L`INTERNATIONALISME DES ROCKEFELLER 1re

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L`INTERNATIONALISME DES ROCKEFELLER 1re
L'INTERNATIONALISME DES ROCKEFELLER
1re partie
Tout au long du XXè siècle et jusqu'à nos jours, la famille Rockefeller, par sa politique de philanthropie
et de pouvoir, a eu un rôle prépondérant dans l'avènement de ce qu'on nomme aujourd'hui le "Nouvel
Ordre Mondial".
Les visions des Rockefeller sur le Nouvel Ordre Mondial, de 1920 à 2002
Les plus riches ont manifesté depuis longtemps la suffisance de considérer que leur vaste fortune et le
pouvoir politique qu'elle entraîne, leur confèrent le droit de changer le monde. La maison Rothschild, par
exemple. la plus puissante des dynasties de la banque du XIXè siècle, utilisa sa puissance et son influence
sur la sphère politique à l'occasion de nombreuses tentatives (pas toujours heureuses) de remodeler le
paysage politique européen dans le but d'empêcher le déclenchement de la guerre. Ce qui lui valut. dans
certains milieux, une réputa-tion de "pacifiste militante". "Ce que dit Rothschild est décisif", concédait un
diplomate autrichien. "et il ne donnera pas d'ar-gent pour la guerre." L'attitude de cette famille fut
encore mieux résumée par l'affirmation suivante présumée avoir été exprimée par la femme de Mayer
Amschel Rothschild (1744-1812), fondateur de la dynastie: "La guerre n'aura pas lieu, mes fils n'en
fourniront pas les moyens financiers." Il faut comprendre que les motivations des Rothschild à empêcher
les hostilités étaient loin d'être désintéressées, la fortune et le pouvoir de la maison reposant sur la
stabilité du marché obligataire international, il s'agissait d'une question de survie économique. "Vous ne
pouvez avoir la plus petite idée de ce qui arriverait si nous avions la guerre, à Dieu ne plaise !", se
lamentait un des fils de Mayer Amschel en 1830, "il serait impossible de vendre quoi que ce soit. "1 Les
investissements ne sont acceptables que s'ils sont rentables. Aussi banale était la cupidité ainsi affichée.
Au cours du siècle dernier, cependant, la classe sociale des puissants a manifesté plus clairement sa
volonté. En fait, l'utilisation de l'argent pour provoquer des changements globaux est alors devenue une
noble entreprise, de celles qui suivent habituellement une épiphanie spirituelle, lorsque des décennies
de collecte impitoyable de biens débouchent sur un désir soudain d'œuvrer pour le bien commun plutôt
que sur une inclination au luxe. Un pionnier célèbre de cette approche fut Andrew Carnegie (1835-1919),
un des dits "barons-voleurs" de "l'âge doré" de la fin du XIXè siècle, alors que l'économie américaine était
dominée par les "trusts", dont la compagnie Carnegie Steel. Après avoir vendu sa société au magnat J. P.
Morgan en 1901 . Carnegie dédia le reste de sa vie et de sa fortune à une croisade pour la paix dans le
monde.
Aujourd'hui célébré comme le père de la philanthropie, Carnegie pensait que seule la minorité la plus
riche avait prouvé sa capacité à changer la société et que la multitude devait être exclue de telles
décisions. "La richesse aux mains de quelques-uns" écrit-il, "peut devenir une force bien plus efficace
pour l'élévation de notre espèce que si elle est redistribuée en petites sommes au peuple. "2 C'est une
logique similaire qui guide beaucoup des acteurs de la philanthropie sociale d'aujourd'hui, dont Ted
Turner, Bill Gates et George Soros, qui consacrent leurs milliards aux causes "honorables" qui soutiennent
leur propre vision d'une société mondiale "juste".
Cela nous amène naturellement à la famille Rockefeller, qui utilisa sa fortune, dont l'origine remonte au
XIXè siècle, pour établir un réseau relationnel philanthropique qui eut une importante influence sur les
politiques gouvernementales mises en œuvre sur la planète depuis près d'un siècle. Ce fait est reconnu
depuis longtemps par les spécialistes de la question du "Nouvel Ordre Mondial", qui estiment que les
membres de la famille Rockefeller figurent parmi les acteurs clés, sinon les architectes et
commanditaires, de ce qui est désigné comme un occulte complot destiné à établir un "Gouvernement
Mondial" de nature dictatoriale. En 1970, par exemple, Gary Allen déclarait dans son livre "The
Rockefeller File" (Le dossier Rockefeller) : "l'objectif majeur des Rockefeller aujourd'hui est la création
d'un Nouvel Ordre Mondial - un gouvernement unique contrôlant l'ensemble de l'humanité", Les
chercheurs actuels dans le domaine ne sont pas moins affirmatifs sur la responsabilité des Rockefeller. Le
très controversé David Icke les décrit comme une famille pivot au sein de la "hiérarchie de lignée
génétique" qui s'efforce de mettre en œuvre "l'agenda de la fraternité" visant l'établissement d'un
"contrôle centralisé de la planète". Sans les Rockefeller et leur "manipulation aux États-Unis et au-delà",
écrit Icke, "il existerait une liberté bien plus grande aux USA et dans le monde en général".3
Que l'émergence d'un Nouvel Ordre Mondial soit le produit des décisions prises sur instructions de l'élite
du pouvoir, dont font partie les Rockefeller, n'est pas ici discutable, dans la mesure où les preuves en
sont considérables, Cependant, certaines questions clés demeurent floues, comme celle qui divise les
"anti-mondialisation" sur la question de savoir si ce Nouvel Ordre découle d'un processus habile de
renversement des souverainetés nationales (y compris les USA) par des institutions supranationales
"socialistes", ou s'il s'agit d'un processus de "capitalisme corporatiste" multinational mené par les USA
reléguant les organisations internationales au second plan.4
En examinant les projets spécifiques aux Rockefeller, on peut observer que pour l'élite dessinant le
Nouvel Ordre, il ne s'agit pas de choisir entre les institutions mondiales et le marché mondial mais bel et
bien d'une combinaison prudente des deux approches, pour laquelle les blocs régionaux servent de
tremplins à l'assise d'un système autoritaire et mercantile de "gouvernance mondiale" .~
En fait, la famille Rockefeller s'est placée aux avant-postes de l'effort contracté dans le but de
convaincre, de flatter et de coordonner l'action des gouvernements en soutien de son projet au cours de
la plus grande partie du XXe siècle et ce, jusqu'à nos jours. En effet, les stratégies communément
associées à la fois aux deux modèles "libéral" et "collectiviste" de gouvernance mondiale, c'est-à-dire le
leadership américain, les Nations-Unies, le libre marché, le néolibéralisme, les institu-tions financières
internationales, les
marchés de libre échange, le contrôle démographique, la réglementation environnementale mondiale,
I'Alliance Atlantique et le fédéralisme que les Rockefeller ont soutenus depuis presqu'un siècle, l'ont été
soit directement, soit par le biais de diverses organisations de conseil politique de l'élite qu'ils ont
financées, fondées ou contrôlées.
Le propos de cet article est de préciser les origines et l'évolution de l'idéologie internationaliste des
Rockefeller, depuis John D. Rockefeller Junior, à travers ses fils les plus influents : John D. III, Nelson,
Lawrance et David - jusqu'à leur progéniture, couvrant la période de 1920 à nos jours.
John D. Rockefeller, Jr, et l'héritage de Woodrow Witson
L'histoire de l'intérêt porté par les Rockefeller à l'internationalisme ne débute pas avec des spéculations
hasar-deuses sur leurs origines reptiliennes ou avec John D. Rockefeller Senior (1839-1937) - le patriarche
incorruptible et fondateur de la Standard Oil,, fondement du pouvoir de la dynastie, mais avec John D.
Rockefeller, Junior (1874-1960), qui contrôla la fortune des Rockefeller pendant la première moitié du
XXè siècle. Cela peut sembler contraire aux théories orthodoxes prévalentes et à certains récits plus
distrayants, mais les Rockefeller n'ont pas souscrit à l'idéologie mondialiste avant l'époque de John D.
Junior.
Malgré ses nombreux voyages en Europe et ses tentatives d'accaparer les marchés étrangers du pétrole
(qui eurent pour résultat une scission avec les Rothschild à un certain moment), Rockefeller Senior avait
montré peu d'intérêt pour les affaires internationales.
Hormis son immense fortune (équivalant à environ 200 milliards de dollars d'aujourd'hui), le seul autre
héritage durable laissé à sa grande famille fut une philosophie et une philanthropie au service de son
intérêt déclaré pour l'amélioration de l'humanité, et par extension le concept de Nouvel Ordre Mondial.
Le fondement de la philanthropie de Rockefeller Senior, selon son biographe Ron Chernow, était sa "foi
mythique en l'idée que Dieu lui avait donné sa richesse pour le bénéfice de l'espèce humaine". Il était un
fervent Baptiste et sa religion déterminait l'essentiel de sa philanthropie précoce. Il fut aussi influencé
par l'argument de Carnegie selon lequel les riches devaient employer leur argent pour atténuer les
tensions sociales résultant des inégalités croissantes, plutôt que laisser leurs héritiers le gaspiller à
assurer un style de vie hédoniste. Carnegie écrivit dans la North American Review (1889) que "celui qui
meurt riche meurt disgracié". Inspiré par la devise de Camegie, Rockefeller s'engagea dans un programme
philanthropique énergique bien qu'il évitât de faire des dons directement aux nécessiteux. Invoquant le
besoin "d'abolir le mal en le détruisant à la source", il investit son argent dans les institutions éducatives
en espérant que leurs diplômés "répandraient leur culture largement et sur de longues distances",
Rockefeller ne souhaitait pas bouleverser la hiérarchie sociale, souscrivant au point de vue darwinien
justi-fiant la situation de certains au début de la chaîne alimentaire par les défauts de personnalité et
une "faiblesse du corps, de l'esprit ou du caractère, de la volonté ou du tempérament"- il pensait
cependant développer par sa générosité les "fortes personnalités" nécessaires à une plus large
redistribution des richesses"6. Pour lui, changer la façon de penser des gens plutôt que leur condition
matérielle était le moyen le plus efficace.
