L`après-tsunami
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L`après-tsunami
Les dégats de la vague sur la Mangrove (© Groupe URD) Humanitaire ANALYSE L’après-tsunami entre émotions collectives et dures réalités de la reconstruction .................................................................................... p. 70 REPÈRES Le parcours de la vague ................................................................... p. 72 REPÈRES L’Indonésie, un pays riche d’une histoire complexe ................................................................................................ p. 74 REPÈRES Sri Lanka, une histoire complexe et douloureuse............................................................................................ p. 77 REPÈRES La ThaÏlande, au-delà du paradis ........................................ p. 79 REPÈRES La mobilisation internationale ................................................ p. 80 REPÈRES Les acteurs français................................................................................. p. 83 ENTRETIEN La Croix-Rouge Française et le tsunami ................................................................................................................................. p. 86 ENTRETIEN Le tsunami, un an après : l’expérience de Solidarités ......................................................................................... p. 87 Diplomatie 18 Affaires stratégiques et relations internationales 69 Humanitaire L’ a près-tsunami entre émotions collectives et analyse François Grünewald a participé à plusieurs missions d’évaluation de l’impact de l’aide post-tsunami entre avril et décembre 2004. Il anime le Groupe URD et dirige depuis six ans le Master « Gestion de l’Humanitaire » de l’Université Paris XII Créteil. Photo ci-contre : Atelier de construction de bateaux à Aceh. (© Association Triangle - URD) 70 dures réalités de la reconstruction D ’un côté les enjeux de survie du court terme et de la gestion de la magnifique générosité. De l’autre, ceux de la reconstruction à moyen terme et de la prévention à long terme, mais aussi de la dure réalité politique. Les exigences d’équité, de la lucidité engagée, de l’intelligence des situations et de la redevabilité sont au cœur des débats qui agitent médias, humanitaires et public. Le désastre du 26 décembre 2004 a-t-il changé le regard qui se porte sur la planète et va-t-il changer les pratiques humanitaires ? Des images d’une nature déchaînée sont arrivées avec soudaineté sur nos écrans en ce petit matin du 26 décembre 2004, expédiées par les caméras vidéo et les téléphones cellulaires des nombreux touristes présents sur certains points : Pukhet, Mattara, images de maisons emportées par les eaux, de cet homme marchant égaré avec le corps de son enfant dans les bras. L’horreur au paradis… La force meurtrière de la vague Diplomatie 18 Janvier - Février 2006 a permis d’éviter ces débats si difficiles autour de l’identité des victimes : pas de bourreaux, pas de miliciens louches se cachant derrière des visages ingénus et défaits, mais une masse d’eau mue par une force tellurique. Puis les choses se sont compliquées : la tentative de mise en place d’une coalition humanitaire par les États-Unis a souligné l’importance pour ces derniers de faire oublier leur positionnement en Irak et la mauvaise image qu’ils ont en terre d’Islam. La Commission européenne, les pays de l’Union sont eux aussi entrés dans une compétition de déclarations de mobilisation de moyens. Il a en même temps fallu redonner un rôle à l’ONU. Le secrétaire général Kofi Annan, ainsi que son secrétaire général adjoint aux Affaires humanitaires, Jan Egeland ont dû faire des pieds et des mains pour que les Nations Unies puissent enfin prendre la place normale qui doit leur être dévolue, c’est-à-dire la facilitation des efforts de coordination. Bill Clinton lui-même s’est mobilisé, en devenant l’envoyé spécial de la Global Coalition montée par l’ONU. Les stratégies des acteurs politiques régionaux ont réapparu : l’Inde riche de Delhi a très vite déclaré qu’elle n’avait pas besoin d’aide d’urgence internationale, alors que les Madrasais enrageaient que tout soit si lent. Au Sri Lanka, après la trêve sacrée des premiers jours, les Tigres tamouls ont vite retrouvé leur stratégie de contrôle des populations, Humanitaire ici détournant un convoi d’aide, là-bas bloquant les passages. Le gouvernement indonésien a repris le contrôle d’Aceh, lieu d’une insurrection indépendantiste combattue violemment, après s’être laissé un instant déborder par l’arrivée de l’aide, et notamment de celle portée par la logistique de la Marine américaine. Après l’urgence des premiers jours, s’est dessiné l’agenda de la reconstruction. Les ardoises financières annoncées pour y faire face donnent le vertige. Après avoir été si « pingres » pour d’autres crises, de continuer d’être si économes face aux enjeux du développement, d’un seul coup les promesses d’argent abondent. Les moratoires de dettes (on ne va quand même pas jusqu’à l’annulation), les déblocages de fonds des institutions financières internationales se renforcent les uns les autres. Le débat sur la mobilisation des fonds pour cette crise et la légitimité des ONG dans les programmes de reconstruction, lancé par Médecins Sans Frontières (MSF), a évidemment trouvé très vite une première résonance avec le désastre résultant du tremblement de terre au Pakistan, pour lequel l’aide a été si difficile à mobiliser. Il en trouve une deuxième dans le thème récurent de cette fin d’année, quand chacun se demande « où sont passés tous ces millions ? ». Il ne faut peut-être pas nécessairement s’enferrer dans des approches dogmatiques. Les ONG et les sociétés civiles qui les portent sont diverses et n’ont pas toutes la même ligne que MSF. Tout le monde ne travaille pas uniquement sur la santé, et la solidarité avec des populations dans la détresse, c’est parfois non seulement les aider à sortir la tête de l’eau, mais aller plus loin. Les ONG ont le droit d’envisager s’il est possible et utile d’accompagner des populations au-delà de la rive où les ont laissées les secouristes. À la condition qu’elles le fassent avec éthique et professionnalisme, avec rigueur comptable et empathie humaniste. Le « trade off », ce n’est pas « qui fait quoi ? », c’est « qui fait bien quoi ? » ! La réponse au tsunami démontre que si la générosité est une belle chose, c’est aussi une chose complexe… ıı Plusieurs leçons sont apparues au gré des évaluations ı Leçon 1 : L’aide de proximité est et restera la clé de la réponse à ces situations. Ce sont les voisins, les parents, les collègues, les volontaires de la Croix-Rouge ou les pompiers locaux, etc., qui sauvent les vies, pas tant l’aide internationale. Les capacités de cette aide de proximité, si vite oubliée, peuvent être renforcées grâce à un investissement spécifique. Autour de cet enjeu de la préparation au désastre, l’aide française posttsunami est très présente, suite aux engagements pris par la France à Kobé en février 2005. Leçon 2 : Si la réponse à la situation d’urgence extrême est finalement relativement simple et essentiellement liée à la capacité logistique, travailler sur « l’après-urgence extrême » est beaucoup plus complexe. La nécessité d’une grande finesse des diagnostics (tout en les gardant évolutifs du fait de la grande rapidité d’évolution des situations) et la capacité d’empathie et de dialogue avec les populations et les autorités nationales sont des enjeux fondamentaux de la qualité durant ces temps difficiles qui accompagnent la fin de la phase aigûe. Leçon 3 : La capacité de faire évoluer des programmes dépend largement de la mécanique financière et d’échange d’information mise en place. Il s’agira de voir la reproductibilité des procédures DIPT/CPT qui, en bonne coordination avec les autres bailleurs Fondation de France et Croix-Rouge Française ainsi qu’avec ECHO, ont permis des montages financiers souples pour garder une adaptatibilité des programmes, pour de telles situations. Leçon 4 :Trop d’argent qu’il faut dépenser vite et de façon visible peut tuer l’intelligence. Il importe de faire comprendre au public et aux institutions que, dans ces situations complexes et douloureuses, la gestion du temps ne doit pas se faire sous la pression, mais au contraire dans une grande empathie avec les contextes. Vouloir construire très vite beaucoup de maisons ou de bateaux a conduit à des gâchis absurdes. Leçon 5 : La coordination