Etude et Modélisation de transistors bipolaires à hétérojonction

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Etude et Modélisation de transistors bipolaires à hétérojonction
Chapitre I
Du Transistor Bipolaire Si au Transistor Bipolaire à
Hétérojonction Si/SiGe
-4-
Chapitre I : Du transistor bipolaire Si au transistor bipolaire à hétérojonction Si/SiGe
1
Introduction
Ce chapitre a pour objet la présentation d'une des deux grandes familles de transistors :
le transistor bipolaire. Depuis sa première réalisation en 1947 par J. Bardeen et W. H. Brattain et le
développement théorique et physique de son fonctionnement par W. B. Shockley, le transistor
bipolaire à homojonction (BJT) a énormément évolué et présente aujourd'hui de très bonnes
performances : une transconductance élevée, la possibilité d'avoir de fortes densités de courants et un
bruit en 1/f minimisé grâce à une structure verticale réduisant les effets d'interface. Cette dernière
caractéristique permet aux composants de présenter de très faible niveaux de bruit en excès et par voie
de conséquence un faible bruit de phase pour les oscillateurs.
Cependant, les limitations fréquentielles du BJT [1] ont entraîné le développement de
transistors à hétérojonction (TBH) autorisé par de nombreux progrès technologiques. Suggérée par
Kroemer [2], l'introduction des hétérojonctions a permis une avancée considérable en terme de
fréquence de transition (fT) et de fréquence maximale d'oscillation (fMAX), mais également en terme de
gain et de facteur de bruit.
Les TBH utilisés pour les applications hyperfréquences sont réalisés soit sur substrat
d'Arséniure de Gallium, soit sur substrat de Phosphure d'Indium et plus récemment sur substrat
Silicium. Cette dernière technologie pour laquelle l'hétérojonction émetteur-base du composant est de
type Si/SiGe permet aujourd'hui de réaliser des transistors bipolaires ayant des fréquences fT et fMAX
largement supérieures à 100 GHz [3]. L'utilisation de ce type de transistor, notamment dans le
domaine des radiocommunications (900 MHz – 6 GHz), est en conséquence de plus en plus
privilégiée, d'autant plus que leurs performances en bruit basse fréquence et haute fréquence sont
sensiblement meilleures que celles de TBH III-V (ou IV-IV) et que le coût de la technologie SiGe est
la moins onéreuse du marché.
Dans ce travail, nous nous intéressons uniquement au transistor bipolaire sur substrat Silicium.
Nous examinons tout d'abord son fonctionnement d'un point de vue théorique et physique. Nous
abordons ensuite ses performances et ses limites justifiant ainsi l'utilisation de l'hétérojonction
Si/SiGe. Nous présentons l’impact de la couche SiGe sur les principaux facteurs de mérite du
dispositif. Enfin, nous terminons ce chapitre par une brève présentation des procédés de fabrication de
ces transistors, en particulier ceux qui vont nous intéresser tout au long de ce travail, c’est-à-dire les
TBH de la filière BICMOS6G 0.35µm de chez STMicroelectronics.
-5-
Chapitre I : Du transistor bipolaire Si au transistor bipolaire à hétérojonction Si/SiGe
2
Théorie du transistor bipolaire
Principe de fonctionnement [4, 5]
2.1
Le transistor bipolaire est un composant électronique vertical constitué de deux jonctions p-n
montées tête-bêche présentant une région commune. Il existe trois régions : un émetteur (E), une base
(B), un collecteur (C). Elles sont dopées respectivement n-p-n ou p-n-p. Dans le cadre de nos travaux,
nous nous sommes intéressés au transistor n-p-n, plus adapté aux applications micro-ondes en raison
d’une mobilité des porteurs minoritaires dans la base plus élevée.
ZCE
EB
E m etteur
ZCE
BC
B ase
C ollecteur
IC
IE
T ype n +
T ype p
T ype n
V EB
VCB
Figure I.1 : Représentation simplifiée 1 D du transistor bipolaire n-p-n
Dans tout ce travail, nous distinguons les tensions internes VB’E’ et VB’C’, appliquées au niveau
des jonctions, des tensions externes VBE et VBC appliquées aux électrodes de contact. Cette distinction
apparaîtra dans les expressions mathématiques des courants du transistor.
A l’équilibre thermodynamique (où aucune tension de polarisation n’est appliquée), aucun
courant ne circule à travers les deux jonctions. Pour modifier cet état, des tensions VBE et VBC doivent
être appliquées au transistor.
On distingue 4 régimes de fonctionnement dépendant de la polarisation des jonctions :
•
Le régime direct, appelé également le régime normal de fonctionnement. La jonction
émetteur-base (EB) est polarisée en direct (VBE > 0 V) et la jonction base-collecteur (BC)
est polarisée en inverse (VBC < 0 V) ;
•
Le régime saturé, pour lequel les deux jonctions sont polarisées en direct ;
•
Le régime bloqué, pour lequel les deux jonctions sont polarisées en inverse ;
•
Le régime inverse, pour lequel les jonctions EB et BC sont polarisées respectivement
en inverse et en direct.
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Chapitre I : Du transistor bipolaire Si au transistor bipolaire à hétérojonction Si/SiGe
Dans le cadre de nos travaux, nous nous sommes intéressés au régime normal de
fonctionnement et au régime inverse. En effet, l'étude du fonctionnement du transistor bipolaire dans
ces deux régimes est nécessaire à l'élaboration du modèle électrique pour la simulation de circuits.
Néanmoins, en raison du caractère similaire du fonctionnement du composant en direct et en inverse,
nous avons décrit dans ce chapitre uniquement le régime normal de fonctionnement (utilisé pour
mettre en évidence l'effet transistor). Nous avons représenté ci-dessous le diagramme de bande
classique d'un composant à l’équilibre thermodynamique et en régime de polarisation direct. Les
Energie
Energie
flèches représentent le sens de passage des électrons et des trous lors de la polarisation du transistor.
