Quelques maîtres de la sculpture à Toulouse XVIe siècle : Nicolas
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Quelques maîtres de la sculpture à Toulouse XVIe siècle : Nicolas
Secondaire Quelques maîtres de la sculpture à Toulouse XVIe siècle : Nicolas Bachelier, Arras, 1500 – Toulouse, 1556 Les quatre reliefs du retable de la Dalbade, 1544-1545 De gauche à droite : L’Annonciation, Nativité et Adoration des bergers, L’Adoration des mages et La Présentation au temple > Historique Surnommé un peu pompeusement « le Michel-Ange toulousain » car il fut lui aussi, mais plus modestement, un artiste universel : sculpteur, architecte et ingénieur, Nicolas Bachelier a été la personnalité artistique dominante de la ville au XVIe siècle. Toulouse et sa région connaissaient alors une grande prospérité grâce au pastel ; cette plante, cultivée dans le Lauragais, produisait une teinture très recherchée, expédiée dans toute l’Europe par les marchands toulousains. Grâce à cet « or bleu » des fortunes considérables s’édifièrent très rapidement entre 1460 et 1562. Ce fut pour Toulouse le « siècle d’or ». Les pasteliers rivalisaient avec les parlementaires dans la construction d’hôtels particuliers, de châteaux suburbains, dans l’embellissement d’édifices religieux. Ce mécénat donnait du travail aux artistes et artisans locaux ou étrangers et Toulouse devint avec Lyon une des principales capitales provinciales de la Renaissance. Nicolas Bachelier fut l’un de ces artistes attirés par les chantiers toulousains. Il était né en 1500 à Arras, alors ville des Pays-Bas espagnols. On ne sait rien sur sa formation. Sa connaissance de l’art antique était-elle livresque ou bien avait-il fait un séjour en Italie ? Il apparaît pour la première fois à Toulouse dans un acte notarié de janvier 1532 relatif au retable de l’Assomption de la cathédrale Saint-Etienne ; il y est qualifié de « lapicida oriundus ville Arracensis » et, un © Ville de Toulouse, musée des Augustins, document réalisé par le service éducatif, (Céline Roques, 2005). Secondaire peu plus loin, « de la ville d’Arras en Picardie, natif et à présent tailheur de pierre à Tolose ». On le suit ainsi régulièrement dans les documents d’archives jusqu’à sa mort en 15561. Après avoir abusivement attribué au « Michel-Ange toulousain » tout ce qui s’était fait de beau dans la ville au XVIe siècle, après avoir ensuite, par réaction, nié jusqu’à l’existence de Bachelier, on a pu établir à peu près la liste de ses œuvres. A l’hôtel de Bagis, rue de la Dalbade, la porte monumentale de la cour intérieure avec ses atlantes (1538), le retable de la Conception à Notre-Dame de la Daurade (1542-1544), le retable du maître-autel de Notre-Dame de la Dalbade (1544-1545), la porte de la Commutation au Capitole (1546) transportée plus tard au Jardin des Plantes, la porte du Collège de l’Esquile, rue du Taur (1555), la conception de l’hôtel particulier du riche pastelier Pierre d’Assézat (mais non sa réalisation, puisque Bachelier mourut en 1556, un an après la signature du bail à besogne). Il aurait aussi participé à d’autres travaux comme le château de Saint-Jory et la première pile du Pont Neuf ; il aurait même, plus d’un siècle avant Riquet, travaillé sur le projet du Canal des Deux-Mers… Le retable du maître autel de Notre-Dame de la Dalbade – dont il ne subsiste malheureusement que quatre reliefs – est une œuvre maîtresse de Nicolas Bachelier. Notre-Dame de la Dalbade (« La Blanche », ainsi nommée pour la distinguer de l’autre grand sanctuaire dédié à la Vierge, Notre-Dame de la Daurade, « la Dorée »), rebâtie pour la quatrième fois depuis sa fondation, fut un des grands chantiers toulousains de la première moitié du XVIe siècle. Un bail à besogne du 24 février 1544, signé avec Jacques de Rivière (ou Rivirie) Seigneur de Tournefeuille, prévoit l’édification d’un nouveau retable pour le maître-autel de l’église : haut de neuf mètres, large de cinq mètres quarante, il comportera trois étages, un rez-de-chaussée d’ordre dorique et deux étages d’ordre corinthien ; il sera orné de statues et de quatre demi-reliefs retraçant la vie de la Vierge et l’enfance du Christ ; l’autel sera surmonté de la Cène, encadrée des armoiries du donateur et de son épouse. En haut, une niche desservie par un escalier dérobé permettrait d’exposer le Saint-Sacrement. Cet ensemble monumental a du être exécuté par Bachelier en un an environ puisqu’on sait par un autre bail à besogne qu’il fut peint de mai à juillet 1545. Au XVIIe