Traitement d`un premier épisode dépressif dans le cadre du trouble

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Traitement d`un premier épisode dépressif dans le cadre du trouble
L’Encéphale (2010) Supplément 1, S27–S32
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep
Traitement d’un premier épisode dépressif
dans le cadre du trouble bipolaire
Treatment of a first depressive episode in bipolar disorder
D. Pringuey*(a), F. Cherikh(a), O. Tible(a), B. Giordana(a)
(a) Clinique de Psychiatrie et de Psychologie Médicale Abbaye de Saint Pons, Pôle des Neurosciences Cliniques, CHU
Pasteur Nice
Mots clés
Dépression bipolaire ;
Thymorégulateurs ;
Antipsychotiques ;
Recommandations
KEYWORDS
Bipolar depression ;
Mood stabilizer ;
Antipsychotic ;
Guidelines
Résumé Le premier épisode de dépression bipolaire requiert une stratégie thérapeutique combinée
psychopharmacologique, psycho-comportementale et sociale, mais du fait de l’importance pathogénétique
de l’épisode thymique lui-même, exige plus particulièrement le recouvrement d’une rémission symptomatique
totale et par là attend une thérapeutique réglée de l’épisode index. Les recommandations internationales
fortement inspirées des régulations anglo-saxonnes, limitent formellement l’usage des antidépresseurs
faisant courir le risque de virage maniaque, suggérant l’usage préférentiel des sérotoninergiques, pour
préconiser la prescription de thymorégulateurs voire d’antipsychotiques ou d’associations diverses selon des
paliers fonction des puissances relatives des outils pharmacologiques et des étapes thérapeutiques conduisant
de façon optimale à la rémission complète. La thérapeutique de l’épisode comporte enfin la mise en place
d’une prophylaxie en ce que ce premier épisode annonce une maladie chronique.
Abstract The first episode of bipolar depression needs a combined psychopharmacological, psychobehavioural
and social treatment strategy but because of the pathological severity of the mood episode itself, it
specifically requires to achieve total symptomatic remission and therefore appropriate treatment of the
index episode. International recommendations which derive primarily from Anglo-Saxon regulations formally
restrict the use of antidepressants in view of the risk of mania, suggesting that serotoninergic agents be used
in preference and recommending the prescription of mood regulators or even antipsychotic agents and
various stepwise associations based on the relative potencies of the pharmacological tools available and
treatment stages deployed optimally to obtain complete remission. Finally, treatment of the episode
includes prophylaxis as its initial episode is the first presentation of a chronic disease
Introduction
La démonstration de l’importance pronostique des interventions précoces dans la schizophrénie, outre nos connaissances récentes sur les effets pathogènes majeurs des
épisodes thymiques eux-mêmes, fournit un solide argument
en faveur d’une précocité de la prise en charge de la mala-
die bipolaire. À l’opposé de l’attentisme prôné à la haute
époque de la « folk » psychiatrie, il apparaît urgent de définir les conditions diagnostiques les plus précises et les
options thérapeutiques optimales dès les premiers épisodes, étape cruciale de l’engagement dans une pathologie
récurrente sévère, qui pèsent plus particulièrement sur le
pronostic à long terme.
* Auteur correspondant.
E-mail : [email protected]
Les auteurs ont déclaré des conflis d’intérêts avec les laboratoires Lilly, BMS, Euthérapie, Lundbeck.
© L’Encéphale, Paris, 2010. Tous droits réservés.
D. Pringuey et al.
S28
Un nouvel enjeu
De fait, l’importance pathoplastique des épisodes initiaux,
pour être notable au plan des modifications souvent désastreuses des paramètres psycho-sociaux, se manifeste clairement au niveau d’altérations lésionnelles pour partie
définitives qui touchent les zones anatomiques du cerveau
profond, siège de la régulation de l’humeur et des fonctions neurocognitives de base.
