octobre 2005

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octobre 2005
Bruno Voisin- Agence d’urbanisme de Lyon - octobre 2005
Les Minguettes, un grand ensemble à
Vénissieux, troisième ville de l’agglomération lyonnaise.
Quelques données :
Les Minguettes construites entre 1966 et 1973 occupent un site de près de 200 hectares au sud-ouest
de la commune de Vénissieux. Elles accueillent aujourd’hui près de 20.000 habitants logés dans 7800
logements dont 6500 HLM - répartis entre 11 logeurs sociaux - et 1300 copropriétés. Près d’un millier
d’appartements y ont été détruits depuis les années 80. Le taux de chômage est de l’ordre de 30% ;
40% pour les moins de 25 ans. La ville de Vénissieux compte, elle, près de 60.000 habitants et
constitue un des pôles industriels majeurs de l’agglomération lyonnaise. L’action publique sur les
Minguettes a démarré en 1980-82 et a pris plusieurs visages au cours de ces 25 dernières années.
Les Minguettes un site remarquable
Au sud-est de l’agglomération, le site du plateau des Minguettes, contiguë à celui des
Clochettes à Saint-Fons, surplombe la vallée du Rhône et l’autoroute A 7. Sur la rive gauche du
fleuve, le grand ensemble, dont on voit les tours au loin, marque la porte sud de l’agglomération. Il
forme un ensemble d’habitat collectif imposant ; il domine à l’ouest la vallée de la Chimie et à l’est le
bourg de Vénissieux et d’anciennes implantations industrielles.
A l’est, le grand ensemble est coupé par des pentes abruptes du bourg de Vénissieux. Plus au
sud, et en contrebas, l’Hôtel de ville et la nouvelle médiathèque forment une articulation urbaine
importante entre la ville ancienne et le plateau. Au nord-est, le site est enserré dans un tissu mixte
alternant pavillonnaires, immeubles collectifs et anciens tènements industriels. La nationale 7 forme la
limite avec Saint Fons et le quartier des Clochettes. Au sud, le plateau domine la plaine de Feyzin et
le tracé du boulevard urbain sud (BUS).
Figure 1 : le site des Minguettes vu du Sud ; en arrière-plan, le site de Lyon.
Photo Ag Urb F Guy
Vénissieux un bourg rural projeté dans l’ère industrielle
Ferme gallo-romaine du nom de Vénicies à l’origine, puis petit bourg dauphinois entouré de
remparts, Vénissieux est restée une grosse bourgade maraîchère et agricole jusqu’à la fin du 19ème
ème,
siècle. A la fin du 19
les industries chimiques se délocalisent du nord de Lyon pour s’installer en
aval de la ville le long du Rhône proche du hameau de Saint-Fons qui appartenait à cette époque à la
commune de Vénissieux. Rapidement les industriels de la chimie organisent la sécession de Saint
Fons vis-à-vis de Vénissieux car ils voulaient s’émanciper de la tutelle des agriculteurs de Vénissieux.
Au moment de la première guerre mondiale, c’est au tour de Vénissieux d’accueillir sur ces
grandes terres agricoles jouxtant les voies de circulation et le chemin de fer, de grandes entreprises :
les entreprises mécaniques et chimiques ainsi que les arsenaux repliés de l’est et du nord de la
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France. Sur ces mêmes terrains, s’effectue dès les années 1910, l’extension des usines Berliet (le
futur Renault Véhicules industriels, aujourd’hui Renault Trucks) qui produisent alors des locomotives,
des camions et des automobiles, mais se spécialiseront ensuite exclusivement dans les poids lourds.
Vénissieux constituera ainsi une base arrière importante de l’effort de guerre entre 1914 à 1918.
L’entre-deux -guerres voit se confirmer ce dynamisme. En moins de trente ans, Vénissieux
devient la commune la plus industrialisée de la région dotée d’arsenaux et de grandes usines
mécaniques, chimiques ou textiles, mais aussi de nombreuses usines de transformation qui travaillent
pour la France entière.