- e-
-- - -- - -
- - -- -E FB
-
-
-
- - - - - ---
EC
E FC
E FE
E FE
- -
E FB
-q V B E
+ +
+++ ++
EC
-q V C B
+ + ++
+ +
EG
E FC
t+
EV
+ + +
EV
E m etteur
B a se
C ollecteur
E m e tteu r
P ro fo n d e u r, x
B a se
C ollec te u r
P ro fo n d e u r, x
Figure I.2 : Diagramme de bandes d’un transistor bipolaire à l’équilibre (diagramme de gauche)
et en régime direct (diagramme de droite)
EFE, EFB, EFC représentent le niveau de Fermi respectivement dans l’émetteur, la base et le
collecteur.
Le principe de l'effet transistor consiste à moduler le courant inverse de la jonction BC
polarisée en inverse par une injection de porteurs minoritaires dans la base à partir de la jonction EB
polarisée dans le sens direct. En effet, l'application d'une tension VBE positive a pour effet d'abaisser la
hauteur de barrière de potentiel pour les électrons à la jonction EB. Le champ électrique régnant dans
la zone de charge d'espace (ZCE) diminue, favorisant ainsi la diffusion des électrons de l'émetteur de
type n (porteurs majoritaires) dans la base de type p (porteurs minoritaires). Le bon fonctionnement
d'un transistor nécessite alors que ces électrons injectés en excès dans la base atteignent la jonction
BC. Il est donc impératif pour éviter la recombinaison des porteurs que leur durée de vie (τn) dans la
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Chapitre I : Du transistor bipolaire Si au transistor bipolaire à hétérojonction Si/SiGe
région quasi-neutre de base soit sensiblement plus élevée que le temps de transit (τb), ou encore que
l'épaisseur de cette région soit très inférieure à la longueur de diffusion (Ln) des électrons.
Dans la mesure où la base est suffisamment étroite, une forte proportion d'électrons arrive à la
jonction BC polarisée en inverse. L'augmentation du champ électrique à cette jonction va happer les
porteurs. Ils rejoignent ainsi le collecteur de type n où ils retrouvent un statut de porteurs majoritaires
et font apparaître un courant IC au contact du collecteur.
Ceci est l’effet transistor : une faible variation de la tension VBE permet de commander un
courant important entre l’émetteur et le collecteur.
Dans les transistors bipolaires, le profil des dopages est souvent le même : l’émetteur est plus
dopé que la base, qui elle-même est plus dopée que le collecteur. Ce sont ces valeurs de dopage qui
influent fortement sur les grandeurs définies précédemment que sont la charge d’espace, le champ
électrique et la barrière de potentiel.
2.2
Le transistor bipolaire idéal
Nous qualifions d’idéal un transistor bipolaire ne présentant pas de défaut susceptible de
générer des courants « parasites » dans la structure. Il s’agit d’une idéalité technologique.
2.2.1
Les courants idéaux
Le courant de transfert ICT du transistor est le courant d’électrons traversant le transistor. Il
s’exprime sous la forme :
I CT = I nE − I nC
(I.1)
En régime direct, la composante InE correspond au courant d’électrons en excès injectés par
l’émetteur et InC correspond au courant inverse d’électrons de la jonction BC. Mais dans ce régime,
cette composante est négligeable.
En toute rigueur, pour exprimer le courant collecteur IC, il faut considérer le courant de trous à
la jonction BC IpC. Ce courant inverse est généralement négligeable.
L’expression du courant collecteur devient alors :
I C ≈ I CT
(I.2)
Le courant de base du transistor idéal s’exprime comme la somme des deux courants de
diffusion de trous : IpE pour la jonction EB et IpC pour la jonction BC.
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Chapitre I : Du transistor bipolaire Si au transistor bipolaire à hétérojonction Si/SiGe
2.2.2
Les gains en courant du transistor idéal
Le montage du transistor bipolaire le plus souvent utilisé est le montage émetteur commun
(émetteur à un potentiel fixe). Par définition, le gain en courant en direct βF est le rapport entre le
courant de sortie IC et le courant d’entrée IB du transistor idéal :
I
βF = C
IB
(I.3)
De la même manière, on définit le gain en courant en inverse βR comme le rapport entre le
courant de sortie IE et le courant d’entrée IB :
I
βR = E
IB
2.3
(I.4)
Le transistor bipolaire réel
En réalité, plusieurs phénomènes physiques font que le transistor ne constitue pas une source
de courant contrôlée idéale. Il peut exister des défauts qui, associés à des phénomènes de
génération-recombinaison, font apparaître des composantes de courant supplémentaires. Certains
phénomènes physiques liés à la modulation de la largeur de la base neutre (effet Early) modifient
également l’idéalité du composant. L’architecture elle-même du transistor, par l’introduction de
résistances séries, éloigne les courants du comportement idéal.
Dans le cas du transistor bipolaire réel, le gain en courant statique direct est noté β.
2.3.1
Bilan des courants circulant dans le transistor
La figure I.3 ci-dessous montre la distribution des courants. L’idéal serait que seuls les
électrons injectés de l’émetteur dans la base constituent le courant d’émetteur et que tous ces électrons
soient collectés au niveau du collecteur.
Emetteur
Base
InE
IE
Collecteur
B.InE
ILE
M.B.InE
(M-1).B.InE
ILC
InC
IpE
IC
INBR
IpC
IB
Figure I.3 : Courants dans un transistor bipolaire en régime direct
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Nous allons présenter les différentes composantes des courants du transistor :
Le courant d’émetteur IE est constitué de :
-
Un courant d’électrons InE injectés de l’émetteur dans la base (composante du transistor idéal :
courant de diffusion) ;
-
Un courant de trous IpE injectés de la base dans l’émetteur (composante du transistor idéal :
courant de diffusion) ;
-
Eventuellement, un courant de fuite à la jonction EB, ILE, dont les origines physiques peuvent
être variables. Il peut s’agir soit de génération-recombinaison dans la ZCE EB, soit d’un effet
tunnel assisté par défauts entre les bandes de conduction et de valence (nous y reviendrons
ultérieurement).