est essentielle, mais représente aussi des investissements majeurs en temps. Il faudra à la fois capitaliser sur ce qui a bien marché (en France notamment, avec la DIPT – voir p.83 – et imaginer d’autres mécanismes pour rendre plus efficient ce qui a moins bien fonctionné. Photo ci-contre : Une maison construite par l’ONG ATLAS. (© Groupe URD) François Grünewald Diplomatie 18 Affaires stratégiques et relations internationales 71 Humanitaire repères Photo ci-contre : L’arrivée de la vague en Thaïlande, le 26 décembre 2004 (© D.R.) Extrait des actes du Colloque «Tsunami, l’eau qui tue, l’eau qui sauve : premiers bilans de l’aide humanitaire», 13 et 14 mai 2005. Co-organisé par le Groupe URD, CAP Solidarité et l’Université Paris XII Créteil avec le concours du Conseil Général du Val de Marne. Le parcours de la vague Dimanche 26 décembre 2004, à 0 h 59 en temps universel – 7 h 59 à Djakarta (Indonésie) et Bangkok (Thaïlande), 6 h 29 à New Delhi (Inde) et Colombo (Sri Lanka) –, la terre tremble sous l’océan Indien, au large de Sumatra. Ce jour-là, le frottement de la plaque tectonique indo-australienne, au Sud, avec la plaque eurasienne, au Nord, a provoqué un point de rupture exceptionnel d’une dizaine de mètres de profondeur sur une longueur de 600 à 800 km. Cette rupture de l’écorce terrestre a entraîné le déplacement vertical et brutal d’une colonne d’eau. 15 minutes après, un bulletin d’alerte est adressé par le Centre d’alerte sur les tsunamis du Pacifique situé à Hawaï aux pays membres du réseau ; ce bulletin indique une magnitude de 6,8 sur l’échelle de Richter et « qu’aucune menace de tsunami destructeur n’existe ». Au même moment, deux gigantesques ondes ont déjà parcouru plus de 150 km vers les côtes à l’Est et à l’Ouest, à près de 700 km/h. 31 minutes après, les vagues mesurant 72 Diplomatie 18 Janvier - Février 2006 entre 10 et 15 mètres de hauteur atteignent d’une part Banda Aceh et d’autre part les îles Andaman et Nicobar. 1 heure et 5 minutes après, Hawaï évoque « une possibilité de tsunami près de l’épicentre ». 1 heure et 31 minutes après, la vague déferle sur l’État du Tamil Nadu en Inde, dévastant les districts de Nagapattinam, Chennai, et Kancheepuram. Pourtant situées à proximité de l’épicentre, les côtes thaïlandaises ne sont touchées qu’1 heure et 45 minutes après, en raison de la faible profondeur des fonds marins qui ralentissent la vitesse de déplacement du tsunami. Celui-ci atteint au même moment les côtes sri lankaises touchant la ville de Trincomalee située sur la côte Est. 2 heures et 11 minutes plus tard, c’est Madras qui est frappée. Une demi-heure après, l’alerte fédérale est déclenchée. Entre-temps les vagues dévastent la province sud du Sri Lanka : Hambantota, Matara, Galle…. 3 heures et 1 minute après la secousse, les 1 192 îlots des Maldives sont inondés. 6 heures après, la vague touche les côtes australiennes et ne fait aucun dégât dans ce pays prévenu à temps. 7 heures et 16 minutes après, des scientifiques américains réévaluent la magnitude du séisme à 9 (soit 10 fois plus puissant que la première estimation). 9 heures et une minute après, une chaîne de télévision prévient la population kenyane de l’arrivée de grosses vagues. L’ordre d’évacuer les plages est donné une heure après. 12 heures après la secousse, faute d’alerte, des centaines de victimes périssent en Somalie. 32 heures après le séisme, l’onde a été observée en Alaska, au Chili, au Mexique, et non loin de New York. v F.G. Humanitaire Le contexte géopolitique de la région Le phénomène a touché une gamme très large de situations socioéconomiques et politiques, ce qui accentue à la fois la complexité de sa gestion et les difficultés rencontrées par de nombreux acteurs. Entre la Thaïlande, l’Inde et la Somalie, les différences sont en effet beaucoup plus nombreuses que les points communs. Plusieurs grands axes d’analyse doivent être explorés : - Les différences économiques entre et au sein de chacun des pays, qui expliqueront à la fois les impacts spécifiques et les différences en termes de capacité de gestion de la crise par les institutions nationales. - La conflictualité existant au sein de chacun des contextes : presque tous les pays concernés, à part le Kenya, les Maldives et l’Inde, vivent des situations politiques et militaires difficiles. La zone touchée d’Indonésie est affectée par un conflit interne de plus de vingt ans d’âge. Le Sri Lanka essaye de se sortir d’une guerre civile dramatique et la fragilité du gouvernement est évidente. La Thaïlande connaît depuis une dizaine d’années une certaine instabilité au Sud. La Birmanie et la Somalie sont en situation très difficile. - La place de chacun de ces pays dans la géopolitique internationale aura un impact particulier sur la mobilisation de l’aide internationale, et notamment bilatérale, en sa faveur : la mobilisation américaine en faveur de l’Indonésie, par exemple, s’explique largement par ce facteur géostratégique : démontrer que les États-Unis assistent le pays musulman le plus peuplé du monde. v F.G. Les effets de la vague à Aceh (© Groupe URD) Le bilan de la dévastation © AREION 2006 Bangladesh 2 morts BANGLADESH Yemen BIRMANIE INDE 2 morts Birmanie 59 morts Thaïlande 8 241 morts YEMEN 16 389 morts 647 599 déplacés KENYA 150 morts 5 000 déplacés Maldives Malaisie 74 morts 8 000 déplacés MALAISIE MALDIVES 108 morts 21 663 déplacés Kenya 1 mort TANZANIE Sri Lanka 35 262 morts 519 063 déplacés SRI LANKA Somalie SOMALIE THAILANDE Inde Tanzanie Seychelles 10 morts 3 morts 200 déplacés INDONESIE Indonésie 166 334 morts 566 898 déplacés SEYCHELLES Note : pour l’Indonésie, les statistiques incluent le séisme du 28 mars 2005. AFRIQUE DU SUD Afrique du Sud 2 morts Sources pour les décés (USAID, 2005), sauf pour la Birmanie, la Tanzanie, le Bangladesh et le Kenya (AFP, 2005), le Yemen (IRIN, 2005b). Sources pour les déplacements : Said et al., Loss and damages, 2005; sauf pour le Yemen (IRIN, 2005b) et les Seychelles (IRIN, 2005a). Diplomatie 18 Affaires stratégiques et relations internationales 73 Humanitaire L’Indonésie un pays riche d’une histoire complexe repères On ne peut comprendre les difficultés et les enjeux de l’aide « posttsunami » en Indonésie sans prendre en compte l’histoire des quatre dernières décennies de ce pays en général, et du contexte très spécifique d’Aceh en particulier. ıı Histoire d’une démocratisation en cours ı L’histoire de l’Indonésie est passionnante. Ancienne colonie hollandaise, Photo ci-contre : Dégâts dans l’un des ports de la zone d’Aceh. (© Groupe URD) 74 ce pays de plus de 5 000 km de long, constitué d’une myriade d’îles aux noms chantants et aux peuples très divers, a vécu une histoire chaotique au cours des années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale. Cet archipel, le plus peuplé des pays musulmans de la planète - avec plus de 222,6 millions d’habitants en 2004 -, est passé par des étapes très dures de militarisation de l’État, des événements aussi dramatiques que les massacres « anti-communistes » de 1964 (plusieurs centaines de milliers de morts), des aventures coloniales qui se sont mal terminées (Timor oriental), et de nombreux soubresauts militaires. Pays de la déclaration de Bandung des pays non-alignés, l’Indonésie est une terre de culture et de rayonnement riches avec une économie assez dynamique, bien Diplomatie 18 Janvier - Février 2006 qu’ayant du mal à se remettre de la crise financière asiatique des années 1990. L’Indonésie est aussi un espace géographique fréquemment visité par les catastrophes naturelles : dans ce pays en partie montagneux, situé en zone de mousson tropicale, sur une zone tellurique active, et bordier des grands espaces océaniques affectés par les phénomènes El Nino et la Nina, on y trouve à peu près tous les cas de figures des désastres naturels. Cette situation se trouve aggravée par les risques humains liés au terrorisme, aux problèmes croissants des accidents technologiques et, depuis peu, aux dangers liés à l’épidémie de grippe aviaire. ıı Leet leconflmouvement it indépendantiste GAM ıréprimé Le GAM (Mouvement Aceh Libre) fut par l’État indonésien dès sa création en 1976 par un petit groupe de nationalistes acehnais. Mais les multiples violations des droits de l’Homme commises par l’armée indonésienne ont rapidement nourri le sentiment indépendantiste dans une grande partie de la population. Une population qui ressent très mal la mainmise totale de Djakarta sur le pétrole, l’arrivée