L`après-tsunami

Transcription

L`après-tsunami
Les dégats de la vague sur la Mangrove (© Groupe URD)
Humanitaire
ANALYSE L’après-tsunami
entre émotions collectives et dures
réalités de la reconstruction .................................................................................... p. 70
REPÈRES Le parcours de la vague ................................................................... p. 72
REPÈRES L’Indonésie, un pays riche
d’une histoire complexe ................................................................................................ p. 74
REPÈRES Sri Lanka, une histoire
complexe et douloureuse............................................................................................ p. 77
REPÈRES La ThaÏlande, au-delà du paradis ........................................ p. 79
REPÈRES La mobilisation internationale ................................................ p. 80
REPÈRES Les acteurs français................................................................................. p. 83
ENTRETIEN La Croix-Rouge Française
et le tsunami ................................................................................................................................. p. 86
ENTRETIEN Le tsunami, un an après :
l’expérience de Solidarités ......................................................................................... p. 87
Diplomatie 18
Affaires stratégiques et relations internationales
69
Humanitaire
L’
a
près-tsunami
entre émotions collectives et
analyse
François Grünewald
a participé à plusieurs
missions d’évaluation de
l’impact de l’aide post-tsunami
entre avril et décembre 2004.
Il anime le Groupe URD et
dirige depuis six ans le Master
« Gestion de l’Humanitaire »
de l’Université Paris XII Créteil.
Photo ci-contre :
Atelier de construction de
bateaux à Aceh.
(© Association Triangle - URD)
70
dures réalités de la reconstruction
D
’un côté les enjeux de survie
du court terme et de la gestion
de la magnifique générosité.
De l’autre, ceux de la reconstruction
à moyen terme et de la prévention à
long terme, mais aussi de la dure réalité
politique. Les exigences d’équité, de la
lucidité engagée, de l’intelligence des
situations et de la redevabilité sont au
cœur des débats qui agitent médias,
humanitaires et public. Le désastre du
26 décembre 2004 a-t-il changé le regard
qui se porte sur la planète et va-t-il
changer les pratiques humanitaires ?
Des images d’une nature déchaînée sont
arrivées avec soudaineté sur nos écrans
en ce petit matin du 26 décembre 2004,
expédiées par les caméras vidéo et les
téléphones cellulaires des nombreux
touristes présents sur certains points :
Pukhet, Mattara, images de maisons
emportées par les eaux, de cet homme
marchant égaré avec le corps de son
enfant dans les bras. L’horreur au paradis… La force meurtrière de la vague
Diplomatie 18
Janvier - Février 2006
a permis d’éviter ces débats si difficiles
autour de l’identité des victimes : pas de
bourreaux, pas de miliciens louches se
cachant derrière des visages ingénus et
défaits, mais une masse d’eau mue par
une force tellurique. Puis les choses se
sont compliquées : la tentative de mise
en place d’une coalition humanitaire par
les États-Unis a souligné l’importance
pour ces derniers de faire oublier leur
positionnement en Irak et la mauvaise
image qu’ils ont en terre d’Islam. La
Commission européenne, les pays de
l’Union sont eux aussi entrés dans
une compétition de déclarations de
mobilisation de moyens. Il a en même
temps fallu redonner un rôle à l’ONU.
Le secrétaire général Kofi Annan, ainsi
que son secrétaire général adjoint aux
Affaires humanitaires, Jan Egeland ont
dû faire des pieds et des mains pour
que les Nations Unies puissent enfin
prendre la place normale qui doit leur
être dévolue, c’est-à-dire la facilitation
des efforts de coordination. Bill Clinton
lui-même s’est mobilisé, en devenant
l’envoyé spécial de la Global Coalition
montée par l’ONU.
Les stratégies des acteurs politiques
régionaux ont réapparu : l’Inde riche de
Delhi a très vite déclaré qu’elle n’avait pas
besoin d’aide d’urgence internationale,
alors que les Madrasais enrageaient que
tout soit si lent. Au Sri Lanka, après la
trêve sacrée des premiers jours, les
Tigres tamouls ont vite retrouvé leur
stratégie de contrôle des populations,
Humanitaire
ici détournant un convoi d’aide, là-bas
bloquant les passages. Le gouvernement
indonésien a repris le contrôle d’Aceh,
lieu d’une insurrection indépendantiste
combattue violemment, après s’être
laissé un instant déborder par l’arrivée de
l’aide, et notamment de celle portée par
la logistique de la Marine américaine.
Après l’urgence des premiers jours, s’est
dessiné l’agenda de la reconstruction.
Les ardoises financières annoncées pour
y faire face donnent le vertige. Après
avoir été si « pingres » pour d’autres
crises, de continuer d’être si économes
face aux enjeux du développement, d’un
seul coup les promesses d’argent abondent. Les moratoires de dettes (on ne va
quand même pas jusqu’à l’annulation),
les déblocages de fonds des institutions
financières internationales se renforcent
les uns les autres.
Le débat sur la mobilisation des fonds
pour cette crise et la légitimité des ONG
dans les programmes de reconstruction,
lancé par Médecins Sans Frontières
(MSF), a évidemment trouvé très
vite une première résonance avec le
désastre résultant du tremblement de
terre au Pakistan, pour lequel l’aide a
été si difficile à mobiliser. Il en trouve
une deuxième dans le thème récurent
de cette fin d’année, quand chacun
se demande « où sont passés tous ces
millions ? ».
Il ne faut peut-être pas nécessairement
s’enferrer dans des approches dogmatiques. Les ONG et les sociétés civiles qui
les portent sont diverses et n’ont pas
toutes la même ligne que MSF. Tout le
monde ne travaille pas uniquement sur
la santé, et la solidarité avec des populations dans la détresse, c’est parfois non
seulement les aider à sortir la tête de
l’eau, mais aller plus loin. Les ONG ont le
droit d’envisager s’il est possible et utile
d’accompagner des populations au-delà
de la rive où les ont laissées les secouristes. À la condition qu’elles le fassent
avec éthique et professionnalisme, avec
rigueur comptable et empathie humaniste. Le « trade off », ce n’est pas « qui
fait quoi ? », c’est « qui fait bien quoi ? » !
La réponse au tsunami démontre que si
la générosité est une belle chose, c’est
aussi une chose complexe…
ıı Plusieurs
leçons sont apparues
au gré des évaluations
ı Leçon 1 : L’aide de proximité est et restera la clé de la réponse à ces situations.
Ce sont les voisins, les parents, les collègues, les volontaires de la Croix-Rouge
ou les pompiers locaux, etc., qui sauvent
les vies, pas tant l’aide internationale.
Les capacités de cette aide de proximité,
si vite oubliée, peuvent être renforcées
grâce à un investissement spécifique.
Autour de cet enjeu de la préparation
au désastre, l’aide française posttsunami est très présente, suite aux
engagements pris par la France à Kobé
en février 2005.
Leçon 2 : Si la réponse à la situation
d’urgence extrême est finalement
relativement simple et essentiellement
liée à la capacité logistique, travailler
sur « l’après-urgence extrême » est
beaucoup plus complexe. La nécessité
d’une grande finesse des diagnostics
(tout en les gardant évolutifs du fait
de la grande rapidité d’évolution des
situations) et la capacité d’empathie
et de dialogue avec les populations et
les autorités nationales sont des enjeux
fondamentaux de la qualité durant ces
temps difficiles qui accompagnent la fin
de la phase aigûe.
Leçon 3 : La capacité de faire évoluer
des programmes dépend largement de
la mécanique financière et d’échange
d’information mise en place. Il s’agira de
voir la reproductibilité des procédures
DIPT/CPT qui, en bonne coordination
avec les autres bailleurs Fondation de
France et Croix-Rouge Française ainsi
qu’avec ECHO, ont permis des montages
financiers souples pour garder une
adaptatibilité des programmes, pour
de telles situations.
Leçon 4 :Trop d’argent qu’il faut dépenser
vite et de façon visible peut tuer l’intelligence. Il importe de faire comprendre au
public et aux institutions que, dans ces
situations complexes et douloureuses,
la gestion du temps ne doit pas se faire
sous la pression, mais au contraire dans
une grande empathie avec les contextes.
Vouloir construire très vite beaucoup de
maisons ou de bateaux a conduit à des
gâchis absurdes.
Leçon 5 : La coordination est essentielle,
mais représente aussi des investissements majeurs en temps. Il faudra à
la fois capitaliser sur ce qui a bien
marché (en France notamment, avec la
DIPT – voir p.83 – et imaginer d’autres
mécanismes pour rendre plus efficient
ce qui a moins bien fonctionné.
Photo ci-contre :
Une maison construite par
l’ONG ATLAS.
(© Groupe URD)
François Grünewald
Diplomatie 18
Affaires stratégiques et relations internationales
71
Humanitaire
repères
Photo ci-contre :
L’arrivée de la vague
en Thaïlande, le 26
décembre 2004 (© D.R.)
