Canon 222 § 1 : « Les fidèles sont tenus par l`obligation de subvenir

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Canon 222 § 1 : « Les fidèles sont tenus par l`obligation de subvenir
Canon 222 § 1 : « Les fidèles sont tenus par l’obligation de subvenir aux besoins de l’Église afin qu’elle dispose de ce qui est nécessaire au culte divin, aux œuvres d’apostolat et de charité et à l’honnête subsistance de ses ministres. »
Sources : c. 1496 CIC 17 ; AA, n° 21 ; AG, n° 36 ; PO, nos 20, 21 ; Paul VI, exhort. ap. Nobis in animo, 25 mars 1974. 1. Le devoir de subvenir aux besoins de l'Église
Un droit inné de l'Église. Avant toute analyse du texte, il n'est pas inutile de rappeler que l'Église a le droit naturel ou « inné » « d'exiger de ses fidèles ce qui est nécessaire à ses fins propres » (c. 1260)1.
Une obligation de justice. Ce principe, découlant du décret Presbyterorum ordinis, n° 20, est une obligation de justice : ceux qui bénéficient du ministère des pasteurs sacrés sont tenus de recevoir l'aide matérielle dont ils ont besoin pour vivre, selon une espèce de « loi évangélique de l'échange »2. « L'ouvrier mérite son salaire », a proclamé notre Sauveur3. Les « ouvriers de l'Évangile » doivent pouvoir subsister et assurer leur mission sans être tenaillés par les soucis matériels.
Un devoir­droit hybride. Integrum est, dit la norme. Il s'agit d'un droit ad extra, c'est­à­dire à l'égard de l'État, pour s'assurer qu'il n'empêchera pas les fidèles de subvenir aux besoins de l'Église. Mais c'est aussi un droit ad intra, le fidèle pouvant prendre les initiatives qu'il lui chaut pour satisfaire à l'obligation du praragraphe premier du canon 222 : aumônes, dons, offrandes, fondation, legs, mandat. Ce devoir­droit ayant une incidence à la fois canonique et étatique, il est quelque peu hybride4.
« Subvenir aux besoins de l’Église ». Que veut­dire l'expression « subvenir aux besoins de l’Église » ? En droit patrimonial canonique, le terme « Église » englobe « non seulement l'Église tout entière ou le Siège Apostolique, mais aussi toute personne juridique publique dans l'Église, à moins que le contexte ou la nature des choses ne laisse entendre autrement »5. Dans la norme à l'étude, l'expression désigne donc une personne juridique publique ecclésiastique6, au sens du canon 1167.
Le rapport avec d'autres normes. La participation financière aux diverses activités de l'Église s'inscrit dans le cadre plus général des prestations que requiert l'appartenance à l'Église. Elle est une manière de vivre la communion du canon 209, de participer, chacun selon ses possibilités, à « la croissance et la sanctification continuelle de l'Église » dont parle le canon 210.
2. Les moyens d'accomplir le devoir
1 Cf. Dominique Le Tourneau, « Los derechos nativos de la Iglesia, independientes del poder civil », IC 37 (1997), p. 601­617 ; version originale en français : « Les droits innés de l'Église, indépendants du pouvoir civil », L'Église et le Droit, Actes du Xe Colloque international de l'Institut de droit et d'histoire canoniques, Aix­en­Provence, 25­26 avril 2
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1997, Université de Droit, d'Économie et des Sciences d'Aix­Marseille, s.d. (1998), p. 98­111 ; « Los derechos nativos de la Iglesia, independientes del poder civil », Direito & Pastoral 36 (1998), p. 23­40.
Cf. Laura Castra, « Il dovere dei fedeli di sovvenire alle necessità della Chiesa », Metodo, fonti, p. 911.
Lc 10, 7 ; cf. Mt 10, 10 ; 1 Tm 5, 18.
Cf. Jean­Pierre Schouppe, « Le droit­devoir des fidèles de subvenir aux besoins de l'Église », FI 9 (1999), p. 217.
C. 1258 CIC 83 (sans équivalent dans le CCEO).
Cf. Jean­Pierre Schouppe, « Le droit­devoir... », a.c., p. 219.
Norme absente du CCEO.
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La portée de la norme. Tout fidèle a l'obligation d'aider l'Église dans ses besoins ordinaires aussi bien qu'extraordinaires, situations de difficulté, de danger ou de risque de toute nature. Mais notre norme porte uniquement sur l'aide permettant à l'Église de disposer des biens nécessaires au culte divin, à la subsistance du clergé et aux activités d'apostolat et de charité8. Il en va de même de l'aide aux missions. En France, la réparation et l'entretien des lieux de culte bâtis après la loi de 1905 sur la séparation de l'Église et de l'État pourrait entrer dans cette norme9.
Les ministres. Depuis ses origines la norme cite les ministres, et non les « ministres sacrés », comme bénéficiaires de l'aide des fidèles. En effet, des laïcs peuvent être « affectés de manière temporaire ou permanente à un service spécial de l'Église »10. Le Code fournit des indications sur la subsistance des clercs et des employés au service de l'Église11.
Au­delà de la subsistance du clergé. Aussi important que soit cet aspect, ce n'est toutefois pas le seul, et probablement pas l'essentiel. Il ne s'agit pas uniquement de faire vivre le clergé, mais de contribuer aux œuvres sociales, caritatives et missionnaires de l'Église. Le concile a indiqué en ce sens que les fidèles doivent y contribuer auxilia materialia vel etiam personalia præstando12, non seulement comme un devoir, mais aussi, ajoute le décret conciliaire, comme un honneur, car ainsi ils « redonnent à Dieu une partie des biens qu'il ont reçus de lui ».