dans la province de migrants venus de l’île de Java, mais également l’absence de respect de ses traditions culturelles. Le conflit d’Aceh a fait plus de 12 000 morts depuis 1976 dans cette province du nord de l’île de Sumatra (4 millions d’habitants), riche en Humanitaire hydrocarbures. Il oppose les rebelles du GAM au gouvernement, qui a refusé toute idée d’indépendance d’Aceh – perçue comme une remise en cause de l’unité de l’immense archipel de 212 millions d’habitants. Un espoir naît avec la chute de la dictature Suharto en 1998. Mais à la différence du conflit au Timor oriental, qui a abouti en 1999 à un vote pour l’indépendance sous les auspices de l’ONU, le drame acehnais ne mobilise pas la communauté internationale : l’armée indonésienne a pu continuer de réprimer le mouvement indépendantiste acehnais à l’abri des regards étrangers. La situation avant le tsunami L’armée indonésienne contrôlait les villes et les principales voies de communication, mais elle ne parvint pas à déloger la guérilla de ses bastions traditionnels – la jungle et certaines zones rurales où les indépendantistes bénéficient souvent de l’appui de la population. En 2002, les États-Unis ont commencé à faire pression sur le gouvernement indonésien pour que celui-ci entame des négociations avec les rebelles d’Aceh : partenaires du gouvernement indonésien dans la lutte contre le terrorisme, les États-Unis ne souhaitaient pas voir l’aide militaire apportée détournée au profit de la répression contre les rebelles d’Aceh. Ils préfèrent donc soutenir les efforts en faveur de la paix. Ces négociations se soldent par un échec : en mai 2003, le gouvernement indonésien impose la loi martiale sur le territoire d’Aceh, puis déclare l’état d’urgence, toujours en vigueur à la veille du tsunami. La répression du mouvement indépendantiste va se poursuivre à l’abri des regards. La zone est interdite aux étrangers, qu’ils soient touristes, journalistes ou observateurs. Bilan humain et matériel Les conséquences de cette catastrophe sont immenses puisqu’elle a touché treize pays, faisant 230 000 victimes et disparus, et 1,5 million de sans-abris. D’un point de vue matériel, l’ampleur des dégâts est également phénoménale, et de nombreux secteurs d’activités économiques ont été sinistrés, comme par exemple le secteur de la pêche, pour lequel on estime qu’un montant de 320 millions de dollars serait indispensable pour le remettre en état. Même constat lorsqu’on analyse le bilan des habitations détruites : les pays les plus dévastés sont l’Indonésie avec 280 000 maisons et un tiers des écoles démolies, et le Sri Lanka avec 120 000 habitations détruites. Néanmoins, ces chiffres sont à relativiser en gardant à l’esprit que : - cette vague dévastatrice n’a pénétré les terres que de 50 à 400 mètres (dans quelques rares cas sur 2 à 3 km) et que l’intérieur des pays n’a pas été touché ; - comme dans toute catastrophe naturelle et a contrario des conflits, les dégâts ont été circonscrits dans l’espace et dans le temps : les infrastructures existent et les secours locaux ont pu s’organiser avant la phase de reconstruction, En même temps, les attentats terroristes à Bali et les tensions interconfessionnelles sur plusieurs zones insulaires ont amené le gouvernement à prendre conscience des enjeux des négociations. Le statut d’autonomie progressive était accordé à la province de Naggrue Aceh Darussalam. C’est dans ce contexte que le travail de négociation, entamé par le Centre Henri Dunant de Genève, puis relayé de façon plus politique par la médiation finlandaise, a tenté de faire avancer l’idée de paix. L’évolution politique depuis le tsunami Le tsunami a changé la donne : - en attirant d’un coup l’attention de la communauté internationale sur la situation à Aceh et son conflit oublié, largement occulté par rapport à la crise du Timor oriental ; - en créant dans l’archipel un élan de sympathie pour la zone d’Aceh ; - en modifiant une partie des équilibres des forces. Immédiatement après le tsunami, les deux factions en conflit ont déclaré un cessez-le-feu pour permettre aux efforts de secours de se dérouler sans danger. Le GAM et le gouvernement ont aussi décidé d’accélérer les négociations qui sont entrées dans une phase nouvelle, sous l’égide de l’ancien président finlandais Martti Ahtisaari, jusqu’à un cessez-le-feu et à un accord de démilitarisation de la zone en août 2005. Sur la base de ces avancées de la « diplomatie tsunami », une mission de suivi des accords de paix, la « Aceh Monitoring Mission » (AMM) a été mise en place par le Conseil de l’Europe, avec une bonne implication de la France. v F.G. Photo ci-dessous : La mort à frappé : fosse commune à Banda Aceh. (© Groupe URD) les besoins immédiats ont concerné essentiellement les premiers soins aux blessés, la distribution de nourriture, de kits d’hygiène et de nettoyage pour les populations sinistrées, et le traitement de l’eau. Pour les sinistrés du tsunami, l’accès à l’eau potable et à des latrines est un enjeu vital. Après le raz-de-marée, des milliers de personnes ont été exposées à une dizaine de maladies directement liées à l’eau, comme les affections diarrhéiques par exemple. Pour lutter contre la déshydratation associée à ce type de pathologie, l’aide internationale a envoyé des millions de tablettes de purification d’eau et des kits d’urgence sanitaire destinés à 2 millions de victimes. Les chiffres sur l’impact de cette série de catastrophes varient d’une source à l’autre. Ceux présentés ici proviennent des compilations réalisées par le Centre asiatique de préparation aux désastres (ADPC) de Bangkok. v F.G. Diplomatie 18 Affaires stratégiques et relations internationales 75 Humanitaire Bilan humain et matériel Impact humain du tsunami du 26 décembre 2004 Morts (inclues les personnes disparues) Blessés Personnes ayant perdu leur habitation Inde Indonésie Sri Lanka Thaïlande 16 389 221 291 35 386 8 221 7 187 149 559 23 033 8 457 210 000 539 385 380 000 58 550 Distribution des effets du désastre sur les pays (en millions d’US$) Inde Indonésie Sri Lanka Thaïlande Total Dégâts Pertes Impact Total 575 2 920 1 144 508 5 147 649 1 531 310 1 690 4 180 1 224 4 451 1 454 2 198 9 327 © Groupe URD En terme d’impact économique, le total des dégâts est estimé entre 10 et 13 milliards d’US$. L’Indonésie est le pays le plus touché en termes absolus (dégâts estimés aux alentours de 4,5 milliard d’US$), suivi de la Thaïlande (2,2 milliards d’US$), du Sri Lanka (1,5 milliards d’US$) et de l’Inde (1,2 milliard d’US$). Néanmoins, ces chiffres « absolus » doivent être mis en regard des richesses des pays et de leur PNB. Le PNB du Sri Lanka été le plus touché (7,6 % de pertes) suivi par l’Indonésie (2 %), la Thaïlande (1,4 %) et par l’Inde (0,2 %). Magnitude, Impact/PNP, en % 0,2 2,0 7,6 1,4 1 Source: ADPC, Socio Economic Impacts of the Indian Ocean Tsunami 2004 Dégâts et pertes résultant du tremblement de terre et du tsunami du 24 décembre 2004 Indonésie Inde Sri Lanka Thaïlande 161 719 3 302 87 993 1 506 Secteurs Nombre de maisons détruites 127 325 Nombre de maisons endommagées 151 653 153 585 Nombre d’écoles endommagées ou détruites 2 065 327 190 N. r. Nombre de structures de santé affectées 43 100 82 N. r. Infrastructure Nombre de réseaux d’eau affectés 774 33 9 19 Nombre de puits rendus partiellement ou totalement inutiles 60 000 300 62 000 149 Nombre de pompes à mains endommagées 15 000 1 158 N.r. N. r. Nombre de latrines endommagées ou détruites N. r. 90 30 000 N. r. Kilomètres de routes endommagées 1 937 N. r. 6 901 180 N. r. Nombre de ponts affectés 437 1 10 35 Kilomètres de lignes ferroviaires affectés N. r. N. r. 20 N. r. Nombre de docks ou de jetées endommagés 9 9 15 38 Secteurs productifs Hectares de cultures endommagées 31 100 8 000 2 310 2 529,58 Nombre de systèmes d’irrigation affectés N. r. N. r. 25 N. r. Nombre d’animaux d’élevage tués (bovins, caprins, volaille) 2 544 300 61 809 72 550 13 490 Nombre de bateaux de pêche détruits ou endommagés 20 600 75 338 15 600 5 985 Dommages sur les exploitations de pisciculture 1 700 Ha 400 ha N. r. 1 039,6 milliard de baht Nombre d’installations hôtelières affectées N. r. N. r. Entre 200 et 300 Une dizaine Hectares de récifs de coraux affectés 97 250 N. r. variable Hectares de mangroves affectées 750 N. r. N. r. Superficie de plages affectées (érosion, dépose de débris, etc.) 300 N. r. N. r. Impact environnemental Note : la conversion des surfaces a été effectuée sur