Extrait des actes du
Colloque «Tsunami, l’eau
qui tue, l’eau qui sauve :
premiers bilans de l’aide
humanitaire», 13 et 14 mai
2005. Co-organisé par le
Groupe URD, CAP Solidarité
et l’Université Paris XII Créteil
avec le concours du Conseil
Général du Val de Marne.
Le parcours de la vague
Dimanche 26 décembre 2004, à 0 h 59 en temps universel – 7 h 59
à Djakarta (Indonésie) et Bangkok (Thaïlande), 6 h 29 à New Delhi
(Inde) et Colombo (Sri Lanka) –, la terre tremble sous l’océan Indien,
au large de Sumatra.
Ce jour-là, le frottement de la plaque
tectonique indo-australienne, au
Sud, avec la plaque eurasienne, au
Nord, a provoqué un point de rupture
exceptionnel d’une dizaine de mètres
de profondeur sur une longueur de 600
à 800 km. Cette rupture de l’écorce
terrestre a entraîné le déplacement
vertical et brutal d’une colonne d’eau.
15 minutes après, un bulletin d’alerte
est adressé par le Centre d’alerte sur les
tsunamis du Pacifique situé à Hawaï
aux pays membres du réseau ; ce
bulletin indique une magnitude de 6,8
sur l’échelle de Richter et « qu’aucune
menace de tsunami destructeur
n’existe ».
Au même moment, deux gigantesques
ondes ont déjà parcouru plus de 150 km
vers les côtes à l’Est et à l’Ouest, à près
de 700 km/h.
31 minutes après, les vagues mesurant
72
Diplomatie 18
Janvier - Février 2006
entre 10 et 15 mètres de hauteur atteignent d’une part Banda Aceh et d’autre
part les îles Andaman et Nicobar.
1 heure et 5 minutes après, Hawaï
évoque « une possibilité de tsunami
près de l’épicentre ».
1 heure et 31 minutes après, la vague
déferle sur l’État du Tamil Nadu en Inde,
dévastant les districts de Nagapattinam, Chennai, et Kancheepuram.
Pourtant situées à proximité de l’épicentre, les côtes thaïlandaises ne sont
touchées qu’1 heure et 45 minutes
après, en raison de la faible profondeur
des fonds marins qui ralentissent la
vitesse de déplacement du tsunami.
Celui-ci atteint au même moment les
côtes sri lankaises touchant la ville de
Trincomalee située sur la côte Est.
2 heures et 11 minutes plus tard,
c’est Madras qui est frappée. Une
demi-heure après, l’alerte fédérale est
déclenchée. Entre-temps les vagues
dévastent la province sud du Sri Lanka :
Hambantota, Matara, Galle….
3 heures et 1 minute après la secousse,
les 1 192 îlots des Maldives sont inondés.
6 heures après, la vague touche les côtes
australiennes et ne fait aucun dégât dans
ce pays prévenu à temps.
7 heures et 16 minutes après, des
scientifiques américains réévaluent la
magnitude du séisme à 9 (soit 10 fois plus
puissant que la première estimation).
9 heures et une minute après, une
chaîne de télévision prévient la population kenyane de l’arrivée de grosses
vagues. L’ordre d’évacuer les plages est
donné une heure après.
12 heures après la secousse, faute
d’alerte, des centaines de victimes
périssent en Somalie.
32 heures après le séisme, l’onde a été
observée en Alaska, au Chili, au Mexique, et non loin de New York. v F.G.
Humanitaire
Le contexte géopolitique de la région
Le phénomène a touché une gamme très large de situations socioéconomiques et politiques, ce qui accentue à la fois la complexité
de sa gestion et les difficultés rencontrées par de nombreux acteurs.
Entre la Thaïlande, l’Inde et la Somalie, les différences sont en effet
beaucoup plus nombreuses que les points communs.
Plusieurs grands axes d’analyse doivent être explorés :
- Les différences économiques entre et au sein de chacun des pays,
qui expliqueront à la fois les impacts spécifiques et les différences
en termes de capacité de gestion de la crise par les institutions
nationales.
- La conflictualité existant au sein de chacun des contextes :
presque tous les pays concernés, à part le Kenya, les Maldives et
l’Inde, vivent des situations politiques et militaires difficiles. La
zone touchée d’Indonésie est affectée par un conflit interne de
plus de vingt ans d’âge. Le Sri Lanka essaye de se sortir d’une guerre
civile dramatique et la fragilité du gouvernement est évidente.
La Thaïlande connaît depuis une dizaine d’années une certaine
instabilité au Sud. La Birmanie et la Somalie sont en situation très
difficile.
- La place de chacun de ces pays dans la géopolitique internationale
aura un impact particulier sur la mobilisation de l’aide internationale,
et notamment bilatérale, en sa faveur : la mobilisation américaine
en faveur de l’Indonésie, par exemple, s’explique largement par ce
facteur géostratégique : démontrer que les États-Unis assistent le
pays musulman le plus peuplé du monde. v F.G.
Les effets de la vague à Aceh (© Groupe URD)
Le bilan de la dévastation
© AREION 2006
Bangladesh
2 morts
BANGLADESH
Yemen
BIRMANIE
INDE
2 morts
Birmanie
59 morts
Thaïlande
8 241 morts
YEMEN
16 389 morts
647 599 déplacés
KENYA
150 morts
5 000 déplacés
Maldives
Malaisie
74 morts
8 000 déplacés
MALAISIE
MALDIVES
108 morts
21 663 déplacés
Kenya
1 mort
TANZANIE
Sri Lanka
35 262 morts
519 063 déplacés
SRI LANKA
Somalie
SOMALIE
THAILANDE
Inde
Tanzanie
Seychelles
10 morts
3 morts
200 déplacés
INDONESIE
Indonésie
166 334 morts
566 898 déplacés
SEYCHELLES
Note : pour l’Indonésie, les statistiques incluent le séisme du 28 mars 2005.
AFRIQUE DU SUD
Afrique du Sud
2 morts
Sources pour les décés (USAID, 2005), sauf pour la Birmanie, la Tanzanie, le Bangladesh et le Kenya
(AFP, 2005), le Yemen (IRIN, 2005b).
Sources pour les déplacements : Said et al., Loss and damages, 2005; sauf pour le Yemen (IRIN,
2005b) et les Seychelles (IRIN, 2005a).
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Affaires stratégiques et relations internationales
73
Humanitaire
L’Indonésie
un pays riche d’une
histoire complexe
repères
On ne peut comprendre les difficultés et les enjeux de l’aide « posttsunami » en Indonésie sans prendre en compte l’histoire des quatre
dernières décennies de ce pays en général, et du contexte très
spécifique d’Aceh en particulier.
ıı Histoire
d’une
démocratisation en cours
ı L’histoire de l’Indonésie est passionnante. Ancienne colonie hollandaise,
Photo ci-contre :
Dégâts dans l’un des ports de
la zone d’Aceh.
(© Groupe URD)
74
ce pays de plus de 5 000 km de long,
constitué d’une myriade d’îles aux noms
chantants et aux peuples très divers, a
vécu une histoire chaotique au cours
des années qui ont suivi la Seconde
Guerre mondiale. Cet archipel, le plus
peuplé des pays musulmans de la planète
- avec plus de 222,6 millions d’habitants
en 2004 -, est passé par des étapes très
dures de militarisation de l’État, des
événements aussi dramatiques que
les massacres « anti-communistes » de
1964 (plusieurs centaines de milliers de
morts), des aventures coloniales qui se
sont mal terminées (Timor oriental), et
de nombreux soubresauts militaires. Pays
de la déclaration de Bandung des pays
non-alignés, l’Indonésie est une terre de
culture et de rayonnement riches avec
une économie assez dynamique, bien
Diplomatie 18
Janvier - Février 2006
qu’ayant du mal à se remettre de la crise
financière asiatique des années 1990.
L’Indonésie est aussi un espace géographique fréquemment visité par les catastrophes naturelles : dans ce pays en partie
montagneux, situé en zone de mousson
tropicale, sur une zone tellurique active,
et bordier des grands espaces océaniques
affectés par les phénomènes El Nino et
la Nina, on y trouve à peu près tous les
cas de figures des désastres naturels.
Cette situation se trouve aggravée par
les risques humains liés au terrorisme,
aux problèmes croissants des accidents
technologiques et, depuis peu, aux dangers liés à l’épidémie de grippe aviaire.
ıı Leet leconflmouvement
it indépendantiste
GAM
ıréprimé
Le GAM (Mouvement Aceh Libre) fut
par l’État indonésien dès sa
création en 1976 par un petit groupe
de nationalistes acehnais. Mais les multiples violations des droits de l’Homme
commises par l’armée indonésienne ont
rapidement nourri le sentiment indépendantiste dans une grande partie de
la population. Une population qui ressent
très mal la mainmise totale de Djakarta
sur le pétrole, l’arrivée dans la province
de migrants venus de l’île de Java, mais
également l’absence de respect de ses
traditions culturelles. Le conflit d’Aceh
a fait plus de 12 000 morts depuis 1976
dans cette province du nord de l’île de
Sumatra (4 millions d’habitants), riche en
Humanitaire
hydrocarbures. Il oppose les rebelles du GAM au gouvernement,
qui a refusé toute idée d’indépendance d’Aceh – perçue comme
une remise en cause de l’unité de l’immense archipel de 212
millions d’habitants.