Mais il existait derrière le développement de l'empire philanthropique des Rockefeller des calculs plus
pragmatiques. Après l'acerbe histoire de la Standard Oil écrite par Ida Tarbeil dans le McClures Magazine
en 1902, "il était obsédé par l'amélioration de son image publique. En institutionnalisant ses dons, il
espérait "démontrer que les riches hommes d'affaires pouvaient honorablement se décharger du fardeau
de leur richesse" tout en atténuant de futures investigations sur l'origine de sa fortune. L'autre raison qui
émergea après que Woodrow \Vilson ait mis en œuvre l'impôt sur le revenu en 1913 fut que les dons à but
philanthropique étaient défiscalisés. Ainsi, la création de la fondation Rockefeller en 1913 protégea la
plus grosse part de sa fortune des taxes de succession. Cela préoccupait grandement Rockefeller qui
s'opposa même à l'impôt sur le revenu de 6 % récemment adopté, déclarant "que lorsqu'un homme a
amassé une somme d'argent, le gouvernement n'avait aucun droit de redistribuer ses gains".7
Au milieu des années 1890, Rockefeller se retira graduellement de la gestion publique de la Standard Oil
tout en injectant une bonne part de sa fortune dans la fondation Rockefeller et dans d'autres œuvres
caritatives. En 1915, il fit don du reste à son fils et héritier : Junior. A la différence de la sagacité et de
la brutalité de son père, Junior était de caractère timide, tourmenté par le dégoût de soi-même et à
l'évidence étouffé par le poids des attentes de son père en ce qui concernait la gestion des affaires de la
famille et de ses investissements philanthropiques. C'est dans le but de l'aider dans cette tache
incommensurable que Junior engagea en 1920 le juriste Raymond B. Fosdick (1883- 1972) comme
conseiller stratège clé.8
Le très convainquant Raymond B Fosdick
On peut s'étonner que le nom de Fosdick soit absent de la plupart des études portant sur le concept de
Nouvel Ordre Mondial, dans la mesure où sa relation avec Junior est déterminante à la compréhension de
la façon dont les Rockefeller y sont impliqués. Comme l'un des plus proches
confidents de Junior, aussi bien que comme administrateur (1921-1948) puis plus tard Président (19361948) de la fondation Rockefeller, Fosdick eut un rôle pivot. C'est lui qui pressa Junior d'embrasser la
doctrine internationale libérale du Président Wilson. Il n'est pas surprenant que Fosdick ait été toute sa
vie un supporter de Wilson, le reconnaissant lui-même lors d'une conférence donnée en 1956 à
l'université de Chicago: "du premier jour de notre rencontre (Wilson) jusqu'à sa mort, ma profonde
admiration et mon respect lui restèrent acquis". Il affirma également avoir formé avec lui "une longue et
parfois proche collaboration" depuis 1903, lorsqu'il commença ses études à l'université de Princeton, alors
que Wilson était Président.9
Cette première rencontre fut le début d'une longue et productive association et Wilson eut dans les
années qui suivirent un rôle moins que passif dans la carrière de Fosdick. Lors de la campagne
présidentielle de 1912. ce dernier fut engagé comme secrétaire et commissaire aux comptes du comité
de la commission nationale du parti démocrate. Il occupa ensuite divers postes dans l'administration
Wilson dont celle de président de la Commission on Training Camp Activities, à la fois dans les
départements de la Navy et de la Défense. II accompagna Wilson à la conférence de paix de Paris de 1919
comme conseiller civil. A cette époque, il entretint également de proches relations avec l'énigmatique
conseiller du Président, le colonel House.
À l'évidence, Fosdick eut alors une influence importante illustrée par la demande que lui fit Wilson
d'accepter l'offre du secrétaire général de la Ligue des Nations, Sir Eric Drummond. concernant le poste
de sous-secrétaire. En bon supporter de la Ligue, il accepta avec enthousiasme et prit ses fonctions en
juillet 1919. Ce fut une avancée importante qui fit de lui un des deux sous-secrétaires de la Ligue (l'autre
était le technocrate français Jean Monnet, futur fondateur de la Communauté Européenne), ainsi que
l'Américain le plus haut placé au sein de l'organisation.10
Mais la réalisation des rêves de Fosdick devait être écourtée par l'opposition du Sénat à l'adhésion
américaine à la Ligue des Nations qui atteignit son paroxysme avec les tentatives persis-tantes du
sénateur Henry Cabot Lodge d'américaniser l'organisation internationale cette même année. Bien qu'il
soit persuadé que les prises de position de Lodge résultaient d'un "degré d'immaturité de nos idées et de
notre pensée". Fosdick savait que la controverse avait rendu sa position intenable, le poussant à
démissionner en janvier 1920. Se déclarant lui-même soulagé d'un "fardeau lourd de silence", Fosdick,
amer et déçu, était résolu à "dire ses convictions au monde entier". Réaliser la vision de Wilson d'un
Nouvel Ordre Mondial devint alors son obsession.11
À ce point de développement de notre exposé, il est important de revoir ce que signifiait la vision
originale de Wilson d'un Nouvel Ordre Mondial. Trois composantes essentielles l'animaient :
- La première et la plus connue était la Ligue des Nations, conçue par le Président comme une
"communauté de pouvoir" et une "paix commune organisée", l'organisation servant de forum permettant
d'arbitrer les conflits territoriaux et détenant le pouvoir de renforcer ces résolutions. Selon Henry
Kissinger, cette vision audacieuse "traduite institutionnellement revenait à un gouvernement mondial".12
- La seconde était l'idée de libre marché commercial international défendue par Wilson. comprenant
parmi les
Quatorze Points de sa doctrine l'exigence d'un total "égalitarisme du marché" et d'une "suppression de
l'ensemble des barrières économiques". Wilson tentait de réaliser la doctrine britannique du libre
marché, défendue au XIXè siècle par des économistes comme Richard Cobden et "l'école de Manchester",
qui favoriserait l'avènement d'un monde unifié par les liens commerciaux dont toute guerre serait bannie.
Mais Wilson considérait également que l'industrie américaine s'était "développée à un point exigeant pour
sa survie un libre accès aux divers marchés de la planète". Enraciner le libre marché par un traité
mondial, raisonnait-il, sauvegarderait les producteurs américains.13
- Troisièmement, Wilson était un supporter de l'intégration transnationale, à la fois aux niveaux
économique et politique. Ceci apparaissait dans sa proposition avortée du "Pan-American Pact" de 19142015 dont le propos, selon son conseiller, le colonel House, était de "souder les deux continents
américains au sein d'une union plus forte". Wilson et House pensaient aussi que le Pan-American Pact
servirait de modèle à l'organisation politique de
l'Europe. puis du monde.14
- Quatrièmement. Wilson pensait que les USA devaient assumer le rôle de leader mondial auquel ils
étaient destinés "et étendre leur suprématie sur les autres nations pour garantir la paix et la justice
partout dans le monde".15
L'évocation faite ici de "la paix et la justice" doit être bien sûr envisagée avec la vigilance que mérite
toute rhétorique politique, spécialement aux vues des nombreux paradoxes qui ont jalonné la carrière
politique de Wilson. Après tout, c'est bien lui qui mena campagne pour la présidentielle de 1911-1912
soutenant qu'il resterait ferme face aux "maîtres du gouverne-ment des États-Unis... que sont les
capitalistes et les industriels." Pourtant il dépendait lourdement de ces mêmes "maîtres du
gouvernement", compte tenu que le tiers du financement de sa campagne était assumé par seulement 40
personnes. Parmi eux, les banquiers de Wall Street Jacob Schiff (Kuhn. Loeb & Co.) et Cleveland Dodge,
l'agent de change Bernard Baruch et de nombreux industriels, dont les propriétaires de l'International 1larvester Companv connu aussi sous le nom de ''Harvester Trust''). C'est le même Wilson qui exprima son
opposition au "credit trust" des banquiers tout en fondant le système de la Federal Reserve (banque
centrale), satisfaisant le double objectif de Wall Street d'internationaliser le dollar américain et de
contrôler la création de la monnaie et du crédit aux États-Unis.16
Étant donné que Wilson était lui-même prisonnier des "trusts" qu'il avait publiquement attaqués, il était
probablement inévitable que l'un de ses plus dévoués partisans se consacre au service de l'un des plus
importants de ces conglomérats.
