Enjeux et difficultés d`un modèle européen dans les sociétés

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Enjeux et difficultés d`un modèle européen dans les sociétés
Bernard Grunberg (ss. dir.), Enjeux et difficultés d’un modèle européen dans les sociétés
coloniales, Cahiers d’Histoire de l’Amérique Coloniale n° 2 , Séminaire d’Histoire de l’Amérique
Coloniale, Paris, L’Harmattan, 2006
Présentation
Enjeux et difficultés d’un modèle européen dans les sociétés coloniales
- A. Gall, “Evangélisation rêvée et évangélisation vécue : l’ Historia de los Indios de Nueva España de
Motolinía” ;
- E. Roulet, “L’évangélisation des Indiens du Mexique central et ses limites au XVIe siècle” ;
- B. Grunberg, “L’Inquisition apostolique mexicaine et le problème indien : une mission impossible (15211570/71)” ;
- T. Calvo, “Construction d’une culture impériale : Saragosse, Valladolid de Michoacán, Lima et Manille
pleurent le prince Baltasar Carlos (1647-1648)” ;
- J.P. Obregón-Iturra, “Procès et parlamentos hispano-indiens dans le Chili colonial:deux formes
d’interventionnisme interconnectées, 1641-1647-1693” ;
- C. Ronsseray, “Les administrateurs coloniaux en Guyane française au XVIIIe siècle : enjeux
prosopographiques, parcours professionnels et réseaux de solidarité” ;
- O. Pétré-Grenouilleau, “Repenser l’esclavage, ou de quelques écueils à éviter. L’exemple de Maîtres et
esclaves, de Gilberto Freyre” ;
Varia
- S. Peperstraete, “La Chronique X. Evaluation d’une source fondamentale sur l’histoire aztèque” ;
- P. Lesbre, “Partialité mexica de la Crónica X : l’exemple de Huexotzingo” ;
- M. Gerbault, “Les traductions françaises de la Historia general de las Indias y conquista de México de
F. López de Gómara” ;
- L. Bénat-Tachot, “De la découverte à la politique : réflexions autour de la circumnavigation de Magellan
dans la Historia de las Indias de F. López de Gómara (1552)” ;
- D. Tempère, “Vivre et mourir à bord des navires espagnols au XVIIe siècle Les hommes de la Carrera
de Indias et du Galion de Manille à travers les Bienes de Difuntos (1598 - 1717)” ;
Documents
- Lettres de conquistadores (B. Grunberg).
Lettre d’un conquistador du Pérou à son père.
Lettre de fray Jacinto de San Francisco au roi Philippe II.
- Une révolte à bord d’un négrier (S. Colfort).
Comptes-rendus
- G. Stesser Péan, Le Soleil-Dieu et le Christ. La Christianisation des Indiens du Mexique, vue de la
Sierra de Puebla, 2005 - R. D. Rabinovich-Berkman, Matrimonio incaico. El derecho de familia del
país de los Incas en sus últimos tiempos, 2003 - Ch. Duverger, Cortés, 2001 - B. Bennassar, Cortés. Le
conquérant de l’impossible, 2001 - M. Caillé de Castres, De Wilde ou les sauvages caribes insulaires
d’Amérique, 2002 - J.P. Sainton [s. dir.], Histoire et civilisation de la Caraïbe (Guadeloupe, Martinique,
Petites Antilles), tome 1 : Le temps des Genèses, des origines à 1685 , 2004 - La figure de l’esclave
noir dans le monde colonial antillais. Recherches haïtiano-antillaises n°1, 2004.
Résumés français
Evangélisation rêvée et évangélisation vécue : l’ Historia de los Indios de Nueva España de
Motolinía, Anaïs Gall
L’Historia de los Indios de Nueva España de Motolinía a été qualifiée d’ “ouvrage de propagande”, ce
qui ne tient compte que des implications politiques de son auteur et non de ses convictions religieuses. Le
franciscain recompose certains événements afin de les faire correspondre à l’histoire biblique et à l’idéal de
Saint François. Certains indices incitent à penser que Motolinía était fortement influencé par les écrits de
Joachim de Flore et concevait la conquête de la Nouvelle-Espagne comme un des signes annonçant
l’avènement de l’Age de l’Esprit.
