la sécurité des territoires, enjeu multipartite

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la sécurité des territoires, enjeu multipartite
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LA SÉCURITÉ DES TERRITOIRES, ENJEU
MULTIPARTITE
Animateur
Patrick CARBALLO, Directeur Tranquillité publique de la Ville d’Echirolles
Introduction
Patrick CARBALLO
Directeur Tranquillité publique de la Ville d’Echirolles
Contrairement à une idée reçue, la police municipale et le pouvoir de police des maires
datent de la Révolution française. La loi du 15 avril 1999 a permis d’accompagner la
professionnalisation des polices municipales. Depuis cette date, les effectifs des polices
municipales ont progressé de 42 %.
Par ailleurs, suite à différents rapports, le Livre blanc sur la sécurité publique d’octobre 2011
affirme la nécessité de redéfinir le rôle et la place des polices municipales afin de rendre plus
efficiente la coordination d’ensemble des forces de sécurité. Ce document insiste sur la
nécessité d’assurer une formation de qualité afin de garantir la professionnalisation des
intervenants.
Le CLSPD de la Ville de Lille (Conseil local de la sécurité et de la prévention de la
délinquance)
Mélanie DAVID
Directrice CLSPD de la Ville de Lille et de la Maison de la médiation et du citoyen de Lille
Les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance se sont développés en
1997/1998. À cette époque, de nouveaux profils (animateurs, éducateurs…) ont investi les
questions de prévention de la délinquance et la gestion des contrats locaux de sécurité. Des
profils très différents occupent également des fonctions de coordonnateurs de CLSPD, alors
qu’aucun texte législatif ne fait référence à ce métier. Néanmoins, le poste de coordonnateur de
CLSPD couvre généralement un socle commun de missions couvrant la mise en place des
dispositifs locaux de prévention de la délinquance, la mise en œuvre des contrats locaux de
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sécurité, enfin l’animation des réseaux de partenaires locaux en matière de sécurité et de
prévention de la délinquance (police municipale, service de la jeunesse, service du logement,
service de la santé…).
La Ville de Lille a signé son dernier contrat local de sécurité en novembre 2009, au
moment où le plan national de prévention a été publié. La Ville s’appuie sur une double
approche. Une approche thématique et transversale, tout d’abord, renvoyant à des groupes de
mise en œuvre chargés d’identifier des thématiques prioritaires (médiation sociale…) sur
l’ensemble de la ville. Ces groupes réunissent l’ensemble des partenaires concernés. La
seconde approche correspond à une approche sectorielle, reposant sur des cellules de veille au
sein de chaque quartier, permettant de traiter des incidents ou d’identifier des problèmes
particuliers. La police municipale participe à ces deux approches.
Prévention et sécurité
Sébastien PIETRASANT
Maire d’Asnières-sur-Seine, Conseiller régional d’Ile-de-France
Au sein de la ville d’Asnières-sur-Seine, la coordonnatrice du CLSPD est directement rattachée
au Directeur de la Police municipale (DPM), plus précisément du Directeur de la Sécurité et de
la prévention (DSP). Les questions de prévention constituent un domaine transversal, traité
dans le cadre des groupes d’animation du CLSPD.
Une seule personne coordonne l’ensemble des dispositifs de prévention, dans le cadre du
CLSPD, mais aussi en lien avec les autres services de la ville et les partenaires de la ville. Une
cellule de veille permet de réunir responsable de la police municipale et le commissaire, afin de
traiter des questions de sécurité et de prévention dans le territoire.
La stratégie développée consiste à disposer d’un dispositif solide, reposant sur une police
municipale territorialisée. Par ailleurs, l’organisation retenue permet de renforcer la présence
des policiers municipaux en fin d’après-midi et en début de soirée. L’objectif consiste également
à inciter les habitants à remonter des informations qui seront analysées dans la cellule de
veille.
Patrick CARBALLO
À Echirolles, le Directeur de la Tranquillité publique coexiste avec un coordonnateur du CLSPD
rattaché au CCAS (Centre communal d’action sociale). Le volet sécurité est essentiellement
centralisé par la police municipale dans le cadre d’un guichet unique. Le coordonnateur gère
l’impulsion du CLSPD et la prévention sociale.
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La coproduction de sécurité
Mélanie DAVID
À Lille, la coproduction de sécurité se concrétise au sein des lieux de concertation que sont les
cellules de veille. Les partenaires extérieurs sont la police nationale, le parquet de Lille, les
principaux bailleurs, le club de prévention, ou encore l’Éducation nationale. La coproduction
repose sur le principe de réalité, dans la mesure où chaque intervenant est un acteur d’un
même territoire. Cette démarche impose de nouer des relations de confiance avec
l’ensemble des partenaires, notamment dans le cadre d’une grande transparence
concernant le partage d’information nominatives. En revanche, ce cadre d’échange n’a pas été
formalisé par écrit.
Sébastien PIETRASANT
Les citoyens ont du mal de comprendre que la sécurité relève avant tout du domaine de l’État.
