compte-rendu du séminaire de restitution

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compte-rendu du séminaire de restitution
Expérimentation menée dans le Massif central sur le passage au numérique de 8
salles de cinémas
Objet : En s’appuyant sur l’expérimentation menée dans 8 salles de cinéma en Auvergne et
Limousin, le partenariat Massif central (Etat-Régions) souhaite disposer d’une évaluation
globale du passage au numérique tant sur les aspects techniques et financiers que sur les
nouveaux usages.
Le séminaire de restitution de l’expérimentation qui s’est tenu le 16 juin 2011 à La Bourboule,
en marge du festival Plein la Bobine, a ainsi été organisé autour de 4 questions :
- le passage au numérique des salles de cinéma à proprement parler ;
- les nouveaux modes de financement ouverts par ce passage au numérique ;
- les nouveaux usages que peuvent développer les cinémas à partir de leur nouvel
équipement ;
- les actions qui pourraient être mises en place à l’échelle du Massif central.
1/ Le passage au numérique des salles de cinéma de l’expérimentation
8 salles ont été équipées dans le cadre de l’expérimentation : 4 en Auvergne, 4 en Limousin.
- 3 cinémas monosalle à Dompierre-sur-Bresbe, Mauriac et Neuvic
- 3 cinémas 2 écrans : au Chambon-sur-Lignon et à St Junien 1 seul écran est passé au
numérique, à Ambert, les 2 écrans sont passés au numérique
- 2 cinémas de plus de 3 écrans à Guéret et Brive : 2 écrans sont passés au numérique
Après près de 6 mois de mise en œuvre, les exploitants peuvent se réjouir de la forte
augmentation des capacités de conservation des films, ce qui peut leur permettre par exemple
des rediffusions dans l’année. L’accès accru aux bandes annonces est certes une plus grande
facilité mais les contenus disponibles ne correspondent pas forcément aux politiques de
diffusion des cinémas :par exemple, un cinéma art & essai ne diffusera pas le dernier
blockbuster américain.Il y a d’ailleurs très peu de bandes annonces pour les films « arts et
essais ».
Le numérique implique un certain nombre de changements dans les habitudes de travail des
exploitants en introduisant de nouveaux réflexes à acquérir comme celui de l’anticipation dans
la gestion des clés de lecture (code de sécurité pour la lecture des films) ou de la distribution
des lunettes pour la 3D qui ralentit le passage en caisse et donc allonge la file d’attente devant
les cinémas. Si les tâches de cabine et le coût de transport des supports (disques durs) sont
en théorie plus simples, l’équipement partiel des complexes avec une salle en 35 mm et une
salle en numérique complique la gestion des programmations.
On note que les sociétés de transport ou les distributeurs profitent de la facilité de transport
pour demander aux exploitants de télécharger plus vite les films pour pouvoir faire circuler le
même disque dur à plusieurs salles dans la même journée.
Ces adaptations ou ces ajustements dans les pratiques méritent d’être anticipés voire
accompagnés.
Néanmoins, les cinémas ont pu, grâce au numérique, améliorer l’exploitation des films. Par
exemple en rediffusant les films marquants de l’année pendant la période de congés. Le
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nombre global de séances a d’ailleurs légèrement augmenté sur le début d’année 2011 par
rapport à 2010.
Les films arts & essais pâtissent encore d’une plus grande frilosité de leurs distributeurs qui
restent méfiants vis-à-vis du numérique. Les salles arts & essai n’ont ainsi pas intérêt pour
l’instant à se passer de leur(s) salle(s) 35mm.
Les distributeurs ont également tendance à vouloir imposer et conditionner l’octroi de films en
première semaine à leur exposition sur les écrans dans la mesure où ils doivent payer une
contribution numérique si la copie est remise dans les 4 semaines suivant la sortie du film.
C’est la règle des multiplexes que l’on essaie d’imposer aux petites salles via la deuxième
recommandation du CNC. L’enjeu pour les cinémas du Massif central est donc de pouvoir
faire valoir la diffusion par un réseau de salles de proximité sur un même territoire plutôt que
par un seul cinéma. Toutefois, un cinéma comme Ambert a doublé le nombre de sorties
nationales sur ses écrans depuis le passage au numérique.
Une enquête de satisfaction menée auprès des 8 salles révèle qu’un public déjà cinéphile
seraient susceptible d’aller plus souvent au cinéma si celui-ci propose un choix plus large de
films par semaine, des sorties nationales et des programmes alternatifs. Le numérique peut
apporter des réponses à ces attentes.
2/ financement et économie des salles
Les budgets d’investissements dans l’installation et l’équipement en numérique sont
pratiquement identiques d’une salle à l’autre. Les quelques différences constatées concernent
le coût des travaux d’aménagement (gros œuvre) et celui des extensions de garanties, liées à
des durées différentes. Il est à noter que le prix du projecteur est lié à la taille de l’écran et que
depuis le début de l’étude, le coût du matériel a baissé d’environ 10%.
Par ailleurs, nous sommes dans une période de transition technologique pendant laquelle il
semble pertinent de conserver les deux modes de projection (argentique et numérique). D’ici 3
ans, l’argentique aura probablement disparu.
Côté économie des salles, le numérique aurait dû permettre de diminuer les coûts de
transports, et notamment, lorsque les conditions et le distributeur le permettent, en prévoyant
le téléchargement des films par Internet ou satellite. Pour l’instant, les exploitants constatent
peu de différences sur les coûts d’expédition et ne bénéficient pas encore des infrastructures
permettant le téléchargement rapide des films par Internet.