Un espoir naît avec la chute de la dictature Suharto en 1998.
Mais à la différence du conflit au Timor oriental, qui a abouti
en 1999 à un vote pour l’indépendance sous les auspices de
l’ONU, le drame acehnais ne mobilise pas la communauté internationale : l’armée indonésienne a pu continuer de réprimer
le mouvement indépendantiste acehnais à l’abri des regards
étrangers.
La situation avant le tsunami
L’armée indonésienne contrôlait les villes et les principales
voies de communication, mais elle ne parvint pas à déloger la
guérilla de ses bastions traditionnels – la jungle et certaines
zones rurales où les indépendantistes bénéficient souvent de
l’appui de la population.
En 2002, les États-Unis ont commencé à faire pression sur le
gouvernement indonésien pour que celui-ci entame des négociations avec les rebelles d’Aceh : partenaires du gouvernement
indonésien dans la lutte contre le terrorisme, les États-Unis ne
souhaitaient pas voir l’aide militaire apportée détournée au
profit de la répression contre les rebelles d’Aceh. Ils préfèrent
donc soutenir les efforts en faveur de la paix.
Ces négociations se soldent par un échec : en mai 2003,
le gouvernement indonésien impose la loi martiale sur le
territoire d’Aceh, puis déclare l’état d’urgence, toujours en
vigueur à la veille du tsunami. La répression du mouvement
indépendantiste va se poursuivre à l’abri des regards. La zone
est interdite aux étrangers, qu’ils soient touristes, journalistes
ou observateurs.
Bilan humain
et matériel
Les conséquences de cette catastrophe sont immenses
puisqu’elle a touché treize pays, faisant 230 000 victimes
et disparus, et 1,5 million de sans-abris. D’un point de vue
matériel, l’ampleur des dégâts est également phénoménale,
et de nombreux secteurs d’activités économiques ont été
sinistrés, comme par exemple le secteur de la pêche, pour
lequel on estime qu’un montant de 320 millions de dollars
serait indispensable pour le remettre en état. Même constat
lorsqu’on analyse le bilan des habitations détruites : les pays
les plus dévastés sont l’Indonésie avec 280 000 maisons et
un tiers des écoles démolies, et le Sri Lanka avec 120 000
habitations détruites.
Néanmoins, ces chiffres sont à relativiser en gardant à
l’esprit que :
- cette vague dévastatrice n’a pénétré les terres que de 50
à 400 mètres (dans quelques rares cas sur 2 à 3 km) et que
l’intérieur des pays n’a pas été touché ;
- comme dans toute catastrophe naturelle et a contrario
des conflits, les dégâts ont été circonscrits dans l’espace et
dans le temps : les infrastructures existent et les secours
locaux ont pu s’organiser avant la phase de reconstruction,
En même temps, les attentats terroristes à Bali et les tensions
interconfessionnelles sur plusieurs zones insulaires ont amené
le gouvernement à prendre conscience des enjeux des négociations. Le statut d’autonomie progressive était accordé à la
province de Naggrue Aceh Darussalam. C’est dans ce contexte
que le travail de négociation, entamé par le Centre Henri
Dunant de Genève, puis relayé de façon plus politique par la
médiation finlandaise, a tenté de faire avancer l’idée de paix.
L’évolution politique depuis le tsunami
Le tsunami a changé la donne :
- en attirant d’un coup l’attention de la communauté internationale sur la situation à Aceh et son conflit oublié, largement
occulté par rapport à la crise du Timor oriental ;
- en créant dans l’archipel un élan de sympathie pour la zone
d’Aceh ;
- en modifiant une partie des équilibres des forces.
Immédiatement après le tsunami, les deux factions en conflit
ont déclaré un cessez-le-feu pour permettre aux efforts de
secours de se dérouler sans danger. Le
GAM et le gouvernement ont aussi décidé
d’accélérer les négociations qui sont entrées
dans une phase nouvelle, sous l’égide
de l’ancien président finlandais Martti
Ahtisaari, jusqu’à un cessez-le-feu et à un
accord de démilitarisation de la zone en
août 2005. Sur la base de ces avancées de
la « diplomatie tsunami », une mission de
suivi des accords de paix, la « Aceh Monitoring Mission » (AMM) a été mise en place
par le Conseil de l’Europe, avec une bonne
implication de la France. v F.G.
Photo ci-dessous :
La mort à frappé : fosse
commune à Banda Aceh.
(© Groupe URD)
les besoins immédiats ont concerné
essentiellement les premiers soins aux
blessés, la distribution de nourriture, de
kits d’hygiène et de nettoyage pour les
populations sinistrées, et le traitement
de l’eau.
Pour les sinistrés du tsunami, l’accès
à l’eau potable et à des latrines est un
enjeu vital. Après le raz-de-marée, des
milliers de personnes ont été exposées
à une dizaine de maladies directement
liées à l’eau, comme les affections diarrhéiques par exemple. Pour lutter contre
la déshydratation associée à ce type de
pathologie, l’aide internationale a envoyé
des millions de tablettes de purification
d’eau et des kits d’urgence sanitaire
destinés à 2 millions de victimes.
Les chiffres sur l’impact de cette série
de catastrophes varient d’une source à
l’autre. Ceux présentés ici proviennent des compilations
réalisées par le Centre asiatique de préparation aux désastres
(ADPC) de Bangkok. v F.G.
Diplomatie 18
Affaires stratégiques et relations internationales
75
Humanitaire
Bilan humain et matériel
Impact humain du tsunami du 26 décembre 2004
Morts (inclues les
personnes disparues)
Blessés
Personnes ayant perdu
leur habitation
Inde
Indonésie
Sri Lanka
Thaïlande
16 389
221 291
35 386
8 221
7 187
149 559
23 033
8 457
210 000
539 385
380 000
58 550
Distribution des effets du désastre sur les pays
(en millions d’US$)
Inde
Indonésie
Sri Lanka
Thaïlande
Total
Dégâts
Pertes
Impact Total
575
2 920
1 144
508
5 147
649
1 531
310
1 690
4 180
1 224
4 451
1 454
2 198
9 327
© Groupe URD
En terme d’impact économique, le total des dégâts est estimé entre 10 et 13
milliards d’US$. L’Indonésie est le pays le plus touché en termes absolus (dégâts
estimés aux alentours de 4,5 milliard d’US$), suivi de la Thaïlande (2,2 milliards
d’US$), du Sri Lanka (1,5 milliards d’US$) et de l’Inde (1,2 milliard d’US$).
Néanmoins, ces chiffres « absolus » doivent être mis en regard des richesses des
pays et de leur PNB. Le PNB du Sri Lanka été le plus touché (7,6 % de pertes)
suivi par l’Indonésie (2 %), la Thaïlande (1,4 %) et par l’Inde (0,2 %).
Magnitude,
Impact/PNP, en %
0,2
2,0
7,6
1,4
1
Source: ADPC, Socio Economic Impacts of the Indian Ocean Tsunami 2004
Dégâts et pertes résultant du tremblement de terre
et du tsunami du 24 décembre 2004
Indonésie
Inde
Sri Lanka
Thaïlande
161 719
3 302
87 993
1 506
Secteurs
Nombre de maisons détruites
127 325
Nombre de maisons endommagées
151 653
153 585
Nombre d’écoles endommagées ou détruites
2 065
327
190
N. r.
Nombre de structures de santé affectées
43
100
82
N. r.
Infrastructure
Nombre de réseaux d’eau affectés
774
33
9
19
Nombre de puits rendus partiellement ou totalement inutiles
60 000
300
62 000
149
Nombre de pompes à mains endommagées
15 000
1 158
N.r.
N. r.
Nombre de latrines endommagées ou détruites
N. r.
90
30 000
N. r.
Kilomètres de routes endommagées
1 937
N. r.
6 901 180
N. r.
Nombre de ponts affectés
437
1
10
35
Kilomètres de lignes ferroviaires affectés
N. r.
N. r.
20
N. r.
Nombre de docks ou de jetées endommagés
9
9
15
38
Secteurs productifs
Hectares de cultures endommagées
31 100
8 000
2 310
2 529,58
Nombre de systèmes d’irrigation affectés
N. r.
N. r.
25
N. r.
Nombre d’animaux d’élevage tués (bovins, caprins, volaille)
2 544 300
61 809
72 550
13 490
Nombre de bateaux de pêche détruits ou endommagés
20 600
75 338
15 600
5 985
Dommages sur les exploitations de pisciculture
1 700 Ha
400 ha
N. r.
1 039,6 milliard de baht
Nombre d’installations hôtelières affectées
N. r.
N. r.
Entre 200 et 300
Une dizaine
Hectares de récifs de coraux affectés
97 250
N. r.
variable
Hectares de mangroves affectées
750
N. r.
N. r.
Superficie de plages affectées (érosion, dépose de débris, etc.)
