METAPHYSIQUE ET SCIENCES HUMAINES L`auto
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METAPHYSIQUE ET SCIENCES HUMAINES L`auto
METAPHYSIQUE ET SCIENCES HUMAINES L’auto-épuisement du paradigme logocentrique Notes de cours à l’usage des étudiants par M. Maesschalck Chapitre1 : Introduction 1. Pourquoi le thème général ? L’émergence des sciences humaines reste un processus mal connu et peu sujet à interprétation. La métaphysique moderne telle qu’on la trouve élaborée chez Descartes, chez Wolff et chez Leibniz s’est surtout inspirée des sciences de la nature. Il en a été de même de la néo-scolastique. La métaphysique est une science théorique. Elle hérite de la division médiévale des Arts supérieurs et des Arts inférieurs. Elle peut s’appliquer aux mœurs en tant que science rationnelle : elle propose alors une théorie de la morale et une théorie du droit. Ses parties spécialisées sont la cosmologie rationnelle, la psychologie rationnelle (en ce y compris la morale rationnelle et la théorie de la société) et la théologie rationnelle (en ce y compris la théologie naturelle et la théorie rationnelle de la religion). Bergson et Gurwitsch, notamment, se réfèrent encore à ce cadre épistémologique, sans a priori dogmatique. Certains néo-scolastiques n’ont pas manqué d’observer que la phénoménologie en tant que projet d’une philosophie comme science rigoureuse pouvait, sous certaines conditions, être un prolongement acceptable ou une variante possible du destin de la métaphysique. La tradition kantienne est loin d’être homogène sur cette question sensible. Le débat sur la viabilité d’un prolongement moderne de la métaphysique s’est focalisé sur la question des conditions de possibilité du savoir scientifique dans les sciences de la nature comme production d’un ordre de représentation indépendant du processus mental d’autointuition de la subjectivité1. L’activité subjective de la connaissance pouvait, en effet, être réduite à une théorie de la croyance dans l’effectivité de l’ordre naturel. Il suffisait de passer d’un réalisme 1 La position en question ici est bien représentée par K.R. Popper (La connaissance objective, Ed. Complexe, Bruxelles, 1978, pp. 161-164). 1 externaliste à un réalisme internaliste2. Dans la mesure où l’empirisme scientifique continuait à postuler un réalisme externaliste dur comme croyance de base, même si en soi indécidable et sans conséquence positive sur le processus d’acquisition les connaissances, il pouvait y avoir une place pour un débat métaphysique sur l’origine de la construction des sciences naturelles en ce qu’elles supposent la donation ou l’il y a du monde dans lequel elles s’élaborent3. Plus subtilement, il était d’ailleurs possible de concevoir la métaphysique elle-même à partir du discours de la science comme une herméneutique de l’activité scientifique, une métaphysique du deuxième degré indiquant le creux de l’origine au sein même de l’énoncé scientifique construisant sa structure de signification en référence à l’événement, voire aussi en fonction de son application possible à un domaine de productivité sémantique. On pouvait alors considérer la raison elle-même comme structurée par un dynamisme extensif correspondant à une tension interne vers une unité de l’être et de la pensée, c’est-à-dire l’attestation définitive de l’intelligibilité intrinsèque de l’être4. On entre alors, au-delà de l’herméneutique du discours scientifique, dans une métaphysique spéculative. Mais parallèlement aux évolutions de ce débat avec les sciences modernes de la nature, la métaphysique a aussi connu une autre confrontation, à la fois plus dure et plus radicale. Celle-ci concerne l’émergence même des sciences humaines. L’oblitération de ce débat provient de deux types de facteurs : les uns sont internes à l’émergence des sciences humaines ; les autres lui sont externes. Au plan des facteurs internes, il s’agit essentiellement des conflits de territoires qui accompagnent la naissance de ce nouveau champ scientifique et rendent difficile une prise en compte de conflits de frontière liés à son unité, alors que la diffraction prédomine (pas d’unanimité sur des conditions génériques). Au plan des facteurs externes, la résistance intellectuelle des milieux traditionnels à l’institutionnalisation des sciences humaines a joué un rôle majeur. Un conflit de visions du monde s’est rapidement dessiné, car l’idée d’humanité était directement concernée. A travers l’antimodernisme catholique notamment, c’était les sciences humaines qui étaient directement visées. Alors que cette crise atteint déjà un premier 2 C’est la solution défendue en particulier par H. Putnam (Le réalisme à visage humain, Seuil, Paris, 1994, pp. 158-163). 3 On peut aussi interpréter dans ce sens « la renaissance de la cosmologie comme science » (cf. MALDAME J.M., « Création et événement », in FLORIVAL G. (dir.), Création et événement, Peeters ; Louvain/Paris, 1996, pp. 181-196, p. 188. 4 Un article significatif à cet égard est « Révélation et manifestation » de Jean Ladrière (in Qu’est-ce que Dieu ?, Publications des FUSL, Bruxelles, 1985, pp. 491-514). 2 paroxysme en 19105, on retrouve encore ce problème dans les années 70 et jusqu’au milieu des années 80 à travers le refus d’une articulation entre philosophie et sciences humaines, articulation jugée comme favorable indirectement à une interprétation marxiste du message religieux et du rôle social de la religion. Goldmann explique, de manière perspicace, la raison de cette exacerbation du conflit entre visions du monde et sciences humaines. Il en propose alors une interprétation en terme de lutte des classes. Mais celleci n’est que conséquente à sa définition première de l’objet spécifique des sciences humaines. « (…) la différence, entre les conditions de travail des « physiciens, chimistes et physiologistes » et celles des sociologues ou des historiens, est, non pas de degré, mais de nature ; au point de départ de la recherche physique ou chimique, il y a un accord réel et implicite entre toutes les classes qui constituent la société actuelle sur la valeur, la nature et le but de la recherche. La connaissance la plus adéquate et la plus efficace de la réalité physique et chimique est un idéal qui ne heurte plus aujourd’hui ni les intérêts, ni les valeurs d’aucune classe sociale. (…) Dans les sciences humaines, par contre, la situation est différente. Car si la connaissance adéquate des faits ne fonde pas logiquement la validité des jugements de valeur, il est certain, par contre, qu’elle favorise ou défavorise psychologiquement cette validité dans la conscience des hommes. L’assimilation du révolutionnaire au criminel est de nature à détourner le lecteur du premier, (…) l’analyse adéquate des antagonismes entre les classes sociales dans la société contemporaine pourrait avoir des conséquences défavorables aux idéologies conservatrices, etc. Or, pour tout ce qui concerne les principaux problèmes qui se posent aux sciences humaines les intérêts et les valeurs des classes sociales divergent du tout au tout. A la place de l’unanimité, implicite ou explicite, des jugements de valeur sur la recherche et la connaissance adéquate qui est à la base des sciences physico-chimiques, nous trouvons en sciences humaines des différences radicales d’attitude, qui se situent au départ, avant le travail de recherche, et restent souvent implicites et inconscientes »6. Dans l’interprétation de Goldmann, on retrouve aussi la trace du facteur interne : la dimension d’auto-critique l’emporte sur un conflit de frontière avec des champs externes. Pourtant celui-ci est bien réel, autant celui (dénié) avec les sciences de la nature que celui avec les visions du monde « pré-scientifiques » ou « pré-positivistes ». L’idée d’une succession de paradigmes rationnels, comme chez A. Comte, favorise 5 Cf., notamment, POULAT E., Histoire, dogme et critique dans la crise moderniste, A. Michel, Paris, 1996 ; COLIN P., L’audace et le soupçon, La crise du modernisme dans le catholicisme français (1893-1914), DDB, Paris, 1996. 