Figure 2 : les usines Berliet, puis RVI, une emprise de 400 ha. Photo Ag Urb F Guy
Des vagues successives d'immigrés ont peuplé la ville : Espagnols et Italiens au début du
siècle, puis Maghrébins, Africains, Polonais, Antillais et Turcs. Vis-à-vis d’eux, la commune joue un
rôle important d’intégration et prend, à ce moment là, sa forte identité ouvrière. En 1931, les étrangers
représentent 40,8 % de la population vénissiane. La ville se dote d’école et de services sociaux ; elle
affronte alors un problème qui devient endémique : le logement ; elle réalise alors plusieurs opérations
d’HBM (habitations à bon marché).
La ville gravement bombardée pendant la seconde guerre mondiale, retrouve à la fin des
hostilités son dynamisme. En 1962, la population, qui a encore doublé par rapport à 1946, continue de
croître en même temps que les activités et les emplois se développent. La ville fait face en lançant à
proximité du Bourg de nouvelles opérations d’habitat social.
La programmation du grand ensemble des Minguettes
A cette époque, l’Etat envisage de conforter le pôle chimique de Saint Fons par la création
d’un grand complexe pétrolier à cheval sur Saint Fons et Feyzin ; il réfléchit à l’aménagement de la
vallée du Rhône-aval, autour de l’implantation d’une grande raffinerie, et des activités de transports,
de transformation et de recherche qui lui sont liées. Le plateau des Minguettes, consacré à
l’arboriculture et aux céréales, jusqu’ici épargné par l’urbanisation semble une opportunité pour
pouvoir accueillir les milliers de logements nécessaires à ce grand déploiement industriel moderne.
Pour répondre au besoin de logements grandissant, liés tant à la croissance de l’emploi local
qu’à la démographie de l’agglomération, l'Etat annonce dès 1958-59 son intention de réaliser sur le
plateau des Minguettes un des grands ensembles majeurs de l’agglomération. La création de la future
ZUP des Minguettes est confiée par convention à la Serl (Société d’équipement de la région
lyonnaise), une des filiales de la Caisse des dépôts et consignations. Une équipe d’architectes et
d’urbanistes est désignée pour sa réalisation ; à sa tête, un architecte grand prix de Rome, Eugène
Baudoin, directeur de l’école d’architecture de Genève, appuyé sur une équipe lyonnaise composée
de Franck Grimal et de René Bornarel.
Sur ce plateau agricole de 220 hectares, battu par les vents, l’équipe de concepteurs
dessinent un plan masse moderne accompagnant la géographie du site : au centre du Plateau, des
immeubles en barre forment une ville dense ; en périphérie, sur les pentes, une soixantaine de tours
forment un jeu d’orgues que les autorités admirent depuis l’hélicoptère qui les emmène sur le site.
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Figure 3 : une des tours Pascal.
Photo Ag Urb F Guy
Quatre procédés industrialisés sont retenus pour composer les immeubles des Minguettes :
les procédés Pascal, Barrets, SGAF (Saint -Gobain aluminium Français) et CRET. En 1973, l'essentiel
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de la ZUP est érigé : 9 200 logements, dont 7 600 HLM, le tout réparti entre une dizaine de quartiers.
La Serl réalise les travaux de 1966 à 1973. L’équipement de la ZUP comprend un grand centre
commercial en position centrale et trois autres plus petits qui desservent les quartiers périphériques.
Les espaces verts, les terrains de sports et les aires de jeux occupent une place importante, mais sont
parfois sommairement aménagés. Les écoles sont disposées de telle sorte que les enfants n’aient pas
de rue à traverser pour s’y rendre.
A l’origine une population jeune mais diversifiée
Le nouveau quartier accueille des jeunes ménages venus aussi bien de Vénissieux que de
l’agglomération lyonnaise ou de ses périphéries lointaines. A cette époque le manque de logements
est cruel. Beaucoup de jeunes ménages issus du baby-boom, bien que qualifiés et ayant du travail,
sont obligés de cohabiter avec leurs parents. En bas de l’échelle sociale, beaucoup de ménages
ouvriers immigrés vivent dans des taudis ou des bidonvilles.
