Traitement d`un premier épisode dépressif dans le cadre du trouble
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Traitement d`un premier épisode dépressif dans le cadre du trouble
L’Encéphale (2010) Supplément 1, S27–S32 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep Traitement d’un premier épisode dépressif dans le cadre du trouble bipolaire Treatment of a first depressive episode in bipolar disorder D. Pringuey*(a), F. Cherikh(a), O. Tible(a), B. Giordana(a) (a) Clinique de Psychiatrie et de Psychologie Médicale Abbaye de Saint Pons, Pôle des Neurosciences Cliniques, CHU Pasteur Nice Mots clés Dépression bipolaire ; Thymorégulateurs ; Antipsychotiques ; Recommandations KEYWORDS Bipolar depression ; Mood stabilizer ; Antipsychotic ; Guidelines Résumé Le premier épisode de dépression bipolaire requiert une stratégie thérapeutique combinée psychopharmacologique, psycho-comportementale et sociale, mais du fait de l’importance pathogénétique de l’épisode thymique lui-même, exige plus particulièrement le recouvrement d’une rémission symptomatique totale et par là attend une thérapeutique réglée de l’épisode index. Les recommandations internationales fortement inspirées des régulations anglo-saxonnes, limitent formellement l’usage des antidépresseurs faisant courir le risque de virage maniaque, suggérant l’usage préférentiel des sérotoninergiques, pour préconiser la prescription de thymorégulateurs voire d’antipsychotiques ou d’associations diverses selon des paliers fonction des puissances relatives des outils pharmacologiques et des étapes thérapeutiques conduisant de façon optimale à la rémission complète. La thérapeutique de l’épisode comporte enfin la mise en place d’une prophylaxie en ce que ce premier épisode annonce une maladie chronique. Abstract The first episode of bipolar depression needs a combined psychopharmacological, psychobehavioural and social treatment strategy but because of the pathological severity of the mood episode itself, it specifically requires to achieve total symptomatic remission and therefore appropriate treatment of the index episode. International recommendations which derive primarily from Anglo-Saxon regulations formally restrict the use of antidepressants in view of the risk of mania, suggesting that serotoninergic agents be used in preference and recommending the prescription of mood regulators or even antipsychotic agents and various stepwise associations based on the relative potencies of the pharmacological tools available and treatment stages deployed optimally to obtain complete remission. Finally, treatment of the episode includes prophylaxis as its initial episode is the first presentation of a chronic disease Introduction La démonstration de l’importance pronostique des interventions précoces dans la schizophrénie, outre nos connaissances récentes sur les effets pathogènes majeurs des épisodes thymiques eux-mêmes, fournit un solide argument en faveur d’une précocité de la prise en charge de la mala- die bipolaire. À l’opposé de l’attentisme prôné à la haute époque de la « folk » psychiatrie, il apparaît urgent de définir les conditions diagnostiques les plus précises et les options thérapeutiques optimales dès les premiers épisodes, étape cruciale de l’engagement dans une pathologie récurrente sévère, qui pèsent plus particulièrement sur le pronostic à long terme. * Auteur correspondant. E-mail : [email protected] Les auteurs ont déclaré des conflis d’intérêts avec les laboratoires Lilly, BMS, Euthérapie, Lundbeck. © L’Encéphale, Paris, 2010. Tous droits réservés. D. Pringuey et al. S28 Un nouvel enjeu De fait, l’importance pathoplastique des épisodes initiaux, pour être notable au plan des modifications souvent désastreuses des paramètres psycho-sociaux, se manifeste clairement au niveau d’altérations lésionnelles pour partie définitives qui touchent les zones anatomiques du cerveau profond, siège