LL_Aix en Provence_ACLF_sept2010:Mise en page 1.qxd

Transcription

LL_Aix en Provence_ACLF_sept2010:Mise en page 1.qxd
LL_Aix en Provence_ACLF_sept2010:Mise en page 1
31/08/2010
11:41
Page 1
N°44
REVUE DE LA LITTERATURE A PARTIR D’UN CAS
DE DELETION 3PTER A PHENOTYPE NORMAL
Lohmann L.(1), Ardalan A.(1), Courel K.(1), Pedronno S.(1), Diallo C.(2),
Kleinfinger P.(1), Montagnon M.(1), Trost D.(1), Costa JM.(1), Bazin A.(1)
(1)
Département de Cytogénétique et Biologie Moléculaire, Laboratoire Cerba - Saint-Ouen l’Aumône, France
(2)
Service de Gynécologie obstétrique, CH de Saint-Brieuc - Saint-Brieuc, France
INTRODUCTION
Jusqu’à présent, une quarantaine de cas de délétions terminales 3p ont été rapportées. Le phénotype en rapport avec ces délétions est caractéristique dans la grande majorité des cas et associe le plus souvent une hypotrophie nénonatale, une dysmorphie faciale à type de
micro-brachycéphalie, trigonocéphalie, ptosis, télécanthus, blépharophimosis, des fentes palpébrales obliques vers le bas, micrognatie, long philtrum, ainsi qu’une hypotonie néonatale et un retard psychomoteur (Phipps et al., 1994). Dans la plupart des cas, ces délétions
surviennent de novo avec un point de cassure en 3p25.3 (Cargile et al., 2002). Cependant, de rares cas de délétions 3p terminales à phénotype strictement normal ou modéré, sans retard psychomoteur, sévère à transmission familiale fréquente ont aussi été
rapportés (Tazelaar et al., 1991 ; Knight et al., 1995 ; Rivera et al., 2006 ; Takagishi et al., 2006 ; Shrimpton et al., 2006, Shuib et al., 2009).
Nous rapportons le cas d’un patient à phénotype normal avec une délétion 3p25.3 terminale identifiée par cytogénétique conventionnelle et moléculaire, dans un contexte de bilan d’échecs de la reproduction. Il nous a semblé intéressant, au regard de la grande variabilité
phénotypique, de faire une revue de la littérature sur les corrélations génotype-phénotype établies jusqu’à présent dans ce syndrome 3p terminal.
OBSERVATION
Monsieur JM, âgé de 30 ans, est adressé pour un caryotype sanguin en raison de 3 fausses
couches précoces de sa compagne. Il ne présente aucune dysmorphie et aucune déficience
mentale, son cursus scolaire a été tout à fait habituel. Le caryotype montre en bandes RHG
une délétion terminale du bras court d’un chromosome 3 (fig.1), confirmée par cytogénétique moléculaire (fig.2) à l’aide de sondes issues de BACs (provenant de l’Institut Sanger
et marquées par nick-translation) et par MLPA des régions subtélomériques (Salsa MLPA Kit
P036 Human Telomer et Salsa MLPA Kit P07 – MRC Holland).
RP11-115G3
RP11-356I4
La formule chromosomique est la suivante :
46,XY,del(3)(p25.3).ish del(3)(p25.3)(D3S4559-, RP11-202A21-,
RP11-115G3+, RP11-356I4+).
Le caryotype parental n’a pu être obtenu. En revanche, deux de ses sœurs, elles aussi sans
histoire développementale notable, sont également porteuses de la même délétion, ce qui
nous a permis de confirmer le caractère hérité de cette délétion familiale.
Fig. 1 :
Chromosomes 3 en RHG de notre patient
montrant la délétion 3p terminale.
RP11-202A21
RP11-356I4
Fig. 2 :
Hybridations in situ avec les sondes BACs réalisées chez notre patient.
DISCUSSION
Variabilité phénotypique
La variabilité phénotypique de ce syndrome de délétion 3p terminale est importante puisqu’elle varie d’un phénotype strictement normal à un phénotype sévère avec dysmorphie faciale et retard psychomoteur. Le plus souvent, celui ci est associé à
des délétions de novo tandis que les phénotypes normaux ou modérés sont plutôt associés à une transmission familiale (Pohjola et al., 2010). Il existe par ailleurs une variabilité phénotypique inter individuelle au sein d’une même famille comme
Tazelaar et al. qui le décrivent en relatant le cas d’une transmission familiale mère fils d’une délétion 3p25 terminale avec un phénotype plus sévère chez le fils que chez la mère. Drumheller et al. classent les différents phénotypes en 3 catégories : la première comprendrait
des traits communs à tous les patients atteints incluant un retard de croissance, un nez anormal, oreilles bas implantées, long philtrum et un retard psychomoteur ; la deuxième comprendrait des signes cliniques indépendants du point de cassure
comme une clinodactylie, anomalies rénales, pieds bots, rotation du colon, surdité, trigonocéphalie ; la dernière catégorie serait présente chez des patients avec des points de cassure plus proximaux comme les patients avec anomalies cardiaques.
