Vaches:lescornes deladiscorde - Migros

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Vaches:lescornes deladiscorde - Migros
CETTE SEMAINE
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| No 18, 28 AVRIL 2014 |
MIGROS MAGAZINE |
Vaches: les cornes
de la discorde
Un groupe de pression s’apprête à lancer une
initiative demandant au Conseil fédéral de soutenir
les paysans qui renoncent à écorner leurs bovidés.
Une idée à ruminer…
A
ujourd’hui, dans notre beau pays
où la vache est reine, neuf ruminants sur dix sont écornés.
Un constat qui fait bondir Armin Capaul, agriculteur à Perrefitte, dans le
Jura bernois: «Ça me fait mal au cœur.
Cette pratique est contre nature. Il faut
que cela cesse!» «Les cornes sont utiles
aux bovins, notamment pour communiquer avec leurs congénères, ajoute Tamara Fretz, comportementaliste à Grenilles (FR). L’écornage, c’est comparable
à une amputation.»
De la pétition
à l’initiative
Tous deux font partie d’un groupe d’intérêt baptisé IG Hornkuh (n.d.l.r. littéralement: vache à corne). Leur but:
convaincre le Conseil fédéral de soutenir les paysans qui renoncent à écorner
leurs bêtes. Comment? En leur versant
un franc par jour et par tête de bétail
(20 centimes pour les chèvres) afin de
compenser les coûts supplémentaires
(des étables plus spacieuses et donc
moins de bovidés au mètre carré pour
des questions de sécurité) qu’engendre
un tel choix.
«L’an passé, nous avions déposé une
pétition munie de 18 000 signatures à
Berne. Mais rien n’a bougé. Cette fois-ci,
on a décidé de lancer une initiative pour
se faire entendre!» Armin Capaul et Tamara Fretz savent que le combat n’est pas
gagné d’avance, mais ils constatent aussi
que leur idée séduit toujours davantage
de gens, à la ville comme à la campagne.
Du respect et de
la dignité
«Les vaches ne sont pas des machines
à produire du lait. Elles méritent d’être
traitées avec respect et dignité!»
concluent-ils en chœur.
Texte: Alain Portner
«La suppression des cornes est un indicateur
Marc-Olivier
Gonseth,
conservateur
du Musée
d’ethnographie
de Neuchâtel
Que pensez-vous de cette idée qui encourage
les paysans à avoir des troupeaux de vaches
avec cornes?
Je la trouve sympathique, mais elle se
heurte à une logique visant à protéger
bêtes et personnes de blessures potentielles liées à une trop grande proximité.
Laisser les vaches porter leurs cornes
signifie également procéder à un aménagement spatial, notamment lors
lorsqu’elles
sont en stabulation, ce qui n’est pas sans
conséquences économiques.
On touche ici au mythe fondateur de la Suisse
rurale, non?
La plupart des mythes suisses ont été inventés par des citadins vers la fin du
XIXe siècle. La question posée par le présent symbole est plutôt: les paysans
suisses sont-ils prêts à renouer avec
l’image idéale que nous nous faisons
d’eux et de leur bétail?
Mais écorner les vaches, n’est-ce pas écorner
l’image de la Suisse?
Dans le cas précis, je crois plutôt que
l’image idéalisée prend encore le pas sur
les pratiques concrètes: la vache Milka
arbore toujours fièrement deux cornes de
belle taille sur fond de paysage alpin et il
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Quel est votre a
vis?
«Je préfère les vach
es
plutôt avec cornes.
Je pense principalem
ent
à leur bien-être.»
Be
njamin Van Meenen
«Ce n’est jamais trè
s bon d’aller
à l’encontre de la na
ture
je suis pour cette am . Alors,
élioratio
des conditions de vie n
des vaches!»
, 29 ans
Julie Barbier, 37 an
Dans l’imaginaire
collectif, la vache
se profile toujours
avec ses cornes.
«Avec les cornes, c’e
st mieux!
Parce que c’est plus
jo
sans. Et puis, ce n’es li que
t pas très
naturel et peut-être
mêm
cruel de les couper.» e
Irina Leiser, 25 ans
Photos: istockphoto, DR
de la portée des considérations économiques»
en va de même de la plupart des vaches
dessinées par les enfants ou les adultes,
ce qui manifeste clairement la résistance
de la représentation concernée.
des autres facteurs, aussi profondément
symboliques soient-ils.
Ne plus écorner les vaches permet aussi de
rendre leur dignité à ces bêtes…
C’est un peu une spécialité helvétique de
lancer un débat public sur des questions
qui, ailleurs, sont rarement posées en
dehors du cercle des spécialistes. C’est
une chance, et parfois un risque, de nous
interroger régulièrement sur des sujets
apparemment banals dont la complexité
réelle nous échappe très souvent. Mais la
question se pose dans toutes les régions
pratiquant l’élevage bovin.
La dignité des bêtes dépend de l’attention globale qu’on leur témoigne plus
que de tel ou tel aspect de leur apparence
physique. La vision des éleveurs est donc
ici à prendre attentivement en compte.
Mais la suppression des cornes indique
que les considérations économiques
l’emportent aujourd’hui sur la plupart
Est-ce qu’un tel sujet pourrait faire débat
dans un autre pays que le nôtre?
s
«On est habitu
éà
vaches sans co voir des
je crois qu’on fe rnes, mais
rait
de laisser faire la bien mieux
nature…»
Germain
Romero, 46 an
s
SONDAGE
Les vaches doivent-elles pouvoir
conserver leurs cornes?
Résultat du sondage en
ligne du 21 au 24 avril 2014.
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