L`angoisse, l`inguérissable, fonction de l`objet a

Transcription

L`angoisse, l`inguérissable, fonction de l`objet a
L’angoisse, l’inguérissable, fonction de l‘objet a
Fonction de l’objet a
Les peurs.
J’ai demandé à Alejandra :
Elle m’a répondu :
Je n’ai pas douté de suivre :
Elle n’a pas douté à répondre :
Je l’ai interrogée décidée :
Elle a répondu finalement :
« Et qu’est-ce que tu vas dire
‘Je vais dire seulement quelque chose
‘Et qu’est-ce que tu vas faire
‘Je vais me cacher dans le langage
‘Et cela parce que
‘J’ai peur »
Le dialogue précédent est une conversation qui n’a jamais existé entre le poème
«Cold and blue hands », d’Alejandra Pizarnik et mes questions. Cela nous place sur la
route des peurs, des phobies et de l’angoisse.
Se cacher dans le langage, c’est le choix dont dispose le parlêtre parmi les
signifiants qui le représentent à partir de la division du sujet. Cette opération institue
dans la névrose la béance irrécusable, béance forclose dans d’autres choix du langage.
Béance qui suscite l’identification primaire dont le reste devenu cause, l’objet a, signale
l’inguérissable.
Freud a proposé pour Hans la cure de l’angoisse et des peurs de l’enfance à partir
d’un traitement par la parole, le dessin et les associations de l’enfant. Il a démontré que
les médicaments ne sont pas nécessaires pour le traitement des phobies infantiles. Les
peurs peuvent être passagères, elles disparaissent occasionnellement sous l’effet du
travail psychique et dans certains cas elles demandent un travail psychanalytique.
L’incorporation du père vient sceller une identification qui est logiquement
nécessaire pour le raccordement RSI, où la distribution des jouissances est écrite. Grâce
au signifiant, le symptôme, jouissance phallique, surgit comme un effet du symbolique
dans le réel. Sous l’influence du parricide, la jouissance phallique fait bord à la
jouissance du corps de la mère. Dans ce mouvement advient le symptôme, qui structure
la place du signifiant dans le discours.
Ce passage implique que le signifiant règne sur le symbolique grâce au phallus, de
la même manière que le discours articule l’objet, la vérité et le plus-de-jouir. Dans ces
pas, la lettre, dans son accrochage au corps, produit un effet de transmission : le phallus
et la loi où règne la disjonction entre savoir et pouvoir. Et nous pouvons encore
conjecturer que c’est là où l’inconscient fait étalage, le savoir qui lui est inhérent se
divise entre symptôme et symbole.
Lacan dit que l’angoisse advienne quand la coupure propitiatoire impliquée par la
castration n’arrive pas. Il ajoute une nouvelle formulation concernant le passage de
l’image au corps consistent. L’image n’est pas complète, son cœur est l’objet a. Un
manque qui soustrait dans l’imaginaire comme moins phi. Lacan le remarque dans son
séminaire RSI, quand il dit que le phallus donne du corps à l’imaginaire. Une
consistance qui noue et qui manque.
L’angoisse et l’objet a s’assemblent dans la phobie. Devant l’objet a, le sujet fait
un passage, une substitution métaphorique avec une empreinte imaginaire sans
métonymie, le non sans objet de l’angoisse est substitué par un signifiant qui produit de
la peur.
Ce signifiant reste comme un signifiant énigmatique cristallisé dans une image
excluante. L’objet de la phobie est un essai de masquer avec une image du manque, se
cachant dans lalangue.
Dans la cure d’un enfant nous attendons parfois l’apparition de quelque avatar
phobique comme le moment médullaire de l’opération par laquelle l’enfant répond face
à l’intrusion de la fonction sexuelle. C’est un éclat qui transforme le symptôme en
troumatisme, qui n’est pas sans les brins du fantasme, en même temps qu’il nous
informe sur la renaissance des deuils instituants.
L’angoisse, l’inguérissable, fonction de l’objet a
Définir l’objet a n’est pas du tout facile, compte tenu de la catégorie universelle
pour la logique du signifiant qui dit : il n’y a pas d’Univers du discours.
La pensée passée est un poids que nous emportons pendant tout le cours de notre
vie. La psychanalyse définit la cure comme ce qui fait tomber le poids d’une pensée qui
s’écrit dans le fantasme inconscient. Le seul élément dont nous comptons, en tant
qu’êtres parlants, pour nous débarrasser de ce poids, c’est l’os de la pensée inscrit
comme rigide.
Quand la pensée passée et lourde tombe, on vérifie, en tant qu’analysant, que
l’angoisse disparaît. Ce qui tombe est l’objet a comme un os qui supportait la dimension
d’un fantasme pour un sujet.
Depuis Freud, la souplesse, comme contrepartie du rigide et grâce à la « talking
cure », c’est-à-dire la cure par la parole, permet qu’une praxis soit menée à faire tomber
une pensée passée par le poids de ce que Lacan a appelé « osjet a ». (Référence : séance
11 du séminaire Le sinthome).
