Anne CREPIN - HALGAND

Transcription

Anne CREPIN - HALGAND
Anne CREPIN - HALGAND
Motiver et développer
les démarches de lecture
grâce au roman policier
IUFM Nord - Pas de Calais - UdReFF
2bis, rue Parmentier - 59650 Villeneuve d'Ascq
Je remercie vivement
Madame NONNON, directrice de mémoire,
et Madame LETOURMY, documentaliste
au collège Jean ZAY à Faches-Thumesnil.
SOMMAIRE
OBJECTIF D'ORDRE PSYCHOLOGIQUE ......................................................... 5
I - Lire, c'est prendre intérêt et plaisir à l'histoire, se fondre dans les
personnages, participer pleinement à la vie du texte..................................... 8
II - Lire, c'est aussi évaluer sa capacité de lecteur, savoir apprécier
les difficultés du texte, pour entreprendre une lecture personnelle
d'un livre que l'on a choisi............................................................................. 10
Bilan de cet objectif............................................................................................. 14
OBJECTIF D’ORDRE CULTUREL.................................................................... 15
I - Connaître le livre, c'est le reconnaître intrinsèquement source
d'informations. .............................................................................................. 15
II - Connaître un livre, c'est repérer le réseau culturel dans lequel il s'inscrit. ... 17
III - Connaître un livre, c'est être capable d'en parler grâce à l'usage d'un
vocabulaire approprié. .................................................................................. 20
Bilan de cet objectif............................................................................................. 21
OBJECTIF D’ORDRE DIDACTIQUE................................................................. 23
I - Lire, c'est construire du sens.......................................................................... 23
II - Lire, c'est prendre conscience que le texte met en oeuvre
des procédés qui procurent au lecteur plaisir et intérêt. .............................. 28
III - Lire, c'est progressivement s'approprier ces techniques pour
être capables de les réinvestir dans un autre projet. ................................... 33
CONCLUSION.................................................................................................... 40
ANNEXES........................................................................................................... 41
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................... 47
“Il est nécessaire de mettre l'élève le plus rapidement et le plus souvent
possible dans les conditions réelles de la lecture, c’est-à-dire, pour le
domaine littéraire, devant des oeuvres intégrales” (Programmes et
Instructions pour le Collège - 1985).
Aussi, notre projet de lecture d'oeuvre intégrale, en classe de 6ème,
travaille à rendre réelles les conditions dans lesquelles se trouve le lecteur.
Cependant, parce qu'il est élève, le lecteur qui nous concerne sera
confronté à une situation artificielle. Il semble, en effet, qu'il y ait une
contradiction irréductible entre le caractère individuel et intériorisé de la
lecture naturelle et les nécessités d'un enseignement collectif. C'est ce à quoi
se heurte toute pédagogie de la lecture.
Comment mener à bien notre projet de lecture en respectant ces deux
natures d'activités ? Comment élaborer une pédagogie stimulante, en classe
de français, qui amènerait l'ensemble des élèves à une pratique personnelle effective - de la lecture ? Pour ce faire, nous avons ajouté à notre projet
initial un réseau de livres. L'oeuvre étudiée en classe devint alors le livre
phare autour duquel gravitait une constellation d'oeuvres.
Nous nous sommes fixés trois objectifs principaux :
- un objectif d'ordre psychologique : motiver à la lecture ;
- un objectif d'ordre culturel : restreindre la distance culturelle entre le
livre et le lecteur ;
- un objectif d'ordre didactique : faire percevoir, par l'étude, la cohérence
et l'originalité de l'oeuvre en fournissant au fur et à mesure des instruments
d'analyse
O
BJECTIF D'ORDRE PSYCHOLOGIQUE
Pour mener à bien notre projet de motivation à la lecture, il est apparu
nécessaire de rompre avec les préjugés dans lesquels se sont installés nos
élèves, par conformisme peut-être, par ignorance sans doute. Comme nous
l'avons antérieurement annoncé, notre objectif premier est moins de faire
“aimer la lecture” que de susciter le désir de lire, un ou plusieurs livres. Or,
pour créer ce désir, il était utile de cerner les contours de cette activité.
Voici les axes que nous nous sommes donnés pour bâtir une démarche
didactique et pédagogique cohérente :
I - Lire, c'est prendre intérêt et plaisir à l'histoire, se fondre dans les
personnages, participer pleinement à la vie du texte ;
II - Lire c'est aussi évaluer sa capacité de lecteur, savoir apprécier les
difficultés du texte, pour entreprendre une lecture personnelle d'un livre
que l'on a choisi.
Ce qui est demandé aux élèves est moins un savoir qu'une attitude
positive et active face aux propositions qui leur sont faites. La classe de
6ème est particulièrement propice à ce genre de démarche, tant par sa
souplesse que par sa spontanéité.
Nous avons mis en place une activité de lecture intégrale d'un roman
policier autour duquel gravite une constellation d'oeuvres policières en
lecture libre. Nous étions deux à mener de façon très étroite ce projet : la
documentaliste du collège et moi-même, professeur-stagiaire. Nous avons
souhaité une organisation structurée (la documentaliste recevait les élèves
au CDI le vendredi après-midi à raison d'une heure trente par demi-groupe,
le cours de français du mardi après-midi s'organisait autour de la lecture
suivie), mais souple. En effet, nous pouvions, parce que disponibles,
prendre part à l'une ou l'autre des activités.
7
Cette collaboration s'est révélée particulièrement efficace dans la mesure
où les élèves avaient été prévenus très tôt des rapports qui unissaient le
cours et la séance du CDI. Aucune gêne ne semble avoir été ressentie. De
plus, l'expérience et le savoir-faire de la documentaliste m'ont permis de
construire mes cours avec plus d'audace et d'assurance que je ne pouvais
l'envisager en tant que jeune professeur.
De nombreux moyens ont été accordés. Une série de livres divers et
variés ont été achetés et mis à la disposition des élèves de 6ème A
prioritairement. Camescope et magnétoscope se sont révélés des outils
précieux de médiation entre l'élève et le livre.
I - Lire, c'est prendre intérêt et plaisir à l'histoire, se fondre dans les
personnages, participer pleinement à la vie du texte.
Ce premier axe par lequel nous appréhendons la lecture pourrait être
reformulé en ces termes : la nécessité de motiver par l'intrigue.
A. Le choix d'une oeuvre...
“ Un enfant qui lit est d'abord attiré par l'histoire qui lui permet de
plonger dans un univers imaginaire, d'y vivre des aventures par
procuration.” Cette attirance, comme le souligne A. Béguin dans Lire-écrire,
est derechef ce qu'il faut explorer pour créer un élan vers le livre. Aillons
plus loin. D'autres critères plus prosaïques comme l'éclat d'une couverture,
un titre humoristique et même l'épaisseur du livre sont à prendre en
considération.
Le choix de l'oeuvre étudiée en lecture suivie s'est porté sur un livre de
150 pages environ, agrémentées de belles illustrations, de la collection
“ Folio Junior ”. Nous ne rentrerons pas de façon exhaustive dans le débat
qu'alimente l'entrée de la littérature de jeunesse en classe. Pour notre part, il
nous a semblé, à la lecture de plusieurs de ces livres, que les incriminations
faites à ce genre de littérature ne sont pas fondées. Clichés, stéréotypes,
mièvrerie ne sont pas le lot de ces oeuvres.1
Quant à l'attirance ressentie par le jeune pour l'histoire à proprement
parler, il nous semble essentiel de choisir une oeuvre proche de l'imaginaire
des adolescents. Or, le policier et la science-fiction, comme le fait remarquer
1
. Voir à ce sujet l’article de E. VLIEGHE et J.-F. INISAN : “ De la littérature de jeunesse pour les
lectures longues en classe ? Pourquoi pas ! ”, Recherches n°7, octobre 1987.
8
M. Lits dans son essai Pour lire le roman policier, sont les références
thématiques et narratives les plus inscrites dans leur imaginaire. Nous
savons que le plaisir de la lecture se fonde sur la reconnaissance, même
inconsciente, de ce que nous connaissons déjà.
On constatera, de plus, que cette littérature peut se lire avec un minimum
de références esthétiques et littéraires.
Choisir un roman d'énigme adapté à la jeunesse des élèves répondait au
souci que nous avions de fonder une pédagogie de la lecture sur les acquis
culturels des élèves.
B. ... qui facilite l'identification.
L'attirance pour les personnages n'exclut en rien le phénomène
d'identification, propre à la lecture naïve. Picard, dans son essai La Lecture
comme jeu, considère d'ailleurs que ce phénomène est constituant d'une
véritable lecture : “ Lire, ce n'est pas croire qu'on est l'autre, c'est essayer un
rôle, faire semblant, produire un simulacre.” Ce type d'identification va
permettre la détermination de l'être propre de l'adolescent, à travers des
personnages en situation plutôt que dans des archétypes figés.
