Le plomb reste un souci de poids
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Le plomb reste un souci de poids
entreprise santé Pollution métallique Le plomb reste un souci de poids En dépit des évolutions techniques, la pollution au plomb dans les ateliers de réparation de radiateurs automobiles n’est pas totalement maîtrisée. La mise en œuvre de mesures d’assainissement et d’une véritable politique de l’hygiène est indispensable. Une réalité bien prise en compte par Martinage radiateurs, petite entreprise artisanale du secteur. entre le faisceau et le boîtier. Avec l’arrivée des boîtiers en aluminium, un simple clipsage remplace maintenant le soudage. « À l’apparition de ces nouveaux boîtiers, nous nous sonmmes interrogés sur l’exposition du personnel aux métaux et plus particulière ment au plomb lors des activi U n atelier d’artisan à l’ancienne, comme il en existe beaucoup. Martinage radiateurs, entreprise créée en 1958 et rachetée par Marie-Paule et Marc Graine en 1996, a pour spécialité la réparation et la vente de radiateurs en provenance de véhicules légers, de poids lourds et d’engins agricoles. À Beaumetz-les-Loges (Pasde-Calais), l’établissement emploie six salariés. « En vingt ans, nous nous sommes débar rassés des peintures polluantes et des produits de nettoyage les plus toxiques. Notre travail en étroite collaboration avec la CRAM nous a permis de chasser des ateliers les cancéro gènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR), affirme Marie-Paule Graine. Aujourd’hui, la pollution ne peut venir que de la compo sition même du radiateur. » Une fierté pour cet artisan, qui, à travers son action, entend démontrer que tradition et prévention ne sont pas antinomiques. Au fil des années, l’atelier s’est adapté aux évolutions des produits. Sur les anciens radiateurs, un alliage étain-plomb était utilisé pour réaliser des soudures et établir la liaison 40 Travail & Sécurité – Juin 2009 tés de réparation de radiateurs. Nous avons donc cherché à déterminer si un risque subsis tait », explique Philippe Pusch, contrôleur de sécurité au laboratoire d’évaluation des risques professionnels (LERP) de la CRAM Nord-Picardie. D’autant que nombre d’anciens boîtiers sont encore en circulation. © Yves Cousson/INRS Captage à la source Sept entreprises réalisant des interventions de maintenance sur ces équipements, parmi lesquelles Martinage radiateurs, ont été approchées pour mettre en place une étude réalisée dans le cadre de l’action CMR menée conjointement par le LERP et la Direction régionale du travail (cf. encadré). L’analyse des prélèvements d’atmosphère a fait apparaître la présence d’aérosols dans l’air, avec, d’une manière générale, des concentrations plus élevées pour les mesures individuelles, sans dépassement des valeurs limites de moyenne d’exposition (VME). Dans le cas de Martinage radiateurs, les concentrations en plomb mesurées étaient inférieures à un dixième de la VME de 1 mg/m3. L’assainissement des différents postes de travail est en effet assuré par des dispositifs de captage des polluants à la source : cabines à ventilation horizontale pour le démontage et le soudage par brasage (avec une extraction Martinage radiateurs fait partie des sept entreprises étudiées dans le cadre de l’action CMR. Avec, d’une part, trois cabines à ventilation horizontale… © Yves Cousson/INRS … et, d’autre part, un bras articulé mobile aspirant, les concentrations au plomb dans cette entreprise sont inférieures à la VME. d’air de 6 000 m3/heure dans chaque cabine), bras articulé mobile aspirant placé au plus près de l’émission de polluants pour le secteur réparation des éléments en aluminium. En revanche, dans d’autres entreprises, les dispositifs de captage se sont parfois révélés insuffisants. Les prélèvements en surface ont par ailleurs mis en évidence la présence de poussières métalliques à différents endroits. « Certains résultats préoccupants ont été enregistrés aux postes de tra vail, mais aussi dans les locaux annexes, témoignant d’une Pour en savoir plus Brochure INRS • ED 752. Réparation des radiateurs. Téléchargeables sur : www.inrs.fr. forte dissémination des pous sières métalliques et en particu lier du plomb », insiste Philippe Pusch. Un maître mot : l’hygiène Pour éviter ce phénomène de dépôt, Martinage radiateurs a instauré une politique draconienne en matière d’hygiène. « Il faut une rigueur de tous les jours pour ne pas se lais ser déborder par la saleté et la pollution : c’est valable autant pour les locaux de travail que pour les locaux annexes. Et, dans nos métiers, ce n’est pas encore entré dans les mœurs », témoigne Marie-Paule Graine. Outre les mesures classiques d’assainissement par aspiration au poste de travail, l’entreprise a mis en place un nettoyage annuel complet de l’atelier et un nettoyage hebdomadaire des postes de travail et des locaux annexes (salles de repos et de restauration). « Tout le monde y participe, affirme Jean-Baptiste Duplouy, un opérateur. Dans l’atelier, on ne mange pas, on ne fume pas. Et aucun vêtement de travail ne sort, c’est la règle. » Pour réparer un radiateur, il faut être équipé de chaussures de sécurité, d’une combinaison de travail, de lunettes de protection et de gants jetables en vinyle, associés à des gants à manchette enduits de PVC. Les salariés disposent de deux armoires vestiaires individuelles destinées respectivement aux vêtements de travail et aux vêtements de ville. de faisceaux. Aujourd’hui, on est arrivé à 90 % de remplace ments, ce qui permet de suppri mer les opérations polluantes de type brossage. » Intégration de la prévention à la conception du produit, mise en place de dispositifs de protection collective, équipement des salariés, renouvellement des pratiques, communication sur les opérations à risque… autant d’évolutions qui ont un impact favorable sur les conditions de travail. L’évaluation de l’exposition des personnels aux métaux, et, notamment, au plomb, renforce la néces- Des moyens d’évaluation au plomb L e plomb et ses composés sont classés parmi les agents chimiques toxiques pour la reproduction humaine (catégorie 1). L’intoxication au plomb – ou saturnisme – est connue depuis l’Antiquité et induit notamment des troubles digestifs, hématologiques, nerveux, osseux, rénaux… Pour évaluer la pollution au plomb, le laboratoire de la CRAM Nord-Picardie a mis en œuvre des techniques de prélèvement d’atmosphère sur les postes de travail, complétées par des mesures de contamination en surface. Dans le premier cas, il s’agit de déterminer les fractions inhalables des aérosols en réalisant des prélèvements individuels sur les opérateurs et des prélèvements d’ambiance à proximité des zones de nuisance. Dans le second, les dépôts de polluants sont repérés par essuyage, à l’aide de lingettes humidifiées, et permettent d’évaluer la dissémination de la pollution. « On s’est développés sur le boîtier en aluminium, car notre priorité est d’assurer l’avenir et de faire en sorte de limiter les expositions. Avant d’être patron, j’ai été soudeur. Je sais comment ça se passe, affirme Marc Graine. Le tra vail a changé. Il y a quinze ans, on faisait autant de répara tions que de remplacements sité de mettre en place ces mesures et bonnes pratiques. En cas d’intervention sur du matériel ancien, les risques de pollution par le plomb restent présents… et la vigilance de mise. Grégory Brasseur Travail & Sécurité – Juin 2009 41