ''mais concrètement ''. Mais revenons à notre journaliste des Echos, à ce que je lui ai répondu et vous allez comprendre pourquoi. « J'attends une grande compréhension et une confiance totale », lui ai-je répondu pour commencer. Et j'ai continué pour ne pas être coupé, « Parce qu'il faut que nos partenaires comprennent notre volonté à s'engager auprès de nos propres communautés pour les sortir des situations injustes et inhumaines. Et c'est cet engagement que nous cherchons à professionnaliser pour plus d'efficacité. Nos méthodes d'intervention, nos logiques sont aussi issues de cette volonté. La confiance de nos partenaires nous est nécessaire pour que l'on puisse disposer d'une liberté d'action qui va se traduire par la valorisation, l'utilisation pointue des finances et une qualité des réalisations. » abj Le regard tourné vers l'objectif majeur La rencontre interculturelle n'est pas un vain mot car elle permet à deux personnes de deux univers différents de s'apprécier mutuellement en visitant la logique de l'autre pour la comprendre sans préjugés. Donc si la compréhension et la confiance dominent les relations, le reste coule de source et ne sont que des détails, financement y compris. Pour nous les financements ne sont qu'un moyen pour atteindre nos objectifs et non le premier objectif recherché. Car l'argent peut aussi faire éclater un groupe et ruiner un travail de longue haleine. Ce sont toujours la compréhension et la confiance qui garantissent le long terme et permettent de ne pas s'écarter de l'objectif majeur qui est celui de venir en appui aux populations marginalisées, ne l'oublions pas. » Pondichéry 15 Avril 2008. Pour INDP et BRWD Augustin Jaykumar Brutus Intercultural Network for Development and Peace