Critique par Olivier Dumas
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Critique par Olivier Dumas
Critique par Olivier Dumas Crédit photo : Caroline Künzle Au moment de quitter la salle bondée du Théâtre Prospero, le contraste est saisissant entre la chaleur enveloppante du spectacle Là où j’habite et le nom de la compagnie, Des mots d’la dynamite. Toute en douceur et en subtilité, la production, conçue et tricotée pour les gamins de 18 mois à 5 ans, s’apprivoise et se regarde avec un grand bonheur. Parmi les œuvres très intéressantes destinées aux tout-petits qui ont envahi les scènes cette saison et ces dernières années, la plus récente création de la compagnie de Nathalie Derome se démarque par son exigence à exposer un univers riche et pluriel. Comme une poupée gigogne, l’histoire et la démarche artistique dévoilent, au fur et à mesure des 35 minutes de la représentation, des aspects nouveaux toujours bien amenés dans la progression de l’histoire. Les deux comédiens en scène, Nathalie Derome et Steeve Dumais, possèdent la sensibilité, la disponibilité et la curiosité nécessaires pour vivre et raconter la gamme des émotions qui habitent leurs personnages, en quête d’eux-mêmes et d’aventures palpitantes. Les thèmes abordés savent même rejoindre les spectateurs plus âgés. Nous faisons connaissance avec deux amis, un garçon et une fille dont les noms Téqui et Téoù explorent les possibilités sensorielles qu’affectionne une artiste multidisciplinaire comme Nathalie Derome. Les deux protagonistes apprendront l’importance de se définir comme individu par rapport au monde environnant, de se reconnaître un lieu d’appartenance et d’enracinement, autant intérieur qu’extérieur, en plus d’explorer les possibilités de la nature. Tout cet univers, comme un cocon réconfortant, se déploie avec beaucoup d’imagination et une approche minutieuse de ses concepteurs. Crédit photo : Caroline Künzle La facture visuelle réussit à rendre palpable et frémissante toute cette matière. À la fois sobre et imaginative, elle harmonise cette trame initiatrice et donne une cohérence à ces péripéties qui, autrement, pourraient sembler décousues. La scénographie sait charmer l’œil avec en arrière-scène, entre autres, un cercle qui symbolise les différents éléments mentionnés dans l’intrigue. Parmi les nombreux objets utilisés par les artistes, tels des magiciens de l’illusion, il y a notamment deux maisons qui recouvrent à certains moments leurs têtes, des chaussures en forme d’automobiles qu’ils portent à leurs pieds, des maisons miniatures, des projections et de toutes petites marionnettes. Les éclairages soignés accentuent cette sensation de convivialité, comme un proche qui nous chuchote un secret dans le creux de l’oreille. Dans ce genre de théâtre, la recherche et la conception musicale a, de mémoire de critique, rarement atteint la force exploratoire et la richesse évocatrice qu’elle possède ici, dans Là où j’habite. Pourtant, le lieu choisi par la Maison Théâtre ne permet pas à son public de prédilection d’apprécier le spectacle à sa pleine mesure. Quelques coussins ont été ajoutés sur l’aire de jeu pour rapprocher les enfants et leurs parents à quelques centimètres des interprètes. Mais la disposition et la grandeur de la salle principale du Prospero donnent une impression d’éloignement et de distance qui sert mal le propos, car la proposition demeure une expérience de proximité et de découverte, pour plusieurs, des arts de la scène. Lors d’une représentation un samedi matin, alors que la ville encore endormie est recouverte de neige et de pluie verglaçantes, de nombreux parents dans les gradins du Prospero ont retenu de force leur progéniture qui voulait rejoindre les artistes et toucher la multitude d’objets attrayants présents sur la scène. Cette image gardée en mémoire traduit parfaitement l’attrait et la pertinence de Là où j’habite. 25-12-2013 LA OU J’HABITE : EN TOUTE RICHESSE ET SIMPLICITE RAYMOND BERTIN / 22 DECEMBRE 2013 La richesse, de thèmes et d’imagination, ne manque pas à ce spectacle pour les tout-petits de 18 mois à 5 ans. Ce serait plutôt une abondance où chaque élément pourrait ouvrir une nouvelle porte sur un univers à développer. En toute simplicité, dans leur façon de communiquer avec leur public, les interprètes, Nathalie Derome et Steeve Dumais, deux artistes interdisciplinaires qui ont touché à toutes sortes de formes d’expression, créent cette intimité, aussi nécessaire à leur message qu’à la réception de celui-ci par les enfants. Or, la disposition du public en gradin, l’éloignement qui en résulte semble ici un facteur de distraction, voire un frein à la prise de la magie, à l’envol de l’imaginaire. Une plus petite jauge, les enfants rassemblés aux pieds des interprètes, permettrait à chacun d’apprécier ces maisons de bois miniatures, ces petits personnages de papier, ces mini-marionnettes et micro-projections qui font naître village, forêt, animaux, ville, corde à linge, ciel étoilé, toute la vie dans son infinité de possibilités. Les petits installés ainsi à l’avant ont dû bien vivre la sensation du cocon chaud créé à leur intention. Tandis qu’à distance, parvenait aux autres trop de mots, dans un langage ne semblant pas toujours à eux adressé, avec beaucoup de concepts, même simples, à assimiler. Les deux «amis», les deux complices Téqui et Téoù, dont les noms déjà très conceptuels font rire les enfants, explorent les idées de la peur la nuit, du corps ou de l’espace, maison, ville qu’on habite, de la relation à l’autre, aux autres, la famille, le village, de l’infiniment petit à l’infiniment grand, du creux de son lit, de sa chambre au ciel rempli d’étoiles. Les jeux d’éclairages, des lampes de poche manipulées par les interprètes aux lumières colorées, aux ombres qui créent des images visuelles fascinantes, sont particulièrement soignés. Les performeurs arrivent aussi, avec toutes sortes d’objets, des souliers-automobiles tous phares allumés aux boîtes à musique, à produire des sons et des musiques qui captivent l’attention. Cette rencontre intimiste à laquelle la petite enfance se voit conviée mérite le déplacement, pour sa richesse comme pour sa simplicité d’approche. On pourrait rêver, dans un monde plus imaginatif, de la voir adaptée pour en faire une série télévisuelle où chaque thème évoqué serait développé en une fable d’éveil pour ce public en devenir à qui l’on offre encore trop peu de propositions artistiques de qualité. En attendant, Là où j’habite a sans doute un bel avenir dans les petites salles près de chez vous… Là où j’habite. Texte et mise en scène: Nathalie Derome, Amélie Dumoulin et Steeve Dumais. Production de la compagnie Des mots d’la dynamite. Présenté par la Maison Théâtre dans la salle intime du Théâtre Prospero jusqu’au 23 décembre 2013.