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Danser dans la nuit
un documentaire de Jean-Yves Philippe
26mn, Production Bleu Krystal Média / « A vous de voir » France 5 / 2007
« Danser, c'est offrir sa lumière intérieure au monde » a dit Maurice Béjart.
Les personnes non-voyantes sont-elles privées de ce don au monde ? Leurs corps
peuvent-ils être aussi l’expression de cette lumière intérieure ou sont-ils inéluctablement
subordonnés à une canne blanche, à des peurs, des complexes ?
Être non-voyant et pratiquer l'art chorégraphique, qu'est-ce que cela implique comme
travail sur soi, comme prises de conscience, comme découvertes, comme barrières à
franchir tant physiques que psychologiques ?
N'est-ce pas au final, repousser plus loin ses limites, acquérir une plus grande
liberté d'être ? Laisser son corps devenir, au-delà des mots, outil de langage et d’échange
à part entière, lui permettre de trouver grâce et assurance.
Dans ce documentaire, le regard se porte sur une expérience originale et singulière.
Depuis cinq ans un atelier de « danse tango-contact » est mis en place au Centre
Georges Pompidou. Durant une semaine, à raison de cinq heures par jour, huit danseurs
professionnels rencontrent huit stagiaires non-voyants. Organisé par Muriel Venet,
responsable de la danse au service de l’action éducative et des publics, et Edwine
Fournier, chorégraphe, directrice de la Compagnie Tangible, l’atelier invite à reconsidérer
la perception de la danse et du travail du corps.
La présence de deux publics aux compétences différentes amène à remettre en jeu
les codes, les évidences. L’enjeu réside dans l’invention, avec ses compétences et ses
limites différentes, d’un espace commun. Chacun y expérimente son corps et le
mouvement d’une façon autre et découvre un langage auquel il n’avait pas conscience
jusqu’alors. Cette expérience de mise en partage, qui implique la confiance, l’abandon,
l’accueil de l’autre et de son contact, est très riche. Pour les danseurs, il s’agit d’une
confrontation au handicap de leurs partenaires, d’une remise en question de leurs codes.
Pour les non-voyants, la prise de risque est marquée. « Certes, les non-voyants ont affiné
leurs autres sens, mais dans une direction unique : pour se protéger de l’obstacle. Le
développement des sens dans le cadre d’une perception « gratuite », artistique, est pour
eux une prise de risque : cela les amène à se défaire d’habitudes qui sont autant de
protections » témoigne Edwine Fournier.
Claire, comédienne conteuse, a perdu la vue à vingt-trois ans, mais elle reste
toujours passionnée par la danse qu’elle a découverte toute petite.
Fabrice, musicien chanteur, aveugle depuis l’âge de dix-sept ans, a deux attentes
principales lorsqu’il s’inscrit à l’atelier, l’une d’améliorer sa gestuelle et ses déplacements
sur scène et l’autre, moins avouée, d’entrer en contact avec les corps des autres.
Dominique, secrétaire de mairie, a perdu la vue il y a tout juste cinq ans. Avec la
danse, elle cherche à retrouver confiance en elle et un nouvel élan dans sa vie.
Ce travail autour de la danse est une expérience commune de recherche de
formes, de gestes, de ressentis, mais c’est aussi une invitation à aller à la rencontre de
soi. Edwine Fournier propose plusieurs axes de travail tout au long de l’atelier : verticalité,
équilibre/déséquilibre, force de gravité, authenticité du geste, évolution avec partenaire.
L’accent est mis tout particulièrement sur l’accueil des sensations intérieures. Les
danseurs professionnels, invités à fermer les yeux, sont confrontés à ce que c’est que de
danser sans le support de la vue. Quant aux non-voyants c’est l’occasion pour eux de se
laisser aller à un véritable lâcher prise, à s’autoriser des mouvements qu’ils ne peuvent
pas réaliser ailleurs. Cette « aventure » de mise en partage, qui implique confiance et
abandon, amène ainsi chacun à découvrir l’autre et à se découvrir.
Ce documentaire suit cette aventure de bout en bout en spectateur attentif à
l’évolution de chacun. Constate ce qui bouge en eux. Saisit leurs faits et gestes, leurs
interrogations, leurs doutes, leurs joies.