6 GOLDMANN L., Sciences humaines et philosophie, Pour un structuralisme génétique, Gonthier, Paris, 1966, pp. 38-39. 3 aussi l’oblitération du conflit par une sorte de tournant/coupure à bien des égards imaginaires. Or le conflit est bien réel et directement lié à la constitution des sciences humaines en champ scientifique spécifique distinct du champ des sciences de la nature. L’auteur-témoin par excellence de ce processus est Dilthey. A suivre ces écrits, on s’aperçoit très clairement que le processus de constitution des sciences humaines se joue entre 18757 et 19058. De plus, Dilthey identifie bien le rôle-moteur que pourra jouer dans ce nouveau champ la psychologie. Face à l’émergence de ce champ, la menace principale, pour Dilthey, est celle de la métaphysique. Un demisiècle plus tard, il deviendra évident que l’enjeu de cette menace était l’avènement du paradigme logocentrique, décisif pour la constitution du nouveau champ9. 2. Pourquoi parler d’auto-épuisement L’auto-épuisement est un schéma interprétatif qui permet de travailler l’histoire des idées. On en trouve d’autres comme le progrès (au sens perfectionniste), l’adaptation (avec sélection), la dérive (par rapport à un point origine, oublié/oblitéré), l’émergence (par coupure/révolution, tournant), la genèse rétrospective ou prospective (stades) – métaphore de la croissance), la dialectique (annulation/dépassement), etc. L’intérêt porté au modèle de l’auto-épuisement est qu’il se base sur un processus mental (pas de métaphore naturaliste, mécaniciste ou biologiste, ni de métaphore psychologiste (croissance) ou sociologiste (transformation sociale). L’évolution des idées est traitée sur une base idéelle. Ce modèle est aussi réflexif et ne suppose donc pas un pouvoir d’objectivation du devenir des idées comme processus substantiel (Hegel/Marx : l’intelligence théorique de l’histoire). Ce modèle est transcendantal, c’est-à-dire qu’il prend en considération la nécessaire effectuation des contenus de connaissance dans l’expérience immédiate. 7 « Sur l’étude de l’histoire des sciences humaines, sociales et politiques », in W. DILTHEY, Introduction aux sciences de l’esprit, trad . par S. Mesure, Cerf, Paris, 1992, pp.43-87. 8 « Délimitation des sciences de l’esprit », in W. DILTHEY, L’édification du monde historique dans les sciences de l’esprit, trad. par S. Mesure, Cerf, Paris, 1988, pp. 31-39. 9 Ainsi, même les théories métaphysiques des sciences de la culture cherchant à donner une unité herméneutique à la question de l’action humaine grâce au processus substantiel de réalisation historique de l’esprit – cherchent à recycler les conceptions romantiques idéalistes du langage pour comprendre cette unité. Cf. CASSIRER E., « l’objet de la science de la culture », in CASSIRER E., Logique des sciences de la culture, Cerf, Paris, 1991, pp. 75-112, pp. 90 et 110 en particulier. 4 L’auto-épuisement est un modèle que l’on trouve mobilisé notamment par Fichte et par Gramsci. Chez Fichte, il résulte du moment d’auto-annulation du point de vue absolu de la raison qui rend possible une phénoménologie génétique des contenus de conscience. Ce moment épuise tout autant le réalisme supérieur que l’idéalisme supérieur10. Il constitue aussi l’acquisition du point de vue formel sur la liberté de l’esprit qui se découvre comme vide mais également comme pouvoir structurant par remplissement de la forme du Moi ; les déterminations qui remplissent la sphère de déterminabilité absolue : moment donc de l’éveil de la conscience à sa déterminabilité, disposition-typique au monde). Chez Gramsi, il définit la logique interne de la dialectique historique qui ne se pose jamais sans saturer ses propres possibles, c’est-àdire aussi sans une réflexivité du devenir qui renforce son impasse (par enfermement). = « déréalisation »,« déconstruction » fin d’une croyance. « A) Aucune société ne se propose des tâches B) pour lesquelles n’existent pas ou ne sont pas en train d’apparaître les conditions nécessaires et suffisantes à leur résolution C) et aucune société ne meurt avant d’avoir exprimé tout son contenu potentiel »11. 3. Pourquoi parler d’un paradigme logocentrique Celui-ci est caractéristique de ce qui a permis effectivement aux sciences humaines de se clôturer comme champ. Le post-modernisme est un des symptômes de l’épuisement du logocentrisme. Mais celui-ci est encore tolérable (entre nihilisme et relativisme, un scepticisme modéré est possible). L’auto-épuisement nous semble plus directement attesté par la volonté de reconduire une théorie nominaliste radicale de la signification en tant que métaphysique (ce qui est différent du nominalisme antimétaphysique de la philosophie analytique du langage). Celle-ci implique une culture métaphysique du vide de la signification comme horizon authentique de la pensée. 10 Selon le plan suivi par l’exposé de la Doctrine de la science de 1804. Cf. GODDARD J.-Chr., « Réduction phénoménologique et projection dans la Doctrine de la Science de 1804 », in Kairos, 2001, n° 17, pp. 151-169. Sur l’actualité de cette perspective, on trouve aussi un essai intéressant de Urs Richli, « Tun und Sagen in der Transzendentalpragmatik und der WL 1804 », in Fichte Studien, 18 (2000), pp. 201-215. 11 JOUTHE E., Catharsis et transformation sociale dans la théorie politique de Gramsci, Presses de l’Université du Québec, Québec, 1990, p. 118. 5 Il y a dès lors une pensée de l’auto-annulation d’une éidétique de la signification. Mais celle-ci ne se conçoit pas elle-même comme point d’aboutissement et de saturation, parce qu’elle ne prend pas en considération (par l’attention transcendantale) son propre acte intellectuel. De plus, cette position philosophique est d’autant plus caractéristique qu’elle incarne le retard de la philosophie par rapport au destin des sciences humaines dont elle signale l’épuisement au moment même où elle s’est constituée à titre particulier un territoire de « productivité sémantique », à savoir celui de l’éthique. La nominalisation de la théorie de la signification réveille aussi la traditionnelle réplique métaphysique au nominalisme, au moment même où le véritable débat est celui de l’auto-épuisement du champ des sciences humaines lui-même ! 