Prenons pour exemple, la classe de 6ème A face à l'oeuvre étudiée : Les
Pistolets de Sans-Atout de Boileau-Narcejac. Ce récit met en scène deux
adolescents aux caractéristiques physiques bien définies. François est un
jeune français à l'allure svelte, à l'esprit subtil. Bob, lui est de nationalité
anglaise, empâté dans un corps trop enrobé et bourrelé de complexes.
Rapidement, la classe a choisi son camp. François devint leur modèle.
Or, lors d'un événement capital pour le récit - le vol d'un classeur rouge
répertoriant tous les secrets d'inventions de son père -, Bob se révèle comme
un être entier, prêt à tout pour sauver l'honneur et les recherches de son
père. Un héros est né pour les 28 élèves de 6ème A.
Depuis, le livre, dont le titre avait été omis volontairement, est désigné
par “les aventures de Bob”. Cette expérience montre combien la lecture, à
travers des personnages en situation, travaille à l'édification de soi.
Ce phénomène d'identification a de plus été facilité par le dépouillement
des figures présentées dans le récit.
Monsieur Skinner, le père de Bob est présenté comme un homme au
comportement étrange. L'ambiguïté du personnage de Miss Mary, bien que
non démontrée, est mise en évidence. L'inspecteur Morisson ne pourra, à
aucun moment, se départir de son rôle de fantoche.
9
De même le décor, l'Angleterre contemporaine, offre quelques touches de
couleur locale sans grande influence sur l'organisation du récit. Aussi, ce
roman, parce qu'il présentait des personnages à la personnalité riche mais
cohérente, a permis l'adhésion immédiate du lecteur.
II - Lire, c'est aussi évaluer sa capacité de lecteur, savoir apprécier
les difficultés du texte, pour entreprendre une lecture
personnelle d'un livre que l'on a choisi.
Selon le second axe, nous avons organisé enseignement et animation en
tenant compte des compétences de nos élèves. Nous sommes parties d'un
constat : bien que les élèves n'empruntent peu ou pas de livres au CDI, ils
manifestent un véritable intérêt lors des séances de lecture expliquée. Nous
avons alors considéré que le livre n'était peut-être pas en soi un obstacle qui
freinait la lecture mais que la gestion de celle-ci posait problème. Nous
entendons par là que la difficulté se situerait davantage dans le ressenti de
l'élève face au livre : il a peur de vivre une solitude et craint de n'être pas
capable d'aller jusqu’au bout.
Il fallait donc envisager une pédagogie qui prenne en considération ces
deux paramètres.
A. Amorce d'une lecture collective en classe, d'une oeuvre choisie par le
professeur...
Nous avons donc choisi de lire le roman ensemble. A chaque séance, des
polycopies étaient distribuées sans que les élèves en aient eu connaissance
auparavant. Le découpage a été effectué de telle sorte qu'il ne compromette
pas la saisie globale du texte. Ce procédé présentait plusieurs avantages :
- La séance de lecture suivie devenait un lieu de rencontre entre le livre
et la classe. Le lecteur n'était plus seul à affronter le texte.
- Chaque séance renouait avec la tradition orale de la littérature. Le
professeur devenait, pour un temps, le médiateur entre le livre et la classe.
Mes efforts se sont centrés sur l'expressivité du ton à adopter, sur les
moyens à mettre en jeu pour rendre à la parole toute sa force de séduction. Il
appartenait à cette prise de parole de créer un véritable élan vers le livre et
de rendre perceptible d'emblée le sens du texte. Par ce biais, l'entrée dans
l'oeuvre fut aisée et efficace.
10
Les avantages de ce procédé n'ont, cependant, pas occulté les
inconvénients qui y sont attachés. En effet, à travers les feuilles polycopiées,
les élèves n'ont qu’une expérience incomplète et réductrice du livre.
B. ...afin de susciter la lecture libre et individuelle grâce au réseau de
livres du CDI.
Aussi, pour pallier ce manque de contact avec le livre, nous avons mis en
place une sorte de “réseau” de livres (Cf. Annexe 1).
La documentaliste s'est attachée à leur faire découvrir la vie du livre
grâce à un film intitulé La Naissance d'un livre en séance au CDI.
Elle a, de plus, expliqué le fonctionnement de l'emprunt. Chaque
vendredi, les élèves pouvaient emprunter jusqu'à trois livres policiers. Il a
été convenu que chaque lecteur devait remplir une fiche de renseignements
sur le livre emprunté, fiche que nous avons élaborée à la suite d'une séance
de sensibilisation au genre policier, dont nous reparlerons.
11
insérer ici le document 1 (anciennement 3ème
et 4ème page de l’annexe 2)
12
13
Aussi, à l'activité collective de la lecture suivie se mêle une activité plus
personnelle, celle de la lecture individuelle. Le lecteur se trouve seul devant
et avec le livre.
A travers ce réseau, la lecture n'est plus un terme abstrait, mais désigne
une expérience vécue entre une personne et un livre. L'élève découvre que
plusieurs facteurs sont en jeu dans cette activité : ses compétences de lecteur
mais aussi ses goûts. Il découvre une autonomie vis-à-vis de la chose écrite
qui pourrait se formuler ainsi : “J'aime lire mais ce livre ne m’a pas
intéressé” ou encore : “Je n'ai pas réussi à finir, ce livre est trop difficile.”
Pour en prendre conscience, un tableau avec assortiment de gommettes
permettait de visualiser compétence et goût de chacun face aux livres. Ce
tableau présentait aussi l'avantage de comparer les goûts des copains avec
les siens.
Bilan de cet objectif
Un premier constat s'impose face à la pédagogie utilisée en lecture
suivie. Dès la fin de la lecture du roman de Boileau-Narcejac, certains élèves
ont emprunté le livre au CDI. On peut alors interpréter cette attitude de
plusieurs façons :
- les élèves ont eu le sentiment de n'avoir pas lu le livre. Ce qui est en
partie dommageable, en vue de l'objectif que nous nous étions fixé ;
- en empruntant le livre, ils manifestent le besoin de manipuler l'oeuvre,
manque que nous n'avons donc pas réussi à combler par le réseau de
lecture ;
- le désir du livre, de lire s'est manifesté quelle que soit la connaissance
que l'élève pouvait en avoir. Lire, pour lui, signifierait donc autre chose que
de s'intéresser à l'histoire.
L'activité de lecture en réseau a propulsé de façon sensible les emprunts
au CDI. Sur une période de deux mois, les élèves ont lu en moyenne quatre
livres chacun. Certains ont emprunté jusqu'à treize livres.
Malheureusement, l'un d'entre eux est passé à travers “ les mailles du filet ”.
14
O
BJECTIF D’ORDRE CULTUREL
La lecture comme médiation entre l'homme et le savoir n'est pas à
démontrer. On lit pour s'informer, comprendre le monde d'autrefois,
d'aujourd'hui. On lit pour élargir son vocabulaire et surtout on exhorte
l'enfant à lire pour qu'il sache correctement écrire la langue. Son importance
culturelle est telle qu'on en oublie parfois que le livre lui-même sert avant
tout son propre savoir Les livres informent, renseignent sur les livres.
Aussi, notre second objectif, puisqu'il a fallu les hiérarchiser pour les
besoins de l'exposé, est de développer chez l'élève une connaissance du livre
et une culture plus particulière du roman policier.
Aussi, nous avons appréhendé cet objectif sous trois axes.
I - Connaître le
d'informations ;
livre,
c'est
le
reconnaître
intrinsèquement
source
II - Connaître un livre, c'est repérer le réseau culturel dans lequel il s'inscrit ;
III - Connaître un livre, c'est être capable d'en parler grâce à l'usage d'un
vocabulaire approprié.
I - Connaître le livre, c'est le reconnaître intrinsèquement source
d'informations.
Cela impliquait une appréhension du livre dans sa matérialité. Le livre
est un objet. Notre souci était d'engager les élèves dans une découverte du
livre grâce à la manipulation et l'observation. Ce faisant, nous avions
conscience de réduire quelque peu la distance culturelle entre l'élève et le
livre.
15
A. Observation et manipulation de livres
Un mardi après-midi, en début de séquence, nous avons banalisé les
deux heures de cours de français. La classe avait été transformée. Une série
de tables formait un grand présentoir sur lequel une cinquantaine de livres
étaient disposés. Les élèves se répartirent, librement, en sept groupes de
quatre. Une consigne simple et volontairement imprécise a été donnée.
Chaque groupe devait choisir cinq livres qui “allaient ensemble”, pour
ensuite restituer sur une grande feuille de papier au moins trois points
communs. Vingt minutes étaient allouées pour cette activité.
