« Dégage ! » ne procède certes pas de la plus extrême courtoisie. Il

« Dégage ! » ne procède certes pas de la plus extrême courtoisie. Il serait plus
policé de souffler à l’oreille du détenteur du pouvoir : « Vous pouvez disposer, quand
même nous disposons désormais à notre guise de la chaise qui vous faisait office de
trône. ».
Mais les détenteurs du pouvoir tendent rarement l’oreille aux revendications de la
populace, laquelle est bien obligée d’élever un tantinet la voix, à en perdre au passage
les bonnes manières : « Dégage ! »
Il ne suffit pas cependant de s’avilir dans la plus crasse vulgarité pour gagner
ses galons de dégagiste. Ainsi, le pitoyable « Casse-toi, pauvre con ! » craché par le
président Nicolas Sarkozy au visage d’un manant qui refusa de se salir la main en
serrant la sienne au Salon de l’Agriculture le 23 février 2008 est au dégagisme ce que
l’orthographe est à la physique quantique.
Ce qui n’empêche pas les dégagistes de détourner à leur noble profit la veule
éructation sarkozienne… quitte à se faire convoquer par l’ambassade, rapatrier en
France et vertement blâmer, comme l’a appris à ses dépens un professeur au lycée
français du Caire qui avait pris part à la manifestation dégagiste du 1er février 2011
place à Tahrir en brandissant une pancarte « Casse-toi, pauvre
Capture d'écran d'un reportage de BFM TV sur la place Tahrir, le 1er février.
con ! » à l’adresse de Moubarak toujours arrimé à son siège. En revanche, le ministère
des Affaires étrangères français ne put semblablement user de représailles, lorsque
3.000 Tunisiens, peu après leur dégagement de Ben Ali, s’en prirent le 19 février au
fraîchement
nommé et totalement gaffeur ambassadeur de France à Tunis, le très peu diplomate
Boris Boillon, aux cris de « Casse-toi, pauvre Boillon ! », « Dégagez petit Sarko ! » ou
encore « Dégage Boris », pendant que 19.000 "amis" squattaient le site Facebook avec
le slogan « Boris Boillon dégage ! ».
De même, l’usurpation déviante de l’impératif dégagiste par des éléments
délibérément « incontrôlables » du FNJ (Front national de la jeunesse) n’en fait pas
des dégagistes patentés :
Ce détournement obscène du maître-cri dégagiste n’atteste que de la rage expulsatoire
qu’ils ont inoculée à leurs chiens.