Le dessous des cartes - VISIONS DE LA RUSSIE 2/2
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Le dessous des cartes - VISIONS DE LA RUSSIE 2/2
1 VISIONS DE LA RUSSIE 2/2 Recherches et écriture: LEPAC / Jean-Christophe Victor Réalisation : Alain Jomier Graphisme : Pierre-Jean Canac Diffusion sur Arte le 29.05.2010 à 00:00 Malgré son territoire immense, à cheval sur deux continents, la Russie est une « puissance encerclée ». Quel est l’état des contraintes et opportunités de Moscou et des relations avec ses voisins ? Le Dessous des Cartes est allé chercher les réponses aux quatre points cardinaux. Le plus grand pays au monde L’outil énergétique de Moscou Voici la Russie. C’est le plus grand pays du monde, avec 17 millions de km2. Elle ouvre sur plusieurs façades maritimes et compte 14 voisins. Pour comprendre, comment voit-on les choses depuis Moscou, tournons-nous successivement vers les 4 points cardinaux. A l’Ouest, le rival européen Vue de Russie, l’Union européenne est à la fois un rival géopolitique et un partenaire commercial. Pour résoudre provisoirement cette contradiction, le pouvoir russe fait de sa richesse énergétique un outil de puissance, voire de chantage vis-à-vis de l’UE. Une dépendance mutuelle D’abord, sur le flanc ouest, les choses ont beaucoup changé. Depuis l’effondrement de l’Union soviétique, on constate que tous les anciens Etats satellites de l’URSS, de même que les pays baltes, ont fait mouvement pour rejoindre à l’ouest l’Union européenne et son modèle géopolitique. La Russie est le premier producteur de gaz au monde et fournit en grande partie les besoins de l’Union européenne. Quand on regarde la carte des réseaux de gazoducs, partant de Russie pour aboutir dans les pays membres de l’Union, en passant par l’Ukraine et la Biélorussie, on mesure bien les interdépendances. Des pays comme la Slovaquie et la Bulgarie dépendent à 100% de la Russie pour leur approvisionnement en gaz. Le dessous des cartes - VISIONS DE LA RUSSIE 2/2 - Diffusion sur Arte le 29.05.2010 2 De l’autre côté, la Russie dépend de l’Union, puisque les recettes provenant des hydrocarbures constituent 40 % du budget de l’Etat. Chantage énergétique et stratégies de contournement 80% des exportations de gaz russe vers l’Union européenne transitent par l’Ukraine, qui est elle aussi très dépendante du gaz russe. Gazprom, la grande compagnie nationale russe, a d’ailleurs fermé le robinet du gaz à plusieurs reprises, pour contraindre Kiev à payer ses arriérés. Ces coupures ont suscité de vives inquiétudes chez les Etats européens et ce type de pression génère des stratégies de diversification de l’approvisionnement, ou bien un contournement du sol russe, comme le projet Nabucco au sud, en cours de construction. L’expansion de l’OTAN Analysons maintenant les perceptions de sécurité, et la relation de Moscou à l’OTAN. Vingt ans après la disparition de l’empire soviétique, les anciens pays satellites ou membres de l’URSS ont rejoint l’Alliance atlantique, et c’est maintenant au tour de l’Ukraine et de la Géorgie de vouloir l’intégrer. Luttes d’influence La Russie se perçoit donc, là encore comme une forteresse dont « l’Occident » veut poursuivre l’affaiblissement : Moscou place encore l’OTAN en tête des menaces extérieures. C’est d’ailleurs, autour d’une lutte d’influence entre Russie et OTAN que s’est jouée la guerre rapide d’août 2008 en Géorgie. Peu après le sommet de Bucarest, où l’Alliance avait confirmé que l’Ukraine et la Géorgie avaient vocation à rejoindre l’Alliance atlantique. Au Sud, les tensions du Caucase Allons maintenant vers le sud de la Russie, c’est-àdire dans le Caucase. La guerre très brève qui oppose Russie et Géorgie en août 2008 est interprétée comme la réponse de Moscou au souhait du président géorgien d’une plus large garantie de sécurité par les puissances occidentales. La Russie a pu montrer qu’elle pouvait lancer son armée contre un Etat souverain, en redessiner les frontières unilatéralement, afficher une victoire militaire rapide contre un petit pays, sans encourir de sanction notable de la part des pays de l’Otan. Il y a là une réponse des Russes aux occidentaux, pour faire oublier l’impuissance qui a été celle de Moscou, face à ces élargissements successifs de l’Otan. Le dessous des cartes - VISIONS DE LA RUSSIE 2/2 - Diffusion sur Arte le 29.05.2010 3 A l’Est, le partenaire chinois Maintenant, allons voir la situation à l’Est, où Moscou se rapproche économiquement et stratégiquement de la Chine. Des accords commerciaux signés en 2009 doivent notamment intensifier l’exploitation des régions russes transfrontalières. Riches en minerais, ces régions sont pauvres en densité de population, et c’est là que viennent s’installer de nombreux travailleurs chinois. Ces relations permettent à la Chine de combler une part de ses besoins énergétiques, et à Moscou de développer des régions où le pouvoir central est quasiment absent. Rapprochement stratégique ou intérêts partagés ? Entre les deux pays, il y a aussi un rapprochement sur des dossiers sensibles, comme le nucléaire iranien, la Birmanie, le Darfour ; ou bien encore le terrorisme islamiste, en pays Ouigour ou en Tchétchénie. Voilà donc deux grandes puissances, se retrouvant avec des convergences de vues opposées à celles de Washington, déterminées par des intérêts bien compris, et pas forcément sur des valeurs partagées. Au Nord, l’Arctique convoité Maintenant, le nord de la Russie, où là, la situation est nouvelle. Voici la zone arctique, vue en projection polaire, avec le réchauffement du climat, plus la révision de la Convention de Montego Bay sur le droit de la mer, Moscou exprime de nouvelles revendications territoriales. D’ailleurs, la Russie n’est pas la seule à exprimer des revendications de souveraineté, elle est confrontée au Canada et au Danemark, dans un contentieux territorial que l’ONU va devoir trancher d’ici fin 2010. Au nord, au sud, à l'est, à l’ouest, le monde vu par la Russie devrait se configurer comme un système multipolaire, où Moscou exercerait à nouveau un rôle de puissance. Sauf que la Russie n’est capable ni du point de vue économique, ni du point de vue technologique de faire face aux dépenses nécessaires pour la modernisation de son économie ou de son arsenal militaire. Ce pays ne pourra pas longuement maintenir la concurrence économique avec la Chine, les Etats-Unis, et l’Union européenne, avec une économie fondée uniquement sur la rente gazière et pétrolière. Quant à la politique étrangère de la Russie, Il y a un net décalage entre la grande opportunité tactique dont fait preuve Moscou, et son incapacité à créer des situations politiques nouvelles. 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