Par ailleurs, la question des thérapeutiques dédiées au
premier épisode dépressif de la maladie bipolaire renforce
les perspectives particulières de l’approche de la dépression bipolaire en général, ouvrant à de nouvelles dimensions de la clinique quand l’épisode dépressif majeur est
modifié, masqué parce que souvent co-morbide ou requérant une bonne connaissance de la phase pré-morbide,
appelant de nouvelles options thérapeutiques comportant
l’utilisation de la lamotrigine [1], de l’olanzapine [18] ou
l’adjonction à un antidépresseur d’aripiprazole [10], proposant de nouvelles modalités thérapeutiques comme la suggestion de traitements à « hyper-court terme » [7] où l’on
suggère d’optimiser les stratégies dans des séquences temporelles définies, et introduisant à de nouvelles stratégies
de prise en charge visant la préparation du traitement au
long cours.
Ces nouveautés dans le traitement de la dépression
bipolaire imposent aussi de nouvelles contraintes de surveillance au plan biologique comme en clinique dans la prévention du risque suicidaire, et relancent l’importance du
travail sur l’observance souvent mise à mal dans le contexte
bipolaire pour des motifs divers, tels la recherche par le
patient de l’excitation, une réponse thérapeutique insuffisante, une préférence pour les antidépresseurs qui s’avèrent moins stigmatisants, tout comme les effets délétères
de trop fréquents changements thérapeutiques. Ceci est
d’autant plus important quand on sait que la dépression
dominera l’évolution bipolaire.
En préalable aux recommandations, comme le propose
Chantal Henry [5] et les experts du domaine, il convient de
préserver une place centrale au patient dans la prise en
charge, relativement à l’information sur la maladie et à
l’éducation au traitement, comme dans sa participation à
la reconstitution anamnestique dans la recherche d’antécédents thymiques, de symptômes résiduels, des antécédents familiaux de pathologies associées, et lorsqu’on
effectue le bilan des traitements antérieurs. Enfin, il
conviendra dans l’établissement du traitement de prendre
en compte des préférences du patient.
Caractérisation préthérapeutique de
la dépression bipolaire et de sa typologie
C’est sur son contexte clinique qu’un premier épisode
dépressif est qualifié de bipolaire, sur l’anamnèse d’un épisode thymique hypomaniaque, maniaque ou mixte, ou du
fait du repérage d’une hypomanie « sous le seuil » préalable associant impulsivité, extraversion, conflits interpersonnels récurrents, ou d’une cyclothymie prémorbide.
C’est aussi parfois la présence d’antécédents psychiatriques tels un trouble déficitaire de l’attention, l’anamnèse de difficultés comportementales avant ou au cours de
l’adolescence, la consommation de substances toxiques ou
un trouble anxieux, voire une époque dépressive sub-syndromique, qui y conduisent. Il est aussi nécessaire d’envisager ce cadre nosologique du fait d’antécédents familiaux
et notamment de trouble bipolaire chez un parent du
1er degré, ou de troubles de l’humeur sur plusieurs générations.
La symptomatologie de la dépression de ce cadre mérite
aussi d’être qualifiée dans sa caractérisation clinique où
prévalent traditionnellement ralentissement moteur, sensibilité au rejet, hypersomnie, prise de poids, avec souvent
une note mixte, où sont notées de fréquentes comorbidités
telles des abus de substances, des troubles anxieux, et où
sont rencontrés des aléas thérapeutiques tels l’absence de
réponse à un traitement antidépresseur, la non adhérence
médicamenteuse, les effets confondants des polymédications, les effets délétères des prises en charge « exotiques ».
L’expression symptomatique de la dépression bipolaire
se distribue également entre deux pôles cliniques distincts
au plan émotionnel [4], et opposant une variété clinique
standard de l’épisode dépressif majeur, hypo-réactif au
plan émotionnel, ralenti, inhibé d’une part, et une forme
atypique, hyper-réactive au plan émotionnel, comportant
des périodes d’hypomanie dysphorique, avec labilité de
l’humeur, irritabilité, voire une symptomatologie à caractère psychotique, catatonique, résistante.
Cette typologie « dimensionnelle » de la dépression
bipolaire établie selon le niveau de ralentissement et la
réactivité émotionnelle se voit confirmée par l’intérêt thérapeutique démontré des antidépresseurs dans le cas
a-réactif et des antipsychotiques dans la forme hyper-réactive [4], ce qui suggère de privilégier le repérage de la
réactivité émotionnelle comme indicateur thérapeutique
opérationnel dans la dépression bipolaire. Pour sa part, la
distinction ultérieure entre bipolaire I et bipolaire II tiendra surtout à l’importance dans l’évolution de l’expression
dépressive et au moindre risque de virage maniaque sous
antidépresseur dans la bipolaire II.
