allemagne zambie tunisie kosovo

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allemagne zambie tunisie kosovo
ZLesAMBIE
promesses d’un nouveau hub africain
Zambia: A new African hub on the Rising
Entretien avec S.E.M. Edgar Chagwa LUNGU,
Président de la République de Zambie
ALLEMAGNE
Une puissance verte
N°110 Deuxième trimestre 2015 / Second quarter 2015 - 19 €
TUNISIE
« Un rempart contre le terrorisme »
Tunisia: « A bastion against terrorism »
KOSOVO
« Nous sommes prêts à rejoindre la famille UNESCO » /
Kosovo: « We are ready to be part of UNESCO’s family »
n°
110
Témoignage
La Lettre Diplomatique : Madame l’Ambassadeur, le Népal a été dévasté par deux
séismes de forte magnitude, le 25 avril
et le 12 mai 2015. Pourriez-vous dresser
un état des lieux de la situation de votre
pays, tant au plan humanitaire que des
infrastructures ?
S.E.Mme Ambika Devi Luintel : Tout
d’abord, je tiens à vous remercier
pour cet entretien. Comme vous le
savez, le Népal traverse une période
particulièrement douloureuse. Notre
pays a été dévasté par deux séismes
successifs : le 25 avril 2015, un tremblement de terre de magnitude 7,6
sur l’échelle de Richter a entrainé la
mort de plus de 8 000 personnes et
de très nombreux blessés. Plusieurs
répliques importantes, de magnitude
supérieure à 5, ont été ressenties
dans les jours qui ont suivi, dont
cert aines de grande envergure
dépassant une magnitude de 7,
le 12 mai 2015, aggravant encore
davantage le nombre de victimes
et les dommages matériels.
Il s’agit du deuxième tremblement
de terre d’une telle ampleur qu’ait
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connu le Népal au cours de son histoire
contemporaine. Le premier, qui s’était
produit le 15 janvier 1934, avait même
été encore plus dévastateur. Mais, il y a
une différence avec la tragédie actuelle.
Les récents séismes ont anéanti tous
les progrès que nous avions accomplis
en matière d’infrastructures et, plus
généralement, de développement
économique. Nous étions même en
train de passer du statut de pays les
moins développés (PMD) à celui de
pays en développement. Et, bien sûr,
de nombreuses vies ont été emportées. Au total, 31 districts sur les 75
que compte le pays ont été touchés,
dont 14 ont été déclarés sinistrés et
17 légèrement affectés.
L.L.D. : Lors des premières opérations de
secours et de sauvetage, le déploiement
des moyens dans les régions les plus
isolées représentait l’un des principaux
défis. Comment la situation a-t-elle évolué ?
S.E.Mme A.D.L. : Heureusement, d’importants efforts ont été déployés rapidement après le drame pour atteindre
les villages les plus isolés. Dans les
premiers temps, tous les efforts ont
été concentrés dans les opérations
de secours et de sauvetage. Tous les
moyens du gouvernement ont alors
été mobilisés, y compris l’ensemble
des fonctionnaires jusqu’au plus haut
niveau de l’État, au sein des ministères
ou des institutions publiques. Ils ont
tous œuvré, jour et nuit, au détriment
de leur propre vie et de leur propre
famille, dont certains ignoraient même
quel en était le sort dans ces instants
cruciaux.
Je tiens aussi à exprimer notre
sincère reconnaissance à l’égard de
tous ces pays qui nous sont venus en
aide spontanément pour surmonter
cette épreuve.
Dans un deuxième temps, le
gouvernement népalais, avec l’aide
de toutes les bonnes volontés, s’est
attelé à poursuivre les opérations de
sauvetage en mobilisant aussi des
moyens pour nettoyer les décombres.
Cette tâche se poursuit encore à cette
heure, tant les dégâts sont immenses.