L’évangélisation des Indiens du Mexique central et ses limites au XVIe siècle, Eric Roulet
Le bilan de l’évangélisation des Indiens de la Nouvelle-Espagne demeure mitigé pour le XVIe siècle.
Assurément, la conquête spirituelle a connu des limites, qui tiennent autant à la méthode employée qu’aux
hommes, clercs et Indiens. La tâche a été laborieuse et on observe une grande diversité de situations
religieuses dans les communautés indigènes. Les clercs ne sont pas toujours des modèles faciles à suivre.
Ils se montrent parfois brutaux et violents, voire peu soucieux de la moralité et de la doctrine chrétienne.
Ailleurs, ils modèrent leurs exigences afin de se concilier des appuis, notamment des élites traditionnelles,
et de protéger leurs intérêts économiques. Les Indiens bénéficient finalement d’une certaine latitude face
au christianisme. Ils savent refuser d’abandonner leurs pratiques. Et quand ils se convertissent, la question
religieuse se mêle à d’autres intérêts.
L’Inquisition apostolique mexicaine et le problème indien : une mission impossible (1521-1570/71),
Bernard Grunberg
L’Inquisition apostolique mexicaine, plutôt que de poursuivre une multitude d’Indiens, préféra s’attaquer à
ceux qui les gouvernaient: les caciques. Cependant l’Inquisition apostolique montra très rapidement ses
limites. Après ses débuts en 1522, elle connut un essor remarquable durant la période de Zumárraga. En
1547, le Saint-Office ne s’occupa pratiquement plus d’idolâtrie et de sorcellerie indiennes. Certes, le SaintOffice réprima quelques fautes, mais ces dernières n’étaient pas l’apanage des Indiens. En fait, l’Inquisition
apostolique s’était peu préoccupée des cas indigènes: ils représentent moins de 8 % du total des affaires
inquisitoriales. En fait, comme l’Inquisition apostolique n’avait pas été créée dans le but de discipliner le
monde indigène, elle ne put faire face efficacement à ce problème.
Construction d’une culture impériale : Saragosse, Valladolid de Michoacán, Lima et Manille pleurent
le prince Baltasar Carlos (1646-1648), Thomas Calvo
Le 9 octobre 1646, le jeune Baltasar Carlos meurt à Saragosse. Les vastes possessions de Philippe IV se
trouvent privées d’un prince héritier. C’est pour nous l’occasion de suivre, pendant deux ans, de Saragosse
à Manille, et à travers les honneurs funèbres qui lui sont dédiés - et plus encore les sermons -, le désarroi
de tout “un monde”, mais aussi l’expression d’une “culture impériale”. Celle-ci s’exprime avec des
nuances, selon l’éloignement, les circonstances régionales : espace et particularismes ont leur mot à dire.
Ceux-ci n’empêchent pas, d’ailleurs, une réelle unité culturelle, soutenue par la circulation des nouvelles (et
des textes imprimés), et surtout ici le moule impérieux de la pensée cléricale, qui tend à s’imposer à la
Monarchie.
Procès et parlamentos hispano-indiens dans le Chili colonial : deux formes d’interventionnisme
interconnectées (1641-1647-1693), Jimena Paz Obregón-Iturra
Cette étude entend montrer les profondes interconnections entre deux phénomènes qui se sont déroulés
de manière concomitante dans le centre sud du Chili durant les deux derniers tiers du XVIIe siècle. D’une
part des parlamentos hispano-indiens et, de l’autre, plusieurs procès intentés à des Araucans-Mapuches :
Indiens rebelles du sud Bío-Bío. L’analyse comparative de trois cas vise tout autant à comprendre la
complexité des parlamentos - grâce à la nouvelle perspective qu’apportent les instructions judiciaires qu’à exhumer une documentation d’archives dormante, à teneur judiciaire, du plus haut intérêt pour les
études hispano-araucanes. Interroger les liens entre procès et parlamentos permettra aussi de mieux saisir
les politiques indiennes des gouverneurs espagnols.