300
N. r.
N. r.
Impact environnemental
Note : la conversion des surfaces a été effectuée sur www.onlineconversion.com/area.htm
(Source : ADPC, Impacts of the Indian Ocean Tsunami 2004)
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Diplomatie 18
Janvier - Février 2006
Estimation haute 503,36
basse 188
Estimation haute : 297,6
Basse : 88,8
9,92 km2
r
Humanitaire
Sri Lanka
Une histoire complexe
et douloureuse
repères
ıı Lecessez-le-feu
Sri Lanka jusqu’au
de 2002
ıtugaise,
Après cinq siècles de colonisation porhollandaise puis britannique,
le Sri Lanka est devenu indépendant
en 1948. La population de l’ancienne
Ceylan est diversifiée, reflétant les
phases successives de peuplement
de l’île. Le conflit actuel trouve ses
origines au début des années 1930, qui
ont connu une surreprésentation de la
communauté parlant le tamoul dans l’administration coloniale (y compris du fait
de l’importante main-d’œuvre tamoule
importée de l’Inde voisine pour mettre
en place les plantations de thé). À partir
de l’indépendance en 1948, la population
majoritaire cingalaise a dominé l’État
et, au cours des années, a introduit
nombre de mesures discriminantes
visant à limiter la représentation
politique des Tamouls, à réduire leur
accès à l’éducation et à la terre, et
à empêcher l’usage de la langue tamoule (en 1956 était passé un texte
de loi faisant du cingalais l’unique
langue nationale). Les Tamouls ont
continuellement cherché un partage
du pouvoir, et l’échec à résoudre
les différences politiques a vu les
requêtes des Tamouls se radicaliser,
culminant dans la revendication d’un
État séparé dans le Nord et dans
l’Est – l’Eelam Tamoul. Les moyens
employés pour atteindre la réalisation
de ces revendications sont devenus
de plus en plus violents. Les émeutes
communales de 1983 contre les Tamouls
sont considérées comme un virage
décisif, conduisant à une guerre totale
de la part des insurgés, un processus
de répression continue et sans répit,
et trois périodes majeures de violence
de masse, connues comme les Guerres
d’Eelam. L’accord indo-srilankais a été
initié par l’Inde en 1987 et a vu l’arrivée
dans le pays des Forces Indiennes de
Maintien de la Paix (IPKF). Les IPKF
se sont trouvées impliquées dans une
guerre d’usure de deux ans contre les
Tigres de Libération de l’Eelam Tamoul
(LTTE), qui ont proclamé qu’ils représentaient la population tamoule, menant au
retrait des IPKF en 1990, sur la demande
du nouveau président du Sri Lanka élu
en 1989. S’en est suivie une période de
reconquête progressive du Nord et du
Nord-Est par l’armée gouvernementale
jusqu’à la reprise de Jaffna, à l’extrême
nord du pays, tenue depuis des années
par le LTTE. Bien qu’intermittent,
le conflit dans le Nord et l’Est a duré
presque vingt ans, a coûté entre 60
000 et 100 000 vies, a causé des
dynamiques de déplacement multiples
touchant plus de 800 000 personnes et
entraîné des destructions estimées par la
Banque mondiale à environ 1,4 milliard
de dollars. Tout au long du conflit, les
positionnements identitaires (ethniques
et religieux) des communautés tamoules
et cingalaises se sont renforcés, tandis
qu’un troisième acteur, cette fois à
référent non ethnique mais purement
religieux - les musulmans - émergeait
et compliquait encore la situation.
Mais, contrairement au stéréotype
populaire, le conflit est plus complexe
qu’un simple affrontement ethnique
ou religieux. Des distinctions basées
sur l’ethnicité ont masqué des divisions politiques internes et des différences importantes de castes/classes,
et les différences ethniques sont de
plus brouillées par le dynamisme
des minorités musulmanes. Depuis
le commencement de la plus grave
bataille au milieu des années 1980,
Diplomatie 18
Affaires stratégiques et relations internationales
Photo ci-contre :
Aide inconsidérée dans le
secteur de la pêche au Sri
Lanka. (© Groupe URD)
77
Humanitaire
Photo ci-contre :
L’eau potable, un enjeu crucial.
(© Groupe URD)
la communauté humanitaire a essayé
de mettre en place ses programmes en
respectant les principes humanitaires,
pour être réellement perçue comme
impartiale, indépendante et neutre.
La majeure partie de l’aide a néanmoins
bénéficié plus aux civils situés dans les
zones contrôlées par le gouvernement
qu’à ceux situés dans les zones grises (où
était surtout présent le CICR) et dans les
zones contrôlées par le LTTE. Au début
des années 1990, le LTTE a augmenté
ses capacités de secours d’urgence à
travers l’Organisation de Réhabilitation
Tamoule (Tamils Rehabilitation Organisation,
TRO), théoriquement indépendante mais
sans nul doute largement contrôlée par
son aile politique. Malgré les besoins
reconnus des populations dans les zones
contrôlées par le LTTE, une pression
croissante et des restrictions absurdes sur
les organisations d’aide internationales et
locales en ont mené beaucoup à se retirer
avant le cessez-le-feu. Le Parti National
Unifié (UNP) a gagné les élections en
2001, sur la base d’un programme de
négociations de paix, lancées dès son
arrivée au pouvoir. Il a mis en place
une coalition dont la vie a été souvent
agitée, avec une gamme de partenaires
politiques assez hétérogène et a conduit
le pays jusqu’au cessez-le-feu, signé le 23
février 2002.
de Batticaloa autour du commandant
Karuna. Le cessez-le-feu n’a cessé de se
fragiliser et certains observateurs voyaient
apparaître, durant le dernier semestre
2004 le scénario possible, si ce n’est
probable, d’un retour à une confrontation
ouverte.
ıı L’évolution
politique
ıı DuMalgré
cessez-le-feu au tsunami
depuis le tsunami
les changements majeurs ı Le tsunami a changé la donne en attirant
apportés par la signature de l’accord de d’un coup l’attention de la communauté
cessez-le-feu et pendant les pourparlers
entre les partis opposés, la situation est
restée extrêmement tendue. La phase
« post-conflit » au Sri Lanka était d’une
grande fragilité. L’implication de la Norvège, de la Commission européenne et de
quelques autres acteurs bilatéraux n’a pas
réussi à venir à bout de l’intransigeance
de chacun des camps. Ces derniers ont
été en effet traversés de tensions
politiques internes qui n’ont pas facilité
l’établissement de relations claires de
confiance : le gouvernement était une
coalition fragile entre des partis ayant
des positions idéologiques couvrant
l’ensemble du spectre politique : des
marxistes aux conservateurs. Le LTTE a
également été confronté à des dynamiques d’éclatement, celles-ci culminant
avec la tentative de scission d’une faction
78
Diplomatie 18
Janvier - Février 2006
internationale sur la situation au Sri Lanka
et son conflit oublié. Il a aussi modifié
une partie des équilibres des forces, le
dispositif militaire de LTTE ayant été
assez touché par le tsunami (les camps
militaires du LTTE étaient souvent en zone
côtière). Immédiatement après le tsunami,
les deux factions en conflit (le LTTE et le
gouvernement) ont négocié un accord de
partage de l’aide, dit « Joint Mechanism »
ou P-TOMS, mais sa mise en place effective
s’avère difficile sur le terrain. Ce P-TOMS
est même devenu un enjeu de négociation
politique très sensible. C’est en partie
autour des débats sur le P-TOMS que la
Coalition de Gouvernement a implosé (un
des partis s’en est retiré) et que se sont
organisés certains des enjeux électoraux
des élections présidentielles. Après une
première évolution positive, la situation
politique s’est remise à se dégrader. Des
manifestations pouvant être violentes (les
hartal) et les assassinats se sont multipliés,
tandis qu’un appareil militaire important
était mis en place, sur la base d’un corps
militaire d’élite. Dans ce contexte, la
situation de sécurité dans le Nord et
l’Est s’est progressivement détériorée.
S’il n’y a pas de reprise du conflit jusqu’à
présent, cette éventualité reste l’un des
scénarios possible. La recrudescence des
recrutements de jeunes hommes (souvent
des mineurs) dans les camps de déplacés,
repérée par de nombreuses ONG, semble
être une indication de la reconstitution
d’un appareil militaire, par ailleurs fortement financé par la Diaspora et les taxes
prélevées sur tous les transits Nord/Sud.
L’un des grands sujets de débat est celui
du droit de voyage des cadres LTTE en Europe, ainsi que la réintroduction de cette
organisation sur la liste des organisations
terroristes.
Les élections du 17 novembre 2005 ont mis
en place un Président dont le discours n’est
pas à la négociation. Le discours annuel
du leader du LTTE, événement au cours
duquel la résistance tamoule annonce en
général quelle sera sa stratégie, ne va pas
non plus dans le sens de la pacification.
Le miracle de la « diplomatie tsunami »
semble s’évanouir au Sri Lanka. v F.G.