de la régulation de l’humeur et des fonctions neurocognitives de base. Par ailleurs, la question des thérapeutiques dédiées au premier épisode dépressif de la maladie bipolaire renforce les perspectives particulières de l’approche de la dépression bipolaire en général, ouvrant à de nouvelles dimensions de la clinique quand l’épisode dépressif majeur est modifié, masqué parce que souvent co-morbide ou requérant une bonne connaissance de la phase pré-morbide, appelant de nouvelles options thérapeutiques comportant l’utilisation de la lamotrigine [1], de l’olanzapine [18] ou l’adjonction à un antidépresseur d’aripiprazole [10], proposant de nouvelles modalités thérapeutiques comme la suggestion de traitements à « hyper-court terme » [7] où l’on suggère d’optimiser les stratégies dans des séquences temporelles définies, et introduisant à de nouvelles stratégies de prise en charge visant la préparation du traitement au long cours. Ces nouveautés dans le traitement de la dépression bipolaire imposent aussi de nouvelles contraintes de surveillance au plan biologique comme en clinique dans la prévention du risque suicidaire, et relancent l’importance du travail sur l’observance souvent mise à mal dans le contexte bipolaire pour des motifs divers, tels la recherche par le patient de l’excitation, une réponse thérapeutique insuffisante, une préférence pour les antidépresseurs qui s’avèrent moins stigmatisants, tout comme les effets délétères de trop fréquents changements thérapeutiques. Ceci est d’autant plus important quand on sait que la dépression dominera l’évolution bipolaire. En préalable aux recommandations, comme le propose Chantal Henry [5] et les experts du domaine, il convient de préserver une place centrale au patient dans la prise en charge, relativement à l’information sur la maladie et à l’éducation au traitement, comme dans sa participation à la reconstitution anamnestique dans la recherche d’antécédents thymiques, de symptômes résiduels, des antécédents familiaux de pathologies associées, et lorsqu’on effectue le bilan des traitements antérieurs. Enfin, il conviendra dans l’établissement du traitement de prendre en compte des préférences du patient. Caractérisation préthérapeutique de la dépression bipolaire et de sa typologie C’est sur son contexte clinique qu’un premier épisode dépressif est qualifié de bipolaire, sur l’anamnèse d’un épisode thymique hypomaniaque, maniaque ou mixte, ou du fait du repérage d’une hypomanie « sous le seuil » préalable associant impulsivité, extraversion, conflits interpersonnels récurrents, ou d’une cyclothymie prémorbide. C’est aussi parfois la présence d’antécédents psychiatriques tels un trouble déficitaire de l’attention, l’anamnèse de difficultés comportementales avant ou au cours de l’adolescence, la consommation de substances toxiques ou un trouble anxieux, voire une époque dépressive sub-syndromique, qui y conduisent. Il est aussi nécessaire d’envisager ce cadre nosologique du fait d’antécédents familiaux et notamment de trouble bipolaire chez un parent du 1er degré, ou de troubles de l’humeur sur plusieurs générations. La symptomatologie de la dépression de ce cadre mérite aussi d’être qualifiée dans sa caractérisation clinique où prévalent traditionnellement ralentissement moteur, sensibilité au rejet, hypersomnie, prise de poids, avec souvent une note mixte, où sont notées de fréquentes comorbidités telles des abus de substances, des troubles anxieux, et où sont rencontrés des aléas thérapeutiques tels l’absence de réponse à un traitement antidépresseur, la non adhérence médicamenteuse, les effets confondants des polymédications, les effets délétères des prises en charge « exotiques ». L’expression symptomatique de la dépression bipolaire se distribue également entre deux pôles cliniques distincts au plan émotionnel [4], et opposant une variété clinique standard de l’épisode dépressif majeur, hypo-réactif