Chroniques bleues Les années pour des prunes (2/3) : 1996-1998

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Chroniques bleues Les années pour des prunes (2/3) : 1996-1998
Chroniques bleues
Les années pour des prunes (2/3) : 1996-1998
mardi 19 août 2014, par Bruno Colombari
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D’ici à l’Euro 2016, les Bleus vont devoir gérer vingt mois de matches sans enjeu. Un avantage ou pas ? Retour sur le
deuxième des trois précédents, entre 1996 et 1998.
Pour chacune de ces trois périodes, l’étude portera sur les matches joués et les résultats obtenus, même bien sûr si ces derniers
n’avaient pas d’importance immédiate. On mettra en évidence le point haut et le point bas de chacune des périodes, ces momentsclé où quelque chose s’est mis en place ou, au contraire, s’est déréglé dans l’équilibre de l’équipe.
Enfin, on examinera attentivement les choix du sélectionneur : combien de joueurs utilisés, et parmi eux, combien sont en fin de
carrière internationale et combien débutent. Il est particulièrement intéressant de s’arrêter sur le cas des débutants : dans le
meilleur des cas, ils se retrouveront dans la liste pour l’Euro ou la coupe du monde à venir. Dans le pire des cas, ils ne seront jamais
rappelés. Et entre les deux, certains poursuivront leur carrière internationale mais manqueront la phase finale tant convoitée.
Les matches : le grand doute du printemps 98
Après un Euro 96 fini en queue de poisson par deux 0-0 agrémentés de tirs au but, les Bleus vont donc préparer ce Mondial à
domicile, eux qui ont manqué les deux précédents et qui n’ont plus vraiment de repères à ce niveau. Les dix-huit rencontres
amicales (dont sept entre janvier et juin 1998) doivent permettre à Aimé Jacquet une large revue d’effectifs. Avec au milieu un gros
morceau : le Tournoi de France qui va opposer trois prétendants au titre (Italie, Angleterre et France) et le champion du monde
sortant (le Brésil).
Auparavant, les Bleus vont essayer de faire vivre leur belle série d’invincibilité, qui s’élève à 28 matches au sortir de l’Euro (la
défaite contre la République tchèque en demi-finale est comptée comme un nul en raison des tirs au but). Mais le 9 novembre, ils
tombent à Copenhague face au Danemark, comme en 1983 (0-1). Après deux victoires serrées sur les Pays-Bas et la Suède, le
Tournoi de France amène plus de questions que de réponses. Auteurs d’une prestation correcte face au Brésil à Lyon, les Bleus
s’inclinent en fin de match contre l’Angleterre et se font rejoindre deux fois par l’Italie au Parc. Sans être ridicule, l’équipe de France
n’a pas semblé avoir la carrure d’un futur champion du monde. Les deux matches de l’automne contre l’Afrique du Sud et l’Ecosse
sont laborieux et poussifs.
En janvier, la dernière ligne droite arrive enfin avec l’inauguration du Stade de France et une victoire de prestige contre une
redoutable équipe espagnole. Mais l’élan retombe aussitôt, avec un match brouillon contre la Norvège à Marseille (3-3), une défaite
sans relief à Moscou face à la Russie, un nul transparent en Suède, deux matches serrés contre le Maroc et la Belgique et une très
courte victoire en Finlande. Avec huit buts marqués et six encaissés en sept matches, les Bleus sont très critiqués et Aimé Jacquet
donne l’impression de ne pas savoir où il va. Un mois plus tard, le triomphe du 12 juillet relèguera aux oubliettes cette préparation
brouillonne.