Parallèlement, le temps de la
reconstruction a commencé. Nous
devons surmonter coûte que coûte
© Asia Development Bank
recherche
d’une renaissance
À la
Entretien avec S.E.Mme Ambika DEVI LUINTEL,
Ambassadeur du Népal en France, Délégué permanent auprès du l'UNESCO
Pays enclavé de 26,5 millions d’habitants sur les flancs méridionaux de l’Himalaya, le Népal vit des temps douloureux depuis le séisme du 25 avril 2015 et ses
interminables répliques. Plus de 8 000 Népalais ont perdus leur vie et 22 000 ont
été blessés. On ne compte pas le nombre de villages, de maisons, de routes ou
de ponts anéantis. Pourtant, dans la douleur du drame, les Népalais ont décidé
de s’unir pour faire face et se construire un meilleur avenir. Ambassadeur du
Népal en France, S.E.Mme Ambika Devi Luintel, fait pour nous le point sur la
situation d’un pays au carrefour de son histoire, qui veut faire de cette tragédie
un nouveau départ.
Au pied des neiges éternelles de l'Himalya, une femme du village de Singla, au nord-ouest de
Katmandou, récupère ce qu'elle peut dans les ruines laissées par le séisme du 25 avril 2015.
ce désastre. Nous n’avons pas d’autre
choix.
L.L.D. : Près de deux mois après le premier
séisme meurtrier, les partis politiques
népalais ont signé, le 8 juin 2015, un
accord ouvrant la voie à l’élaboration
d’une nouvelle Constitution. Tenant compte
de l’impasse dans laquelle se trouvait le
Népal depuis la fin de la guerre civile
(1996-2006), dans quelle mesure cette
catastrophe naturelle a-t-elle pu avoir,
selon vous, un effet catalyseur sur l’unité
politique de votre pays ? À l’aune de cet
accord historique, comment définiriezvous les contours de la structure future
de l’État népalais ?
S.E.Mme A.D.L. : Comme vous l’avez
mentionné, lorsque le séisme du 25
avril 2015 s’est produit, les Népalais se
sont tous unis pour sauver les victimes
qui pouvaient l’être et commencer la
reconstruction. Cet état d’esprit a prévalu tant pour les équipes de secours
qui se sont constituées, que pour les
partis politiques. Pour répondre à votre
question, je dirais plutôt que cette
situation exceptionnelle a ouvert la voie
à l’élaboration d’une
nouvelle constitution.
Je pense également
que le peuple népalais
nourrit désormais plus
de confiance à l’égard
de la réussite de ce
processus. Nous travaillons tous intensément
dans cette perspective
et nous espérons
qu’elle interviendra
rapidement.
Les grandes lignes
de cette nouvelle constitution sont aujourd’hui
connues. La structure du futur État
népalais devrait ainsi être de nature
fédérale, même si toutes les modalités de fonctionnement ne sont pas
encore bien établies. Leur définition
fait aujourd’hui l’objet des travaux de
notre Assemblée constituante.
L.L.D. : Réunis à Katmandou le 25 juin 2015,
une soixantaine de pays se sont engagés
à contribuer à hauteur de 4,4 milliards de
dollars à la reconstruction du pays. Comment percevez-vous cette mobilisation ?
Quelles sont les priorités
du plan de reconstruction
et les grandes étapes de
son calendrier de mise
en œuvre ?
S.E.Mme A.D.L. : Dans
ce contexte difficile,
nous sommes heureux
que tant de pays aient
participé à la Conférence
des donateurs organisée
par le gouvernement
népalais le 25 juin
2015 pour permettre
à tous les pays qui le
désirent de nous aider. Au cours de la
Conférence, le Document-cadre des
besoins post-catastrophe naturelle
(Post Disaster Needs Assessment
Executive) a été présenté aux participants afin de mieux établir les besoins
et de mieux coordonner les différents
projets d’aide. Ce document englobe
différents domaines d’intervention :
poursuite des opérations de secours
dans les zones les plus isolées, soutien aux populations les plus défavorisées, développement économique,
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Témoignage
renforcement des secteurs d’activité
productifs comme l’énergie, l’agriculture
ou l’industrie.