Les administrateurs coloniaux en Guyane française au XVIIIe siècle : Enjeux prosopographiques,
parcours professionnels et réseaux de solidarité, Céline Ronsseray
Nous présentons ici l’un des enjeux de notre travail sur les administrateurs coloniaux de Guyane, sujet de
notre thèse en cours. L’objectif est de réaliser la biographie collective d’un corpus d’hommes à travers la
description de leurs parcours individuels et de leurs caractéristiques sociales dans une démarche
prosopographique. L’objet de notre communication portera sur l’étude des carrières des agents du roi
passés en Guyane française entre 1720 et 1809. Le personnage de l’administrateur colonial a évolué. Après
1715, le gouverneur et l’intendant se laissent davantage séduire par la propriété coloniale. Nous nous
intéresserons plus particulièrement à leurs conditions, la place de la nomination en Guyane au sein de leurs
carrières ainsi que le bilan de leurs actions dans la colonie.
Repenser l’esclavage, ou de quelques écueils à éviter. L’exemple de Maîtres et esclaves, de Gilberto
Freyre, Olivier Pétré-Grenouilleau
Partant d’une lecture de Maîtres et esclaves de Gilberto Freyre, le présent article invite à réfléchir à trois
types de jeux de miroirs, lesquels, fonctionnant parfois à notre insu, faussent l’analyse. Le premier consiste
à décrire un système esclavagiste donné non pas en fonction de ce qu’il fut réellement mais à partir de
l’image que l’on se fait d’autres types d’esclavages, à d’autres époques ou en d’autres lieux. Le second
consiste à évaluer l’objet étudié à l’aulne de la société censée être issue de sa décomposition ultérieure. Le
troisième revient à confronter esclavagisme et système dit domestique ou patriarcal. Dans tous les cas, on
aboutit généralement à une sorte d’étalonnage des systèmes esclavagistes en fonction de leur dureté
supposée. Ce qui, au final, permet de légitimer ceux perçus comme ayant été les plus “doux ”.
Varia
La Chronique X. Evaluation d’une source fondamentale sur l’histoire aztèque, Sylvie Peperstraete
La Chronique X est souvent considérée comme une source de référence sur l’histoire des Aztèques. Il
convient toutefois de la manier avec précaution. Tout d’abord, parce qu’elle ne nous est parvenue qu’à
travers des documents de seconde main, dont surtout deux adaptations en espagnol du dernier quart du
XVIe siècle, réalisées respectivement par un religieux dominicain d’origine espagnole, D. Durán, et par
l’un des petits-fils de Motecuhzoma II, l’historien indien F.A. Tezozomoc. Ensuite, parce qu’elle fait
preuve d’une partialité évidente à l’égard des Mexicas Tenochcas et présente une version indienne des
faits, remodelée après coup par la pensée mythique indigène.
Partialité mexica de la Crónica X : l’exemple de Huexotzinco, Patrick Lesbre
A la fin du règne de Moctezuma Xocoyotzin, les Huexotzinca viennent se réfugier dans la Vallée Centrale
de Mexico pour trois ans environ. Cet épisode historique permet de percevoir les déformations dues à la
Crónica X. Comme à l’habitude, seuls Mexico et Moctezuma sont concernés : les deux autres capitales de
la Triple Alliance sont mentionnées mais reléguées au rôle de simples sujets. Ensuite, la rupture de cette
confédération ou alliance est bien évidemment imputée aux seuls Huexotzinca, qui passent ainsi pour des
hommes sans honneur, venus profiter un temps de l’hospitalité des Mexica pour ensuite se retourner
contre eux. Enfin le sort réservé aux chefs huexotzinca est censuré ; rien n’est dit sur leur assassinat. Ce
mensonge donne la mesure du cynisme du rédacteur de la Crónica X.