siècle ce grand retable fut repeint (1618), puis entièrement doré (1665) sans doute pour le rendre plus conforme à l’esthétique baroque. Enfin, en 1741, pour agrandir le chœur de la Dalbade, on n’hésita pas à détruire le retable de Bachelier. Seuls furent conservés les quatre demi-reliefs ; ils furent transférés au musée des Augustins après l’écroulement du clocher de Notre-Dame de la Dalbade en 1926. > Etude iconographique Ces quatre reliefs sont de mêmes dimensions : 1,30 m. de haut sur 0,84 m. de large ; ils sont composés de trois dalles de pierre superposées et la dalle supérieure est cintrée. Ils représentent quatre scènes de la vie de la Vierge et de l’enfance du Christ, d’après les évangiles de saint Luc et de saint Matthieu, l’Annonciation, la Nativité et l’Adoration des bergers, l’Adoration des Mages, la Présentation de Jésus au Temple. 1 R. Corraze, 1945, pp. 109-110. Page 2 sur 4 © Ville de Toulouse, musée des Augustins, document réalisé par le service éducatif, (Céline Roques, 2005). Secondaire L’Annonciation (Luc, 1, 26-28) Au premier plan, la Vierge, vêtue comme une matrone romaine, est assise (ou agenouillée) derrière un meuble traité comme un autel antique, sur lequel un livre ouvert est posé. L’ange Gabriel (tête refaite) dont les ailes courbes sont peu visibles, une palme dans la main droite, brandit un phylactère de la main gauche. La Vierge porte la main à sa poitrine en un geste de surprise. Au second plan, un lit décoré de coquilles Saint-Jacques, est surmonté d’un dais. La scène est dominée par une nuée dans laquelle apparaissent Dieu le Père en vieillard barbu et le Saint-Esprit sous l’aspect d’une colombe. La Nativité et l’Adoration des bergers (Luc, 2, 1-20) La Vierge est assise au premier plan et se penche vers l’enfant Jésus pour lui essuyer délicatement le visage. Joseph se tient en arrière ; le bœuf et l’âne sont en retrait. Face à la mère et à l’enfant sont disposés quatre bergers portant des agneaux. L’un d’eux, au premier plan, est à demi agenouillé. Le décor de cette scène avec colonnes et frontons est curieusement plus proche des temples antiques que de la crèche de Bethléem ; dans une nuée, deux angelots portent un phylactère. L’Adoration des Mages (Matthieu, 2, 1-12) Sous l’auvent de la cabane de Bethléem, la Vierge, assise de face, présente l’enfant Jésus à deux mages porteurs d’offrandes ; l’un d’eux est agenouillé, l’autre s’apprête à l’imiter. Au deuxième plan trois personnages (des bergers ?) commentent la scène tandis que saint Joseph Page 3 sur 4 © Ville de Toulouse, musée des Augustins, document réalisé par le service éducatif, (Céline Roques, 2005). Secondaire apparaît derrière une colonne. A l’arrière plan, en très faible relief, on aperçoit le cortège des mages avec un chameau et de fougueux cavaliers, dont l’un est nu. La scène est dominée par l’étoile qui a guidé les mages vers l’Enfant. La Présentation au Temple (Luc, 2, 22-35) Au centre de la composition, la Vierge présente Jésus au-dessus de l’autel du Temple de Jérusalem ; le Grand Prêtre se penche vers l’enfant. Joseph se tient humblement en arrière. De l’autre côté, une femme de dos tient un jeune enfant par la main. A l’arrière plan, on aperçoit le vieillard Siméon et la prophétesse Anne ainsi que quelques spectateurs. La scène est surmontée par le grand dais du Temple. > Ces sculptures du retable de la Dalbade ont été qualifiées d’« œuvre de pointe » par Henri Zerner : « Une connaissance de l’ornement architectural antique n’implique pas une visite de la Péninsule ; il y avait d’excellents exemples en France et à Toulouse même. Mais les reliefs du retable démembré de la Dalbade (aujourd’hui au musée des Augustins) trahissent une culture artistique complexe, comparable à celle des Flamands romanistes comme Heems Kerk. Dans l’Adoration des Mages, il me semble percevoir un écho, direct ou indirect, de l’Adoration inachevée de Léonard de Vinci ; les cavaliers nus sur des chevaux se cabrant ne sont pas un motif banal ni facilement ré-inventé. Et je crois que la Vierge de l’Adoration des bergers s’inspire de la Madone d’Albe de Raphaël, à moins que Bachelier n’ait connu un modèle commun dans quelque dessin de Léonard ».2 Crédits photographiques : © Toulouse, musée des Augustins – Clichés : Bernard Delorme. 2 Henri Zerner, L’art de la Renaissance en France, Paris, Flammarion, 1996, p. 298 et note p. 400. Page 4 sur 4 © Ville de Toulouse, musée des Augustins, document réalisé par le service éducatif, (Céline Roques, 2005).