Nous sommes également très reconnaissans à l’égard de la communauté
internationale qui a commencé à mettre
à notre disposition des fonds dès la
fin de la Conférence des donateurs.
Nous avons, dès lors, confiance en
la poursuite de cette dynamique qui
permettra de mener à bien la reconstruction de notre pays.
À l’heure actuelle, nous n’avons
pas encore établi de calendrier pour
la mise en œuvre de ce processus,
car le séisme et ses répliques sont
encore récents et la mise en place
d’un tel calendrier prend du temps.
Il est vrai que nous savions qu’une
catastrophe sismique pouvait se produire, mais pas d’une telle ampleur.
Nous n’avons ni l’expertise ni les
ressources suffisantes pour faire
face à ce type de situation. Nous
n’étions pas préparés à surmonter
seuls un tel défi.
La reconstruction, en elle-même,
prendra un certain temps, peut-être
trois ou cinq ans, mais cela reste
encore difficile à évaluer. Nous devons
apprendre de l’expérience d’autres pays
ayant traversé ce genre de situation,
mais il est certain que nous suivrons un
modèle déterminé en fonction de nos
propres besoins et de nos spécificités.
L.L.D. : Le processus de reconstruction
d’Haïti fait figure de contre-exemple
tant le pays peine encore à se relever
des conséquences du séisme de janvier
2010. Pour rassurer les bailleurs de fonds
internationaux, le Premier Ministre Sushil
Koirala a promis une « tolérance zéro
contre la corruption ». Quels dispositifs
sont prévus en ce sens ?
S.E.Mme A.D.L. : Même si l’on peut
nuancer votre propos, il est vrai que
nous ne souhaitons pas que le Népal
connaisse la situation difficile qu’a
subi Haïti. Pour élaborer notre modèle,
nous aspirons plutôt à nous appuyer
sur des exemples positifs de pays
asiatiques, comme l’Indonésie, dont le
programme de reconstruction constitue,
rétrospectivement, un véritable succès
compte tenu de la force du tsunami
qui l’avait frappé en 2004.
À l’heure actuelle, ce qui demeure
le plus important, c’est l’effort que
produit le gouvernement népalais pour
coordonner les différentes initiatives.
C’est d’ailleurs pour cette raison
qu’il a souhaité, pour le moment, ne
donner que des orientations pour la
mobilisation des ressources qui sont
mises à notre disposition par nos
partenaires et amis.
Comme vous le soulignez, notre
gouvernement a, en effet, pris un
engagement ferme : les fonds collectés
seront uniquement utilisés pour les
travaux de reconstruction. Pas un seul
penny ne sera utilisé dans le cadre de
nos dépenses publiques ou au bénéfice
de quiconque au sein de l’État.
Pour ce qui est de la lutte contre
la corruption, il existe plusieurs méca-
Les atouts du rebond économique népalais
25
© Asia Development Bank
avril 2015, un violent séisme s’abat sur le Népal. Les dégâts
sont colossaux, 500 000 maisons détruites et 270 000 partiellement détruites. La tragédie aurait déjà coûté 10 milliards de dollars et
le gouvernement népalais estime ses besoins à 6,7 milliards de dollars,
soit un tiers de ses richesses. Un coup dur pour le Népal dont le PIB par
habitant atteint 800 dollars et où la croissance économique a fortement
ralentie passant de 5,1% en 2014 à 3% prévus en 2015, soit une chute
de 1,5 point, selon la National Planning Commission du gouvernement
népalais.