L’équation thérapeutique
L’équation logique « dépression égale traitement antidépresseur » n’est pas ici vérifiée et l’utilisation prudente
d’un antidépresseur, si elle n’est pas indiquée de façon systématique pour divers motifs, n’est le plus souvent préconisée qu’en combinaison avec un thymorégulateur du fait
du risque de virage maniaque, d’hypomanie, d’état mixte,
voire d’accentuation du risque suicidaire [19]. Les résultats
des essais cliniques effectués dans la dépression bipolaire
valent tout spécialement pour le premier épisode notamment dans l’objectif princeps d’obtenir une rémission
totale des symptômes dans les meilleurs délais.
Les méta-analyses portant sur l’étude de l’action sur
l’humeur dans les essais contrôlés d’antidépresseurs ont
Traitement d’un premier épisode dépressif dans le cadre du trouble bipolaire
montré la nette supériorité des « nouveaux » antidépresseurs comparés aux tricycliques, et notamment des sérotoninergiques (ISRS) (Tableau 1) parce que dénués de risque
de virages de l’humeur [3] (Tableaux 2 et 3).
Sur le chemin de l’innovation thérapeutique, il fallu
compter avec 2 déceptions. L’addition à un traitement thymorégulateur de venlafaxine comparée à sertraline et à
bupropion pendant 10 semaines [14] à surtout montré, pour
une même efficacité à court terme, un taux de virage
maniaque nettement plus important pour venlafaxine. Par
ailleurs l’addition d’un antidépresseur à un thymorégulateur sur 26 semaines s’est avérée inefficace [15]. Mais il
S29
faut souligner l’importance de trois nouveautés : l’intérêt
de lamotrigine 50 ou 200 mg [1], la supériorité de l’association olanzapine-fluoxétine sur olanzapine seule [18] et l’efficacité de la quétiapine [17] non encore disponible en
France.
La lamotrigine (Lamictal®) de GSK disponible depuis
2009, est un antiglutamate bloqueur des canaux sodium
voltage-dépendant. Cet antiépileptique est proposé dans la
prévention des épisodes dépressifs majeurs dans la bipolaire de type I à prédominance dépressive, chez l’adulte de
plus de 18 ans, mais a montré son intérêt dans le traitement de la dépression bipolaire résistante à 2 sérotoniner-
Tableau 1 Méta-analyse de l’action sur l’humeur dans les essais contrôlés AD vs TCA dans la dépression bipolaire
d’après Gijsman et al. [3]
Études
n
TCA
n
Autre
Rapport de risque favorise
Autre
Vs ISRS
De Wilde 1982
Cohn 1989
Vs IMAO
Himmeloch 1991
Vs rIMAO
Silverstone 2001
Vs Bupropion
Sachs 2001
Total réponses
patients
Poid
%
Ratio
TCA
13/35
21/34
25,83
0.60
10/28
21/28
30.83
0.77
40/75
37/81
43,08
1,17
5/7
5/8
5,65
1.14
68/145
84/15
1
100
1.
0.1 0.2 0.5
1.0 2.0 5.0 10.0
TCA = antidépresseur tricyclique
Tableau 2 Méta-analyse des virages de l’humeur dans les essais contrôlés des TCA dans la dépression bipolaire d’après
Gijsman et al. [3]
