Le littoral de la Wilaya de Rabat- Salé, Maroc

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Le littoral de la Wilaya de Rabat- Salé, Maroc
PRÉSENTATION POWER POINT
Le littoral de la Wilaya de Rabat- Salé, Maroc - Étude de la pollution
métallique et perspectives d’aménagement
Nadia MACHOURI, UFR Chaire UNESCO «Gestion de l’Environnement et Développement Durable»
Université Mohammed V, Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, Rabat (Maroc)
Résumé
Le milieu marin marocain est menacé de plusieurs types de pollution. En effet, la zone littorale a connu
un développement urbain, industriel, touristique, et agricole sans précédent; de plus les eaux côtières ont
servi de lieu de rejets à presque toutes les activités liées à ce développement. Les métaux lourds, polluants
chimiques très répandus et très dangereux à la fois, font partie de ces rejets. Ces éléments s’accumulent le
long des chaînes trophiques et par conséquent constituent un grand danger pour un consommateur situé au
bout de la chaîne tel que l’Homme.
L’intérêt du dosage de ces éléments est double, toxicologique et écologique. Il est en effet très important
de connaître les concentrations présentant un risque pour le consommateur, soit directement soit après
accumulation dans les chaînes alimentaires. En outre, il est possible en utilisant certains organismes
marins comme indicateurs de la pollution chimique, d’évaluer le degré de contamination des zones
côtières avec plus de précision que par des mesures dans l’eau. C’est particulièrement le cas des
mollusques bivalves (moules, huîtres) qui, en filtrant d’importants volumes d’eau, retiennent des
substances indésirables qui se trouvent à l’état de traces.
Dans ce contexte, nous avons étudié l’impact de la pollution, en particulier celle due aux métaux lourds
(plomb, cadmium, cuivre, zinc et chrome), au niveau du littoral de Rabat-Salé, en utilisant la moule
Mytilus galloprovincialis comme bio-indicateur de la pollution métallique.
Mots clés : Littoral Rabat-Salé, pollution marine, métaux lourds, bioindicateurs, évaluation de la pollution
métallique, mesures de sauvegarde
I- INTRODUCTION
La pollution de l’environnement est devenue une préoccupation légitime depuis ces dernières années. En
effet, par la nature et l’étendue de son impact, la contamination chimique de tous les milieux continentaux
et océaniques menace non seulement la santé publique, ou l’efficacité économique et donc le devenir de
nos sociétés réputées développées, mais aussi la pérennité de la biosphère tout entière.
L’espace marin constitue une immense réserve de ressources énergétiques, minérales et biologiques qui
est à la base de l’alimentation de l’immense majorité de la population mondiale. Cependant, cet espace ne
cesse d’être menacé par différentes sources de pollution qui risquent de diminuer ses potentialités
économiques et d’avoir des répercussions néfastes sur la santé humaine.
Parmi les conséquences majeures de la pollution, celle des produits chimiques est devenue actuellement,
un danger préoccupant qui affecte l’hydrosphère. Cette dernière, représente le réceptacle principal de
cette pollution qui provoque des inquiétudes de plus en plus croissantes. En effet, les organismes marins
sont les principaux vecteurs susceptibles de créer des changements à tout instant dans les écosystèmes
actuels. Aussi, la consommation de fruits de mer contaminés, représente-t-elle un danger potentiel pour la
santé humaine. D’autre part, les sources naturelles de contamination, même si elles ont toujours existé, ne
sont pas aussi importantes. La pollution est actuellement favorisée aussi bien par la poussée
démographique que par le progrès de la technologie industrielle qui rejette les polluants en mer.
Ces déchets englobent, en proportions non négligeables, les métaux lourds, dont le premier accident grave
s’est manifesté déjà à Minamata au Japon en 1953. De plus, les métaux, même à l’état de traces, sont
potentiellement toxiques. Ils affectent toute la faune marine nécessaire pour subvenir aux besoins
alimentaires de l’homme.