Des contributions fixées par l'autorité. Les offrandes spontanées des fidèles peuvent être insuffisantes. En ce cas, les fidèles « aideront l'Église en s'acquittant des contributions demandées selon les règles établies par la conférence des évêques », conformément au canon 126213. En tout état de cause, l'évêque diocésain est tenu de rappeler à ses fidèles l'obligation du canon 222 § 1 et « d'en urger l'application de manière opportune »14.
Les offrandes à l'occasion du culte. Il revient à l'assemblée des évêques de chaque province ecclésiastique de fixer le montant des offrandes demandées aux fidèles pour l'administration des sacrements et des sacramentaux15.
Les nécessiteux. Ceux qui n'ont pas de moyens financiers sont également tenus d'observer cette norme, car ils peuvent subvenir aux besoins de l'Église par leurs talents et en donnant de leur temps16.
Quid des dons versés aux personnes juridiques privées ? Les personnes juridiques privées ne peuvent pas agir au nom de l'Église et donc pas non plus recevoir de « subvention aux besoins » de celle­ci. Elles peuvent naturellement posséder des biens destinés à des fins ecclésiales, ce sont toutefois des biens non ecclésiastiques, mais privés17.
8 Cf. c. 1254 § 1 CIC 83 ; c. 1007 CCEO.
9 Cf. Antonio Martínez Blanco, Los derechos fundamentales de los fieles en la Iglesia y su proyección en los ámbitos de la familia y de la enseñanza, Murcie, Publicaciones Instituto Teológico Franciscano, 1994, p. 98.
10 Cf. c. 231 § 2 CIC 83 ; c. 409 § 2 CCEO.
11 Cf. c. 269, 1°, 281, 295 § 2, 384, 402 § 2, 538 § 3, 707 § 2, 1286, 2°, 1350 § 1 CIC83 ; c. 366 § 1, 1°, 390 § 1, (c. 295 absent), 192 § 4­5, 62, 211 § 2, 297 § 2, 431 § 2, 2°, 1030, 1°, 1410 CCEO.
12 Concile Vatican II, décr. Apostolicam actuositatem, n° 10.
13 Cf. Jean­Pierre Schouppe, Droit canonique des biens, Montréal, Wilson & Lafleur, coll. Gratianus Series, 2008.
14 Cf. c. 1261 § 2 CIC 83 (ces normes sont absentes du CCEO).
15 Cf. c. 1264, 2° CIC 83 ; c. 1013 § 1 CCEO.
16 Cf. James H. Provost, « Commentaire au c. 222 », Text and Commentary, p. 156.
17 Cf. Jean­Pierre Schouppe, « Le droit­devoir... », a.c., p. 220.
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Une absence de contrainte. La norme que nous venons d'étudier dit que les fidèles obligatione tenentur. Le canon 126018 parle du ius exigendi de l'Église. Aucune sanction n'est prévue. Or la contrainte est nécessaire pour qu'un vrai devoir juridique existe. En son absence, nous pouvons dire que nous sommes plutôt en présence d'un devoir de nature principalement morale. Il est fait appel à la conscience des croyants. Cette condition de croyant fait que, pour eux, ce n'est pas uniquement un devoir, mais aussi un honneur, disions­nous à l'instant19.
L'exercice de la liberté religieuse. Ce droit est une manifestation de la liberté religieuse des fidèles face à l'État, ce que précise le canon 1261 § 120. Les pays ayant signé un concordat avec le saint­siège prévoient un mode de financement extra­ecclésial du culte, soit par rémunération des « ministres du culte » par l'État21, par l'impôt ecclésiastique (le « Kirchensteuer »), comme en Allemagne, ou par l'affectation d'impôts, comme en Italie et en Espagne22 ou par d'autres formules23.
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Cf. c. 1010 CCEO.
Cf. Laura Castra, « Il dovere dei fedeli di sovvenire alle necessità della Chiesa », Metodo, fonti, p. 915­917.
Norme absente du CCEO.
C'est le cas en Belgique, où la notion de « ministre du culte » a été élargie pour englober aussi les assistants laïcs en pastorale : Louis­Léon Christians, « La figure nouvelle des assistants paroissiaux. Évolutions canoniques et cascades juridiques », Vingt­cinq ans après le code. Le droit canon en Belgique, sous la direction de Jean­Pierre Schouppe, préfacé par Godfried Danneels, archevêque de Malines­Bruxelles, ouvrage publié à l'initiative du Groupe de canonistes francophones de Belgique, Bruylant, Bruxelles, coll. Droit et religion 1, 2008, p. 99­117.
22 Cf. Jean­Pierre Schouppe, « Le droit­devoir... », a.c., p. 241­251 ; José T. Martín de Agar, Raccolta di Concordati 1950­1999, Cité du Vatican, Libreria Editrice Vaticana, 2000.
23 C'est le cas, par exemple, de la Belgique, où les laïcs « assistants paroissiaux » jouissent du statut de ministre du culte sur le plan civil et reçoivent un traitement en tant que tels, unique résurgence du concordat napoléonien de 1801. Cf. Jean­Pierre Schouppe, « Le droit belge complémentaire au Code de 1983 » et Luc De Maere, « Vers un nouveau concordat pour la Belgique ? », Vingt­cinq ans après le code. Le droit canon en Belgique, sous la direction de Jean­Pierre Schouppe, préfacé par Godfried Danneels, Bruylant, Bruxelles, 2008, respectivement p. 55 et p. 64.
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