FONDATION PIERRE GIANADDA argu Sam Safran 50 ans de

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FONDATION PIERRE GIANADDA argu Sam Safran 50 ans de
SAM SZAFRAN
50 ans de peinture
du 7 décembre 2012 au 16 juin 2013
tous les jours de 10 heures à 18 heures
Szafran, un patronyme dont la consonance fleure bon la couleur, la couleur que l’artiste
décline avec constance et obsession dans l’alignement de ses bâtons de pastel. Une grande
joie pour le public de retrouver après plus de dix ans les œuvres de Sam Szafran à la
Fondation Pierre Gianadda. Il avait apprécié ses « Ateliers » aux encombrements presque
surréalistes, ses « Escaliers » qui se jouent de la perspective et vous entraînent dans un
vertige, ses cascades de verdure avec la présence furtive d’une femme, bref, les thèmes
récurrents de Sam Szafran vont revenir nous interpeller sur nos cimaises entraînant le visiteur
dans ses errances, dans son univers chancelant et dans l’exubérance de ses « Philodendrons ».
Szafran est aussi devenu éponyme d’un pavillon qui jouxte la Fondation avec une salle de
projection pour les conférences concernant les expositions en cours. Sur les deux façades
extérieures de cette bâtisse, Szafran a signé deux céramiques monumentales, où l’on retrouve
ses archétypes : l’escalier avec son appel du vide, et la ligne serpentine qui exprime le
feuillage. Sam Szafran c’est aussi une grande amitié avec Annette et Léonard Gianadda à qui
il a offert pour la Fondation un trésor de photographies signées Cartier-Bresson.
Famille décimée, enfance déracinée, quelques repères biographiques d’un cabossé de la vie
Né à Paris le 19 novembre 1934, de parents juifs émigrés de Pologne, Sam Szafran grandit au
coeur des Halles. Son père meurt dès le début de la guerre et l’enfant se voit confier à un
oncle sévère. La tendresse, il la trouvera auprès de ses grands-parents. Il fréquente la
synagogue de Guimard avec son grand-père. Caché dans le Loiret, chez des paysans qui le
maltraitent, il trouve refuge chez des républicains espagnols. Miraculé de la rafle du Vel’d’hiv
en 1944, il est déclaré pupille de la nation en 1945. La Croix-Rouge l’envoie en Suisse près
de Winterthur dans une famille d’accueil pendant deux étés. L’artiste confie que « ce furent
les seuls moment heureux de mon adolescence ». Il apprend à nager, à dessiner, et le futur
graphiste Jean Widmer le remarque.
En 1947, avec sa mère et sa sœur, ils embarquent depuis Marseille jusqu’à Melbourne
rejoindre un oncle maternel émigré depuis 1937. Après trois mois d’école pour apprendre
l’anglais, il pratique plusieurs métiers : magasinier, commis chez un charcutier, larbin d’un
journaliste sportif … Là déjà, il s’intéresse aux images et profite de la bibliothèque du musée
de Victoria pour découvrir des livres sur la peinture anglaise : Hogarth, Reynolds, Turner etc.
Période de grande détresse morale où il attend avec impatience de rentrer en France en 1951.