Il faudrait rajouter à ces trois classes une quatrième catégorie incluant l’absence de dysmorphie faciale et l’absence totale de retard psychomoteur et une cinquième catégorie incluant uniquement des troubles modérés comme des troubles cognitifs sans retard psychomoteur sévère (phénotypes modérés).
Corrélations génotype-phénotype
Le point de cassure du syndrome 3p terminal typique est en 3p25.3 (Cargile et al.,2002) mais les analyses moléculaires montrent aussi une variation des points de cassure (Phipps et al., 1994 ; Drumheller et al., 1996). Dans les origine parentales, les délétions sont aussi bien
d’origine maternelle que paternelle, et il n’a pas été démontré d’effet d’empreinte pour aucun gène candidat (Pohjola et al., 2010). En 2002, la plus petite délétion décrite chez un patient avec un phénotype de syndrome 3p « terminale » est une délétion intersticielle
del(3)(p25.3p26.2) de 4.5 Mb (Cargile et al., 2002). En 2006, Dijkhuisen et al. mettent en évidence une région critique encore plus petite de 1.5 Mb partant du premier point de cassure décrit par Cargile et al..
La variation phénotypique n’est pas en rapport avec la taille de la délétion comme on n’avait pu le penser au départ, car de larges délétions ont été décrites chez des patients à phénotype normal ou modéré (Takagishi et al.,2006 ; Barber, 2005 et 2008) (tab. 1).
Les dernières études moléculaires réalisées suggèrent 4 gènes qui pourraient être impliqués dans le retard mental de ce syndrome (fig.5). D’une part, l’étude de Dijkhuisen et al. suggère qu’une région critique de 1.5 Mb comprenant 2 gènes, CRBN et CNTN4, suffit à expliquer
le phénotype commun. D’autres auteurs suggèrent que le gène CHL1 contribue au développement mental, notamment au niveau des fonctions cognitives (Frints et al.,2003 ; Shrimpton et al., 2006). Enfin, Endris et al. ont confirmé chez leurs 9 patients atteints une délétion
d’un allèle du gène SGRAP3, qui pourrait être responsable du retard mental par haploinsuffisance. Cette hypothèse a été confirmée par Shuib et al. qui décrivent SGRAP3 comme un déterminant majeur dans le retard mental de la délétion 3p terminale : SGRAP3 est délété chez
leurs 13 patients avec retard mental et présent chez leur seul patient à phénotype normal. Il semblerait qu’une toute petite délétion terminale en 3p26 ne comprenant que la région contenant CHL1 n’implique pas de dysmorphie faciale ni de retard psychomoteur important,
mais peut être responsable d’un phénotype modéré (Dijkhuisen et al., 2006 ; Shrimpton et al., 2006) ou d’un phénotype strictement normal (Hoo et al., 2008). Il n’a pour l’instant, pas été établi précisément de gènes directement en cause par rapport aux différents signes cliniques de ce « syndrome », mais il existe une forte présomption pour que le gène SGRAP3 soit un facteur majeur du retard mental décrit dans la délétion 3p terminale. Tous ces gènes s’expriment dans le cerveau, la plupart d’entre eux appartiennent à des familles de molécules d’adhésion cellulaire (L1CAM, AxCAMs). Certains ont un rôle confirmé dans la formation et le maintien des fonctions neuronales (CNTN4), tandis que CHL1 aurait un rôle sur la fonction cognitive.
Des gènes candidats pour les anomalies cardiaques décrites dans ce syndrome n’ont pas pu être confirmés à ce jour par l’ensemble des auteurs (Phipps et al.,1994 ; Cargile et al.,2002).
Il est à noter que bien que le gène VHL (Von Hippel Lindau) soit localisé en 3p25-3p26, il n’a pas encore été décrit de patients délétés avec des signes cliniques évocateurs du syndrome de VHL, peut être en raison du jeune âge des patients étudiés (Malmgren et al., 2007).
Notre famille sans phénotype particulier présente une large délétion 3p25.3 terminale comprise entre 9 et 10.5 Mb (fig.3,4), comprenant la région critique décrite par Dijkhuisen et al. Il est intéressant de noter que le gène SGRAP3 est localisé dans la zone délétée de notre cas
mais nous ne pouvons pour l’instant pas préciser s’il est exactement inclus ou pas.