www.onlineconversion.com/area.htm (Source : ADPC, Impacts of the Indian Ocean Tsunami 2004) 76 Diplomatie 18 Janvier - Février 2006 Estimation haute 503,36 basse 188 Estimation haute : 297,6 Basse : 88,8 9,92 km2 r Humanitaire Sri Lanka Une histoire complexe et douloureuse repères ıı Lecessez-le-feu Sri Lanka jusqu’au de 2002 ıtugaise, Après cinq siècles de colonisation porhollandaise puis britannique, le Sri Lanka est devenu indépendant en 1948. La population de l’ancienne Ceylan est diversifiée, reflétant les phases successives de peuplement de l’île. Le conflit actuel trouve ses origines au début des années 1930, qui ont connu une surreprésentation de la communauté parlant le tamoul dans l’administration coloniale (y compris du fait de l’importante main-d’œuvre tamoule importée de l’Inde voisine pour mettre en place les plantations de thé). À partir de l’indépendance en 1948, la population majoritaire cingalaise a dominé l’État et, au cours des années, a introduit nombre de mesures discriminantes visant à limiter la représentation politique des Tamouls, à réduire leur accès à l’éducation et à la terre, et à empêcher l’usage de la langue tamoule (en 1956 était passé un texte de loi faisant du cingalais l’unique langue nationale). Les Tamouls ont continuellement cherché un partage du pouvoir, et l’échec à résoudre les différences politiques a vu les requêtes des Tamouls se radicaliser, culminant dans la revendication d’un État séparé dans le Nord et dans l’Est – l’Eelam Tamoul. Les moyens employés pour atteindre la réalisation de ces revendications sont devenus de plus en plus violents. Les émeutes communales de 1983 contre les Tamouls sont considérées comme un virage décisif, conduisant à une guerre totale de la part des insurgés, un processus de répression continue et sans répit, et trois périodes majeures de violence de masse, connues comme les Guerres d’Eelam. L’accord indo-srilankais a été initié par l’Inde en 1987 et a vu l’arrivée dans le pays des Forces Indiennes de Maintien de la Paix (IPKF). Les IPKF se sont trouvées impliquées dans une guerre d’usure de deux ans contre les Tigres de Libération de l’Eelam Tamoul (LTTE), qui ont proclamé qu’ils représentaient la population tamoule, menant au retrait des IPKF en 1990, sur la demande du nouveau président du Sri Lanka élu en 1989. S’en est suivie une période de reconquête progressive du Nord et du Nord-Est par l’armée gouvernementale jusqu’à la reprise de Jaffna, à l’extrême nord du pays, tenue depuis des années par le LTTE. Bien qu’intermittent, le conflit dans le Nord et l’Est a duré presque vingt ans, a coûté entre 60 000 et 100 000 vies, a causé des dynamiques de déplacement multiples touchant plus de 800 000 personnes et entraîné des destructions estimées par la Banque mondiale à environ 1,4 milliard de dollars. Tout au long du conflit, les positionnements identitaires (ethniques et religieux) des communautés tamoules et cingalaises se sont renforcés, tandis qu’un troisième acteur, cette fois à référent non ethnique mais purement religieux - les musulmans - émergeait et compliquait encore la situation. Mais, contrairement au stéréotype populaire, le conflit est plus complexe qu’un simple affrontement ethnique ou religieux. Des distinctions basées sur l’ethnicité ont masqué des divisions politiques internes et des différences importantes de castes/classes, et les différences ethniques sont de plus brouillées par le dynamisme des minorités musulmanes. Depuis le commencement de la plus grave bataille au milieu des années 1980, Diplomatie 18 Affaires stratégiques et relations internationales Photo ci-contre : Aide inconsidérée dans le secteur de la pêche au Sri Lanka. (© Groupe URD) 77 Humanitaire Photo ci-contre : L’eau potable, un enjeu crucial. (© Groupe URD) la communauté humanitaire a essayé de mettre en place ses programmes en respectant les principes humanitaires, pour être réellement perçue comme impartiale, indépendante et neutre. La majeure partie de l’aide a néanmoins bénéficié plus aux civils situés dans les zones contrôlées par le gouvernement qu’à ceux situés dans les zones grises (où était surtout présent le CICR) et dans les zones contrôlées par le LTTE. Au début des années 1990, le LTTE a augmenté ses capacités de secours d’urgence à travers l’Organisation de Réhabilitation Tamoule (Tamils Rehabilitation Organisation, TRO), théoriquement indépendante mais sans nul doute largement contrôlée par son aile politique. Malgré les besoins reconnus des populations dans les zones contrôlées par le LTTE, une pression croissante et des restrictions absurdes sur les organisations d’aide internationales et locales en ont mené beaucoup à se retirer avant le cessez-le-feu. Le Parti National Unifié (UNP) a gagné les élections en 2001, sur la base d’un programme de négociations de paix, lancées dès son arrivée au pouvoir. Il a mis en place une coalition dont la vie a été souvent agitée, avec une gamme de partenaires politiques assez hétérogène et a conduit le pays jusqu’au cessez-le-feu, signé le 23 février 2002. de Batticaloa autour du commandant Karuna. Le cessez-le-feu n’a cessé de se fragiliser et certains observateurs voyaient apparaître, durant le dernier semestre 2004 le scénario possible, si ce n’est probable, d’un retour à une confrontation ouverte. ıı L’évolution politique ıı DuMalgré cessez-le-feu au tsunami depuis le tsunami les changements majeurs ı Le tsunami a changé la donne en attirant apportés par la signature de l’accord de d’un coup l’attention de la communauté cessez-le-feu et pendant les pourparlers entre les partis opposés, la situation est restée extrêmement tendue. La phase « post-conflit » au Sri Lanka était d’une grande fragilité. L’implication de la Norvège, de la Commission européenne et de quelques autres acteurs bilatéraux n’a pas réussi à venir à bout de l’intransigeance de chacun des camps. Ces derniers ont été en effet traversés de tensions politiques internes qui n’ont pas facilité l’établissement de relations claires de confiance : le gouvernement était une coalition fragile entre des partis ayant des positions idéologiques couvrant l’ensemble du spectre politique : des marxistes aux conservateurs. Le LTTE a également été confronté à des dynamiques d’éclatement, celles-ci culminant avec la tentative de scission d’une faction 78 Diplomatie 18 Janvier - Février 2006 internationale sur la situation au Sri Lanka et son conflit oublié. Il a aussi modifié une partie des équilibres des forces, le dispositif militaire de LTTE ayant été assez touché par le tsunami (les camps militaires du LTTE étaient souvent en zone côtière). Immédiatement après le tsunami, les deux factions en conflit (le LTTE et le gouvernement) ont négocié un accord de partage de l’aide, dit « Joint Mechanism » ou P-TOMS, mais sa mise en place effective s’avère difficile sur le terrain. Ce P-TOMS est même devenu un enjeu de négociation politique très sensible. C’est en partie autour des débats sur le P-TOMS que la Coalition de Gouvernement a implosé (un des partis s’en est retiré) et que se sont organisés certains des enjeux électoraux des élections présidentielles. Après une première évolution positive, la situation politique s’est remise à se dégrader. Des manifestations pouvant être violentes (les hartal) et les assassinats se sont multipliés, tandis qu’un appareil militaire important était mis en place, sur la base d’un corps militaire d’élite. Dans ce contexte, la situation de sécurité dans le Nord et l’Est s’est progressivement détériorée. S’il n’y a pas de reprise du conflit jusqu’à présent, cette éventualité reste l’un des scénarios possible. La recrudescence des recrutements de jeunes hommes (souvent des mineurs) dans les camps de déplacés, repérée par de nombreuses ONG, semble être une indication de la reconstitution d’un appareil militaire, par ailleurs fortement financé par la Diaspora et les taxes prélevées sur tous les transits Nord/Sud. L’un des grands sujets de débat est celui du droit de voyage des cadres LTTE en Europe, ainsi que la réintroduction de cette organisation sur la liste des organisations terroristes. Les élections du 17 novembre 2005 ont mis en place un Président dont le discours n’est pas à la négociation. Le discours annuel du leader du LTTE, événement au cours duquel la résistance tamoule annonce en général quelle sera sa stratégie, ne va pas non plus dans le sens de la pacification. Le miracle de la « diplomatie tsunami » semble s’évanouir au Sri Lanka. v