Guidé par le désir de voir l'ambitieux modèle d'ordre mondial de Wilson devenir réalité, Fosdick avait
plaidé en faveur de l'implication américaine au sein de la Ligue des Nations en créant l'Association de la
Ligue des Nations en 1923. En janvier 1924, il rendit visite à Woodrow Wilson, alors souffrant, en mal
d'inspiration et de guidance. Il ne fut pas déçu. comme Gene Smith le relate dans When the Cheering
Stopped (Lorsque les acclamations cessèrent) : Wilson dit à Fosdick qu'il était impensable que l'Amérique
fasse obstacle au progrès humain ou qu'elle reste à l'écart car elle ne peut trahir l'espoir de l'espèce. Sa
voix se brisa, devint rauque et il murmura que /'Amérique allait apporter son énergie spirituelle à la
libération de l'espèce humaine. Celle-ci fera un pas en avant, un pas grandiose : l'Amérique ne pourrait
par rester à la traîne. Fesdick était jeune et lorsqu'il se leva pour partir, il fit le serment au nom de la
jeune génération qu'ils mèneraient à bien le travail commencé.17
Il est évident que ce testament que fit Wilson - il mourut un mois plus tard - renforça le zèle mondialiste
de Fosdick. Absolument convaincu que la seule façon de garantir la paix dans le monde était d'établir une
forme de gouvernement mon-dial et que seul le leadership des États-Unis pouvait en permettre
l'avènement, Fosdick dévolut toute son énergie à essayer d'orienter l'opinion publique et celle de l'élite
dans cette direction. En 1928, il publia The Old Savage in the New Civillization (Le vieux sauvage au sein
de la nouvelle civilisation), qui avalisait les concepts de "conscience planétaire" et "d'intelligence
collective." Il y soutenait que pour que les nations puissent coexister pacifiquement"... nous devons
disposer d'un système centralisé, d'une procédure institutionnalisée, par laquelle nous pourrons
déterminer des principes et des règles de vie commune... La revendication de la souveraineté absolue
des États est devenue à notre époque la suprême anarchie." 18
Un élève de bonne volonté
Le meilleur atout de la croisade de Fosdick, menée dans le but de ramener les USA dans le schéma
d'ordre mondial hérité de Wilson, allait être le très pieux, coupable et influençable John D. Rockefeller
Junior. Bien qu'héritier désigné de la fortune de la Standard Qil, la nature impitoyable et la finesse du
père manquèrent au fils. Fidèle aux préjugés de son père, Junior s'était affirmé en Républicain
convaincu, rejetant à la fois Wilson et la Ligue des Nations, quoique les massacres de la pre-mière guerre
mondiale l'eussent amené à flirter avec les idées de la coopération internationale. Il avait embrassé
l'intercon-fessionalisme, participant au Mouvement Mondial Inter-églises qui avait cherché à combiner les
ressources des confessions chrétiennes protestantes dans une tentative de "Christianisation du monde".
En Junior, Fosdick affirma avoir trouvé un "homme remarquable" "d'une grande sincérité, muni d'un vif
sens des responsabilités" qui "cherchait à être convaincu et non soumis." D'une façon logique, convaincre
Junior de rallier l'idéologie mondialiste devint l'un des buts de Fosdick.19
Bien qu'il ne l'admette pas dans ses mémoires, il fut très efficace à remodeler la vision du monde de
Junior. La biographie servile de Junior qu'écrivit Fosdick suggè-re que l'internationalisme croissant de
Rockefeller résultait uniquement d'un mélange inspiré par ses voyages de jeunes-se autour du monde et
par une "conscience religieuse de la bonté humaine et des liens qui unifient le monde." Pourtant, compte
tenu du rôle de proche conseiller qui lia Fosdick à Junior des années vingt aux années quarante, on
remarque une tendance évidente chez Junior, inexplicable par ailleurs, à mani-fester des sentiments
internationalistes de plus en plus sophistiqués. Ainsi en vint-il à soutenir la
Ligue des Nations et à fonder le premier corps de l'establishment de l'Est des USA : le Council on Foreign
Relations (CFR). Inexplicable uniquement si l'on ignore la connaissance tacite qu'avait Fosdick du
caractère très malléable de Junior - "ses opinions étaient invariablement marquées par la tolérance, et
l'inflexibilité ne faisait pas partie de son caractère" - et ainsi donc ouvert à ses suggestions20. Les
preuves de la conversion de Junior à l'idéologie de Fosdick abondent. L'une de ses initiatives pendant les
années vingt fut la création de Maisons Internationales ou-vertes aux étudiants étrangers des universi-tés
américaines, Junior y voyait "un labora-toire de relations humaines, un monde en miniature dans lequel
une ambiance de ca-maraderie pouvait se développer." En 1924, lors d'un discours aux étudiants
étrangers, Junior fit part de son espoir qu'un jour... plus personne ne parle de "son pays" mais de "notre
monde".
Inévitablement, poussé par Fosdick, Ju-nior devint plus prompt à soutenir la Ligue des Nations. Fosdick
présenta Junior à Ar-thur Sweetser, un des quelques Américains travaillant encore au sein de la Ligue,
qui motiva également son intérêt pour cette or-ganisation mondiale. L'enjeu était clair, amener Junior
qui gérait la Fondation Rockefeller à verser des subsides à l'orga-nisme sanitaire de la Ligue et plus tard à
faire don de 2 millions de dollars de ses fonds propres pour la création de la biblio-thèque de la Ligue. Au
cours des années vingt, il attribua également 1 200 dollars annuels au CFR, contrôlé alors par des supporters de Wilson et participa à hauteur de 50 000 dollars à l'établissement du même organisme dans ses
nouveaux quartiers de l'immeuble Harold Pratt à New York.21
L'influence durable de l'internationalisme wilsonien de Fosdick est également évi-dente dans un courrier
adressé par Junior en 1938 dans lequel il rit de nombreuses obser-vations au sujet de l'impact des progrès
technologiques et de l'interdépendance croissante. En effet, il y prédisait la fin de l'Etat-Nation et y
retraçait le cours de l'évo-lution que ses fils s'efforceront de réaliser, telle une prophétie de leur propre
prospérité :
Chaque jour passant, avec son lot de nouvelles inventions augmentant la rapidi-té des transports et
faci1itant la communi-cation, la coopération entre les hommes et les nations devient plus importante.
Les nations sont rendues plus interdépendantes que jamais. Les aiguilles de l'horloge de l'histoire ne
pourront plus faire marche arrière. L'ancien ordre mondial de l'isolement géographique, de
l'autosuffisance personnelle et nationale est définitivement obsolète. Le futur de la civilisation humaine
sera déterminé par le degré de succès de l'apprentissage de la coopé-ration et du savoir vivre ensemble
des hommes et des nations.22
L'adhésion de Junior à l'internationalisme de Fosdick culmina avec la décision prise à la fin 1946 de faire
donation à la ville de New York du terrain accueillant le quartier général de la nouvelle ONU, toujours
utilisé aujourd'hui. Mais on peut dire que l'héritage essentiel de Junior reste l'impact de son récent zèle
mondialiste sur ses enfants. Son effet fut double : premièrement, il fit évoluer la philosophie
philanthropique de son père qui employait la richesse familiale au chan-gement de la société vers une
intégration à une pléthore d'institutions et d'organisations qui donnèrent aux Rockefeller "une influence
inéga-lée sur les affaires nationales"23, et deuxième-ment il établit une croyance durable en l'idéolo-gie
de coopération et de gouvernance internatio-nale de Fosdick, héritée de la vision qu'avait Woodrow
Wilson de la Ligue des Nations.
Junior eut six enfants : une fille : Abby, et cinq fils : John. Nelson, Lawrance, Winthrop et David, dont
quatre vont continuer à jouer un rôle essentiel dans l'avènement d'un Nouvel Ordre Mondial... et c'est
vers eux que je me tournerai pour la suite de mon étude.
L'INTERNATIONALISME DES ROCKEFELLER
2è partie
Assoiffé de pouvoir, Nelson Rockefeller, second fils de John D. Rockefeller Junior, avait établi pour le
Nouvel Ordre Mondial un plan qui rendrait les États Nations obsolètes.
Nelson A. Rockefeller, le "publiciste" (1908-1979)
Dans les années quarante et cinquante, l'élite américaine au pouvoir concevait de grandes ambi-tions
pour les cinq fils de John D. Rockefeller Ju-nior. (Pour illustrer les préjugés de l'époque, sa fille Abby fut
exclue de ces délibérations.) Des livres, comme par exemple le bel exercice de bros-se à reluire d'Alex
Morris : Those Rockefeller Bro-thers : An Informal Biography of Five Extraordina-ry Young Men (1953),
spéculèrent ouvertement sur la façon dont la progéniture de Junior ferait évoluer l'œuvre
philanthropique de la famille. Certaines se vérifièrent exactes. John D. III et Laurance semblè-rent tous
deux enclins à endosser ce style de vie pa-tricien trempé de philanthropie, tout en tentant d'influer sur
la politique gouvernementale depuis les coulisses. David, bien sûr, le prit de beaucoup plus haut, en
conciliant cela avec une carrière de banquier, alors que Winthrop prit le chemin oppo-sé, touchant un
peu aux affaires puis exerçant com-me gouverneur de l'Arkansas, poste relativement obscur du paysage
politique américain.
Ce fut Nelson, second de la fratrie, qui brisa le moule de façon décisive. Contrastant avec ses frères plus
réservés et en désaccord avec les at-tentes familiales, Nelson entreprit énergiquement une carrière qui
le propul-sa aux plus hauts niveaux du gouvernement, d'abord comme officiel puis com-me homme
politique.
C'était inévitable et à la mesure de sa personnalité dominante au sein de cette nouvelle génération. Il
était extraverti et semblait immunisé contre les res-trictions et interdits puri-tains de son père. Nelson
possédait également un vaste appétit de pouvoir mais déviait des tradition-nels efforts de la famille à
calmer les craintes popu-laires concernant le pouvoir des Rockefeller en gar-dant un profil bas, et
cherchait à être largement connu comme puissant personnage.
Ce fut donc Nelson qui éclipsa l'aîné, John D. III, pour prendre une position centrale dans la conduite des
affaires de la famille, décidé à contrô-ler le réseau philanthropique. Ainsi, après une car-rière erratique
et peu satisfaisante au gouvernement, il tenta maladroitement de gagner le poste suprême : la Maison
Blanche. Ainsi, pour Nelson, le mérite se mêla à la frustration et le prix qu'il paya fut élevé ainsi que le
dommage subi par le nom de la famille. Même David finit par voir en lui, non plus " un hé-ros qui ne
pouvait se tromper, mais un homme prêt à sacrifier presque tout à son ambition démesurée ".24
Du technocrate au politicien
Spéculant sans réserve sur le nom des Rockefel-1er, Nelson ouvrit les portes qui lui permirent de
poursuivre une carrière variée au sein du gouverne-ment, aux affaires étrangères dans les administrations Roosevelt, Truman et Eisenhower, bien que son passé ne se caractérisât pas par un sens aigu de la
diplomatie.