Très vite, une véritable dynamique de travail s'est installée dans chaque
groupe, les uns discutant les critères proposés, les autres oscillant entre tel
ou tel livre, d'autres encore allant chercher conseil chez d'autres élèves plus
confortés dans leur choix.
Ce genre d'activité a paru tout à fait bénéfique pour un élève, qui
parvient avec peine à décrypter le code de la langue écrite. Ce profond
handicap l'enferme habituellement dans la passivité. Il fut, à cette séance,
très actif.
B. Analyse
Nous avons remarqué que le livre avait fait l'objet d'un examen
méticuleux. Les critères furent divers et variés. Un groupe a repéré que la
date de dépôt légal se situait pour chacun des cinq livres postérieurement à
1970. Plusieurs se sont attachés au type de collection (“ Livre de Poche ” et
“ Souris noire ”) et même au directeur de cette dernière, J. Périgot. Quelques
confusions ont été faites sur le titre et l'auteur du livre, notamment pour des
pièces de théâtre. Le tampon du CDI commun aux livres choisis a provoqué
rapidement des questions sur les possibilités d'emprunts.
Cette sensibilisation a été, par la suite, développée par la documentaliste
lors de la présentation des livres retenus pour la lecture en réseau. Ont été
repérés maisons d'édition, logos, noms d'illustrateurs.
II - Connaître un livre, c'est repérer le réseau culturel dans lequel il
s'inscrit.
Repérer le réseau culturel dans lequel s'inscrit le livre était synonyme,
dans le cadre de notre projet, de découvrir un genre, le genre policier.
Aussi, par le truchement du présentoir, nous avons offert à la
manipulation les romans policiers. Il était prévu que seul ce genre de
16
romans était en nombre suffisant pour créer une série de cinq.
Malencontreusement, une erreur s'est glissée dans notre calcul. Un groupe a
rassemblé des pièces de théâtre.
A. Examen approfondi des caractéristiques externes du roman
policier.Découvrir un genre à travers une simple observation de la première
et de la quatrième de couverture, du titre, de la collection ou bien encore de
l'illustration est une gageure. Cependant, cette animation a permis une
véritable sensibilisation, ce qui de fait, correspondait à notre projet.
L'examen de l'illustration s'est souvent montré pertinent.
Prenons pour exemple le groupe dont Anne-Sophie est le rapporteur.
Après avoir lu les titres, elle fait les remarques suivantes :
“ Ces livres sont tous des romans policiers. Il se passe un meurtre. Les
illustrations évoquent toutes l'ambiance d'un meurtre. Sur la première illustration,
il y a un policier. Sur les deux suivantes, c'est la nuit, on a peur. Sur la quatrième,
on voit une tache de sang et sur la dernière, on ne sait pas qui regarde et la photo
n’est pas bien claire.”
On notera que cette élève a fait preuve d'un sens pointu de l'observation.
Elle est parvenue à analyser les indices de l'illustration. “C'est la nuit, on a
peur” manifeste sa capacité à décrypter un code d'ordre culturel. La nuit,
comme la tache rouge, suggèrent l'inquiétude. Ce qui me paraît le plus
étonnant dans l'analyse qu'elle propose, c'est l'état d'interrogation dans
lequel elle-même se situe : “ On ne sait pas qui regarde”. Or, sur l'illustration,
aucun personnage n'est esquissé. Elle a donc bien senti que la photographie
tient du mystère en ce qu'elle n'est pas immédiatement lisible.
Plus simplement, l'examen des titres a été une source de critères. Le mot
“enquête” a été repéré. De façon plus complexe et avec des difficultés pour
la formulation, le sème du vol a été retenu à travers les mots “vol”,
“kidnapping”, “enlèvement”.
Enfin, la prise de parole a été ponctuée par des injonctions : “C'est des
livres d'enquête. Il faut démasquer les assassins”. La formulation imprécise de
Franck prête au questionnement. Quel sens donne-t-il à cette expression
impersonnelle ? Parle-t-il de l'enjeu de l'intrigue, auquel cas, c'est le
détective qui est concerné, ou de façon plus incisive de l'attitude du lecteur,
qui peut lui aussi vivre la recherche ?
17
B. Synthèse
L'animation ici décrite sur l'observation et la restitution des éléments
communs aux livres a duré une heure. Une seconde heure a été consacrée à
une synthèse. La salle, au cours de la récréation, a repris son allure de classe.
De façon individuelle, les élèves répondaient au questionnement du
professeur. Le roman policier s'affichait en titre au tableau.
Ce partage a été très riche au niveau du contenu car la culture
télévisuelle avait droit de cité. Cela nous a permis de répertorier les
éléments en plusieurs catégories :
→ les personnages :
−
les enquêteurs,
−
les suspects,
−
les témoins,
−
les victimes ;
→ les objets :
−
d'enquête,
−
volés,
−
pour se défendre,
−
pour se cacher ;
→ les lieux ;
→ le temps ;
→ l'atmosphère :
−
peur, mystère, horreur ;
→ les actions :
−
crime,
−
enquête ;
→ le portrait physique du détective :
Après avoir constaté que le détective était souvent vêtu d'un
imperméable et d'un chapeau, nous nous sommes interrogés sur les raisons
de cet habillement. “C'est pour avoir l'air de rien” dit l'un et l'autre de
renchérir : “pour être comme un passant”. Un autre plus finement ajoute :
“comme ils s'habillent tous pareils, on les reconnaît tout de suite”. Sans le
savoir, ils venaient de battre en brèche l'archétype du détective ;
→ le portrait moral du détective :
Chacun propose une image : “II cherche des idées avec sa pipe, comme
Sherlock Holmes et Maigret ”, “II ne doit pas trop parler, parce que s'il parle
au voleur, alors...” (rires), “oui, mais Columbo, il dit tout.” Par ces quelques
citations - extraites de l'enregistrement fait par la documentaliste lors de la
séance -, nous souhaitions mettre en évidence les connaissances multiples
des élèves.
18
Cette animation a permis une mobilisation large des acquis culturels des
élèves. S'ils ne maîtrisaient pas encore le lexique de façon satisfaisante, il
n'en reste pas moins que cette activité fut l'occasion :
- de réactiver un savoir dont certains ne soupçonnaient pas l'étendue ;
- d'introduire discrètement un lien entre la culture télévisuelle et la
culture livresque ;
- de susciter la curiosité à l'égard des livres et d'engager ainsi le prêt ;
- de mettre en évidence les constantes du roman policier à travers un
classement simple mais approprié.
III - Connaître un livre, c'est être capable d'en parler grâce à l'usage
d'un vocabulaire approprié.
Aussi, l'initiation à la recherche d'information et de documentation,
proposée par la documentaliste à chaque classe de 6ème en début d'année, a
été élaborée à partir du thème du policier.
A. Recherche de vocabulaire...
Un premier temps fut consacré à l'utilisation du dictionnaire. Pour en
faciliter la manipulation, un classement de mots en ordre alphabétique a été
proposé. Cet exercice, qui pouvait être mal perçu de la part d'élèves de
6ème, n'a fait l'objet d'aucune revendication. En effet, les mots choisis étaient
complexes. Le travail demandé a donc été ressenti de leur niveau.
19
Travail sur le roman policier
Recherches dans les dictionnaires
1. Classer les mots suivants dans l’ordre alphabétique :
enquête preuve interrogatoire filature déductions indices témoin reconstitution
assassin déposition alibi présomption culpabilité prévenu accusé coupable
crime délit mobile suspect complice récidiviste soupçon préméditation
arrestation appréhender infraction perquisition souricière
..........................................................................................................................
..........................................................................................................................
..........................................................................................................................
2. Observer le dictionnaire
“ suspect ”/ ”suspens ”
3. Rechercher :
la nature de “ indice ” : .....................................................................................
..........................................................................................................................
..........................................................................................................................
l’étymologie de “ alibi ” : ...................................................................................
..........................................................................................................................
..........................................................................................................................
les sens de “ souricière ” : ...............................................................................
..........................................................................................................................
..........................................................................................................................
les synonymes de “ accuser ” : ........................................................................
..........................................................................................................................
..........................................................................................................................
les antonymes de “ infraction ” : ......................................................................
..........................................................................................................................
..........................................................................................................................
un exemple illustrant le mot “ filature ” : ...........................................................
..........................................................................................................................
..........................................................................................................................
20
Ensuite, un article de dictionnaire a été examiné avec attention. Les
différentes typographies et parties ont été soulignées et les codes utilisés
(abréviations, sigles. . .) déchiffrés.
Enfin, un travail de recherche sur les mots avec le dictionnaire a permis à
chacun de découvrir que celui-ci était détenteur de beaucoup plus
d'informations qu'on ne pouvait le penser de prime abord.