Ces courants sont de même signe et sortent de l’émetteur :
I E = I nE + I pE + I LE
(I.5)
Le courant de collecteur IC est constitué de :
-
La composante principale du courant collecteur correspondant à la collection des électrons issus
de l’émetteur après leur transport dans la base (BInE) et multiplication éventuelle dans la jonction
base-collecteur (M.B.InE) ;
-
Eventuellement, un courant de fuite de la jonction BC, ILC (dû à des défauts dans la ZCE basecollecteur) ;
-
Les composantes du courant inverse de la jonction BC (InC, IpC) qui correspondent au flux des
porteurs minoritaires à la jonction BC : elles sont généralement négligeables.
B représente le facteur de transport dans la base. Il est défini comme le rapport entre le courant
d'électrons sortant de la base et le courant d'électrons entrant dans la base.
I
B = nC
I nE
(I.6)
Le facteur de transport dans la base s’écrit en fonction des paramètres physiques et géométriques
du transistor :
B =1−
WB 2
2L n 2
(I.7)
WB est l’épaisseur de la base. Le transport dans la base est optimum (B très proche de 1) pour des
bases courtes (WB<<Ln).
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M est le facteur de multiplication des porteurs dans la jonction BC. Il est généralement associé à
un phénomène d’ionisation par impact dans la ZCE. Des tensions d'avalanches élevées permettent
d'obtenir un coefficient M proche de 1.
I
M= C
I nC
(I.8)
Finalement, le courant collecteur s’écrit :
I C = MBI nE − I LE − ( I nC + I pC )
(I.9)
Le courant de base IB est constitué de :
-
Un courant de trous IpE injectés de la base dans l’émetteur ;
-
Un courant de recombinaison en base neutre INBR = (1-B) InE fournissant les trous qui vont se
recombiner avec les électrons en excès circulant dans la base : ce courant est quasiment
inexistant dans les transistors à base fine silicium (B ≈1) ;
-
Un courant de fuite ILE ;
-
Un courant de trous (1-M)BInE correspondant à l’évacuation des trous lors de la création de
paires électron-trou par ionisation par impact dans la ZCE BC ;
-
Un courant de trous ILC représentant la fuite de la jonction BC du côté de la base ;
-
Le courant inverse de la jonction BC IpC.
I B = I pE + I NBR + I LE + I LC − (1 − M )BI nE + I nC + I pC
(I.10)
On retrouve bien la relation classique existant entre les trois courants du transistor :
IE = IB + IC
2.3.2
(I.11)
L'efficacité d'injection
Ce paramètre est fondamental dans l'étude du fonctionnement d'un transistor bipolaire car il
rend compte de l'injection des porteurs de l'émetteur dans la base. On définit l’efficacité d’injection de
la jonction EB comme étant le rapport entre le courant d’électrons injectés par l’émetteur dans la base
et le courant total d’émetteur :
I
I nE
γ = nE =
IE
I nE + I pE + I LE
(I.12)
En négligeant les recombinaisons (ILE) on peut déterminer l'efficacité d'injection maximale
comme suit :
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Chapitre I : Du transistor bipolaire Si au transistor bipolaire à hétérojonction Si/SiGe
γ max =
1+
1
I pE
(I.13)
I nE
Pour le transistor bipolaire à homojonction classique (BJT), on obtient le rapport des courants
IpE/InE par l'expression suivante :
I pE
I nE
=
N AB .WB .D pE
N DE .WE .D nB
(I.14)
avec : NAB le dopage de base, NDE le dopage d'émetteur, WE et WB les profondeurs d'émetteur
et de base et DpE et DnE les coefficients de diffusion des trous dans l'émetteur et des électrons dans la
base.
Pour avoir une bonne efficacité d’injection (γ très proche de 1), il faut donc dans le cas du BJT
surdoper l’émetteur par rapport à la base et minimiser l’épaisseur de cette dernière. Nous verrons
qu'une hétérojonction de type Si/SiGe est particulièrement adaptée pour l'obtention d'une forte
efficacité d'injection.
2.3.3
Gain statique en courant du transistor réel
2.3.3.a Gain statique en courant du montage base commune
Le gain en courant du montage base commune α est défini comme le rapport entre le courant
collecteur et le courant d’émetteur :
I
α= C =
IE
I C I nC I nE
⋅
⋅
= M⋅B⋅γ
I nC I nE I E
(I.15)
2.3.3.b Gain statique en courant du montage émetteur commun β
I
IC
α
β= C =
=
IB IE − IC 1 − α
(I.16)
Le gain β est d’autant plus grand que α est proche de 1 et donc que chacun des termes B, M et
γ sont proches de 1. β dépend donc bien des paramètres géométriques et physiques du transistor.
2.3.4
Les effets à faible polarisation
2.3.4.a Courant de recombinaison dans les zones de charge d’espace
On distingue les recombinaisons directes électron-trou et les recombinaisons assistées par
centres de recombinaisons. Le premier type correspond à la rencontre entre un électron et un trou qui
se recombinent. Le second fait intervenir des défauts qui peuvent être présents dans la ZCE en volume
comme en surface. Ces derniers piègent un électron (ou un trou) qui par attraction coulombienne
attirent un trou (ou un électron) provoquant la recombinaison des deux particules.
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Chapitre I : Du transistor bipolaire Si au transistor bipolaire à hétérojonction Si/SiGe
On distingue ainsi deux types de centres. Si le défaut qui a capturé un électron (ou un trou) a une
plus grande probabilité de capturer ensuite un trou (ou un électron) que de réémettre cet électron
(ou ce trou) vers la bande de conduction (ou vers la bande de valence), il capture le trou (ou l’électron)
et provoque la recombinaison de la paire électron-trou. On parle de centre de recombinaison ou centre
recombinant.
En revanche, si le défaut qui a capturé un électron (ou un trou) a une plus grande probabilité
de réémettre cet électron (ou ce trou) vers la bande de conduction (ou vers la bande de valence), on
parle de piège à électron (ou à trou).
Dans le cas du transistor bipolaire, on parle préférentiellement de centres recombinants. Le
courant de génération-recombinaison associé (appelé classiquement IGR) est régi par la théorie de
Schockley-Read-Hall [6]. Il varie en exp(VB'E'/nVT) avec un coefficient d’idéalité n égal à 2.
