Marie- Castille Mention- Schaar
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Marie- Castille Mention- Schaar
à bâtons rompus avec… LE PATRIOTE RÉSISTANT N° 891 - novembre 2014 17 Pour son troisième long-métrage (après Ma première fois et Bowling en 2012), Marie-Castille Mention-Schaar est de nouveau partie d’une histoire vraie pour réaliser Les Héritiers, mettant en scène une classe de Seconde en banlieue parisienne qui prépare le Concours national de la Résistance et de la Déportation (CNRD). Un film qui parle autant de la société actuelle que du passé et dont la sortie nationale le 3 décembre est précédée d’une série d’avant-premières en novembre et décembre (1). Connaissiez-vous ce concours ? Non, c’est Ahmed qui me l’a fait découvrir. Il m’a décrit le thème de cette année-là, « les enfants et les adolescents dans le système concentrationnaire nazi », et l’impact que cette expérience avait eue sur lui. Pour la première fois il s’était intéressé à un tel sujet, avait travaillé collectivement en classe et avait fait la connaissance, incroyable, avec un rescapé des camps qui était Léon Zyguel. Plus il parlait, plus je l’interrogeais et plus je me passionnais moi aussi pour cette histoire. J’avais l’exemple vivant d’un jeune garçon qui, a priori, était bien loin de la mémoire de la Déportation, mais qu’il avait pourtant fait sienne. Je me suis dit que ce concours trop peu connu était un merveilleux projet, servi par une approche pédagogique et historique tout à fait originale et moderne. La forme aussi m’intéressait, ce projet collectif dans une s ociété où règne l’individualité, où chacun essaye de faire ressortir sa différence sans souvent travailler à faire de cette différence une richesse. C’est un projet qui vous fait avancer ensemble… J’ai décidé d’en faire un film car j’aime raconter des histoires positives, on en a besoin, surtout quand il s’agit de jeunes. Au début du film on craint cependant que les élèves n’aillent tout gâcher en raison principalement de leur manque de confiance en eux-mêmes (« ce sujet, c’est trop lourd pour nous », disent-ils). Mais progressivement, quelque chose fait que ça prend, comment l’expliquez-vous ? Je suis allée dans beaucoup de lycées pour bien voir ce qu’est une classe de Seconde aujourd’hui et mieux connaître cette jeunesse si diverse et si contradictoire. Je crois Le défi du CNRD Une classe de Seconde au faible niveau général, des élèves difficiles, butés… qu’en faire ? Une professeure d’histoire refuse de baisser les bras et leur lance un sacré défi : participer au Concours national de la Résistance et de la Déportation. Cette histoire se déroule en 20082009 au lycée Léon-Blum de Créteil (Val-de-Marne), les élèves devant approfondir le thème : « Les enfants et les adolescents dans le système concentrationnaire nazi ». D’abord récalcitrants, ils se mettent petit à petit au travail pour s’approprier finalement ce thème universel dont ils ont découvert qu’il les concerne aussi. Ils se plongent dans Le Journal d’Anne Frank, dans Un enfant à Auschwitz de Maurice Cling, les souvenirs de Simone Veil ou la BD de Pascal Croci sur Auschwitz… Et puis vient la rencontre, déterminante, avec un rescapé des camps, c’est Léon Zyguel, déporté à 15 ans. De cette histoire vraie, MarieCastille Mention-Schaar a tiré un film formidable qui non seulement expose toutes les vertus pédagogiques et civiques de ce concours mais qui parle aussi avec finesse des adolescents d’aujourd’hui et de leur difficulté d’être. Et de leur capacité à se construire autour d’un projet commun qui les rapproche. On sort heureux de ce film dans lequel évoluent de tout jeunes acteurs et des amateurs talentueux, aux côtés d’Ariane Ascaride, plus convaincante que jamais dans le rôle de l’enseignante. que ce que les élèves demandent finalement c’est que s’établisse une espèce de contrat mutuel entre eux et le professeur, fondé sur le respect et l’écoute : « Cela m’intéresse d’entendre ce que vous avez à dire… vous m’intéressez », c’est à cela qu’ils aspirent, quel que soit le sujet. Le rôle des professeurs est prépondérant bien sûr et l’enseignante du lycée LéonBlum de Créteil, incarnée dans le film par Ariane Ascaride, représente tous ceux qui veulent tirer les élèves vers le haut parce qu’ils croient en eux… Oui, il y en a des milliers comme Mme Anglès – de son vrai nom – qui accom plissent ce travail admirable en dépit du fait que le concours, étant bénévole, exige beaucoup d’énergie et de travail en sus des heures de cours – pour les élèves aussi. Je pense qu’il devrait se préparer durant le temps scolaire tant il est enrichissant. Ariane Ascaride ne le connaissait pas non plus, bien que son père ait été résistant et que le sujet du film la touchait particulièrement. C’est une femme engagée, qui MarieCastille MentionSchaar éfend des valeurs civiques… et qui m’a d fait un beau compliment en me disant à la fin que si elle faisait ce métier c’était pour tourner des films comme celui-ci. L’autre