Les traductions françaises de la Historia general de las Indias y conquista de México de F. López de
Gómara, Matthieu Gerbault
La Historia general de las Indias y conquista de México, de Gómara, a connu un grand succès en
Europe après sa parution en 1552. Aujourd’hui encore, cette chronique fort documentée est considérée
comme une source de premier ordre sur l’histoire du Nouveau Monde. On connaît mal, en revanche, les
traductions du XVIe siècle. Parfois citées dans des publications actuelles, elles sont souvent présentées
comme des transpositions exactes du texte espagnol. Or, les traducteurs du XVIe siècle n’étaient pas
toujours fidèles. L’étude des traductions françaises de M. Fumée (1568 et 1584), et de G. Le Breton
(1588), révèle en réalité deux lectures très différentes de Gómara, qui ont pu fausser la vision de cette
chronique auprès des lecteurs français du XVIe siècle. Fumée, premier traducteur français de Gómara,
traduit la Historia general en 1568, puis la Conquista de México en 1584, non pas à partir de l’espagnol
(langue qu’il ignore), mais à partir de la version italienne d’A. di Cravaliz. Sa version, très complète
lorsqu’il s’agit des passages géographiques, escamote en revanche des pans entiers de la Conquista de
México : le récit des batailles, les prouesses des conquistadors sont presque systématiquement
ôtés du
texte français. Fumée, dans un style sobre, ne retient du texte de Gómara que les aspects strictement
documentaires sur le Nouveau Monde. En 1588, Le Breton offre une autre version de la Conquista de
México. Cette traduction est très différente de celle de Fumée : avec un style pré-barroque, qui mêle
formules pittoresques, goût pour l’exotisme et expressions raffinées, Le Breton offre à ses lecteurs un
récit de voyages et d’aventures, où la dramatisation des scènes militaires est nettement exacerbée par
rapport au texte original. La différence entre ces deux versions invite à lire ces traductions avec prudence
: elles ne sont que des interprétations personnelles de l’œuvre de Gómara.
De la découverte à la politique : réflexions autour de la circumnavigation de Magellan dans la
Historia de las Indias de F. López de Gómara (1552), Louise Bénat-Tachot
En 1552, F. López de Gómara procède à l’impression de sa chronique des Indes, dont le succès en
Espagne et à travers l’Europe fut incontestable tout au long du XVIe siècle. L’auteur, un humaniste dont
le style est à la fois brillant et concis, se démarque des auteurs de son temps par son ampleur de vue et la
“liberté” de sa pensée. Dans cette chronique structurée à partir d’un plan géographique, l’auteur concède
une importance médullaire à la circumnavigation de Magellan-Elcano (1519-1522) et à ses enjeux : la
découverte d’une nouvelle route vers les îles aux épices et la maîtrise de ce commerce par les royaumes
d’Espagne. En seize chapitres, logés au cœur de l’œuvre, Gómara retrace non seulement les épisodes de
cette navigation mais ses implications dans les domaines géopolitiques, scientifiques, et commerciaux. Lui
seul a perçu et articulé les différentes facettes de cette histoire, d’une façon aussi concise que corrosive.
L’audace de l’écrivain et l’ambition de son projet impérial nous ont invité à regarder de plus près un
exemple de cet “arte de historiar”.
Vivre et mourir à bord des navires espagnols au XVIIe siècle. Les hommes de la Carrera de Indias et
du Galion de Manille à travers les Bienes de Difuntos (1598-1717), Delphine Tempère
Ce travail se fonde sur l’étude de 1046 autos de Bienes de Difuntos afin de saisir le fonctionnement social,
culturel et religieux à bord des flottes espagnoles. L’étude de l’Institution des Biens des Défunts, chargée
de rapatrier les héritages et les soldes des gens de mer et des passagers, révèle la genèse d’un État tout
puissant qui étendait son domaine d’action de Séville à Manille. L’analyse des structures du quotidien
examine les spécificités du monde des navigations, reflet et distorsion de la société ibérique. L’étude des
représentations matérielles, religieuses et symboliques de la mort en mer met finalement en lumière la
force des liens qui unissaient la communauté navigante à celle des fidèles restés à terre.

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