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© Fotolia - Sebastian Kaulitzki Dossier Pathologies vasculaires des sportifs Ces étiologies méconnues Introduction 1 Microtraumatologie de l’arcade palmaire ou l’hypothenar hammer syndrom p.12 p.12 Dr Marc Ferrière (Département de cardiologie, CHRU de Montpellier) Endofibrose artérielle induite par l’exercice : un diagnostic difficile p.14 Dr Antoine Bruneau, Pr Pierre Abraham (Centre Régional de Médecine du Sport, Service des explorations fonctionnelles, CHU d’Angers) Syndrome de loge chronique et sport : une entité encore mal connue p.17 Pr Pierre Rochcongar (Unité de biologie et médecine du sport, CHU de Rennes) 4 Le syndrome du défilé thoraco-brachial : un syndrome rare, parfois trompeur p.20 Dr Marc Ferrière (Département de cardiologie, CHRU de Montpellier) 11 Cardio&Sport l n°26 Dossier Introduction L es artères sont souvent les méconnues ou les oubliées du cardiologue. Hypothenar hammer syndrom, endofibrose artérielle, syndrome de loge chronique, syndrome de la traversée thoraco-brachiale… quézaco ? Allez-vous dire. Pourtant, ce sont des pathologies dans lesquelles le système vasculaire est fortement impliqué directement ou indirectement et qui peuvent limiter sévèrement le sportif dans sa quête de performance. Il nous a donc paru intéressant de demander à des experts de chaque sujet de vous pro- poser le minimum qu’un cardiologue du sport doit connaître dans le domaine. Alors la prochaine fois qu’un cycliste vous dira que son cuissard lui paraît trop serré audelà d’une certaine intensité d’effort vous saurez ce que cela peut cacher… Microtraumatologie de l’arcade palmaire ou l’hypothenar hammer syndrom Dr Marc Ferrière (Département de cardiologie, CHRU de Montpellier) D et du hockey. > Diagnostic Un overuse peut en être la seule cause, L’âge moyen de survenue est de 40 ans mais une variante anatomique est avec une prédominance masculine. Les souvent présente. La portion, longue symptômes sont très variables, et peu- de 2 cm, de l’artère ulnaire quand elle vent aller de l’absence totale jusqu’à la franchit le canal de Guyon pour former gangrène ischémique des doigts ! L’at- l’arcade palmaire superficielle, avant de teinte est unilatérale du côté dominant. pénétrer l’aponévrose palmaire, est une L’ischémie des doigts se manifeste par > Physiopathologie et épidémiologie zone exposée au traumatisme. Cette ar- des modifications de leur coloration avec tère assure le principal apport sanguin blanchiment ou coloration cyanosée des Le syndrome est lié à des traumatismes pour la plupart des doigts. Sa jonction 2e, 3e ou 4e doigts. A l’inverse du phéno- répétés de la portion palmaire de l’ar- avec l’artère radiale est de petit calibre et mène de Raynaud, il n’y a pas de variation tère ulnaire (ex. artère cubitale). Plus ra- chez 37 % des sujets, l’arcade ne provient successive, blanc, bleu puis rouge, de la rement, la lésion survient après un seul que de l’artère cubitale et chez 20 % elle coloration. Le caractère unilatéral s’op- épisode traumatique plus important et est incomplète. La portion hypothénar pose à l’atteinte des connectivites et de la qui peut être passé inaperçu avec gêne de la main est utilisée comme un mar- maladie de Buerger. fonctionnelle inexpliquée et retard théra- teau ou comme prise entre le marteau et Fatigue et douleur surviennent durant peutique. l’enclume et entraîne une compression l’effort ou après une succession d’efforts Il est décrit dans les professions et sports de cette zone non protégée contre les rapprochés, ou en fin d’effort, n’altérant avec chocs fréquents sur cette région structures osseuses adjacentes. Le trau- pas l’efficacité sportive d’un geste unique anatomique comme chez les carrossiers, matisme de l’intima entraîne une hy- mais diminuant les performances des les utilisateurs de marteaux-piqueurs perplasie avec possible vasospasme, sté- gestes répétés ou les interrompant. Une ou dans les sports comme le base-ball, nose, ou thrombose. Le traumatisme de maladresse des séries de gestes avec im- le handball et le volley-ball. Il a été plus la média entraîne rupture, anévrysme, pact hypothénarien peut aussi être ob- sporadiquement décrit lors de la pra- thrombose et embolies distales digi- servée. tique du golf, du tennis, du mountain tales. Enfin, le traumatisme touche aussi La recherche d’anomalies au niveau de bike, de l’haltérophilie, du karaté, du les nerfs, muscles et articulations situés l’artère sous-clavière et de l’arche aor- badminton, de certains types de danses dans cette zone complétant le syndrome. tique est indispensable. écrits par Cohn en 1970 sous le nom d’hypothenar hammer syndrom, les microtraumatismes vasculaires atteignant l’arcade palmaire profonde constituent un syndrome rare. Cardio&Sport l n°26 12 Le test d’Allen La positivité du test d’Allen (voir en- Le patient est assis, les mains posés paumes vers le haut sur les genoux. On comprime cadré) est un élément important du simultanément avec les 2 pouces, l’artère radiale et l’artère ulnaire. Après quelques diagnostic. Cependant si 86 % des mi- rapides mouvements limités des doigts, la main change de coloration et paraît exsan- cro-angiopathies de l’arcade