1 O`BROTHER I- Présentation du film. Sorti en 2000, ce film est le

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1 O`BROTHER I- Présentation du film. Sorti en 2000, ce film est le
O'BROTHER
I- Présentation du film.
Sorti en 2000, ce film est le septième film de Joel Cohen, qui pour la première fois ne
s'associe pas pas à son frère dans la réalisation (ce dernier étant simplement co-scénariste et
producteur). Il s'inscrit dans l'univers de ces deux cinéastes indépendants, qui insistent
particulièrement sur nos faiblesses et nos petites lâchetés. En effet, leur univers est toujours rempli
de personnage ratés, peut intégrés dans la société, mais qui se trouvent placés dans une situation qui
les fera grandir, sans vraiment changer.
Ce film, dans sa graphie, possède des caractéristiques bien personnelles. En effet, dès le
départ, l'évasion nous rappelle les dessins animés de Tex Avery en particulier avec des attitudes
totalement irréalistes de la part des personnages. De plus, les différents panneaux qui constituent le
générique s'inscrivent directement dans l'héritage des films muets, créant un décalage immédiat et
plaçant le spectateur d'emblée dans l'univers décalé du film.
II- Les trois clefs du film.
1- Les Etats-Unis durant la crise économique et sociale des années Trente.
Le film prend pour cadre les Etats-unis, plus particulièrement un état du vieux sud, durant la
grande récession économique des années Trente. Même s'il ne se montre en aucun point
démonstratif, ce film laisse apparaître les difficultés durant la vie quotidienne de l'époque par petites
touches.
On y voit d'abord les effets de la crise avec les vagabonds que l'on trouve dans le wagon à
bestiaux au moment de l'évasion des trois compagnons. Ces derniers représentent l'important
chômage qui a été provoqué par le crack boursier du mois d'octobre 1929. Ce chômage a conduit
nombres de personnes dans la rue, que ce soit dans les bidonvilles qui font alors leur apparition aux
alentours des grandes villes (les Américains les appelaient par dérision : Hoovervilles, en référence
au président républicain de l'époque qui s'est montré incapable de gérer la crise). D'autres, bien
souvent célibataires, parcouraient le pays à la recherche d'un hypothétique travail. Cependant, le
film ne prend pas pour cadre la début de cette crise, mais plutôt les années 1936-1938, celles où le
président démocrate, Roosevelt lance le New deal qui est une politique économique volontariste de
la part de l'Etat. En effet, on voit les trois comparses se retrouver pris par les eaux au moment de la
création d'un lac artificiel censé apporter les bienfaits de la modernité, comme le rappelle Ulysse.
Cette séquence évoque directement la création de barrages sur le fleuve Tennessee, sous la direction
de la Tennessee Valley Authority, qui a justement comme but de créer un grand aménagement
hydraulique susceptible d'apporter à la fois la modernité dans des régions dépourvues de
technologie développée, mais aussi du travail par le biais des nouvelles activités qui seraient
entraînées par cette modernisation.
Cependant, la situation conjoncturelle se double d'une vision structurelle propre à la société
américaine de l'époque avec des prolongements jusqu'à nos jours. C'est ainsi la question de la
ségrégation qui se trouve posée. En effet, les Noirs occupent deux grandes placent dans le film.
C'est d'abord la place de prisonniers chargés des travaux forcés qui apparaît, ce qui fait référence au
statut d'esclave et aux conséquences sociales que cela a entraîné, car les prisonniers n'apparaissent
jamais en prison, toujours dans des champs à travailler, comme le faisaient les esclaves dans les
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champs de coton et nul ne connaît les causes de ce statut de prisonnier pour aucun d'entre eux.
D'autre part, les personnes de couleur apparaissent comme des gens en contact avec des entités ne
relevant pas de ce monde (le chanteur avec le diable et l'aveugle en oracle). Ainsi se dessine l'image
de l'autre par excellence, qui n'est pas intégré dans la société mais qui par sa marginalité est en
possession d'une plus grande richesse spirituelle, car il n'est pas attaché aux valeurs matérielles qui
régissent cette dernière. Il n'est donc pas innocent que nos trois héros se trouvent en contact régulier
avec ces marginaux pour progresser dans leur quête. Le rejet et la peur de l'autre dans cette société
s’expriment à travers la séquence qui parodie le Klu Klux Klan. En effet, les Noirs ne sont pas
désignés comme les seuls ennemis mais tous les étrangers, et malgré une imitation de rite spirituels
s'approchant de cérémonies religieuses, ces hommes apparaissent ridicules, car leur message de
haine, et leur place dans la société comme escrocs (économique dans le cas du marchand de Bibles
ou politiques dans le cas du candidat) ne leur donne aucun crédit. À côté de ces hommes, on trouve
dépassé par la modernité le gouverneur de l'Etat, grand propriétaire terrien, défendant ses intérêts et
ceux de sa catégorie sociale dans une vision paternaliste du monde, mais sans vraiment comprendre
les enjeux qui touchent sa société.