4. Rappel : L’autonomisation des sciences dans l’histoire occidentale Moyen-Age (IXè-XIVè) : le rôle du XIIIe siècle Dès la fin du XIe siècle, on observe un mouvement de sécularisation progressive de la pédagogie (Ecoles de Tournai, Laon, Chartres, Cantorbéry, Tolède [contact avec le monde judéo-chrétien], Bologne [fondation du droit moderne], Salerne [médecine], Paris [cf. Abélard, Guillaume de Champeaux]). Ce mouvement aboutit à la fondation des universités caractérisée par l’émergence de nouvelles classes sociales (maîtres-élèves indépendants de tout rapport ecclésiastique) nécessitant une révision des statuts juridiques. Celle se concrétise à travers deux actes juridiques importants : 1209 : bulle d’Innocent III liant, sous le terme de Communio ou Universitas, les maîtres entre eux. 1215 : édit du cardinal légat Robert de Courçon, reconnaissant la pleine autonomie des « universités » et définissant les programmes de cours, les examens, obligations et privilèges des professeurs. L’enseignement s’organise alors progressivement en deux niveaux principaux : Les Facultés des Arts (ou Facultés « inférieures ») : En l’absence d’enseignement secondaire, les étudiants ne disposaient pas de formation générale avant leur inscription dans une des 3 principales disciplines universitaires (théologie, médecine, droit). L’université décide donc de pallier elle-même à ce manque en dispensant aux plus jeunes de leurs élèves les « arts libéraux » (7) : dialectique, grammaire, rhétorique ; arithmétique, astronomie, géométrie, musique). 6 Les Facultés « supérieures » : La médecine est pratiquée à Salerne dès le XIè siècle à Salerne, mais ce n’est qu’en se répandant en Espagne puis à Montpellier au XIIè siècle qu’elle développe comme une des disciplines maîtresses de l’université. La théologie trouve très vite sa place à Paris, dès le XIIIè siècle (cf. Thomas d’Aquin). Quant au droit, il est interdit jusqu’au XVIIè à Paris (par volonté du Pape), et s’installe donc à Bologne dès le XIIè siècle (cf. le moine Gratien qui vers 1140 rédige son Concordantia discordantium, qui préfigure comme le point de départ du droit canon). Renaissance(XVè-XVIè) On assiste à la Renaissance à une première autonomisation des sciences de la nature, plus précisément de la cosmologie qui restait jusqu’alors l’apanage des systèmes théologiques pour garantir l’interprétation créationniste du monde. Du point de vue de la philosophie de la nature, la Renaissance est toujours aux prises avec l’aristotélisme, le platonisme, le néo-platonisme et Galien. Mais là où la nature restait subordonnée à la théologie au Moyen-Age, la Renaissance lui donne une certaine autonomie. Le Sacré se décentre et change de sens : il ne vise plus à travers les phénomènes le Créateur ; il s’adresse à la nature elle-même, saisie comme puissance immanente qui règle du dedans le devenir du réel. Certains identifient Dieu et la nature, mais la plupart reconnaissent une transcendance. La nature dispose de ses propres lois. Du vitalisme d’inspiration platonicienne et aristotélicienne, on passe donc à un mécanisme embryonnaire (cf. Marsile Ficin, Théologie platonicienne-1474). Les catégories fondamentales de l’épistémologie sont celles de vie, d’activité, d’évolution, d’unité organique (cf. Ramus, Scholae physicae-1564). Les êtres et les choses sont unis par une communauté de vie unanime qui les relie à l’âme du monde. Copernic : (De Revolutionibus orbium coelestium libri-1543) héliocentrisme, mais poussé par une sorte de religion solaire, mêlé d’animisme aristotélicien, de théologie astrale et de réminiscences pythagoriciennes => pas moderne (la spéculation l’emporte sur l’observation). Tycho Brahé (De nova et nullius aevi memoria a mundi exordio prius conspecta stella-1573) la terre est le centre du monde, mais le soleil tout en étant l’axe de rotation du reste des astres demeure satellite de la terre => pas plus moderne que Copernic (voire moins), car il refuse les découvertes maîtresses de ce dernier et refuse même certaines des siennes sous des prétextes théologiques (ex. : son calcul de la distance des étoiles fixes à la terre lui paraissant trop important, il l’abandonne). Pic de la Mirandole (De hominis dignitate-1485 ; Heptaplus-1489 ; De ente et uno1492) il refuse le déterminisme astral au nom de la liberté humaine. La volonté et le destin des hommes ne sauraient être gouvernés par des influences extrinsèques. Mais il n’est toujours pas moderne, car il reste trop attaché à de nombreux mythes comme en témoignent ses « 900 thèses ». 7 XVIè-XVIIIè A l’époque moderne, entre le XVIè et le XVIIIè, c’est un système mécaniste de plus en plus laïque qui s’impose (cf. le projet de l’Encyclopédie avec d’Alembert, Diderot, etc.), fondé sur la méthode physico-mathématique. Cette méthode est la clé de l’indépendance intellectuelle des sciences modernes, comme l’a bien compris Descartes (la fameuse mathesis universalis). Giordano Bruno : il opère une critique du platonisme et de l’aristotélisme, fondée sur le développement des thèses de Copernic. Rejetant ce qui pouvait y avoir d’archaïque chez ce dernier, il déduit toutes les conséquences de ses découvertes et les enrichit des aspects positifs de la philosophie humaniste. Pour lui la terre n’est pas le centre du monde. De plus, au-delà du système solaire il existe d’autres astres et d’autres systèmes planétaires qui constituent un monde infini. Or, deux réalités infinies (le monde et Dieu) ne pouvant logiquement coexister, il les identifie. (De la cause, du principe et de l’unité-1584 ; De l’infini, de l’univers et des mondes-1585). Kepler : les lois de Kepler sont des lois expérimentales décrivant le mouvement des planètes autour du soleil 1. chaque planète décrit dans le sens direct une ellipse dont le soleil occupe un des foyers 2. les aires décrites par le rayon vecteur allant du centre de la planète au centre du soleil sont proportionnelles aux temps employés à les décrire 3. les carrés des temps des révolutions sidérales des planètes sont proportionnelles aux cubes des grands axes de leurs orbites (Astronomia nova-1609 [lois 1 et 2] ; Harmonices mundi-1619 [3è loi] ; Tables Rudolphines-1627 [établit la position des planètes]) Galilée : affinant la méthode expérimentale (notamment grâce à l’invention de la lunette à oculaire divergeant), c’est surtout pour l’introduction des mathématiques dans la physique qu’on le retiendra (« le monde est de nature mathématique »). Encore proche de l’aristotélisme en 1590, il étudie la chute des corps dans le vide pour, en 1632, en tirer une loi marquante par son indépendance à la masse et à la densité des corps. Il étudie aussi le pendule. (De motu-1590 ; Dialogo sopra i due massimi sistemi del mondo-1632 ; Discorsi e dimostrazioni matematiche intorno a due nuove sienze-1638). Huygens : en astronomie, il invente une combinaison de lentilles et double la longueur des lunettes astronomiques (ce qui lui permet de découvrir l’anneau de saturne et son premier satellite Titan [1655], la rotation de Mars, etc.). Il est le premier à indiquer que les étoiles sont d’autres soleils. Mais c’est surtout en physique (mécanique et optique) qu’il fait ses plus importantes découvertes (théorie du pendule composé, première extension de la dynamique des systèmes matériels, utilisation du pendule comme régulateur du mouvement des horloges, conception de la force centrifuge [1673], théorème des forces vives, définition du moment d’inertie, théorie ondulatoire de la lumière). 