La pollution par les métaux lourds, comme toutes les autres pollutions (pesticides, organochlorés, organophosphorés, hydrocarbures pétroliers, déchets nucléaires…) représente actuellement un facteur
toxicologique important, dont les conséquences sur les organismes marins peuvent affecter la vie marine,
depuis les producteurs primaires; le danger de contamination s’amplifie au fur et à mesure que l’on monte
à travers les maillons des chaînes trophiques. Les métaux lourds peuvent provoquer des troubles
comportementaux (reconnaissance des objets, réflexes conditionnels), physiopathologiques (mortalité,
perturbation de la fécondité, diminution du taux des naissances et de la croissance), congénitaux
(monstruosité à double tête, déformation des membres…), en plus de leurs divers effets cancérigènes.
La côte marocaine, et plus particulièrement la côte atlantique, joue aujourd’hui le rôle de pôle structurant
de l’économie nationale, compte tenu de son poids démographique, économique et de sa fonction dans
l’organisation de l’espace national. Cette concentration représente 61% de la population urbaine des
grandes villes, 77% des unités industrielles et 80% des effectifs permanents des industries, 67% de la
valeur ajoutée, 53% de la capacité touristique et 92% du commerce extérieur (MATUHE, 2001).
Cette pression croissante de l’urbanisation et des activités fait subir au front de la mer toutes les formes
d’agressions, urbanisation anarchique, rejets directs des eaux usées domestiques et industrielles,
dégradation des dunes par l’exploitation sauvage des sablières, occupation du domaine public maritime,
disparition du couvert végétal. De ce fait, le littoral atlantique marocain devient le siège d’une pollution
inquiétante pour les ressources biologiques et la santé du consommateur de produits marins.
D’autre part, des conditions d’ordre naturel (l’hydrodynamisme, vents dominants, configuration des côtes,
nature des fonds…) participent à favoriser le piégeage et la précipitation des particules en suspension
dans l’eau, y compris les composées métalliques.
Ainsi, la protection de la santé humaine et du fonctionnement normal de l’environnement marin exige un
contrôle continu de la qualité de l’eau.
Dans la perspective du contrôle et de la surveillance de la qualité des eaux et du niveau de leur
contamination par les métaux lourds, s’articule le thème du présent article qui a pour objectifs:
- L’étude de la contamination de l’environnement marin, du littoral atlantique de Rabat-Salé, par quelques
métaux lourds (Plomb, Cadmium, Cuivre, Zinc et Chrome) en utilisant le mollusque bivalve (Mytilus
galloprovincialis) comme bioindicateur de la pollution métallique;
- Étude d’impact et proposition d’aménagement.
II- MATÉRIEL ET MÉTHODES
II-1- PRÉSENTATION DE LA ZONE D’ÉTUDE
La région de Rabat-Salé, correspond globalement à la partie nord de la bande côtière de la Meseta
atlantique. Cette côte est caractérisée par une alternance de falaises qui présentent des schistes, des
quartzites et des grès du paléozoïque. Elle forme le centre de la convexité orientale qui s’étend depuis El
Jadida. La direction générale de la côte de Rabat est SW-NE, c’est à dire perpendiculaire à la direction
générale des vents du Nord-Ouest, qui sont les plus dominants dans la zone.
La zone appartient au climat méditerranéen marqué par deux saisons principales adoucies par les
influences océaniques. Les températures moyennes sont de l’ordre de 12°C pour les mois les plus froids
(Dec-Jan) et de 22°C pour les mois les plus chauds (Juill-Sep). Les précipitations moyennes annuelles
sont supérieures à 550mm/an.
Le littoral de la Wilaya de Rabat-Salé est confronté à de multiples problèmes d’ordre environnemental
(rejets liquides et solides, exploitation illégale des carrières, constructions illicites…), en raison de son
développement démographique et de l’importance économique qu’il concentre. Ceci détruit la qualité du
littoral et menace la collecte des différentes sortes de produits aquatiques destinés à la consommation.
Étant donné l’objectif de notre travail, le choix des stations a été basé sur leur représentativité du milieu
en rapport avec les sources de pollution et sur leur accessibilité. Cinq stations ont été choisies (Carte1) :
−
−
−
−
Station Salé (SAL) : situé juste derrière la rive droite de Bouregreg, le point de prélèvement est à
environ 30 m de l’émissaire (S14).