Ils se tournent souvent vers le maire. Dans la pratique, le rôle de la police municipale dépend
des circonstances et des territoires sur lesquels elle intervient. Lors des affrontements violents
survenus entre bandes rivales à Asnières-sur-Seine et Gennevilliers en début d’année, les
maires des deux villes ont pris des arrêtés municipaux instaurant un couvre-feu pour les
mineurs. Dans ces circonstances, lorsque la police municipale attrapait un jeune en infraction,
elle le transmettait à la police nationale.
Par ailleurs, en lien avec le Conseil des droits et devoir des familles, les familles des jeunes
délinquants sont convoquées par le Maire, en présence du DPM (Directeur de la police
municipale) et d’un commissaire de police, afin de procéder à un rappel à l’ordre et à la loi.
Patrick CARBALLO
Les réunions partenariales entre services de l’État et acteurs de terrain sont-elles des réunions
de courtoisie ou ont-elles une réelle efficacité ?
De la salle
Au sein de la Ville de Conflans-Sainte-Honorine, la police municipale est rattachée au cabinet
du maire. Le coordonnateur de CLSPD doit identifier les signes de désagrégation du lien social
et les faits qui ne sont pas encore des délits, afin de permettre à la police nationale et à la
police municipale d’identifier les situations qui dérapent. Le problème est que certains acteurs,
au sein de l’Éducation nationale ou de la prévention spécialisée, sont difficiles à mobiliser sur
ces sujets. C’est pourquoi une charte de confidentialité est en cours d’élaboration.
De la salle, Directeur Général des Services, ville de Saint-Louis (La Réunion)
Il convient de rappeler que les agents des collectivités territoriales sont des agents
déconcentrés de l’État. Dans ce cadre, l’essentiel des missions de sûreté confiée à la
commune de Saint-Louis correspond à l’information et la protection des populations en cas
d’aléas climatique, ou encore le plan de continuation de services à mettre en œuvre en cas
d’épidémie. Les missions de sécurité ne concernent donc que très marginalement les
problèmes de délinquance.
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De la Salle, Ville de Grenoble
Les polices municipales enregistrent un glissement progressif des missions de prévention
primaire, correspondant à un travail sur les causes, vers des missions de médiation,
correspondant au traitement des effets. Cette situation résulte de la dégradation de la situation
dans des zones où la démographie augmente alors que la situation sociale se dégrade. Par
ailleurs, il existe une certaine difficulté à travailler avec certains intervenants (Éducation
nationale, services du Conseil général…), alors qu’il existe une certaine empathie entre police
municipale et la police nationale. De plus, il est difficile de comprendre la logique de la Justice
lorsqu’il existe un impératif de mise hors d’état de nuire d’une personne.
Plus généralement, les CLSPD sont souvent des machines à fabriquer du consensus mou. Au
contraire, ils devraient constituer des lieux de partage et d’élaboration de stratégies face à des
situations difficiles.
Enfin, il revient au maire de construire les partenariats. Cependant, le danger est que ce dernier
ne peut pas assurer des fonctions de maintien de l’ordre et de police judiciaire. Dans ce
contexte, il ne peut pas faire de sa police municipale un auxiliaire d’autres institutions.
Sébastien PIETRASANT
La commune doit effectivement chercher à travailler en amont en matière de sécurité, par
exemple dans le cadre d’un projet de rénovation urbaine. Par ailleurs, il est exact que les élus
et les citoyens ont le sentiment d’une absence de retour et de suivi de la part de la Justice
lorsque des poches de délinquance sont identifiées. Enfin, effectivement, les séances plénières
du CLSPD sont souvent de grandes messes inutiles.
De la salle, Adjointe au Maire de Metz
La France souffre d’un travail législatif excessif et incohérent, notamment en matière de
sécurité. De plus, il est exact que les CLSPD ont souvent pour seule utilité de réunir les
partenaires et d’entendre des discours convenus.
À Metz, un travail a été mené afin de réduire les nuisances induites par les deux roues,
couvrant un travail préventif (interventions dans les lycées, diffusion d’une bande dessinée),
mais aussi un volet répressif avec la confiscation de quelques deux-roues, dans le cadre d’un
travail conjoint entre police nationale et police municipale.
En réalité, les polices municipales doivent surtout être des polices de la tranquillité publique.
Dans cet objectif, à Metz, une vraie politique d’ilotage a été mise en œuvre afin de créer un
maximum de contact et recueillir des informations qui pourront être utiles dans la chaîne de
prévention et d’action contre la délinquance. Enfin, des opérations conjointes peuvent être
conduites avec la police nationale, en fonction des besoins. Pour autant, il convient de lutter
contre une instrumentalisation des polices municipales. La sécurité des biens et des personnes
doit rester aux mains de l’État. Il serait dangereux que les polices municipales servent à pallier
les défaillances de ce dernier.
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De la salle, DGA d’Épinay-sur-Seine
Dans la ville d’Épinay-sur-Seine, en raison de la baisse des effectifs de police nationale, la
police municipale reçoit régulièrement des appels au secours d’habitants d’immeubles collectifs
« contrôlés » par des délinquants. Dans ce contexte, Le Maire et le DGA demandent à la police
municipale d’intervenir, parfois hors intervention de la police nationale, qui n’est plus en mesure
d’agir.