Le préfixe de ce néologisme est « os », pour signaler l’os de l’écriture, qui est
l’objet a, toujours qu’un trait unaire comme une ligne droite à l’infini soit entourée par
un trou. Dire un trou, c’est dire un mathème en tant que sujet enchaîné à l’infini.
La fonction de « l’osjet a » deviendrait le point exacte qui permettrait de résoudre
la différence par rapport à la forme ainsi que la castration opère sur le sujet, au-delà de
la division classique entre névrose, psychose ou perversion. L’interprétation sera
toujours celle de faire tomber le poids de la pensée passée. Il y aurait donc toujours de
l’angoisse, mais avec un affect différent qui impliquerait si c’est de l’hallucination, du
masochisme ou une absence de sens, si nous pensons à la taxonomie de psychose,
perversion et névrose dans cet ordre.
Il y aurait seulement une orientation entre la représentation inconsciente et
l’après-coup ou a posteriori freudien, qui dessinée sur le plan irait de droite à gauche en
marquant la rencontre avec la régression. Le résultat de cette orientation, qui continue à
conserver le sens de droite à gauche, détermine qu’un seule interprétation pourrait être
affirmée : l’effet du symbolique est imaginé dans le réel. L’orientation inverse mène à
s’immiscer avec les racines de chaque registre. Ce fait représente des opérations
essentielles que l’analyste doit faire par rapport à l’autoérotisme, le sinthome et
l’existence au-delà du semblant.
L’angoisse et l’objet a dans les temps de l’analyse
Deux prémisses pour commencer :
*L’angoisse est un affect.
* Elle n’est pas sans objet.
L’affect, est-il toujours déclanché par « le même » ? L’objet se présente-t-il avec
la même « modalité » ?
Je trouve chez Freud et Lacan le terme « angoisse » adjectivé : intolérable,
intense, extrême, légitime, véritable.
Cela me fait penser que l’angoisse peut se teindre de différentes couleurs, même
si elle est toujours un signal qui ne trompe pas.
Ces différentes couleurs, auront-elles de rapport quelconque aux diverses
présentations de l’objet : présence presque menaçante, désintrication des objets
pulsionnels, objet vidé de jouissance ?
Dans la clinique psychanalytique, ainsi que dans les cliniques de la passe, j’ai
trouvé de différentes modalités de l’angoisse :
*Celle qui est tellement intense qu’elle produit un empêchement.
*Celle qui, prenant la forme symptomatique, peut précipiter une demande
d’analyse.
*De l’angoisse au cours d’une analyse, qui signale l’objet qui est en jeu. Si
l’opération d’analyse rend cet objet la cause du désir, cela va motoriser la cure.
* Une angoisse « légitime » dans la traversée du fantasme, rencontre avec le réel
de l’objet sans la couverture fantasmatique. Cette rencontre avec l’objet vidé de
jouissance sera une pré-annonce de la rencontre avec le vide, et la possibilité d’accès à
d’autres jouissances.
En ce qui concerne l’angoisse de la fin d’analyse, dans la version de la
Proposition publiée dans Ornicar nous trouvons la référence suivante :
« Certes il y a trouble à une certaine pointe de l’analyse, mais il y a d’angoisse
légitime (dont je fait état) qu’à pénétrer – et il le faut pour la psychanalyse didactiquedans ce qu’il faut bien appeler un au-delà de la psychanalyse »
Cette citation continue la pensée exprimée par Lacan dans le Séminaire de
l’éthique, par rapport à ses buts moraux :
« … la terminaison de l’analyse… qui prépare à devenir analyste, ne doit-elle
pas à son terme affronter celui qui la subit à la réalité de la condition humaine ? C’est
proprement ce que Freud, parlant de l’angoisse, a désigné comme le fond où se produit
son signal, à savoir le Hilflosigkeit,la détresse, où l’homme dans ce rapport à lui-même
qui est sa propre mort… il n’a à attendre l’aide de personne ».
Que se passe-t-il avec les objets a au cours d’une analyse ? Dans les détours
successifs, si l’analyse donne lieu à un mouvement chez le sujet, ils deviendront la cause
du désir, et ils permettront que la pulsion dessine leur contour ; ils seront vidés de
jouissance, l’analyste sera semblant d’a, et à un moment fulgurant, dans la traversée du
fantasme, ils révéleront leur visage réel.
Cette rencontre avec le Réel est le déclencheur de l’angoisse de la fin de
l’analyse, liée à l’opération qui permettra que le désir de l’analyste advienne.
C’est une angoisse qui est celle qui précède le moment fulgurant de la passe, et
qui annonce, qui avance le vide, la détresse la plus radicale et absolue, moment où
l’expérience de l’extrême solitude devant la mort est vécue.
Cette expérience de la subjectivation de la propre mort libère une jouissance et la
rend disponible pour l’accès à la célébration de la vie.
Liliana Donzis
Daniel Paola
Mariel Alderete de Weskamp