Humanitaire
La Thaılande
repères
au-delà du paradis
D
errière les images paradisiaques de la Thaïlande et les
images enchanteresses des
plages des îles et des côtes du Sud,
hélas en partie dévastées par le tsunami
du 26 décembre, il y a une autre réalité,
que les touristes perçoivent peu.
personnes ont été tuées depuis le début
2004. Dans cette région où bonzes et
imams cœxistaient sans problème au
cœur d’une nature prodigue et d’une
économie bénéficiant des recettes du
tourisme, de la production de caoutchouc et des ressources côtières de
pêche et de production de crevettes,
Un Sud insurrectionnel
les premiers se font égorger par les
À la fin des années 1970, une partie extrémistes tandis que les seconds sont
importante de l’est et du nord de la arrêtés par une armée et une police à
Thaïlande était tenue par la guérilla bout de nerfs…
communiste. Dans les années 1980, la
campagne de la main tendue vers les Une présence massive de
anciens révolutionnaires thaïlandais a réfugiés illégaux birmans
remplacé la répression, et les dernières Toute la côte ouest de la Thaïlande
zones insurrectionnelles du Parti Com- abrite des populations de réfugiés illémuniste Thaï (PCT) se sont retrouvées, gaux qui ont fui la Birmanie par la mer
dans le Sud profond, au contact avec – en suivant l’arc des Andaman – ou
les mouvements d’opposition armés par la terre, après un exode souvent
malais. Progressivement, la donne a dangereux. Formant un lumpen proléchangé avec la montée en puissance taria taillable et corvéable à merci par
des mouvements islamistes, là encore l’industrie hôtelière, les plantations
influencés par la Malaisie voisine. Les d’hévéa, les travaux d’infrastructure
trois provinces du Sud (Pattani, les plus pénibles, ces réfugiés illégaux
Narathiwat et Yala, ancien sultanat ont payé un très cher tribut à la vague
rattaché à la Thaïlande en 1909), sont et ont peu de recours, du fait de leur
devenues au cours des dernières années « non-existence ». Certaines ONG
un cauchemar pour les différents gou- thaïlandaises, relayées par des réseaux
vernements thaïlandais, qui ont essayé internationaux (CCFD en France)
diverses stratégies, de la douceur à ont cherché à leur assurer secours et
la force. Actuellement, un véritable réconfort.
syndrome anti-insurrectionnel règne. Pour le gouvernement Thaksin, l’enjeu
Plus de 30 000 soldats ont dû être de l’aide post-tsunami était important,
déployés dans la zone, dans laquelle car le drame a eu lieu dans une période
les bâtiments publics sont protégés préélectorale tendue. Des moyens imporcomme des forteresses. Plus de 1 400 tants ont été déployés par les autorités,
ıı
ıı
ı
à travers l’armée et la toute-puissante
Croix-Rouge thaïlandaise, tandis que
l’État démontrait qu’il était capable de
gérer cette crise avec une implication
minimale de l’aide internationale. Il
fallait aussi s’assurer des « dividendes
électoraux », mais aussi redonner
confiance dans le secteur du tourisme,
une des clés de l’économie thaïlandaise.
Si les paris de bonne gestion de la crise
(rendue encore plus compliquée par la
présence de nombreux touristes parmi
les victimes), de la reconstruction et de
la relance du tourisme sont largement en
passe d’être gagnés, celui des élections,
lui, a été perdu. Les députés du parti
gouvernemental n’ont pas été élus, et
la confrontation avec les irrédentistes
musulmans s’aggrave... v F.G.
Diplomatie 18
Affaires stratégiques et relations internationales
Photo ci-dessous :
À Phuket après la vague.
(© Rick Von Feldt)
79
Humanitaire
La mobilisation
internationale
repères
ıı Les
Les acteurs multilatéraux
Nations Unies
Les Nations Unies sont présentes
sastres naturels), et assurer le contact
avec les autorités nationales. Dès le
27 décembre, une mission UNDAC
(United Nations Disaster Assessment
dans toute la zone touchée depuis and Coordination Team) partait pour
longtemps. Dans certains cas (Sri
Lanka, Somalie), cette présence était
réelle mais limitée. Ailleurs, les choses
étaient beaucoup plus compliquées :
ainsi en Indonésie, les relations sont
tendues suite aux événements qui ont
conduit à l’indépendance de Timor
Est. Toute intervention de l’ONU est
suspecte, pour certains segments de
la société indonésienne, de porter les
ferments d’une nouvelle détérioration
de l’espace national. Dans d’autres
zones (Inde, Thaïlande, Kenya), une
partie de l’appareil onusien n’est pas
opérationnel mais coordonne des
efforts régionaux. Face à la crise du
tsunami, le système onusien s’est
mobilisé dès le 26 décembre, pour
tenter de comprendre ce qui se
passait et informer New York (bureau
du sous-secrétaire général en charge
des Actions humanitaires), Genève
(bureau du BCAH en charge des dé-
Photo ci-contre :
Des aides multi-bailleurs.
(© Groupe URD)
80
Diplomatie 18
Janvier - Février 2006
la réalisation des premières identifications et la mise en place des activités
de coordination. L’appel d’urgence a
été distribué aux pays donateurs le 6
janvier. Les coordinations-terrain du
Humanitaire
BCAH se sont progressivement mises
en place, mais avec les difficultés liées
à l’ampleur de la mobilisation internationale. Les différentes agences des
Nations Unies ayant une expérience
ou un mandat dans l’urgence se sont
mobilisées : l’UNICEF, le Programme
alimentaire mondial, la FAO, l’OMS, le
programme des Nations Unies pour le
Développement, etc. La coordination
internationale globale s’est mise en
place autour de deux mécanismes
principaux : le BCAH et son représentant spécial, Margaret Walshtröm,
et le « Global Consortium », mêlant
ONU, Institutions Financières Internationales (IFI) et bailleurs de fonds
bilatéraux, animé par l’ex-président
Bill Clinton.
Les Institutions Financières Internationales (Banque mondiale, Banque
asiatique de développement, en collaboration avec la Banque japonaise
pour le développement international)
ont commencé dès janvier à évaluer
les besoins et à élaborer les plans
pour la reconstruction (fourchette
supérieure à 10 milliards de dollars).
Le mouvement Croix-Rouge s’est très
fortement mobilisé, levant des som-
mes atteignant des sommets encore
jamais vus (en milliards de dollars).
Le Comité International de la CroixRouge (CICR) travaillait dans la zone
depuis plus de 20 ans et représentait
la seule réelle présence internationale
à Aceh avant le tsunami. Il a assuré
la sécurisation des points de passage
entre zones gouvernementales et
zones rebelles (LTTE au Sri Lanka et
GAM pour Aceh) pour l’évacuation des
blessés et le transit des secours, ainsi
qu’un appui médical et de secours
d’extrême urgence, avec les volontaires des sociétés nationales. Les
Croix-Rouges sri lankaise, thaïlandaise
et indonésienne (PMI) ainsi que les
Croissants-Rouges des Maldives et de
Somalie, qui avaient développé des
réseaux de volontaires souvent assez
dynamiques, ont mobilisé ces réseaux
pour assurer les tâches de premiers
secours, les activités de recherche des
corps et la distribution des premières
assistances sur les zones touchées.
Le reste du mouvement Croix-Rouge,
avec la Fédération internationale des
sociétés nationales de Croix-Rouge
et du Croissant-Rouge (FICR) et une
vingtaine de sociétés nationales (française, danoise, allemande, italienne,
américaine, canadienne, etc.), s’est
aussi mobilisé de façon massive. Avec
des ressources très considérables,
toute la palette d’actions, de l’urgence
à la reconstruction et à la préparation
aux désastres, a été déployée.
ıı Des
Les bailleurs bilatéraux
sommes très considérables ont
été débloquées par les aides britanni-
que (DFID), hollandaise, norvégienne
(sponsor des négociations entre
le LTTE et le gouvernement au Sri
Lanka), allemande, australienne, etc.
Les pays d’Asie et du monde islamique, particulièrement concernés, ont
aussi apporté une aide importante.
Il a été assez difficile d’arriver à un
total cohérent, car il est souvent
difficile d’identifier comment les chiffres disponibles ont été construits.