au plan émotionnel, ralenti, inhibé d’une part, et une forme atypique, hyper-réactive au plan émotionnel, comportant des périodes d’hypomanie dysphorique, avec labilité de l’humeur, irritabilité, voire une symptomatologie à caractère psychotique, catatonique, résistante. Cette typologie « dimensionnelle » de la dépression bipolaire établie selon le niveau de ralentissement et la réactivité émotionnelle se voit confirmée par l’intérêt thérapeutique démontré des antidépresseurs dans le cas a-réactif et des antipsychotiques dans la forme hyper-réactive [4], ce qui suggère de privilégier le repérage de la réactivité émotionnelle comme indicateur thérapeutique opérationnel dans la dépression bipolaire. Pour sa part, la distinction ultérieure entre bipolaire I et bipolaire II tiendra surtout à l’importance dans l’évolution de l’expression dépressive et au moindre risque de virage maniaque sous antidépresseur dans la bipolaire II. L’équation thérapeutique L’équation logique « dépression égale traitement antidépresseur » n’est pas ici vérifiée et l’utilisation prudente d’un antidépresseur, si elle n’est pas indiquée de façon systématique pour divers motifs, n’est le plus souvent préconisée qu’en combinaison avec un thymorégulateur du fait du risque de virage maniaque, d’hypomanie, d’état mixte, voire d’accentuation du risque suicidaire [19]. Les résultats des essais cliniques effectués dans la dépression bipolaire valent tout spécialement pour le premier épisode notamment dans l’objectif princeps d’obtenir une rémission totale des symptômes dans les meilleurs délais. Les méta-analyses portant sur l’étude de l’action sur l’humeur dans les essais contrôlés d’antidépresseurs ont Traitement d’un premier épisode dépressif dans le cadre du trouble bipolaire montré la nette supériorité des « nouveaux » antidépresseurs comparés aux tricycliques, et notamment des sérotoninergiques (ISRS) (Tableau 1) parce que dénués de risque de virages de l’humeur [3] (Tableaux 2 et 3). Sur le chemin de l’innovation thérapeutique, il fallu compter avec 2 déceptions. L’addition à un traitement thymorégulateur de venlafaxine comparée à sertraline et à bupropion pendant 10 semaines [14] à surtout montré, pour une même efficacité à court terme, un taux de virage maniaque nettement plus important pour venlafaxine. Par ailleurs l’addition d’un antidépresseur à un thymorégulateur sur 26 semaines s’est avérée inefficace [15]. Mais il S29 faut souligner l’importance de trois nouveautés : l’intérêt de lamotrigine 50 ou 200 mg [1], la supériorité de l’association olanzapine-fluoxétine sur olanzapine seule [18] et l’efficacité de la quétiapine [17] non encore disponible en France. La lamotrigine (Lamictal®) de GSK disponible depuis 2009, est un antiglutamate bloqueur des canaux sodium voltage-dépendant. Cet antiépileptique est proposé dans la prévention des épisodes dépressifs majeurs dans la bipolaire de type I à prédominance dépressive, chez l’adulte de plus de 18 ans, mais a montré son intérêt dans le traitement de la dépression bipolaire résistante à 2 sérotoniner- Tableau 1 Méta-analyse de l’action sur l’humeur dans les essais contrôlés AD vs TCA dans la dépression bipolaire d’après Gijsman et al. [3] Études n TCA n Autre Rapport de risque favorise Autre Vs ISRS De Wilde 1982 Cohn 1989 Vs IMAO Himmeloch 1991 Vs rIMAO Silverstone 2001 Vs Bupropion Sachs 2001 Total réponses patients Poid % Ratio TCA 13/35 21/34 25,83 0.60 10/28 21/28 30.83 0.77 40/75 37/81 43,08 1,17 5/7 5/8 5,65 1.14 68/145 84/15 1 100 1. 