F.G. Humanitaire La Thaılande repères au-delà du paradis D errière les images paradisiaques de la Thaïlande et les images enchanteresses des plages des îles et des côtes du Sud, hélas en partie dévastées par le tsunami du 26 décembre, il y a une autre réalité, que les touristes perçoivent peu. personnes ont été tuées depuis le début 2004. Dans cette région où bonzes et imams cœxistaient sans problème au cœur d’une nature prodigue et d’une économie bénéficiant des recettes du tourisme, de la production de caoutchouc et des ressources côtières de pêche et de production de crevettes, Un Sud insurrectionnel les premiers se font égorger par les À la fin des années 1970, une partie extrémistes tandis que les seconds sont importante de l’est et du nord de la arrêtés par une armée et une police à Thaïlande était tenue par la guérilla bout de nerfs… communiste. Dans les années 1980, la campagne de la main tendue vers les Une présence massive de anciens révolutionnaires thaïlandais a réfugiés illégaux birmans remplacé la répression, et les dernières Toute la côte ouest de la Thaïlande zones insurrectionnelles du Parti Com- abrite des populations de réfugiés illémuniste Thaï (PCT) se sont retrouvées, gaux qui ont fui la Birmanie par la mer dans le Sud profond, au contact avec – en suivant l’arc des Andaman – ou les mouvements d’opposition armés par la terre, après un exode souvent malais. Progressivement, la donne a dangereux. Formant un lumpen proléchangé avec la montée en puissance taria taillable et corvéable à merci par des mouvements islamistes, là encore l’industrie hôtelière, les plantations influencés par la Malaisie voisine. Les d’hévéa, les travaux d’infrastructure trois provinces du Sud (Pattani, les plus pénibles, ces réfugiés illégaux Narathiwat et Yala, ancien sultanat ont payé un très cher tribut à la vague rattaché à la Thaïlande en 1909), sont et ont peu de recours, du fait de leur devenues au cours des dernières années « non-existence ». Certaines ONG un cauchemar pour les différents gou- thaïlandaises, relayées par des réseaux vernements thaïlandais, qui ont essayé internationaux (CCFD en France) diverses stratégies, de la douceur à ont cherché à leur assurer secours et la force. Actuellement, un véritable réconfort. syndrome anti-insurrectionnel règne. Pour le gouvernement Thaksin, l’enjeu Plus de 30 000 soldats ont dû être de l’aide post-tsunami était important, déployés dans la zone, dans laquelle car le drame a eu lieu dans une période les bâtiments publics sont protégés préélectorale tendue. Des moyens imporcomme des forteresses. Plus de 1 400 tants ont été déployés par les autorités, ıı ıı ı à travers l’armée et la toute-puissante Croix-Rouge thaïlandaise, tandis que l’État démontrait qu’il était capable de gérer cette crise avec une implication minimale de l’aide internationale. Il fallait aussi s’assurer des « dividendes électoraux », mais aussi redonner confiance dans le secteur du tourisme, une des clés de l’économie thaïlandaise. Si les paris de bonne gestion de la crise (rendue encore plus compliquée par la présence de nombreux touristes parmi les victimes), de la reconstruction et de la relance du tourisme sont largement en passe d’être gagnés, celui des élections, lui, a été perdu. Les députés du parti gouvernemental n’ont pas été élus, et la confrontation avec les irrédentistes musulmans s’aggrave... v F.G. Diplomatie 18 Affaires stratégiques et relations internationales Photo ci-dessous : À Phuket après la vague. (© Rick Von Feldt) 79 Humanitaire La mobilisation internationale repères ıı Les Les acteurs multilatéraux Nations Unies Les Nations Unies sont présentes sastres naturels), et assurer le contact avec les autorités nationales. Dès le 27 décembre, une mission UNDAC (United Nations Disaster Assessment dans toute la zone touchée depuis and Coordination Team) partait pour longtemps. Dans certains cas (Sri Lanka, Somalie), cette présence était réelle mais limitée. Ailleurs, les choses étaient beaucoup plus compliquées : ainsi en Indonésie, les relations sont tendues suite aux événements qui ont conduit à l’indépendance de Timor Est. Toute intervention de l’ONU est suspecte, pour certains segments de la société indonésienne, de porter les ferments d’une nouvelle détérioration de l’espace national. Dans d’autres zones (Inde, Thaïlande, Kenya), une partie de l’appareil onusien n’est pas opérationnel mais coordonne des efforts régionaux. Face à la crise du tsunami, le système onusien s’est mobilisé dès le 26 décembre, pour tenter de comprendre ce qui se passait et informer New York (bureau du sous-secrétaire général en charge des Actions humanitaires), Genève (bureau du BCAH en charge des dé- Photo ci-contre : Des aides multi-bailleurs. (© Groupe URD) 80 Diplomatie 18 Janvier - Février 2006 la réalisation des premières identifications et la mise en place des activités de coordination. L’appel d’urgence a été distribué aux pays donateurs le 6 janvier. Les coordinations-terrain du Humanitaire BCAH se sont progressivement mises en place, mais avec les difficultés liées à l’ampleur de la mobilisation internationale. Les différentes agences des Nations Unies ayant une expérience ou un mandat dans l’urgence se sont mobilisées : l’UNICEF, le Programme alimentaire mondial, la FAO, l’OMS, le programme des Nations Unies pour le Développement, etc. La coordination internationale globale s’est mise en place autour de deux mécanismes principaux : le BCAH et son représentant spécial, Margaret Walshtröm, et le « Global Consortium », mêlant ONU, Institutions Financières Internationales (IFI) et bailleurs de fonds bilatéraux, animé par l’ex-président Bill Clinton. Les Institutions Financières Internationales (Banque mondiale, Banque asiatique de développement, en collaboration avec la Banque japonaise pour le développement international) ont commencé dès janvier à évaluer les besoins et à élaborer les plans pour la reconstruction (fourchette supérieure à 10 milliards de dollars). Le mouvement Croix-Rouge s’est très fortement mobilisé, levant des som- mes atteignant des sommets encore jamais vus (en milliards de dollars). Le Comité International de la CroixRouge (CICR) travaillait dans la zone depuis plus de 20 ans et représentait la seule réelle présence internationale à Aceh avant le tsunami. Il a assuré la sécurisation des points de passage entre zones gouvernementales et zones rebelles (LTTE au Sri Lanka et GAM pour Aceh) pour l’évacuation des blessés et le transit des secours, ainsi qu’un appui médical et de secours d’extrême urgence, avec les volontaires des sociétés nationales. Les Croix-Rouges sri lankaise, thaïlandaise et indonésienne (PMI) ainsi que les Croissants-Rouges des Maldives et de Somalie, qui avaient développé des réseaux de volontaires souvent assez dynamiques, ont mobilisé ces réseaux pour assurer les tâches de premiers secours, les activités de recherche des corps et la distribution des premières assistances sur les zones touchées. Le reste du mouvement Croix-Rouge, avec la Fédération internationale des sociétés nationales de Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) et une vingtaine de sociétés nationales (française, danoise, allemande, italienne, américaine, canadienne, etc.), s’est aussi mobilisé de façon massive. Avec des ressources très considérables, toute la palette d’actions, de l’urgence à la reconstruction et à la préparation aux désastres, a été déployée. ıı Des Les bailleurs bilatéraux sommes très considérables ont été débloquées par les aides britanni- que (DFID), hollandaise, norvégienne (sponsor des négociations entre le LTTE et le gouvernement au Sri Lanka), allemande, australienne, etc. Les pays d’Asie et du monde islamique, particulièrement concernés, ont aussi apporté une aide importante. Il a été assez difficile d’arriver à un total cohérent, car il est souvent difficile d’identifier comment les chiffres disponibles ont été construits. Le Comité d’aide au développement de l’OCDE et la « Tsunami Evaluation Coalition » devraient permettre de faire le point sur l’ensemble des fonds mobilisés. L’ensemble du dispositif Tableau récapitulatif des dons internationaux (en millions) Gouvernements Dons privés Total US $ Euros US $ Euros US $ Euros USA 857 714,2 1480 1 233,3 2337 1 947,5 Allemagne 643,3 536,1 663,9 553,3 1 307,2 1 089,3 Royaume Uni 445,2 371,0 663 552,5 1 108,2 923,5 Australie 738,9 615,8 284 236,7 1 022,9 852,4 Japon 550,5 458,8 123,8 103,2 674,3 561,9 Pays Bas 308,8 