Le Comité d’aide au développement
de l’OCDE et la « Tsunami Evaluation
Coalition » devraient permettre de
faire le point sur l’ensemble des fonds
mobilisés. L’ensemble du dispositif
Tableau récapitulatif des dons
internationaux (en millions)
Gouvernements
Dons privés
Total
US $
Euros
US $
Euros
US $
Euros
USA
857
714,2
1480
1 233,3
2337
1 947,5
Allemagne
643,3
536,1
663,9
553,3
1 307,2
1 089,3
Royaume Uni
445,2
371,0
663
552,5
1 108,2
923,5
Australie
738,9
615,8
284
236,7
1 022,9
852,4
Japon
550,5
458,8
123,8
103,2
674,3
561,9
Pays Bas
308,8
257,3
257
214,2
565,8
471,5
Canada
341,1
284,3
310
258,3
651,1
542,6
France
165,5
139,6
374,4
312,0
529,9
441,6
Norvège
175,5
146,3
95,7
79,8
271,2
226,0
Source : tableau élaboré et mis à jour à partir de Voice and Concord, Tsunami, one year
after, NGO Aid Intervention and Future Challenges, Bruxelles, novembre 2005, 50 p.
associatif international a reçu des
moyens d’une ampleur inégalée. Les
grandes majors sont arrivées avec des
ressources considérables. Les ONG de
taille moyenne ont souvent démarré
assez tôt des évaluations, mais ont
souvent mis du temps à démarrer
leur programme, du fait des délais
d’arrivée des fonds et de l’encombrement du paysage institutionnel sur
le terrain. Une nouvelle génération
d’ONG est née de la crise du tsunami,
résultat d’un sentiment de solidarité
avec les victimes, avec lesquelles les
membres fondateurs avaient souvent
partagé les heures sombres de la fin
décembre 2005. Armées de beaucoup
de générosité, mais pas toujours de
moyens et de capacités, ces ONG
de la génération tsunami sont à la
fois un bel emblème de la générosité
internationale et parfois un problème
sur le terrain.
Pour tous ces acteurs ONG, les
enjeux de visibilité et de rapidité de
décaissement ont été une contrainte
et une entrave à un travail de qualité.
Le système des ONG internationales
devra sans doute revoir un certain
nombre de ces points pour éviter les
dérapages.
La Commission européenne a été très
vite impliquée dans la région touchée
par le tsunami à travers plusieurs
mécanismes, ceux de la Protection
civile, le Bureau européen d’aide
humanitaire ECHO (qui débloquait 3
millions d’euros dès le 27 décembre,
Diplomatie 18
Affaires stratégiques et relations internationales
Photo ci-contre :
Les camps de déplacés sous
tente dans la zone d’Aceh.
(© Groupe URD)
81
Humanitaire
puis une série d’enveloppes d’un
montant de plus de 100 millions
d’euros), et les mécanismes d’aide
classique pour une approche globale
de la reconstruction post-tsunami,
avec une enveloppe globale de 350
millions d’euros.
Photo ci-contre :
Progressivement, la pêche
redémarre à Aceh.
(© Groupe URD)
r
ıı Les
Les acteurs nationaux
sociétés civiles des pays touchés
Prises de plein fouet par ce désastre,
Photo ci-dessous :
L’expérience intéressante
des « écoles en boîte » de
l’UNICEF, pour faire revenir
au plus tôt les enfants à une
certaine normalité.
(© Groupe URD)
82
les sociétés civiles des zones touchées
ont tenté de gérer la crise. L’aide de
proximité a souvent été la première réponse, celle qui sauve et qui préserve,
bien avant l’arrivée des aides officielles et des acteurs internationaux. Très
vite, quelques ONG internationales
ont cherché à établir des partenariats
avec des ONG nationales, pour la mise
en place de leurs programmes. Mais
hélas, ceci a encore été trop marginal.
Les sociétés civiles des pays touchés
restent encore « les enfants pauvres »
de la réponse internationale.
ıı Les
Les acteurs de l’État
institutions étatiques des pays
touchés par la vague ont mis quel-
du désastre, tandis que les autorités
sur le terrain étaient, elles, souvent
ques heures à réaliser l’amplitude complètement sous le choc. Puis la
réaction s’est structurée. Dans chaque
pays, les ministères de la Défense,
quand ils existaient, ont joué un rôle
important dans les premières heures,
ces ministères étant à la fois les seuls
à avoir des moyens logistiques et des
capacités de projection toujours en
« stand-by ». Puis les institutions
civiles ont pris le relais.
Les acteurs de l’État aux niveaux
décentralisés ont joué un rôle central, bien que parfois eux aussi très
touchés par le désastre. Ils sont en
effet au cœur de la solidarité de
proximité, mais aussi au cœur des
zones affectées. Ces acteurs ont
leurs propres limites et se sont vite
trouvés submergés par la déferlante
d’aide internationale. C’est à ce niveau opérationnel, proche du terrain,
qu’on observe au mieux les dérapages
et effets négatifs de l’absence ou de
la mauvaise coordination.
Sur le terrain, la coordination face
à une catastrophe naturelle est
théoriquement dans les mains des
autorités nationales. La préexistence
Diplomatie 18
Janvier - Février 2006
de conflits dans plusieurs des zones
affectées par la vague, l’absence pure
et simple d’autorités réelles (Somalie)
et leur relative désorganisation au
début de la crise, ont fait que les
coordinations internationales ont
joué un rôle important. Deux pays
(l’Inde et la Thaïlande) ont souhaité
avoir un plus grand contrôle de l’aide
internationale, celle-ci étant peu ou
pas désirée.
Si beaucoup de temps et d’énergie sont
engagés dans ces différents niveaux
de coordination, leur effectivité et
leur efficience continuent de soulever
de nombreuses questions face à la
multiplication des recouvrements
et duplications et à la « chasse aux
zones d’action et aux bénéficiaires »
qui s’est parfois mise en place. De
façon générale dans ces deux pays,
les autorités nationales et locales ont
souffert d’un manque de transparence
et de coordination de certaines ONG
internationales. v F.G.
Humanitaire
Les acteurs
Répartition de l’aide de l’État français
français
repères
L
a réponse de l’État français a
été mise en place dans le cadre
d’une structure ad-hoc particulière, la Délégation interministérielle posttsunami (DIPT), devenue Coordination
post-tsunami en juillet 2005 (CPT). Créée
le 19 janvier pour coordonner les actions
de la France, cette institution fait suite
à d’autres tentatives institutionnelles du
type « mission Fauroux » pour les Balkans.
Physiquement logée au sein des locaux du
ministère des Affaires étrangères, la DIPT,
structure interministérielle directement
reliée au Premier ministre, a eu une
efficacité réelle et appréciée par tous.
Elle a fonctionné avec à sa tête un haut
fonctionnaire habitué au travail en interministériel, un adjoint expérimenté dans
le secteur de l’action humanitaire et de la
reconstruction, et une équipe comportant
à la fois des diplomates expérimentés
(ambassadeurs), des représentants des
divers ministères concernés, et des fonctionnaires bien au fait des mécaniques
institutionnelles, tout ceci autour d’une
architecture fortement soutenue par
la Direction générale de la coopération
internationale et du développement
(DGCID). La fluidité de la coordination
interministérielle et les bonnes relations
avec les ONG sont deux des éléments qui
ont contribué au succès du dispositif,
mais aussi à la qualité de la plupart des
projets (une forte concertation en amont
induit une meilleure qualité en aval). La
DIPT/CPT a pu dans des temps très courts
analyser un total de 200 propositions de
projets et en retenir prés d’une centaine.
Des organismes aussi divers que des ONG,
des institutions de recherche, des agences
de l’ONU, des organisations locales, etc.
ont pu être soutenus. Tout ceci a pu
fonctionner de façon plutôt harmonieuse,
grâce à une très forte implication des
ambassades sur le terrain. Y aura-t-il
une suite à cette expérience positive,
en terme de mécanisme de gestion de
crise ? C’est une question importante que
se posent la plupart des partenaires de la
DIPT / CPT.
Une des caractéristiques de l’aide française a été d’être répartie sur l’ensemble
des phases de la gestion de crise : aide
d’urgence pendant la phase aiguë, aide
à la reconstruction, assistance à la mise
en place de mécanismes d’alerte et de
prévention.
ıı Les
bailleurs de fonds non
gouvernementaux
ı Deux bailleurs de fonds non gouvernementaux ont été impliqués, en
coordination avec la DIPT/CPT, à des
co-financements d’ONG :
- Fondation de France : La FdF a joué,
une fois encore, un rôle très important
de collecte de fonds du public et les a
« redistribués » aux ONG qui en faisaient
la demande, selon un certain nombre de
principes. Des critères plus diversifiés, une
grande flexibilité permise aux projets pour
leur permettre de rester adaptés dans des
contextes rapidement changeants ont
caractérisé l’approche de co-financement
de la FdF.
- Croix-Rouge Française : La CroixRouge Française a recueilli des montants
supérieurs à 110 millions d’euros. Sa
capacité d’absorption, une fois assurées
les contributions aux deux grands acteurs
du mouvement Croix-Rouge (le Comité
international de la Croix-Rouge –CICR et
la Fédération internationale des sociétés
de Croix-Rouge et du Croissant-Rouge
–FICR), était en cours de saturation. Elle
s’est alors créé un rôle particulier : en plus
Structure
DAH (Délégation à l’action
humanitaire)
Montant du budget
Allocation
alloué (millions d’Euros)
21
DIPT/CPT
25
Ministère de la Défense
20
d’être un acteur en direct, et un contributeur membre d’un réseau plus large
(le mouvement Croix-Rouge/CroissantRouge), elle est aussi devenue bailleur de
fonds pour des ONG, pour la première fois
de son existence.
