Article recrutement cdi agent-2
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Article recrutement cdi agent-2
LE RECRUTEMENT À DURÉE INDÉTERMINÉE D’UN AGENT PUBLIC NON TITULAIRE POUR POURVOIR UN EMPLOI FONCTIONNEL EST RÉGULIER Par deux décisions rendues le 1er février 2012 sous les numéros n° 1101695 et 1101696, le Tribunal administratif de Montpellier, suivant en cela les conclusions de son rapporteur public, a eu l’occasion d’admettre très clairement la régularité du recrutement à durée indéterminée d’un agent public pour pourvoir un emploi fonctionnel prévu à l’article 47 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : « Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 susmentionnée : « [...] Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 du titre Ier du statut général, des emplois permanents peuvent être occupés par des agents contractuels dans les cas suivants : 1° Lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ; 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient. Toutefois, dans les communes de moins de 1 000 habitants et dans les groupements de communes dont la moyenne arithmétique des nombres d'habitants ne dépasse pas ce seuil, des contrats peuvent être conclus pour pourvoir des emplois permanents à temps non complet pour lesquels la durée de travail n'excède pas la moitié de celle des agents publics à temps complet ou pour pourvoir l'emploi de secrétaire de mairie quelle que soit la durée du temps de travail. Dans les communes de moins de 2 000 habitants et dans les groupements de communes de moins de 10 000 habitants, lorsque la création ou la suppression d'un emploi dépend de la décision d'une autorité qui s'impose à la collectivité en matière de création, de changement de périmètre ou de suppression d'un service public, la collectivité peut pourvoir à cet emploi par un agent non titulaire. Les agents recrutés conformément aux quatrième, cinquième et sixième alinéas sont engagés par des contrats à durée déterminée, d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables, par reconduction expresse. La durée des contrats successifs ne peut excéder six ans. Si, à l'issue de la période maximale de six ans mentionnée à l'alinéa précédent, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée [...] » ; qu'aux termes de l'article 47 du même texte : « SELARL Cabinet Coudray, Laurent PEQUIGNOT, Avocat à la Cour 17 septembre 2012 www.cabinet-‐coudray.fr Par dérogation à l'article 41, peuvent être pourvus par la voie du recrutement direct, dans les conditions de diplômes ou de capacités fixées par décret en Conseil d'Etat, les emplois suivants : directeur général des services et, lorsque l'emploi est créé, directeur général adjoint des services des départements et des régions ; directeur général des services et directeur général des services techniques des communes de plus de 80 000 habitants et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 80 000 habitants [...] ; qu'ainsi, il résulte de la lecture combinée de ces dispositions, d'une part, que les dispositions de l'article 47 de la loi du 26 janvier 1984 relatives au recrutement du directeur général des services des communes de plus de 80 000 habitants n'excluent pas la conclusion de contrats à durée indéterminée et, d'autre part, que si un emploi est fonctionnel au sens de ces mêmes dispositions, il ne peut donner lieu à la conclusion d'un contrat à durée indéterminée que sur le seul fondement dudit article 47 et non des dispositions des quatrième, cinquième et sixième alinéas de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 ; » (TA MONTPELLIER 1er février 2012 n°1101695 et 1101696, concl. M. LAFON) Les conclusions du rapporteur public sous cette affaire sont sur ce point particulièrement éclairantes : « (...) Ces emplois, qui sont énumérés aux articles 47 et 53 du statut de la fonction publique territoriale, peuvent être comparés, en matière de fonction publique étatique, aux emplois à la discrétion du gouvernement. Les titulaires de ces emplois à lourdes responsabilités peuvent être désignés librement, en même temps qu'il peut être mis fin à leurs fonctions à tout moment pour des raisons de perte de confiance (CE 7 janv. 2004, Broulhet, req. n° 250616, Lebon 5 ; AJDA 2004. 825, note E. Aubin ; AJFP 2004. 161). Mais il faut mentionner que cette liberté, ancrée sur la nécessité d'une relation intuitu personae entre l'exécutif territorial et l'agent, se heurte de plus en plus à une logique de professionnalisation de ces emplois, logique qui pourrait imposer le recours aux contrats à durée indéterminée : l'énumération de ces emplois est exhaustive, il est prévu un recrutement de fonctionnaires par la voie du détachement, les agents contractuels sont recrutés compte tenu de leur niveau de diplômes, le juge contrôle si le motif de la cessation de fonction - l'intérêt du service ici concrétisé par la perte de confiance - est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, etc. Surtout cette liberté peut parfaitement s'accommoder, voire même justifier, l'idée d'une durée indéterminée, si cette dernière correspond à la volonté des parties au contrat. Et ce d'autant que la durée indéterminée de l'engagement n'interdit nullement qu'il puisse être rompu à tout moment pour perte de confiance. SELARL Cabinet Coudray, Laurent PEQUIGNOT, Avocat à la Cour 17 septembre 2012 www.cabinet-‐coudray.fr La « compatibilité » entre engagement précaire, révocable et durée non déterminée de l'engagement est même validée, au-delà du droit de la fonction publique, dans une matière où la précarité est pourtant reine : les autorisations d'occupation du domaine public (CE 5 févr. 2009, Association Société centrale d'agriculture, d'horticulture et d'acclimatation de Nice et des Alpes-Maritimes, req. n° 305021, Lebon 20 ; AJDA 2009. 