8 (De ratiociniis in ludo aleae-1656 [1er traité complet sur le calcul des probabilités] ; Traité de la lumière-1678). Newton : en mathématique, on lui doit le calcul infinitésimale ; en mécanique, les gravitations universelles, la pesanteur terrestre et l’attraction entre les corps célestes, ainsi qu’une définition des notions de masse et de force (Principes mathématiques de philosophie naturelle-1687 [principe d’inertie, proportionnalité de la force de l’accélération, égalité de l’action et de la réaction]) ; en optique, la réalisation du premier télescope (1671) et une théorie des couleurs fondée sur l’étude de la dispersion de la lumière blanche par le prisme. d’Holbach : il critique la religion et particulièrement le christianisme (trois reproches fondamentaux : la religion est contraire à la raison ; elle empêche l’homme d’accéder au bonheur ; elle favorise la tyrannie politique). Il nie l’existence de Dieu, de l’âme et des idées innées. La matière existe de toute éternité (caractérisée par l’étendue, la divisibilité et le mouvement). D’un point de vue politique, il critique la monarchie de droit divin, les grands, le système féodal et l’inégalité social. (Histoire naturelle de la superstition-1768 ; Système de la nature-1770 ; Politique naturelle-1773 ; Système sociale-1773 ; Morale Universelle-1776). Romantisme (XIXè) Avec la découverte de l’électricité, un nouveau champ empirique apparaît dès la seconde moitié du XVIIIè siècle. Présente dans de nombreux phénomènes naturels, le caractère spectaculaire des expériences qui la concerne enrichit le domaine scientifique d’un imaginaire fascinant. Mesmer : observant le magnétisme dans la nature et se basant sur le principe selon lequel les planètes exercent une action directe sur toutes les parties des corps animés, il applique celui-ci à des fins thérapeutiques. (De l’influence des planètes sur le corps humain-1766 ; Mémoire sur la découverte du magnétisme animal-1779) Franklin : il signale l’existence d’une électricité atmosphérique dont les effets expliquent le tonnerre et les éclairs (invention du paratonnerre en 1752). Luigi Galvani : il observe (1771) que les muscles des cuisses d’une grenouille se contractent sous l’influence électrique ; davantage, il constate que la contraction se produit au contact d’un circuit métallique, sans intervention d’une source électrique => l’organisme de la grenouille est lui-même la source en question. (De viribus electricitatis in motu musculari-1791) En Allemagne, la Naturphilosophie va rapidement synthétiser cette découverte avec celle du magnétisme, comprise comme force latente de la nature. Outre l’apport de ces découvertes pour l’avancée de la science en tant que telle, certaines disciplines, directement ou indirectement liées aux phénomènes observés, vont voir ainsi le jour 9 (ex. : la psychiatrie). Elle suscitera d’emblée l’intérêt d’un jeune mouvement littéraire, le « Frühromantismus » de Iena, connu pour sa revue éphémère l’Athenäum et la revue de Schelling le Zeitschrift für spekulative Physik. Les « Romantiques d’Iéna » : composé des écrivains A.W.V. Schlegel (Histoire de la langue et de la poésie allemandes-1818-19), F. Schlegel (Histoire de la littérature ancienne et moderne-1815), des poètes Hardenberg-Novalis, Tieck, Hölderlin, et des philosophes Fichte et Schelling. Le rêve va également inspirer les Romantiques. Il leur offre la possibilité d’une dépossession, d’une migration de l’âme à l’intérieur même de l’expérience vécue (signification eschatologique) ; elle autorise un exercice d’ontologie. Rien de commun toute fois avec ce que Freud en fera. Pas question de l’expliquer par voie d’analyse. Le romantisme ne veut nullement mécaniser le rêve en le ramenant à la simple conscience (cf. H. Steffens, Karikaturen des Heiligsten-1819 ; J.W. Ritter, Fragmente aus dem Nachlass eines junge Physikers-1810). Les Romantiques vont s’intéresser en particulier aux phénomènes de semi-conscience, en développant des études liées au « sommeil magnétique », comme dans les cas d’hypnose. Annexe : PLAN DES EXPOSES ULTERIEURS 2. L’émergence des Sciences Humaines 3. Les analyses de Dilthey 4. Le logocentrisme : (Goldmann/Foucault) 5. La pensée post-métaphysique comme accomplissement du logocentrisme 6. La nominalisation de la théorie de la signification 7. La déconnexion du paradigme mentaliste en philosophie (noétisation/ Rationalités limitées) 8. La fin des Sciences Humaines 10 Chapitre 2 : L’émergence des Sciences Humaines Avec le romantisme militant et l’idéalisme allemand qui symbolisent la nouvelle puissance européenne de la Prusse du Congrès de Vienne, l’université moderne trouve ses fondateurs. On voit s’organiser dans un souci d’unité et d’encyclopédie deux grands champs disciplinaires encore arrimés aux Arts supérieurs hérités du Moyen Age. Ces champs sont l’Histoire et les Sciences de la nature. Quand, dans son Cours de Philosophie positive (1830-1842), Auguste Comte entend fonder la nouvelle science de l’humanité, il la comprend dans des termes proches de cette refondation allemande de l’université. En effet, pour lui, la sociologie sera la science synthétique de l’histoire entière de l’humanité permettant de saisir la réalisation nécessaire de ce qu’il y a de meilleur dans la nature humaine à travers l’ordre fondamental de toute société. 1. La nouvelle organisation de l’université La Naturphilosophie est dès la fin du XVIIIè siècle (Schelling : Esrter Entwurf zu einem System der Naturphilosophie, 1799) portée par le projet d’une véritable révolution intellectuelle : arracher la nature au mécanisme et … la replacer dans sa propre et libre évolution » (S.W. III, p. 13). Gusdof tentera de la décrire plus largement encore comme une sorte d’anthropo-cosmo-sophie, une conscience vive de l’unitotalité de l’auto-manifestation de la vie absolue. C’est la bannière sous laquelle se rallient tous ceux qui désirent voir l’alliance de la nature et de l’homme célébrée par une encyclopédie de l’âme universelle. La Naturphilosophie critique le découpage du domaine épistémologique en provinces exclusives les unes des autres. Un nouveau langage est à trouver dans le but d’une recherche de vérité unitive. Le statut même de la science moderne est mis en question dans sa tâche de division, de scission. C’est de cette inspiration que Schelling ressent le besoin de fonder un nouvel espace pédagogique unifié (cf. ses Leçons sur la méthode des études académiques-1802), c’est-à-dire où toutes les perspectives convergent. Schelling vise pour ce faire la constitution d’une « science originaire » (la philosophie) dont la doctrine embrasserait l’Absolu que son système universel pourrait représenter. Comme en témoigne le doctorat Honoris Causa en Médecine reçu par Schelling à l’université de Landshut en 1802, la transformation des sciences de la nature n’a pas encore entraîné une véritable réforme de 11 l’organisation sociale du savoir. Le système politique a, en effet, pris soin de séparer les Académies savantes des structures d’enseignement (secondaire et supérieure, telles le gymnase et l’université). C’est dans cet esprit de séparation qu’il faut interpréter le célèbre texte de Kant sur les Lumières. Le débat intellectuel doit être réservé aux cercles savants. S’il faut envisager une division du savoir, c’est exclusivement sur la base des finalités et des aptitudes : donner la formation pratique utile aux différentes professions à caractère technique (économie et finances, commerce, armée, eaux et forêts, agriculture, ponts et chaussées, arts) et construire les fondations d’études supérieures plus poussées nécessitant une ouverture à la culture générale pour les professions savantes : théologie, droit, médecine et enseignement. Ces fondations doivent résider dans l’apprentissage des langues et des civilisations anciennes. En avance sur son époque, la Bavière fonde dès 1807 des lycées pratiques et des lycées humanistes (Gymnasium) à Augsburg, puis à Nuremberg. Hegel écrivit un rapport officiel sur ces structures d’enseignement dès 1810. Il faut attendre cette même année 1810 pour voir se concrétiser un projet d’enseignement universitaire qui va dans le sens de l’espace unifié conçu par Schelling, toujours néanmoins sur le modèle des Facultés supérieures. C’est, en effet, dans cette mouvance qu’est créée en 1810 l’université de Berlin qui devient un carrefour épistémologique, foyer des convergences interdisciplinaires où le chercheur se découvre sujet et objet de sa recherche. Le savoir romantique est une philosophie de la vie : la biologie, l’organicisme romantique s’appliquent aussi bien à la culture qu’à la nature, avec cette différence que la conscience, constitutive de l’ordre humain, ouvre au champ épistémologique de nouvelles dimensions. L’être humain possède la faculté de faire retour sur lui-même et d’infléchir le sens de la marche. La mutation romantique des sciences se définit par ce redoublement du savoir qui fait retour à l’envoyeur. C’est dans cette perspective réflexive que les sciences humaines pourront devenir concrètes ; elles ne sont pas simple dévoilement d’une humanité, elles contribuent à un accomplissement, elles s’inscrivent dans une destination de la science, dans une fonction sociale du savant (Fichte). Dilthey est le dernier représentant de cette herméneutique romantique. Il veut parvenir à une compréhension concrète de la vie en l’interprétant comme un texte dont on tente de dégager les significations [avec toujours la différence romantique qui veut que, dans le cas de la vie, texte et lecteur coïncident]). (cf. Dilthey [Einleitung in die Geisteswissenschaften-1883 ; Der Aufbau der geschichtlichen Welt in den Geisteswissenschaft-1910). 12 Le Plan déductif de Fichte pour un établissement d’enseignement supérieur à Berlin (Texte de 1807) « L’exigence fondamentale d’un tel plan est la complémentarité et la totalité organique de l’encyclopédie » (FW VIII 133). L’université est une « école de l’usage scientifique de l’entendement » (FW VIII 130) PHILOSOPHIE + techniques de la compréhension et du raisonnement [Philologie] [Mathématique] HISTOIRE de la formation et du développement des concepts Fugitifs durables Évolution selon les époques Droit connaissances stables (Sciences de la nature) Histoire générale (dont histoire des religions) Anatomie application botanique médicale etc. (institut autonome) (concept thérapeutique positif de nature) Il faut un enseignement autonome approfondi des sciences de la nature. L’équipe enseignante sera donc composée d’un encyclopédiste de la philosophie, d’un encyclopédiste de l’Histoire générale et d’un encyclopédiste des sciences de la nature. On leur adjoindra un encyclopédiste du droit Des comités seraient à nommer pour gérer les compléments en philologie et en mathématique, pour déterminer le choix des matières juridiques et celui de l’enseignant, pour instituer un enseignement autonome de la médecine capable de continuer à informer l’université de ses observations. Eventuellement, la théologie dans sa forme catéchétique pourrait être aussi confiée à un institut autonome ayant pour mission de former en cette matière les instituteurs (FW VIII 140). Ce serait la tache d’un quatrième comité indépendant constitué de théologiens et de pasteurs qualifiés. 13 Plan de Schelling proposé dans ses Leçons sur les études académiques en 1802 (Iéna) Principe : l’université est fondée sur la connexion de toutes les sciences entre elles et elle en est l’organisation extérieure (SW V, p. 74) Base : Philosophie comme science de l’identité absolue du général et du particulier (SW V 255) = caractère unique du Collegium Artium dont les maîtres ne sont pas des doctores qui ont prêtés serment à l’Etat en échange de privilèges PHILOSOPHIE HISTOIRE Côté idéel (devenir spirituel du sujet fini) SCIENCES DE LA NATURE Côté réel (devenir matériel du savoir infini) production des lois INSTITUTION JURIDIQUE production de l’expérimentation INSTITUTION MEDICALE Construction historique du christianisme Signification spéculative du christianisme (religion de la nature) Il faut une science générale des corps dans leur construction historique (procès dynamique universel) et une science générale de la nature organique ou du vivant 1/ magnétisme, électricité, chimie 2/ reproduction, action autonome, auto-intuition (l’être organique contient la possibilité infinie de soi-même comme individu ou comme espèce) SW V 339 Nécessité d’une théorie des Beaux-Arts 14 2. La dissociation des sciences en sciences de la nature et en sciences de l’homme ou de la culture C’est Dilthey qui permet de penser la nécessaire dissociation des sciences humaines et des sciences de la culture. Son raisonnement s’appuye d’abord sur un constat qui adopte la perspective historique générale de la réforme moderne de l’organisation du savoir : si l’histoire des sciences de la nature s’est déjà clairement établie en 1875, on ne peut en dire autant de l’histoire des sciences humaines. Cet état de chose tient à deux raisons : l’une est externe et l’autre est interne. La raison externe réside dans la subordination de l’étude des phénomènes spirituels à la connaissance de la nature. La raison interne est la difficulté épistémologique spécifique à l’étude de l’histoire des mouvements spirituels : l’individu est l’élément microscopique d’une totalité qui le dépasse infiniment, mais dans laquelle, en même temps, il est capable d’agir avec conscience en reproduisant, de manière limitée, par sa perception interne, les états et processus qui composent les divers aspects de la vie sociale. « L’individu est simultanément un élément au sein des interactions sociales, un point de croisement pour les divers systèmes de ces interactions, réagissant, par l’orientation consciente qu’il donne à sa volonté et par son action, aux influences de ces systèmes – et d’autre part une intelligence capable d’intuitionner et d’explorer » (p. 63/77). Chaque science humaine se forme progressivement à travers l’apparition d’abord d’entendements logiquement formés qui tentent d’améliorer le système de la vie sociale. Puis apparaissent des réflexions théoriques autonomes (par rapport aux fins pratiques) menée dans un esprit d’analyse. Cette analyse générale doit s’établir sur un mode historiographique et rassembler toutes les classes de faits susceptibles d’être rapportées au dénominateur commun de la langue et de la pratique, les faits psychophysiques. Mais cette analyse n’a de sens que située historiquement, comme une tache devenue nécessaire dans le cours même du développement de la société humaine, puisque les sciences humaines n’ont de sens qu’en rapport avec ce fait vivant de l’existence sociale à travers la description qu’elles en donnent. « C’est ainsi que le grand procès de différenciation de la société qui a donné à cette dernière une structure formidablement complexe portait en lui-même les conditions et en même temps les besoins en fonction desquels un domaine de la vie sociale, devenu relativement autonome, pouvait se refléter dans une théorie » (39/196). 