A Paris, il survit en acceptant de petits boulots, dont traducteur interprète à l’American
express. Il s’inscrit au cours du soir de dessin de la ville de Paris. Dès lors, l’art se présente
au jeune peintre comme un salut, pour éviter les dérives ! En 1953, il peut suivre
l’enseignement de la Grande Chaumière où pendant quatre ans il dessine avec passion, animé
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par une inlassable curiosité avec le regard indemne de l’autodidacte. Son atelier : le métro, les
escaliers, les caves, les passants du Palais de Justice, un crayon à la main, il scrute, trace,
s’essaie dans la perspective. Il fréquente divers groupes à Montparnasse, puis dans le quartier
Saint-Germain. Epoque où il découvre le jazz aux Trois Maillets. Rencontre importante avec
Roseline Granet en 1954, acquéreur de ses premières œuvres et son seul soutien pendant
longtemps. Il fait la connaissance d’Alberto et Diego Giacometti, puis également d’Yves
Klein, de Tinguely et de Riopelle. En 1960, Szafran reçoit une boîte de pastels, une
révélation ! Il abandonne la peinture à l’huile, adopte ce médium, point de départ d’une
technique un peu oubliée. Il épouse en 1963 Lilette Keller, originaire de Moutier dans le Jura
suisse, leur fils Sébastien naît un an plus tard. Après quelque dix ans de galère, la situation
de l’artiste s’améliore. Jacques Kerchache qu’il rencontre en 1965 lui offre sa première
exposition personnelle. Le poète libanais Fouad El-Etr devient un proche ami de Sam. Il crée
la revue La Délirante en 1967 à laquelle le peintre collabore activement à partir de 1983. Une
rencontre importante témoin d’une profonde amitié : Henri Cartier-Bresson qui prend des
cours de dessin avec Sam. Pendant quelque vingt ans, Szafran ne possède pas de véritable
atelier, il hante des lieux lugubres et inadaptés, jusqu’à ce qu’il repère une ancienne fonderie à
Malakoff en 1974, dans laquelle il vit et travaille encore aujourd’hui.
L’artisan de la renaissance du pastel
La découverte du pastel est pour Szafran une véritable révélation. Il abandonne les pinceaux
pour exploiter ce nouveau mode d’expression auquel il se voue totalement pendant une
décennie. Il maîtrise la technique du pastel avec un rare talent sachant exploiter à merveille le
plus grand nuancier de l’histoire de l’art qu’est le pastel avec sa gamme de 1600 tons !
Léonard de Vinci dans un texte dénomme le pastel comme « le mode de colorier à sec » et son
étymologie indiquerait une origine italienne : pasta, pâte. Un artiste français, Jean Perréal,
venu à Milan en 1499 avec Louis XII, aurait révélé à Léonard de Vinci la technique du
pastel. Utilisé au XVIe siècle surtout pour des légers rehauts, son emploi se généralise au
XVIIe et au XVIIIe s. siècle pour les portraits. Au XIXe s., en France si le pastel s’utilise
surtout pour les portraits (Manet, Toulouse-Lautrec, Degas) il intervient également pour la
traduction des paysages (Delacroix, Millet). Il se révèle aussi parfait pour traduire les
impressions fugitives de l’impressionnisme (Boudin, Monet, Renoir) et surtout Degas pour
qui le pastel devient sa technique préférée. Au XXe son emploi reste un moyen très en faveur
et l’on pense à des artistes tels que Delaunay, Balthus, Matta, Atlan. Mais, c’est bien Szafran
qui devient le maître de cette technique et l’artisan principal de sa renaissance. Il reconnaît la
qualité exceptionnelle des pastels fabriqués par les sœurs Roché, rue Rambuteau, et elles
deviennent ses fournisseurs attitrés à partir de 1963.
Chou, Atelier, Imprimerie, Escalier, Feuillage, ou la récurrence d’une thématique
Au départ, Sam Szafran s’essaie dans l’abstraction influencé par Nicolas de Staël et JeanPaul Riopelle. La matière insolite et dense de Dubuffet l’intéresse aussi pour un temps. Pas à
l’aise dans cette expression, il se tourne vers la figuration et connaît une période de grande
misère jusqu’en 1965. Ses premiers pastels vers 1960 sont des « Choux » qui lui rappellent la
cuisine du pays de son enfance, ses racines polonaises. Ce légume devient le prétexte de
dégradés subtils, une métamorphose continue, une véritable activité organique.
Dès la fin du XIXe s. l’Atelier devient un lieu de création personnelle, on s’éloigne de
l’Atelier du maître du XVIIe s. avec un foisonnement d’élèves et d’apprentis, chez Matisse et
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Picasso l’Atelier prend forme du peintre et son modèle. Les « Ateliers » de Szafran relèvent
d’une grande théâtralité, meubles, tréteaux, cadres, s’enchevêtrent dans un intense désordre.