Au-delà de l'Amérique des années trente, on constate que Joël Cohen lance un appel à
vocation universel qui est un appel à la tolérance mais aussi une critique du blocage de la société
qui est encore vrai au moment où il réalise son film.
2- L'Odyssée et Homère.
Par le titre qui est tiré d'une phrase de L'Odyssée, mais aussi par le nom du héros principal,
Ulysse, le film nous plonge volontairement dans l'œuvre d'Homère. La structure du trio est très
révélatrice de cette influence. En effet, Ulysse possède toutes les caractéristiques morales et
intellectuelles de son prédécesseur. On le voit roublard, beau parleur et se sachant intelligent (le
fameux métis des Grecs), il en profite pour duper son monde. N'est-il pas allé en prison pour s'être
fait passer pour un avocat sans en avoir les qualifications ? À partir de ce schéma, Cohen a donné
des propriétés cinématographiques à son personnage. Ainsi, le beau parleur sur de lui prend soin de
sa personne, soin qui est matérialisé par l'utilisation exclusive de la même marque de gomina qui est
censée apporter des vertus particulières à celui qui l'utilise (peut-on y voir une référence à la magie
dans le monde d'Homère ?). De plus, si dans l'ouvrage d'Homère les références aux compagnons
d'Ulysse sont nombreuses, ils ne sont guère décrits. Cohen a donc utilisé la marque classique du trio
pour donner de la consistance à son équipe. On trouve ainsi à la fois l'antithèse d'Ulysse en la
personne de Pete, personnage sans classe ni intelligence et un personnage, comme Delmar, qui
possède une intelligence plus pratique qu'Ulysse et qui rentre en conflit avec lui pour les prises de
décisions, voir pour la direction de l'équipe. Mais leurs préoccupations, ainsi que leur gestion des
situations enlève tout caractère dramatique à leur aventure. Ainsi, Cohen parvient à donner une
dynamique personnelle à son travail, en faisant une adaptation totalement personnelle de l'œuvre
d'Homère.
Il est inutile de rechercher dans ce film des références systématiques à L'Odyssée. Pourtant,
un certain nombre de séquences y sont directement liées. C'est d'abord l'objectif d'Ulysse : retrouver
sa Pénélope qui est en train d'épouser son prétendant et empêcher ce mariage pour la reconquérir et
retrouver sa place de Pater familias. C’est également un certain nombre de séquences dont la plus
marquante est ces des jeunes femmes qui chantent au bord de la rivière et qui s'inspire directement
de l'épisode des sirènes chez Homère. Cependant, chez Cohen, l'épisode est totalement détourné car
notre équipe stoppe sa route pour céder à la tentation des sirènes, ce qui apparaît comme la marque
de la faiblesse humaine des personnages, et Pete pense que Delmar est transformé en crapaud, ce
qui rappelle plus les contes de Fées avec le prince charmant subit cette transformation, que
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L'Odyssée. Pourtant cette métamorphose rappelle celle des compagnons d'Ulysse en cochon par
Circée la magicienne (d'ailleurs ne voit-on pas un cochon précédemment au moment de la fuite de
la ferme ?). D'autre part, le marchand de Bible incarne parfaitement le cyclope, même si là encore
Cohen a voulu joué avec les codes du poème, car l'aveuglement de ce dernier se fait en plusieurs
temps. Au-delà des différents épisodes, Cohen a voulu insister sur la pérégrination elle-même. Les
plans larges sur les routes reviennent fréquemment, et lorsque les trois personnages trouvent le
musicien, ont les voit passer devant un carrefour qui symbolise les choix qu'il font dans leur voyage
qui représente leur vie. De plus, à l'exception de moment où Ulysse retrouve sa femme, on se trouve
dans des paysages vides : grandes plaines ou forêts qui montrent bien que cette aventure ne se
déroule pas dans une terre humanisée mais dans une terre où les éléments dominent, et donc, par
extension, les dieux, car ces derniers sont souvent assimilés à la nature.