Tous sont heureux de trouver un grand logement moderne et bien équipé sur le Plateau. La
ZUP connaît une certaine mixité. Chaque quartier constitue un puzzle original entre ménages
qualifiés (techniciens, ouvriers professionnels) et non qualifiés (OS, chômeurs, etc.), entre jeunes
ménages qui ont leur premier enfant et familles nombreuses déjà constituées qui viennent souvent de
l’habitat insalubre. La vie associative est dynamique et les jeunes ménages des classes moyennes qui
forment le noyau militant du grand ensemble arrivent à créer des liens et à définir un certain mode de
« vivre ensemble ».
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Toutefois, les familles immigrées et ouvrières sont plus représentées en première tranche de
la Zup et sur le quartier Armstrong. La part des immigrés varie de 4% à 24% selon les quartiers et les
offices HLM. Il y en a onze sur le plateau et chacun obéit à sa logique propre en matière de
peuplement et de gestion. Les techniciens supérieurs, les cadres moyens et les ouvriers qualifiés de
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Zone à Urbaniser en Priorité, catégorie issue de la loi d’orientation foncière de 1958.
La Zup est réalisée en trois tranches : la première au sud du plateau, la seconde à l’ouest et la
troisième à l’est. Une quatrième prévue initialement ne sera jamais réalisée.
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la chimie se retrouvent plutôt dans les immeubles en copropriétés disséminés sur les différentes
tranches.
La ville de Vénissieux, bien que plutôt favorable à la réalisation de ce grand quartier appelé à
loger de nombreux ouvriers, n’a guère son mot à dire dans la programmation des logements, ni dans
leur peuplement. Elle ne contrôle que deux cent soixante logements sociaux, sur un total initial de
7500, par le biais de sa société mixte d’HLM, la SACOVIV ! Elle tend donc à se retourner contre l’Etat,
puis, à partir de 1968, contre la Communauté Urbaine, qui vient d’être créée et prend la responsabilité
de l’achèvement du projet, pour obtenir des équipements et des services à la hauteur des besoins de
la population accueillie. Elle reproche à ses interlocuteurs d’organiser exclusivement l’accueil de
populations défavorisées aux Minguettes et de créer un ghetto qui ne sera bientôt plus contrôlable.
Des équipements et des services insuffisants pour la population accueillie
En effet, si le chantier des logements est réalisé en un temps record, les équipements et les
services sont loin de suivre. Les bus ne montent pas tout de suite sur le plateau ; le nombre de
classes est insuffisant ; la ville est sollicitée pour réaliser les équipements socio-éducatifs manquant
qui pourtant avaient été prévus dans le bilan initial du programme d’aménagement. Ni l’Etat, ni la
Communauté urbaine, ne réalisent les gymnases qui devaient accompagner les groupes scolaires.
De premières tentatives d’amélioration des services sont entreprises par la SERL dans les
années 75-76, notamment avec des aménagements complémentaires d’aires de jeux, l’utilisation des
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locaux de pied de tour (les LCR ) et la mise en place d’une animation socio-éducative renforcée
mobilisant les acteurs de l’école.
Ces améliorations restent superficielles et dès les années 76-77 des logements vacants
apparaissent sur plusieurs quartiers. Les ménages de catégories moyennes partent vers les nouveaux
types d’habitat qui leur sont proposés : petits immeubles collectifs en copropriété, pavillons, etc. Ils
cherchent à éviter de scolariser leurs enfants dans des collèges ou lycées trop marqués par les
enfants d’origine ouvrière et immigrée. Ils ne sont remplacés qu’en partie. Chaque année le nombre
de logements vacants augmente et les immeubles où se concentre cette vacance deviennent
ingérables.