Études
n
TCA
n
Autre
Rapport de risque favorise
TCA
Poid
%
Ratio
Autre
Vs ISRS
De Wilde 1982
Cohn 1989
Nemeroff 2001
6/74
0/69
14,91
6,59
Vs IMAO
Himmeloch 1991
5/28
3/28
43,59
1,67
Vs rIMAO
Silverstone 2001
6/75
2/81
27,94
3,24
Vs Bupropion
Sachs 2001
2/7
1/8
13,56
2,29
Total virages
19/184
6/186
100
2,92
0.1 0.2 0.5
1.0 2.0 5.0 10.0
D. Pringuey et al.
S30
Tableau 3 Méta-analyse des virages de l’humeur dans les essais contrôlés des ISRS dans la dépression bipolaire d’après
Gijsman et al. [3]
Études
n
ISRS
n
Pbo
Rapport de risque favorise
Poid
%
Ratio
Pbo
ISRS
Cohn et al 1982
2/60
1/29
10.95
0.97
Nemeroff et al 2001
4/74
3/43
30.83
0.77
Tohen et al 2004
5/86
19/370
58.22
1.13
11/287
23/492
100
1.00
Total Virages
giques [12]. Sa prescription relève d’un schéma posologique
strict : 1cp de 25 mg/J pendant deux semaines, puis
50 mg/J deux semaines, 100 mg/J sur une semaine puis 200
à 400 mg/J. En addition au valproate, il convient de réduire
de moitié la dose. La surveillance clinique doit rechercher
particulièrement toute éruption cutanée du fait du risque
de syndrome de Stevens-Johnson, et noter la possibilité
d’effets latéraux tels céphalées, agitation, somnolence,
vertiges, sécheresse buccale, arthralgies, douleurs.
Le divalproate de sodium (Dépakote®) Sanofi-Aventis
1967, renforçateur du GABA, est un antiépileptique proposé dans « le traitement de la manie bipolaire en cas de
contre-indication ou d’intolérance au lithium », chez
l’adulte de plus de 18 ans. Le schéma posologique suggère
de débuter par 3cp à 250 mg, puis d’augmenter par palier
jusqu’à 2 g/j en une semaine en trois prises/j, pour une
dose maximum de 2,5 g/j. Un bilan biologique initial et une
surveillance régulière portent sur les variables hématologiques (FN, plaquettes, temps de saignement, coagulation)
et hépatiques (enzymes, taux de prothrombine, fibrinogène, bilirubine). On surveille également la possibilité
d’une prise de poids. Parmi les effets indésirables sont
notifiés : pancréatite, hépatite, Parkinson, confusion, gastralgies, nausées, céphalées, thrombopénie, réactions
cutanées, et les risques liés à l’association à méfloquine,
lamotrigine et millepertuis.
Les recommandations de prescription
Les outils pharmacologiques de ce cadre thérapeutique
sont nombreux et complexes et leurs modalités d’administration mieux encadrées. On peut même classer les produits selon leur puissance thérapeutique évaluée en Nombre
Nécessaire de Traitements (NNT) [17] en mesurant la supériorité du produit sur le placebo, chiffre qui est l’inverse du
taux de réponse diminué du taux de la réponse placebo. Le
produit s’avère d’autant plus puissant que le chiffre est
faible, ce qui fait la suprématie des IMAO [8] sur les thymorégulateurs en monothérapie, et qui marque l’efficacité
supérieure de fluoxétine sur paroxétine en augmentation
(Tableau 4).
0.1 0.2 0.5
1.0 2.0 5.0 10.0
Tableau 4 Puissance thérapeutique évaluée en nombre
nécessaire de traitements [7]
Monothérapie
IMAO
Olanzapine
Lamotrigine
Quétiapine
Augmentation
Imipramine
Paroxétine
Fluoxétine
Traitement
Pbo
NNT
71 %
48 %
51 %
58 %
14 %
36 %
29 %
36 %
1,8
8,3
4,5
4,5
42 %
46 %
56 %
38 %
38 %
39 %
25,0
12,5
5,9
NNT : Number need to treat =
1/taux de réponse-celui de la réponse placebo.
Le traitement de la dépression bipolaire privilégie les
composés Inhibiteurs Spécifiques de Recapture de la
Sérotonine (ISRS) [3,19, 20].
Dans un premier épisode dépressif consécutif à une
phase maniaque qui a motivé l’installation d’un traitement
thymorégulateur, l’ISRS sera co-prescrit avec le thymorégulateur, comme cela est recommandé pour tout épisode
dépressif bipolaire. Les recommandations anglo-saxonnes
certes insistent particulièrement sur la nécessité prioritaire
d’un ajustement en dose du thymorégulateur et notamment du lithium. Mais il y a lieu d’anticiper le relèvement
thymique attendu sous thymorégulateur avec un ISRS associé, sur la foi des meta-analyses ci-dessus évoquées.
Les antidépresseurs tricycliques devront être réservés
aux formes sévères, résistantes aux ISRS, ou en cas de
contre-indication aux ECTs. Les tricycliques devront être
arrêtés après amélioration clinique progressivement, en
général à partir de 8 semaines. Ils restent contre-indiqués
au long cours car ils augmentent le risque de manie, risquent de produire des cycles rapides et surtout n’ont pas
démontré d’effet préventif avéré.