0.1 0.2 0.5 1.0 2.0 5.0 10.0 TCA = antidépresseur tricyclique Tableau 2 Méta-analyse des virages de l’humeur dans les essais contrôlés des TCA dans la dépression bipolaire d’après Gijsman et al. [3] Études n TCA n Autre Rapport de risque favorise TCA Poid % Ratio Autre Vs ISRS De Wilde 1982 Cohn 1989 Nemeroff 2001 6/74 0/69 14,91 6,59 Vs IMAO Himmeloch 1991 5/28 3/28 43,59 1,67 Vs rIMAO Silverstone 2001 6/75 2/81 27,94 3,24 Vs Bupropion Sachs 2001 2/7 1/8 13,56 2,29 Total virages 19/184 6/186 100 2,92 0.1 0.2 0.5 1.0 2.0 5.0 10.0 D. Pringuey et al. S30 Tableau 3 Méta-analyse des virages de l’humeur dans les essais contrôlés des ISRS dans la dépression bipolaire d’après Gijsman et al. [3] Études n ISRS n Pbo Rapport de risque favorise Poid % Ratio Pbo ISRS Cohn et al 1982 2/60 1/29 10.95 0.97 Nemeroff et al 2001 4/74 3/43 30.83 0.77 Tohen et al 2004 5/86 19/370 58.22 1.13 11/287 23/492 100 1.00 Total Virages giques [12]. Sa prescription relève d’un schéma posologique strict : 1cp de 25 mg/J pendant deux semaines, puis 50 mg/J deux semaines, 100 mg/J sur une semaine puis 200 à 400 mg/J. En addition au valproate, il convient de réduire de moitié la dose. La surveillance clinique doit rechercher particulièrement toute éruption cutanée du fait du risque de syndrome de Stevens-Johnson, et noter la possibilité d’effets latéraux tels céphalées, agitation, somnolence, vertiges, sécheresse buccale, arthralgies, douleurs. Le divalproate de sodium (Dépakote®) Sanofi-Aventis 1967, renforçateur du GABA, est un antiépileptique proposé dans « le traitement de la manie bipolaire en cas de contre-indication ou d’intolérance au lithium », chez l’adulte de plus de 18 ans. Le schéma posologique suggère de débuter par 3cp à 250 mg, puis d’augmenter par palier jusqu’à 2 g/j en une semaine en trois prises/j, pour une dose maximum de 2,5 g/j. Un bilan biologique initial et une surveillance régulière portent sur les variables hématologiques (FN, plaquettes, temps de saignement, coagulation) et hépatiques (enzymes, taux de prothrombine, fibrinogène, bilirubine). On surveille également la possibilité d’une prise de poids. Parmi les effets indésirables sont notifiés : pancréatite, hépatite, Parkinson, confusion, gastralgies, nausées, céphalées, thrombopénie, réactions cutanées, et les risques liés à l’association à méfloquine, lamotrigine et millepertuis. Les recommandations de prescription Les outils pharmacologiques de ce cadre thérapeutique sont nombreux et complexes et leurs modalités d’administration mieux encadrées. On peut même classer les produits selon leur puissance thérapeutique évaluée en Nombre Nécessaire de Traitements (NNT) [17] en mesurant la supériorité du produit sur le placebo, chiffre qui est l’inverse du taux de réponse diminué du taux de la réponse placebo. Le produit s’avère d’autant plus puissant que le chiffre est faible, ce qui fait la suprématie des IMAO [8] sur les thymorégulateurs en monothérapie, et qui marque l’efficacité supérieure de fluoxétine sur paroxétine en augmentation (Tableau 4). 0.1 0.2 0.5 1.0 2.0 5.0 10.0 Tableau 4 Puissance thérapeutique évaluée en nombre nécessaire de traitements [7] Monothérapie IMAO Olanzapine Lamotrigine Quétiapine Augmentation Imipramine Paroxétine Fluoxétine Traitement Pbo NNT 71 % 48 % 51 % 58 % 14 % 36 % 29 % 36 % 1,8 8,3 4,5 4,5 42 % 46 % 56 % 38 % 38 % 39 % 25,0 12,5 5,9 NNT : Number need to treat = 1/taux de réponse-celui de la réponse placebo. Le traitement de la dépression bipolaire privilégie les composés Inhibiteurs Spécifiques de Recapture de la Sérotonine (ISRS) [3,19, 20]. Dans un premier épisode dépressif consécutif à une phase maniaque qui a motivé l’installation d’un traitement thymorégulateur, l’ISRS sera co-prescrit avec le thymorégulateur, comme cela est recommandé pour tout épisode dépressif bipolaire. Les recommandations anglo-saxonnes certes insistent particulièrement sur la nécessité prioritaire d’un ajustement en dose du thymorégulateur et notamment du lithium. Mais il y a lieu d’anticiper le relèvement thymique attendu sous thymorégulateur avec un ISRS associé, sur la foi des meta-analyses ci-dessus évoquées. Les antidépresseurs tricycliques devront être réservés aux formes sévères, résistantes aux ISRS, ou en cas de contre-indication aux ECTs. Les tricycliques devront être arrêtés