Chaîne de valeur de l`industrie automobile: une opportunité pour les

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Chaîne de valeur de l`industrie automobile: une opportunité pour les
Automobile
Chaîne de valeur de
l’industrie automobile :
une opportunité pour
les équipementiers
Jacques aschenbroIch
Directeur général de Valeo
Un équilibre nouveau s’annonce dans l’industrie automobile. Géographique avec la
montée en puissance de la Chine en tant que producteur et surtout en tant que
débouché. Industriel avec les nécessités environnementales et les limites en ressources
pétrolières. Et dans cet équilibre, les équipementiers auront un rôle accru.
D
ébut 2009, au plus fort de la crise, beaucoup ont annoncé la fin d’un
modèle où la voiture particulière avait le rôle de pierre angulaire dans le
transport moderne. Certains esprits avisés se sont alors souvenus que,
déjà, dans les années 1970, on annonçait la fin des véhicules lourds et
des grosses cylindrées, victimes des chocs pétroliers. Sans pétrole, mais avec beaucoup d’idées, on allait concevoir, produire et surtout vendre des véhicules plus petits,
plus sobres et moins chers. Pourtant, les 4x4 et autres pick-up sont toujours les
vedettes des showrooms américains… et la nouvelle Fiat 500 faisait figure de voiture
de poupée au dernier salon de Detroit. L’histoire ne serait-elle qu’un éternel recommencement ?
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Une opportunité pour les équipementiers
Marché chinois et enjeu énergétique
Probablement pas. Car la donne mondiale a changé. Les États-Unis ne sont plus
le premier marché automobile mondial et ne le seront probablement plus jamais.
La Chine, dopée par sa population de plus d’1,3 milliard d’habitants, soit près d’un
cinquième de la population mondiale a pris la place de la vieille Amérique. Non
contente d’être la base industrielle du monde, elle se développe et est devenue le
premier marché mondial.
Le gouvernement chinois ne veut pas voir son pays cantonné à la simple production,
mais cherche à relever ses compétences, à attirer les grands centres de recherche
mondiaux, et à permettre à ses habitants de bénéficier d’un niveau de vie supérieur.
La Chine compte aujourd’hui 25 millions d’étudiants contre 17 aux États-Unis et
19 en Europe. Quand le marché automobile est saturé
aux États-Unis, avec près de 800 voitures pour 1 000
personnes, la Chine culmine à 40. Le potentiel de croisLa Chine
sance est gigantesque, d’autant que le gouvernement
a pris
la
place de
chinois a la ferme intention de combler l’écart.
la vieille
Amérique.
Qu’en sera-t-il alors des ressources énergétiques ? La
Chine, maintenant premier importateur de pétrole, a
la ferme intention de réduire sa dépendance aux ressources extérieures. En dehors de toute considération environnementale, l’avènement de la voiture à faible consommation est donc une nécessité absolue. La Chine
suivra probablement la même voie que la France des années 1970 ; elle a simplement
un marché intérieur et une puissance technologique sans commune mesure avec les
nôtres à cette époque. Et, quitte à développer de nouveaux concepts, autant le faire
dans des domaines où la concurrence est encore balbutiante, et là où le pays a déjà
une avance réelle.
La Chine s’engage donc dès aujourd’hui dans le véhicule électrique. Forte de ses
compétences scientifiques, techniques et industrielles en matière de batteries pour
appareils portatifs, elle mise massivement sur le développement de nouveaux
concepts et de nouvelles normes. Des centres de test pour les performances, la longévité et la sécurité des batteries y sont déjà opérationnels. Les aides publiques y
sont massives, aussi bien pour l’achat de véhicules électriques (60 000 yuans, soit près
de 7 000 euros) que pour la recherche et le développement de nouveaux concepts et
de nouveaux modèles. À l’image des normes européennes de pollution comme
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l’avènement de la
voiture à faible
consommation
est une nécessité
absolue.
Euro 6 qui sont utilisées à l’échelle mondiale, ce seront
peut-être des normes chinoises qui feront référence
pour les véhicules électriques, ou au moins pour les
batteries.