Lors de cette séance, les élèves furent positionnés en tant que détectives.
Le détective sait où et comment chercher les informations dont il a besoin, il
a surtout la capacité de les lire, de les comprendre et donc de les utiliser à
bon escient.
L'étude du vocabulaire s'est, bien sûr, poursuivie lors de la lecture suivie.
Elle n'a pas été systématique. En effet, la polarisation sur les mots difficiles
ou inconnus ne nous paraît pas justifiée si l'on considère que chaque unité
de texte est le produit d'un contexte. Cependant, nous ne sous-estimons pas
son importance puisque l'usage de termes comme hypothèse, déduction,
indice, permettait de catégoriser les éléments du texte et d'initier
progressivement les élèves à l'abstraction.
B. ...pour une prise de parole plus efficace.
Pour permettre une meilleure appropriation du vocabulaire propre au
policier, nous avons organisé des séances de prise de parole en demi-groupe
sur le livre. Il nous est apparu nécessaire de valoriser cette culture acquise à
travers la lecture, en la rendant vivante.
C'est en petits groupes de lecteurs, réunis autour d'un même livre, que
les échanges ont eu lieu. Après un temps bien déterminé, un élève prenait la
parole pour parler du livre. Aucune consigne n'avait été donnée. Très vite,
l'activité a posé question. Comment fallait-il gérer la présentation du roman,
sans que le désir de le lire soit émoussé pour les autres élèves ? La notion de
suspens a, alors, été abordée. Comme l'auteur, mais à sa mesure, l'élève
devait susciter intérêt et attente.
Ainsi, la classe a découvert l'enjeu d'une telle expérience : parler de ce
que l'on sait, c'est faire preuve de culture, se poser par rapport à elle en
donnant son opinion, c'est l'assumer ouvertement.
21
Bilan de cet objectif
- La sensibilisation au genre policier s'est effectuée avec légèreté, non par
le biais de définitions, mais par un contact personnel avec les livres. Ce qui
est positif. Cependant, ce travail n'a pas été suffisamment approfondi.
II était possible d'envisager, en cours de séquence, le genre policier non
pas à travers ses seuls ingrédients (détective, criminel, indices ...), mais à
travers une réflexion sur les constituants narratifs mis en place pour
l'écriture de ce genre de roman. Les oeuvres lues pouvaient en être le point
d'appui.
- Le désir de lire des oeuvres non connues a été efficacement suscité. Il
semble néanmoins qu'un véritable savoir sur les auteurs, les héros-types du
policier ait été sous-estimé. Il aurait été, en effet, intéressant d'analyser de
plus près les portraits de Maigret, de Sherlock Holmes, etc., à travers une
lecture d'images par exemple.
22
O
BJECTIF D’ORDRE DIDACTIQUE
Cet objectif prend appui sur l'étude de l'oeuvre intégrale : Les Pistolets de
Sans-Atout. Il s'articule sur trois axes qui sont, de plus, trois étapes
essentielles de la démarche pédagogique engagée.
I - Lire, c'est construire du sens ;
II - Lire, c'est prendre conscience que le texte met en oeuvre des procédés,
qui procurent au lecteur, plaisir et intérêt ;
III - Lire, c'est progressivement s'approprier ces techniques pour être
capables de les réinvestir dans un autre projet.
I - Lire, c'est construire du sens.
En intitulant ainsi cet axe de travail, nous souhaitons d'emblée souligner
que lire nécessite une véritable activité du lecteur, une activité qui
transforme des éléments, des “détails” du texte en indices signifiants et qui
élabore une ou plusieurs hypothèses de sens.
Aussi le choix de l'oeuvre intégrale étudiée en classe a-t-il été influencé
par cette conception de la lecture, entreprise de construction. En effet,
comme le souligne M. Lits dans Lire un roman policier la spécificité d'un récit
d'énigme par rapport au roman classique, c'est que “rien n'y est jamais
gratuit”. Tout détail a des chances d'être dépositaire d'une réalité non
formulée. Parce que le récit d'énigme est, par essence, le lieu de l'ambiguïté,
de l'implicite et même du non-dit, le lecteur est très vite habité par le besoin
de créer un espace de cohérence et de logique afin de poursuivre sa lecture.
C'est alors sa compétence linguistique qui entre en jeu. Elle sollicite
l'ensemble de l'activité et fait de la lecture une oscillation continue entre ce
que l'on lit et ce que l'on prévoit.
23
Plus la lecture est tendue vers l'avant, anticipative, plus le récit semble
passionnant. L'échafaudage des hypothèses est perpétuellement élaboré et
démantelé par le lecteur.
Cette souplesse caractérise bien l'attitude demandée au lecteur. Il doit
faire preuve à la fois d'initiative et de docilité à l'égard du texte. Il est en
perpétuelle activité. Bien sûr, cette attitude n'est pas innée. Il faut la forger,
la stimuler par la confrontation avec des situations problématiques, surtout
lorsque le lecteur est novice.
A. Recherche d'indices à travers des situations problématiques posées
par la fiction.
Aussi, la première séance de lecture suivie s'est attachée à mettre la
classe face à ce genre de situations. Résumons-en une brièvement. Monsieur
Skinner reçoit un coup de téléphone bien étrange; d'une part, il ne reconnaît
pas la voix de son interlocuteur, d'autre part, il est surpris de la demande
qui lui est adressée. A l'aide d'un questionnement quelque peu tendancieux,
les élèves prennent conscience de l'ambiguïté du personnage : “ Pourquoi se
rendre à un rendez-vous alors qu'on ne reconnaît pas la voix de celui qui l'exige ? ”
S'ensuit alors un temps d'écriture individuelle dont la trame est proposée
par le professeur.
Mr Merril parle bas parce que ce n’est pas Mr Merril mais l’inconnu essaie
d’imiter sa voix.
Mr Skinner ne reconnaît pas la voix de Mr Merril parce que c’est l’inconnu barbu
et puis qu’il l’a jamais entendu au téléphone.
La notion d'hypothèse est alors présentée, par le biais de ce travail.
Une autre séance - externe, celle-ci, à l'étude de l'oeuvre intégrale - a
permis d'expérimenter les capacités nécessaires pour élaborer hypothèses et
déduction. Grâce à une énigme à résoudre, sous forme de bande dessinée,
l'élève se trouve en position d'enquêteur. Il lui est demandé non pas de
découvrir le coupable, mais de repérer les indices utilisés par “ Mac
Haskett ” pour le dénoncer. Une observation minutieuse des vignettes
suffisait pour effectuer ce travail.
Or, ce fut difficile pour beaucoup d'élèves, chacun s'évertuant à imaginer
les raisons plutôt qu'à les repérer. Cette activité a permis à la classe de
24
découvrir qu'une hypothèse ne peut être validée que si elle tient compte de
façon précise des éléments inscrits dans la situation donnée.
A partir de cette expérience, j'ai décidé d'élaborer mon travail de lecture
suivie en transformant dès que possible les élèves en détectives. Ce procédé
pédagogique les a rendus plus encore soupçonneux à l'égard de la fiction.
B. Recherche d'indices à travers les objets de la fiction.
Après avoir envisagé des situations problématiques, nous avons
concentré notre attention sur l'objet, élément déterminant dans une enquête
policière. L'objet, lui aussi, est porteur d'indices et suscite l'élaboration
d'hypothèses.
Une séance a été consacrée à l'étude d'un texte exemplaire, l'incipit de
l'oeuvre de Conan Doyle : Le Chien de Baskerville. Ce texte met en lumière le
raisonnement logique et les procédures qui président à l'élucidation
policière. La méthode de Holmes consiste à trouver des indices, à en tirer
des déductions et à formuler des hypothèses.
Cette séance a prédisposé la classe à examiner de façon méticuleuse les
objets inscrits dans l'oeuvre de Boileau-Narcejac.
Aussi, nous avons tenté d'esquisser le portrait du voleur à partir des
indices qu'il avait laissés. Le décor, la fenêtre, les objets dérangés mais aussi
la nature des objets volés pouvaient nous renseigner sur l'identité du voleur.
Certes, le portrait ne pouvait être que moral et les élèves ont regretté de ne
pouvoir faire le portrait-robot grâce à des témoignages.
La piste était mince, mais l'espoir de retrouver le coupable n'en était pas
pour autant amoindri.
25
insérer ici le document 3
26
Le deuxième cambriolage fut aussi l'objet d'un examen minutieux
comparatiste. Le mode de cambriolage, la nature du vol allaient-ils informer
davantage ? Les hypothèses furent différentes, les uns considérèrent
qu'aucun rapport ne pouvait être établi entre les deux crimes, d'autres plus
subtils remarquèrent que ce vol ne serait pas raconté s'il n'avait pas
d'importance. Ces derniers, plus vigilants devant le roman, avaient bien
saisi que rien n'est jamais gratuit dans un roman de ce genre..