palmaire gue. Si le test est normal, la levée de la compression ulnaire, s’accompagne en moins de ont un test d’Allen positif, celui-ci est 5 secondes d’un retour à une coloration normale de l’ensemble de la main et des doigts. rapporté comme anormal chez 22 % Cela atteste d’une la perméabilité de l’arcade palmaire superficielle En cas de non reco- des sujets normaux. D’autres tests sont loration dans ce délai, le test est positif et évoque à une occlusion, une sténose ou un parfois utiles comme la thermographie, développement incomplet de l’arcade palmaire superficielle ou de l’artère ulnaire distale. le test au froid, la pléthysmographie. Le Doppler peut être intéressant mais il nécessite l’utilisation d’une “sonde crayon”, bolyse locale a été proposée en fonction pression nerveuse à effet antalgique, une bonne expérience de l’opérateur et de constatations locales particulières. une résection d’anévrysme ou de zones une immobilité totale du patient. L’exposition au froid doit être évitée et le occluses avec reconstruction anastomo- L’angioscanner ou l’IRM ont été propo- port de gants ou d’autres protections est tique veineuse de l’arcade. Ces gestes sés pour analyser l’anatomie de l’arcade conseillé si elles sont autorisées. sont en règle associés à une sympathec- palmaire, mais aussi ses rapports avec les Sous traitement ou après interruption tomie péri-artérielle. Dans ces formes structures osseuses, muscles accessoires, du sport incriminé, l’évolution est en invalidantes les taux de normalisation ossifications, éventuelles fractures… général favorable dans les formes sans sont bons et parfois une reprise du sport L’angiographie reste le gold standard. ischémie permanente ou troubles tro- incriminé est possible. Elle peut montrer de manière plus ou phiques. La reperméation survient en moins associée, un aspect typique en quelques semaines et dans la plupart des tire-bouchon de l’artère ulnaire, des cas, les patients peuvent poursuivre ou > Conclusion anévrysmes, une occlusion, au contact reprendre le sport. La nécessité d’arrêt Le plus souvent une ischémie des doigts osseux, à la sortie du canal de Guyon, définitif du sport causal est exceptionnel. a pour origine une maladie générale qu’il des artères digitales dans le territoire de De nombreux sportifs avec des signes faut éliminer. L’origine “sportive”, trauma- distribution de l’artère ulnaire, et/ou la frustres poursuivent leur activité sans tique, ne dit être retenue qu’en deuxième présence d’embolies distales dans les traitement : il est nécessaire d’explorer intention. La prise en charge sera adaptée artères digitales. Elle élimine aussi une ces jeunes sportifs pour éliminer une à chaque cas particulier ; la poursuite de atteinte de l’arc aortique ou de l’artère maladie générale ou de l’arc aortique et l’activité sportive responsable dépend de sous-clavière. pour prendre des mesures protectives. l’importance et de l’évolution des symp- Dans les cas les plus sévères, ischémies tômes, de la possibilité de protection digitales significatives, douleur handi- contre les traumatismes répétés, et parfois > Traitement capantes, un traitement chirurgical peut aussi de la possibilité de reconstruction Chez le sportif, la rareté des formes sé- être proposé. Il consiste en une décom- vasculaire. n vères fait qu’il n’y a pas de consensus, mais des réponses thérapeutiques individuelles adaptées à chaque cas par- Pour en savoir plus ticulier. Dans tous les cas l’arrêt d’un • Ablett CT, Hackett LA, Cohn S. Clin Med Res 2008 ; 6 : 3-8. tabagisme éventuel même minime est • Vayssairat M, Debure C, Cormier JM et al. 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Une throm- 13 Cardio&Sport l n°26 Dossier Pathologies vasculaires des sportifs Dossier Pathologies vasculaires des sportifs Endofibrose artérielle induite par l’exercice Un diagnostic difficile Dr Antoine Bruneau, Pr Pierre Abraham (Centre Régional de Médecine du Sport, Service des explorations fonctionnelles, CHU d’Angers) L’ endofibrose est une pathologie artérielle du sportif de haut niveau. Elle touche donc préférentiellement l’homme jeune sans facteurs de risque cardiovasculaire (1-5) bien que les femmes puissent en souffrir (6-8). La plupart des observations rapportées le sont chez le cycliste, mais les triathlètes, marcheurs (5, 6), marathoniens (9-11), et footballeurs (12) peuvent également être atteints. longueur de 5 à 6 cm (Fig. 1) (3). Les artères iliaque externe droite, iliaques communes, fémorales profondes et quadricipitales peuvent être le siège de lésions du même type (4). Un allongement et une tendance à la plicature de l’AIEG sont fréquemment observés (3, Figure 1 - Coupe histologique d’endo- 16). Un cas d’ischémie aiguë par dissec- fibrosectomie. Hyperplasie intimale (I). tion artérielle sur lésion d’endofibrose a Limitante élastique interne (flèches). été rapporté chez un cycliste d’une quarantaine d’années (17). Les mécanismes calculé au décours immédiat (1 minute) étiopathogéniques évoqués sont la pli- d’un test d’effort triangulaire symptôme- cature répétée de l’AIEG en position limité (9, 19, 20). Au décours du test, il est de flexion de hanche (position d’effort indispensable que les mesures