Une espérance déçue, la ZUP se transforme en un poids pour la ville
Pour Vénissieux, la réalisation des Minguettes ne se comprenait que dans le cadre d’une
vision d’avenir qui renforcerait durablement la commune comme troisième ville de l’agglomération
lyonnaise et lui permettrait d’atteindre à terme les cent mille habitants. Pour cela la réalisation des
Minguettes devait être suivie de la création d’un nouveau centre tourné vers le Sud qui fédèrerait
ancien et nouveau Vénissieux. Symboliquement, l'hôtel de ville transféré, au pied de la Zup, dans les
années 70, devait préfigurer cette extension du centre-ville. Mais à partir des années 75-77, la
commune est touchée de plein fouet par la crise économique, les fermetures d'usines, l'explosion du
chômage. Pendant cette période, Vénissieux, plus importante aire industrielle de l’agglomération, se
met à perdre des emplois, du fait de la rationalisation des effectifs des grandes entreprises, de la
délocalisation ou de la fermeture d’autres.
Sur le plateau des Minguettes, les familles ouvrières peu qualifiées sont les premières
touchées par les licenciements. Peu à peu, la concentration d'étrangers, le chômage et le manque
d'équipement urbain font partir les classes moyennes. Moins de dix ans après l'arrivée des premiers
habitants, les conditions de vie se dégradent déjà.
En 1976, un conseil municipal extraordinaire se penche sur les problèmes de la cité. La ZUP
où vivent près de 40 % des Vénissians reste une cité dortoir géante dont les besoins sociaux pèsent
sur le fonctionnement et les investissements de la commune. Vénissieux a gagné des logements mais
perdu sa dynamique. Entre 1975 et 1989, la ville perd près de 25 % de sa population, du fait des
logements vacants aux Minguettes et de la diminution de la taille des ménages qui accompagne le
vieillissement de la population sur les autres quartiers. Concrètement la vacance des logements aux
Minguettes est passée de 700 logements en 1979 à près de 2000 en 1983. Parallèlement, en
contrebas des Minguettes, l’opération de renforcement du centre ancien, appelée Zac du Bourg, a du
mal à décoller.
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Locaux collectifs résidentiels
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Figure 4 : le vieux bourg de Vénissieux, en contrebas des Minguettes.
Photo Ag Urb F Guy
Une première campagne de réhabilitation
A l’initiative des organismes HLM, une première campagne de réhabilitation s’engage dans le
début des années 80. Elle s’effectue d’abord dans le cadre de la procédure « Habitat et Vie Sociale »,
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puis dans celui des premières opérations « Dubedout » en lien avec la « Commission Nationale de
Développement Social des Quartiers » (CNDSQ). Ces premières opérations se font dans un contexte
politique tendu et dans un climat social explosif marqué par de nombreux actes racistes et, en contre
partie, par l’affirmation d’un mouvement civique et social des jeunes de la deuxième génération
immigrée. C’est ce qu’on a appelé les évènements des Minguettes, bientôt suivis en 1983 par la
marche des beurs.
Figure 5 : réhabilitation d'immeuble aux Minguettes.
Photo Ag Urb F Guy
Les partenaires institutionnels n’arrivent pas à se mettre d’accord sur un plan d’action
d’ensemble, chacun se renvoyant la balle vis-à-vis des dysfonctionnements du quartier qui ne font
que s’aggraver. Une solution progressive de réhabilitation par quartier est retenue. L’action publique
se porte d’abord sur la restructuration du quartier Monmousseau avec la démolition de trois premières
tours en 1983, puis sur Armstrong où la priorité est donnée à l’amélioration de la gestion, aux
problèmes de peuplements et à la refonte des espaces extérieurs.
Cette action ciblée sur les quartiers s’accompagne de réalisations concernant le
fonctionnement global des Minguettes : reprise d’espaces extérieurs et création de nouveaux
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Maire de Grenoble, militant de la participation citoyenne et premier président de la CNDSQ.
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équipements collectifs : maison des fêtes et des familles, maison des sportifs, terminal de bus de la
Darnaise, terrain d’aventure, etc.