Sous la présidence de Franklin D. Roosevelt, il remplit les fonctions de coordinateur du bureau des
affaires Inter-Amériques (1940-44), celle de prési-dent de la commission Inter-Amérique (1940-47) et de
sous-secrétaire d'État pour l'Amérique Latine (1944-45). Sa bonne fortune s'effrita avec Harry Truman qui
démit Nelson du Département d'État, apparemment à la demande insistante du nouveau secrétaire d'Etat
Dean Acheson qui supportait mal ses efforts fructueux à établir un courant de sym-pathie pour l'Argentine
au sein des Nations Unies. C'est un Nelson assagi qui se retira dans la philan-thropie, accepta uniquement
les appointements symboliques de président de l'international Deve-lopment Board (1950-51).
Sous Dwight Eisenhower, son étoile brilla à nouveau et il occupa le poste d'assistant aux af-faires
étrangères du Président (1954-55), puis se re-trouva à la tête du " Forty Committee " chargé de superviser
les opérations secrètes de la CIA. Il avait été à deux doigts d'obtenir une position su-périeure au
ministère de la défense. Mais une op-position conjointe des autres membres du cabinet présidentiel avait
pu convaincre - avec raison - Eisenhower de son intention d'augmenter drastiquement le budget de la
défense, provoquant la fin abrupte de sa carrière publique.
Ces expériences furent néanmoins salutaires à son ambition. Ses relations houleuses avec l'esta-blishment
technocratique, qui fit à l'évidence une allergie à son intrusion dans sa sphère, ouvri-rent son appétit
pour un pouvoir politique plus important. Nelson ne se satisfaisait pas d'opérer depuis les coulisses comme le faisaient ses frères et ne pou-vait envisager de continuer à subir les humiliations inhérentes aux
postes de fonctionnaire moyen.
D'après l'auteur Stewart Alsop, Nelson réalisa finalement " qu'il n'y avait qu'une seule façon pour un
homme très riche comme lui d'obtenir ce qu'il avait toujours recherché - le vrai pouvoir et la véritable
autorité politique "25. Pour lui, cet ultime but était représenté par la présidence des États-Unis.
En 1958, s'appuyant sur son vaste héritage, il lança sa carrière politique, battant W. Averell Harri-man à
l'issue du " combat des millionnaires " et de-vint Gouverneur de l'État de New-York, un poste qu'il garda
jusqu'en 1973. Comptant sur cette posi-tion pour lui servir de tremplin vers la présidence, Nelson fit
campagne pour obtenir la repré-sentation des Républicains en 1960, 1964 et 1968, mais échoua trois fois,
dont deux contre Richard Nixon.
Ironiquement, ce fut à la suite de la démission de ce dernier lors du Wa-ter Gate qu'il réussit fi-nalement
à entrer à la Maison Blanche, mais comme Vice-Président d'un Président de transi-tion, Gerald Ford. La
survie de Ford à deux tentatives d'assassinat signifie qu'il fut deux fois à un cil d'accéder à la présidence,
sans ja-mais y parvenir. Si près et pourtant jusqu'ici... il n'est pas de mystère quant à la réponse sèche
que donnait Nelson, à la fin de sa vie, à la question de savoir ce qu'il au-rait souhaité le plus réaliser : "
être Pré-sident " 27.
Internationalisme ou impérialisme
Il existe deux interprétations concurrentes concernant la vision des affaires étrangères qu'entretint
Nelson Rockefeller tout au long de sa carrière politique. La première lui attribue une perception ultraconservationniste et anticommuniste qui lui valut de la part de quelques journalistes le sobriquet de "
guerrier le plus froid de tous ". Elle voit en lui un impérialiste et militariste qui pensait que les USA
devaient " ré-agir agressivement à tout événement dans le monde qui menace les intérêts propres au
pays " (Chapman). Les dé-fenseurs de cette perception s'appuient sur " l'ambition nécrophile " de Nelson
(Fitch) de pourvoir chaque foyer améri-cain d'un abri anti-atomique, sur son appel à l'augmentation de 10
% du bud-get de la défense en 1960, sur ses re-proches adressés à Eisenhower d'avoir laissé l'Union
Soviétique dépasser les USA lors de la fameuse (mais illusoire) course à l'armement des missiles intercontinentaux. et sur son apparente ab-sence de scrupules à utiliser l'arme nu-cléaire contre l'insurrection
communis-te.28
La seconde interprétation, de façon contrastée, présente Nelson comme un " leader dans la campagne
qui vise à noyer la souveraineté américaine sous l'hégémonie d'un super-État mon-dial ".29 " Je pense que
Nelson Rocke-feller a clairement été engagé pour es-sayer de réduire les USA à une partie d'un
gouvernement mondial socialiste " déclarait en 1958 Robert Welch, fondateur de la John Birch So-
ciety.30 On dépeint ici en Nelson un supporter insidieux d'un complot our-di par la classe dominante et
visant à utiliser le communisme pour subvertir la souveraineté des USA et des autres pays du " monde
libre ".
Mais ces théories aussi caricaturales échouent à cerner la véritable nature de la stratégie de Nelson à
l'égard de l'ordre du monde. Celle-ci cherchait sur le court terme à assurer à l'Amé-rique une suprématie
militaire garantis-sant la victoire sur le communisme soviétique et envisageait à long terme que les USA
emploient leur statut de superpuissance à dessiner un " nouvel ordre mondial " basé sur un fédéralis-me
planétaire organisé autour de blocs régionaux et le libre échange commer-cial entre les nations. Les
influences qui fondèrent la politique étrangère de Nelson furent nombreuses, débutant avec celle de son
père et de Fosdick et continuant au travers de la pléthore de conseillers politiques en rela-tions
internationales qu'il em-ploya. Mais il est essentiel de tenir compte des diverses ori-gines de chaque
approche.
Concernant sa véhémente conception anticommuniste du court terme, on découvre une surprenante
source. Après son départ peu inspirant de l'administration Eisenhower en 1955, Nelson a employé le Dr
Henry Kissinger, partisan à la pointe de la Realpolitik et étoile montante de l'establish-ment. Ce dernier
est large-ment considéré comme adepte d'un gouvernement mondial mais cette assertion résulte de
façon primaire d'une analyse grossière pêchant par associa-tion déductive hâtive de son appartenance au
CFR (Council of Foreign Relations) comme preuve de cette tendance. Il n'y a aucun doute sur le caractère
dé-testable, au mieux égoïste, fourbe et opportuniste de sa personnalité31, mais il n'a jamais été
partisan d'un gouvernement mondial. Par exemple, dans son premier livre issu de son activité au CFR,
Nuclear Weapons and Foreign Policv, Kissinger rejette explicitement l'option du gouvernement mondial
en la qualifiant de " guère réaliste ", ajou-tant qu'il ne pouvait y avoir d'échap-patoire aux responsabilités
de l'âge du thermonucléaire par l'établissement d'une autorité supranational ".32
Malgré cela. Kissinger était utile à Nelson, fournissant un support consis-tant à ses fantasmes
anticommunistes belliqueux. D'après Joseph Persico, au-teur de ses discours depuis quelque il années, "
la solide conception qu'avait Kissinger d'un monde maintenu par l'équilibre des pouvoirs convenait parfaitement à Nelson ".33 Mais l'influence qu'eut Kissinger ne doit pas être sures-timée. D'une part, son
adhésion au principe de l'équilibre de la terreur ré-sultait de son anticommunisme instinc-tif qui
stigmatisait le bloc soviétique comme menace première pour l'Amé-rique. C'est donc cet équilibre de la
terreur à l'œuvre de cette époque et par conséquent les vues froides de Kissin-ger qui convenaient à
Nelson.
Cependant, dans une perspective à long terme. Nelson était incontestable-ment un internationaliste
libéral Wilsonien, couleur qu'il avait déjà manifestée de façon intermittente depuis 1940. Par exemple. il
joua un rôle décisif, à travers la controverse générée par la pression qu'il exerça en faveur de l'adhésion
de l'Argentine aux Nations Unies, dans l'adoption de l'article 51 (autorisant les alliances inter-étatiques
dans le cadre d'une riposte à une agression) dans la charte des Nations Unies.34 Mais dans le même
temps, mécontent de la présence soviétique dans l'organisation interna-tionale et déterminé à " purifier
l'Amérique Centrale et Latine de toute " influence commerciale étrangère ", Nelson était un ardent
supporter des blocs régionaux, particulièrement dans la perspective d'un hémisphère occiden-tal unifié
sous la houlette des USA ". Durant la présidence Eisenhower, Nelson fut un des plus féroces défenseurs du
concept d'Union Atlantique, en dépit de l'opposition patronnée par le secrétaire d'Etat John Foster Dulles
qui quali-fiait l'idée de " prématurée ".36
C'est aussi dans cette période de la fin des années quarante, début des an-nées cinquante, que Nelson,
en soutien de son objectif d'encourager l'avène-ment d'un hémisphère occidental unifié - ou, plus
précisément de la domination économique américaine sur l'Amérique Latine - créa I'American International Association for Economic and Social Development (AIA) et l'Interna-tional Basic Economy
corpo-ration (IBEC). L'AIA était ostensiblement destinée à promouvoir le développe-ment économique de
l'Amé-rique Latine et à combattre " la pauvreté, la maladie et l'illettrisme ", tandis que I'IBEC était
censée encoura-ger l'investissement finan-cier. Président fondateur des deux institutions, Nelson les
conçut na-turellement pour servir son objectif de développement. Mais en vérité, il était guidé par le but
moins élevé de rompre les barrières nationales s'opposant à la pénétration des sociétés américaines en
relation avec le glissement de la fortune Rockefeller du secteur pétrolier vers ceux de la banque
internationale et de l'investissement dans le Tiers-Monde.37
Lorsqu'il décrivait les activités de l'AIA et de l'IBEC, il employait une terminologie retrouvée ensuite dans
la bouche des adeptes de la mondialisa-tion. " Aujourd'hui ", statuait-il à la fin des années quarante, le
capital doit al-ler là où il peut produire le plus de biens, rendre les meilleurs services, ren-contrer les
besoins les plus pressants des gens. " Au sujet des actions menées par I'IBEC en Amérique Latine, Nelson
fai-sait remarquer qu'en raison des " gros problèmes " auxquels est confronté " notre mode de vie ", il
était essentiel qu'elles démontrent " que les entre-prises américaines peuvent... aider à les résoudre, au
bénéfice de notre vie quoti-dienne et de notre position dans le mon-de des affaires ". Il déclarait que les
USA avaient besoin de maîtriser de tels problèmes " s'ils souhaitent que leur sys-tème survive ".38 De
l'ensemble de cette rhétorique de l'aide destinée aux peu-ples, au final, ce qui restait primordial aux
yeux de Nelson était de protéger et d'étendre "notre système".