Station l’Océan (OCE) : zone polluée par le rejet de l’émissaire des eaux usées du quartier Océan, le
prélèvement est effectué juste près de l’émissaire Al Ghazia (R17).
Station Yaacoub El Mansour (YEM) : les échantillons sont ramassés près de l’égout des eaux usées
(R26).
Station El Harhoura (HAR) : l’échantillonnage est effectué juste près de l’exutoire de Témara
(T37).
Station Skhirate (SKH) : cette zone se situe à environ 30 km du centre de la ville de Rabat, elle a été
considérée comme zone de référence (témoin), car supposée être peu ou pas polluée.
Carte 1: Localisation des sites d'échantillonnage au niveau du littoral de la wilaya de Rabat-Salé
Tanger
))))))))
MER
MER
MERMEDITERRANEE
MEDITERRANEE
MEDITERRANEE
MEDITERRANEE
MER
MER
MER
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Rabat))))
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Casablanca
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Agadir ))))))))
Tarfaya
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0
100
200 Km
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Salé
Océan ::
::
::
Salé
Yaakoub El Mansour::
::
Dakhla
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Rabat
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Harhoura
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Skhirate-Temara
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Chaire UNESCO-GN
"Gestion de l'Environnement et Développement Durable"
0
5
10 Km
::
Site d'échantillonnage
II-2- MATÉRIEL BIOLOGIQUE
+ Justification du choix des moules pour l’analyse des métaux lourds
Grâce à leur rapidité de croissance, leur capacité de filtration élevée et leur sensibilité à un site défini, les
moules sont les organismes les plus utilisés dans les études des tests d’accumulation et/ou d’élimination.
Le choix de ces organismes repose sur :
- leur disponibilité au cours de toute l’année, avec toutes les classes de taille;
- leur sédentarité, sachant qu’ils sont souvent accrochés aux rochers côtiers près des estuaires et des sites
proches des activités urbaines;
- leur aptitude élevée à l’accumulation (facteur de concentration d’environ 106 à 107);
- leur résistance aux pollutions;
- par ailleurs, ces espèces sont utilisées dans l’alimentation humaine et représentent donc une source
potentielle de contamination pour l’homme. Elles font l’objet d’une large exploitation commerciale
dans la partie de la côte atlantique étudiée (entre Salé et Skhirate).
+ Espèce étudiée
Mytilus galloprovincialis a été retenu comme modèle pour évaluer la contamination métallique de la zone
d’étude, en raison de sa large répartition géographique, sa facilité d’identification et de prélèvement et sa
grande capacité de bio-accumulation des micropolluants métalliques. Elle a été utilisée au Maroc comme
espèce indicatrice pour la qualité de l’environnement marin par de nombreux auteurs (SABOUR et al.,
1997; BAKKAS et al., 1997…).
II-3- MÉTHODOLOGIE
Prélèvement des échantillons
Les échantillons de moules ont été prélevés à la main, sur les rochers, au niveau de la zone de
balancement des marées. Les moules ainsi recueillies sont débarrassées sur place des déchets et
organismes divers qui peuvent adhérer à leurs coquilles et rincées à l’eau de mer; elles sont ensuite triées
et stockées dans des flacons contenant de l’eau provenant du lieu de prélèvement, elles subissent ainsi une
purge (épuration, stabulation) allant jusqu’à 36h, afin de débarrasser leurs tractus digestifs et leurs
branchies des particules polluantes qui peuvent être adsorbées. Après épuration, les moules sont bien
égouttées, placées dans un sac en polyéthylène et congelées, en attendant leur analyse.
Préparation des échantillons pour analyse
Les moules sont partiellement décongelées à température ambiante; le liquide qui en est issu est évacué de
façon efficace grâce à l’usage d’entonnoirs à large section. Dès que les coquilles peuvent être ouvertes, on
récupère leurs parties molles dans un bêcher.