Au-delà des opérations de soutien aux populations les plus fragilisées par le séisme, le gouvernement met tout en œuvre pour sortir le
pays de cette catastrophe. Il a été soutenu par une mobilisation internationale sans précédent lors de la Conférence des donateurs qui s’est
tenue le 25 juin 2015 à Katmandou : 41 pays ainsi que 22 institutions
internationales ont promis de contribuer à la reconstruction à hauteur
Avec quelque 6 000 cours d’eau, le Népal est le 2ème pays au monde en
matière de ressources hydriques intérieures. Alors que son potentiel
hydroélectrique est estimé à 83 000 MW, il ne produit actuellement que
1000 MW grâce à une vingtaine de centrales.
138 | La Lettre Diplomatique | n°110
de 4,4 milliards de dollars : moitié prêts, moitié dons. Le Premier Ministre népalais Sushil Koirala s’est engagé, quant à lui, à mener une
lutte active contre la corruption.
En dépit de cette situation difficile, le Népal ne dispose pas moins
d’atouts pour renouer avec sa dynamique de développement. Le séisme
a réinsufflé un esprit d’unité nationale : avec l’abolition de la monarchie
en 2008, la signature d’un accord entre les rebelles maoïstes et le gouvernement en 2006 mettant fin à la guerre civile, puis d’un accord le
8 juin 2015 pour la rédaction d’une constitution d’orientation fédérale,
le pays qui a vu naître Bouddha est en pleine transition démocratique.
Cette catastrophe naturelle a également mis l’accent sur le potentiel
stratégique du Népal. Situé sur les flancs du toit du monde, l’Himalaya,
il dispose de ressources en eau douce considérables. Pour rebondir, le
pays compte, en effet, s’appuyer sur un fort potentiel hydroélectrique
estimé à 83 000 MW, les études menées jusque-là faisant état d’une
capacité de faisabilité de 40 000 MW. Dans ce domaine, les autorités
népalaises ont d’ailleurs, d’ores et déjà, commencé à entrer en contact
avec des entreprises françaises, notamment du secteur de l’énergie
telles que EDF ou encore Tractebel. Un intérêt qui s’inscrit, plus largement, dans le cadre des différentes manifestations organisées en
France en soutien au Népal, comme la Conférence sur la reconstruction
et le développement économique du Népal, à Paris, le 7 juillet 2015,
par S.E.Mme Ambika Devi Luintel, Ambassadeur du Népal en France, et
Mme Brigitte Kuster, Maire du XVIIème arrondissement.
Le Népal peut également s’appuyer sur le tourisme, secteur phare de
son économie, comme source de devises étrangères. Avant le séisme,
le tourisme connaissait un développement remarquable : 800 000 visiteurs en 2013, 900 000 attendus en 2014, soit +12% d’augmentation
depuis 6 ans. Le trekking, l’himalayisme, le parapente, le rafting et,
bien entendu, la culture avec sept sites inscrits sur la Liste du Patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO, constituent ses points forts.
Représentant un secteur d’activités crucial pour la société népalaise,
qui emploie 1 million de salariés, le gouvernement du Népal a d’ailleurs
accéléré la réouverture de certains sites de Katmandou deux mois seulement après la catastrophe.
LC
S.E.Mme A.D.L. : Le Népal est, en effet,
un pays situé entre deux des grandes
puissances économiques émergentes
du XXIème siècle, l’Inde et la Chine. En
un sens, nous devons nous réjouir
d’occuper ce positionnement qui nous
prédispose à tirer parti des retombées
de leur croissance respective.
Il convient de souligner que nous
croyons aux relations d’amitié avec
nos deux grands voisins et, d’une
manière générale, avec tous les pays
du monde. À l’aune des séismes que
nous venons de subir, nous mesurons
encore davantage l’importance de
pouvoir compter sur des voisins aussi
importants. De par leur proximité avec
notre pays, ils ont été en mesure de
nous venir en aide très rapidement
après le drame.
Comme vous le savez, le Népal est
un membre fondateur de la SAARC.
Nous pensons qu’il existe un fort
potentiel de coopération au sein de
cette organisation et, plus largement,
au sein de la région. La SAARC y constitue un vecteur de paix, de progrès et
de prospérité. Ce sont des valeurs et
des objectifs que nous avons, nousmêmes, cherchés à renforcer lorsque
le Népal a assumé la présidence de la
SAARC en 2014. Je suis convaincue
que tous les pays membres œuvrent
conjointement dans cette perspective.
