Faut-il supprimer la solidarité nationale parce qu`elle

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Faut-il supprimer la solidarité nationale parce qu`elle
Faut-il supprimer la solidarité nationale parce qu’elle coûte aux
contribuables ?
Face aux catastrophes, l’Etat doit-il renoncer à organiser la solidarité nationale sous
prétexte qu’elle coûte aux contribuables ? C’est l’argument des élus et candidats financés
par des banques et des assureurs en quête de nouveaux marchés. (photo © GPouzin)
Au lendemain des attaques terroristes de 2015, un grand élan de solidarité et de
compassion se répandait parmi nos concitoyens. Comment aider ? Peut-on faire quelque
chose ? Un réflexe d’empathie se développe spontanément après chaque catastrophe au
sein de la communauté qu’elle frappe, quel que soit le pays ou la nature du drame qui
frappe aveuglément des victimes d’un mauvais sort arbitraire pour avoir eu la malchance
d’être là au mauvais moment : tremblements de terre, inondations, accidents nucléaires et
autres catastrophes plus ou moins naturelles.
L’élan de solidarité peut même prendre une dimension mondiale, quand une catastrophe
particulièrement médiatique frappe l’imaginaire et stimule l’instinct de fraternité face au
destin, comme après les attentats du 11 septembre 2001 au World Trade center, ou le
Tsunami asiatique du 25 décembre 2004 (230 000 morts).
Alors après chaque catastrophe, la solidarité citoyenne s’exprime spontanément, des
volontaires se mobilisent, on organise des collectes, des associations agissent, mais c’est
rarement suffisant et les citoyens appellent à l’aide la puissance publique, celle de leur pays
ou des autres, pour réparer les dégâts et compenser les dommages de ces catastrophes.
Et puis on oublie. L’opinion publique pense à autre chose jusqu’à la prochaine catastrophe.
Entre temps, il y a de quoi lui bourrer le crâne d’autres préoccupations, entre les anecdotes
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contribuables ?
superficielles des « people » et les difficultés de la vie quotidienne, les grandes questions de
sociétés et le buzz des réseaux sociaux.
Une fois par an, chaque résident français a néanmoins l’occasion de se rappeler ces
moments tragiques, et de se souvenir de l’élan d’empathie qui l’émouvait à l’époque, au
moment de payer sa prime d’assurance auto ou habitation, qui inclus une « taxe attentat »
dont le montant grimpe avec l’escalade de l’horreur.
Certains assureurs adressent même un courrier spécifique à leurs clients, pour les informer
de cette contribution et de son évolution. C’est notamment le cas chez AG2R La Mondiale,
qui adresse ce message à ses assurés mi-décembre, un peu avant les fêtes, moment
opportun pour penser aux autres.
Voici ce que dit le courrier (extrait) :
« L’article 9 de la loi n°86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme
et aux atteintes à la sûreté de l’Etat a institué un fonds de garantie destiné à financer la
réparation des dommages corporels résultant des actes de terrorisme.
L’ensemble des contrats d’assurance dommages est soumis à la « taxe attentat » dont le
taux est fixé chaque année par un arrêté du Ministre chargé des assurances publié au
Journal Officiel.
Ainsi, la contribution annuelle de 4,30€ applicable aux quelque 87 millions de contrats
d’assurance auto et habitation en France sera relevée à 5,90€ au 1er janvier 2017. »
Toute personne n’ayant pas eu la malchance d’être victime d’attentat pourrait s’estimer
heureuse de payer cette contribution sans en bénéficier, en ayant la satisfaction de «faire
quelque chose» pour aider concrètement les victimes.
Mais un rapide calcul permet aussi d’estimer que cette modique « taxe attentat », pas si
modique il est vrai pour les assurés aux ressources les plus modestes, représente une
« ponction » d’un demi milliard d’euros (87 millions de contrats X 5,90€ = 513,3 millions),
qui ampute d’autant le pouvoir d’achat de tous les foyers résidents en France, quelle que
soit leur nationalité, dès lors qu’ils ont une assurance pour leur logement ou leur auto, ce
qui est quasiment incontournable dans le premier cas, qu’on soit locataire ou propriétaire,
et obligatoire dans le second.
Vous le sentez, dans ce dernier paragraphe, le choix des mots peut facilement changer la
perception d’un mécanisme de solidarité nationale. Taxe ? Ponction ? Un demi milliard ?
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contribuables ?
Ampute le pouvoir d’achat ? Un glissement sémantique habile peut faire basculer l’opinion
publique d’un élan de solidarité à un sentiment d’oppression par une puissance publique
aveugle, gérant un système bureaucratique et autoritaire.
Aux Etats-Unis, c’est exactement l’exercice auquel se livre le président de la commission des
services financiers du congrès américain (American House Financial Services Committee),
Jeb Hensarling, avocat de formation, représentant républicain du Texas à la chambre des
représentants depuis 2003.