257,3 257 214,2 565,8 471,5 Canada 341,1 284,3 310 258,3 651,1 542,6 France 165,5 139,6 374,4 312,0 529,9 441,6 Norvège 175,5 146,3 95,7 79,8 271,2 226,0 Source : tableau élaboré et mis à jour à partir de Voice and Concord, Tsunami, one year after, NGO Aid Intervention and Future Challenges, Bruxelles, novembre 2005, 50 p. associatif international a reçu des moyens d’une ampleur inégalée. Les grandes majors sont arrivées avec des ressources considérables. Les ONG de taille moyenne ont souvent démarré assez tôt des évaluations, mais ont souvent mis du temps à démarrer leur programme, du fait des délais d’arrivée des fonds et de l’encombrement du paysage institutionnel sur le terrain. Une nouvelle génération d’ONG est née de la crise du tsunami, résultat d’un sentiment de solidarité avec les victimes, avec lesquelles les membres fondateurs avaient souvent partagé les heures sombres de la fin décembre 2005. Armées de beaucoup de générosité, mais pas toujours de moyens et de capacités, ces ONG de la génération tsunami sont à la fois un bel emblème de la générosité internationale et parfois un problème sur le terrain. Pour tous ces acteurs ONG, les enjeux de visibilité et de rapidité de décaissement ont été une contrainte et une entrave à un travail de qualité. Le système des ONG internationales devra sans doute revoir un certain nombre de ces points pour éviter les dérapages. La Commission européenne a été très vite impliquée dans la région touchée par le tsunami à travers plusieurs mécanismes, ceux de la Protection civile, le Bureau européen d’aide humanitaire ECHO (qui débloquait 3 millions d’euros dès le 27 décembre, Diplomatie 18 Affaires stratégiques et relations internationales Photo ci-contre : Les camps de déplacés sous tente dans la zone d’Aceh. (© Groupe URD) 81 Humanitaire puis une série d’enveloppes d’un montant de plus de 100 millions d’euros), et les mécanismes d’aide classique pour une approche globale de la reconstruction post-tsunami, avec une enveloppe globale de 350 millions d’euros. Photo ci-contre : Progressivement, la pêche redémarre à Aceh. (© Groupe URD) r ıı Les Les acteurs nationaux sociétés civiles des pays touchés Prises de plein fouet par ce désastre, Photo ci-dessous : L’expérience intéressante des « écoles en boîte » de l’UNICEF, pour faire revenir au plus tôt les enfants à une certaine normalité. (© Groupe URD) 82 les sociétés civiles des zones touchées ont tenté de gérer la crise. L’aide de proximité a souvent été la première réponse, celle qui sauve et qui préserve, bien avant l’arrivée des aides officielles et des acteurs internationaux. Très vite, quelques ONG internationales ont cherché à établir des partenariats avec des ONG nationales, pour la mise en place de leurs programmes. Mais hélas, ceci a encore été trop marginal. Les sociétés civiles des pays touchés restent encore « les enfants pauvres » de la réponse internationale. ıı Les Les acteurs de l’État institutions étatiques des pays touchés par la vague ont mis quel- du désastre, tandis que les autorités sur le terrain étaient, elles, souvent ques heures à réaliser l’amplitude complètement sous le choc. Puis la réaction s’est structurée. Dans chaque pays, les ministères de la Défense, quand ils existaient, ont joué un rôle important dans les premières heures, ces ministères étant à la fois les seuls à avoir des moyens logistiques et des capacités de projection toujours en « stand-by ». Puis les institutions civiles ont pris le relais. Les acteurs de l’État aux niveaux décentralisés ont joué un rôle central, bien que parfois eux aussi très touchés par le désastre. Ils sont en effet au cœur de la solidarité de proximité, mais aussi au cœur des zones affectées. Ces acteurs ont leurs propres limites et se sont vite trouvés submergés par la déferlante d’aide internationale. C’est à ce niveau opérationnel, proche du terrain, qu’on observe au mieux les dérapages et effets négatifs de l’absence ou de la mauvaise coordination. Sur le terrain, la coordination face à une catastrophe naturelle est théoriquement dans les mains des autorités nationales. La préexistence Diplomatie 18 Janvier - Février 2006 de conflits dans plusieurs des zones affectées par la vague, l’absence pure et simple d’autorités réelles (Somalie) et leur relative désorganisation au début de la crise, ont fait que les coordinations internationales ont joué un rôle important. Deux pays (l’Inde et la Thaïlande) ont souhaité avoir un plus grand contrôle de l’aide internationale, celle-ci étant peu ou pas désirée. Si beaucoup de temps et d’énergie sont engagés dans ces différents niveaux de coordination, leur effectivité et leur efficience continuent de soulever de nombreuses questions face à la multiplication des recouvrements et duplications et à la « chasse aux zones d’action et aux bénéficiaires » qui s’est parfois mise en place. De façon générale dans ces deux pays, les autorités nationales et locales ont souffert d’un manque de transparence et de coordination de certaines ONG internationales. v F.G. Humanitaire Les acteurs Répartition de l’aide de l’État français français repères L a réponse de l’État français a été mise en place dans le cadre d’une structure ad-hoc particulière, la Délégation interministérielle posttsunami (DIPT), devenue Coordination post-tsunami en juillet 2005 (CPT). Créée le 19 janvier pour coordonner les actions de la France, cette institution fait suite à d’autres tentatives institutionnelles du type « mission Fauroux » pour les Balkans. Physiquement logée au sein des locaux du ministère des Affaires étrangères, la DIPT, structure interministérielle directement reliée au Premier ministre, a eu une efficacité réelle et appréciée par tous. Elle a fonctionné avec à sa tête un haut fonctionnaire habitué au travail en interministériel, un adjoint expérimenté dans le secteur de l’action humanitaire et de la reconstruction, et une équipe comportant à la fois des diplomates expérimentés (ambassadeurs), des représentants des divers ministères concernés, et des fonctionnaires bien au fait des mécaniques institutionnelles, tout ceci autour d’une architecture fortement soutenue par la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID). La fluidité de la coordination interministérielle et les bonnes relations avec les ONG sont deux des éléments qui ont contribué au succès du dispositif, mais aussi à la qualité de la plupart des projets (une forte concertation en amont induit une meilleure qualité en aval). La DIPT/CPT a pu dans des temps très courts analyser un total de 200 propositions de projets et en retenir prés d’une centaine. Des organismes aussi divers que des ONG, des institutions de recherche, des agences de l’ONU, des organisations locales, etc. ont pu être soutenus. Tout ceci a pu fonctionner de façon plutôt harmonieuse, grâce à une très forte implication des ambassades sur le terrain. Y aura-t-il une suite à cette expérience positive, en terme de mécanisme de gestion de crise ? C’est une question importante que se posent la plupart des partenaires de la DIPT / CPT. Une des caractéristiques de l’aide française a été d’être répartie sur l’ensemble des phases de la gestion de crise : aide d’urgence pendant la phase aiguë, aide à la reconstruction, assistance à la mise en place de mécanismes d’alerte et de prévention. ıı Les bailleurs de fonds non gouvernementaux ı Deux bailleurs de fonds non gouvernementaux ont été impliqués, en coordination avec la DIPT/CPT, à des co-financements d’ONG : - Fondation de France : La FdF a joué, une fois encore, un rôle très important de collecte de fonds du public et les a « redistribués » aux ONG qui en faisaient la demande, selon un certain nombre de principes. Des critères plus diversifiés, une grande flexibilité permise aux projets pour leur permettre de rester adaptés dans des contextes rapidement changeants ont caractérisé l’approche de co-financement de la FdF. - Croix-Rouge Française : La CroixRouge Française a recueilli des montants supérieurs à 110 millions d’euros. Sa capacité d’absorption, une fois assurées les contributions aux deux grands acteurs du mouvement Croix-Rouge (le Comité international de la Croix-Rouge –CICR et la Fédération internationale des sociétés de Croix-Rouge et du Croissant-Rouge –FICR), était en cours de saturation. Elle s’est alors créé un rôle particulier : en plus Structure DAH (Délégation à l’action humanitaire) Montant du budget Allocation alloué (millions d’Euros) 21 DIPT/CPT 25 