Respect de l’environnement
Dans le reste du monde automobile, c’est plutôt le respect de l’environnement qui
fait des technologies sobres en carbone le principal vecteur de croissance. La prise
de conscience mondiale sur les risques climatiques et le réalisme économique face
à la montée des prix du pétrole ont donné chair aux élucubrations du passé. Les
citoyens et les consommateurs se sont retrouvés autour d’un Graal commun : favoriser la mobilité de tous, tout en assurant la protection de la planète, des ressources
naturelles mondiales, des balances commerciales des pays de l’Ouest et des portefeuilles des conducteurs. C’est ainsi que les plus grosses voitures, à l’image des 4x4
de ville, sont devenues hybrides pour redorer leur blason en termes de « politiquement correct » ; les trois cylindres – voire deux cylindres – font leur apparition sous
le capot des plus petits modèles. Les plus grands pays du monde se sont engagés
dans des programmes agressifs pour baisser la consommation (ou les émissions de
gaz à effet de serre) de leur parc automobile. Il ne reste donc plus qu’à développer,
construire, et surtout vendre ces nouvelles technologies, ce que nous n’avons pas su
faire dans les années 1980.
Cette fois-ci, pour la partie commerciale, les normes environnementales et les
aides publiques feront la différence. Il ne reste qu’à assurer l’offre, aussi bien en
termes technologiques qu’en termes économiques. La balle est donc dans le camp
de l’industrie et nous devons encore une fois mettre notre ouvrage sur le métier. La
tâche est immense : allégement des véhicules, baisse de consommation des accessoires, en particulier de la climatisation, revue complète de la chaîne de traction, etc. Les constructeurs ne pourront assurer seul le développement de toutes
ces technologies. Déjà aujourd’hui, ils s’appuient largement sur les équipementiers,
leur confiant près des trois quarts de la valeur ajoutée du véhicule. Avec un marché
qui se segmente de plus en plus, du low-cost au premium et de la petite citadine à
la grande routière, les équipementiers vont voir leurs responsabilités se renforcer.
C’est en effet maintenant leur rôle que d’assurer les économies d’échelle, aussi bien
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Une opportunité pour les équipementiers
en matière de recherche et développement qu’en
matière industrielle.
Nouvel équilibre entre
constructeurs et équipementiers
Dans cette
nouvelle
donne, les
responsabilités
des équipementiers
vont se renforcer.
Ce nouvel équilibre entre constructeurs automobiles et équipementiers est déjà
bien engagé. L’évolution de l’investissement des différents acteurs en recherche et
développement en est une excellente illustration : alors que les dépenses d’innovation n’ont augmenté que de 10 % chez les constructeurs automobiles européens
entre 2004 et 2008, elles ont progressé de 60 %, soit six fois plus, chez les équipementiers. L’alterno-démarreur ou Stop & Start est un bon exemple. Fruit d’une idée
simple de Valeo – couper le moteur quand le véhicule est immobilisé, par exemple au
feu rouge – et d’une collaboration avec PSA, sa mise en œuvre s’est concrétisée par
la commercialisation d’une première série de véhicules sur une seule marque. Pour
rentabiliser l’investissement, le système a ensuite été installé sur de nombreux véhicules, tous constructeurs confondus, sans que le partenaire du premier jour en prenne
ombrage. Parce que le volume a permis de baisser les coûts et parce que l’expérience
acquise au cours des nombreux développements pour tous ses clients ont permis à
Valeo de renforcer son expertise et son avance technologique. C’est d’ailleurs cette
expertise renforcée qui a permis de développer la nouvelle génération, i-Stars, qui
sera proposée dès 2010 sur les modèles e-HDI de PSA.
La démarche est équivalente dans tous les domaines de l’électrification des chaînes
de traction, que ce soit pour les batteries, l’électronique de puissance et, probablement, au moins à terme, les moteurs électriques. Car c’est toute l’architecture du
véhicule qui doit être repensée aujourd’hui. Le freinage récupératif – qui permet de
récupérer l’énergie cinétique lors du freinage pour faciliter l’accélération lors du redémarrage – nécessite par exemple une redéfinition complète de la gestion du châssis
et de la tenue de route.