Ils ont un goût d’Apocalypse, l’espace est bousculé, les encombrements surréalistes changent
la perspective. Certains Ateliers semblent le lieu d’un drame passionnel auquel Szafran
répond par ses alignements presque obsessionnels de bâtons de pastel. Les Ateliers de l’artiste
entraînent le regard dans un décor labyrinthique qui apparaît comme la métaphore d’une
enfance chaotique et dramatique.
L’aventure de l’Imprimerie Bellini, nommée ainsi par Szafran en hommage au peintre italien,
débute en 1972 à la rue du Faubourg St-Denis. Il s’agit d’un atelier de lithographie créé par
Szafran avec deux associés. Avec le fusain ou le pastel, Szafran détaille la grande verrière
pyramidale, la haute machinerie de la presse avec ses engrenages et ses rouleaux encreurs,
inlassablement, il reprend le sujet, épuisant un angle nouveau et une lumière différente.
Ces premières leçons d’abîme, Szafran les reçoit de cet oncle sévère, dans une cage d’escalier.
Il choisit ce thème « ..parce que c’était un problème à résoudre… », mais très vite l’Escalier
devient un terrain d’expérimentation, une construction mentale.
Tout en courbes sinueuse avec une rampe comme une volute, des effets de plongée, des
zooms avant, l’artiste se joue de la perspective jusqu’au vertige. Dans certains tableaux, ce
vertige se traduit par un jaillissement de couleurs éclatantes en teintes pures. Des appels du
vide traduits par des visions panoramiques délirantes.
Enfin le dernier thème : les « Feuillages ». La passion de Sam Szafran pour les plantes date de
l’époque où il travaille quelque temps dans l’atelier de Zao Wou-Ki « j’étais fasciné par un
magnifique philodendron qui resplendissait sous la verrière… ». Jusqu’à l’obsession, Szafran
dessine des serres envahies par des feuillages, un foisonnement de végétaux où apparaît en
contrepoint Lilette en kimono assise sur une chaise ou un banc Gaudi.
Ce sont cinquante ans de peinture d’un artiste discret qui pratique son art d’une façon
personnelle en retrait des modes, mais avec une prodigieuse virtuosité, que la Fondation
Pierre Gianadda présentera l’hiver prochain avec des gravures, peintures, pastels, aquarelles et
fusains.
Antoinette de Wolff-Simonetta
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Liste provisoire des oeuvres
Paysage à la manière de Hokusaï
(A Annette et Léonard Gianadda)
1999
Aquarelle sur soie
170 x 98 cm cm
Collection Fondation Pierre Gianadda,
Martigny (Suisse)
Esquisse de l'Escalier : Esquisse 1
2004
Aquarelle sur papier
29 x 49 cm
Collection Fondation Pierre Gianadda,
Martigny (Suisse)
Esquisse de l'Escalier : Esquisse 2
2004
Aquarelle sur papier
32 x 46 cm
Collection Fondation Pierre Gianadda,
Martigny (Suisse)
Esquisse de l'Escalier : Esquisse 3
2004
Aquarelle sur soie
70 x 126.5 cm
Collection Fondation Pierre Gianadda,
Martigny (Suisse)
Escalier : Variation II
2004
Aquarelle sur soie
81 x 169 cm
Collection Fondation Pierre Gianadda,
Martigny (Suisse)
L'Imprimerie Bellini
Triptyque
1989
Pastel sur papier marouflé sur bois
140 x 300 cm
Collection particulière
L'Orgue de La Besnardière
1971
Fusain
120 x 80 cm
Collection particulière
Yves Hamon assis
vers 1965
Fusain
89 x 68.5 cm
Collection particulière
François Barbâtre
1976-1977
Fusain
77 x 58 cm
Collection particulière
Choux
1963
Pastel
74 x 104 cm
Collection particulière