Il existe de nombreux domaines de
coopération dont l’approfondissement
peut nous être mutuellement bénéfique, comme le développement des
infrastructures d’énergie, en particulier
d’hydroélectricité, de transport routier
et de télécommunications.
L’intégration régionale de notre pays
s’inscrit bien entendu dans le cadre de
En dépit des nombreuses destructions subies par le Népal, et en particulier par sa capitale, Katmandou, la plupart des sites historiques et culturels népalais sont restés intacts. Ci-dessus, le village de
Lumbini, l’un des quatre lieux saints du bouddhisme pour avoir vu naître Siddhartha Gautama, devenu
par la suite Bouddha.
la SAARC. Mais cela ne l’empêche pas
de participer à d’autres initiatives complémentaires comme le projet de Ceinture
économique de la Route de la Soie auquel
notre gouvernement a choisi de prendre
part. Par ailleurs, je vous rappelle que la
Chine est également pays observateur
de la SAARC.
L.L.D. : À l’instar de l’hydroélectricité ou
de l’agriculture, quels sont les secteurs
d’avenir de l’économie népalaise ?
S.E.Mme A.D.L. : Notre pays dispose,
en effet, d’immenses atouts pour son
essor économique, mais qu’il reste à
concrétiser. Parmi les secteurs d’activités dont nous comptons soutenir le
développement figurent ainsi l’agriculture, le tourisme, les infrastructures
d’énergie et, bien entendu, depuis les
destructions provoquées par le séisme,
les réseaux de transports ou encore
les édifices d’habitation…
Toutefois, vous avez raison de mettre
l’accent sur l’hydroélectricité. Nous
disposons de capacités parmi les plus
prometteuses dans ce domaine, avec
un potentiel estimé à 80 000 MW, soit le
deuxième le plus élevé au monde. En terme
de faisabilité, cela correspond pour l’instant
à 36 000 MW. Nous devons, maintenant,
nous mettre à l’œuvre et matérialiser tous
ces atouts. En vue de la valorisation de
ce potentiel hydroélectrique, nous avons
mis en place un format de coopération
avec le secteur privé connu sous le nom
d’accord sur le développement énergétique
(Power Development Agreement— PDA)
prévoyant une concession de 30 à 35
ans. Dans ce cadre, nous avons signé
des accords commerciaux préférentiels
(PTA) avec l’Inde.
L.L.D. : Une grande partie du patrimoine
historique de Katmandou a été réduite en
ruine par le tremblement de terre du 25 avril
2015. Quelles initiatives sont envisagées
en vue de préserver le potentiel touristique
du pays ? Quel rôle peut jouer l’UNESCO,
auprès de laquelle vous êtes Ambassadeur,
Délégué permanent du Népal, notamment
en ce qui concerne les sites classés au
Patrimoine mondial de l’humanité ?
S.E.Mme A.D.L. : L’ampleur du séisme et
des répliques qui ont suivi a, en effet,
détruit des monuments d’une valeur
historique inestimable. Ils étaient
importants non seulement en raison
de leur intérêt touristique, mais aussi
en raison de leur valeur pour l’identité
© Ambassade du Népal
L.L.D. : Parmi les pays donateurs les plus
importants figurent l’Inde et la Chine. Quel
regard portez-vous sur leur implication
respective en faveur du Népal ? Alors que
votre pays a présidé en 2014 l’Association
sud-asiatique pour la Coopération régionale
(SAARC), quelles sont les orientations
privilégiées par Katmandou en matière
d’intégration régionale ? Comment
décririez-vous la participation du Népal
au projet de Ceinture économique de la
Route de la Soie promu par Pékin ?