C. Compétences nécessaires à cette construction de sens.
Cette lecture indicielle a été possible dans la mesure où elle
s'accompagnait d'un travail généralement plus simple sur l'enchaînement
logique des événements relatés dans l'oeuvre. En effet, deux compétences
nous semblent essentielles pour construire le sens d'un texte :
a) une compétence linguistique, nous en avons fait état précédemment,
b) une compétence logique ...
- développée par le texte-puzzle :
Aussi à plusieurs reprises lors de la séquence, des exercices pratiques
ont été proposés afin de développer cette capacité. Prenons l'exemple d'un
texte puzzle. Il est constitué des principales actions de l'épisode qui vient
d'être lu en classe. L'ensemble du texte est à remettre dans l'ordre. Pour
aider la mémoire, quelques indices d'ordre narratif parsèment le texte.
Quelques hésitations se produisent au cours de l’exercice alors que
l'ordre de l'histoire n'est pas perturbé par la narration.
Cette activité à l'allure de jeu développe le sens logique en faisant
apparaître ce qui constitue la cohérence interne du texte. Elle permet aussi
de prendre conscience que la succession des événements, due à leur
multiplicité, n'est pas aisée à saisir, même dans une structure minimale
qu'est le texte.
- développée par la lecture tabulaire (Cf. Annexe 2) :
Il est a fortiori plus complexe d'appréhender l'ensemble du dispositif sur
une oeuvre entière. Aussi, sur les conseils du maître de stage, présent à
plusieurs séances de lecture suivie, j'ai entrepris avec la classe une lecture
tabulaire du roman.
L'objectif était de cerner de plus près les paramètres spatio-temporels de
l'action, les personnages, les événements racontés par le professeur et lus en
classe. Après l'avoir entamée avec les élèves, j'ai souhaité qu'elle s'effectue
27
individuellement en début de chaque séance. J'ai pu constater qu'une des
principales difficultés se situait dans le choix des événements.
Tout leur semblait important, comme inextricablement lié. Ce qui m'a
semblé positif, puisque, de fait, ils ont éprouvé la cohérence du roman à
travers les liens chronologiques et logiques qui le sous-tendent.
Il faut noter que le repérage des paramètres temporels fut réduit à ceux
de la fiction. En effet, il ne m'a pas paru nécessaire de faire la distinction, en
6ème, entre le temps de la narration et le temps de la fiction, car la narration,
à l'encontre des récits d'énigmes types, ne présentait pas de perturbation.
Enfin, cette lecture tabulaire a permis, en fin de séquence, de relire les
grandes phases du récit et d'y ajouter les éléments manquants.
Repérer des détails du texte, les transformer en indices, construire des
hypothèses, les valider ou les démanteler au fur et à mesure de la lecture,
créer des liens chronologiques et logiques entre les événements constituent
le premier axe de notre objectif didactique. L'ensemble de ces actes constitue
ce qu'on appelle la lecture prospective, prospective en ce qu'elle part d'un
sens hypothétique pour aller vers un sens validé. Elle est aussi linéaire,
même si le fil de la lecture est parfois brisé et si des retours en arrière sont
nécessaires. Elle est sélective : seuls certains détails du texte sont
transformés en indices.
Umberto Eco, dans Lector in Fabula, traite de cette conception de la lecture
en définissant le texte comme “un tissu d'espaces blancs, d'interstices à
remplir”. Un texte, nous dit-il, “est une machine paresseuse” qui “veut que
quelqu'un l'aide à fonctionner”.
Il montre bien le rôle indispensable du lecteur : “Le texte veut bien laisser
au lecteur l'initiative interprétative ”, mais aussi le cadrage du sens opéré
par l'auteur via le texte : “En général, le texte désire être interprété avec une
marge suffisante d'unicité”.
Aussi Eco nomme-t-il cette interaction entre le lecteur et l'auteur sur le
livre : “la coopération interprétative”.
II - Lire, c'est prendre conscience que le texte met en oeuvre des
procédés qui procurent au lecteur plaisir et intérêt.
Passer de la lecture à l'étude de l'oeuvre entraîne un double
déplacement : le lecteur change non seulement de regard sur l'oeuvre, mais
aussi de statut. Il n'est plus celui qui s'abandonne au plaisir et au sens du
texte, mais celui qui recherche dans le texte l'origine de son plaisir et la
28
façon dont s'est construit le sens. En un mot, on passe d'un intérêt dominant
pour “ce qui est raconté” à un questionnement sur “le comment c'est
raconté”.
En effet, cette “coopération interprétative” met en relation deux pôles, le
lecteur et le texte. Une véritable pédagogie de la lecture ne peut privilégier
un pôle plutôt qu'un autre. Aussi, il faut considérer qu'à cette véritable part
interprétative léguée au lecteur s'oppose une résistance du texte même, qui
propose lui aussi du sens.
L'étude menée en classe pose l'accent sur les procédés narratifs à l'oeuvre
dans le texte. Pour plus de commodité, nous avons organisé notre exposé en
deux parties :
- l'analyse des procédés narratifs qui travaillent à l'élaboration de la
fiction policière ;
- l'analyse des procédés narratifs propres au roman.
Il va sans dire que cette dichotomie est en soi peu pertinente. En effet, le
problème de l'énonciation, par exemple, sous-tend aussi bien la trame du
roman que celle de l'enquête policière. Mais nous avons fait le choix de
l'intégrer dans les procédés narratifs du genre policier, car il a été
appréhendé à travers ce biais. Il est, de plus, particulièrement perceptible
dans ce genre.
A. L'analyse des procédés narratifs qui travaillent à l'élaboration de la
fiction policière.
Notre démarche, en un premier temps, s'est donnée pour but de
“désacraliser l'écrit”. Cela peut sembler inutile pour de jeunes lecteurs.
Or, il n'en est rien. Nous baignons dans une civilisation qui a privilégié
l'écrit et le comportement de nos élèves en est influencé. En bref, nous
pourrions le formuler ainsi : “C'est vrai, parce que c'est écrit”.
Aussi, le premier travail proposé est une résolution d'énigme : Vol dans
une cave. La relation du vol est faite par le viticulteur. Or, l'enquêteur met en
cause ses propos et refuse sa version des faits. Aux élèves de trouver non
pas le coupable, mais les indices qui concernent la thèse du mensonge émise
par le détective.
Cette étape a contribué à jeter le soupçon non pas sur le comportement
d'un personnage mais sur ce qu'il dit donc sur ce qui est écrit. Par la suite,
un questionnement systématique du mode d'énonciation accentuera la
réflexion sur l'intérêt de connaître celui qui parle et/ ou celui qui raconte.
29
a. Le problème de l'énonciation
Plus complexe fut la question, à proprement parler, de l'énonciation.
En début d'année, plusieurs lectures de textes extraits du manuel de
français L'art de lire avaient exploré la position du narrateur. Se trouvait-il à
l'extérieur ou à l'intérieur du texte ?
Cette initiation permit de convenir, très vite, que le narrateur de notre
roman était le plus souvent extérieur. Une mise en garde avait été faite, il se
pouvait qu'à un moment ou un autre il apparaisse. A nous de savoir repérer
les indices de sa présence.
Résumons la situation que nous avons exploitée :
François a découvert la mallette que Miss Mary a remise à un inconnu, la
veille au soir. A l'intérieur, se trouvent des objets disparus lors du
cambriolage. La complicité de la jeune femme avec le voleur ne fait plus de
doute. Or, un événement vient déstabiliser notre conviction de lecteur. A
l'annonce de l'enlèvement de M. Skinner, père de Bob mais aussi fiancé de
Miss Mary, celle-ci paraît désemparée.
Elle était assise, toute droite, devant le téléphone, le visage crispé,
les yeux trop brillants. Elle murmura, d'une voix méconnaissable :
“ Rien ne nous sera épargné. ”
Mais, puisqu'elle était la complice du gangster, elle devait bien
être au courant de ses projets. Alors, pourquoi cet accablement ?
Car elle ne jouait pas la comédie. Visiblement, elle était désespérée.
Un élève fait remarquer que l'attitude de la jeune femme est
contradictoire. Mais il ne parvient pas à expliciter davantage sa pensée et
répète le texte. J'insiste alors sur la description en relisant la partie du texte
suspecte. Une expression frappe un élève : “les yeux trop brillants”.
“Madame, quand on dit ça, ça veut dire qu'elle fait exprès.”
J'ai été très surprise de la pertinence de cette formulation. La question, en
effet, était délicate puisqu'elle mêlait énonciation et point de vue.
Grâce à un questionnement, il a été possible de distinguer celui qui
regarde Miss Mary, François et celui qui raconte la scène, le Narrateur.