2.3.4.b Courant tunnel
Quand on polarise une jonction en direct avec de forts niveaux de dopage utilisés dans les
dispositifs actuels (environ 1020 atomes/cm3 pour l’émetteur), les électrons passent à travers la
jonction directement, c’est-à-dire sans passer par la hauteur de barrière. Cette traversée s’effectue des
états occupés de la bande de conduction de la région n (ici l’émetteur) vers les états vides de la bande
de valence de la région p (ici la base). Ces électrons, arrivant dans une région où ils sont minoritaires,
vont se recombiner. En polarisation directe, ce phénomène est souvent assisté par des défauts
présents dans la ZCE. En revanche en polarisation inverse, l’effet tunnel peut se réaliser bande à
bande ; les bandes de conduction et de valence entre les deux régions de la jonction sont alors
alignées.
Ce courant tunnel est fonction du champ maximum régnant dans la jonction. Il dépend donc
de la tension appliquée à cette dernière. Ce n’est pas un processus activé thermiquement [7].
2.3.5
L’effet Early [8]
L’effet Early en direct désigne un phénomène lié à la modulation de la largeur de la base
neutre par variation de la frontière de la ZCE BC lorsque la tension entre l’émetteur et le collecteur
VCE (et donc VCB) varie. La base neutre correspond à la base moins les extensions des ZCE dans la
base. La largeur de cette dernière diminue lorsque la jonction BC est de plus en plus polarisée en
inverse parce que la zone de déplétion s’élargit. La ZCE BC va s’élargir principalement du côté
collecteur, car moins dopée que la base.
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Chapitre I : Du transistor bipolaire Si au transistor bipolaire à hétérojonction Si/SiGe
IC
IB constant
VAF
VCE
Figure I.4 : Caractéristique de sortie d’un transistor bipolaire montrant
l’effet de la modulation de la largeur de base
Cet effet a une double conséquence :
- accroissement du courant collecteur car ce dernier est inversement proportionnel à la largeur
de la base ;
- réduction de la charge stockée dans la base et donc du temps de transit dans la base.
Cet effet est modélisé par une tension VAF positive (intersection sur l’axe des tensions des
caractéristiques de sortie extrapolées). Plus sa valeur sera élevée, moins cet effet se fera sentir.
VAF + VCE =
IC
⎛ δI C
⎜
⎜ δV
⎝ CE
⎞
⎟
⎟
⎠ VBE
≈ VAF
(I.17)
La valeur de cette tension sera réduite par l’utilisation d’un dopage collecteur élevé ou d’une
base fine. En effet, pour une même modulation de ZCE, la modulation de la largeur de base est
beaucoup plus importante pour une base fine que pour une base large.
De la même manière, on définit la tension d’Early en inverse VAR traduisant la modulation de
la base neutre avec la variation de la ZCE EB due à la polarisation VBE .
En général, cette tension VAR est faible car l’émetteur est bien plus dopé que la base.
2.3.6
Le perçage de la base
Lorsqu’une forte polarisation est appliquée au transistor, la région de déplétion relative à la
jonction BC pénètre la base si profondément qu’elle atteint l’émetteur avant que le claquage par
avalanche ne se produise. L’émetteur et le collecteur sont alors connectés par une unique région de
déplétion où règne un champ électrique élevé. Un important courant passe directement de l’émetteur
au collecteur. L’effet transistor est ainsi complètement supprimé. Une base fine et peu dopée favorise
- 14 -
Chapitre I : Du transistor bipolaire Si au transistor bipolaire à hétérojonction Si/SiGe
le perçage. Ce dernier devient alors le phénomène limitant la tension maximale applicable entre
l’émetteur et le collecteur.
2.3.7
Les limites de fonctionnement en tension : claquage des jonctions par
ionisation par impact
Le mécanisme d’ionisation par impact dans une jonction p-n limite les tensions maximales de
polarisation inverse qui peuvent être appliquées.
Ce mécanisme se traduit par une augmentation brutale du courant collecteur à partir d’une certaine
tension appliquée sur la jonction BC appelée tension de claquage BVCB0.
En fait, la tension inverse VBC va accroître le champ électrique qui règne dans la ZCE. Si ce
champ est suffisamment fort, les électrons traversant la ZCE acquièrent une énergie cinétique
suffisante pour pouvoir arracher un électron à un atome du réseau cristallin, créant ainsi une paire
électron-trou lors de la collision. On ionise par impact. Ceci va donc augmenter le nombre d’électrons
au collecteur. Le courant de base devient lui de plus en plus négatif.
Le facteur multiplicatif M, introduit dans le paragraphe 2.3.1, traduit cet accroissement du
courant collecteur.
2.3.8
Les effets à fort niveau de courant
2.3.8.a Effet Kirk [9]
Une forte injection d’électrons de l’émetteur dans la base entraîne une augmentation de la
densité de courant collecteur dépassant la valeur du dopage collecteur. Le champ électrique dans la
ZCE BC décroît. Or, c’est ce champ qui s’oppose à la diffusion des trous hors de la base. Le profil de
trous s’étend alors vers le collecteur créant une région quasi neutre, élargissant alors la base du
transistor. On parle souvent de « base push-out » ou plus couramment d’effet Kirk.
Cet élargissement de la base introduit une dégradation du gain en courant du transistor. Sa
fréquence de transition diminue également à cause d’un temps de transit dans la base augmenté.
Les profils des dopants doivent être optimisés pour minimiser cet effet.
2.3.8.b Effet Webster [10]
Lorsque la polarisation à la jonction EB est très élevée, la concentration d’électrons injectés de
l’émetteur dans la base devient supérieure au dopage de la base. Pour assurer la neutralité électrique
des charges dans la base, la concentration des trous augmente également. Tout se passe comme si le
dopage de base était augmenté. Dans un transistor bipolaire à homojonction, le courant collecteur varie
alors en exp(qVB’E’/2kT) au lieu de exp(qVB’E’/kT), ce qui entraîne une forte diminution du gain.
- 15 -
Chapitre I : Du transistor bipolaire Si au transistor bipolaire à hétérojonction Si/SiGe
Dans les TBH, l’effet Webster est négligeable à cause d’un dopage de la base relativement
élevé.