15 2.1. La dissociation version Dilthey En distinguant sciences de l’esprit « Geisteswissenschaften » (sciences sociales) et sciences de la nature « Naturwissenschaft », Dilthey s’attaque au dualisme kantien de l’existence et de la valeur qui ne voit pas que les valeurs sont immanentes à l’existence et interagissent, et donc ne peut aborder les sciences de l’esprit autrement que comme des constructions phénoménales. Dilthey se propose alors de fonder les différentes sciences de l’esprit. Ce fondement, c’est la psychologie. Mais la psychologie n’est pas une sorte de science première (il la limite d’ailleurs à la description et à l’analyse des liens présents dans la conscience). Elle est ce qui rend possible l’universalisation du point de départ de la réflexion de chacune des différentes sciences. Le rapport entre les sciences de l’esprit est un rapport de soutien. Chacune d’elles n’épuise pas le traitement de l’être humain. Elles ont chacune une fonction pour l’individu. Elles sont mutuellement leur condition d’existence. Il faut distinguer parmi ces différents systèmes fonctionnels partiels des structures : ° celles qui relèvent des « systèmes culturels » : représentent l’ensemble des fins auquel les individus participent librement ° celles qui concourent à « l’organisation de la société » : désignent les organes institutionnels et les sanctions positives reliant les individus aux groupes. Les sciences de l’esprit doivent considérer ces 2 structures. Cela signifie, p.e. pour l’étude du droit, qu’il faut tenir compte aussi bien du droit naturel qui obéit à une loi supérieure que du droit positif. (Rmq. : les sciences de l’esprit étant elles aussi une abstraction, elles doivent reconnaître la place légitime de l’art et de la poésie, qui expriment tout notre rapport à la nature macrocosmique) Cf. Introduction aux sciences de l’esprit-1883 2.2. L’autonomisation dans le fractionnement disciplinaire Pour avoir une vue d’ensemble de l’institutionnalisation progressive des différentes sciences humaines, il faut procéder par secteur, car chaque discipline a du conquérir son territoire académique. Comme l’ont attesté les plans d’enseignement de Schelling et de Fichte, c’est l’histoire qui a servi de moteur à l’émancipation des sciences humaines. Mais comme l’a souligné Dilthey, cette émancipation n’a pas été immédiatement suivie d’effet par manque de structuration méthodologique du nouveau champ encore trop épars. Histoire Avant la révolution, l’histoire n’avait pas sa place dans l’enseignement. Elle n’était qu’une histoire événementielle, chronologie ou généalogie. Il va s’agir avec le XIXè siècle d’en faire au contraire une science au même titre que les autres, formant le jugement et l’empêchant de se laisser aller au gré des événements (cf. Destutt de Tracy). Cf. Volney Leçons d’histoire (1794), en guise d’inauguration de la chaire d’histoire de l’Ecole Normale Daunou Cours d’études historiques (1842-48) Michelet Introduction à l’histoire universelle (1831) ; Histoire de la Révolution française (1847) ; Histoire du XIXè siècle (1872-75) 16 Eu égard au rôle joué par l’autonomisation de l’histoire comme discipline inaugurale du champ des sciences humaines, la situation de l’anthropologie est caractéristique. Elle reste complètement indexée à ses origines à la méthodologie des sciences de la nature. Anthropologie/Ethnographie L’origine de ces disciplines remonte en 1749 lorsque Gottfried Achenwall fonde, à Goettingen, le premier enseignement de statistique. En 1772, August Ludwig Schlözer évoque pour la première fois l’ethnographie (cf. Vorstellung seiner Universalgeschichte-1772). Herder (cf. Idées sur la philosophie de l’histoire de l’humanité1784-91) utilise le terme « Naturvölker » (1784), renvoyant à une idéologie opposant nature et culture, supposant les peuples « sauvages » plus proches de la nature que les peuples « civilisés ». Jauffret (cf. Introduction aux mémoires de la Société des Observateurs de l’Homme-1803) Mais c’est à Armand de Quatrefages de Bréau que l’on doit en 1855 la première chaire d’anthropologie (Musée d’histoire naturelle de l’homme à Paris). Il définit d’ailleurs cette discipline comme l’histoire naturelles de l’homme. Broca fonde à sa suite la Société, la Revue et l’Ecole d’anthropologie (1859). L’anthropologie regroupe alors la biologie, la médecine, mais aussi la démographie, les mœurs, les langues, les religions, etc. On observe le même phénomène de dépendance dans la sociologie naissante à l’égard de la méthodologie des sciences de la nature. La sociologie commence à prendre consistance au XVIIIè siècle dans le cadre d’examens à prétention scientifique sur les faits sociaux. On ne parlait guère à cette époque de faits sociaux, mais de faits politiques. Durkheim traduit d’ailleurs encore parfois dans certains de ses textes le mot « sociologie » par l’expression « scientia politica ». Sociologie La démarche sociologique qui naît au XVIIIè siècle, mais qui ne trouvera sa formulation la plus nette qu’un siècle plus tard, cherche à expliquer scientifiquement les processus sociaux en se détachant progressivement d’un certain fatalisme, qui décrète l’accomplissement inéluctable d’une destinée. Une telle quête n’exclut pas pour autant la découverte de lois analogues à celles qui régissent l’ordre de la nature biologique, chimique ou physique. Adolphe Quételet (cf. Essai de physique sociale-1835), en utilisant les statistiques, essaie de dégager les régularités en matière de faits criminels. Frédéric Le Play (cf. L’ouvrier européen-1855) mène des investigations dans toute l’Europe pour étudier les familles populaires. Alors que ses prédécesseurs se limitaient à préconiser la quantification des phénomènes, il accompagne ses observations d’une réflexion méthodologique. Saint-Simon propose ensuite d’appeler « physiologie sociale » la nouvelle discipline qui a pour objet d’étudier la société à partir de l’observation des faits pour en tirer des lois. C’est à Herbert Spencer (cf. Introduction à la science sociale-1873 ; Principes de sociologie-1876-96) que l’on doit d’avoir écrit le premier grand traité général de sociologie. Il y développe une idée maîtresse : celle d’une évolution sociale identique à l’évolution biologique qui va du simple au complexe, de l’homogène 17 au différencié Psychologie Dans ce contexte, c’est la psychologie qui est la première à obtenir son indépendance. Wilhem Wundt est le premier a avoir fait exister la psychologie en tant que discipline autonome par la création en 1879 de son laboratoire de psychologie (« Institut de psychologie expérimentale »), où il reçoit de nombreux étudiants du monde entier (cf. Eléments de psychologie physiologique – 1873-74). Mais Wundt était d’abord un philosophe. Il occupera la chaire de philosophie à Leipzig de 1875 à 1917. Ce qu’il désirait par dessus tout, c’était d’ailleurs fonder un Système de philosophie (1889). Néanmoins, il tenait à déterminer pour la psychologie une place distincte à l’intérieur de son système des sciences. Il voulait donc, dans un même mouvement, autonomiser la psychologie de la philosophie, tout en lui refusant de rompre tous ses liens avec cette dernière. Son laboratoire est d’abord une très petite unité qui devra attendre 1885 pour être reconnue par l’université, et 1897 pour occuper tout un bâtiment. Sa spécificité est que pour la première fois les recherches ne sont pas menées par des chercheurs de façon isolée, mais collectivement (avec la participation des étudiants). Sociologie En sociologie, l’impulsion décisive sera donnée, à l’approche du XXè siècle, par Emile Durkheim et Max Weber. Avec des méthodes théoriques dissemblables, tous deux légitiment une démarche scientifique