J'ai alors expliqué que le Narrateur se servait des yeux de François pour
regarder la scène et qu'il pensait, comme le garçon, qu'elle était coupable.
S'ensuivaient alors deux hypothèses possibles.
insérer ici document 4
30
b. Le point de vue
Il est important de faire remarquer qu'une séance antérieure s'était
attachée à faire valoir le point de vue selon lequel est perçu un personnage.
Un premier temps fut consacré à l'étude de l'illustration apposée au texte.
Après l'avoir décrite avec les élèves, j'ai expliqué l'effet de contre-jour de
cette image, la raison pour laquelle les personnages se trouvaient dans
l'obscurité, le type d'éclairage de la scène.
Ensuite, un repérage des verbes dont “ François ” est le sujet a mis en
évidence le mouvement opéré par le garçon. Les élèves ont donc découvert
par des indices textuels que c'est à travers le regard de François que se
révélait progressivement la scène, et que notre perception, à nous lecteurs,
dépendait de la position du garçon dans l'espace.
B. L'analyse des procédés narratifs propres au roman
Nous avons, en un premier temps de ce présent exposé, exploré l'univers
imaginaire le plus reconnu par les jeunes lecteurs afin de susciter un
véritable désir de lire.
Nous avons, en cela, privilégié ce que R. Barthes, dans Le Plaisir du texte,
appelle la lecture de plaisir ; lecture qui va droit au but et saute impunément
ce qui n'est pas utile à la compréhension globale de l'intrigue.
L'étude des procédés narratifs se voudrait être une passerelle afin
d'engager le lecteur vers ce que l'essayiste nomme la lecture de jouissance,
lecture qui “ colle ” au texte et prête attention à ses moindres mouvements, à
la densité émotive et esthétique dont il est dépositaire.
Si l'accès complet à la lecture de jouissance semble difficile à cet âge,
nous n'excluons pas une initiation. Il est possible d'observer l'écriture des
textes dès la 6ème.
a. La poésie du texte
Ce qui est apparu le plus sensible à la lecture, pour l'ensemble de la
classe, est la poésie qui se dégage du texte. Cette perception a été facilitée
par la lecture à voix haute du professeur. Elle offre, en effet, la possibilité de
jouir des sons, de sentir le balancement des phrases et des mots. Ces
moments, il faut le dire, sont assez rares dans le roman de Boileau-Narcejac.
Cependant, si l'on interroge sur les raisons pour lesquelles le texte est
poétique, c'est bien sûr, la situation - une jeune femme sous un clair de lune
- qui tient lieu de référence. Or, en relisant quelques phrases, allitérations et
31
assonances ont frappé l'oreille. “Madame, ça fait comme une caresse” a partagé
spontanément un élève.
b. Mystère et suspens
Le mystère dont est empreint ce passage n'a pas laissé indifférent. La
révélation progressive de la scène, précédemment étudiée, travaille à cette
appréhension du texte. Grâce à un repérage d'indices textuels (ponctuation
très abondante : points d'interrogation et de suspension), le passage s'est
montré le lieu du questionnement et du doute.
Le mystère propre au récit d'énigme est bien spécifique. M. Lits fait
remarquer qu'il est plus juste d'adopter le terme français suspens que
l'anglicisme suspense. En effet, ce dernier désigne “un sentiment d'attente
angoissée” alors que le terme un peu ancien de suspens signifie “incertitude,
attente inquiète”.
De plus, le suspens évoque, au sens propre, un temps d'arrêt, d'attente.
Selon Yves Reuter, qui, dans son article “ Le suspense : les lois d'un
genre ” (Revue Pratiques n°54, juin 1987, Les mauvais genres), ne fait pas la
distinction entre les deux termes, ce mécanisme de retardement repose bien
sur une rupture en tant que freinage textuel, alors que le désir du lecteur en
est, en quelque sorte, exacerbé.
La notion de suspens est bien connue des élèves. Ils avaient conscience
qu'une énigme aussitôt résolue ne permettait pas au récit de se développer
et que le retardement maintenait l'attention de l'acte de lecture. A travers
une lecture détaillée, nous avons tenté de comprendre le mécanisme auquel
nous avions à faire. Deux procédés furent mis à jour pour l'analyser :
- l'importance du danger ;
- la brièveté de l'espace temporel séparant de l'échéance, et sa mise en
scène.
Pour cela, plusieurs repérages furent nécessaires, les verbes de
mouvement et les adjectifs manifestant l'inquiétude des personnages. Nous
avons alors découvert que le temps était figuré par un espace à parcourir ;
l'intensité du danger était suggérée par le comportement des enfants, la
description des visages.
Enfin, un troisième procédé - l'identification du danger - que n'avaient
pas remarqué les élèves, a été souligné.
32
c . Effets des rapports spatio-temporels de l'oeuvre
Entreprendre un examen du temps de la fiction à travers l'effet
suspens, c'était engager une étude plus approfondie sur le rythme
l'oeuvre intégrale. Nous souhaitions, en effet, faire valoir, sans prendre
compte le temps de la narration, que les modulations temporelles
spatiales travaillaient à créer des effets différents dans le texte.
de
de
en
et
A l'événement tragique de l'enlèvement de M. Skinner succèdent deux
moments importants pour l'action :
- la course poursuite des deux garçons dans la banlieue de Londres à la
recherche de l'homme roux ;
- le huis clos qui met en contact les deux principaux protagonistes du
roman, François et Miss Mary.
En comparant ces deux épisodes avec la classe, nous avons pu formuler
les remarques suivantes :
- Dans le premier cas, le temps est accéléré et les lieux sont nombreux. La
multiplicité des lieux parcourus amplifie l'effet d'étourdissement.
- Dans le deuxième, le temps s'écoule beaucoup plus lentement. Le lieu
est unique. Cette phase de la confrontation entre les personnages crée l'effet
d'une profonde violence.
A ce niveau d'étude de l'oeuvre intégrale, nous considérons que l'activité
effectuée par le lecteur n'est plus une “coopération interprétative” avec le
texte mais bien une “interprétation critique” du texte lui-même.
Cette “interprétation critique”, comme la nomme Umberto Eco, exige des
savoirs sur les textes, sur la façon dont ils sont fabriqués pour engendrer du
sens et produire des effets.
Cette exigence ne met pas en péril la lecture elle-même. En effet, tous les
instruments, tous les concepts dont s'est dotée la narratologie consistent en
un retour - détourné - sur l'oeuvre, donc sur la lecture.
III - Lire, c'est progressivement s'approprier ces techniques pour
être capables de les réinvestir dans un autre projet.
A travers l'étude du roman, les élèves ont découvert des techniques
narratives. En prendre conscience est une façon d'augmenter le plaisir de
lire mais aussi d'écrire. Ecrire, pour G. Langlade, auteur de L'Oeuvre
intégrale, est une entreprise de stabilisation et de fixation des savoirs.
33
Aussi, notre projet de lecture suivie intègre, comme prolongement, un
second pôle, l'écriture. On sait que la mobilisation et le réinvestissement, par
le moyen de l'écriture, des connaissances acquises lors de la lecture et de
l'étude, sont des conditions primordiales d'une véritable appropriation.
A. De l'écriture collective d'un roman à la conception d'un dossier policier
Notre projet originel était de susciter une écriture collective d'un roman
ou plus modestement d'une nouvelle, parallèlement à la lecture. Cela
présentait plusieurs intérêts :
- les élèves apprenaient à travailler en groupe. Ce qui exigeait de leur
part des capacités réelles de communication (écoute, prise de parole) ;
- cette entreprise d'écriture rendait au travail de l'écrivain toute sa
difficile réalité ;
- la publication du roman, au sein du collège, suscitait un élan non
négligeable à l'entreprise engagée.
Très vite, de nombreux obstacles sont apparus, les uns d'ordre matériel :
il était impossible de diviser le groupe classe en deux parties, aucune heure
ne pouvait être allouée pour ce genre d'activité ; les autres d'ordre
pédagogique et didactique : professeur-stagiaire, je me sentais encore trop
peu expérimentée pour apporter l'aide nécessaire au bon fonctionnement
d'une écriture collective. Plusieurs questions sont restées sans réponse.
Quelle attitude adopter pour susciter la créativité des élèves et offrir un
cadre structuré à leur imagination ? Nous étions, de plus, en début d'année
scolaire, je connaissais encore peu les élèves. Il m'était difficile de cerner
leurs compétences tant au niveau culturel, linguistique que narratologique.
Aussi, ce constat nous a conduites, la documentaliste et moi, à imaginer
un dossier recueillant un ensemble de données nécessaires à la
reconstitution d'une énigme policière. Ce projet évacuait les difficultés
inhérentes à l'écriture d'un récit (cohérence interne, concordance des
temps...). Il permettait, en outre, de réactiver des données acquises en
lecture suivie en les réinvestissant dans une activité, qui avait sa propre
cohérence.