Tissu choisi pour l’analyse
Plusieurs études ont été basées sur l’analyse des métaux lourds dans les organismes de stockage (foie,
rein, rate). Mais, ces organes peuvent accumuler très fortement un métal, sans que celui-ci ne soit
significativement important dans le milieu environnant ; de plus, pour évaluer les risques encourus par les
consommateurs des moules, nous avons convenu d’analyser avant tout les parties comestibles, c'est-à-dire
toute la partie molle de la moule.
Analyse des métaux lourds
Les échantillons sont séchés à l’étuve à 80°C avant d’être minéralisés. Après minéralisation dans un four
à micro-ondes, les échantillons sont dosés par spectrophotométrie d’absorption atomique (S.A.A) de type
PERKIN ELMER 1100.
Le dosage du zinc, du chrome et du cuivre est effectué par un spectrophotométrie d’absorption atomique à
flamme (S.A.A.F), alors que le dosage du cadmium et du plomb est réalisé par un S.A.A sans flamme
(S.A.A.S), grâce à un four graphite (tube graphite).
III- RÉSULTATS ET DISCUSSIONS
III-1- L’ACTIVITÉ DE PÊCHE A PIED DES MOULES AU NIVEAU DE LA ZONE
Afin de réaliser une description de l’activité de pêche à pied des moules au niveau de la zone d’étude,
nous avons procédé à une enquête basée sur un questionnaire au niveau des cinq stations
d’échantillonnage (Salé, Océan, Yaâcoub El Mansour, Harhoura et Skhirate).
Cette enquête a pour objectif de quantifier les quantités moyennes vendues par mois et par vendeur, ainsi
que d’estimer le revenu moyen mensuel d’un pêcheur.
Les résultats des enquêtes effectuées auprès de 15 pêcheurs a montré que :
- La fréquentation d’une zone donnée par les pêcheurs dépend de l’abondance des bancs de moules et de
l’éloignement du site. En général, les pêcheurs préfèrent exercer leur activité dans les sites situés entre
Sidi Moussa et la plage de Harhoura, même si ces sites sont en permanence pollués par les rejets
d’émissaires. Certains pêcheurs s’installent sur place, pour une certaine période comme c’est le cas dans
la côte du quartier de l’Océan. La zone située au-delà de la plage de Harhoura en se dirigeant vers la
plage de Skhirate est moins polluée ; elle est fréquentée par des pêcheurs motorisés.
- L’activité de ramassage à pied des moules dépend de la marée et de la hauteur de la houle. Elle se fait à
marée basse, pendant les jours des vives eaux et des mortes eaux; lesquels coïncident avec les jours du
premier et du dernier quarts lunaires, et les jours de pleine lune. Ces jours sont les suivants : 1, 2, 3 ; 12,
13, 14, 15, 16, 17, 18 ; 27, 28, 29.
- La pêche a lieu souvent le matin après le début de la marée basse. Le pêcheur est outillé d’une sape pour
la récolte des coquillages qu’il stocke dans de grands sacs en plastique. L’opération de récolte des
moules peut durer jusqu’à 4 heures de travail. Pour l’écaillage des moules, un chauffage est pratiqué
dans un récipient d’une capacité de 10 à 20Kg. La durée de traitement thermique est de l’ordre de 25
minutes ; après écaillage, la chaire des moules est lavée à l’eau de mer pour enlever la vase et les autres
souillures. Enfin, les moules décortiquées sont mises soit dans un seau ou dans un sac en plastique, elles
seront vendues dans un marché local le même jour (après midi en général).
- Au cours de certaines périodes de l’année (été), la vente des moules est interdite dans les marchés
locaux; les agents municipaux d’hygiène ou ceux des forces auxiliaires interviennent pour interdire la
vente des moules, quelle que soit leur origine. Ce contrôle intervient à la suite de la déclaration de cas
de malaises provoqués par la consommation des moules.
- La quantité moyenne mensuelle des moules vendues par pêcheur est de 36 Kg/mois. Sachant que le
rendement en chaire chez les moules (le rapport entre la masse de la chair des moules décortiquées et
celle des mêmes coquillages avant le décorticage) est de 39%. La quantité moyenne de coquilles
ramassées par mois et par pêcheur ne dépasse pas les 92Kg.
