le cinema comme moyen de resistance

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le cinema comme moyen de resistance
LE CINEMA COMME MOYEN DE RESISTANCE
Programmation
Grâce à Henri Langlois
DAS STAHLTIER
Lors du démarrage, le sol tournoie, d’abord lentement, puis de plus en plus vite. Le monde tient bon.
Martin Loiperdinger, « L’Histoire de l’Animal d’acier », in Cinémathèque n°5, Printemps 1994
Henri Langlois est l’un des premiers programmateurs à faire redécouvrir les films réalisés sous le
Troisième Reich, même s’il s’oppose avec vigueur à la projection de certains films, dont
l’antisémitisme est par trop virulent (tel Le juif Süss). Dans la nouvelle salle de projection de la rue
d’Ulm, inaugurée le 1er décembre 1955, il monte une rétrospective dédiée au cinéma allemand
intitulée sobrement « Images du cinéma allemand 1896-1956 ». Du 9 février au 23 mars 1956, les
spectateurs redécouvrent des succès et des classiques de cette production, mais également des titres
oubliés tel Das Stahltier de Willy Zielke, film censuré par les autorités nazis, dont la Cinémathèque
française conserve une copie, grâce à un prêt de Leni Riefenstahl.
Das Stahltier, œuvre de commande sur le centième anniversaire du chemin de fer allemand, fut
peut-être le film le plus singulier tourné sous le Troisième Reich. Son esthétique hybride fait coexister
une reconstitution en costumes de l’épopée folle des pionniers du rail ; une trame documentaire
composée de portraits de cheminots filmés dans leur labeur quotidien, hors de toute héroïsation
politique1 ; et une expérience purement plastique, directement inspirée de la Neue Sachlichkeit
(Nouvelle Objectivité). Qualifié de « fanatique de l’image » dans une interview donnée à Der Film,
Zielke affirme son désir de s’émanciper du style des documentaires pédagogiques pour tourner un
« film absolu2 ». Photographe de formation, il jouit de libertés artistiques étendues et livre des
expérimentations visuelles particulièrement innovantes et maitrisées, fortes de compositions
géométriques dynamiques, avec diagonales et lignes brisées, attentives aux propriétés lumineuses
du verre et de l’acier. Les mélodies syncopées de Peter Kreuder accentuent le rythme effréné de ce
poème moderniste. Das Stahltier est ainsi une preuve surprenante de l’existence de films d’avantgarde contemporains du national-socialisme.
Néanmoins, enlisé dans les dédales bureaucratiques, le film est censuré par l’administration centrale
de la Reichsbahn puis par la commission de contrôle de Berlin. Interdit en juillet 1935 il ne sortira,
largement amputé, qu’en 1954. Les raisons exactes de cette censure ne nous sont pas parvenues,
mais la teneur esthétique du film, faisant peu de cas du contexte politique et publicitaire de sa
production, aura sans doute joué un rôle déterminant.
À propos de Das Stahltier, Henri Langlois écrivait :
Le régime n’y tient plus, il ne veut plus s’intéresser qu’à l’ordre. Cet ordre et cette
organisation qui, appliqués à la profession cinématographique, la livrent à l’obscurantisme,
au matérialisme et à l’abrutissement. Plus on avance dans le régime, plus les films deviennent
mauvais. Que restera t-il de tout cela dans l’avenir ? Bien peu de chose. Un film : L’animal
d’acier de Zielke, l’affaire Lola Montès3 hitlérien et qui fut d’ailleurs interdit.
1
Les acteurs, des cheminots filmés sur leur lieu de travail, vaquaient à leurs occupations quotidiennes.
Cette expression consignée dans le plan de travail du cinéaste se réfère aux célèbres projections organisées par la UFA en
1925 où furent présentés des films d’avant-garde internationaux.
3
Langlois se réfère ici à la sortie récente du film de Max Ophuls (paru sur les écrans en décembre 1956), conspué par le
public (une salle fait appel à Police-Secours), mais défendu par des cinéastes (Jean Cocteau, Roberto Rossellini, Jacques
Becker, Jacques Tati), des critiques, des écrivains, et aussitôt devenu un « film maudit ». De même, le film de Zielke, fut
salué par ses pairs lors de la projection privée qui précéda son interdiction.
2
LE CINEMA COMME MOYEN DE RESISTANCE
Programmation
Grâce à Henri Langlois
Das Stahltier
Allemagne, 1935 – 74 minutes
Réalisation et scénario : Willy Otto Zielke
Société de production : Deutsche Reichsbahn
Photographie : Willy Otto Zielke et Hubs Flöter
Musique : Peter Kreuder
Interprétation : Aribert Mog, les ouvriers de l’atelier de réparation de Munich-Freimann
Dans une ville en Allemagne, une usine tourne à plein régime. L'ingénieur Klaassen part à la
rencontre de l'équipe de triage et leur raconte l'histoire, parfois tragique, des inventeurs du chemin
de fer.
Une copie est déposée dans les collections de la Cinémathèque française à la fin des années 40. En
1993, le film a été sauvegardé à partir de cette copie d’origine et une copie de présentation a été
tirée.