2.3.9
Les résistances d’accès
La structure planaire des transistors intégrés impose un éloignement des contacts
métallurgiques de base et de collecteur (pris en surface) avec la base et le collecteur internes (au plus
près de la zone active). Les courants de base et de collecteur doivent alors traverser des zones semiconductrices dopées présentant une certaine résistivité.
Ces résistances d’accès dégradent les performances du transistor, puisque les tensions
appliquées aux jonctions sont plus faibles que celles appliquées aux contacts du transistor.
Nous allons décrire brièvement ces différentes résistances d’accès et les représenter
schématiquement sur la figure I.15.
La résistance collecteur : elle est considérée comme la somme des résistances séries :
- de la portion non désertée de la couche épitaxiée du collecteur sous la zone active du
transistor RC1,
- de la couche enterrée RC2 ,
- du puits collecteur sous le contact du collecteur RC3.
La résistance de base RBB’ se compose de deux parties :
- la résistance de base extrinsèque RBext qui représente la résistance entre le contact de base et
le bord du dispositif intrinsèque ;
- la résistance de base intrinsèque RBi qui représente la résistance définie sous la fenêtre
d’émetteur.
La résistance d’émetteur consiste essentiellement en résistance de contact métal-semi-conducteur
qui est en général très faible car l’émetteur est une région fine et très dopée. Cette résistance
n’influence pas de façon significative les performances du transistor.
B ase
E m etteur
RE
C ollecteur
S ubstrat
R Bi
R B ext
R C3
R C1
R C2
Figure I.5 : Représentation schématique d’un transistor bipolaire avec les différentes résistances
associées
- 16 -
Chapitre I : Du transistor bipolaire Si au transistor bipolaire à hétérojonction Si/SiGe
2.4
Le fonctionnement dynamique du transistor bipolaire
Nous allons présenter dans ce paragraphe deux grandeurs révélatrices des performances
dynamiques du transistor bipolaire : la fréquence de transition et la fréquence maximale d’oscillation.
2.4.1
La fréquence de transition fT
Cette fréquence fT correspond à la fréquence pour laquelle le gain dynamique en courant H21
du transistor en configuration émetteur commun est égal à l’unité. L’évolution de ce gain en courant
en fonction de la fréquence est identique à celle d’un filtre passe-bas du 1er ordre, et fT est alors évalué
par une extrapolation de la pente à –20 dB par décade jusqu’à 0 dB.
Elle est reliée au temps de transit global τEC des porteurs entre les contacts émetteur et
collecteur par l’équation :
fT =
1
2πτ EC
(I.18)
où τEC traduit le temps nécessaire au transistor pour répondre à une variation de tension de
petite amplitude à ses bornes. Il est important de noter que plus ce temps est faible, plus la fréquence
de transition est élevée. Ceci est une qualité évidemment recherchée dans les dispositifs actuels.
τEC peut être décomposé de la manière suivante :
- Le temps de charge d’un circuit R-C parasite mettant en jeu les résistances séries émetteur RE et
collecteur RC avec la capacité CTC. Ce temps exprime le temps de réponse nécessaire pour que
les différences de potentiel appliquées entre les électrodes de contact du transistor parviennent
au dispositif intrinsèque ;
- Le temps de charge des capacités de jonction EB et BC par le courant de charge Ic ;
- Le temps de transit τF nécessaire pour évacuer les charges de porteurs libres vers l’électrode la
plus proche. Ce temps est fonction du mode de transport des porteurs libres. Il correspond à la
somme de plusieurs contributions :
τ F = τ E + τ EB + τ B + τ BC
(I.19)
Avec :
τE temps de transit de l’émetteur. Il est lié à la présence d’une charge de trous en excès
injectés depuis la base. Cette charge est modulée par transit des porteurs. Dans les
transistors actuels qui utilisent un émetteur fin et très dopé, τE est très faible.
τEB associé à la charge des porteurs minoritaires en excès dans la ZCE EB. Ce terme est
généralement faible par rapport aux autres temps.
- 17 -
Chapitre I : Du transistor bipolaire Si au transistor bipolaire à hétérojonction Si/SiGe
τB associé à la charge des porteurs minoritaires en excès dans la base. Il est appelé temps de
transit dans la base. Un ordre de grandeur de ce temps est donné par :
τB =
WB 2
ηD nB
(I.20)
où η est un coefficient qui rend compte du profil de dopant dans la base. Il vaut 2 pour une base
uniformément dopée. DnB est le coefficient de diffusion des électrons dans la base.
τBC temps de transit des porteurs dans la ZCE BC.
Le temps de transit global peut donc se calculer selon la relation :
τ EC = τ F +
kT
(C TE + C TC ) + (R E + R C )C TC
qI C
(I.21)
Le temps de transit dans la base est un facteur limitant dans l’amélioration des performances
en fréquence. Il est bien entendu fonction de la largeur de la base ; plus celle-ci est faible, plus le
temps de transit sera faible. Pour des polarisations élevées, le temps de transit dans la base augmente
avec l’élargissement de la base dû principalement à l’effet Kirk.
fT
E ffets des
capacités de
jonction
Effets de fortes
injections
IC
Figure I.6 : Variation de la fréquence de transition en fonction du courant collecteur
2.4.2
La fréquence maximale d’oscillation fMAX
Cette fréquence correspond à la fréquence pour laquelle le gain de Mason GMASON
(équation I.22) est égal à 1 [11].
G MASON =
1
⋅
2
S 21
−1
S12
2
⎛S ⎞
S
K ⋅ 21 − ℜ⎜⎜ 21 ⎟⎟
S12
⎝ S12 ⎠
- 18 -
(I.22)
Chapitre I : Du transistor bipolaire Si au transistor bipolaire à hétérojonction Si/SiGe
où le facteur de Rollet K ou facteur de stabilité du quadripôle s’écrit :
2
1 + S11 ⋅ S 22 − S12 ⋅ S 21 − S11
K=
2 ⋅ S12 ⋅ S 21
2
− S 22
2
(I.23)
La fréquence maximale d’oscillation s’extrait de la même manière que la fréquence de
transition, par une extrapolation de la pente à –20 dB par décade jusqu’à 0 dB.
fMAX est reliée à fT et à des paramètres intrinsèques du transistor par la relation suivante :
f max =
fT
8π ⋅ R BB' ⋅ C TC
(I.24)
où CTC représente la capacité de transition ou jonction BC et RBB’ la résistance de base.