- Le prix des moules vendues régi par la loi de l’offre et de la demande, fluctue d’une saison à l’autre.
Pendant la période hivernale, les quantités mises en vente sont relativement faibles par rapport à celles
exposées en période estivale. Par conséquent, le prix unitaire moyen que nous avons enregistré pendant
la période hivernale est de 30DH/Kg (3euro/kg), alors que celui en été est de 15DH/Kg (1,5euro/kg).
Le prix unitaire moyen en chair pendant cette période (mai 2006), est de 20DH/Kg. chaque pêcheur
bénéficie donc d’un revenu mensuel moyen de 36×20 = 720 DH/mois (environ 72 euros/mois). Ce revenu
étant faible, la plupart des pêcheurs ont recours à d’autres travaux pour subvenir à leurs besoins.
III-2- BIOACCUMULATION MÉTALLIQUE CHEZ LA MOULE
Les résultats des analyses des métaux lourds dans les tissus mous de la moule Mytilus galloprovincialis,
obtenues lors des deux campagnes d’analyses (mai et juin 1999), montrent de grandes variations selon les
stations.
Cadmium
Les teneurs moyennes en cadmium varient entre 0,079 et 0,191 µg/g de poids sec. La plus faible
concentration (0,079 µg/g PS) est détectée à SKH, vu son éloignement de toute source de pollution. La
plus forte concentration est enregistrée à YEM (0,191 µg/g PS); néanmoins, cette valeur reste 6 fois plus
faible par rapport à la norme de salubrité (1 µg/g PS) retenue par la C.E.E.
Evolution spatiale des concentrations moyennes du cadmium
µg/g du poids sec
1
0,8
0,6
0,4
0,2
0
Salé
Océan
Y.Mansour
Harhoura
Skhirate
C.E.E
Plomb
Les valeurs moyennes en plomb sont de 0,508 à 1,988 µg/g PS. À l’exception de SKH, l’ensemble des
stations étudiées présente des concentrations nettement supérieures à la norme de salubrité européenne
(1µg /g PS). Cette forte accumulation au niveau de la plupart des stations étudiées peut être liée aux fortes
doses de cet élément dans les rejets d’origine domestique et industrielle, ainsi que dans les eaux de
ruissellement issues des voies de circulation routière souillées par les dépôts de carburants. Le danger que
présentent de telles concentrations pour l’homme et pour l’environnement marin ne devrait pas être
négligé.
Evolution spatiale des concentrations moyennes du
plomb
µg/g du poids sec
2
1,6
1,2
0,8
0,4
0
Salé
Océan
Y.Mansour
Harhoura
Skhirate
C.E.E
Zinc
Les concentrations de zinc sont très importantes pour l’ensemble des stations étudiées; elles varient entre
54,805 et 95,454 µg/g PS; cette situation s’expliquerait en partie par les fortes quantités de cet élément
dans les rejets domestiques. Par ailleurs, on pouvait s’attendre à des valeurs plus faibles au niveau de la
station SKH, où il n’existe aucune source de pollution notable; la contamination de cette station peut être
expliquée par des phénomènes hydrodynamiques ou par effet de la houle.
Evolution spatiale des concentrations moyennes du
zinc
µg/g du poids sec
100
80
60
40
20
0
Salé
Océan
Y.Mansour
Harhoura
Skhirate
Cuivre
Les teneurs oscillent entre 7,468 et 11,994 µg/g PS. Cette dernière valeur reste faible par rapport à la
norme européenne tolérable.
Evolution spatiale des concentrations moyennes du
cuivre
µg/g du poids sec
20
16
12
8
4
0
Salé
Océan
Y.Mansour
Harhoura
Skhirate
C.E.E
Chrome
Les valeurs moyennes en chrome subissent des fluctuations spatiales importantes. Les fortes
concentrations détectées à HAR (19,421 µg/g PS) sont les plus élevées, suivies par celles de SAL (11,572
µg/gPS) et YEM (10,863), puis celles de OCE (8,567). Nous constatons que la station de SKH est
également contaminée par le chrome, probablement via les mêmes phénomènes qui causent sa pollution
au Zn.