#
Date
Ville
Adversaire
score
#
Date
Ville
Adversaire
score
562
05/06/1998
Helsinki
Finlande
1-0
561
29/05/1998
Casablanca
Maroc
2-2
560
27/05/1998
[Casablanca]
Belgique
1-0
559
22/04/1998
Stockholm
Suède
0-0
558
25/03/1998
Moscou
Russie
0-1
557
25/02/1998
Marseille
Norvège
3-3
556
28/01/1998
Saint-Denis
Espagne
1-0
555
12/11/1997
Saint-Etienne
Ecosse
2-1
554
11/10/1997
Lens
Afrique du sud
2-1
553
11/06/1997
Paris (Parc)
Italie
2-2
552
07/06/1997
Montpellier
Angleterre
0-1
551
03/06/1997
Lyon
Brésil
1-1
550
02/04/1997
Paris (Parc)
Suède
1-0
549
26/02/1997
Paris (Parc)
Pays-Bas
2-1
548
22/01/1997
Braga
Portugal
2-0
547
09/11/1996
Copenhague
Danemark
0-1
546
09/10/1996
Paris (Parc)
Turquie
4-0
545
31/08/1996
Paris (Parc)
Mexique
2-0
Les joueurs : la fin des Européens
Ils étaient en Angleterre, ils ne seront pas en France : pour Vincent Guérin,
Corentin Martins, Reynald Pedros et Patrice Loko, l’Euro 1996 marquera le début de la fin de leur carrière internationale. Nicolas
Ouédec (photo ci-contre), Bruno N’Gotty, Pierre Laigle et Marc Keller ne parviendront pas non plus à s’imposer. Ce sont les huit
joueurs expérimentés (qui ont débuté en Bleu avant l’Euro 96) qui n’iront pas plus loin, au contraire des 15 autres qui soit seront
retenus dans la liste pour la coupe du monde (Blanc, Deschamps, Petit, Karembeu, Lizarazu, Lama, Desailly, Djorkaeff, Dugarry,
Barthez, Zidane, Thuram et Lebœuf), soit retrouveront les Bleus après le départ de Jacquet (Makelele et Lamouchi).
Les débutants : Henry et Trezeguet, des artilleurs pour l’histoire
Avec 18 débutants testés sur la période, Aimé Jacquet aura beaucoup essayé. Et il a eu raison, puisque la moitié de ces joueurs
débutants se retrouveront dans sa liste. Si Lionel Charbonnier, troisième gardien, Bernard Diomède et Stéphane Guivarc’h
attaquants remplaçants, n’ont pas été beaucoup plus loin que la coupe du monde, si Vincent Candela et Alain Boghossian n’ont
jamais vraiment trouvé leur place de titulaire, Robert Pires et Patrick Vieira feront une grande carrière internationale. Et que dire des
deux plus jeunes du lot ? Thierry Henry et David Trezeguet, quarante ans à eux deux, vont devenir respectivement le meilleur et le
troisième buteur français.
Franck Gava, Patrick Blondeau et Ibrahim Ba n’auront pas répondu aux attentes du sélectionneur, on ne les reverra plus en bleu.
Mais trois échecs sur 18 essais, c’est vraiment très peu. De ce point de vue, on peut estimer qu’Aimé Jacquet a été plutôt inspiré
dans ses choix de nouvelles têtes.
La dernière catégorie, celle des rappelés post-Mondial, n’a pas donné grand chose. Hormis Nicolas Anelka, champion d’Europe en
2000 et banni dix ans plus tard après une campagne sud-africaine suicidaire.
Le point haut : France-Espagne (28 janvier 1998)
Après une année 1997 morose, les Bleus entrent dans la dernière ligne droite et inaugurent le Stade de France dans un froid polaire,
sur une pelouse gelée qui ne favorise pas les appuis, face à une Espagne invaincue depuis 31 matches. Aimé Jacquet lance en
attaque l’ailier droit d’Auxerre Bernard Diomède, alors que le tout jeune attaquant franco-argentin de Monaco David Trezeguet est
sur le banc. Mais c’est le duo Djorkaeff-Zidane qui va s’illustrer très vite, le premier plaçant une frappe sur la barre de Zubizarreta et
le suivant propulsant le ballon dans la cage. (1-0, 20e). Malgré la domination espagnole, les Bleus qui jouent avec Boghossian en
arrière gauche tiennent bon et se créent les meilleures occasions après l’entrée de Trezeguet à la place de Guivarc’h. C’est sans
doute ce soir-là qu’il gagnera sa place pour le Mondial, contraireement à Ibrahim Ba que l’on ne reverra plus.
Le point bas : Russie-France (25 mars 1998)
Le lendemain, l’Equipe titrera C’était quoi, ce match ?. Et, en effet, ce Russie-France joué dans le bourbier du stade Lenine de
Moscou ne ressemblait à rien. Barthez, Lizarazu, Blanc et Zidane ne sont pas là. Letizi est dans la cage et fait une bourde fatale au
pied qui permet aux Russes d’inscrire le seul but du match. L’attaque Djorkaeff-Guivarc’h-Diomède n’a rien montré, le milieu
Deschamps-Petit-Lamouchi non plus et la défense Thuram-Lebœuf-Desailly-Karembeu n’a pas maîtrisé grand chose. A 79 jours du
premier match de la coupe du monde, Aimé Jacquet semble avancer à tâtons. Le temps presse. Pourtant, neuf des quinze joueurs
alignés à Moscou battront le Brésil à Saint-Denis trois mois et demi plus tard...