Directive pour la gestion de la glycémie post

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Directive pour la gestion de la glycémie post
Soins de santé
Directive pour la
gestion de la glycémie
post-prandiale
Antonio Ceriello et Stephen Colagiuri
Le diabète est l’une des principales causes de décès dans la plupart des pays développés.
Dans de nombreux pays en développement ou récemment industrialisés, il a pris la forme d’une
grave épidémie. Actuellement, on estime à 246 millions le nombre de personnes atteintes de
diabète dans le monde. Le diabète mal contrôlé est associé à des complications invalidantes et
potentiellement mortelles comme la rétinopathie, la néphropathie, la neuropathie et les maladies
cardiovasculaires. Jusqu’il y a peu, la diminution des taux de glycémie à jeun et avant les repas
était un objectif clé de la gestion du diabète. Cependant, des études récentes ont mis en évidence
un lien important entre une glycémie après les repas élevée et le risque de complications du
diabète. Dans le cadre de sa mission – promouvoir la qualité des soins, la prévention et la guérison
du diabète à travers le monde – la Fédération Internationale du Diabète (FID) a créé un comité
chargé de formuler une directive sur la question des taux élevés de glycémie après les repas.
Antonio Ceriello et Stephen Colagiuri nous résument le contenu de cette directive.
Une glycémie très élevée après un repas est un problème très courant
fourchette limitée – qui dépasse rarement le seuil de 7,8 mmol/l
chez les personnes atteintes de diabète. Une étude récente a montré
(140 mg/dl) – et revenir aux taux d’avant le repas dans un délai
que plus de 84 % des personnes atteintes de diabète de type 2
de 2 à 3 heures.
affichaient des taux de glycémie après les repas très élevés.1 Ces
données sont très inquiétantes en raison du lien entre la glycémie
Les personnes atteintes de tolérance abaissée au glucose (TAG) ou
post-prandiale élevée et les complications du diabète, en particulier
de diabète n’ont que peu ou pas de contrôle automatique de la
les maladies cardiovasculaires2, principales responsables de la
glycémie après l’absorption d’aliments. Par conséquent, ils affichent
majorité des décès liés au diabète.3
souvent des taux de glycémie post-prandiale élevés pendant de longues périodes. Ce phénomène s’explique par un certain nombre de
Chez les personnes non atteintes de la condition dont la tolérance
facteurs, notamment une sécrétion insuffisante d’insuline, une baisse
au glucose est normale, les taux de glycémie sont automatique-
de la sensibilité à l’action de l’insuline, une incapacité à maîtriser la
ment contrôlés par l’organisme. Lors des repas, l’organisme libère
production de glucose par le foie et des altérations d’autres hormones
suffisamment d’insuline pour maintenir la glycémie dans une
intervenant dans le processus de digestion.
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Soins de santé
Tableau 1 : Médicaments ciblant la glycémie post-prandiale
Glinides (repaglinide, nateglinide)
Stimulent une sécrétion d’insuline rapide mais de courte durée
Réduisent la glycémie post-prandiale lorsqu’ils sont pris au
moment des repas
Inhibiteurs de l’alpha-glucosidase (acarbose, miglitol, vonglibose)
Retardent l’absorption des hydrates de carbone dans les
intestins afin de réduire la glycémie post-prandiale
Insulines à action rapide (insuline lispro, aspart, glulisine,
inhalée)
Remplacent l’insuline normalement produite par l’organisme
Commencent à agir 5 à 15 minutes après injection
Insuline classique
Remplace l’insuline normalement produite par l’organisme
Commence à agir 30 à 60 minutes après injection
Exenatide, liraglutide
Agit comme substitut du GLP-1 (glucagon-like peptide 1), qui
contrôle la glycémie post-prandiale
Inhibiteurs de l’enzyme DPP-4 (sitagliptine, vildagliptine)
Favorisent la disponibilité dans l’intestin des hormones nécessaires pour réduire la glycémie post-prandiale
Analogues de l’amyline
Remplacent l’amyline naturelle, une hormone secrétée par le
pancréas qui régule la glycémie
Avantages de la gestion de la glycémie
le seuil de 7,8 mmol/l (140 mg/dl) pendant une période de deux
Il est important de comprendre que la glycémie post-prandiale est
heures après un repas. Ce délai de deux heures est conforme aux
un facteur clé des mesures de la glycémie moyenne par le biais de
directives publiées par la plupart des grandes organisations et
l’hémoglobine glycquée (HbA1c). Le test de l’HbA1c est généralement
associations médicales.
de glycémie moyen d’une personne sur une période de deux à
La surveillance autonome de la glycémie est vivement recommandée.
trois mois. A ce titre, cette mesure est considérée comme un bon
Elle permet d’obtenir des données immédiates, en temps réel sur
indicateur des dégâts spécifiques pouvant entraîner des complica-
le taux de glycémie, ce qui permet alors d’apporter rapidement
tions du diabète. La FID recommande aux personnes atteintes de
les corrections nécessaires au traitement en vue d’atteindre et de
diabète de maintenir leur taux d’HbA1c sous la barre des 6,5 %.
maintenir les taux de glycémie cibles.