Les technologies « mild-hybrid », où le moteur thermique est épaulé par un moteur
électrique dans les phases les plus consommatrices de puissance, sont de véritables
révolutions dans le domaine conservateur des motoristes. Le « full-hybrid », qui permet de conduire quelques centaines de mètres, voire quelques kilomètres, uniquement sur les batteries, le « plug-in hybrid », qui se recharge sur le réseau électrique et
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permet de s’affranchir du moteur thermique sur de plus longues distances, ou encore
le véhicule purement électrique demanderont de nouvelles technologies de moteurs
électriques, plus puissantes, plus petites et plus efficaces en matière énergétique, une
considération totalement nouvelle dans le domaine de l’automobile. Et cette dernière catégorie n’exclut pas le moteur thermique puisque certaines voitures électriques en seront dotées afin d’augmenter leur autonomie, à l’instar de la Chevrolet
Volt.
Autant d’architectures différentes, autant de solutions technologiques, c’est toute la complexité que doit
aujourd’hui affronter l’industrie automobile. Et chaque
acteur, équipementier ou constructeur, ne peut ni
prendre le risque de parier sur une seule option ni s’engager sur toutes les voies, faute de moyens. C’est la raison pour laquelle de nombreux acteurs ont décidé de se
regrouper. Sous forme capitalistique, comme RenaultNissan, Geely-Volvo, Volkswagen-Suzuki ou encore
Fiat-Chrysler, bien sûr, mais aussi sous formes d’alliances ou de partenariats, souvent
plus ciblés et plus faciles à mettre en œuvre comme l’alliance Renault-Nissan qui
s’ouvre aujourd’hui à Daimler pour les petits véhicules. Daimler de son côté travaille
étroitement avec le chinois BYD pour les voitures électriques, mais aussi avec Tesla
Motors pour les batteries. Ce même Tesla Motors a vu Toyota monter à son capital
et les relations entre les deux constructeurs s’approfondissent, notamment pour les
chaînes de traction électriques. Honda, quant à lui, utilise les technologies hybrides
de Toyota, PSA celles de Mitsubishi pour les véhicules électriques, et la firme de
Sochaux échange ses moteurs thermiques avec BMW… les exemples sont légion !
Des partenariats
de toutes
sortes voient
le jour entre
équipementiers
et entre
équipementiers et
constructeurs.
Ces partenariats se jouent aussi entre équipementiers et constructeurs, à l’image du
codéveloppement entre Valeo et PSA sur i-Stars, mais aussi entre équipementiers.
C’est le cas du consortium dédié au véhicule électrique qui lie Valeo à Leroy-Somer,
spécialiste des moteurs électriques, notamment dans les applications industrielles,
Michelin avec ses pneumatiques à faible résistance et son concept de roue active –
« Active Wheel » –, GKN, spécialiste des réducteurs, Johnson Controls-Saft pour les
batteries et Leoni pour le câblage. Avec ce consortium, les équipementiers proposent des solutions complètes et modulaires aux constructeurs, renforçant ainsi leur
position de partenaire, sans toutefois passer par de lourdes opérations de fusion qui
risqueraient quelquefois de ralentir les processus d’innovation et de maturation de
technologie.
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Une opportunité pour les équipementiers
C’est donc un équilibre nouveau qui s’annonce dans l’industrie automobile. Un
équilibre où les équipementiers auront chaque jour une responsabilité accrue.
Responsabilité pour mieux répondre aux attentes des consommateurs qui exigent aujourd’hui des voitures plus sobres et plus respectueuses de l’environnement.
Responsabilité aussi envers la société civile dont les attentes sont reprises dans les
différentes réglementations et qui exige que tout soit fait en matière d’innovation
pour diminuer l’impact à long terme de l’activité humaine sur l’environnement.
Responsabilité enfin auprès de leurs clients, c’est-à-dire les constructeurs automobiles, qui ont l’ambition de proposer ces différentes technologies au meilleur coût sur
tous types de modèles et dans tous les marchés. Car si la technologie est un facteur
majeur de croissance du secteur, l’accélération des pays émergents en est un autre et
il ne faudra pas décevoir les nouveaux consommateurs d’automobiles, tout autant
attentifs à la sécurité, au confort et à l’environnement.
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