de pression > Signes cliniques sur un vélo) et les contraintes hémody- soient faites aux quatre membres de façon Les plaintes les plus spécifiques sont une namiques répétées lors d’effort à haut simultanée (21). La chute des IPS après un douleur paralysante et/ou une sensation débit cardiaque conduisant à un stress simple test de Ruffier-Dickson est nette- de gonflement de la cuisse (impression pariétal localisé (1-3, 18). ment moins sensible et le test maximal sur de “grosse cuisse” ou de cuissard trop cycloergomètre doit être préféré (22). Les serré), se propageant au reste du membre valeurs à retenir comme critère de norma- inférieur lors d’efforts quasi maximaux > Diagnostic lité restent sujettes à discussion. Si une va- (côtes, sprint, poursuite, contre la Devant des signes fonctionnels évo- leur de 0,65 présente un bon compromis montre) (3, 5, 13, 14) obligeant l’athlète à cateurs la présomption diagnostique sensibilité/spécificité, un IPS inférieur à diminuer voire stopper son effort. est renforcée par l’apparition ou l’am- 0,5 a sans doute une valeur prédictive po- Cette claudication intermittente d’ef- plification d’un souffle auscultatoire sitive presque parfaite. fort résulte d’un infiltrat sténosant en fosse iliaque sur le trajet de l’AIE sous-endothélial de l’intima pauci-cel- (parfois présent au repos et retrouvé L’échographie lulaire avec une distribution variable en flexion de hanche) (3). Mais le dia- Elle retrouve un épaississement pa- en collagène et fibres élastiques (15), gnostic est affirmé sur les données des riétal (Fig. 2), l’hyperéchogénicité de parfois avec atteinte de la média et plus examens complémentaires. la paroi artérielle décrite initialement exceptionnellement de l’adventice (7) (23) nous semble devoir être remise en prédominant sur l’artère iliaque ex- L’index de pression systolique cause car la plupart des lésions appa- terne gauche (AIEG). La lésion se situe En premier lieu, une chute de l’index de raissent iso voire hypoéchogènes. Une à environ 2 cm de sa naissance sur une pression systolique cheville/bras (IPS) (3) rectitude du segment artériel anormal Cardio&Sport l n°26 14 Figure 2 - Echographie d‘artère iliaque externe gauche. Epaississement Figure 3 - Artériographie avec rétrécissement localisé du intimal hyperéchogène caractéristique d’une lésion d‘endofibrose. calibre artériel de l’iliaque externe gauche. et un rétrécissement modéré du dia- des bourgeonnements de l’intima sur les mètre du segment proximal ou médial sutures vasculaires sont parfois observés. de l’artère iliaque atteinte sont parfois Le taux de réinterventions iliaques serait observés (23). L’écho-Doppler couleur de l’ordre de 5 %. réalisé hanche fléchie peut montrer des pics de vitesse systolique élevés en resinuosités artérielles (16). > Prévalence de l’endofibrose La mesure des IPS post-effort maximal et L’endofibrose est actuellement certaine- l’écho-Doppler restent les examens non ment sous-estimée (26, 27). Sa prévalence Figure 4 - Artériographie réalisée en flexion invasifs utiles au diagnostic (23, 24). dans la population sportive reste totale- de hanche gauche. Plicature artérielle de ment inconnue. Cela tient sans doute à l’iliaque externe gauche. gard des lésions intravasculaires et des L’artériographie la fois de la méconnaissance de cette af- Pratiquée sous incidences et positions fection par les praticiens et des difficultés de seconde entraînant par la suite un jet multiples (Fig. 3 et 4), elle peut montrer techniques inhérentes à son diagnostic sanguin intra-artériel. Il génère une véri- une sténose longue modérée associée (27). Pourtant des discussions informelles table agression hémodynamique au niveau parfois à un allongement artériel (3, 5, avec des entraîneurs d’équipes cyclistes de l’intima laquelle répond à ce trauma- 15). Elle reste un argument diagnostique de haut niveau font état d’une prévalence tisme en synthétisant un tissu réactionnel fort et nécessaire en pré-interventionnel. qui pourrait être aussi élevée que 30 %. similaire à une hyperplasie myo-intimale. On parle de phénomène de “jet-lésion”. L’hypothèse mécanique est basée sur le fait que lors des mouvements de flexion/ L’angioplastie percutanée par dilatation > Hypothèses physiopathologiques au ballonnet, même si elle améliore la Les physiopathologiques existe une déformation physiologique symptomatologie à court terme n’est pas conduisant à l’endofibrose restent des hy- de la portion mobile de l’artère iliaque recommandée (10, 25). Un stent endo- pothèses (1-3, 18). Ces hypothèses étiopa- externe. Il apparaît alors une flexuosité luminal est parfois placé (8) sans que les thogéniques les plus anciennes proposées de l’axe iliaque externe, voire même une résultats à long terme ne soient encore dans la littérature sont hémodynamique, plicature. Lorsque les mouvements de évalués. La chirurgie de référence est mécanique, anatomique (1-3, 16, 18). flexion/extension sont répétés quotidien- l’endofibrosectomie avec ou sans angio- La première avance que l’hyper-débit san- nement au fil des entraînements et avec plastie d’élargissement par patch veineux guin et l’hyper-pression artérielle qui exis- une grande amplitude, l’artère s’allonge