Enfin, Cohen nous présente Homère lui-même dans l'incarnation du vieil homme aveugle
sur la ligne de chemin de fer qui prédit leur destins aux personnages. En effet, on le trouve à
l'introduction et à la conclusion de l'aventure. Dans le premier cas, il annonce aux héros les
épreuves qui vont les attendre, dans le deuxième cas, on le voit passer sous un pont pour symboliser
la sortie de l'histoire. De plus, c'est le seul personnage qui contrôle son voyage, dans la mesure où il
ne fait que suivre les lignes de chemin de fer. On peut alors faire le rapprochement avec Homère qui
contrôla le voyage de son propre personnage. Le producteur est également aveugle, comme le veut
la tradition pour le poète, or c'est lui qui donne la vie au groupe comme le poète a donné la vie à ses
personnages.
3- La quête du Graal.
La référence à un des mythes fondamentaux de notre culture se double d'une référence, plus
diffuse, à un autre mythe, tout aussi fondamental, la quête du Graal. En effet, Ulysse ne prétend pas
chercher un trésor, contrairement au personnage du film de Cohen. Or, ce trésor est fondamental
pour le trio, car il s'agit non pas d'un trésor matériel, comme le faisait croire Ulysse, mais d'un trésor
spirituel, qu'il trouve dans l'art, en particulier la chanson (voir le Beau chez Kant). En effet, ce trésor
leur apporte personnellement une respectabilité en leur permettant de s’intégrer dans l'équipe du
gouverneur, mais permet également à Ulysse de retrouver sa femme. De plus, ce trésor irradie les
gens qui sont on ne peu plus heureux à l'écoute de cette chanson, symbole de la réconciliation
sociale mais aussi de l'intégration des exclus.
L'autre point qui plaide en faveur de la représentation de la quête du Graal dans ce film, c'est
la notion de bien et de mal. En Effet, l'Odyssée comme le monde Antique, est totalement étrangère à
ces notions qui ont été développées par le Christianisme et que l'on retrouve de façon très marquée
dans la littérature arthurienne. C'est particulièrement le policier et ses lunettes reflétant un brasier
qui montre la notion de mal par l'incarnation du Diable qui cherche à empêcher nous trois héros à
atteindre leur but. Mais sa disparition dans le lac au moment de la montée des eaux n'est pas sans
évoquer la purification par l'eau que l'on trouve dans les principales religions (voir la mer d'argent à
l'entrée du Temple de Salomon ou le baptême chez les Chrétiens). Ceci est d'autant plus marqué
qu'on est alors à la fin du film, le trésor a été retrouvé, et il ne reste plus à Ulysse qu'à retrouver
l'alliance qui marque son lien définitif avec sa femme.
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III- Utiliser le film en cours
1- En histoire.
La crise économique de 1929 n'étant plus au programme de troisième, on pourra se rabattre
sur le cours de géographie sur les Etats-unis pour étudier ce film. Trois thèmes peuvent être mis en
valeur : l'aménagement du territoire et la société. Pour le premier, la rectitude des routes et des
champs ainsi que l'immensité seront utilisés pour évoquer la mise en valeur du territoire. (voir la
scène de la rencontre avec le musicien noir). D'autre part, le Vieux sud, pays de culture apparaît
lorsque les héros prennent la fuite dans les champs de blé. Enfin, pour ce qui est de la société, la
séquence de la cérémonie du Ku Klux Klan montre la division de la société américaine en
communautés et les tensions qui peuvent en découler.
2- En Anglais.
C'est dans cette matière que les thèmes sont les plus foisonnants. On peut envisager une
étude sur la crise économique de 1929 et le New deal (Vagabonds dans le train, la création du lac
artificiel et le discours d'Ulysses). On peut faire également une étude sur le Vieux sud, par ses
paysages et son économie (voir l'analyse en histoire) mais aussi par les traces laissées par
l'esclavage dans la société (cf analyse en histoire). Le système politique américain peut également
être abordé par le rôle des médias : discours du gouverneur à la radio, campagne de son challenger
sur le car et sur l'estrade et par extension, système fédéral.
3- En Français.
On peut comparer ce film aux écrits sur la période de Steinbeck et analyser la crise
économique de 1929 (voir l'analyse en Anglais).
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