élément moteur du CNRD, et quasi incontournable jusqu’à présent, c’est le témoin. Dans votre film, Léon Zyguel (que nous connaissons bien à la FNDIRP) joue son propre rôle. Comme il l’a fait ailleurs des dizaines et des dizaines de fois, il vient témoigner dans cette classe sur sa déportation… C’est le point clef du concours, une évidence. Ahmed me disait qu’il y avait eu un avant Léon et un après Léon pour lui et tous ses camarades. Un tournant. Ensuite le travail s’est accéléré. Je trouve qu’il faudrait vraiment profiter des déportés tant que nous les avons avec nous. Ils sont l’incar nation de l’Histoire à l’ère du virtuel. Les jeunes en ont tellement besoin, eux qui sont abreuvés d’images, mais d’images qui ne forment qu’une pellicule restant à la surface des choses et provoquant souvent ces a priori, ces clichés, ces amalgames, parce qu’il n’y a ni réflexion ni approfondissement. Alors lorsqu’ils rencontrent un survivant des camps, tout d’un coup, avec lui ou elle ils rentrent effectivement dans la vie. Ce n’est plus un livre d’histoire ni un film mais une manière vivante, charnelle, émotionnelle d’aborder l’histoire. Dans le même temps, avec leurs codes, leur désinhibition, cette façon qu’ils ont de dédramatiser, ils s’approprient soudain quelqu’un comme Léon Zyguel, comme si c’était un acteur de cinéma ou une rock star ! Ils ont cet élan naturel vers lui, font des selfies avec lui, lui transmettent leur énergie. Léon en était ravi et on le sentait galvanisé ! Ahmed Dramé, qui joue son propre person nage dans votre film, a donc participé à l’écriture du scénario et souhaiterait poursuivre dans cette voie, comme il l’a r aconté au public lors d’une avant-première à la mairie de Paris le mois dernier à l ’initiative de l’association Ciné-Histoire. Son expérience Photo Guy Ferrandis La FNDIRP et le Patriote Résistant sont très attachés au Concours national de la Résistance et de la Déportation – le PR va publier sous peu son 42e supplément sur le thème annuel. Le voir en personnage principal d’un beau film de cinéma est pour nous réjouissant. Mais p ourquoi cet intérêt de votre part pour ce sujet peu banal ? J’y suis venue par hasard, même si je pense que les hasards n’existent pas ! J’ai reçu un jour d’un jeune garçon en Terminale au lycée Léon-Blum de Créteil un texte intitulé Le vrai combat, qui racontait l’histoire d’une classe remportant un concours de slam, un concours littéraire donc. J’ai été intriguée par ce sujet, par le fait que c’était une histoire positive, ce qui est inhabituel, et j’ai voulu connaître l’origine de ce texte, ayant en outre appris qu’un tel concours n’existe pas à l’Education nationale. J’ai rencontré ce lycéen, Ahmed Dramé, et il s’est avéré qu’il s’agissait en réalité du Concours national de la Résistance et de la Déportation dont sa classe avait été lauréate deux ans auparavant au niveau national, dans la catégorie des travaux collectifs. Toute la classe avait participé, ce qui est rare. du CNRD semble avoir été déterminante dans son évolution, qu’en est-il des autres lauréats ? La grande majorité des 27 élèves ayant pris part au concours a réussi son bac, ce qui était loin d’être gagné au départ. Certains ont poursuivi des études supérieures… mais j’en saurai plus quand je les rencontrerai pour la première fois au mois de novembre pour leur présenter le film. Vous avez choisi comme titre « Les Héritiers », qu’induit donc ce mot pour vous ? J’ai senti que les jeunes s’étaient appropriés l’histoire de la Déportation, qui appartient à l’histoire de leur pays. Il m’a paru important de mettre ce mot d’« héritiers » sur ces visages qui sont notre France d’aujourd’hui alors que, du fait de leurs origines diverses, on ne pense pas immédiatement à eux quand on le prononce. Il contient aussi l’idée de passation, de transmission : savoir transmettre un héritage, comme le fait la prof, et savoir l’accepter, vouloir le comprendre et s’en servir comme quelque chose de vivant, pour le présent. Transmettre des valeurs de civisme est primordial. C’est d’ailleurs ce qu’a si bien fait Léon Zyguel avec les élèves en leur parlant de dignité et de solidarité, du racisme qu’il faut combattre… afin qu’ils vivent mieux ensemble, aujourd’hui et demain. Propos recueillis par Irène Michine (1) Avant-premières (projections scolaires et/ou tout public, à vérifier dans les programmes) : 6 novembre, Angers, aux 400 coups • 7 novembre, Lille, UGC CC, 20 h • 12 novembre, Toulouse, UGC • 13 novembre, Saint-Quentin-en-Yvelines, UGC CC SQY Ouest • 14 novembre, Bordeaux, UGC CC, 20 h • 16 novembre, Versailles, Cyrano, 10h30 • 18 novembre, La Rochelle, CGR Dragon • 20 novembre Aulnay-Sous-Bois UGC CC O’Parinor • 21 novembre, Perpignan, au Castillet, 19 h • 25 novembre, Créteil, UGC CC • 26 novembre, Rosny, UGC CC • 27 novembre, La défense, UGC CC • 28 novembre, Paris 6e, UGC Danton • 1er décembre, Paris 19e, UGC CC • 2 décembre, Paris 1er, UGC CC Les halles • 4 décembre, Asnières, Alcazar.