B. Conception du dossier
Ce dossier comprenait :
- une carte d'identité du détective chargé de l'enquête ;
34
- une fiche de renseignements sur les collègues illustres de ce détective
que sont Hercule Poirot, Sherlock Holmes, Maigret ;
- un découpage créé sur l'atmosphère du crime ;
- une description d'objets insolites qui pourraient être des pièces à
conviction ;
- la création d'un objet utile à un voleur ;
- une fiche d'informations concernant le tableau volé ;
- un fait divers relatant le vol ;
- le rapport du détective.
L'ensemble de ces activités se sont effectuées lors de séances au CDI,
excepté les travaux d'écriture. La mobilisation et le réinvestissement des
savoirs se sont faits sous des modes différents : par le collage et le dessin,
grâce à la découverte d'un point de vue nouveau sur le policier, et enfin, par
l'écriture.
a. Collage et dessin
Nous ne nous attarderons pas sur ce mode de réinvestissement.
Après avoir été confrontés, lors de la lecture suivie, aux notions de
croquis, de portrait objectif et subjectif, à l'importance de la description qui
précise l'aspect des objets, leur éventuelle fonction, les élèves ont
confectionné une carte d'identité, esquissé des silhouettes, construit des
objets bien utiles pour un criminel, qu'il soit assassin ou voleur.
insérer ici le document 5 “ aspirateur-robot ”
35
b. Animation sur le fait divers.
La fixation des savoirs peut aussi se faire par comparaison avec d'autres
expériences que celles proposées par la lecture. Aussi, nous avons souhaité
que le “fait policier” soit appréhendé sous un autre point de vue que celui
du romancier et du détective, celui du journaliste.
Une animation sur la presse, et plus particulièrement sur le fait divers, a
pu être menée grâce à l'intervention d’une journaliste de Nord-Eclair.
Au cours d'une courte concertation, nous avons décidé de mettre l'accent
sur la recherche d'informations effectuée par le “fait diversier”, et sur la
mise en forme de celles-ci par l'écriture.
La séance a eu lieu un vendredi après-midi au CDI. Deux heures furent
consacrées à cette animation, qui s'est déroulée en deux temps : temps de
questions-réponses entre les élèves et la journaliste, et étude de la structure
du fait divers avec exemples sur feuille polycopiée.
Questions réponses
Un premier temps fut consacré à l'élaboration d'une définition du fait
divers. Grâce à celle-ci a pu être explicité le terme “crime”. Très vite, la
classe a fait des liens entre le travail de l'enquêteur et celui du journaliste. Il
a fallu poser les limites de ces analogies. Alors que le journaliste n'est pas
“autorisé” à connaître l'ensemble des informations recueillies par le SAMU,
la police ou les pompiers, l'enquêteur, habilité à l'enquête, est en droit de
tout connaître.
A été mise aussi en évidence la déontologie dont doit faire preuve le
journaliste. Il ne peut, en aucun cas, dénoncer ouvertement un suspect dans
le journal. Ses propos sont subordonnés aux décisions prises par la justice.
“Alors, Madame, même si vous avez vu le chauffeur qui a tamponné la voiture,
vous ne pouvez pas l'écrire ! ”
De même l'impartialité dont doit faire preuve le “fait diversier” les a
surpris : “Si vous interrogez une personne et que vous savez qu'elle ment, vous
écrivez quand même ce qu'elle dit dans le journal ! ” ; “Alors, vous écrivez des
choses qui ne sont pas vraies ! ” La distinction entre la relation de l'événement
et la réalité de ce qui s'est produit a difficilement été saisie.
Il fut convenu que le journaliste doit faire part de ce qu'on lui dit ;
l'enquêteur, lui, doit vérifier, en plus, si cela est vrai.
Un second temps a été consacré à la place du fait divers dans le journal.
A été repéré l'endroit qui prévaut sur tous les autres pour placer le fait
36
divers : en haut à gauche de la page. La mise en page a été expliquée avec
les termes techniques qui convenaient : le chapeau, la lettrine...
Etude de la structure du fait divers
Nous avons examiné l'organisation d'un fait divers à l'aide d'exemples
photocopiés pour chacun. La journaliste a présenté l'organisation du fait
divers par un schéma : la pyramide à l'envers. En haut du triangle, c'est-àdire en début de papier, un maximum d'informations doivent être données.
Elles correspondent à la règle des cinq W anglais : What ? Who ? When ?
Where ? Why ? Suivent des informations annexes.
Après cet apport de connaissances, les élèves ont pu décrypter les autres
faits divers grâce à cette grille.
C. L'écriture d'un fait divers et d'un rapport de détective
Dans l'impossibilité d'entreprendre l'écriture d'un récit long, nous avons
choisi de travailler à l'élaboration d'un fait divers. Cet atelier a eu lieu la
semaine qui a suivi l'intervention de la journaliste, aussi la motivation et les
connaissances nécessaires à ce travail n'ont pas fait défaut.
Une séance préalable à cette séquence avait été menée. Il s'agissait de
susciter l'attention des élèves à propos d'un tableau de La Tour, Le Tricheur.
Le moyen de susciter l'attention ? Le visionnement d'une cassette de la
collection Palette, intitulée Le Dessous des cartes.
Aucune consigne précise n'avait été donnée lors du visionnement de la
cassette. Les élèves ont pris des notes sur ce qui leur semblait intéressant.
Aussi, après cette recherche de renseignements, il fut convenu que l'objet
du fait divers était un vol, l'objet volé le tableau de La Tour, le lieu un
musée, le Louvre (endroit maintenant connu de tous puisqu'une visite a été
organisée pour l'ensemble de la classe), et que le forfait s'était produit lors
de la pause-café du gardien.
Pour rappel, les cinq W furent notés au tableau. Dix minutes furent
allouées pour trouver un titre à l'article et relater les informations
essentielles. Voici quelques titres:
- A cause d'un café ;
- Le café qui coûte cher ;
- Attention à la pause-café !
- Il y aura toujours du café à garder ;
37
- Mauvaise pause-café ;
- Vol mystérieux au Louvre.
Après avoir laissé la possibilité à ceux qui le souhaitaient de lire leur
production à l'ensemble de la classe, s'en est suivie une mobilisation des
connaissances à propos du tableau. Elle a donné lieu à un second temps de
production, consacré à la description du tableau. L'écriture du fait divers
s'acheva avec la séance. Aucun suspect ne pouvait être dénoncé, l'enquête
suivait son cours.
insérer doc. 6
38
La frustration était grande. Nos apprentis journalistes étaient agacés par
l'aiguillon du détective. D'un commun accord, nous avons décidé d'écrire un
rapport sur l'enquête qui pourrait, elle, se prévaloir de dénoncer le
coupable.
Pour cette production, les consignes étaient précises. Chaque élève
devenait le personnage qu'il avait créé grâce à la carte d'identité.
Une trame suffisamment serrée servait de structure. Le rapport était
constitué de quatre parties qui présentaient :
- l'identité du détective et sa mission ;
- l'état des lieux après le vol et la recherche d'indices ;
- l'interrogatoire des suspects ;
- la mise en accusation avec présentation des mobiles.
Enfin, les suspects étaient au nombre de quatre. Leurs identités
respectives étaient fournies par une fiche de renseignements.
Monsieur
Van
Gaboeke
aime
beaucoup
jouer
aux
cartes.
Il
est
particulièrement attiré par la scène du tableau. Il habite Bruges et vient admirer
dès qu’il le peut ce merveilleux tableau.
Monsieur Leblond est un maniaque. Il enferme toutes ses oeuvres d’art dans
un coffre et ne les montre jamais. Il croyait posséder le véritable tableau de La
Tour, mais il a découvert que le sien était un faux en regardant celui du musée.
Madame Martin a fait ses études aux Beaux-Arts. Elle connaît la valeur de ce
tableau. Elle habite la banlieue de Paris car elle n’a pas suffisamment d’argent
pour s’offrir un logement dans la capitale.
Monsieur Bivaud est un jeune peintre au chômage. Il envisage d’ouvrir un
atelier de peinture près de la place du Tertre. Seulement, il n’a pas
suffisamment d’argent.
Cette abondance de consignes peut sembler pesante. Mais il s'est avéré
que les productions des élèves étaient de bien meilleure qualité lorsque leur
imagination était bridée par une structure ferme.
39
Bilan de cet objectif
Si la lecture indicielle a été engagée avec bonheur à travers ce roman
d'énigme, il aurait été souhaitable qu'elle soit régulièrement l'objet d'un
travail écrit. En effet, par l'écriture, l'élève aurait pris davantage conscience
des exigences contenues dans l'élaboration d'hypothèses.