selon laquelle les phénomènes sociaux doivent être appréhendés de manière objective et spécifique. Pour Emile Durkheim, la sociologie doit être considérée comme une science à part entière dotée de son propre objet d’étude : ce sera le fait social, défini comme une manière d’agir, de penser ou de sentir, extérieure à l’individu et qui s’impose à lui. En outre, la sociologie doit rompre avec les catégories de la pensée habituelles et spontanées qu’il appelle les prénotions. Le sociologue doit s’interdire de reprendre ces interprétations à son compte : sa méthode d’analyse doit consister à « traiter les faits sociaux comme des choses », c’est-àdire à les étudier comme des phénomènes extérieurs à l’individu (cf. Le suicide-1897). Durkheim ambitionne aussi de dégager des lois générales de développement des sociétés (cf. De la division du travail social-1893). En adoptant une perspective évolutionniste, il aboutit à la conclusion que la société passe d’un état de solidarité « mécanique », à forte conscience collective, à un état de solidarité « organique », où la cohésion sociale repose sur le progrès de la division du travail, sur la spécialisation de plus en plus forte des fonctions et sur la complémentarité des rôles qui caractérisent la société moderne. Max Weber, quant à lui, privilégie la compréhension des actions et motivations individuelles, celles qui sont connues des individus eux-mêmes et celles qui sont révélées par le sociologue. Les individus sont considérés comme des êtres rationnels qui défendent leurs intérêts (cf. L’Ethique protestante et l’esprit du capitalisme-1904). L’individu est l’unité de base qui participe à la vie sociale en alignant ses comportements sur celui des autres. Pour Weber, la sociologie doit donc considérer la société comme la conjugaison des actions 18 individuelles et doit inclure la part de subjectivité des acteurs dans l’analyse des phénomènes. C’est une sociologie compréhensive dans la mesure où cette science doit découvrir les valeurs que les individus investissent dans leurs actions. Economie Le développement de la science économique est plus complexe. Le XIXè siècle est évidemment marqué par les théories libérales en économie. Mais ce libéralisme reste encore très interne aux différentes Nations. Dans ce domaine, trois grandes tendances vont se manifester dès le XVIIIè siècle : ▪ le libéralisme (Smith, Ricardo) trouvant son origine dans l’école physiocratique, Adam Smith : l’intérêt personnel est à l’origine de toute activité économique, et l’intérêt général n’est à considérer que comme la somme des intérêts personnels (cf. Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations-1776). Ricardo : il travail surtout sur la répartition des richesses, mais sans renier les enseignements d’Adam Smith (cf. Des principes de l’économie politique et de l’impôt-1817). ▪ l’interventionnisme (Sismondi) inspiré par le mercantilisme, Sismondi : il fait intervenir la notion de bonheur en économie (cf. Nouveaux principes d’économie politique-1837). ▪ et le socialisme (Marx, Engels) puisant aux sources des moralistes du XVIè et XVIIè siècle. Marx (Le Capital-1867 ; Manifeste du parti communiste-1848 [coécrit avec Engels]) La physiocratie ou « gouvernement de la nature » se pose essentiellement en opposition au mercantilisme. Reposant sur les prémisses philosophiques empruntées partiellement au sensualisme anglais, les physiocrates français se sont rassemblés autour de la figure de Quesnay. Toutefois, à l’orthodoxie physiocratique défendue entre autre par Dupont de Nemours (cf. Physiocratie-1767 ; Origine et progrès d’une science nouvelle-1768 ; Table raisonnée des principes de l’économie politique-1773) s’est opposée une pensée hérétique représentée par Gournay et surtout Turgot ( cf. Réflexions sur la formation et la distribution des richesses-1776) dont les thèses nuancées font la transition entre la physiocratie et l’école classique anglaise (Adam Smith). Pour les Physiocrates, l’ordre en économie est uniquement un ordre de la quantité. La richesse est matière. Ils ne reconnaissent pas en elle une résultante de la qualité sociale qu’est l’utilité. La primauté, avec eux, est donnée à l’agriculture d’après leur tendance à sacraliser la terre, faisant par là de la propriété foncière une institution d’origine divine (la propriété est un droit naturel !). Ce qui d’ailleurs explique leur attache au régime monarchique héréditaire, au despotisme éclairé. Cf. Quesnay et son Tableau économique (1758) : première tentative réalisée pour donner une représentation chiffrée des ajustements globaux de quantités économiques => précurseur de la représentation de l’activité économique en termes de flux (liée dans la recherche actuelle à l’analyse macro-économique). 19 Au niveau des relations internationales, c’est le mercantilisme surtout qui s’impose. Il recommande l’autarcie et l’exportation, et n’admet l’importation qu’en cas de nécessité (c’est-à-dire pour les besoins de l’exportation ou du développement de l’industrie intérieure). Il part du principe que le commerce se fait toujours au détriment de l’un des échangeurs et que la saine politique de l’Etat consiste à l’accumulation de numéraire. C’est le capitalisme industriel anglais, en avance sur les autres, qui obtient le premier la levée des barrières douanières par l’abolition des lois sur les céréales (1846) et de l’Acte de navigation (1850). L’abandon du protectionnisme se marque en France par la signature (1860) du traité de commerce franco-britannique. Mais les lois de Méline de 1881 (sur les produits de l’agriculture) et de 1892 (sur le double tarif douanier) réinstaurent des droits protecteurs. Le marxisme est la première orientation en économie à tenter de fournir une explication théorique de l’évolution du capitalisme comme système d’organisation des rapports de production dans la société. Ses analyses vont cependant au-delà d’une mise en évidence des contradictions internes à la logique d’accumulation capitaliste de la richesse. A partir ce qu’il nomme une « intelligence théorique de l’histoire » (1845), il dévoile aussi ce qui constitue, selon lui, le mécanisme explicatif du fonctionnement social, à savoir l’existence de classes sociales et leur lutte pour l’appropriation des richesses. Entre Histoire et Sociologie En France, à la fin du XIXè et au début du XXè siècle, le débat entre l’histoire et la sociologie a pris une tournure plus dramatique et durable qu’en Allemagne ou en Italie, en raison sans doute de la personnalité des acteurs et de la position institutionnelle des disciplines. Les historiens de l’école méthodique occupent dans la France de la Troisième République une position privilégiée : ils accaparent les chaires les plus prestigieuses, exercent une influence dans les commissions ministérielles, dans les maisons d’édition, font l’apologie du régime républicain. Ils sont d’autant plus dans cette position dominante que, tout au long du XIXè siècle, l’Etat a favorisé l’histoire par la fondation d’institutions (le Comité des Travaux historiques en 1834, la Commission des monuments historiques en 1837, l’Ecole française d’Athènes en 1846, l’Ecole française de Rome en 1873, etc.), par la création de postes d’historiens fonctionnaires, par des aides financières à la publication. Les historiens de l’école méthodique utilisent pleinement l’Etat providence qui se fait lui-même historien. Face à la position