Myco Onychomycose à moisissures

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ACTUALITE MEDICALE
Les onychomycoses à moisissures
Publié le 11/06/2007
Françoise Foulet
Service de Parasitologie-Mycologie du Pr Bretagne
Hôpital Henri mondor 94000 Créteil
[email protected]
Les onychomycoses représentent 50 % de la pathologie unguéale (1). Les dermatophytes sont les
champignons les plus fréquemment isolés et le traitement est bien connu des dermatologues. Les atteintes
unguéales liées à des moisissures sont difficiles à diagnostiquer, l’atteinte clinique pouvant simuler une
atteinte à dermatophytes, avec le risque, en l’absence de prélèvement, d’aboutir à un échec thérapeutique.
Les prélèvements mycologiques nécessitent une bonne expérience technique mais également pour
l’interprétation des résultats. Incriminer les moisissures dans les atteintes unguéales repose sur la présence
de critères clinico-biologiques essentiels.
Les moisissures sont des champignons filamenteux cosmopolites fréquemment rencontrés dans l’air et sur les sols et,
pour certains d’entre eux, sur les matières en décomposition. Certaines moisissures synthétisent des aflatoxines
responsables d’intoxications alimentaires, mais la plupart d’entre elles se comporte comme des saprophytes. Les
moisissures peuvent profiter d’un terrain particulier soit local (support cutané ou unguéal altéré…) soit général
(immunodépression …) et se comporter comme un opportuniste. Parmi les champignons responsables d’onyxis, les
plus couramment isolés sont : les Fusarium sp, les Aspergillus sp, les Scopulariopsis sp, les Acremonium sp, et les
Scytalidium sp (2).
Les champignons sont identifiés à partir des cultures obtenues sur milieu de Sabouraud avec examen de l’aspect
macroscopique et microscopique des souches.
Les différents genres de moisissures
- Le genre Fusarium
Il peut être responsable d’onyxis, de surinfection de plaie ou de brûlures, de kératite après effraction de la cornée par
des végétaux mais aussi chez les porteurs de lentilles. Il entraîne des infections disséminées gravissimes chez les
immunodéprimés. Les colonies sur Sabouraud sont duveteuses ou cotonneuses de couleur variable en fonction de
l’espèce. L’aspect microscopique permet facilement de faire le diagnostic de genre grâce à la présence de conidies de
grande taille, fusiformes avec plusieurs logettes (photo 1).
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Photo 1 : Aspect microscopique de Fusarium spp (x 400)
- Le genre Aspergillus
Le genre Aspergillus comprend plus de 300 espèces dont certaines sont utilisées dans l’industrie chimique
(production d’acides), pharmaceutique (production d’antibiotique), ou agroalimentaire (production de saké). Les
Aspergillus sont responsables d’atteintes pulmonaires variées (aspergilloses immunoallergiques, aspergillome,
bronchite aspergillaire …). Une forme pulmonaire aiguë gravissime (aspergillose invasive) touche les patients
immunodéprimés, particulièrement les leucémiques en phase neutropénique.
Des atteintes superficielles sont également décrites : otomycose, aspergilloses cutanées ou oculaires, onyxis. Les
colonies sur milieu de Sabouraud apparaissent en 48 h. Elles sont filamenteuses veloutées et blanches puis leur
pigmentation apparaît en fonction de l’espèce. L’aspect microscopique est caractéristique avec la présence de « têtes
aspergillaires » (photo 2).
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Photo 2 : Aspect microscopique d'Aspergillus spp (X 400)
- Le genre Scopulariopsis
Cette moisissure est rarement responsable de mycoses profondes mais a été incriminée chez des immunodéprimés
comme agent de sinusite, d’atteintes sous cutanées, de pneumopathies …C’est un agent fréquent d’onychomycose,
surtout du gros orteil. Les colonies sur Sabouraud sont extensives veloutées devenant rapidement poudreuses. Leur
couleur initialement blanche, vire au beige. L’examen microscopique montre de très nombreuses conidies globuleuses
en montgolfière (photo 3).