saphène associée dans certains cas à un tent lors de l’effort, produisent un stress et présente progressivement un aspect de raccourcissement de l’AIE. Elle permet le artériel pariétal considérable accentué dans courbure ce qui accentue ce phénomène. retour à un niveau de compétition anté- les courbures de l’artère et majoré en cas C’est la théorie dite du “haubanage”. Ces rieur en quelques mois dans la plupart des de courbure artérielle prononcée. Au maxi- grandes courbures expliquent l’appari- cas (3-5, 14). Quelques récidives de lésions mum cette plicature artérielle peut inter- tion de forces de cisaillement sur la pa- d’endofibrose jouxtant la zone opérée ou rompre le flux sanguin artériel une fraction roi artérielle, qui sont accentuées par les > Traitement mécanismes 15 extension de la cuisse sur le bassin, il Cardio&Sport l n°26 Dossier Pathologies vasculaires des sportifs Dossier Pathologies vasculaires des sportifs fortes contraintes hémodynamiques gé- Chez les sportifs plus âgés (40 à 50 ans) mateuses modérées (banales dans cette nérées lors de l’effort. les claudications vasculaires d’effort tranche d’âge) mais révélées précoce- Enfin l’hypothèse anatomique est fon- maximal sont sans doute fréquentes et ment du fait de l’activité sportive des dée sur l’existence d’une, deux voire trois sous diagnostiquées. Dans ce cas elles sujets. branches collatérales, issues du muscle sont en rapport avec des lésions athéro- n psoas et naissant à 2 ou 3 cm de l’origine de l’AIE (1, 2) La présence de ces collatérales, nettement plus développées chez les cyclistes qui présentent une hypertrophie du muscle psoas particulièrement sollicité lors du pédalage, fixe le premier segment de l’AIE sur le muscle psoas lors de la flexion de la cuisse sur le bassin. La portion mobile et la flexuosité de l’AIE seront d’autant plus réduites. Cette disposition anatomique accentue les phénomènes de plicature sur la courte portion mobile de l’AIE. Par ailleurs, l’AIE peut être repliée et compressée au cours des mouvements de pédalage à cause de l’hypertrophie du muscle psoas. Conceptuellement, l’endofibrose peut être envisagée comme un remodelage artériel inadéquat (4). Dans des maladies vasculaires plus répandues comme l’athérosclérose, de nombreuses études se sont déjà intéressées au phénomène de remodelage vasculaire et aux processus sous-jacents (shear stress, pressure stress). Plusieurs facteurs à l’origine d’un remodelage vasculaire inadéquat ont été identifiés (homocystéïnurie, stress oxydatif, fonction endothéliale, surentraînement). Ils pourraient être tout à fait impliqués dans la genèse de l’endofibrose. > Conclusion L’endofibrose reste un diagnostic difficile même au sein d’équipes expérimentées. Il s’agit d’une claudication vasculaire typique, mais n’apparaissant que lorsque le débit intra-vasculaire est élevé en raison du caractère modéré des sténoses artérielles concernées. Cette pathologie du sportif de haut niveau touche les sportifs d’endurance dans la majorité des cas avant l’âge de 30 ans. Cardio&Sport l n°26 Bibliographie 1. Walder J, Mosimann F, Van Melle G, Mosimann R. Iliac endofibrosis in 2 cycling racers. 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Toutes les loges musculaires peuvent La physiopathologie de ces syndromes être concernées. Toutefois, les locali- est encore à ce jour discutée. L’hypo- sations les plus fréquentes concernent thèse la plus souvent avancée est celle les loges antérolatérales de jambe, la de l’inadéquation entre le contenant loge antérieure de l’avant-bras et, à (la loge et l’aponévrose) et le contenu un moindre degré, la loge profonde de (le muscle lui-même). Les muscles sont jambe. D’autres cas plus anecdotiques en effet susceptibles de s’hypertrophier ont été décrits au niveau de la main, de grâce à l’exercice musculaire lui-même, la voûte plantaire, des muscles para- associé ou non à des programmes de vertébraux ou des muscles de la cuisse. musculation. On peut rapprocher de Le type de pratique sportive est fonda- ce tableau, l’existence d’un muscle mental à rechercher. La course à pied surnuméraire. Par ailleurs, et de façon ou la marche intensive prolongée sont physiologique, l’exercice musculaire responsables des syndromes de loges entraîne une augmentation transitoire de jambes. La pratique de sports col- de l’eau intracellulaire et donc une aug- lectifs peut être aussi révélatrice mais mentation du volume et des pressions le plus souvent encore bien supportée dans la loge. Toutefois, des travaux de alors que les footings sont déjà impos- recherche doivent être poursuivis pour sibles. Ceci s’explique par le caractère mieux comprendre ces mécanismes intermittent de ces exercices. Les sports et progresser dans la prévention, voire > Introduction comme le cyclisme ou la natation ne aussi pour proposer d’autres thérapeu- Les syndromes de loges chroniques, à sont pas responsables de ce syndrome. tiques adaptées. l’inverse des syndromes de loges aigus, Au niveau des membres supérieurs, on sont avant tout révélés par la pratique retrouve comme étiologie principale la sportive. Ils surviennent chez des su- moto tout terrain et la planche à voile. A > Diagnostic jets ayant déjà une