après amélioration clinique progressivement, en général à partir de 8 semaines. Ils restent contre-indiqués au long cours car ils augmentent le risque de manie, risquent de produire des cycles rapides et surtout n’ont pas démontré d’effet préventif avéré. Les recommandations du traitement de la dépression bipolaire ont connu ces dernières années une évolution Traitement d’un premier épisode dépressif dans le cadre du trouble bipolaire Tableau 5 Traitements de la dépression bipolaire [19] EDM bipolaire Type clinique Modéré Sévère Psychotique 1re ligne 3 à 6 semaines TR seul : Li, VPT ou OZ TR + ISRS ou Ven TR + APA 2e ligne 3 à 6 semaines + ISRS ou Ven TR + LTG TR + APA ECT ECT ECT 3e ligne notable dans l’indication préférentielle des thymorégulateurs et de leur association, repoussant les antidépresseurs et les limitant aux ISRS, et dans l’importance croissante accordée aux antipsychotiques [2], souvent prescrits en association aux thymorégulateurs, et aux antidépresseurs ISRS, ce qui apparaît clairement dans le consensus CANMAT 2005 qui différencie trois types cliniques : dépression modérée, sévère et psychotique [19] (Tableau 5). On pourrait noter cette évolution par paliers sur 3 lignes de priorités, depuis les Guidelines de l’APA en 2002 [6], celle du Texas [16] puis du NICE [13] jusqu’aux toutes dernières consignes du CANMAT 2009 [20], en 4 étapes distinctes : 2002 APA Practice Guideline (Hirschfeld et al. Am J Psychiatry) [6] 1re ligne Thymorégulateur, soit lithium soit divalproate ou lamotrigine 2e ligne Addition au thymorégulateur d’un antidépresseur ISRS 3e ligne ECT 2005 TIMA = Texas Implementation of Medical Algorithm (Suppes et al. J Clin Psychiatry) [16] 1re ligne Thymorégulateur 2e ligne Lamotrigine, antipsychotique atypique, addition ISRS 3e ligne Ajout antidépresseur ou antipsychotique atypique 2006 NICE = National Institute of Clinical Excellence Londres (O’Dowd BMJ) [13] 1re ligne Association de thymorégulateurs 2e ligne Association thymorégulateur et antipsychotique atypique ou ISRS 3e ligne Association antipsychotique atypique et antidépresseur 2009 CANMAT = Canadian Network for Mood and Anxiety Treatment (Yatham et al. Bipolar Disorders) [20] 1re ligne Thymorégulateur, lamotrigine, association de deux thymorégulateurs, association d’un thymorégulateur et d’un antipsychotique atypique 2e ligne Association thymorégulateur et lamotrigine 3e ligne Association thymorégulateur et antidépresseur. La recherche dans ce domaine a désormais proposé des critères d’évidence pour le classement des résultats des essais cliniques [20] selon 4 niveaux de validité croissante : S31 •Niveau 1 : méta-analyse ou essais en double insu randomisés contrôlés versus placebo •Niveau 2 : au moins un essai en double insu randomisé contrôlé versus placebo ou principe actif •Niveau 3 : essai prospectif non contrôlé comportant au moins 10 sujets •Niveau 4 : observation clinique simple ou opinion de l’expert. Les recommandations stipulent que dans un premier temps, le traitement de la dépression bipolaire consiste à optimiser le traitement thymorégulateur en place, dans un second temps à ajouter un antidépresseur ou un autre thymorégulateur, de toute façon à n’utiliser l’antidépresseur qu’en présence d’un anti-maniaque, à ne l’utiliser qu’en 2e ou 3e recours et à ne l’utiliser qu’une fois le thymorégulateur stabilisé, en s’assurant du caractère séquentiel des phases de traitements comportant des durées adéquates à l’obtention d’une réponse. L’algoritme du Texas Implementation of Medical Algorithm [16] (Tableau 6) dispose les étapes stratégiques et la validité relative des outils disponibles à chaque étape dans le traitement d’un épisode dépressif aigu bipolaire. Plus récemment, les recommandations CANMAT 2009 pour le traitement d’une dépression bipolaire classent les outils psychopharmacologqies selon plusieurs lignes de priorités [20]. En 1re ligne : lithium, lamotrigine, quétiapine, association lithium ou divalproate avec un antidépresseur ISRS, association olanzapine et ISRS, association lithium et divalproate. En 2e ligne : Divalproate, association Quétiapine et ISRS, association lithium ou divalproate et lamotrigine, ajout modafinil. En 3e ligne : utilisation de carbamazépine, olanzapine, association lithium et carbamazépine, de lithium ou divalproate et venlafaxine, de lithium et IMAO, place des ECT, association de divalproate ou antipsychotique et antidépresseur tricyclique, de Lithium ou divalproate ou Carbamazépine et ISRS et lamotrigine, ajout d’oméga 3, de riluzole, ou de topiramate. Ne sont pas recommandés en monothérapie gapapentine et aripiprazole, ce dernier pouvant être associé à un antidépresseur sur la démonstration de son intérêt dans l’épisode dépressif majeur standard [10]. Les recommandations CANMAT [20] suggèrent de procéder par étapes spécifiques, chacune comportant des consignes précises et logiques dans l’utilisation des outils psychopharmacologiques : Stade 1 Évaluation du statut psychopharmacologique psychoéducation, stratégies comportementales et rythmiques Stade 2 Initier la médication, optimiser le traitement, vérifier la compliance Stade 3 Ajouter ou changer entre les composés de la première ligne Stade 4 Ajouter ou changer entre les composés de 1re et 2e ligne D. Pringuey et al. S32 Tableau 6 Texas Implementation of Medical Algorithm [16] Traitement d’un épisode dépressif aigu bipolaire Lithium Autre antimaniaque Augmenter >0,80 Continuer Sans TRT ATCD manie Stade 1 Antimaniaque + LTG Stade 2 QTP ou OFC Stade 3 Association, Li, LTG, QTP ou OFC Stade 4 LP, LTG, QTP, OFC VPA, CBZ + SSRI, BUP ou Ven, ou ECT Stade 5 IMAO,TCAs, pramipexole APA, OXC, Stimulants… Sans TRT Sans ATCD LTG LTG = Lamotrigine, OFC = Olanzapine+Fluoxétine, QTP = Quétiapine, VPA = Valproate, CBZ = Carbamazépine, Li = Lithium, BUP = Bupropion, Ven = Venlafaxine, APA = antipsychotique, OXC = Oxcarbamazépine. Stade 5 Ajouter ou changer, ECT, 3e ligne, traitements expérimentaux (privations de sommeil, stimulation magnétique…). Cette phase initiale s’applique à l’instauration du traitement prophylactique qui est indiqué de principe dans la bipolaire I après le 2e épisode, qui est ici l’épisode index lorsque ce premier épisode dépressif est consécutif à un épisode maniaque, après une première phase maniaque si les risques sont jugés importants, tout comme il est conseillé dans la bipolaire II si les épisodes sont fréquents, entraînent une perturbation du fonctionnement ou comportent un risque suicidaire notable. L’accompagnement psychothérapique, quelque soit la modalité dont le choix dépendra du patient et de la situation, est nécessaire, les études comparatives ayant montré l’intérêt identique des TCC intégrée, des thérapies familiales, thérapies de groupe, ou notamment de la thérapie interpersonnelle et des rythmes sociaux [9]. Conclusion Le premier épisode de dépression bipolaire requiert une stratégie thérapeutique combinée psychopharmacologique, psycho-comportementale et sociale, attend une thérapeutique réglée et annonce une maladie chronique dont le soin débute le traitement de maintenance. Concernant le traitement de la dépression bipolaire, les recommandations internationales fortement inspirées des régulations juridiques anglo-saxonnes, limitent formellement l’usage des antidépresseurs pour préconiser la prescription de thymorégulateurs, voire d’antipsychotiques. Les experts considèrent que les ISRS s’avèrent d’efficacité modérée dans la dépression bipolaire et qu’ils ne doivent être prescrits que sur une courte durée, les thymorégulateurs et la lamotrigine se trouvant indiqués en 1re ligne, les antipsychotiques en seconde, certains patients nécessitant l’adjonction au thymorégulateur d’un antimaniaque. Références [1]Calabrese JR, Huffman RF, White RL et al. 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