Une amélioration de fMAX peut être effectuée en réduisant la capacité BC (CTC) et la résistance
de base (RBB’). Pour diminuer la résistance de base, on pourra doper davantage cette base, mais pas
trop afin de ne pas détériorer l’efficacité d’injection.
3
Les limites du transistor bipolaire tout silicium
Suivant l'application envisagée, il est évident que certains facteurs de mérite doivent être
optimisés au détriment d'autres facteurs. En effet, pour la réalisation de sources de courants ou dans le
cas de circuits logiques, le gain en courant ou la tension d'Early doivent être privilégiés. En revanche,
la conception de circuits RF nécessite l'optimisation du triplet gain - résistance de base - fréquence de
transition. Les contraintes engendrées par l'optimisation des paramètres technologiques tels que les
niveaux de dopages ou les dimensions sont clairement mises en évidences dans le tableau ci-joint.
- 19 -
Chapitre I : Du transistor bipolaire Si au transistor bipolaire à hétérojonction Si/SiGe
Amélioration
Paramètres
technologiques
Dégradation
Paramètres
technologiques
Amélioration
Paramètres
technologiques
Dégradation
Paramètres
technologiques
γ et/ou β
τEC
FT
RBB’
NDE ↑
Base fine
Base fine
Base fine
NDC ↑
NDC ↑
NAB ↑ nécessaire
pour compenser
une base fine
NAB ↑
Base fine
Fmax
VAF
NAB ↑ nécessaire
pour compenser
une base fine
NAB ↑
Base fine
Base fine
NDC ↑
Courant tunnel
Tensions de
claquage
Dopages ↑
Dopages ↑
Tableau I.1 : Compromis nécessaires à l’optimisation des performances du transistor
Nous avons vu précédemment qu’une bonne efficacité d’injection pouvait être obtenue en
surdopant la région d’émetteur et en choisissant une base courte. Or, si la base est trop fine, il y aura
une forte résistance d’accès amenant une dégradation de la fréquence maximale d’oscillation (malgré
l'augmentation de fT induite par la réduction du temps de transit global). Cet effet peut être atténué en
prenant une base très dopée. Cependant, si à la fois la base et l’émetteur sont fortement dopés, la ZCE
EB devient étroite et la capacité de jonction devient élevée, conduisant ainsi à une dégradation de la
fréquence de coupure du gain dynamique en courant. On peut alors augmenter le dopage du collecteur.
Cependant, l'augmentation des dopages va favoriser l'apparition de phénomènes indésirables tels que
les courants tunnels, les effets de fortes injections, ou l'abaissement des tensions de claquage.
Ces résultats montrent clairement les limites de la technologie à homojonction pour la
réalisation de composants micro-ondes.
Une solution pour contourner ce problème est d’utiliser dans la base un matériau à bande
interdite plus étroite. L’utilisation du germanium Ge a permis de réaliser le transistor bipolaire à
hétérojonction Si/SiGe (TBH SiGe).
4
Utilisation du Germanium Ge dans la base
Un des problèmes qui ont retardé le développement d’hétérojonction à base de silicium
concerne le fait qu’aucun matériau ne présente une maille cristalline compatible avec le silicium.
- 20 -
Chapitre I : Du transistor bipolaire Si au transistor bipolaire à hétérojonction Si/SiGe
Aujourd’hui, les progrès technologiques autorisent la croissance d’alliage de matériau de mailles
cristallines et de bandes interdites différentes. Cette juxtaposition de couches se dénomme le
« band gap engineering ». On peut citer quelques nouvelles techniques de croissance comme l’épitaxie
par jet moléculaire (MBE : Molecular Beam Epitaxy) [12], le dépôt chimique en phase vapeur à très
basse pression (VLPCVD : Very Low Pressure Chemical Vapor Deposition) ou en ultra vide
(UHV-CVD : Ultra High Vacuum CVD) combiné aux procédés thermiques rapides.
Le silicium et le germanium sont tous deux des matériaux de structure cristalline de type
« diamant ». Ils sont totalement miscibles, ce qui permet d’obtenir une large gamme de composition de
l’alliage Si1-xGex.
Dans le cas d’un TBH SiGe, l’émetteur et le collecteur sont en silicium et la base est en
silicium-germanium avec un profil en germanium abrupt (pourcentage de Ge constant dans la base) ou
graduel [13, 14].
Le schéma ci-dessous (figure I-7) montre le diagramme de bandes d’un transistor BJT Si et
d’un TBH SiGe (10% de Ge dans la base). Les profils de dopants sont identiques et aucune
Energie
polarisation n’est appliquée.
∆ E G S iG e
E
E
E
C
F
G
E
E m e tte u r
B ase
V
C o lle c te u r
P ro fo n d e u r, x
Figure I-7 : Diagramme de bandes d’un transistor BJT Si (pointillés)
et d’un TBH SiGe (10% de Ge dans la base) (traits pleins)
Du côté de l’émetteur, la position de la bande de conduction par rapport au niveau de Fermi
est la même dans le TBH SiGe et le BJT. Du côté de la base, c’est la position de la bande de valence
par rapport au niveau de Fermi qui est sensiblement la même. En revanche, la bande interdite est plus
faible dans le TBH SiGe. Les électrons diffusants voient donc une barrière de potentiel plus faible
dans le TBH SiGe. Par contre, la barrière pour les trous est la même. On obtient par conséquent une
amélioration du gain en courant [15], puisque l’efficacité d’injection de la jonction EB augmente, et
cela pour des niveaux identiques de dopage au BJT (équation I.25 [16]) .
- 21 -
Chapitre I : Du transistor bipolaire Si au transistor bipolaire à hétérojonction Si/SiGe
β∝
N DE
⎛ ∆E GSiGe ⎞
× exp⎜
⎟
N AB
⎝ kT ⎠
(I.25)
où ∆EGSiGe est la différence des bandes interdites du Silicium et de la base SiGe.