Trois sources d'inspiration
Afin de comprendre la plus définiti-ve des expressions de l'internationalis-me libéral de Nelson, il est
nécessaire d'examiner sa carrière de candidat à la Présidence, du milieu des années cin-quante jusqu'à
1973. On peut noter alors, qu'à l'instar de l'influence qu'eut Fosdick sur son père, au moins trois sources
d'inspiration guida la vision de Nelson durant cette période.
- La première fut le rapport de 1959 émanant du Rockefeller Brothers Fund, Prospect for America. Epaulé
par Da-vid, Laurance, Winthrop et l'argent de la famille, Nelson avait mobilisé près d'une centaine de
membres de l'esta-blishment de la côte Est pour participer à ce projet spécialement conçu pour ses
campagnes présidentielles. Les partici-pants étaient divisés en six groupes : trois se focalisaient sur les
sujets de dé-mocratie intérieure, l'éducation et l'art contemporain alors que les trois autres
s'intéressaient à la défense, la politique étrangère américaine, le commerce in-ternational et le
développement écono-mique. Nelson donnait largement dans ce rapport des recommandations dé-taillées
pour établir le leadership des USA lors de la mise en place des ac-cords économiques régionaux, des principes fondant le commerce international et dans la consolidation des institutions internationales.
Les conseils politiques du Prospect for America renforçaient le consensus wilsonien internationaliste
libéral de l'establishment, recommandant à l'Amé-rique de se fixer pour objectif d'établir " un monde de
paix, basé sur diverses en-tités politiques membres d'une commu-nauté unifiée ", s'agissant pour elle de
saisir alors " l'opportunité de façonner un nouvel ordre mondial ". Celui-ci consisterait en l'existence "
d'institu-tions régionales subordonnées à une or-ganisation internationale dont l'autorité croîtrait conçue de sorte à posséder la capacité de traiter les problèmes que les États nations seraient de moins
en moins en mesure de résoudre seuls ". Pour ac-célérer le programme concernant le libre échange, le
rapport arguait que les USA devaient encourager la formation de " systèmes d'accords com-merciaux
régionaux partout dans le monde libre ", dont un " marché commun de l'hémi-sphère occidental " comprenant les Amériques du Nord, Centrale et du Sud. Le document avait également loué les Nations Unies
comme " élément consti-tutif de notre conviction que les problèmes d'impact mondial devaient être
traités par des ins-titutions d'envergure interna-tionale. "39
- La deuxième source d'in-fluence, moins connue, s'in-carnait en la personne de Em-met John Hugues
(1920-1982). C'était l'auteur des dis-cours d'Eisenhower, conseil-ler supérieur en relations pu-bliques au
Rockefeller Bro-thers Fund (1960-63), et le chef de campagne de Nelson en 1968. Hughes est décrit par
certains récits, non comme une personnalité de premier rang mais comme l'un des " hommes de
confiance " les plus proches de Nelson, exer-çant comme " idéologue en chef" ou comme " théoricien de
cam-pagne " à l'occasion de ses campagnes présidentielles manquées.40
C'était également un internationalis-te libéral. Dans son livre de mémoires de l'époque passée au service
d'Eisen-hower, The Ordeal of Power (1963), il se vantait d'avoir inséré dans les dis-cours d'Eisenhower les
expressions de "support américain au droit internatio-nal, les Nations Unies, désarmement et
réorientation des efforts en direction d'un allégement de la pauvreté dans le monde " - Vision révélée
également dans le discours " The Chance for Peace " pro-noncé par Eisenhower le 16 avril 1953, au cours
duquel il exhortait les Améri-cains à soutenir un programme réunissant " toutes les nations " dans l'allocation des capitaux économisés par le désarmement à un " fonds pour l'aide et la reconstruction du monde
".41
- La troisième source d'influence était représentée par un proche ami et conseiller, Adolf Berle (1895l97l), dont l'action se solda par d'importantes contributions à l'idéologie de l'interna-tionalisme de Nelson.
A la fin des an-nées quarante, sa vision de la guerre froide comprenait la création d'une " politique de
bon voisinage organisant les relations communautaires des na-tions libérales" pour s'opposer à l'URSS. Il
s'opposa à l'OTAN arguant que " le langage des alliances militaires était dépassé ", et soutint à la place le
principe de sécurité collective assumé par les Nations Unies. Berle croyait aus-si dans les vertus de
l'intégration inter-nationale économique, mises en exergue dans son livre paru en 1954. The 20th Century
Capitalist Revolution, qui sou-tenait l'idée d'une dynamique écono-mique capitaliste rendant obsolète
l'enti-té Etat-Nation.
Il participa également au projet Prospect for America, établissant les lignes de re-cherche des divers
groupes de travail et insista sur le be-soin de développer " une phi-losophie partagée " pour les affaires
étrangères. De plus, Berle collabora avec Kissin-ger à l'écriture du rapport final, et sa marque peut être
perçue dans les sections les plus franchement favorables aux institutions supra-natio-nales et à
l'intégration écono-mique internationale.42"
Le "Nouvel Ordre Mondial" de Nelson Rockefeller
Ces diverses influences constituèrent dans les faits une version légèrement mise à jour du modèle d'ordre
mondial édicté par le binôme Wilson-Fosdick qui compre-nait déjà les notions de libre marché,
d'institutions supra-nationales, de suprématie américaine et de défaite du communis-me. Nelson
souscrivit volontairement et d'une faon répétée, à ce leitmotiv politique au long de sa course pour la
Maison Blanche. L'idée que le changement mondial, en particulier en termes d'in-terdépendance
économique, rendant le concept d'État Nation redondant, se trouvait au centre du credo Nelsonien. Dès
1951, il utilisa le terme " d'interdé-pendance " pour caractériser les rela-tions économiques entre
l'Occident et les pays en voie de développement.43 Mais ce fut dans son essai Foreign Affairs, en 1960,
qu'il déclara penser que " le fait essentiel de notre temps était la désintégration du système politique hérité du XIXe siècle..., la grande idée de cette époque étant celle de monde non pas en com-pétition mais
en coopération ".44 De la même fa-çon, au cours de ses conférences sur le fédéralisme à l'université
d'Harvard en 1962, il affirmait :
Aucune nation ne peut aujourd'hui défendre sa liberté ou satisfaire les besoins de sa population depuis
l'intérieur de ses frontières et par ses seules ressources propres,... 1'État Nation, comme entité séparée,
menace, à bien des titres, de devenir aus-si anachronique que l'État Cité des Grecques an-itiques...45
Nelson soutenait que l'État Nation devenait de moins en moins compétent pour assurer ses rôles
politiques internationaux, les structures de l'ordre international prévalantes avant volé en éclat laissant
un vide politique historique ".46 L'ancien ordre mondial basé sur l'équilibre des pouvoirs du XIXe siècle
n'était plus alors que les " relations in-ternationales étaient devenues véritablement plané-taires " - ceci
exigeait la définition d'un " nouveau concept de relations entre les pays " sous forme d'un " cadre dans
lequel les aspirations de l'huma-nité puissent être satisfaites pacifiquement... "47
Simultanément, Nelson critiquait le rôle joué par les Nations Unies, estimant qu'elles " n'avaient et
n'étaient pas capables de mettre en place le nouvel ordre mondial que les événements exigeaient de façon irrésistible ". Il reprochait à l'Union Soviétique et à ses alliés d'avoir affaibli les Nations Unies. Il
affirmait que le bloc communiste était dévolu à "la manipulation du processus démocratique des Na-tions
Unies d'une façon suffisamment astucieuse et déterminée pour contrecarrer leur rôle et leur pou-voir ".