© Asia Development Bank
nismes à différents niveaux de l’État :
départemental, gouvernemental, parlementaire ou encore judiciaire. Parmi
eux, la Commission for the Investigation
of Abuse of Authority (CIAA) constitue
un organe constitutionnel central. De
plus, le gouvernement compte bien
répondre aux demandes d’audit des
organismes habilités sur l’utilisation
des fonds de reconstruction.
Dédié à la déesse hindoue de la prospérité Siddha Laxmi, le temple Nyatapola a été
érigé au début du XVIIIème siècle, par le Roi
népalais Bhupatindra Malla à Bhaktapur, ville
classée sur la Liste du Patrimoine mondial de
l’UNESCO.
n°110 | La Lettre Diplomatique | 139
Témoignage
de notre pays et, tout simplement,
pour leur beauté.
Comte tenu de leur importance, notre
gouvernement a décidé de rouvrir dès
la mi-juin la plupart des sites classés
sur la Liste du Patrimoine mondial de
l’humanité.
Le gouvernement népalais a également
initié une concertation avec différents
partenaires en vue de la rénovation des
sites et des monuments affectés. Je
pense que, dans ce contexte, l’UNESCO
est appelée à jouer un rôle déterminant.
Il s’agissait d'ailleurs de l’un des sujets
à l’ordre du jour de la 39ème session
du Comité du Patrimoine mondial qui
s’est tenue à Bonn, en Allemagne, du
28 juin au 8 juillet 2015. Ce comité a
adopté une résolution
appelant la communauté internationale
à apporter des ressources financières et
techniques au Népal.
L'UNESCO peut ainsi
nous aider à mobiliser
les ressources des
partenaires internationaux.
Nous pouvons en
outre travailler en étroite coopération
avec l’UNESCO dans le domaine
scientifique. Cette agence des Nations
unies peut nous apporter son expertise de pointe dans le domaine de
l’archéologie, mais aussi en matière
d’analyse sismique et de prévention
des catastrophes naturelles. Très
récemment, une délégation d’experts
de l’UNESCO s’est rendue au Népal
et une autre doit y effectuer une visite
prochainement.
plan économique ? Fort de la présence
de l’Alliance Française à Katmandou,
quelles opportunités pouvez-vous identifier en faveur de l’intensification des
échanges humains et culturels entre
les deux pays ?
S.E.Mme A.D.L. : Nous cherchons, en
effet, à construire des relations plus
étroites entre le Népal et la France.
Bien que nos relations diplomatiques
aient été établies en 1949, les liens
entre nos deux cultures sont bien
plus anciens. Ceux-ci sont, j’en
suis convaincue, très importants
pour les deux pays, même si une
grande distance géographique nous
sépare. Nous partageons, en effet, de
nombreuses valeurs
communes, un même
attrait pour la culture,
et je dirais même pour
la diversité culturelle,
pour les arts, pour la
montagne.
La France a mobilisé
son soutien immédiatement après le
séisme. Nous sommes
sincèrement reconnaissants à l’égard de la solidarité
que nous ont manifestée les Français
et de l’aide qu’ils nous ont apportée.
Beaucoup d’entre eux l'ont fait à
titre individuel ou dans le cadre
d'associations. Cet élan de solidarité
s’inscrit dans le cadre de la passion
que nombre de vos compatriotes
nourrissent pour notre pays.
Fort de nos points communs, je
pense également que nous pouvons
œuvrer ensemble dans de nombreux
domaines et explorer des opportunités de coopération qui peuvent
être mutuellement bénéfiques
dans le cadre des priorités définies
par le gouvernement népalais. Ce
potentiel existait avant même le
séisme. L’expertise française peut,
en effet, contribuer à répondre à nos
95% de notre
patrimoine est
intact, à l’image
du site de
Lumbini, lieu
de naissance de
Bouddha
L.L.D. : Par l’envoi de secours et de
matériel ainsi que par son engagement financier, la France a manifesté
sa solidarité avec le Népal. Tenant
compte de la modestie des liens franconépalais, comment souhaiteriez-vous
les voir s’approfondir, notamment au
Biographie
N
besoins dans des secteurs très divers
comme l’agriculture, le tourisme, la
valorisation du patrimoine culturel,
la gestion des déchets ou encore
les technologies de l’information
et de la communication (TIC). Plus
que jamais, nous avons besoin de
cet apport de savoir-faire.