µg/g du poids sec
20
Evolution spatiale des concentrations moyennes du
chrome
16
12
8
4
0
Salé
Océan
Y.Mansour
Harhoura
Skhirate
Discussions des résultats
Parmi les trois métaux Pb, Cd et Cu pour les quels on dispose de normes de qualité (celles de la C.E.E),
seul le plomb présente des teneurs excessives au niveau de la zone étudiée. Les teneurs maximales en
plomb sont environ deux fois plus grandes que celles admises par la C.E.E. C’est un résultat fortement
alarmant, puisque le plomb à des telles concentrations, présente un grand danger pour le consommateur,
compte tenu de sa haute toxicité.
Ces fortes valeurs sont probablement dues :
+ aux activités industrielles (métallurgie de plomb, industrie des pesticides, industrie de la peinture,
industrie du verre …) présentes dans la région;
+ à l’utilisation du plomb dans les canalisations;
+ aux rejets d’eaux résiduaires et d’ordures ménagères;
+ au trafic routier urbain, relativement important dans la région.
Les teneurs des métaux lourds dans la chair des moules montrent que le niveau de pollution des côtes
étudiées n’est pas négligeable (du moins pour le plomb); mais qu’il varie d’une station à l’autre, en
fonction de la proximité des sources de pollution. Quatre stations (Salé, Océan, Yaacoub El Mansour et El
Harhoura) hébergent des moules relativement contaminées, car elles sont surtout sujettes aux
déversements des eaux usées urbaines non traitées. La station de Skhirate éloigné des sources directes de
rejets connaît un faible niveau de contamination des moules, excepté pour ce qui est du zinc. La cause de
ceci nous parait à rechercher au niveau des courants côtiers et de la houle.
III-3-COMPARAISON DES TENEURS MÉTALLIQUES CHEZ LES MOULES DU LITTORAL
DE RABAT-SALE AVEC D’AUTRES COTES ATLANTIQUES
Table.1: Comparaison des concentrations métalliques dans les moules (en µg/g du poids sec) du littoral
de Rabat-Salé avec celles d’autres côtes atlantiques et avec les normes de la C.E.E
Site
Cd
Pb
Cr
Cu
Zn
Références
C.E.E
1
1
20
C.E.E
(1990)
Côte atlantique
2-4
7 - 14
190 - 370
MANGA
espagnole
(1980)
Côte atlantique
0,5 -3,7
4,6 - 17,9
BOUTIER
française
(1982)
Côte atlantique
0,8 - 6,2
4,3 - 35
GOLDBER
américaine
G et al.
(1983)
Rabat,
0,13 2,4 - 22,1
CHAFAI et
Salé,
1,53
El ALAOUI
Mohammé
(1994)
Côte
dia
atlantique Mohammé
0,83 4,471 10,08 – 12 13,6 - 16 ,8
ECHAB
marocaine dia
0,93
5,77
(1995)
Mohammé
50 - 117
50 - 175
146 - 516 CHAHBAN
dia
E (1997)
El Jadida
0,00 - 2,5
4,4 - 14,7
KAIMOUS
SI (1996)
Jorf
2 - 26
6,62 - 331
KAIMOUS
Lasfer
SI (1996)
Casablanca 0,11- 1,61 1,29 - 5,85
9,64 8,26 - 13,88
SABOUR et
18,39
al.. (1997)
Rabat0,079 0,508 8,567 7,468 54,805 Présent
Salé
0,191
1,988
19,421
11,994
95,454
Travail
Ce tableau permet de comparer les teneurs métalliques obtenues chez les moules du littoral de Rabat-Salé
avec celles relevées dans d’autres localités de la côte atlantique; on peut dégager les points suivants:
- Les teneurs maximales en cadmium des moules étudiées (0,191µg/g PS) sont environ six fois plus
faibles que celles admises par la C.E.E (1µg/g PS), alors qu’elles restent largement faibles par rapport à
celles signalées sur les autres côtes atlantiques (marocaine, européenne, et américaine).
- Pour le plomb, la moyenne maximale relevée au niveau des moules (1,988 µg/g PS), est environ 2 fois
supérieures à la norme de salubrité ratifiée par la C.E.E. Néanmoins, cette valeur reste inférieure à celle
enregistrée au niveau d’autres villes marocaines (Mohammédia, Casablanca).