Ministère de la Défense 20 d’être un acteur en direct, et un contributeur membre d’un réseau plus large (le mouvement Croix-Rouge/CroissantRouge), elle est aussi devenue bailleur de fonds pour des ONG, pour la première fois de son existence. Les collectivités locales et les agences de l’eau : La mobilisation du public a aussi touché les collectivités territoriales et les agences de l’eau. Des fonds et des savoir-faire ont ainsi été mobilisés par des régions (Île de France, Rhône-Alpes, etc.), des conseils généraux (Drôme, Valde-Marne, etc.) et les agences de l’eau (Rhône-Provence-Corse, Seine-Normandie, Adour-Garonne) et mis au service des ONG et des partenaires institutionnels sur le terrain, notamment au Sri Lanka. Les ONG se sont mobilisées, elles aussi, de façon massive et se sont trouvées dans la tourmente autour de toute une série de débats sur leur utilité dans ce type de situation, leur efficacité, leur capacité à rendre compte. Elles ont fait des efforts considérables dans la professionnalisation de leurs activités et dans la qualité des comptes rendus au public. En cela, la crise du tsunami aura des effets durables pour les acteurs... v F.G. Diplomatie 18 Affaires stratégiques et relations internationales ONU, fret ONG ONG, ONU, institutions de recherche, administrations locales, et autres. Sur coûts liés aux opérations logistiques et sanitaires, suite au déploiement sur la zone concernée. Photo ci-dessous : Progressivement, les habitats urbains se reconstruisent. (© Groupe URD) 83 Siège : La Fontaine des Marins 26170 Plaisians. Tel: 04 75 28 29 35. [email protected] Bureau de Paris : 4 rue Clairaut, 75017, Paris Tel : 01 42 28 14 12 Antenne de Kaboul : Groupe URD, House n°333, Street 7, Qala-e-Fatullah, Kaboul, Afghanistan. Tel : 00 93 (0)79 02 32 54, [email protected] 10 ANS DE RECHERCHE ENGAGÉE AU SERVICE DES ACTEURS DE L’AIDE. Les contextes dans lesquels se met en place la solidarité internationale sont en évolution constante depuis la fin de la guerre froide, et ces évolutions interpellent les pratiques des acteurs. C’est sur cette constatation qu’en 1993 s’est créé, autour d’une dizaine d’ONG françaises et européennes, un lieu de dialogue et d’échanges entre praticiens : le Groupe UrgenceRéhabilitation-Développement (Groupe URD). À partir de 1997, le Groupe URD s’est transformé en un acteur opérationnel dans le domaine de l’évaluation, de la recherche et de la formation. Aux carrefours entre urgence et développement, entre action et prise de distance, entre ONG et institutions publiques, entre agences de l’ONU et monde universitaire, entre réflexions francophones et approches anglosaxonnes, le Groupe URD tente d’être un « pont » entre ces mondes. Pour ce faire, il se base sur trois caractéristiques : - Être une équipe multidisciplinaire dans laquelle se croisent sciences dures (agronomie, médecine, architecture, nutrition) et sciences sociales (anthropologie, économie, socio-politique, etc.). - Être une équipe pluriculturelle, avec des chercheurs européens (français, britanniques, espagnols), africains, latino-américains ; - Être basé dans une ferme en Provence, avec la nécessaire prise de distance que ceci induit, mais aussi la prise directe avec les questions de gestion des désastres et des difficultés de développement d’une petite région de montagne sèche. Marier la réflexion sur les crises « ici et là-bas » oblige à un exercice permanent de mise en perspective… CYCLE D’APPRENTISSAGE COLLECTIF Les institutions de solidarité internationale reconnaissent aujourd’hui leur double responsabilité en terme de qualité de leurs actions vis-à-vis des populations et des donateurs. Le Groupe URD contribue à l’exercice de cette responsabilité en proposant le cycle d’apprentissage collectif décrit ci-dessous. A travers cette dynamique, c’est l’amélioration continue de l’aide apportée aux populations qui est visée. TIRER LES LEÇONS DES EXPÉRIENCES SUR LE TERRAIN En questionnant les modes d’intervention et de conception de programmes,à travers les évaluations. En croisant les savoir-faire,via les études thématiques ou transversales. CAPITALISER ET PARTAGER En publiant et diffusant les résultats des travaux. En organisant des espaces de débats. Pour partager les réflexions. INFLUER SUR L’ENVIRONNEMENT DE L’ACTION HUMANITAIRE En interrogeant les pratiques des bailleurs de fonds, les décideurs politiques, les ONG, les Nations Unies. RENFORCER LES RESSOURCES HUMAINES DU SECTEUR PROPOSER DE NOUVELLES METHODES ET DES OUTILS POUR L’ACTION En concevant de nouveaux outils et méthodes pour les acteurs. En formant les acteurs nationaux et internationaux. LE GROUPE URD EST UNE STRUCTURE DE RECHERCHE, D’ÉVALUATION ET DE FORMATION POUR L’AMÉLIORATION DES PRATIQUES DE L’AIDE EN FAVEUR DES POPULATIONS. ACTIVITÉS DES ÉVALUATIONS DE PROGRAMMES : Le Groupe URD répond à diverses demandes d’évaluation de programmes qu’il conduit toujours dans l’optique d’apprentissage et d’amélioration continue. Evaluation des programmes de l’Unicef au Darfour, des projets de Solidarités en ex-Yougoslavie, de Euronaid, du Consortium DACAAR et de la FAO en Afghanistan, de la FAO et de l’aide française dans la zone Tsunami. DES PROCESSUS DE CAPITALISATION D’EXPÉRIENCES : Certains thèmes étant communs aux divers acteurs intervenant sur une même zone, le Groupe URD propose des processus de capitalisation d’expériences, étalés dans le temps, pour analyser les actions de manière transversale et tirer collectivement les leçons. Post-Mitch de 1999 à 2001, Afghanistan à partir de 2001. LES PUBLICATIONS La collection «Pratiques humanitaires en questions» a été créée en 1997 aux éditions Karthala. Elle a produit plusieurs titres dont certains sont également publiés en anglais et en espagnol. Outils d’appui à la capitalisation de l’expérience et du partage des idées, ces ouvrages sont chaque fois le résultats de longs mois de terrain et de réflexions d’acteurs et d’observateurs engagés sur le terrain. DES PROJETS DE RECHERCHE OPÉRATIONNELLE : De l’analyse des pratiques (souvent à travers les évaluations ou les capitalisations d’expériences) apparaissent des problématiques dont la complexité ou l’importance nécessite une étude approfondie. Le Groupe URD développe alors des projets de recherche opérationnelle. La participation des populations à l’action humanitaire (Etude Globale sur la Participation), la qualité des actions humanitaires (Projet Qualité), les pratiques humanitaires dans les contextes urbains en guerre (Projet « Villes en guerre et guerres en ville »), le passage de l’urgence à la reconstruction (Projet LRRD en Afghanistan). DES MODULES DE FORMATION : Sur la base de ces travaux et à la demande d’une institution ou de centres de formation, le Groupe URD propose une série de modules pour les ONG, les agences des Nations Unies, le mouvement Croix-Rouge, les ministères. Le lien urgence-développement, la Sécurité alimentaire, qualité & évaluation, la participation dans l’action humanitaire, droit international humanitaire, etc. À LA DISPOSITION DES ACTEURS DE L’AIDE DES OUTILS ET MÉTHODES DE TRAVAIL : A l’issue de certains projets de recherche, de nouveaux outils ou méthodes sont conçus et mis à disposition des acteurs : Le COMPAS Qualité, (CD-Rom et Manuel) Le Manuel du Praticien sur la participation dans les situations de crise. DES PUBLICATIONS ET DES OUVRAGES : Les recherches donnent lieu à des publications (dans les revues spécialisées) ou des ouvrages (collection « Pratiques humanitaires en questions » chez Karthala). En 1997 : « Entre urgence et développement ». En 2000 « Evaluer l’action humanitaire ». En 2004 « Guerres en ville et villes en guerre ». En 2005 « Bénéficiaires ou partenaires : quels rôles aux populations civiles dans l’action humanitaire ». DES ÉVÈNEMENTS : Pour diffuser les résultats de ses travaux, le Groupe URD organise ou participe régulièrement à des colloques. Il organise chaque année « Les Universités d’automne de l’humanitaire » dans son siège Drômois et un colloque en association avec l’Université Paris XII Créteil et son Master « Gestion de l’Humanitaire » en 2003 : 10 ans d’humanitaire Européen, bilan et perspective. en 2004 : Haïti ; autopsie d’une gestion de crise. en 2005 : Tsunami : l’eau qui tue, l’eau qui sauve, premières leçons sur l’aide internationale. Prévision 2006 : Une planète dans tous ses états : catastrophes naturelles et technologiques. DES SITES INTERNET : Tous les résultats de ses travaux de recherche sont mis en ligne