Parmi différentes hypothèses pouvant expliquer cette variation phénotypique, Barber en retient trois :
1) Le biais de recrutement : les cas de patients à phénotype normal ou modéré peuvent être sous estimés.
2) Non pénétrance chromosomique : peut être assimilée à une transmission récessive d’une maladie mendélienne si la région délétée implique un ou très peu de gènes dose-dépendants.
3) Modification génique : des facteurs modifiant le niveau ou le profil d’expression de gènes dose-dépendants peuvent expliquer la variabilité phénotypique. Il est aussi possible que des gènes appartenant à une même famille avec des fonctions se recoupant
compensent l’happloinsuffisance des gènes délétés.
Knight et al., 1995
Takagishi et al., 2006
Rivera et al.,2006
Shrimpton et al.,2006
Shuib et al.,2009
Notre patient
DPN
Etude familiale
Phénotype
Phénotype
FCS
FCS
3p25.3-pter
3p25.3-pter
3p26-pter
3p26-pter
3p26.1-pter
3p25.3-pter
10.1
9.1
NR
NR
8.6
9 à 10.5
-
mineure pour la mère
et la fille
mineure
-
-
-
QI 95
léger déficit cognitif
légers troubles de l’attention
et faibles aptitudes sociales
Léger déficit cognitif
-
-
Recrutement
Délétion
Taille de la délétion (en Mb)
Dysmorphie
Retard mental
-
mère : fille : retard de langage
modéré
Tab. 1 :
Principales études décrivant un phénotype normal ou modéré chez des patients avec une délétion 3p terminale.
Fig. 5 :
Localisation schématique de quelques gènes entre 3p25.3 et 3p26.3 pouvant être impliqués dans le retard mental de la délétion 3 p terminale (d’après Pohjola et al., 2010)
Fig. 3 :
Localisation des sondes utilisées en
hybridation in situ pour notre patient.
Fig. 4 :
Estimation de la taille de la délétion chez
notre patient et localisation du gène SRGAP3.
CONCLUSION
La revue de la littérature concernant la délétion 3p terminale nous révèle toute sa complexité. L’étude de notre famille doit être complétée par CGH micro array et pourrait s’avérer informative dans l’exploration moléculaire à la recherche des gènes impliqués.
Le conseil génétique reste difficile quand il s’agit d’une délétion familiale en raison de la variabilité inter individuelle fréquente, à l’instar d’autres anomalies chromosomiques.
BIBLIOGRAPHIE
Angeloni D, Lindor NM, Pack S, Latif F, Wei MH, Lerman MI.
Am J Med Genet 1999;86/5:482-485.
Endris V, Wogatzky B, Leimer U, Bartsch D, Zatyka M, Latif F et al.
Proc Natl Acad Sci U S A 2002;99/18:11754-11759.
Rivera H, Domínguez MG, Matute E.
Genet Couns 2006;17/4:401-405.
Barber JCK.
J Med Genet 2005;42:609-629.
Hoo JJ, Shrimpton AE.
Am J Med Genet 2008;146A/4:538.
Shrimpton AE, Jensen KA, Hoo JJ.
Am J Med Genet 2006;140/4:388-389.
Barber JCK.
Am J Med Genet 2008;146A:1899-1901.
Knight LA, Yong MH, Tan M, Ng ISL.
J Med Genet 1995;30:613.
Shuib S, McMullan D, Rattenberry E, Barber RM, Rahman F et al.
Am J Med Genet 2009;149A/10:2099-2105.
Cargile CB, Goh DL, Goodman BK, Chen XN, Korenberg JR, Semenza GL, Thomas GH.
Am J Med Genet 2002;109/2:133-138.
Malmgren H, Sahlén S, Wide K, Lundvall M, Blennow E.
Am J Med Genet 2007;143A/18:2143-2149.
Takagishi J, Rauen KA, Drumheller T, Kousseff B, Sutcliffe M.
Am J Med Genet 2006;140/14:1587-1593.
Dijkhuizen T, van Essen T, van der Vlies P, Verheij JB, Sikkema-Raddatz B, van der Veen AY et al.
Am J Med Genet 2006;140A/22:2482-2787.
Phipps ME, Latif F, Prowse A, Payne SJ, Dietz-Band J, Leversha M et al.
Hum Mol Genet 1994;3/6:903-908.
Tazelaar J, Roberson J, Van Dyke DL, Babu VR, Weiss L.
Am J Med Genet 1991;39/2:130-132.
Drumheller T, McGillivray BC, Behrner D, MacLeod P, McFadden DE, Roberson J et al.
J Med Genet 1996;33/10:842-847.
Pohjola P, de Leeuw N, Penttinen M, Kääriäinen H.
Am J Med Genet 2010;152A/2:441-446.
Laboratoire Cerba /LL/NG/20&21 septembre 2010 ACLF Aix en Provence