pratique ancienne un degré moindre, ces syndromes peu- Il est avant tout clinique. Le diagnostic et régulière. Le diagnostic évoqué clini- vent être retrouvés chez les spécialistes doit être systématiquement évoqué de- quement doit être confirmé par la me- de musculation et de sports nautiques vant un tableau de douleurs localisées sure des pressions intramusculaires, comme l’aviron et le canoë-kayak. (décrites le plus souvent sous l’aspect dans les circonstances d’apparition de Il s’agit d’une pathologie de l’adulte de tension dans la loge), très souvent la douleur, et conduit le plus souvent à jeune, et elle concerne avant tout les symétriques, déclenchées par un exer- une prise en charge chirurgicale. hommes, sans toutefois que les femmes cice d’intensité donnée et apparaissant es syndromes de loges chroniques doivent faire partie des hypothèses diagnostiques systématiquement évoquées devant toute douleur localisée, révélée par l’exercice physique. Le type de sport, la notion de douleurs symétriques disparaissant en quelques minutes à l’arrêt de l’exercice et réapparaissant à l’effort, la constatation de hernies musculaires, doivent faire envisager le diagnostic, confirmé par la mesure des pressions intramusculaires. Le seul traitement à ce jour efficace, en dehors de la suppression du geste nocif étant la prise en charge chirurgicale. 17 Cardio&Sport l n°26 Dossier Pathologies vasculaires des sportifs Dossier Pathologies vasculaires des sportifs progressivement pour des exercices de moins en moins intenses. La constatation de hernie musculaire après effort a quasiment valeur pathognomonique dans ce contexte (Fig. 1). D’autres signes associés sont fréquemment retrouvés, à savoir la notion de fourmillements principalement au membre supérieur, voire de faiblesse musculaire passagère. Par ailleurs, la symptomatologie disparaît habituellement en 10 à 15 minutes, à l’arrêt de l’exercice. Les signes persistent rarement dans les heures qui suivent et, en tout état de cause, sont le plus souvent exprimés sous la forme Figure 1 - Hernies musculaires post-effort dans un contexte de syndrome de loge chro- d’une simple gêne. nique antérolatéral de jambe. Chez un sportif, le syndrome de loges membres supérieurs ou d’un piège po- du bras et des loges antérolatérales de doit être différencié du syndrome ca- plité aux membres inférieurs pour ne jambe est techniquement facile, au- nalaire d’effort (le plus souvent unila- citer que les causes les plus fréquentes. tant la mesure dans la loge profonde de téral avec des douleurs disparaissant jambe est plus difficile, de par sa situa- en quelques heures ou jours et associé La confirmation du diagnostic néces- tion anatomique, nécessitant un abord parfois à une recrudescence nocturne), site la mesure des pressions intramus- rétro-tibial par voie postérieure. d’une fracture de fatigue (douleur plus culaires (PIM) dans les circonstances localisée apparue brutalement, le plus d’apparition de la douleur (les autres Les mesures doivent être réalisées en souvent unilatérale, disparaissant au examens types IRM, scintigraphie au décubitus dorsal. Au repos elles sont le repos et réapparaissant pour des exer- thallium n’ont pas encore à ce jour réel- plus souvent normales et inférieures à cices de moins en moins intenses) lement fait leur preuve). Les mesures 15 mmHg. En ce qui concerne les loges voire d’une maladie musculaire de type sont habituellement réalisées grâce antérolatérales de jambe, immédiate- glycogénose (douleurs symétriques à un moniteur de pressions de type ment à l’arrêt de l’exercice, les valeurs concernant plusieurs groupes mus- Striker et exprimées en millimètres sont considérées comme patholo- culaires et ne disparaissant qu’après de mercure. Les tests réalisés aux giques au-delà de 25 à 30 mmHg (nous plusieurs heures ou plu- membres supérieurs avons pu noter des chiffres supérieurs sieurs jours) (1). nécessitent la répéti- à 100 mmHg chez certains patients). tion de mouvements En ce qui concerne la loge postérieure de flexion des doigts et/ de jambe les valeurs supérieures à ou du poignet (appareil 20 mmHg sont fortement suspectes, de musculation, gon- surtout si celles-ci restent élevées plus (les syndromes de loges flement d’un brassard, de 15 minutes après l’exercice (il ne faut chroniques et les pièges exercices suspen- donc pas, dans le doute, hésiter à renou- vasculaires peuvent d’ailleurs être as- sion…). Au niveau du membre infé- veler la mesure). Pour la loge antérieure sociés) (2). C’est dire l’importance de rieur, nous réalisons des tests de course du bras, les valeurs de repos sont sou- l’examen clinique minutieux associé sur tapis roulant avec une pente de vent inférieures à 10 mmHg, et on peut à des examens complémentaires (en 4 à 5 % pour favoriser le travail des rele- considérer comme pathologique des premier lieu Doppler artériel dyna- veurs du pied notamment, en adaptant chiffres supérieurs à 20 mmHg. Il faut mique) à la recherche d’un syndrome la vitesse aux capacités du patient. Au- toutefois signaler qu’il n’existe pas de de la traversée thoraco-brachiale aux tant la mesure des pressions au niveau consensus réel sur ces chiffres. Le diagnostic différentiel le plus difficile concerne la pathologie vasculaire artérielle ou veineuse Cardio&Sport l n°26 ® Chez un sportif, le syndrome de loges doit être différencié du syndrome canalaire d’effort. 