institutionnelle et intellectuelle de l’histoire, la sociologie naissante doit s’affirmer. Emile Durkheim, nommé à la faculté des Lettres de Bordeaux, en 1887, réussit à imposer progressivement la sociologie au sein de l’université, au prix d’affrontements avec ses rivaux des autres sciences sociales. En effet, le débat entre les durkheimiens et les historiens de l’école méthodique prend un caractère stratégique puisque chaque camp revendiquait une position hégémonique dans le champ des sciences sociales, la controverse ne se réduisant pas à une simple question de frontières mais plutôt au droit à l’existence des deux disciplines au sein de l’université. Au plan institutionnel, le débat annonce la période de crise de l’historiographie française de l’entre-deux-guerre et la volonté politique de rééquilibrage des sciences de l’homme et 20 de la société dans des structures nouvelles de recherche extra-universitaire. C’est ainsi que l’histoire et les autres sciences sociales seront accueillies dans la IVè section de la Caisse des Recherches scientifiques créée en 1921 et qui, en fusionnant en 1935 avec la Caisse Nationale des Sciences, donnera naissance, en 1938, à la Caisse nationale de la recherche scientifique, ancêtre du CNRS. Si cet aspect stratégique est patent, c’est au plan méthodique que la controverse mobilisa les énergies des protagonistes au point de devenir un affrontement de deux disciplines. Aux historiens méthodistes qui se fixent comme objectif de faire une histoire scientifique par l’établissement de « faits isolés et épars », révélés par des traces indirectes, les durkheimiens opposent la nécessité de la régularité pour étudier les phénomènes sociaux : « si les sciences s’intéressent au particulier, c’est pour s’élever au général, pour constituer des types et des lois ». Le débat qui s’instaure sur la nature scientifique des disciplines dérive rapidement sur la méthode et la définition de l’explication en histoire. Les durkheimiens critiquent la conception historienne en arguant de l’impossibilité d’établir des causes à des phénomènes uniques et contingents. Les historiens en retour reprochent aux sociologues de manier des abstractions et d’isoler de leur contexte historique les phénomènes qu’ils se proposent d’étudier. Anthropologie/Ethnologie Si la description ethnographique caractérise la première étape de la recherche, l’ethnologie pour certains, l’anthropologie pour d’autres, sera celle de l’explication des coutumes, des institutions, celle de la synthèse, souvent par méthode comparative. C’est à ce niveau de la démarche qu’apparaissent les techniques ou les approches différentes des chercheurs. Chaque type d’explication ressortit à une école de pensée propre (souvent relative au pays d’origine du chercheur), tout comme la différence, s’il en existe une, entre ethnologie et anthropologie. Toutefois, en France tout comme dans les pays anglo-saxons, c’est le terme « anthropologie » qui tend à prendre le dessus. Pourtant l’école française a longtemps maintenu l’usage du mot ethnologie pour des raisons institutionnelles et académiques. L’enseignement de la discipline se développe à partir de 1927 au sein de l’Institut d’ethnologie du musée de l’Homme à Paris, enseignement qui comprend à la fois de l’anthropologie physique, de la technologie, de la préhistoire, de la linguistique et de l’ethnologie proprement dite. De plus, l’Institut dépend administrativement du Muséum d’histoire naturelle, résultat institutionnel qui considère l’anthropologie comme une branche de l’histoire naturelle. Mais cette tendance s’estompe sous l’effet de multiples facteurs : mise en cause de l’existence de la réalité scientifique de la race, image de plus en plus péjorative de l’ethnologie dénoncée comme science du primitif ayant justifié la colonisation, influence progressive de la terminologie anglo-saxonne (ethnology se rapporte en anglais davantage à une étude de type strictement historique, tandis que anthropology définit une science globale cherchant à reconstituer le fonctionnement d’une société dans son ensemble), etc. [rmq : une différence est toutefois envisagée entre les deux, l’ethnologie s’occupant de l’homme dans ses institutions, organisations, croyances techniques, etc., l’anthropologie étudiant l’homme en un sens (celui de LévyStrauss) plus large]. 21 Il ne faut pas non plus perdre de vue que l’institutionnalisation de l’anthropologie fut compliquée par les nombreuses ramifications qu’elle a toujours eues avec les autre sciences sociales dont elle s’est nourrie et qu’elle enrichit. Orientalisme Au Moyen-Age, les 2 seules langues orientales connues sont l’arabe et l’hébreu. En 1622 (Rome) : fondation du Collège pour la propagation de la foi. Les missionnaires commencent alors à fournir aux études orientales des documents précieux. XVIIè : les jésuites révèlent au monde occidental les langues et la civilisation de la Chine et du Japon. Colbert ouvre l’Ecole de Jeunes de langues, destinée à former des interprètes pour le Levant. On commence à étudier le persan et le turc, et les contes orientaux sont en vogue (cf. traduction des Mille et une nuits par Galland, les Lettres persanes, etc.). Enfin, la conquête de l’Inde amène la découverte du sanskrit. XVIIIè : Anquettil-Duperron découvre l’Avesta et ses traductions en pahlavi. Puis avec l’expédition de Bonaparte en Egypte (1798-1799), multiplication des connaissances sur l’Orient et enrichissement des collections des musées. En France, création des revues Journal asiatique et Syria. Et la Bibliotheca orientalis (Leyde) donne des comptes rendus d’ouvrages marquants qui paraissent dans le domaine de l’orientalisme. L’institut national des langues et civilisations orientales est fondé à Paris (enseignement des principales langues orientales et slaves). Et la recherche orientaliste est enseignée à l’Ecole pratique des hautes études et au Collège de France. 22 Archéologie C’est d’abord au XVIIIè siècle que l’archéologie trouve un regain d’intérêt sous l’impulsion des Encyclopédistes (influençant beaucoup l’art et la littérature de l’époque). Les voyages se multiplient faisant croître le nombre de publications en la matière. Mais les domaines de prédilection, sauf à de rares exceptions, restent encore les mondes grec et romain. Avec le XIXè siècle, on voit apparaître une nouvelle forme d’archéologie : professionnelle et allant en se spécialisant de plus en plus. La recherche en archéologie s’éclate en des domaines spécialisés qui se développent parallèlement (voire même indépendamment). Elle s’institutionnalise aussi comme jamais auparavant (création d’école, d’institut, de chaires universitaires, etc.). Ex. : L’Egyptologie (cf. expédition Bonaparte et sa Description de l’Egypte [1809] ; Champollion qui en 1822 déchiffre la pierre de Rosette), l’Assyriologie, l’Archéologie orientale, sud-américaine, etc., mais aussi la Préhistoire inaugurée en 1847 par Boucher de Perthes (Antiquités celtiques et antédiluviennes) Toutefois, si les diverses orientations de l’archéologie se construisent au XIXè comme distinctes les unes des autres, elles fait constamment usage des acquis des autres sciences (géologie, paléontologie, biologie, botanique, etc.). Davantage, elles viennent à s’en nourrir tout en les complétant (ex. : leur interaction avec la philologie qui lui fournit des explications textuelles tout en recevant d’elles certaines confirmations matérielles). 23