Plus généralement, en privilégiant le réinvestissement des acquis en fin
de séquence - à travers le fait divers et le rapport d'enquête -, je n'ai pas
suffisamment pris en compte le rythme et les modalités d'apprentissage
propres aux élèves. Un va et vient systématique entre lecture et écriture
aurait permis une meilleure fixation des savoirs.
Si la lecture tabulaire s'est révélée un outil approprié pour appréhender
la chronologie et la logique de l'oeuvre intégrale, on peut regretter qu'elle ait
été très peu utilisée en vue d'une lecture rétrospective du texte, en fin
d'étude. Par manque de temps et devant la difficulté à gérer cette relecture,
j'ai proposé une grille - toute faite - différente de celle établie en classe (Cf.
Annexe 3).
40
41
C
ONCLUSION
C'est sous forme de bilan provisoire que nous souhaitons mettre un point
final à cet exposé. En effet, les travaux qui y sont présentés ainsi que
l'analyse qui les accompagne ont pour seul mérite d'engager une réflexion
sur notre pratique d'enseignement et, de façon plus particulière, sur la
pédagogie de la lecture.
Aussi nous tirerons des éléments pour mener plus avant notre recherche
à partir des bilans proposés pour chaque objectif.
Si la motivation à la lecture s'est avérée efficace lorsque la nature de
l'oeuvre s'inscrit naturellement dans l'imaginaire des lecteurs, qu'en est-il de
ces oeuvres perçues comme inaccessibles par l'étrangeté de la langue et de
l'univers qu'elles déploient ?
De même, si la sensibilisation au genre policier et plus largement à la
connaissance du livre s'est effectuée avec bonheur, comment peut-on mener
un travail d'approfondissement sur la notion de genre en utilisant les
lectures libres effectuées par les élèves ? On peut, par ailleurs, reprocher à la
séquence menée de ne pas exploiter le réseau de lecture à des fins culturelles
et didactiques.
Enfin, si les travaux d'écriture ont été réalisés dans un véritable
enthousiasme, ils n'ont pas été suffisamment systématisés pour permettre
une évaluation efficace des acquis. Comment gérer cette part essentielle du
processus d'apprentissage, sans entraver le plaisir de lire ? Car en somme,
c'est bien cela dont il s'agit : aimer lire pour mieux écrire !
42
43
A
44
NNEXES
Annexe I : Réseau de lecture
BAUDOUY (Michel-Aimé), Voleurs de chevaux,, Bayard, "Je bouquine".
BAYARD (Georges), Michel
coll."Bibliothèque verte", 1988.
fait
BAYARD (George), Michel
coll."Bibliothèque verte", 1992.
mène
un
rallye,
Hachette-Jeunesse,
l'enquête,
Hachette-Jeunesse,
BAYARD (George), Cécile prends le mors aux dents, HachetteJeunesse, coll. "Bibliothèque verte", 1984.
BLYTON (Enid), Le Mystère du voleur invisible, Hachette-Jeunesse, coll.
"Bibliothèque rose" , 1983.
BOILEAU (Pierre) et NARCEJAC (Thomas), Sans Atout et le cheval
fantôme, Gallimard, coll. " Folio junior", 1983.
BOILEAU (Pierre) et NARCEJAC (Thomas), La Mélodie de la peur,
Rageot, coll."Cascade", 1989.
BONZON (Paul-Jacques), Les Six Compagnons et l'âne vert, HachetteJeunesse, coll."Bibliothèque verte", 1993.
COHEN, L'Assassin est dans la classe, Syros, coll."Souris noire", 1988.
COHEN-SCALI (Sarah), Ombres noires pour Noël rouge, Rageot,
coll."Policier", 1992.
CHRISTIE (Agatha), Le Meurtre de Roger Ackroyd, Librairie des
Champs-Elysées, coll."Le Masque", 1978.
DERVIN (Sylvie), L'Affaire du cahier noir, Bayard, "Je bouquine".
DERVIN (Sylvie) et BLOCH (Serge), L'Affaire Père Noël, Bayard, "Je
bouquine", 1991.
DOYLE (Arthur Conan), Le Chien de Baskerville, Gallimard, coll."Mille
soleils", 1976.
GARNIER (Pascal), Motus, Alternatives, 1989.
GRIPARI (Pierre) et LAPOINTE (Claude), La Sorcière et le Commissaire,
Grasset, coll."Lecteurs en herbe", 1982.
HERLEM (Didier), Mystère au chocolat, Rageot, coll."Cascade", 1990.
HITCHCOCK (Alfred), Un araignée appelée à régner, HachetteJeunesse, coll."Bibliothèque verte", 1990.
45
HITCHCOCK (Alfred), Silence,
coll."Bibliothèque verte", 1992.
on
tue
!
,
Hachette-Jeunesse,
HITCHCOCK (Alfred), Le chat qui clignait de l'oeil, Hachette-Jeunesse,
coll."Bibliothèque verte", 1976.
HITCHCOCK (Alfred), L'Ombre qui éclairait tout, Hachette-Jeunesse,
coll."Bibliothèque verte", 1988.
HUMBERT (Hubert), La Nuit du voleur, Syros, coll."Souris noire", 1987.
INGVAR (Sven), Dangereuses filatures, Rageot, coll."Jeunesse poche",
1971.
JEFFRIES (Roderic), L'Otage, Bayard, "Je bouquine", 1995.
JONQUET (Thierry), Paolo-Solo, Nathan, coll."Arc en poche", 1989.
JONQUET (Thierry), On a volé le Nkoro-Nkoro, Syros, coll."Souris noire",
1995.
LENAIN (Thierry), Pas de pitié pour les poupées B.,Syros, coll."Souris
noire", 1991.
MIRANDE (Jacqueline), Le Mystère de la maison rouge, Bayard, "Je
bouquine", 1992.
MIRANDE (Jacqueline), L'Ile du Maltais, Bayard, "Je bouquine".
MURAIL (Marie-Aude), Moi, le zoulou, Bayard, "Je bouquine", 1994.
NOZIERE (Jean-Paul), Torpedo contre les gangsters, Bayard, "Je
bouquine", 1991.
NOZIERE (Jean-Paul), Des crimes comme ci comme chat,, Rageot,
coll."Cascade", 1992.
PERIGOT (Joseph), La Pêche aux caramels, Syros, coll."Souris noire",
1988.
PIQUEMAL (Michel), Un chaton dans la souricière, Syros, coll."Souris
noire", 1990.
SENECAL (Didier), Le Mystère des mots croisés, Bayard, "Je bouquine",
1994.
SHARP
(Allen),
Poussière
coll."Bibliothèque verte", 1992.
mortelle,
Hachette-Jeunesse,
VILLARD (Marc), Rock machine, Syros, coll."Souris noire", 1988.
WADDELL (Martin), Le Faussaire, Gallimard, 1991.
WADDELL (Martin), Le Mystère de la caméra, Gallimard, 1991.
46
Annexe II : Lecture tabulaire
47
Annexe III : Lecture rétrospective
48
49
B
IBLIOGRAPHIE
1. Ouvrages
BEGUIN (Annette), Lire-écrire : pratique nouvelle de la lecture au
collège, Ecole, coll."Bibliothèque pédagogique", 1984.
ECO (Umberto), Lector in fabula, LGF, coll."Livre de poche", 1989.
LANGLADE (Gérard), Oeuvre intégrale : au collège et au lycée, lecture,
étude, prolongements, CRDP Midi-Pyrénées, coll."Savoir et faire", 1992.
LITS (Marc), Pour lire le roman policier, Duculot De Boeck-Wesmael,
1989.
PICARD (Michel), La Lecture comme jeu, Minuit, coll."Critique", 1986.
VIALLA (Alain) et SCHMITT (Michel), Faire lire, Didier, coll."Faire lire",
1983.
2. Manuels scolaires
Atout lire : lecture et expression, 6ème, Hachette, 1985.
Histoire de lire, Hatier.
Pratiques d'expression, 6ème-5ème : 250 activités pour dire et pour
écrire, Nathan, 1991.
3. Revues
Enjeux, n°23, juin 1991, "Aimer lire".
Pratiques, n°54, juin 1987, "Les mauvais genres".
Pratiques,, n°50, juin 1986, "Les paralittératures".
Recherches, n°7, octobre 1987, "Quand la littérature de jeunesse entre
en classe".
4. Cassettes vidéos
CODOU (Janine), Naissance d'un livre, CNDP, 1980.
JAUBERT (Alain), Georges de la Tour, le dessous des cartes, Hatier,
coll."Palettes",
1990.
50
Maquette couverture : Arnaud Bruni
Impression : CRDP Lille
Copyright IUFM Nord -Pas de Calais UdReFF - 1996
51
ISBN en cours

Documents pareils