Les offices HLM créent de leur côté une association commune de gestion qui leur permet de
suivre les évolutions du peuplement des différents sous-quartiers, de mesurer l’impact des
réhabilitations et de mettre en place des stratégies commerciales pour relouer les logements vides en
cherchant à accueillir de nouvelles clientèles, moins captives. Le remodelage par l’architecte Roland
Castro de la tour « Arc en Ciel » à la Rotonde s’inscrit dans cette même perspective de faire revenir
des ménages des classes moyennes aux Minguettes.
Ces efforts portent leurs fruits, on ferme certaines tours, dont celles du quartier Démocratie,
mais globalement les Minguettes se repeuplent sans qu’on assiste toutefois à un retour des classes
moyennes, ni même des ménages qualifiés. Le peuplement reste fragile et pour les moins
défavorisés, les Minguettes ne sont qu’un lieu de passage.
La montée des enjeux urbains
Ville, Communauté urbaine et Etat, signent en 1986 une convention de plan qui donne la
priorité aux grands investissements urbains et prévoient la refonte du quartier autour de l’épine
dorsale que pourrait constituer la venue du métro aux Minguettes. Parallèlement, ces partenaires
lancent un grand concours international pour le remodelage du quartier Démocratie, vidé de ses
habitants. Les réhabilitations de logements et la refonte des espaces publics se poursuivent sur les
autres quartiers.
En 1989 a lieu le rendu du concours Démocratie : le projet « Démocratie ville ouverte » de
Ten, Aster, Fortin, Rapin est lauréat. Une société est créée pour le réaliser, mais le projet se révèle
trop ambitieux et finalement tourne court. Démocratie reste une friche urbaine jusqu’en 1994 où l’on
détruit par implosion ses dix tours.
Figure 6 : l’implosion des tours du quartier Démocratie en 1994.
Photo Ag Urb F Guy
Les réalisations de la période 1990 - 2002
Pour cette période, ce sont près de 80 millions d’euros d’investissement qui sont réalisés sur le
plateau :
• confortation des équipements de centralité, première réhabilitation de Vénissy, création d’un
pôle de services publics et requalification de la place du marché ;
• requalification des quartiers résidentiels : réhabilitation et réaménagement des espaces
extérieurs sur Lénine-sud et nord, Rotonde, Thorez et division Leclerc ;
• requalification des espaces extérieurs de Léo Lagrange ;
• surtout, restructuration ambitieuse du quartier de la Darnaise : démolitions de tours,
réaménagement d’un centre de quartier, construction d’une résidence expérimentale de 37
logements financés par des prêts aidés de la Caisse des dépôts et consignations.
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Figure 7 : la médiathèque de
Vénissieux. Photo Ag Urb F Guy
Cette amélioration indubitable du cadre de vie et de l’habitat, ne freine pas la paupérisation des
différents quartiers. Les solutions gestionnaires expérimentées dans les années 80 deviennent
inopérantes et le nombre de logements vacants augmentent de nouveau. On assiste à un certain repli
des Minguettes sur elles-mêmes. Une part importante des entrées dans les logements viennent des
mutations de ménages qui changent d’appartement au sein des Minguettes, parfois au sein du même
quartier, ou encore de jeunes ménages qui dé-cohabitent.
Peu à peu, la population des Minguettes, comme celles des autres grands ensembles des années
60, apparaît comme une population majoritairement captive coupée durablement de l’emploi. Les
actions socio-éducatives et les dispositifs d’insertion restent inopérants face aux groupes les plus
défavorisés qui sont aussi souvent les plus discriminés. Parallèlement, des phénomènes
communautaires se développent à partir des réseaux familiaux, ethniques ou religieux.
A partir de 1996, une nouvelle réflexion se développe sur la transformation urbaine du quartier.
C’est le fait du travail d’Antoine Grumbach, architecte et urbaniste, dans le cadre du Grand Projet
Urbain (GPU), puis du Grand Projet de Ville (GPV) de Vénissieux. Antoine Grumbach réfléchit à
terme à une « ré-urbanisation » du site à partir d’une nouvelle trame de rues et d’espaces publics qui
permettrait à la fois plus d’échange entre les quartiers et de liaisons entre les Minguettes et leur
environnement.