Les collectivités locales et les agences
de l’eau : La mobilisation du public a
aussi touché les collectivités territoriales
et les agences de l’eau. Des fonds et des
savoir-faire ont ainsi été mobilisés par
des régions (Île de France, Rhône-Alpes,
etc.), des conseils généraux (Drôme, Valde-Marne, etc.) et les agences de l’eau
(Rhône-Provence-Corse, Seine-Normandie, Adour-Garonne) et mis au service des
ONG et des partenaires institutionnels sur
le terrain, notamment au Sri Lanka.
Les ONG se sont mobilisées, elles aussi,
de façon massive et se sont trouvées dans
la tourmente autour de toute une série
de débats sur leur utilité dans ce type de
situation, leur efficacité, leur capacité à
rendre compte. Elles ont fait des efforts
considérables dans la professionnalisation
de leurs activités et dans la qualité des
comptes rendus au public. En cela, la crise
du tsunami aura des effets durables pour
les acteurs... v F.G.
Diplomatie 18
Affaires stratégiques et relations internationales
ONU, fret ONG
ONG, ONU, institutions de
recherche, administrations
locales, et autres.
Sur coûts liés aux opérations
logistiques et sanitaires, suite
au déploiement sur la zone
concernée.
Photo ci-dessous :
Progressivement, les habitats
urbains se reconstruisent.
(© Groupe URD)
83
Siège : La Fontaine des Marins 26170 Plaisians.
Tel: 04 75 28 29 35. [email protected]
Bureau de Paris : 4 rue Clairaut, 75017, Paris
Tel : 01 42 28 14 12
Antenne de Kaboul : Groupe URD, House n°333,
Street 7, Qala-e-Fatullah, Kaboul, Afghanistan.
Tel : 00 93 (0)79 02 32 54, [email protected]
10 ANS DE RECHERCHE
ENGAGÉE AU SERVICE DES
ACTEURS DE L’AIDE.
Les contextes dans lesquels se met
en place la solidarité internationale
sont en évolution constante
depuis la fin de la guerre froide,
et ces évolutions interpellent les
pratiques des acteurs. C’est sur
cette constatation qu’en 1993 s’est
créé, autour d’une dizaine d’ONG
françaises et européennes, un lieu
de dialogue et d’échanges entre
praticiens : le Groupe UrgenceRéhabilitation-Développement
(Groupe URD).
À partir de 1997, le Groupe URD s’est
transformé en un acteur opérationnel
dans le domaine de l’évaluation,
de la recherche et de la formation.
Aux carrefours entre urgence et
développement, entre action et prise
de distance, entre ONG et institutions
publiques, entre agences de l’ONU et
monde universitaire, entre réflexions
francophones et approches anglosaxonnes, le Groupe URD tente
d’être un « pont » entre ces mondes.
Pour ce faire, il se base sur trois
caractéristiques :
- Être une équipe multidisciplinaire
dans laquelle se croisent sciences
dures (agronomie, médecine,
architecture, nutrition) et sciences
sociales (anthropologie, économie,
socio-politique, etc.).
- Être une équipe pluriculturelle, avec
des chercheurs européens (français,
britanniques, espagnols), africains,
latino-américains ;
- Être basé dans une ferme en
Provence, avec la nécessaire prise de
distance que ceci induit, mais aussi
la prise directe avec les questions
de gestion des désastres et des
difficultés de développement d’une
petite région de montagne sèche.
Marier la réflexion sur les crises
« ici et là-bas » oblige à un exercice
permanent de mise en perspective…
CYCLE D’APPRENTISSAGE COLLECTIF
Les institutions de solidarité internationale reconnaissent
aujourd’hui leur double responsabilité en terme de
qualité de leurs actions vis-à-vis des populations
et des donateurs. Le Groupe URD contribue à
l’exercice de cette responsabilité en proposant le
cycle d’apprentissage collectif décrit ci-dessous. A
travers cette dynamique, c’est l’amélioration continue
de l’aide apportée aux populations qui est visée.
TIRER LES LEÇONS DES
EXPÉRIENCES SUR LE
TERRAIN
En questionnant les modes
d’intervention et de conception de
programmes,à travers les évaluations.
En croisant les savoir-faire,via les
études thématiques ou transversales.
CAPITALISER ET
PARTAGER
En publiant et diffusant les
résultats des travaux.
En organisant des espaces
de débats. Pour partager les
réflexions.
INFLUER SUR
L’ENVIRONNEMENT
DE L’ACTION HUMANITAIRE
En interrogeant les pratiques des
bailleurs de fonds, les décideurs politiques,
les ONG, les Nations Unies.
RENFORCER LES
RESSOURCES HUMAINES
DU SECTEUR
PROPOSER DE
NOUVELLES METHODES
ET DES OUTILS POUR
L’ACTION
En concevant de nouveaux
outils et méthodes pour les
acteurs.
En formant les acteurs nationaux
et internationaux.
LE GROUPE URD EST UNE STRUCTURE DE RECHERCHE, D’ÉVALUATION ET DE FORMATION POUR
L’AMÉLIORATION DES PRATIQUES DE L’AIDE EN FAVEUR DES POPULATIONS.
ACTIVITÉS
DES ÉVALUATIONS DE PROGRAMMES :
Le Groupe URD répond à diverses demandes d’évaluation de programmes qu’il conduit toujours dans
l’optique d’apprentissage et d’amélioration continue.
Evaluation des programmes de l’Unicef au Darfour, des projets de Solidarités en ex-Yougoslavie,
de Euronaid, du Consortium DACAAR et de la FAO en Afghanistan, de la FAO et de l’aide française
dans la zone Tsunami.
DES PROCESSUS DE CAPITALISATION D’EXPÉRIENCES :
Certains thèmes étant communs aux divers acteurs intervenant sur une même zone, le Groupe URD
propose des processus de capitalisation d’expériences, étalés dans le temps, pour analyser les actions de
manière transversale et tirer collectivement les leçons.
Post-Mitch de 1999 à 2001, Afghanistan à partir de 2001.
LES PUBLICATIONS
La collection «Pratiques humanitaires
en questions» a été créée en 1997
aux éditions Karthala. Elle a produit
plusieurs titres dont certains sont
également publiés en anglais et
en espagnol. Outils d’appui à la
capitalisation de l’expérience et du
partage des idées, ces ouvrages sont
chaque fois le résultats de longs mois
de terrain et de réflexions d’acteurs et
d’observateurs engagés sur le terrain.
DES PROJETS DE RECHERCHE OPÉRATIONNELLE :
De l’analyse des pratiques (souvent à travers les évaluations ou les capitalisations d’expériences)
apparaissent des problématiques dont la complexité ou l’importance nécessite une étude approfondie. Le
Groupe URD développe alors des projets de recherche opérationnelle.
La participation des populations à l’action humanitaire (Etude Globale sur la Participation), la
qualité des actions humanitaires (Projet Qualité), les pratiques humanitaires dans les contextes
urbains en guerre (Projet « Villes en guerre et guerres en ville »), le passage de l’urgence à la
reconstruction (Projet LRRD en Afghanistan).
DES MODULES DE FORMATION :
Sur la base de ces travaux et à la demande d’une institution ou de centres de formation, le Groupe URD
propose une série de modules pour les ONG, les agences des Nations Unies, le mouvement Croix-Rouge,
les ministères.
Le lien urgence-développement, la Sécurité alimentaire, qualité & évaluation, la participation dans
l’action humanitaire, droit international humanitaire, etc.
À LA DISPOSITION DES ACTEURS DE L’AIDE
DES OUTILS ET MÉTHODES DE TRAVAIL :
A l’issue de certains projets de recherche, de nouveaux outils ou méthodes sont conçus et mis à disposition
des acteurs :
Le COMPAS Qualité, (CD-Rom et Manuel)
Le Manuel du Praticien sur la participation dans les situations de crise.
DES PUBLICATIONS ET DES OUVRAGES :
Les recherches donnent lieu à des publications (dans les revues spécialisées) ou des ouvrages (collection
« Pratiques humanitaires en questions » chez Karthala).
En 1997 : « Entre urgence et développement ».
En 2000 « Evaluer l’action humanitaire ».
En 2004 « Guerres en ville et villes en guerre ».
En 2005 « Bénéficiaires ou partenaires : quels rôles aux populations civiles dans l’action
humanitaire ».
DES ÉVÈNEMENTS :
Pour diffuser les résultats de ses travaux, le Groupe URD organise ou participe régulièrement à des
colloques. Il organise chaque année « Les Universités d’automne de l’humanitaire » dans son siège Drômois
et un colloque en association avec l’Université Paris XII Créteil et son Master « Gestion de l’Humanitaire »
en 2003 : 10 ans d’humanitaire Européen, bilan et perspective.
en 2004 : Haïti ; autopsie d’une gestion de crise.
en 2005 : Tsunami : l’eau qui tue, l’eau qui sauve, premières leçons sur l’aide internationale.
Prévision 2006 : Une planète dans tous ses états : catastrophes naturelles et technologiques.