Depuis l’élection de Donald Trump, le ton de ses communiqués s’est totalement débridé
pour dénoncer les méfaits de toutes les réglementations financières, que le nouveau pouvoir
promet d’abolir, notamment les tentatives d’encadrement de la spéculation ou de séparation
des activités bancaires les plus dangereuses, comme la loi Dodd-Franck de 2010, ou la règle
Volcker (Volcker Rule) rapporte le New York Times.
Son dernier communiqué reçu ce matin est une caricature d’ultralibéralisme, qui vise cette
fois à abattre le mécanisme d’indemnisation fédéral des d’inondations.
Lisez cet extrait (traduit du communiqué complet en V.O. ci-dessous) :
« Le programme d’assurance inondation pique 1,6 milliard de dollars aux
contribuables »
« Le programme national d’assurance inondations NFIP est mal conçu, coûteux et nécessite
désespérément une réforme structurelle. (…) Résultat, environ 96% de l’ensemble des
foyers américains non bénéficiaires du NFIP sont obligés de subventionner les 4%
bénéficiant du NFIP, quel que soit leur revenu. Cela signifie qu’une mère célibataire
travaillant durement pour nourrir ses enfants est obligée de payer pour l’assurance de
quelques résidences secondaires de millionnaires en front de mer. Si ce n’est pas la
définition de l’injustice, alors c’est quoi ? ».
Ce communiqué est d’une mauvaise foi et d’une malhonnêteté intellectuelle aussi efficace
que diabolique (un Républicain dénonçant une « flat tax », quel que soit le revenu, alors
qu’ils ne cessent de lutter contre la progressivité des impôts !). Mais ça marche, et attendezvous à voir la même dialectique prospérer dans le discours des candidats à l’élection
présidentielle française.
Bien sûr que la solidarité nationale coûte aux contribuables ! C’est même un pléonasme,
puisque la fiscalité est par définition l’expression d’une solidarité nationale, sans présumer
de l’utilisation des taxes collectées.
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contribuables ?
Quand les taxes et l’argent public ne servent pas l’intérêt général, mais des intérêts
particuliers, voire individuels et privés, il faut bien sûr dénoncer l’abus de confiance, le
détournement, la corruption ou autre qualification de malversations, ou au minimum de
dysfonctionnement. Malheureusement, ces dérives sont nuisible et destructrice pour la
solidarité nationale, mais aussi pour l’adhésion de la population tout entière à cette belle
idée de fraternité si souvent usurpée. Cela explique certainement la réceptivité de l’opinion
publique à tous les discours politiques dénonçant les dérives administratives et
gouvernementales. Mais ceux-là même qui prônent la prétendue justice du marché sont en
réalité à la solde d’intérêts économiques particuliers finançant leur propre rente politique.
Regardez ce fameux Jeb Hensarling, pourfendeur des réglementations financières qui
asphyxient l’Amérique et écrasent la pauvre mère célibataire travaillant durement pour
nourrir ses enfants, qui finance ses élections ? Les banques et les assureurs bien sûr ! Les
cinq secteurs l’ayant le plus soutenu, avec plus d’un million de dollars de dons, sont les
banques d’affaires, les assureurs, les banques commerciales, les sociétés immobilières et les
activités financières diverses, selon le Center for Responsive Politics, organisme non lucratif
et non partisan de suivi des financements politiques aux Etats-Unis.
Alors si vous entendez des discours comparables, dénonçant l’injustice de la solidarité
nationale, dans la bouche d’hommes et de femmes politiques français, pensez à vous
interroger sur l’origine de l’argent qui finance leur campagne.
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contribuables ?
PRESS
RELEASE
January 17, 2017
For Immediate Release | Contacts: Jeff
Emerson (202) 226-0471; Sarah Rozier (202)
226-2467
Flood Insurance Program Takes Another
$1.6 Billion From Taxpayers
WASHINGTON — House Financial Services
Committee Chairman Jeb Hensarling (R-TX)
issued the following statement today
regarding news that the National Flood
Insurance Program (NFIP) will borrow
another $1.6 billion from hardworking
American taxpayers:
“The National Flood Insurance Program is
poorly designed, costly and in desperate need
of fundamental reform. A market monopoly
and an annual deficit from more than four
decades of liberal subsidies have resulted in
$23 billion in debt to taxpayers before
today’s new borrowing — debt the flood
insurance program openly admits its current
structure can never afford to repay. As a
result, the roughly 96 percent of all American
households outside the NFIP are forced to
subsidize the four percent in the NFIP,
regardless of their income. That means a
single mom working hard to put food on the
table for her kids is forced to pay for
insurance for some millionaire’s beachfront
vacation home. If that’s not the definition of
unfair, then I don’t know what is.
“Reforming this unfair, unsustainable and
bailout broke government monopoly will be a
major focus for the House Financial Services
Committee in 2017. We will pass legislation
that begins the transition to a competitive,
innovative and sustainable flood insurance
Sent from
Committee
on real
Financial
market
thatthe
gives
consumers
choices.”
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contribuables ?
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