L`intégrine α3β1, une protéine essentielle à la lactation

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L`intégrine α3β1, une protéine essentielle à la lactation
14 avril 2011
C O M M U N I Q U E
D E
P R E S S E
L’intégrine α3β1, une protéine essentielle à
la lactation
Quand l’équipe de Marina Glukhova, chercheuse Inserm dans une unité CNRS/Institut Curie
« éteint » l’intégrine α3β1 dans certaines cellules de la glande mammaire, les souris mutantes ne
peuvent plus allaiter leurs petits. Explication : l’absence de cette protéine empêche l’activation
de la voie de signalisation qui commande les capacités contractiles des cellules. Sans ces
capacités, les cellules basales ne peuvent plus expulser le lait. Tout cela se passe dans les
cellules basales mammaires que l’on soupçonne d’être à l’origine de certains types de cancer du
sein dit « basal-like » et de mauvais pronostic. La voie de signalisation chapeautée par
l’intégrine α 3β1 est impliquée pour la première fois dans le dysfonctionnement de la glande
mammaire. Reste à découvrir si elle intervient dans d’autres mécanismes, comme la
cancérogenèse. Ces résultats sont publiés en ligne dans EMBO Journal.
La glande mammaire est l'un des rares organes à évoluer et à se renouveler en permanence au cours
de la vie d'une femme : elle se modifie à la puberté, à chaque cycle menstruel, à la maternité, à la
ménopause… « Cette caractéristique explique - du moins en partie - le risque élevé de cancer du sein »
explique Marina Glukhova1, spécialiste de la glande mammaire.
L'épithélium mammaire se compose principalement de cellules luminales, qui produisent le lait, et de
cellules basales myoépithéliales, chargées de son expulsion. « L’intérêt pour la population cellulaire
basale de l'épithélium mammaire s'accroît au fil des travaux, suggérant qu'elle pourrait jouer un rôle
majeur dans le développement mammaire et la cancérogenèse » ajoute Marina Glukhova.
Le compartiment basal de l'épithélium mammaire semble être le siège des cellules souches et
progénitrices qui, d’une part, sont nécessaires pour le développement et le fonctionnement normales de
la glande mammaire et, d’autre part, pourraient être à l’origine de certains types du cancer du sein.
Longtemps peu étudiées dans la glande mammaire, les cellules basales sont désormais sous les
projecteurs des chercheurs.
« Les cellules basales sont en permanence exposées aux signaux issus des régions voisines (matrice
extracellulaire sous-jacente et du stroma mammaire) » explique Marina Glukhova. Une fois interprétés,
ces signaux vont permettre aux cellules de déterminer leur position et leur rôle dans l’organisme. Ils sont
indispensables à la prolifération, à la différenciation, à la morphologie et à la mobilité des cellules. Au
niveau des organes, ces signaux assurent le maintien harmonieux de la taille et de la fonction des
tissus.
Concrètement, la messagerie est assurée par un type de protéine, les intégrines. Ces protéines
transmembranaires ont un « pied » à l’extérieur et un « pied » à l’intérieur des cellules. Elles reçoivent
les signaux venus de l’environnement externe (autres cellules, tissus et organes) puis les répercutent au
cœur des cellules pour mettre en œuvre le mécanisme voulu.
« Dans les cellules basales, une grande partie des informations transitent par l’intégrine α3β1 » ajoute
Karine Raymond, post-doctorante dans l’équipe. « Nous avons donc supprimé partiellement cette
protéine dans les cellules basales de nos modèles animaux » complète-t-elle. Aucune altération dans le
développement de la glande mammaire n’est à noter, ni dans la différenciation des cellules épithéliales.
Marina Glukhova est directrice de recherche Inserm à l’Institut Curie, chef de l’équipe « Mécanismes moléculaires du développement de la
glande mammaire » dans l’unité « Compartimentation et dynamique cellulaires » Institut Curie / CNRS UMR 144
1
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Céline Giustranti
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En revanche, les souris porteuses de cette altération n’allaitent plus leur progéniture. « La production de
lait n’est pas affectée lorsque l’intégrine α3β1 est altérée ; en revanche, les cellules basales n’expulsent
plus le lait produit » explique Karine Raymond.
L’absence de cette protéine empêche l’activation de la voie de signalisation impliquant les protéines Rho
et Rac, ce qui entraîne des modifications au niveau de la morphologie des cellules et bloque une partie
de leur capacité contractile. En conséquence, les cellules basales ne peuvent plus éjecter le lait. « C’est
la première fois que la voie de signalisation « chapeautée » par l’intégrine α3β1 est impliquée dans un
dysfonctionnement de la glande mammaire » continue Karine Raymond. Compte tenu du rôle de
« messager» entre l’extérieur et l’intérieur de cette protéine, les chercheurs s’attendent à lui découvrir
bien d’autres fonctions. « Il ne faut pas oublier que le cancer est, entre autres, une maladie de la
transmission des signaux. Les cellules cancéreuses, même si elles n’assurent plus leur fonction,
continuent à proliférer dans l’organisme en "faisant la sourde oreille" aux ordres venus de l’extérieur »
précise Marina Glukhova.
Son équipe s’intéresse aujourd’hui au rôle de cette intégrine et de la voie de signalisation afférente dans
la cancérogenèse. Elle poursuit l'étude de la fonction des cellules basales mammaires dans le
développement normal de la glande et leur rôle dans la cancérogenèse mammaire. Il s'agit de mieux
comprendre le rôle des interactions entre ces cellules et l'environnement extérieur au cours du
développement mammaire et de déterminer les événements cellulaires et moléculaires à l'origine des
carcinomes mammaires de type basal-like.
Karine Raymond, l’une des co-auteur, est financée la Fondation pour la Recherche Médicale (FRM).
Référence
Control of mammary myoepithelial cell contractile function by α3β1 integrin signalling
Karine Raymond1,2, Stéphanie Cagnet1,2, Maaike Kreft3, Hans Janssen3, Arnoud Sonnenberg3, Marina A.
Glukhova1,2
1
Institut Curie, Centre de Recherche, Paris, France, 2CNRS, UMR144, Paris, France, 3Division of Cell
Biology, The Netherlands Cancer Institute, Plesmanlaan, Amsterdam, The Netherlands.
EMBO J. publication en ligne.
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Pour en savoir plus : l’organisation de la glande mammaire
L'épithélium mammaire est enveloppé d'une membrane basale et inséré dans un stroma fibroadipeux. Son développement est contrôlé par les hormones systémiques, des facteurs de croissance
solubles produits localement, et par la matrice extracellulaire. Les cellules luminales ont un contact
limité avec la membrane basale et le tissu connectif environnant, tandis que les cellules basales sont
en permanence exposées aux signaux issus de la matrice extracellulaire sous-jacente et du stroma
mammaire. Cette organisation suggère que les cellules myoépithéliales basales pourraient participer
activement à la morphogenèse mammaire et être les médiateurs de la signalisation du stroma vers les
cellules luminales.
Zoom sur un lobule
1. Cage thoracique - 2. Muscles
pectoraux - 3. Lobules - 4. Mamelon 5. Aréole - 6. canaux galactophores - 7.
Tissu adipeux - 8. Peau
- WIKIPEDIA
L’image ci-contre illustre l’organisation de la bicouche de cellules
épithéliales au niveau des lobules de la glande mammaire. Le
marquage rouge (immunodétection de la calponine) correspond aux
cellules basales myoépithéliales et le marquage vert
(immunodétection de la cytokératine 8) aux cellules luminales.
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