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Photo 3 : Aspect microscopique de Scopulariopsis spp (X 400)
- Le genre Acremonium
Les atteintes superficielles font suite à un traumatisme cutané. Ont été décrit des onyxis, des gommes cutanées, des
atteintes oculaires. Des localisations viscérales (pulmonaires, cardiaques …) peuvent être observées chez les
immunodéprimés.
Les colonies sur Sabouraud sont le plus souvent humides et muqueuses. La couleur varie du blanc à l’oranger en
fonction des souches. L’examen microscopique montre la présence de conidies en boule à l’extrémité de phialides.
- Le genre Scytalidium
Ce sont des moisissures isolées des sols et arbres fruitiers des régions chaudes et humides. L’atteinte clinique des
scytalidioses est identique à celle des dermatophytoses notamment avec la présence d’une atteinte plantaire et/ou
d’un intertrigo associé. Cette symptomatologie lui a valu le nom de « pseudo-dermatophyte ».
Les colonies sur Sabouraud sont duveteuses et extensives, envahissant rapidement l’ensemble de la gélose, de
couleur noire (Scytalidium dimidiatum) ou blanche (Scytalidium hyalinum).
L’examen microscopique montre des filaments épais se dissociant en arthrospores.
L’aspect clinique dépend de la voie de pénétration de la moisissure
Classiquement les atteintes unguéales à moisissures touchent un seul doigt ou un seul orteil sans lésion cutanée
associée. Comme pour les dermatophytes, plusieurs voies de pénétration du champignon peuvent être observées
(3,4,5,6,7).
- Leuconychies superficielles
C’est la forme clinique la plus fréquente. La pénétration du champignon s’effectue par envahissement de la surface de
la tablette.
Les champignons en cause sont les Aspergillus sp, les Acremonium sp, les Fusarium sp et les Scytalidium sp (photo
4).
Photo 4 : Leuconychie superficielle
- Atteinte proximale avec paronychie
Le champignon pénètre au niveau de la cuticule. Les espèces responsables sont les Aspergillus sp, les Acremonium
sp, les Fusarium sp et les Scopulariopsis sp (photo 5). Le périonyxis traduit une atteinte de la matrice.
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Photo 5 : Atteinte proximale
- Onychomycose sous unguéale distolatérale
C’est la voie de pénétration la plus classique pour les dermatophytes et les Scytalidium spp (photo 6). La
responsabilité des autres moisissures dans ce type d’atteinte est plus difficile à établir et repose sur un faisceau
d’arguments clinico-biologiques.
Photo 6 : Atteinte disto-latérale
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Temps essentiel du diagnostic, le prélèvement mycologique
Le diagnostic de l’onychomycose dépend du prélèvement mycologique (8). Pour que le prélèvement soit fiable, les
règles de bonne exécution de l’analyse doivent être respectées
- arrêt des solutions filmogènes ou de la terbinafine per os depuis plus de 3 mois
- arrêt des crèmes antifongiques 15 jours
- prélèvement à la limite de la zone saine et de la zone malade
Le prélèvement étant effectué dans ces conditions, une moisissure est incriminée si elle est retrouvée en culture pure
sur 2 prélèvements successifs avec dans les deux cas, un examen direct positif. L’examen direct peut orienter le
biologiste quand les filaments sont chlamydosporés et ne se présentent pas comme les filaments fins et septés des
dermatophytes. L’isolement de la moisissure doit également être compatible avec la forme clinique de
l’onychodystrophie.
Quelques pièges
Les moisissures très présentes dans l’environnement peuvent se greffer sur les ongles sans être responsables des la
dystrophie (9). C’est le cas des ongles traumatisés, des ongles hyperkératosiques et des onycholyses traumatiques
liées au port de chaussures trop serrées et responsable chez les femmes du classique chevauchement du 2ème orteil
sur le 1er (photo 7).