231 et 704, note J.-D. Dreyfus ; RDI 2009. 250, obs. O. Févrot ; BJCP 2009, n° 64, p. 224, concl. N. Escaut ; Contrats Marchés publ. 2009, comm. 98, note G. Eckert ; Dr. adm. 2009, comm. 53, note F. Melleray). Nous ne voyons donc pas d'obstacle de principe, tout au contraire, au recrutement d'un agent sur un emploi fonctionnel par le biais d'un contrat à durée indéterminée. La relation de confiance avec les élus ne s'y oppose pas et n'interdit pas plus qu'elle puisse ensuite s'instaurer, comme d'ailleurs pour un préfet ou un recteur, avec la nouvelle équipe exécutive. (...) L'utilité réside précisément dans l'idée de renoncer au système de la carrière pour ces emplois en raison de leur grande spécificité. (...) C'est dans cette optique que le « recrutement direct », s'il a été retenu, a été limité aux collectivités ou établissements les plus importants. Il s'agit de leur assurer, comme d'ailleurs pour les emplois à la discrétion du gouvernement, un maximum de liberté de recrutement, autonomie conforme à l'esprit de la décentralisation. (...) Les contrats relevant, comme celui de Mme D., de l'article 47 se situent ainsi dans une logique étrangère au système de la carrière, c'est-à-dire dans le cadre de la seconde «exception» évoquée précédemment : ce qui implique d'écarter toute contrainte élaborée (notamment par l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984) pour ne pas porter atteinte à ce système. A ce stade, nous pouvons donc affirmer, sans que le silence de l'article 47 sur ce point puisse contredire notre analyse, qu'il n'existe aucun obstacle à ce qu'un «recrutement direct», tel que l'engagement en litige, puisse être opéré pour une durée indéterminée. (…) Comme le recours obligatoire au contrat à durée déterminée, le recours imposé au contrat à durée indéterminée au bout de six ans d'engagement est ici une contrainte proscrite, alors même qu'elle n'est imposée que par une logique de professionnalisation des agents contractuels. Si la liberté des collectivités et établissements s'est imposée, pour ces emplois très particuliers et confidentiels de l'article 47, par rapport à la logique de la carrière, il est normal qu'il en soit de même face à la logique finalement proche de professionnalisation ou de lutte contre la précarité. La forte liberté accordée aux administrations pour ces emplois, autonomie illustrée par la non-application de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984, a donc, à notre sens, une double répercussion en matière de contrats à durée indéterminée. D'une part, aucun texte n'interdit d'y recourir, y compris dès le premier engagement, et d'autre part, aucun texte ne contraint ces administrations à conclure un tel contrat au bout de six ans d'engagement.» SELARL Cabinet Coudray, Laurent PEQUIGNOT, Avocat à la Cour 17 septembre 2012 www.cabinet-‐coudray.fr La décision du Tribunal est claire, d'une part le recrutement direct opéré sur le fondement de l'article 47 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 obéit à une logique propre : aucun texte ni aucun principe ne s'oppose à ce qu'il puisse donner lieu à un contrat à durée indéterminée et il résulte de ce particularisme que ces contrats ne sont pas soumis au régime de l'article 3 de cette même loi (cf. TA de Grenoble n°0700236 du 12 février 2010 pour une solution identique sur ce point dans une espèce similaire). Cette solution n’est pas étonnante puisque l'article 47 prévoit pour les emplois fonctionnels un mode de recrutement qui permet de pourvoir ces emplois par des agents non-titulaires, d'une part par dérogation au principe posé par l'article 3 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 et d'autre part en dehors des hypothèses prévues à l'article 3 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984. Ainsi, le recrutement effectué sur le fondement de l'article 47 précité n'obéit pas aux principes habituels qui régissent le droit des agents publics, ce qui signifie d’une part qu’un tel recrutement peut avoir lieu par le biais d’un contrat à durée indéterminée mais d’autre part, que si un tel emploi est pourvu par un contrat à durée déterminée, celui-ci peut être renouvelé sans que cela conduise la collectivité à devoir proposer à l’agent un renouvellement à durée indéterminée au terme de six ans d’engagement successif. Laurent PEQUIGNOT SELARL Cabinet Coudray, Laurent PEQUIGNOT, Avocat à la Cour 17 septembre 2012 www.cabinet-‐coudray.fr