sur le site : www.urd.org Les outils de gestion de la qualité sont disponibles sur le site www.compasqualite.org FINANCEMENTS, SOUTIENS & PARTENARIATS Financements par projet : Ministère français des Affaires étrangères, Région Rhône Alpes, Ministère suisse des Affaires étrangères, Office Européen de l’aide humanitaire (ECHO), Fondation de France, Agence de coopération Australienne (Ausaid), etc. Partenariats avec ALNAP (Active Learning Network on Accountability and Performance), Coordination SUD (Synergie Qualité), ONG membres et/ou partenaires, Tufts University, FAO, etc. Les fonds propres dégagés sur certaines activités ou issus des cotisations sont ré-injectés dans les activités du Groupe. entretien Humanitaire La Croix-Rouge Française et le tsunami Entretien avec Antoine Peigney Directeur des Opérations Internationales de la Croix-Rouge Française Pour aller plus loin : http://www.croix-rouge.fr/ Photo ci-contre haut : Distrubuer de l’eau potable. une des priorités des premiers jours. (© Groupe URD) Photo ci-contre bas : Petite fille dans un camp prêt d’Aceh. (© Groupe URD) 86 Quel a été le cadre de votre implication dans la réponse française au drame du 26 décembre 2004 ? La Croix-Rouge Française (CRF) a collecté 110 millions d’euros. Grâce à cette extraordinaire générosité (900 000 nouveaux donateurs), la CRF a pris toute sa place dans la réponse au désastre, en étant l’une des sept principales sociétés de Croix-Rouge récipiendaires des fonds mondiaux (total collecté par la Fédération internationale : 2,2 milliards d’euros). Dès le 26 décembre, un dispositif d’accueil (500 secouristes se sont relayés) des ressortissants français rapatriés de Thaïlande et du Sri Lanka était mis en place à Roissy et en appui des services consulaires français sur place. En parallèle, des équipes d’urgence médicale et de traitement d’eau partaient le 27 et le 28 au Sri Lanka et en Indonésie. Dès février, des équipes s’installaient au Sri Lanka, en Indonésie, aux Maldives, en Thaïlande et en Inde, pour procéder aux évaluations préalables aux programmes de reconstruction et de relance économique. La base régionale de La Réunion était renforcée en moyens pour soutenir les capacités de prévention et de réponse aux catastrophes dans le sud-ouest de l’océan Indien. En mars, la réplique au large de l’Indonésie, qui a touché Nias, rajoutait une action d’urgence suivie du même processus « post-urgence reconstruction » dans la stratégie générale. En décembre 2005, 400 000 personnes dans les pays ci-dessus bénéficient de l’aide que les français ont confiée à la CRF, via 120 projets. Ces 120 projets résultent d’évaluations que la CRF a conduites depuis février et qui représentent un montant global de 88 millions d’euros. Sur ces 88 millions d’euros engagés, 18 millions seront dépensés fin 2005, 40 millions le seront en 2006 et 30 millions en 2007. Cinquante délégués expatriés de Diplomatie 18 Janvier - Février 2006 confiance qui ne s’est pas démentie et qui était la condition sine qua non et fondamentale de la réussite. la CRF coordonnent l’ensemble de ces projets en s’appuyant sur les équipes des sociétés de Croix-Rouge locales, des gouvernements, et de quelques ONG avec lesquelles la CRF s’est associée dans un esprit de mutualisation des compétences. Quel est le point qui vous semble fort dans l’action que vous avez été menés à conduire ? Le réseau international du Mouvement de la Croix-Rouge s’est révélé à la fois efficace, et pourtant plein de lourdeurs, qui ont été identifiées et auxquelles il s’agira de remédier. Opérationnellement, le dispositif d’urgence de la CRF avec des équipes entraînées et le matériel santé-eaulogement, prêts à partir 24 heures sur 24, a plutôt bien fonctionné. Fonctionnellement, la cohésion institutionnelle a été sans faille, avec une implication extrêmement importante et durable tout au long de l’année du président de la Croix-Rouge Française, du directeur général, du conseil d’administration. Et cette exigence dans le suivi des opérations et de l’accès aux informations est la condition d’une Quels seraient les éléments susceptibles d’être fortement améliorés ? Le nombre d’opérateurs humanitaires, toujours trop important dans ces situations de crise ; des légitimités extrêmement discutables, des valeurs ajoutées douteuses, et le sentiment qu’on n’apprend pas grand-chose d’une crise à l’autre. 1°) Pour accélérer la phase d’urgence : une logistique internationale sur place, dès que le pays demande l’aide internationale (hélicoptères, barges, camions, carburant, ponts mécaniques). 2/ D’une manière générale, renforcer tous les dispositifs d’alerte et de transmission de l’alerte à des dispositifs formés (Croix-Rouge, sécurité civile, etc.) pour intervenir auprès des populations. Quel souvenir vous aura le plus marqué dans cette crise et la réponse qui l’a suivie ? L’impressionnante et irrationnelle solidarité dans le monde entier, ainsi que l’extraordinaire pression médiatique en relais de l’opinion publique qui a suivi cette générosité, resteront un souvenir fort. Les nuits courtes, face aux énormes difficultés auxquelles les opérateurs ont dû faire face pour se coordonner et pour intégrer les stratégies locales de gestion de cette aide internationale. Et pour ce qui est de la Croix-Rouge Française, le sentiment de fierté qui anime toute une équipe, d’avoir su faire face à cette situation inédite en ayant su s’adapter très rapidement à une très vaste échelle en restant soudée, compétente, efficace, inventive. Entretien réalisé par François Grünewald Humanitaire entretien Le tsunami, un an après : l’expérience de Solidarités Quel a été le cadre de votre implication dans la réponse internationale au drame du 26 décembre 2004 ? À Solidarités, nous avons cherché à agir vite, en complément des autres intervenants, en partenariat avec d’autres acteurs (pouvoirs publics, agences de l’eau, entreprises, collectivités), par des programmes quasi simultanés dans l’urgence et la reconstruction. Pour cela, toute l’association s’est fortement mobilisée. Nous avons envoyé une équipe expérimentée dès début janvier 2005 pour faire l’évaluation des besoins et identifier en quoi notre expérience pourrait être utile, notamment dans les secteurs de l’eau et de l’assainissement. pour la pêche au filet ou le drainage de la qualité et les ONG françaises se sont mobilisées autour de plusieurs des terres agricoles salinisées. initiatives, dont le Projet « Synergie Quels seraient les éléments qui Qualité », mis en place avec Coordipourraient être fortement amé- nation Sud. liorés ? Nous devons renforcer nos capacités Quel souvenir vous aura le plus pour faire face à ce type de cata- marqué dans cette crise et la clysme et mobiliser rapidement plus réponse qui l’a suivie ? de dons de particuliers pour faire C’est tout à la fois l’ampleur insvite, car les fonds institutionnels tantanée de la catastrophe et sa nécessaires sont souvent lents à se mondialisation par les médias, ainsi mobiliser alors que les besoins des que l’ampleur de la générosité. C’est populations affectées, eux, n’atten- aussi, en France, la synergie entre les acteurs qui a, par exemple, permis à dent pas. Plus généralement, il faut développer Solidarités de mobiliser 6 millions tout le secteur de la prévention des d’euros pour secourir directement désastres, améliorer notre capacité plus de 100 000 personnes au Sri d’analyse des situations et des be- Lanka et en Indonésie. soins, renforcer les mécanismes de Entretien réalisé par coordination et d’évaluation d’imFrançois Grünewald pact. Il y a aussi des enjeux autour Entretien avec Alain Boinet, membre depuis des années du bureau directeur de l’ONG Solidarités. Cette ONG, de taille moyenne, a été très présente sur la zone touchée par le tsunami. Pour aller plus loin : www.solidarites.org Quel est le point qui vous semble fort dans l’action que vous avez été amenés à conduire ? Faire vite, agir en s’adaptant aux besoins prioritaires des populations en cherchant à ne pas faire d’erreur dans les secours. Je pense en particulier à notre évaluation sur les puits recouverts d’eau de mer, au programme de déblaiement des débris et sur le nettoyage des fonds marins côtiers Photo ci-contre haut : Pêcheur au Sri Lanka (assistance par Solidarités). (© Groupe URD) Photo ci-contre bas : L’eau dans les camps de déplacés. (© Groupe URD) Diplomatie 18 Affaires stratégiques et relations internationales 87
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