La 3D permet également une hausse tarifaire dont bénéficient en partie les salles, mais qui est
en partie remise en cause par le CNC qui souhaite intégrer ce surcoût dans le calcul des
contributions. En revanche, les coûts de maintenance de l’équipement numérique sont plus
élevés) et la gestion des lunettes 3D entraîne un coût d’investissement important (40€ la paire
de lunettes active) mais également de fonctionnement (casse, nettoyage, piles…).
Notons que les pannes des projecteurs peuvent être diagnostiquées, voire réglées à distance.
Globalement, le passage au numérique n’a pas eu d’incidence sur les frais de personnel mais
a permis l’accroissement du nombre de séances par cinémas et donc son rayonnement à frais
constants.
Pour l’investissement, il faudrait que le CNC ait une analyse particulière pour les salles de 3 à
5 écrans, car aujourd’hui il a une approche très mathématique qui ne tient pas compte des
spécificités territoriales (notamment du Massif central).
L’autre grande question en termes de financement est celle des contributions que doivent
acquitter tous les utilisateurs des équipements numériques. Les salles comme les distributeurs
sont toujours à ce jour dans une grande incertitude quant à la visibilité des financements dont
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peuvent bénéficier les petites salles, aucune salle n’ayant encore contractualisé. Seules les
salles organisées en réseau comme Cinélia ont pu contracter de façon mutualisée avec des
distributeurs sur la base d’un tarif estimé à 450€/ contribution/film. Tout comme pour
l’investissement, la politique du CNC quant à la contribution numérique devrait tenir compte
des réalités territoriales et pas seulement du nombre d’écrans.
3/ nouveaux usages
Le développement des nouveaux usages dans les salles de cinéma, qu’il s’agisse de
contenus alternatifs en avant –séance (court-métrage, documentaire etc.) ou d’une diffusion
alternative à la place d’un film, est encore balbutiant.
Les contenus alternatifs peuvent aller de la retransmission en direct d’un match de foot ou
d’un opéra, à la retransmission différée d’une pièce de théâtre ou à la projection d’un
documentaire. Mais les coûts peuvent varier de 12 à 26€ par personne selon la modalité
(direct ou différé) d’un opéra.
Si les salles sont équipées d’un scaler, l’équipement numérique peut fonctionner comme un
visio projecteur de qualité et permettre d’utiliser la salle de cinéma pour des conférences, des
débats, des diffusions de films amateurs etc.
A l’occasion de projets de territoire comme le documentaire réalisé par Gilles Porte sur le
territoire du Chambon/Lignon, le cinéma a joué un rôle fédérateur auprès des habitants qui ont
pu assister en avant-première à la diffusion du film auquel ils avaient participé.
Si des liens avec les associations locales peuvent conduire à des partenariats intéressants, la
question de nouvelles sources de revenus pour les cinémas est également posée par l’outil
souple que représente le numérique.
Le CNC a dressé la liste des programmes n’étant pas assujettis à la contribution sur le
numérique. Il s’agit des bandes annonces, des courts métrages et des films de répertoire.
Théoriquement tous les autres contenus diffusés sur des équipements numériques doivent
s’acquitter d’un droit dont le montant varie en fonction du jour et de l’horaire de
programmation. Par exemple, pour la diffusion d’un opéra le samedi soir, la contribution que
devra verser le prestataire de ce service sera de 100 € alors qu’elle ne sera que de 1,50 €
pour une diffusion le jeudi après-midi…
L’accès à d’autres contenus, culturels ou non, et la création partenariale, locale de nouveaux
contenus pose ainsi la question de la rémunération des salles : par la billetterie ? le mécénat ?
les institutions publiques ?
Le passage au numérique ouvre de nouvelles perspectives sur l’évolution du modèle
économique des salles de cinémas qui pourraient diversifier leurs sources de revenus et
devenir un outil et un partenaire auprès d’autres acteurs du territoire.
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4/ les pistes de travail à l’échelle du Massif central
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Accompagnement au passage au numérique des salles de cinémas du Massif
central : réflexion préalable (le choix technique, l’impact potentiel sur la
programmation, l’organisation et la circulation, les RH, l’adhésion à un réseau…),
formation, ingénierie financière, échange d’expérience. Il s’agirait dans un premier
temps de communiquer sur les résultats de l’étude conduite sur les 8 salles de
l’expérimentation pour en faire bénéficier les autres salles de cinéma en cours de
passage au numérique et créer voire organiser un réseau de salles partageant les
mêmes problématiques. Il peut également être envisagé de mutualiser une
assistance technique pour le montage des dossiers et la formation et la
sensibilisation des acteurs concernés : exploitants et élus. La Région Aquitaine a
mis en place un tel dispositif.
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Projet pilote sur le développement d’une nouvelle économie des salles de cinémas
grâce au numérique : le Massif central pourrait encourager la réflexion et la mise en
œuvre d’actions permettant de diversifier les ressources de salles de cinéma
numériques en développant des usages alternatifs, culturels ou non.
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L’action au niveau du Massif central pourrait permettre d’impulser au niveau des
territoires de nouvelles actions locales mettant le cinéma numérique au cœur de
leur projet d’animation et de mobilisation des associations et plus largement des
citoyens. Concernant des films « de territoires », la question du financement
(écriture, réalisation, production, diffusion) a été évoquée. S’agît-il d’un marché ou
d’un service (au) public ?
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