- Pour le chrome, les valeurs moyennes oscillent entre 8,567 et 19,421 µg/g PS; cette dernière valeur reste
supérieure à celle relevée à Mohammédia (12 µg/g PS) par ECHAB (1994). Néanmoins, cette teneur est
relativement voisine de celle enregistrée dans le littoral de Casablanca (18,39 µg/g PS) par SABOUR et
al. (1997). De telles concentrations traduisent l’effet polluant des rejets des industries du cuir et du
textile installées au niveau de ces deux villes.
- La valeur maximale du cuivre détectée au niveau des moules étudiées est acceptable en comparaison
avec les normes C.E.E (20 µg/g PS); par ailleurs, elle est nettement inférieure à celle enregistrée au
niveau des autres côtes atlantiques marocaines (Casablanca, Mohammédia, Jorf Lasfer et El Jadida),
européennes et américaines. Rappelons que la concentration maximale en cuivre dans les moules de la
côte de Jorf Lasfer est très élevée (331 µg/g PS).
- La teneur maximale enregistrée en zinc (95,454 µg/g PS) est largement faible par rapport à celles
signalées sur la côte de Mohammédia (CHAHBANE, 1997) et sur les côtes atlantiques espagnoles
(MANGA, 1980).
IV- CONCLUSION GÉNÉRALE
Les résultats obtenus de l’analyse des concentrations métalliques dans les tissus mous de Mytilus
galloprovincialis nous permettent de dégager les constats suivants :
¾Le littoral de la wilaya de Rabat-Salé s’est caractérisé par des moules à teneurs variables en métaux
lourds; les stations de Salé, Océan, Yaacoub El Mansour et El Harhoura sont les plus contaminées,
suivies par la station de Skhirate
¾Les teneurs en éléments traces dans les tissus de moules montrent que le niveau de pollution des
côtes étudiées n’est pas négligeable. D’ailleurs, si on se réfère aux normes de salubrité publiées par
la C.E.E, on note que les teneurs en plomb sont deux fois supérieures, celles du cadmium sont six
fois faibles, alors que la teneur en cuivre reste voisine. Ces résultats restent cependant comparables
à ceux rapportés dans d’autres études.
¾Le contrôle du degré de contamination du milieu marin par les métaux lourds ou d’autres
substances toxiques ou dangereuses, doit être renforcé par l’instauration d’un cadre réglementaire
efficace, moyennant des normes relatives aux rejets liquides et solides dans les zones côtières, ainsi
que des normes nationales des qualités des eaux marines et des produits de pêche. Ce cadre
réglementaire, contribuerait non seulement à la préservation de la biodiversité marine contre la
pollution par les substances chimiques, mais aiderait aussi à l’amorce d’un développement durable
de la région.
¾Le développement durable des zones littorales du Maroc nécessite une meilleure gestion et une
valorisation des ressources, ce qui suppose leur évaluation (connaissance, estimation des équilibres
écologiques et des risques). Il est donc essentiel de mettre en œuvre des méthodes de gestion et
d’exploitation adaptées sauvegardant à la fois l’intérêt des partenaires, la préservation et la
durabilité des ressources maritimes. Il faudrait donc :
- Pré-traiter les eaux usées domestiques et industrielles avant de les réintroduire dans le milieu
naturel;
- Interdire les rejets des déchets solides au niveau des côtes et au fond des vallées;
- Systématiser les études d’impact sur la santé et sur l’environnement de tout produit ou procédé
industriel avant son utilisation;
- Établir des systèmes de surveillance à long terme des accidents industriels et leurs effets sur les
populations et l’environnement;
- Réglementer fermement le stockage et le transport des produits dangereux;
- Sensibiliser et éduquer les populations afin que chacun se sente responsable de la protection de cet
écosystème;
- Améliorer le cadre d’investissement sur le littoral en procédant à la mise en place des infrastructures
de base et en améliorant le cadre de vie dans la zone littorale.
BIBLIOGRAPHIE
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