Mais la menace représentée par le bloc com-muniste allait au-delà des dommages aux Nations Unies et
attentait à la réalisation de ses propres "cruels desseins... regardant l'ordre mondial ". Les communistes
avaient " pris nos mots, nos appa-rences, nos propres symboles d'aspirations et d'es-poirs et, … les avaient
corrompus, trompés et trahis au profit de leur quête pour la domination du monde ".48
Cependant, au cours des primaires de la prési-dentielle de 1968, Nelson était moins pessimiste au sujet
des Nations Unies, maintenant que l'organi-sation internationale n'était pas en panne. " En complément,
affirmait-il lors d'un dîner de soutien du parti républicain, les données recueillies mon-trent que la force
des Nations Unies a grandi..." La question était cependant ambiguë : " Jusqu'à quel point les Nations
Unies sont-elles propres à servir l'intérêt des USA, et comment peuvent-elles effec-tivement favoriser un
ordre mondial plus stable... ?" La réponse de Nelson : assurance de la prise en compte de ces deux
aspects du sujet. Bien que les USA ne pussent espérer contrôler l'organisation to-talement, celle-ci
pourrait agir dans " l'intérêt na-tional " américain (code habituel pour définir l'in-térêt du monde des
affaires) en maintenant un ordre mondial qui emploie les ressources d'autres Etats membres. Les
opérations de maintien de la paix des Nations Unies, disait-il, " ont constitué une contri-bution vitale en
faveur de la construction d'un ordre mondial plus stable " et ont réalisé " multila-téralement ce que les
USA auraient dû réaliser eux-mêmes à un coût bien supérieur ". Les interven-tions menées par les Nations
Unies étaient souvent " le meilleur moyen de contrôler les crises dange-reuses ". alors que les " actions
unilatérales " com-me le Vietnam ont tendance à avoir des consé-quences " boomerang ". Il était "
parfaitement clair " que les interventions des Nations Unies "ont consolidé l'ordre mondial et… également
fait progresser les objectifs des USA ".49
Il était donc dans l'intérêt de l'Amérique, selon Nelson, de " prendre l'initiative du renforcement du rôle
des Nations Unies comme médiateur et pro-moteur de la paix" ", alors " qu'elles peuvent et doi-vent être
employées comme instrument primordial " dans la recherche d'un " monde meilleur ". En support de cet
objectif, Nelson pré-conisait que les USA prennent l'initiative en " amenant les conflits devant les Nations
Unies avant qu'ils n'atteignent un point critique ", tout en " encourageant un fort leadership " de la part
du Secrétaire Général en mettant l'accent sur la " di-plomatie préventive et paisible " et moins de référence aux votes en faveur des objectifs américains. Insistant sur le nécessaire renforcement des fonctions de maintien de la paix des Nations Unies, Nelson encouragea la participation des troupes de plus
petits pays à ses opérations, et soutint l'idée du développement de leur financement."50
Si les principes de Nelson semblent familiers en ce moment, c'est parce qu'ils furent largement re-pris par
le rapport de 1992 du Secrétaire Général Boutros Boutros-Ghali, "An Agenda for Peace ". Boutros-Ghali y
faisait réellement écho aux recom-mandations de Nelson dont les notions de di-plomatie préventive, de
paix et en faveur d'un équipement prêt à servir pour l'ONU dans tout pays. En dépit d'un bouleversement
bref de l'activité durant les années quatre-vingt-dix, ce type de propositions se trouve loin d'être réali-sé,
spécialement étant donné la suspicion de l'administration Bush à l'égard des capacités de maintien de la
paix de l'ONU.
Le " monde meilleur " que Nelson avait à l'esprit, censé remplacer le système existant d'États Nations,
était essentiellement un monde fédéré réunissant les nations non-commu-nistes. Dans son livre Uni-ty,
Freedom & Peace, Roc-kefeller soutenait en 1968 que l'idée fédéraliste - telle qu'elle fut mise en œuvre
par les " pères fondateurs de l'Etat américain... par leur acte de création constitutionnelle du XVIIIè
siècle " - pouvait s'appliquer " au contexte plus large de la sphère des nations libres ", au profit d'une "
liberté garantie et d'un ordre stable dans le monde libre ".51
Lors de sa conférence à Harvard, Nelson révéla qu'il avait " depuis longtemps pressenti que la route de
l'unité des nations libres passait par la création de confédérations en Occident et autour de l'Atlantique,
peut-être même en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie ".52
Pour atteindre son objectif, il approuva l'extension de la Communauté Européenne comme " processus
d'intégration à la commu-nauté nord-atlantique. "53 " L'unité politique européenne serait un premier pas
" vers la for-mation d'une " communauté atlantique ", af-firma-t-il.54
De plus, en encourageant ce type de déve-loppement aux Amériques, les USA pourraient prendre la tête
de la formation d'une " Union économique Pan-Américaine " qui serait alors devenu le marché commun le
plus important du monde.55
Mais Nelson était très clair en considérant ce type d'arrangement comme un moyen d'at-teindre ses fins ;
tenant compte de la menace communiste et des problèmes mondiaux, " notre progression vers l'unité doit
maintenant s'étendre à des actions aussi bien à l'inté-rieur des régions qu'entre elles".56
Ainsi, les nouveaux accords régionaux doi-vent être vus comme l'étape sur le chemin me-nant à une
intégration mondiale:
L'unité en Occident implique un acte de création politique - comparable à celui engagé par les " pères
fondateurs " de notre pays -peut-être d'une originalité, d'une audace et d'un dévouement plus grands
encore. A notre époque, c'est le défi qui nous guide, nous contraint, nous inspire l'élaboration d'une
grande alliance nord-atlantique, un regroupe-ment au sein d'une confédération nord-atlan-tique, qui
mènerait à une union mondiale des pays libres.57
Plus tôt, à Harvard, il avait évoqué un dan-ger plus important à ne pas réussir cette unifi-cation :
Le choix historique qui nous fait face n'est pas moins que le suivant : soit les nations libres du monde
prendront l'initiative d'adap-ter le concept fédéral à leurs relations, soit nous serons conduits, un par un,
à nous retirer dans un périlleux isolationnisme - politique, économique et intellectuel - si ardemment recherché par la politique soviétique du "diviser pour mieux régner".58
Nelson Rockefeller fit sien le vieil argu-ment libéralo-internationaliste selon lequel les USA devaient
promouvoir le libre marché mondial pour renforcer le système de la libre entreprise et relier ainsi les
autres parties non-communistes du monde. Il déclara qu'il devait exister une "expansion et une continuité
de la politique commerciale libérale américaine " dans la mesure où elle bénéficierait non seule-ment
aux pays en voie de développement mais aussi à l'économie des USA.59 Et Dans une dé-marche qui
continue aujourd'hui à être connue sous le nom de " régionalisme ouvert ". Nel-son soutenait que la
formation de regroupe-ments régionaux de libre marché pouvait être un bon moyen d'établir le libre
marché mon-dial :
Les accords régionaux en Europe et en Oc-cident doivent être utilisés comme modèles pour l'organisation
économique des autres parties du monde. Compte tenu du point clé voulant qu'aucune nation ne puisse
réaliser ses aspirations par ses seuls efforts, les re-groupements régionaux, développant alors entre eux
des politiques encore plus libérales, constitueront alors une étape vers 1'objectif d'un système mondial
de libre échange! 60
Reprenant plus tard cet argument lors d'un dis-cours donné au Executive Club en 1964, Nelson recommandait que Washington utilise son influence po-litique pour " établir des règles au sein du GATT, qui
puissent garantir que les accords économiques régio-naux évolueront vers une libéralisation progressive
du commerce plutôt qu'une partition du commerce mon-diale selon les préférences et la discrimination
".61
Nelson était également favorable à la formation d'une "banque centrale mondiale " qui pourrait " empêcher les crises monétaires et contribuer au progrès économique mondial ", suggérant que le rôle du FMI
soit " élargi dans cette optique ".62
Le thème le plus récurrent de l'idéologie interna-tionaliste de Nelson était l'importance du leadership
américain. Les USA, déclarait-il lors de nombreux fo-rums, doivent prendre l'initiative lors du processus
de création d'une fédération mondiale, tout comme ils étaient nés " pour l'amour de l'idée " que "
l'homme devait être libre pour suivre sa destinée unique et indi-viduelle - une croyance reposant sur
notre foi in-faillible en la fraternité, attribut de l'humanité entiè-re ".63 " Le tumulte dans le monde ne
s'essoufflera qu'avec l'émergence d'un système international plus ou moins généralement accepté "
écrivait-il en 1968. "L'objectif est l'ordre... cependant, si nous ne pouvons créer cet ordre seuls, il ne
peur être établi sans nous. "
Pour Nelson, l'Amérique était trop interconnectée pour échapper à ses obligations : en fait, " les réels intérêts de l'Amérique sont interdépendants de ceux des autres nations du monde libre ". Les implications
étaient ainsi évidentes :
Nous devons assumer un rôle de leadership digne des États-Unis et proportionnel à nos intérêts et à ceux
du monde libre qui doivent être considérés comme un tout.