Puisque l’HbA1c est calculé à la fois à partir des taux à jeun et des
Lorsque la surveillance autonome est possible, il est généralement
réalisé en laboratoire ou au sein d’une clinique et indique le taux
taux post-prandiaux, il est important de contrôler ces deux ‘types’ de
recommandé aux personnes dépendant de l’insuline de tester ré-
glycémie. Des études de grande ampleur ont démontré que la dimi-
gulièrement leur glycémie. La fréquence de test pour les personnes
nution des taux d’HbA1c réduisait le développement ou la progression
utilisant d’autres méthodes de gestion du diabète (médicaments oraux,
Toutefois, des études ont également
alimentation, activité physique) doit être adaptée au programme de
révélé qu’une glycémie post-prandiale élevée était un facteur de risque
traitement et au contrôle glycémique de chacun. Même lorsque la
indépendant de maladie cardiovasculaire même lorsque l’HbA1c se
surveillance autonome de la glycémie n’est pas possible, il existe
des complications du diabète.
4,5
trouve dans la fourchette normale.2 Une explication possible est le fait
de nombreuses possibilités pour réduire les taux de glycémie post-
que l’influence relative de la glycémie à jeun et post-prandiale sur
prandiaux et améliorer le contrôle général du diabète.
les taux d’HbA1c peut varier. Par exemple, lorsque les taux d’HbA1c
post-prandiale est pratiquement identique. Toutefois, lorsque les taux
Gérer la glycémie post-prandiale
Style de vie
d’HbA1c diminuent, la glycémie post-prandiale devient le principal
L’activité physique, une alimentation saine et le contrôle du poids
se situent entre 7,3 % et 8,4 %, l’impact de la glycémie à jeun et
responsable du contrôle glycémique global.
restent les pierres angulaires d’une gestion efficace du diabète.
L’activité physique améliore le fonctionnement de l’insuline et ré-
Objectifs en termes de glycémie post-prandiale
duit la glycémie, en particulier après les repas. Suivre un régime
La nouvelle directive de la FID recommande aux personnes atteintes
alimentaire sain, pauvre en graisses, riche en fruits, légumes et
de diabète d’essayer de maintenir la glycémie post-prandiale sous
céréales complètes, peut également contribuer à réduire les taux
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Soins de santé
Une alimentation saine peut contribuer à
réduire la glycémie post-prandiale et améliorer
la pression artérielle et les taux de cholestérol.
compte des traitements disponibles ainsi que de la technologie liée
à la surveillance autonome de la glycémie.
Tout le monde s’accorde à dire que cibler à la fois la glycémie postprandiale et la glycémie à jeun constitue une stratégie importante pour
atteindre un contrôle glycémique optimal. Pourtant, l’impact d’une
glycémie post-prandiale élevée inquiète de plus en plus. Bien que les
études fournissent des informations et des données scientifiques précieuses sur cet aspect de la gestion du diabète, il reste des incertitudes
concernant le lien entre la glycémie post-prandiale et les complications
macrovasculaires. Des recherches supplémentaires sont nécessaires
afin de préciser nos connaissances dans ces domaines.
Antonio Ceriello et Stephen Colagiuri
Antonio Ceriello est professeur de diabète et maladies métaboliques
auprès de la Warwick Medical School, University of Warwick,
Royaume-Uni.
de glycémie post-prandiaux et améliorer la pression artérielle et
les taux de cholestérol. Contrôler son poids contribue également à
améliorer la sensibilité de l’organisme à l’insuline.
Médicaments
Il existe également de nombreux médicaments qui ciblent spécifiquement les taux de glycémie post-prandiaux, comme les inhibiteurs
de l’alpha-glucosidase, les glinides, l’insuline à action rapide,
l’insuline normale, l’exenatide, les inhibiteurs de l’enzyme DPP-4 et
les analogues de l’amyline. Le tableau 1 présente une description
du fonctionnement de ces médicaments. Ces derniers ne sont pas
toujours disponibles dans toutes les régions du monde ; il est donc
important de mettre clairement l’accent sur l’activité physique,
une alimentation saine et le contrôle du poids en tant qu’outils de
traitement principaux.
Conclusion
Etant donné la croissante épidémie de diabète, il est important que les
personnes atteintes de diabète et leurs prestataires de soins trouvent
les moyens de mieux gérer cette condition. La nouvelle directive de la
FID a pour ambition de devenir une ressource pour les prestataires de
soins et les organisations du diabète afin de développer des stratégies
permettant de gérer efficacement la glycémie post-prandiale chez
les personnes atteintes de diabète de type 1 et de type 2, en tenant
Stephen Colagiuri est professeur de santé métabolique auprès du
Boden Institute of Obesity, Nutrition and Exercise, University of
Sydney, Australie.
La directive de la FID pour la gestion de la glycémie postprandiale est disponible en anglais à www.idf.org et peut être
commandée via la librairie en ligne de la FID à l’adresse
www.idf.org/bookshop.
Références
1 Bonora
E, Corrao G, Bagnardi V, et al. Prevalence and correlates of postprandial hyperglycaemia in a large sample of patients with type 2 diabetes
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2 Ceriello A. Postprandial hyperglycemia and diabetes complications:
is it time to treat? Diabetes 2005; 54: 1-7.
3 Niskanen L, Turpeinen A, Penttila I, Uusitupa MI. Hyperglycaemia and
compositional lipoprotein abnormalities as predictors of cardiovascular
mortality in type 2 diabetes: a 15-year follow-up from the time of diagnosis.
Diabetes Care 1998; 21: 1861-9.
4 D
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The relationship of glycaemic exposure (HbA1c) to the risk of development
and progression of retinopathy in the diabetes control and complications
trial. Diabetes 1995; 44: 968-83.
5 UK Prospective Diabetes Study (UKPDS) Group. Intensive blood-glucose
control with sulphonylureas or insulin compared with conventional treatment
and risk of complications in patients with type 2 diabetes (UKPDS 33).
Lancet 1998; 352: 837-53.
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