Sébastien PIETRASANT
Une action identique est également nécessaire à Asnières-sur-Seine. Dans ces conditions, il
convient peut-être d’ouvrir un débat concernant l’autorité qu’un maire pourrait exercer à l’avenir
sur la police nationale.
Patrick CARBALLO
L’un des enjeux de demain correspond effectivement à la doctrine d’emploi de la police
municipale, car le cadre fixé en 1999 n’est plus d’actualité.
Par ailleurs, il existe dans chaque département des référents sûreté formés par le Ministère et
susceptibles d’apporter un conseil technique.
Enfin, des formations transversales sont développées par le CNFPT. En effet, le DPN (Directeur
de la police nationale) doit devenir le référent concernant l’ensemble des problématiques de
sécurité. Son rôle ne doit pas le conduire à tout diriger, mais à apporter un regard différent
résultant de son rôle d’interface entre différentes problématiques.
De la Salle, Ville de Colombes
Il serait très dangereux de confier à la police municipale des missions dévolues à la
police nationale, en cas de défaillance de cette dernière. En effet, intervenir à l’occasion de
l’occupation d’un hall d’immeuble peut conduire à être confronté à des délinquants très
dangereux. Or les policiers municipaux ne sont ni formés, ni équipés, pour ce type
d’intervention.
Patrick CARBALLO
Depuis 1999, la police municipale s’est vue confier des missions très larges. Elle est
notamment incitée à collaborer avec la police nationale dans le cadre de conventions de
coordination. Ces documents sont souvent totalement inappliqués. Cependant, au quotidien, il
est difficile de coordonner les actions d’une police municipale et de la police nationale, alors
qu’il n’existe aucun outil de communication commun aux deux entités.
De la salle
Un GLTD (Groupe local de traitement de la délinquance) peut constituer un élément de réponse
face à ces difficultés ?
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Sébastien PIETRASANT
Un GLTD commun entre les villes d’Asnières-sur-Seine et Gennevilliers a été créé. Il peut s’agir
d’un outil intéressant, puisqu’il permet notamment des relations plus transparentes avec le
Procureur de la République.
De la Salle, Ville de Grenoble
Des réunions hebdomadaires ont été organisées à Grenoble entre le Directeur de la police
municipale, le Directeur de la prévention, le DDSP (Directeur départemental de la sécurité
publique) et, éventuellement, un Procureur adjoint. Cependant, l’efficacité de ce type de réunion
dépend des personnes impliquées.
Par ailleurs, la police municipale de Grenoble peut accompagner la police nationale sur des
opérations de la compétence de l’État, mais uniquement concernant des opérations peu
dangereuses. L’intervention pourra correspondre à la gestion de la circulation à proximité des
interventions.
Patrick CARBALLO
Le métier de directeur de police municipal diffère d’une collectivité à l’autre. Cependant,
les débats démontrent que ce dernier va sans doute devenir à l’avenir une pièce maîtresse
de l’organisation de la sécurité communale ou intercommunale.
Le 26 septembre 2011, la commission consultative des polices municipales a été réactivée avec
la constitution de deux commissions, dont l’une consacrée aux questions d’organisation. En
effet, un rapport de l’IGA (Inspection générale de l’administration) préconise de conclure de
nouvelles conventions de coordination permettant aux collectivités de préciser le degré de
partenariat qu’elles souhaitent mettre en œuvre. L’organisation territoriale de la sécurité doit
donc être repensée.
Sébastien PIETRASANT
Au-delà du cas particulier du DPM, l’enjeu consiste à préciser le rôle de chacun. Cependant,
chacun est partagé entre une posture idéologique et une vision très pragmatique. Par ailleurs, il
est possible d’être inquiet concernant l’avenir, au regard de l’absence de marges de manœuvre
dont disposent les collectivités locales et l’État.
De la salle
La ville de Saint-Nazaire élabore un projet ne prévoyant pas de créer une police municipale, car
elle estime que les réponses doivent correspondre à un renforcement des actions de médiation
afin d’accroître les liens entre les habitants, les associations et les travailleurs sociaux.
Mélanie DAVID
Au contraire, la ville de Lille dispose d’un service de médiation sociale, mais aussi d’une police
municipale. En effet, les policiers municipaux conservent une image plus répressive que les
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médiateurs. Les missions confiées à ces deux intervenants : ainsi, dans le cadre de conflits de
voisinage, l’identification des premiers problèmes conduit à l’intervention du médiateur, en lien
ou non avec le médiateur du bailleur. Si cette première intervention est insuffisante, le niveau
d’intervention suivant sera la police municipale, avant si nécessaire de passer le relais à la
police nationale.
Patrick CARBALLO
La mission de la police municipale couvre la prévention, la dissuasion et la répression. Il
doit être perçu ainsi par les citoyens.
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Les propos énoncés dans ce document n’engagent que la responsabilité de la personne citée.
Compte-rendu des Entretiens territoriaux de Strasbourg
7 et 8 décembre 2011
© CNFPT INET 2011
Réalisation :
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