La réalisation d’un TBH SiGe permet une plus grande liberté dans le choix des dopages de la
base et de l’émetteur. Le dopage de base peut être augmenté. La résistance de base est alors améliorée
par une base plus fine permettant une augmentation de la fréquence maximale d’oscillation et des
performances en bruit. En outre, un dopage de base élevé réduit le perçage de la base et repousse
l’effet Kirk à des polarisations plus élevées.
Prinz a montré de façon théorique que la tension d’Early directe VAFSiGe n’est améliorée par
rapport à VAFSi que par l’intermédiaire de la variation du taux de germanium le long de la base [17], le
meilleur profil étant le profil triangulaire. La tension d’Early est néanmoins améliorée par un dopage
de base plus élevé que dans la cas du BJT.
Au niveau des temps de transit dans le transistor, Kroemer a montré qu’une base SiGe avec
un profil de germanium uniforme n’a aucun effet sur le temps de transit dans la base [18]. Cependant,
il peut diminuer, grâce à la réduction possible de l’épaisseur de la base WB. En outre, le profil graduel
le diminue directement. En effet, avec un profil de germanium triangulaire, une réduction du temps de
transit dans la base d’un facteur deux par rapport à celui d’une base Si classique est observée.
Dans le cas d’un dopage uniforme, le temps de transit dans l’émetteur τE est donné par :
n 2
1
⎛ qV ⎞
qA E WE i exp⎜ BE ⎟
N DE
2
⎝ kT ⎠
τE =
IC
(I.26)
où AE représente l’aire d’émetteur du transistor, ni est la concentration intrinsèque des porteurs.
Le courant de collecteur d’un TBH SiGe étant supérieur à celui d’un transistor bipolaire Si, le
temps de transit dans l’émetteur est inférieur pour un TBH SiGe.
Dans le cas d’un profil en germanium graduel (triangulaire ou trapézoïdal), l’efficacité
d’injection n’est que faiblement affectée. En revanche, le rétrécissement progressif du gap depuis la
jonction BE jusqu’à la jonction BC donne naissance à un champ accélérateur dans la base. On
améliore ainsi les performances fréquentielles du TBH en augmentant la vitesse des porteurs
traversant la base.
Le profil graduel idéal est de type trapézoïdal : un certain pourcentage de Ge à la jonction EB
augmente jusqu’à la jonction BC. On profite ainsi d’une meilleure efficacité d’injection et d’un
champ accélérateur [19, 20].
- 22 -
Pourcentage en
Ge (%)
Chapitre I : Du transistor bipolaire Si au transistor bipolaire à hétérojonction Si/SiGe
Triangulaire
Trapézoidale
U niform e
Em etteur
Base
C ollecteur
Profondeur
Figure I.8 : Profils de germanium dans la base
Finalement, le TBH SiGe offre trois avantages principaux par rapport aux BJT :
- Une réduction du temps de transit dans la base, d’où de meilleures performances en
fréquence. En effet, le dopage de la base peut être plus grand (environ 1019 atomes/cm3) et
la base moins large, la résistance de base sera alors minimisée et le temps de transit dans cette
dernière réduit ;
- Une augmentation de la densité de courant collecteur et du gain en courant ;
- Une augmentation de la tension d’Early directe à une fréquence de transition donnée. En
effet, elle augmente sensiblement avec le dopage de base.
5
Description de la filière des TBH SiGe étudiés
5.1
Introduction technologique
Les premiers TBH SiGe ont été fabriqués à partir de couches épitaxiées SiGe sur plaque
vierge et réalisés par MBE. Leurs réalisations [21] ont été développées dans les laboratoires de
recherche d’IBM. La gravure sélective (architecture « mesa ») était alors utilisée pour contacter les
différentes zones du transistor. Désormais, des techniques d’épitaxie CVD, plus adaptées à
l’intégration, sont souvent préférées en raison d’un débit plus important en terme de passage de
plaques.
Une grande variété d’architectures de TBH SiGe existe et chacune d’entre elles réalise des
compromis différents entre les performances en fréquence, la capacité à être intégré et la complexité
de fabrication.
- 23 -
Chapitre I : Du transistor bipolaire Si au transistor bipolaire à hétérojonction Si/SiGe
L’étape la plus importante dans la réalisation d’un TBH SiGe est l’intégration de la base SiGe.
En effet, elle doit répondre à certaines contraintes, de manière à assurer la qualité de la couche
épitaxiée et le bon fonctionnement du TBH en fin de process.
Nous allons nous limiter dans ce paragraphe à présenter brièvement les procédés de
fabrication de la filière BICMOS6G 0.35µm du fondeur STMicroelectronics.
5.2
Le TBH de la filière BICMOS6G 0.35µm : STMicroelectronics [22]
Cette filière est née d’une étude menée au CNET en collaboration avec STMicroelectronics.
Elle fait suite à la filière BICMOS5 0.5µm.
Les TBH de la filière BICMOS 6G ont été fabriqués dans un contexte d’intégration BICMOS (BIpolar
Complementary Metal Oxide Semiconductor) [19, 20]. La technique consiste à intégrer sur une même
puce des transistors bipolaires et MOS (NMOS et PMOS). La technologie BICMOS allie ainsi sur un
même circuit intégré d’une part des blocs logiques bénéficiant de la haute densité d’intégration et de la
faible consommation des circuits CMOS, et d’autre part des blocs radiofréquences bénéficiant de la
rapidité et du faible bruit des transistors bipolaires. Elle utilise des règles de dessin pour lesquelles la
largeur minimale de grille des transistors MOS est de 0.35µm.
Un profil graduel de germanium dans la base est utilisé dans cette technologie. Il établit un
champ accélérateur des électrons dans la base qui permet une diminution du temps de transit des
porteurs dans la base τB, et donc une amélioration de la fréquence de transition fT et du gain en courant
β. Le taux de germanium dans la base ne dépasse pas 15 %, afin de ne pas créer de trop fortes
contraintes entre les couches de base SiGe et Si.