Même la chute du communisme ne libérerait pas les USA de cette charge :
Nous faisons face à des tâches qui seraient, pour l'essentiel, identiques même si le communisme n'avait
jamais existé. Il nous est demandé d'œuvrer avec les peuples du monde afin de développer une réelle
com-munauté planétaire.66
Alors que les années soixante-dix avaient vu ses espoirs de gagner la Maison Blanche anéantis, Nelson
Rockefeller recherchait toujours une reconnaissance politique et se toqua d'environnementalisme,
dévelop-pant à nouveau une tendance internationaliste. Dans son livre, Our Environment can be Saved
(1970), Nel-son invoquait les implications politiques inévitables de la nécessité d'anticiper la dégradation
de l'environ-nement, soutenant que la prévention de la crise écologique imminente pourrait " devenir un
terrain de co-opération accrue entre les nations ". A cette fin, il re-commandait que les USA " participent
à coordonner la planification de contrôles internationaux ".67
Vice-président par accident
Le sort voulut que l'autodestruction politique et personnelle de son adversaire Richard Nixon donnât une
valeur nouvelle à Nelson et en décembre 1974, après un long processus de révélations et de confirmation au sein d'un Congrès suspicieux, il devint Vi-ce-Président de l'administration juste née de Gérald
Ford. Malgré le fait que Nelson fut le prochain en ligne pour accéder à la présidence, ses déclarations de
politique étrangère furent rares et très prudentes dans cette pé-riode. Avec son protégé au poste de
secrétaire d'État aux relations extérieures, Nelson avait envisagé d'exercer un contrôle sur la politique
intérieure. Il eut, cependant, des démêlés avec le chef de cabinet de Ford, Donald Rumsfield, qui était
déterminé à mainte-nir le manque de pouvoir du Vice-président
Bien qu'appointé en fait comme Vice-Président du Conseil des Affaires Intérieures (Domestic Council),
Nelson se retrouva largement écarté des prises de déci-sion. Au sujet de sa situation. Nelson raillait : "Je
vais aux enterrements et aux tremblements de terre."70 Sa contribution aux politiques extérieure et
intérieure se limitait à officier dans la Commission gouvernementa-le pour l'organisation et la conduite de
la politique étrangère en 1974, et de façon plus controversée com-me président de la commission sur les
activités inté-rieures de la CIA en l975.71
En analyse finale, cependant, son rôle quelque peu marginal dans l'administration Ford eut en soi peu de
conséquences dans la mesure où le programme wilso-nien libéral internationaliste fut adopté par Ford et
Kissinger de toute façon, bien que ce soit plus attri-buable à l'influence de David Rockefeller. Sous l'égide de la Trilateral Commission, David avait mobilisé l'establishment contre la Realpolirik de l'administration Nixon avec grande efficacité. Fini le leitmotiv nixonien de " monde plus sûr " par l'équilibre des superpuissances et le dédain de l'ONU qui l'accompa-gnait.72 Il était maintenant remplacé par une adhésion
inhabituelle (spécialement pour Kissinger) au droit in-ternational, à la coopération institutionnalisée
entre les pouvoirs industriels (plutôt que des alliances), aux notions de "communauté mondiale " et "
d'interdé-pendance mondiale croissante ".73
En effet, comme le faisait observer en 1976 l'in-troduction du texte de " Projet pour les années quatrevingt" du Council on Foreign Rela-tions, "les prises de positions en-thousiastes du président Ford aux
sommets de Rambouillet et de San Juan, à l'instar des récents discours de Kissinger, pourraient avoir
éma-né des pages du Trialogue (Journal de la Trilateral Commission)… "74 L'internationalisme des
Rockefel-1er avait encore laissé sa marque, même si très ironiquement, Nelson, malgré un poste de VicePrésident, n'y joua qu'un rôle périphérique.
Sa marginalité s'accrut encore lorsqu'en novembre 1975, sur l'in-jonction de Ford, Nelson retira sa
candidature de Vice-Président lors des élections présidentielles de 1976. Ce fut l'œuvre de Rumsfeld ;
pen-sant qu'il représentait un handicap élec-toral, le chef de cabinet zélé fit pression pour que Nelson
soit débarqué du train présidentiel. Au lieu de constituer la marche finale qui débouchait sur le bu-reau
oval, comme Nelson le croyait, la Vice-Présidence fut l'impasse dont ne ressortirait plus sa carrière
politique.
D'après David Rockefeller, " la dé-cision de Ford descendit Nelson" et lui fit perdre tout intérêt pour la
politique. De plus, "échouant alors que le gros lot semblait à portée de main", Nelson finit sa carrière
politique comme un homme amer et aigri". Il retourna dans la sphè-re familiale où, dans un dernier
sursaut, il tenta de prendre le contrôle de la Roc-kefeller Brother Foundation des mains de ses frères et
échoua.75
La fin de Nelson Rockefeller fut soudaine et controversée à souhait ; l'ex-politicien de 70 ans est rapporté
être décédé en plein rendez-vous amou-reux avec une de ses employées sexuelles. Néanmoins, son trépas
en 1979 provoqua un important et pieux émoi dans les médias contrôlés par les corporations. Time
Magazine déclara " Il était guidé par la vocation à servir, à améliorer et à élever son pays ", alors que le
New York Times louait en lui le " phare de l'internationalisme " et " l'extraordinaire envergure de l'intérêt
et de l'effort qu'il consacra au pays ".76
Kissinger fut encore moins restrictif et fit l'éloge de son bienfaiteur en le qualifiant de " plus grand
américain que j'ai connu ", de " génie pragmatique qui " aurait pu faire un grand Président ". C'était en
fait une "tragé-die pour le pays" qu'il n'ait pu at-teindre son but. Kissinger affirmait aus-si que l'influence
de Nelson sur les poli-tiques nationale et internationale améri-caines était plus grande que le supposaient beaucoup de gens :
…au final, ce fut souvent Nelson qui établit le programme mis en œuvre en-suite comme politique
nationale. Le tra-vail intellectuel de base qui déboucha sur beaucoup d'innovations était le sien... Le
destin a voulu qu'il laisse sa marque durable sur notre société, même si c'est d'une manière presque
anonyme qu'il conçut ses programmes, qu'il pro-mut ses valeurs et changea la vie de beaucoup.
Si on laisse de côté l'éloge servile et quelque peu imprécise de Kissinger, la montée et la chute de Nelson
révèle que sa contribution à l'élaboration du Nou-vel Ordre Mondial fut au mieux margi-nale. Nul doute
que s'il avait été élu Pré-sident, ne serait-ce que pour quelques années, il aurait mis en mouvement les
plans mondialistes qu'il avait soutenus au long des années soixante. Heureusement, bien que cer-taines
figures de l'establishment ne soient pas de cet avis, cela n'arriva pas.
Mais l'échec de Nelson à ac-céder au bureau ovale le réduisit effectivement à n'être que le pu-bliciste de
la vision du Nouvel Ordre Mondial de sa famille. Il fit la promotion des politiques fa-vorables à une
gouvernance mondiale, mais ne fut jamais en mesure de commander à leur mi-se en œuvre. Alors que
Nelson était incapable de s'assurer l'ac-cès au bureau si ardemment dési-ré et restait largement à l'écart
des institutions philanthropiques, spé-cialement la RBF et la Rockefeller Foundation qui donnaient à la
famille son réel pouvoir, l'amertume de ses der-nières années n'est pas une surprise.
Comme nous le verrons dans les parties suivantes, ses frères furent alors les plus impliqués dans ces buts
philan-thropiques, par les fondations et les or-ganismes politiques soutenus par les fi-nances de la
famille. Ils eurent l'impact décisif sur la formulation de l'idéologie du Nouvel Ordre Mondial et sa mise en
œuvre. Et à leur tête, bien entendu, David…
Notes de fin :
1- Citations de Niall Ferguson, The House of Rothschild : Mo-ney's Prophets, 1798-1848, Pen-guin Books,
2000, pp 231-232
2- Peter Krass, Carnegie, John Wiley & Sons, 2002, pp 242, 410-411
3- Gary Allen, The Rockefeller File, 76 Press, 1976, p77 ; and David Icke, The Biggest Secret, Bridge of
Love, 1999, p1-2, 267-268.
4- La littérature sur ces deux interprétations est considérable pour de récents exemples de "corporatisme
mondialiste" : David Korten, When Corpora-tions Rule the world, Kumarian Press, 1995 ; Naomi Klein, No
Logo, Flamingo, 2000 ; Paul Hellyer, Stop Think, Chimo Media, 1999, et Anita Roddick (ed), Take it
Personallv : how globalisation affects you-and powerful ways to challenge it. Harper Collins, 2001. Pour
de récents et classiques exemples de la théorie du "gouvernement socialiste mondial" : Gary Allen, None
DareCall it Conspiracy, Concord Press, 1972 : James Perloff, The Shadows of Power ; Western Islands,
1998 ; William F. Jasper, Global Tyranny... Step bv Step, Western Islands, 1992 ; Gary Benoît,
"Globalism's Growing Grasp", The New American du 28 février 2000 et William F. Jasper, "Global
Tyanny... Boloc by Bloc", The New American du 9 avril 2001.
5- Pour de récents exemples de cet agenda combiné, complété de l'inévitable rhétorique sur la
protection de la démocratie, voir : The Commission on Global Governance, Our Global Neighbourhood,
Oxford University Press, 1995 ; George Soros, Open Society ; Reforming Glo-bal Capitalism, Little, Brown
& Co, 2000 ; et Peter Singer, One World : The Ethics of Globalization, Text Publi-shing, 2002.
6- Rockefeller et Car-negie, cité par Ron Cher-now, Titan : The Life of John D. Rockefeller, Sr, Warner
Books, 1998, pp 467, 313-314, 469.
7- ibid, pp 468, 566
8- ibid, p 638
9- Raymond B. Fosdick, "Personal Recollections of Woodrow Wilson", EarI Lathal (ed), The Philosophy and
Polocies of Woodrow Wilson, University of Chicago Presse, 1958, pp 28-29. Remarquez que Fosdick était
aussi membre de tous les bureaux philan-thropiques créés par John D. Rockefeller Jr, dont le Rockefeller
Institute for Medical Research, le General Education Bo- ard, l'lnternational Edu-cation Board, le Laura
Spelman Rockefeller Memorial, le China Me-dical Board et le Spel-man Fund of New York.
10- Arthur S. Link, Wil-son: The Road ta the White House, Princeton University Press, 1947, p 479 ;
Fosdick, "Personal Recollections", pp 29, 35, 39-41 ; et Raymond B. Fosdick, Chronicle of a Generation :
An Auto-biography, Harper & Brother Publishers 1958, pp 188-189, 195-196.
11- Fosdick, Chronicle of a Generation, pp 204, 211.
12- Wilson cité par Tho-mas J. Knock, To End AIl Wars: Woodrow Wilson and the Quest for a New World
Order, Princeton University Press, 1992, pp98, 112 ; Henry Kissinger, Diplomacy, Touchstone 1994, p 234.
13- Link, Wilson: The Road to the White House, p 24 ; et Wilson cité dans Ross A. Ken-nedy, "Woodrow
Wilson, World War I, and an American Conception of National Security", Di-plomatic History, Winter 2001,
p 23.
14. House cité par Char-les Seymour (ed), The Intimate Papers of Co. Lonel House, vol 1, Ernest Benn
Ltd, 1926, p 215.