Les recommandations du traitement de la dépression
bipolaire ont connu ces dernières années une évolution
Traitement d’un premier épisode dépressif dans le cadre du trouble bipolaire
Tableau 5 Traitements de la dépression bipolaire [19]
EDM bipolaire
Type clinique
Modéré
Sévère
Psychotique
1re ligne
3 à 6 semaines
TR seul :
Li, VPT ou OZ
TR + ISRS
ou Ven
TR + APA
2e ligne
3 à 6 semaines
+ ISRS ou Ven
TR + LTG
TR + APA
ECT
ECT
ECT
3e ligne
notable dans l’indication préférentielle des thymorégulateurs et de leur association, repoussant les antidépresseurs
et les limitant aux ISRS, et dans l’importance croissante
accordée aux antipsychotiques [2], souvent prescrits en
association aux thymorégulateurs, et aux antidépresseurs
ISRS, ce qui apparaît clairement dans le consensus CANMAT
2005 qui différencie trois types cliniques : dépression
modérée, sévère et psychotique [19] (Tableau 5).
On pourrait noter cette évolution par paliers sur 3 lignes
de priorités, depuis les Guidelines de l’APA en 2002 [6],
celle du Texas [16] puis du NICE [13] jusqu’aux toutes dernières consignes du CANMAT 2009 [20], en 4 étapes distinctes :
2002 APA Practice Guideline (Hirschfeld et al. Am J
Psychiatry) [6]
1re ligne Thymorégulateur, soit lithium soit divalproate ou
lamotrigine
2e ligne Addition au thymorégulateur d’un antidépresseur ISRS
3e ligne ECT
2005 TIMA = Texas Implementation of Medical Algorithm
(Suppes et al. J Clin Psychiatry) [16]
1re ligne Thymorégulateur
2e ligne Lamotrigine, antipsychotique atypique, addition ISRS
3e ligne Ajout antidépresseur ou antipsychotique atypique
2006 NICE = National Institute of Clinical Excellence Londres
(O’Dowd BMJ) [13]
1re ligne Association de thymorégulateurs
2e ligne Association thymorégulateur et antipsychotique
atypique ou ISRS
3e ligne Association antipsychotique atypique et antidépresseur
2009 CANMAT = Canadian Network for Mood and Anxiety
Treatment (Yatham et al. Bipolar Disorders) [20]
1re ligne Thymorégulateur, lamotrigine, association de deux
thymorégulateurs, association d’un thymorégulateur et
d’un antipsychotique atypique
2e ligne Association thymorégulateur et lamotrigine
3e ligne Association thymorégulateur et antidépresseur.
La recherche dans ce domaine a désormais proposé des
critères d’évidence pour le classement des résultats des
essais cliniques [20] selon 4 niveaux de validité croissante :
S31
•Niveau 1 : méta-analyse ou essais en double insu randomisés contrôlés versus placebo
•Niveau 2 : au moins un essai en double insu randomisé
contrôlé versus placebo ou principe actif
•Niveau 3 : essai prospectif non contrôlé comportant au
moins 10 sujets
•Niveau 4 : observation clinique simple ou opinion de l’expert.
Les recommandations stipulent que dans un premier
temps, le traitement de la dépression bipolaire consiste à
optimiser le traitement thymorégulateur en place, dans un
second temps à ajouter un antidépresseur ou un autre thymorégulateur, de toute façon à n’utiliser l’antidépresseur
qu’en présence d’un anti-maniaque, à ne l’utiliser qu’en 2e
ou 3e recours et à ne l’utiliser qu’une fois le thymorégulateur stabilisé, en s’assurant du caractère séquentiel des
phases de traitements comportant des durées adéquates à
l’obtention d’une réponse.
L’algoritme du Texas Implementation of Medical
Algorithm [16] (Tableau 6) dispose les étapes stratégiques
et la validité relative des outils disponibles à chaque étape
dans le traitement d’un épisode dépressif aigu bipolaire.
Plus récemment, les recommandations CANMAT 2009 pour
le traitement d’une dépression bipolaire classent les outils
psychopharmacologqies selon plusieurs lignes de priorités
[20].