Les principales clefs du procédé de fabrication de ces TBH sont résumées ci-dessous :
L’émetteur est en polysilicium pour obtenir (entre autres) un faible temps de transit
dans l’émetteur, une amélioration de l’efficacité d’injection et du gain ;
Une utilisation d’une architecture auto-alignée, minimisant les éléments tels que la
résistance de base et la capacité de la jonction BC ;
Une couche de SiGe capable de supporter un recuit de haute température pour assurer
une bonne compatibilité avec les CMOS ;
L’utilisation de LOCOS (LOCal Oxidation of Silicon) pour isoler les composants
entre eux ;
Une croissance non sélective de la couche SiGe effectuée par une technique
UHV/CVD.
La figure I.9 représente une vue en coupe d’un TBH SiGe de la filière BICMOS 6G .
- 24 -
Chapitre I : Du transistor bipolaire Si au transistor bipolaire à hétérojonction Si/SiGe
Figure I.9 : Vue en coupe d’un TBH SiGe en technologie BICMOS6G de STMicroelectronics
D’autres architectures de TBH SiGe sont commercialisées, voici quelques exemples :
- le TBH SiGe « abrupt » de Daimler-Benz et TEMIC : il utilise un profil de
germanium abrupt dans la base. Cette architecture vise plutôt des applications de
circuits faible bruit et fonctionnant à des fréquences très hautes en raison d’une
résistance de base très faible [23, 24].
- Le TBH SiGe, développé par NEC, basé sur l’épitaxie sélective. Ce procédé est
utilisé dans la fabrication de transistors utilisés pour des applications nécessitant un
temps de transit dans la base très court et une faible capacité de jonction BC [23].
5.3
Insertion d’une couche de carbone dans la base des TBH SiGe
Une des principales limitations de la technologie SiGe est la diffusion des dopants (Bore) de la
base vers le collecteur et l’émetteur durant un recuit [26]. Cette diffusion de Bore induit la formation
d’une hauteur de barrière parasite, provoquant de sévères dégradations dans les performances du
composant. De plus, plus la base est dopée, plus cette diffusion de Bore est importante. Il faut donc
chercher à bloquer cette diffusion pour pouvoir doper davantage la base. Ceci est possible en
introduisant une faible concentration de carbone dans la base.
Des études ont montré que l’introduction de carbone ne dégradait pas la qualité du cristal et
n’a pas d’effet ni sur les courants de fuite, ni sur le bruit basse fréquence des transistors [27]. En
revanche, elle permet d’obtenir de meilleures performances, aussi bien statiques que dynamiques. Des
études au centre STMicroelectronics de Crolles ont consisté en l’introduction d’une couche de carbone
dans la base d’un TBH SiGe de la filière BICMOS6G 0.35 µm [28]. Elles ont montré une amélioration
des performances statiques d’une part, au niveau du gain en courant β (environ 120 au lieu de 100) et
de la tension d’Early VAF (environ 40 V au lieu de 25V), et des paramètres dynamiques d’autre part,
au niveau de la fréquence de transition fT (environ 54 GHz au lieu de 46 GHz) et de la fréquence
- 25 -
Chapitre I : Du transistor bipolaire Si au transistor bipolaire à hétérojonction Si/SiGe
maximale d’oscillation fMAX (environ 67 GHz au lieu de 58 GHz). D’autres résultats ont donné une fT
de 75 GHz et une fMAX de 65 GHz [29].
Etant donné les bons résultats obtenus, l’introduction d’une couche de carbone dans une base
SiGe est toujours utilisée dans les technologies naissantes. STMicroelectronics utilise d’ailleurs ce
procédé dans sa nouvelle technologie BICMOS7 0.25µm.
6
Performances des différentes technologies de TBH SiGe
Le tableau I.2 présente les performances de quelques TBH SiGe de référence utilisant
différents procédés de fabrication propres aux fondeurs.
Gain en
Fondeur
courant β
fT (GHz)
fMAX (GHz)
Références
100
45
60
22
120
54
67
28
150
70
90
30
300
120
100
30
180
156
80
31
120
51
50
32
120
130
180
33
220
61
74
13
180
50
50
24
STMicroelectronics
BICMOS 6G
SiGe 0.35µm
STMicroelectronics
BICMOS 6G SiGeC
STMicroelectronics
BICMOS 7 0.25µm
STMicroelectronics
BICMOS 7 SiGeC
Daimler Chrysler
NEC
Hitachi
Siemens
TEMIC
Tableau I.2: Performances de quelques filières de TBH SiGe
- 26 -
Chapitre I : Du transistor bipolaire Si au transistor bipolaire à hétérojonction Si/SiGe
7
Conclusion
Dans ce premier chapitre, nous avons présenté le principe de fonctionnement du transistor
bipolaire à homojonction silicium. Nous avons mis en évidence les liens très étroits entre les
paramètres technologiques et les facteurs de mérite du transistor ainsi que la nécessité de réaliser lors
de leur fabrication des compromis dépendant de l’application souhaitée.
Les demandes grandissantes de transistors fonctionnant à des fréquences de plus en plus
élevées nécessitent des recherches sur de nouvelles technologies de composants plus adaptées.
L’utilisation de l’hétérojonction SiGe formant le TBH SiGe a permis de dépasser les limites
du transistor tout silicium. Un profil abrupt ou uniforme de germanium dans la base améliore
l’efficacité d’injection et autorise la réalisation d’une base fortement dopée et très fine, réduisant ainsi
le temps de transit dans la base. Un profil graduel génére un champ électrique accélérateur qui réduit
le temps de transit dans la base, mais ne permet pas d’obtenir une résistivité de la couche de base aussi
faible que dans le cas du profil abrupt.
Il est alors possible d’obtenir des composants très rapides (au delà de 100 GHz), avec de forts
gains en courant et des niveaux de bruit basse fréquence très faibles. Cette nouvelle technologie
présente également l’avantage d’être à très faible coût de production et surtout compatible avec la
technologie CMOS. Le TBH SiGe devient ainsi un sérieux concurrent des TBH en arséniure de
Gallium GaAs et est désormais en mesure de le supplanter dans des applications très faible bruit, telles
que la conception d’oscillateurs micro-ondes à très faible bruit de phase.
- 27 -
Chapitre I : Du transistor bipolaire Si au transistor bipolaire à hétérojonction Si/SiGe
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