15- Wilson cité par Knock, To End All Wars, p 112.
16- Link, Wilson : the Road to the White House, pp 524-525, 490, 403, 485 ; Wilson cité par Lester V.
Chandler, "Wilson's Monetary Re-form", Latham, Woodrow Wilson, p 126, et J. Law-rence Broz, "Origins of
The Federal Reserve System : International In-centives an the Do-mestic Free-Rider Pro-blem ", Harvard
Univer-sity, May 1998, pp 27-34.
17- Gene Smith, When The Cheering Stopped : The Last Years of Woodrow Wilson, Bantam Books,1964, pp
230-231.
18- Cité dans Fosdick, Chronicle of a genera-tion, pp 215-216, 224-225 227.
19- ibid, pp 215-216 ; Raymond B. Fosdick, John D. Rockfeller, Jr : A Portrait, Harper & Brothers
Publishers, 1956, pp 205-207.
20- Fosdick, John D. Rockfeller, Jr, 388-390 ; et John Ensor Harr et Peter J. Johnson, The Rockfeller
Century, Charles Scribner's Son's, 1988, pp 155-156.
21- Rockefeller cité dans Fosdick, John D. Rocke-feller Jr, pp 390-394 ; Harr & Johnson, The Rockefeller
Century, p 156 and "The Library Benefactor : John D. Ro-ckefeller Jr, at UNOG Library website http://
www.unog.ch
22- Rockefeller cité dans Fosdick, John D. Rocke-feller Jr, pp 397-398.
23- Peter Collier et David Horowitz, The Rockefel-ler : An American Dynas-ty, Holt Reinhart & Wins-ton,
1976, pp 486-487.
24. David Rockefeller, Me-moirs, Random House, 2002, p. 191. Il faut ici remarquer que, d'une façon
quelque peu impro-bable, ce qui déclencha le mo-ment de lucidité chez David fut le divorce de Nelson
avec sa première femme, Mary Toci-hunter Clark en 1961, et non sa course impitoyable vers le pou-voir
ou ses brimades envers ses frères pour le contrôle des fi-nances de la famille afin de fi-nancer ses
campagnes électorales. De plus, l'explication de David néglige le coût politique de ce divorce pour la
campagne de Nelson en 1964.
25. Stewart Alsop, Nixon & Rockefeller : A Double Por-trait, Doubleday, 1960, p. 80.
26. Comme Jonathan Vankin le fait remarquer : "s'il n'y avait eu cette paire de pistolets en-rayés, Nelson
Rockefeller aurait réalisé son rêve de devenir Pré-sident sans même gagner une seule voix ; voir Vakin,
Conspi- racies, Cover-ups and Crimes : From JFK to the CIA Terrorist Connection, Dell Pu-blishing, 1992,
p. 259.
27. Cité dans Cary Reich, The Life of Nelson A. Rockefeller : Worlds to Conquer 1908-1958, Doubleday,
New York, 1996, p. xvii.
28. Stephen Chapman, "Rocky as St Sebastian", The New Re-public, 10 février 1979, pp. 12-14 ; Robert
Fitch, "Nelson Roc-kefeller : An Anti-Obitaary", Monthly Review, juin 1979, p. 13.
29. Gary Allen, The Rockefeller File, 76 Press, 1976, p. 50.
30. Robert Welch, The Blue Book of the John Birch Society, Western Islands, 1961, p. 113.
31. Pour une revue mordante des offenses de Kissinger dont de possibles crimes de guerre, voir
Christopher Hitchens, The Trial of Henry Kissinger, Text Publi-shing, 2001.
32. Henry A. Kissinger, Nuclear Weapons and Foreign Policy, Council on Foreign Relations/Harper &
Brothers, 1957, pp. 219-221.
33. Joseph Persico, The Imperial Rockefeller : A Biography of Nelson A. Rockefeller, Simon & Schuster,
1982, pp. 82.
34. Alsop, Nixon & Rockefeller : A DoublePortrait, pp. 88-89.
35. Peter Collier and David Horowitz, The Rockefellers : An American Dynasty, Holt Reinhart & Winston,
1976, pp. 230, 236-238.
36. George E. G. Catlin, The At-lantic Commonwealth, Penguin, 1969, p.49.
37. Blanche W. Cook, The De-classifled Eisenhoower : A Divi-ded legacy of Peace and Politi-cal Warfare,
Penguin Books, 1981, pp. 295-296.
38. Ferdinand Lundberg, The Rich and the Super-Rich : A Study in the power of Money Today, Lyle Stuard
Inc ; 1968, pp. 593-594.
39. Rockefeller Brothers Fund, Prospect for America : The Rockefeller Panel Reports, Double- day, 1961,
pp. 24, 26, 34, 35,188, 228 (emphasis added).
40. Peler Collier and David Horowitz, The Rockefellers, pp. 340, 344, Persico, The Imperial Rockefeller,
p.7l.
41. Emmet John Hughes, The Ordeal of Power: A Political Memoir of the Eisenhower Years, Atheneum,
1963, pp. 1021H (including speech quote) 218-221.
42. Jordan A. Schwarz, Liberal : Adolf A. Berle and the Vision of an American Era, The Free Press, 1987,
pp. 304-305, 311-312.
43. Nelson A. Rockefeller, Widening Boundaries of National lnterest, Foreign Affairs, July 1951, p 527.
44. Nelson A. Rockefeller, "Purpose and Policy", Foreign Affairs ; 1960, p. 383.
45. Nelson A. Rockefeller, The Future of Federalism: The God-kin Lectures at Harvard Univer-sity 1962,
Harvard University Press, 1962, pp.63-64.
46. ibid., pp.67, 64.
47. Nelson A. Rockefeller, " Po-licy and The People " Foreign Affairs, Janvier 1968, pp. 237- 238.
48. Rockefeller, The Future of Federalism, pp. 64-66.
49. Nelson A. Rockefeller, "The Unitel Nations : A Balance Sheet", Viral Speeches of the Day, 15 octobre
1968, pp. 18, 21, 20.
50. ibid., pp.19, 2l.
51. Nelson A. Rockefeller, Uni-ty, Freedom & Peace : A Blue-print for Tomorrow, Vintage, 1968, p. 133.
52. Rockefeller, The Future of Federalism, pp. 75-76.
53. Rockefeller, "Purpose and Policy", p. 383.
54. Nelson A. Rockefeller, "Our Foreign Policy : What is it ?", Vital Speeches of the Day, 15 avril 1964. p.
405.
55. Rockefeller, "Purpose and Policy", pp. 383, 386.
56. Rockefeller, The Future of Federalism, p.76
57. Rockefeller, Unity, Free-dom & Peace, p. 146
58. Rockefeller, The Future of Federalism, pp. 68-69.
59. Rockefeller, "Purpose and Policy", p. 384.
60. ibid., p. 386.
61. Nelson A. Rockefeller, "World Trade : The GAU Conference", Vital Speeches of the Day, 1er juin 1964,
p. 495.
62. Rockefeller, "Purpose and Policy", pp. 386- 387.
63. Rockefeller, The Future of Federalism, p. 82.
64. Rockefeller, "Policy and The People", p.240.
65. Rockefeller, "World Trade", p. 497.
66. Rockefeller, "Purpose and Policy", p. 390.
67. Nelson Rockefeller, Our Environment Can Be Saved, Dou-- bleday, 1970, pp. 152-153.
68. Le processus d'entérinement révéla alors que la fortune de Nelson A. Rockefeller s'élevait à 179
millions $ (un audit de l'ad-ministration réévalua plus tard la somme à 218 millions $), ce qui est
considérablement plus que ce qu'il avait laissé entendre ; mais Nelson n'était pas milliardaire, comme
c'était le cas des super--riches des années 70 comme John Getty ou Aristote Onassis. Voir Collier et
Horowitz, The Rocke-fellers, pp. 485-486.
69. Michael Turner, The Vice President As Policy Maker: Roc-kefeller in the Ford White House,
Greenwood Press, 1982, pp. xv, 158-163.
70. Cité par Persico, The Imperial Rockefeller, pp. 261-262.
71. Turner, The Vice President As Policy Maker, pp. 146-149.
72. "An Interview with the Presi-dent : "The Jury Is Out", Time, 3 janvier 1972, p. 9.
73. Voir, par exemple, du secrétai-re d'État Henry Kissinger, "Inter-national law, World Order, and Human
Progress", Departement of State Bulletin, 8 septembre 1975 ; Secretary Kissinger, "Building International
order", Department of State Bulletin, 13 octobre 1975 ; and Secretary Kissinger, " The Industrial
Democracies and the Future ", Department of State Bulletin, December 1975. Il est à noter que Kissinger
chan-gea rapidement de rhétorique une fois écarté du pouvoir. 74. Richard Ullman, "Trilatera-lism :
'Partnership' For what ?", Foreign Affairs, Octobre 1976, p. 11.
75. David Rockefeller, Memoirs, p. 337.
76. Time et New York Times cités dans Chapman, "Rocky as St Se-bastian", p. 12.
77. Henry Kissinger, "Nelson Rockefeller : In Memoriam" par Henry Kissinger dans : For The Record :
Selected Statements, 1977-1980, Weidenfeld & Ni-colson & Michael Joseph, 1981, p. 171.
Au sujet de l'auteur:
Will Banyan, licencié ès lettres, diplômé en sciences de l'infor-mation, est un auteur spécialisé en
économie politique de la mondialisation. Il a travaillé pour divers Etats et pour le gou-vernement fédéral
américain ainsi que pour plusieurs organi-sations internationales, comme plus récemment sur des
objectifs mondiaux pour une société pri-vée. Il travaille actuellement sur une histoire révisée du Nouvel
Ordre Mondial et peut être contacté à : [email protected] .
Traduction : David Dennery
Revue Nexus n°28