Bouquet à la fleur blanche
1961
Huile sur toile
146 x 114 cm
Collection particulière
Escalier
1991-1992
Aquarelle sur soie
178 x 80 cm
Collection particulière
Imprimerie
1972
Pastel
Collection particulière
Feuillage, 1991-1992
Aquarelle sur papier
184 x 70 cm
Collection particulière
Homme assis dans un fauteuil
Fusain
104 x 76 cm
Collection particulière
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Escalier
1980
Pastel
153 x 132 cm
Collection particulière
Atelier de la rue du Champ de Mars
mars.70
fusain
105 x 75 cm
Collection particulière
Atelier de la rue du Champ de Mars
(second orage)
1969-1970
Fusain sur papier
105 x 75 cm
Collection particulière
Atelier de la rue de Crussol avec
fildefériste, boîtes de pastel et réflexions
Février 1972
Pastel
104 x 75 cm
Collection particulière
Escalier Bellini
1972
Pastel
72.5 x 52.5 cm
Collection particulière
Escalier Rue de Seine
1981
Pastel
75 x 56 cm
Collection particulière
L'Orgue de la Bénardière avec Jean
Guillou
1972
Pastel
120 x 80 cm
Collection particulière
Escalier, 1974
Pastel, 77.5 x 55 cm
Collection particulière
Escalier 54 rue de Seine
1990
Aquarelle
205 x 107 cm
Collection particulière
Escalier avec Philippe Roman
2005
Aquarelle sur soie
230 x 237 cm
Collection particulière
Escalier
2005
Pastel
136 x 95 cm
Collection particulière
Feuillages avec Lilette
2008
Aquarelle et pastel
140 x 100 cm
Collection particulière
Imprimerie Bellini
1970-1972
Pastel
140 x 100 cm
Collection particulière
Portrait d'Emmanuel à l'imprimerie
Bellini
Pastel
140 x 200 cm
Collection particulière
L'escalier de la Rue de Seine
1986
Aquarelle et gouache sur papier
54 x 41 cm
Collection Fondation Triton, Pays-Bas
L'atelier de la rue de Crussol
Février 1970
Pastel
102 x 78 cm
Collection particulière
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Images
Le Pavillon Szafran dans son décor naturel, L’Escalier durant l’hiver 2005 et au revers
Philodendrons au printemps 2006. © Michel Darbellay, Martigny
Escalier, Variation II, , 2004.
aquarelle sur soie
Collection Fondation Pierre Gianadda
© Michel Darbellay, Martigny
Escalier, 2005
aquarelle sur soie
Collection Fondation Pierre Gianadda
© Michel Darbellay, Martigny
Etudes préparatoires pour Philodendrons.
© Suzanne Nagy, Malakoff
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Paysage à la manière d’Hokusai, dédié à
Annette et Léonard Gianadda
aquarelle sur soie, 1999
Collection Fondation Pierre Gianadda
© Archives Fondation Pierre Gianadda
Lilette sur un banc, 2007
Aquarelle et pastel, 81 x 73 cm
Collection particulière
Escalier, 1991-1992
Aquarelle sur soie
Collection particulière
© C.D.P. Press Agency
Feuillage, 1991-1992
Aquarelle sur papier, 184 x 70 cm
Collection particulière
© C.D.P. Press Agency
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Le commissariat de l’exposition est assuré par Daniel Marchesseau.
Le catalogue de l’exposition Sam Szafran. 50 ans de peinture reproduit en couleurs toutes les
œuvres exposées, avec des textes de Daniel Marchesseau, Jean Clair, Werner Spies, Raymond
Mason. ISBN 978-2-88443-144-6. Environ 200 pages, 80 illustrations.
L'exposition Sam Szafran. 50 ans de peinture
la Collection Franck
le Parc de sculptures
le Musée gallo-romain et
le Musée de l'automobile
sont ouverts tous les jours
de 10 h à 18 h
du 8 mars au 16 juin 2013
Avec le soutien d' U B S