Figure 8 : le quartier de la Darnaise réhabilité. Photo Ag Urb F Guy
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A l’inverse du GPU qui restait cantonné aux enjeux urbains proprement dits, le GPV rassemble
aussi les volets sociaux, éducatifs et culturels nécessaires à la mobilisation des habitants et des
acteurs de terrain. Il permet de faire le lien entre les visions à moyen et long terme et les besoins des
habitants au quotidien.
Une action d’accompagnement importante de cette dynamique a été la réalisation de la
médiathèque communale construite en face de l’Hôtel de ville, mais ouverte vers les Minguettes qui a
été conçue par l’architecte Dominique Perrault, concepteur de la Grande Bibliothèque François
Mitterrand à Paris.
Les Minguettes et le projet ANRU (Agence Nationale pour la Rénovation
Urbaine) : 2002 – 2012…
Le GPV débouche donc sur un projet ambitieux dont la réalisation s’inscrit dans le cadre d’un
contrat avec la nouvelle ANRU mise en place par Jean-Louis Borloo début 2002. En même temps une
Zone Franche Urbaine est créée sur les Minguettes pour faciliter la venue d’entreprises et favoriser
l’emploi des habitants.
Le GPV prévoit dans le cadre de la convention ANRU :
• L’affirmation d’une centralité avec la restructuration du pôle commercial et administratif de
Figure 9 : une histoire mouvementée et porteuse de sens. Démolitions en 83 à Monmousseau. Phot F Guy
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Vénissy et la reconfiguration de Jean Cagne et de la place du marché ;
De nouveaux développements autour de la ligne forte de transport en commun ;
la mutation progressive des différents quartiers et l’affirmation d’un nouvel urbanisme à taille
plus humaine : immeubles sur rue et îlots de taille restreinte ;
la valorisation des axes de desserte interne aux Minguettes comme «la rue des écoles » ;
une accroche renforcée avec le « Vieux Bourg » et un lien vers le quartier Max Barrel.
Dès 2004-5 les premières opérations de démolition-reconstruction sont engagées sur le centre
commercial de Vénissy, à la Darnaise, à Monmousseau, Edouard-Herriot et Démocratie de part et
d’autre de l’avenue d’Ochatz, ainsi qu’à Armstrong.
Sans bouleverser l’organisation du grand ensemble, la mise en œuvre du projet urbain se traduit
par des actions fortes, souvent spectaculaires, sur plusieurs points stratégiques du quartier :
• le renouvellement du commerce et du centre administratif (Zac de Vénissy) et
d’équipements rayonnant au-delà des Minguettes : construction d’une école de musique,
extension du cinéma Gérard Philippe, etc. ;
• le renouvellement du parc immobilier sur les quartiers évoqués et sur la Darnaise en
prévoyant dans les cinq ans à venir : 705 logements détruits et 780 reconstruits in situ dont
seulement 478 logements sociaux ;
• la création d’une voie nouvelle au nord et la mise en place d’un site propre TC ;
Soit 229 millions d’euros dont 33 pour les démolitions, 90 pour la construction neuve, 25 pour les
aménagements et 15 pour les équipements.
Du temps des politiques et des techniciens au temps des habitants…
Au regard de ces moyens importants mobilisés pour agir sur les infrastructures, l’habitat et les
équipements fédérateurs, la question de l’accompagnement social et des dynamiques habitantes
reste une question cruciale. Il reste un lien à construire entre, d’une part, le temps des habitants, leurs
attentes d’un environnement de qualité, de sécurité et de convivialité et, d’autre part, les perspectives
de moyen et long termes que portent les pouvoirs publics et les professionnels de l’urbain. La
construction de ce lien est l’affaire des élus locaux, mais aussi des membres de l’équipe de terrain,
des travailleurs sociaux, des éducateurs et des relais associatifs présents sur le quartier.
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