18 de Les causes d’échec précoces sont plutôt à expliquer par des diagnostics incomplets. Il faut particulièrement insister sur les syndromes dynamiques d’effort qu’ils soient d’origine artérielle ou neurologique et qui doivent être systématiquement dépistés même quand ils s’expriment à bas bruit. Le syndrome de loge chronique, quand il existe, n’est alors que la conséquence du syndrome dynamique. L’échec thérapeutique est © Maridav - Istock alors quasiment assuré. Plus rarement il s’agit de complications post-chirurgicales limitées dans le temps (hématome secondaire à l’aponévrotomie ou La course à pied ou la marche intensive prolongée sont responsables des syndromes de lésion d’un nerf superficiel, comme le loges de jambes. nerf fibulaire superficiel). > Traitement rés d’un seul côté sont amenés à consul- Les hypothèses actuelles (inadéqua- ter dans les mois ou années qui suivent > Conclusion tion contenant/contenu), l’élévation pour le côté non traité initialement. Le syndrome de loges chroniques du des PIM, justifient l’indication du trai- sportif est une entité encore mal connue tement chirurgical. Il est le seul à avoir Pour toutes les séries publiées, les résul- de beaucoup de praticiens. Il n’est pour- fait la preuve de son efficacité à ce jour tats sont très bons à excellents dans plus tant pas rare, notamment chez les spé- avec le repos et la suppression du geste de 80 % des cas (4). La récidive est excep- cialistes de course à pied, les militaires, toxique (autre alternative thérapeu- tionnelle, et souvent liée à un acte chirur- les motards et les véliplanchistes. Seule tique efficace mais peu envisageable gical incomplet. La reprise du sport se une bonne connaissance du geste spor- chez les sportifs jeunes et motivés). fait en moyenne après le deuxième mois tif responsable, associée à un interroga- Il faut toutefois indiquer que des études et nous avons pu constater des reprises toire de qualité peut conduire à évoquer préliminaires concernant le traitement plus précoces, sans autorisation médi- ce diagnostic qui justifiera dans tous les par toxine botulique, sur des syn- cale, comme la participation à un Paris- cas la mesure de prise de pressions in- dromes de loges chroniques de jambe, Dakar d’un motard, 4 semaines après tramusculaires et, si nécessaire, le traite- antérolatéraux, semblent montrer, à l’intervention, avec un excellent résultat. ment chirurgical. n court et moyen termes des résultats encourageants (3). Le plus souvent, quand le traitement Bibliographie chirurgical est proposé, il s’agit d’une aponévrotomie sous-cutanée large et 1. Rochcongar P. Myalgies et exercices physiques. J Traumatol Sport 2000 ; 17 : plus rarement une aponévrectomie par- 67-71. tielle. Toutes les loges doivent être trai- 2. Feugier P. Pathologie vasculaire. In: Rochcongar P et Monod H, ed. Médecine du tées (antérieures et latérales au niveau de sport pour le praticien. Paris : Masson, 2009 : 347-61. la jambe par exemple). Nous pensons lo- 3. Lecocq J, Isner-Horobeti ME. Treatment of exertional compartment syndrome gique de proposer un traitement bilaté- leg with botulinum toxin A: a first open pilot study. J Rehabil Med 2008 ; 47 : ral, même quand les signes prédominent 111-2. d’un côté et quand les pressions sont 4. Slimmon D, Bennell K et al. Long-term outcome of fasciotomy with partial fas- élevées après l’exercice, ce qui est quasi- ciectomy for chronic exertional compartment syndrome of the lower leg. Am J ment systématique. En effet, dans la plus Sports Med 2002 ; 30 : 581-8. grande majorité des cas, les patients opé- 19 Cardio&Sport l n°26 Dossier Pathologies vasculaires des sportifs Dossier Pathologies vasculaires des sportifs d Le syndrome du défilé thoraco-brachial Un syndrome rare, parfois trompeur Dr Marc Ferrière (Département de cardiologie, CHRU de Montpellier) L e syndrome du défilé thoraco-brachial, le thoracic outlet syndrom, le syndrome de la pince costo-claviculaire, le syndrome de Paget-Schroetter, correspondent à une seule et même pathologie. breuses. Elévation de la première côte, Les signes neurologiques concernent abaissement du thorax, hypertrophie plus les femmes. Les plus fréquents musculaire, traumatismes répétés de sont des douleurs de la région sca- cette zone et variantes anatomiques lèsent les éléments vasculonerveux de cette zone. L’atteinte qui est globalement rare est plus fré- pulaire, cervicale, des L’incidence du syndrome du défilé thoraco-brachial est estimée de 3 à 80 pour 1000 personnes. épaules et/ou de la partie haute des bras. Il peut s’y ajouter des paresthésies des mains, territoires médian ou > Physiopathologie quente dans les sports Le syndrome du défilé thoraco-bra- qui hypertrophient les chial correspond à la compression muscles de cette région, anatomique du paquet vasculo-ner- accentuant des troubles de la statique douleurs peuvent être révélées par l’ef- veux dans son passage cervico-thora- de l’épaule et parfois majorée par les sé- fort et mimer l’angine de poitrine. Les cique. Selon