Nous travaillons dès lors à approfondir
notre dialogue avec les organismes
français, publics ou privés, comme le
MEDEF avec lequel nous avons déjà
tenu des réunions. Comme vous le
soulignez, l’Alliance Française joue
déjà un rôle très important au Népal,
ne serait-ce que pour faciliter la
connaissance mutuelle de nos cultures
respectives et les échanges d’idées.
Celle-ci apporte un réel souffle à nos
relations.
Enfin, je voudrais ajouter que, si le
Népal a traversé une réelle tragédie,
sa beauté reste entière. Même si nous
avons subi de nombreux dégâts, le
Népal unifié aspire à redoubler d’efforts
pour tout reconstruire. Les Népalais
demeurent plus que jamais un peuple
hospitalier. Et, plus que jamais, dans
ces circonstances, nous voulons que
les touristes continuent à visiter nos
merveilles. Ce n’est pas parce qu’un
monument a été détruit qu’il ne reste
plus rien à visiter dans notre pays.
Je dirais même que 95% de notre
patrimoine est intact, à l’image du
site de Lumbini, lieu de naissance de
Bouddha. Les montagnes du Népal
sont éternelles et continueront d’offrir
un cadre idéal pour le tourisme d’aventure qu’aiment tant les Européens en
particulier.
De plus, le Népal reste un pays
sûr pour le tourisme, autant qu’il
l’était auparavant. Avec les avancées
politiques que nous avons accomplies
en une décennie, il est aujourd’hui
un pays de liberté d’expression,
une société ouverte fondée sur un
système pleinement démocratique
et multipartite.
S.E.Mme Ambika DEVI LUINTEL
éeàKatmandou(Népal),
S.E.Mme Ambika Devi
Luintel est titulaire
d’une maîtrise en Economie
de l’Université Poona en 1983.
Elle suit plusieurs formations au
cours de sa carrière, à Genève,
à l’Université d’Oxford et au
Centre NESA de Washington,
entre 1988 et 2003. Elle entre
au Minis t ère des af f aires
étrangères en 1986, en qualité
de Rédactrice à la Direction de
l’Asie du Sud-Est et du Pacifique,
jusqu’en 1988. Elle exerce les
responsabilités de Deuxième
Secrétaire et Premier Secrétaire à l’Ambassade du Népal
en Belgique et à la Mission
du Népal auprès de l’Union
européenne, de 1993 à 1997.
Elle est promue Sous-Secrétaire, en 2002. Elle assume les
responsabilités de Conseiller
et Ministre Conseiller, Chef de
mission adjoint à l’Ambassade
140 | La Lettre Diplomatique | n°110
du Népal en Belgique et à la
Mission du Népal auprès de
l’Union européenne, de 2004
à 2 0 0 8. Elle y es t Chargée
d’affaires a.i. de 2006 à 2007.
De retour au Ministère, elle
dirige la Division de l’Europe
et de l’Amérique jusqu’en 2011.
Elle occupe le poste de Ministre
Conseiller/ Chef de mission
adjoint à l’Ambassade du Népal
en Grande-Bretagne, de 2011 à
2012. De retour au Ministère,
elle est nommée Directrice
générale associée et dirige la
Division de l’Asie du Nord-Est
et de l’Asie du Sud-Est. Nommée
Ambassadeur du Népal en France,
S.E.Mme Ambika Devi Luintel a
présenté ses lettres de créances
le 29 janvier 2015. Elle est également Délégué permanent auprès
de l’UNESCO et a présenté ses
lettres de créance à Mme Irina
Bokova, Directrice Générale de
l’UNESCO le 11 février 2015.

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