Photo 7 : Onycholyse par chevauchement
La découpe lors du prélèvement mycologique suffit alors à éliminer la moisissure. Les onychogriphoses (photo 8)
peuvent également facilement faire le lit de moisissures qui s’éliminent avec le traitement kératolytique chimique, ou
mécanique par meulage. Les hématomes peuvent être particulièrement trompeurs et simuler une onychomycose
lorsque la coloration devient jaunâtre. Les moisissures quand elles sont isolées, seront éliminées avec la repousse de
l’ongle.
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Photo 8 : Onychogriphose
Une prise en charge thérapeutique souvent difficile
Les traitements sont habituellement décevants, les moisissures étant des champignons résistant in vivo aux
thérapeutiques classiques. L’atteinte clinique conditionne la prise en charge thérapeutique.
Les leuconychies superficielles sont les plus faciles à traiter. Les dépôts de la tablette externe peuvent être éliminés
manuellement par le médecin à l’aide d’une curette et le patient devra poncer régulièrement l’ongle atteint. Le
traitement repose sur l’application de Fungizone® lotion ou d’une solution filmogène pour certains auteurs (10),
jusqu’à la repousse totale de l’ongle.
Les autres atteintes cliniques nécessitent souvent une avulsion chimique de l’ongle pour éliminer le maximum d’ongle
parasité, suivie d’un traitement local par Fungizone®. En cas d’atteinte matricielle, le traitement par terbinafine semble
inefficace dans notre expérience bien que certains auteurs aient observés de bons résultats dans cette indication
(11). L’itraconazole semble avoir une activité in vitro sur certaines moisissures notamment sur les Aspergillus mais la
délivrance est hospitalière et la molécule n’a pas l’AMM en France dans cette indication. Le voriconazole et le
posaconazole, derniers azolés commercialisés, possèdent un spectre plus large mais leur coût et l’absence d’AMM
empêchent leur utilisation dans les onychomycoses.
L’isolement d’une moisissure ne préjuge en rien de sa responsabilité dans l’onychodystrophie observée. Aussi, les
dermatologues doivent exiger un prélèvement mycologique de qualité, une interprétation des résultats par un
laboratoire fiable et respecter les critères clinico-biologiques avant de porter le diagnostic d’onychomycose à
moisissures.
1. R.K. Scher. Onychomycosis : therapeutic update. J Am Acad Dermatol.1999 Jun;40:S21-6.
2. K.A. Gupta, J.E. Ryder, R. Baran, R.C. Summerbell. Non-Dermatophyte onychomycosis. Dermatol Clin
2003;21:257-68.
3 S. Goettmann-Bonvalot. Variétés cliniques des onychomycoses. Ann Dermatol Venereol 2003 ;130 :1237-43.
4. B.M. Piraccini, A. Tosti. White Superficial Onychomycosis. Epidemiological, Clinical, and Pathological Study of 79
patients. Arch Dermatol 2004;140:696-01.
5. M.L. Dordain-Bigot, R. Baran, M.T. Baixench, J. Bazex. Onychomycose à Fusarium. Ann Dermatol Venereol
1996;123:191-3.
6. R. Baran, A. Tosti, B.M. Piraccini. Uncommon clinical patterns of Fusarium nail infection: report of three cases. Br J
dermatol 1997;136:424-2.
7 R. Baran, D. Chabasse, M. Feuilhade de Chauvin. Les onychomycoses. II Approche diagnostique. J Mycol Med
2001 ;11 :5-13.
8 F. Foulet, G. Cremer. Prélèvements et diagnostics mycologiques des onychomycoses. Ann Dermatol Venereol
2003 ;130 :1244-7.
9. M. Feuilhade de Chauvin, C. Lacroix. Diagnostic différentiel des onychomycoses. Ann Dermatol Venereol
2003 ;130 :1248-53.
10. R. Baran, R. Hay, C. H. Perrin.Superficial white onychomycosis revisited. J. Eur Acad Dermatol Venereol 2004;
18:569-71.
11. A. Tosti, B.M. Piraccini, S. Lorenzi. Onychomycosis caused by nondermatophytic molds : Clinical features and
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response to treatment of 59 cases. J Am Acad Dermatol 2000;42:217-24.
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