le lieu exact de compres- quelles d’un traumatisme local. données électrocardiographiques de sion et les variations anatomiques, L’incidence du syndrome du défilé tho- repos et d’effort normales éliminent morphologiques raco-brachial est estimée de 3 à 80 pour tout doute. Une fatigabilité d’effort est des éléments de cette région, son 1 000 personnes. présente dans moins de 10 % des cas. expression clinique est variable, ner- L’atteinte est parfois bilatérale, mais Des cervicalgies parfois positionnelles veuse, artérielle ou veineuse domi- alors asymétrique. sont fréquentes. et fonctionnelles cubital, ou une atrophie des muscles latéraux de l’éminence thénar. Ces nante ou isolée. Les signes vasculaires, froideur des Trois triangles anatomiques sont le lieu de possibles compressions. Il s’agit du > Diagnostic extrémités, distaux, triangle inter-scalénique, entre les sca- disparition des pouls phénomène de Raynaud lènes et la partie moyenne de la pre- Les signes neurologiques unilatéral, traduisent l’atteinte arté- mière côte, du triangle costo-clavicu- Les signes cliniques sont neurolo- rielle. Œdème, cyanose du bras ou laire, entre le tiers moyen de la clavicule giques, sensitifs ou moteurs, artériels de l’épaule et circulation collatérale et la partie haute de la première côte ischémiques ou emboliques, veineux veineuse de l’épaule ou de la poitrine, et de l’omoplate, et enfin du triangle à type de thrombose. Les signes neu- traduisent la compression veineuse. constitué par le petit pectoral et l’apo- rologiques sont souvent isolés ou as- Le syndrome de Paget-Schroetter ou physe coracoïde. L’espace est aussi sociés de manière discrète aux mani- phlébite d’effort du membre supé- fréquemment rétréci par une côte cer- festations artérielles ou veineuses qui rieur correspond à la thrombose aiguë vicale, une anomalie d’implantation sont habituellement distinctes l’une de la veine sous-clavière et doit être des muscles scalènes ou des bandes fi- de l’autre. reconnu et traité très vite pour obtenir Cardio&Sport l n°26 20 associant plus ou moins une rotation et irradiant le plus souvent sur le tra- une abduction, comme lors de l’éléva- jet du nerf cubital ou du médian. Les tion progressive du bras et/ou lors de manœuvres dynamiques consistent gestes répétés de force avec lever. On en 10 à 50 mouvements du bras et retrouve souvent un traumatisme local de l’avant-bras. Elles sont positives si peu de temps avant l’apparition des elles déclenchent symptômes ou de- premiers symptômes. viennent impossibles. La manœuvre du “chandelier” se fait en abduction à Les signes “sportifs” 90° avec légère rétropulsion de l’épaule Sur le plan sportif, les signes vont de la les mains tournées vers l’extérieur. La simple gêne aux complications sévères manœuvre de Wright se fait en hype- entraînant impotence, séquelles et ar- rabduction à 180°. La manœuvre de rêt de l’activité sportive en cause. Tous East se fait en abduction à 90° et rota- les sports répétitifs, violents ou asso- tion externe. ciés à un traumatisme et fermant un L’imagerie peuvent entraîner une atteinte neu- L’électromyogramme avec mesure de la rologique ou artérielle ou veineuse le vitesse de conduction nerveuse (VCN) plus souvent chronique. Les sportifs le est un élément important du diagnos- plus souvent concernés sont le pitcher tic : c’est un élément fondamental dans du baseball, le volleyeur, le basketteur, les formes neurologiques et artérielles le skieur-randonneur avec port de mais aussi dans les formes d’occlusion ski sur l’épaule au froid. La survenue veineuse où il ne doit cependant pas est sporadique dans ces sports, mais retarder diagnostic et traitement. Une certaines fédérations, comme celle VCN inférieure à 85 m/s dans le terri- de volley-ball en France, conseillent toire du cubital ou du médian dans la systématiquement de la kinésithéra- traversée du défilé affirme le diagnostic Tous les sports fermant un des triangles pie spécifique à tous les joueurs, pour et une VCN inférieure à 60 m/s oriente anatomiques incriminés peuvent entraîner élargir le défilé. d’emblée les formes neurologiques © Stocklib - Benis Arapovic des triangles anatomiques incriminés vers une approche décompressive une atteinte neurologique ou artérielle ou L’examen physique chirurgicale. L’examen physique va s’appuyer sur La radiographie cervicale et du thorax des manœuvres diagnostiques, sta- est indispensable à la recherche d’une une guérison sans séquelles. En de- tiques ou dynamiques, variées et non malformation et/ou de la séquelle d’un hors des exceptionnelles thromboses spécifiques. La manœuvre d’Adson as- traumatisme local, ou d’une étiologie artérielles ou veineuses aiguës plus socie extension du cou-rotation de la autre, cervicopathie, pathologie tumo- fréquentes, la symptomatologie trom- tête du côté à examiner et inspiration rale… peuse et insidieuse retarde souvent le forcée. Le diagnostic est positif si une Le Doppler vasculaire positionnel ou diagnostic. disparition du pouls radial homolaté- dynamique, le scanner ou l’IRM sont ral est observée. La manœuvre d’Eden utiles et la phlébographie est le pre- Les signes cliniques mixtes, position- associe la position du garde à vous en mier temps de la thrombolyse dans la nels et transitoires, associent au niveau inspiration forcée qui doit entraîner thrombose aiguë de la veine sous-cla- d’un bras des douleurs, des tremble- une disparition du pouls artériel. La vière. ments, une sudation inappropriée, une pression douce pendant 10 secondes Les principaux diagnostics différen- décoloration et/ou une impression de du creux sus-claviculaire, en position tiels sont la sclérose en plaques, la fi- froideur localisée. Ils surviennent lors assise, bras et épaule en légère an- bromyalgie, les vascularites, le phéno- des mouvements du membre supérieur té-pulsion, entraîne des paresthésies mène de Raynaud. veineuse le plus souvent chronique. 