En 1re ligne : lithium, lamotrigine, quétiapine, association lithium ou divalproate avec un antidépresseur ISRS,
association olanzapine et ISRS, association lithium et divalproate.
En 2e ligne : Divalproate, association Quétiapine et
ISRS, association lithium ou divalproate et lamotrigine,
ajout modafinil.
En 3e ligne : utilisation de carbamazépine, olanzapine, association lithium et carbamazépine, de lithium ou
divalproate et venlafaxine, de lithium et IMAO, place des
ECT, association de divalproate ou antipsychotique et antidépresseur tricyclique, de Lithium ou divalproate ou
Carbamazépine et ISRS et lamotrigine, ajout d’oméga 3, de
riluzole, ou de topiramate.
Ne sont pas recommandés en monothérapie gapapentine et aripiprazole, ce dernier pouvant être associé à un
antidépresseur sur la démonstration de son intérêt dans
l’épisode dépressif majeur standard [10].
Les recommandations CANMAT [20] suggèrent de procéder par étapes spécifiques, chacune comportant des consignes précises et logiques dans l’utilisation des outils
psychopharmacologiques :
Stade 1 Évaluation du statut psychopharmacologique psychoéducation, stratégies comportementales et
rythmiques
Stade 2 Initier la médication, optimiser le traitement,
vérifier la compliance
Stade 3 Ajouter ou changer entre les composés de la première ligne
Stade 4 Ajouter ou changer entre les composés de 1re et
2e ligne
D. Pringuey et al.
S32
Tableau 6 Texas Implementation of Medical Algorithm [16] Traitement d’un épisode dépressif aigu bipolaire
Lithium
Autre
antimaniaque
Augmenter >0,80
Continuer
Sans TRT
ATCD manie
Stade 1
Antimaniaque
+ LTG
Stade 2
QTP ou OFC
Stade 3
Association, Li, LTG, QTP ou OFC
Stade 4
LP, LTG, QTP, OFC VPA, CBZ + SSRI, BUP ou Ven, ou ECT
Stade 5
IMAO,TCAs, pramipexole APA, OXC, Stimulants…
Sans TRT
Sans ATCD
LTG
LTG = Lamotrigine, OFC = Olanzapine+Fluoxétine, QTP = Quétiapine, VPA = Valproate, CBZ = Carbamazépine, Li = Lithium, BUP = Bupropion,
Ven = Venlafaxine, APA = antipsychotique, OXC = Oxcarbamazépine.
Stade 5 Ajouter ou changer, ECT, 3e ligne, traitements
expérimentaux (privations de sommeil, stimulation magnétique…).
Cette phase initiale s’applique à l’instauration du traitement prophylactique qui est indiqué de principe dans la
bipolaire I après le 2e épisode, qui est ici l’épisode index
lorsque ce premier épisode dépressif est consécutif à un
épisode maniaque, après une première phase maniaque si
les risques sont jugés importants, tout comme il est
conseillé dans la bipolaire II si les épisodes sont fréquents,
entraînent une perturbation du fonctionnement ou comportent un risque suicidaire notable.
L’accompagnement psychothérapique, quelque soit la
modalité dont le choix dépendra du patient et de la situation, est nécessaire, les études comparatives ayant montré
l’intérêt identique des TCC intégrée, des thérapies familiales, thérapies de groupe, ou notamment de la thérapie
interpersonnelle et des rythmes sociaux [9].
Conclusion
Le premier épisode de dépression bipolaire requiert une
stratégie thérapeutique combinée psychopharmacologique,
psycho-comportementale et sociale, attend une thérapeutique réglée et annonce une maladie chronique dont le soin
débute le traitement de maintenance. Concernant le traitement de la dépression bipolaire, les recommandations
internationales fortement inspirées des régulations juridiques anglo-saxonnes, limitent formellement l’usage des
antidépresseurs pour préconiser la prescription de thymorégulateurs, voire d’antipsychotiques. Les experts considèrent que les ISRS s’avèrent d’efficacité modérée dans la
dépression bipolaire et qu’ils ne doivent être prescrits que
sur une courte durée, les thymorégulateurs et la lamotrigine se trouvant indiqués en 1re ligne, les antipsychotiques
en seconde, certains patients nécessitant l’adjonction au
thymorégulateur d’un antimaniaque.
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