DES SITES INTERNET :
Tous les résultats de ses travaux de recherche sont mis en ligne sur le site : www.urd.org
Les outils de gestion de la qualité sont disponibles sur le site www.compasqualite.org
FINANCEMENTS,
SOUTIENS &
PARTENARIATS
Financements par projet : Ministère
français des Affaires étrangères, Région
Rhône Alpes, Ministère suisse des
Affaires étrangères, Office Européen de
l’aide humanitaire (ECHO), Fondation
de France, Agence de coopération
Australienne (Ausaid), etc.
Partenariats avec ALNAP (Active
Learning Network on Accountability
and Performance), Coordination SUD
(Synergie Qualité), ONG membres et/ou
partenaires, Tufts University, FAO, etc.
Les fonds propres dégagés sur
certaines activités ou issus des
cotisations sont ré-injectés dans les
activités du Groupe.
entretien
Humanitaire
La Croix-Rouge Française
et le tsunami
Entretien avec Antoine Peigney
Directeur des Opérations
Internationales de la Croix-Rouge
Française
Pour aller
plus loin :
http://www.croix-rouge.fr/
Photo ci-contre haut :
Distrubuer de l’eau potable.
une des priorités des
premiers jours.
(© Groupe URD)
Photo ci-contre bas :
Petite fille dans un camp prêt
d’Aceh. (© Groupe URD)
86
Quel a été le cadre de votre implication dans la réponse française au
drame du 26 décembre 2004 ?
La Croix-Rouge Française (CRF) a collecté 110 millions d’euros. Grâce à cette
extraordinaire générosité (900 000
nouveaux donateurs), la CRF a pris
toute sa place dans la réponse au désastre, en étant l’une des sept principales
sociétés de Croix-Rouge récipiendaires
des fonds mondiaux (total collecté
par la Fédération internationale : 2,2
milliards d’euros).
Dès le 26 décembre, un dispositif d’accueil (500 secouristes se sont relayés)
des ressortissants français rapatriés de
Thaïlande et du Sri Lanka était mis en
place à Roissy et en appui des services
consulaires français sur place. En parallèle, des équipes d’urgence médicale et
de traitement d’eau partaient le 27 et le
28 au Sri Lanka et en Indonésie.
Dès février, des équipes s’installaient au
Sri Lanka, en Indonésie, aux Maldives,
en Thaïlande et en Inde, pour procéder
aux évaluations préalables aux programmes de reconstruction et de relance
économique. La base régionale de La
Réunion était renforcée en moyens pour
soutenir les capacités de prévention et
de réponse aux catastrophes dans le
sud-ouest de l’océan Indien.
En mars, la réplique au large de l’Indonésie, qui a touché Nias, rajoutait une
action d’urgence suivie du même processus « post-urgence reconstruction »
dans la stratégie générale.
En décembre 2005, 400 000 personnes
dans les pays ci-dessus bénéficient
de l’aide que les français ont confiée
à la CRF, via 120 projets. Ces 120
projets résultent d’évaluations que
la CRF a conduites depuis février et
qui représentent un montant global
de 88 millions d’euros. Sur ces 88
millions d’euros engagés, 18 millions
seront dépensés fin 2005, 40 millions
le seront en 2006 et 30 millions en
2007. Cinquante délégués expatriés de
Diplomatie 18
Janvier - Février 2006
confiance qui ne s’est pas démentie et
qui était la condition sine qua non et
fondamentale de la réussite.
la CRF coordonnent l’ensemble de ces
projets en s’appuyant sur les équipes
des sociétés de Croix-Rouge locales, des
gouvernements, et de quelques ONG
avec lesquelles la CRF s’est associée
dans un esprit de mutualisation des
compétences.
Quel est le point qui vous semble
fort dans l’action que vous avez été
menés à conduire ?
Le réseau international du Mouvement
de la Croix-Rouge s’est révélé à la fois
efficace, et pourtant plein de lourdeurs,
qui ont été identifiées et auxquelles il
s’agira de remédier.
Opérationnellement, le dispositif
d’urgence de la CRF avec des équipes
entraînées et le matériel santé-eaulogement, prêts à partir 24 heures sur
24, a plutôt bien fonctionné.
Fonctionnellement, la cohésion institutionnelle a été sans faille, avec une
implication extrêmement importante
et durable tout au long de l’année du
président de la Croix-Rouge Française,
du directeur général, du conseil d’administration. Et cette exigence dans
le suivi des opérations et de l’accès aux
informations est la condition d’une
Quels seraient les éléments susceptibles d’être fortement améliorés ?
Le nombre d’opérateurs humanitaires,
toujours trop important dans ces
situations de crise ; des légitimités
extrêmement discutables, des valeurs
ajoutées douteuses, et le sentiment
qu’on n’apprend pas grand-chose d’une
crise à l’autre.
1°) Pour accélérer la phase d’urgence :
une logistique internationale sur place,
dès que le pays demande l’aide internationale (hélicoptères, barges, camions,
carburant, ponts mécaniques).
2/ D’une manière générale, renforcer
tous les dispositifs d’alerte et de
transmission de l’alerte à des dispositifs formés (Croix-Rouge, sécurité
civile, etc.) pour intervenir auprès des
populations.
Quel souvenir vous aura le plus marqué dans cette crise et la réponse
qui l’a suivie ?
L’impressionnante et irrationnelle solidarité dans le monde entier, ainsi que
l’extraordinaire pression médiatique
en relais de l’opinion publique qui a
suivi cette générosité, resteront un
souvenir fort. Les nuits courtes, face
aux énormes difficultés auxquelles
les opérateurs ont dû faire face pour
se coordonner et pour intégrer les
stratégies locales de gestion de cette
aide internationale.
Et pour ce qui est de la Croix-Rouge
Française, le sentiment de fierté qui
anime toute une équipe, d’avoir su faire
face à cette situation inédite en ayant
su s’adapter très rapidement à une
très vaste échelle en restant soudée,
compétente, efficace, inventive.
Entretien réalisé par
François Grünewald
Humanitaire
entretien
Le tsunami, un an après :
l’expérience de Solidarités
Quel a été le cadre de votre
implication dans la réponse
internationale au drame du 26
décembre 2004 ?
À Solidarités, nous avons cherché à
agir vite, en complément des autres
intervenants, en partenariat avec
d’autres acteurs (pouvoirs publics,
agences de l’eau, entreprises,
collectivités), par des programmes
quasi simultanés dans l’urgence et
la reconstruction. Pour cela, toute
l’association s’est fortement mobilisée. Nous avons envoyé une équipe
expérimentée dès début janvier 2005
pour faire l’évaluation des besoins et
identifier en quoi notre expérience
pourrait être utile, notamment dans
les secteurs de l’eau et de l’assainissement.
pour la pêche au filet ou le drainage de la qualité et les ONG françaises se
sont mobilisées autour de plusieurs
des terres agricoles salinisées.
initiatives, dont le Projet « Synergie
Quels seraient les éléments qui Qualité », mis en place avec Coordipourraient être fortement amé- nation Sud.
liorés ?
Nous devons renforcer nos capacités Quel souvenir vous aura le plus
pour faire face à ce type de cata- marqué dans cette crise et la
clysme et mobiliser rapidement plus réponse qui l’a suivie ?
de dons de particuliers pour faire C’est tout à la fois l’ampleur insvite, car les fonds institutionnels tantanée de la catastrophe et sa
nécessaires sont souvent lents à se mondialisation par les médias, ainsi
mobiliser alors que les besoins des que l’ampleur de la générosité. C’est
populations affectées, eux, n’atten- aussi, en France, la synergie entre les
acteurs qui a, par exemple, permis à
dent pas.
Plus généralement, il faut développer Solidarités de mobiliser 6 millions
tout le secteur de la prévention des d’euros pour secourir directement
désastres, améliorer notre capacité plus de 100 000 personnes au Sri
d’analyse des situations et des be- Lanka et en Indonésie.
soins, renforcer les mécanismes de
Entretien réalisé par
coordination et d’évaluation d’imFrançois Grünewald
pact. Il y a aussi des enjeux autour
Entretien avec Alain Boinet,
membre depuis des années
du bureau directeur de l’ONG
Solidarités.
Cette ONG, de taille moyenne,
a été très présente sur la zone
touchée par le tsunami.
Pour aller
plus loin :
www.solidarites.org
Quel est le point qui vous semble
fort dans l’action que vous avez
été amenés à conduire ?
Faire vite, agir en s’adaptant aux besoins prioritaires des populations en
cherchant à ne pas faire d’erreur dans
les secours. Je pense en particulier à
notre évaluation sur les puits recouverts d’eau de mer, au programme
de déblaiement des débris et sur le
nettoyage des fonds marins côtiers
Photo ci-contre haut :
Pêcheur au Sri Lanka
(assistance par Solidarités).
(© Groupe URD)
Photo ci-contre bas :
L’eau dans les camps de
déplacés.
(© Groupe URD)
Diplomatie 18
Affaires stratégiques et relations internationales
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