21 Cardio&Sport l n°26 Dossier Pathologies vasculaires des sportifs Dossier Pathologies vasculaires des sportifs > Traitement La thrombolyse gestes de décompression, résection La diversité des thérapeutiques sou- La thrombolyse est le premier geste de la d’anévrysme, et/ou reconstruction avec ligne l’intérêt d’une approche multidis- thrombose veineuse aiguë, faite par voie pontage. Dans les formes neurologiques ciplinaire. locale, elle ne doit pas être retardée par peu sévères (75 % des cas), la kinésithé- une anticoagulation. Elle précède une rapie est indiquée. La chirurgie décom- La kinésithérapie chirurgie de décompression qui doit se pressive associée à une thrombolyse et/ La kinésithérapie est surtout le traite- faire dans les délais les plus courts qui ou une neurolyse est indiquée dans les ment des formes neurologiques peu conditionnent le résultat fonctionnel. autres cas ou dans les récidives. La sym- sévères. Les muscles “ouvreurs” du Elle sera suivie ou non d’anticoagula- pathectomie dorsale a des indications défilé sont le trapèze, l’angulaire, le tion sur une courte période. particulières. Dans la forme angineuse, la kinésithérapie et parfois la décom- sterno-cléido-mastoïdien, le rhomboïde et le grand dentelé. Les muscles La sympathectomie “obturateurs” sont les scalènes an- La sympathectomie dorsale est contre- térieur et moyen, le sous-clavier, le indiquée dans les formes veineuses. petit et le grand pectoral et le grand Elle est indiquée dans les formes récidi- > Conclusion dorsal. Une ouverture et la libération vantes, les formes hyperalgiques, l’hy- Le syndrome du défilé thoraco-bra- des scalènes est obtenue en quelques perhydrose, le phénomène de Raynaud. chial est rare. Il peut entraîner l’arrêt séances par technique d’inhibition pression sont souvent efficaces. définitif de l’activité. Parfois trompeur Les indications varient selon les formes son diagnostic peut être très difficile. ration sensorielle. La deuxième phase qui est plus longue a pour but d’une Dans le syndrome de Paget-Schroetter qui réclame un diagnostic rapide et part une rééquilibration posturale par la séquence thrombolyse locale-décom- un traitement urgent a aujourd’hui un abaissement des épaules et de la res- pression doit être la plus rapide possible. pronostic fonctionnel très favorable piration en privilégiant la respiration Dans les formes artérielles la chirurgie avec la séquence thrombolyse locale et abdomino-diaphragmatique qui n’hy- non mutilante se développe pour les décompression quasi immédiate. des muscles hypertrophiés et amélio- La forme avec phlébite d’effort grave n pertrophie pas les scalènes, et d’autre part un changement des gestes et de la position pendant le sommeil. Pour en savoir plus La chirurgie de décompression 1. Huguenin P, Ferry MF, Petry D, Goepfert P. La masso-kinésithérapie des syn- La chirurgie de décompression par dromes de la traversée cervico-thoraco-brachiale. Rev Readap Fonct Prof Soc 1994 ; voie transaxillaire, infra ou supra- 21 : 56-66. claviculaire selon le siège de la com- 2. Melby SJ, Vedantham S, Narra VR et al. Comprehensive surgical management pression, associée à une neurolyse of the competitive athletes with effort thrombosis of the subclavian vein (Paget- périvasculaire, résection de la pre- Schroetter syndrome). J Vasc Surgery 2008 ; 47 : 809-20. mière côte, libération des ligaments 3. Nichols AW. Diagnosis and management of thoracic outlet syndrome. Current aberrants, est proposée dans les Sports Med Rep 2009 ; 8 : 240-9. formes neurologiques sévères. Une 4. Rochkind S, Shemesh M, Patish H et al. Thoracic outlet syndrome, a multidisci- chirurgie mini-invasive sans résec- plinary problem with microsurgical management without rib resection. Acta Neu- tion de la première côte est proposée rochir 2007 ; 100 : 145-7. avec succès par certaines équipes. 5. Stapleton C, Herrington L, George K. Sonographic evaluations of the subclavian Une chirurgie vasculaire reconstruc- artery during thoracic shoulder manœuvres. Man Ther 2009 ; 14 : 19-27. tive est parfois nécessaire, avec pon- 6. Watson LA, Pizzari T, Balster S. Thoracic outlet syndrome part 1: clinical manifes- tage veineux en cas de thrombose tations. Man Ther 2009 ; 14 : 586-95. veineuse sous-clavière aiguë ou an- 7. Urschel H, Kourlis H. Thoracic outlet syndrome, a 50-year experience at Baylor cienne, pontage artériel et/ou résec- University Medical Center. Proc Baylor Univ Cent 2007 ; 20 : 125-35. tion d’anévrysme. Cardio&Sport l n°26 22