Rapport – surpopulation carcérale

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Rapport – surpopulation carcérale
LA SURPOPULATION DANS LE MILIEU
CARCÉRAL FÉMININ AU CANADA
Par Frédéric Mercier,
Étudiante au baccalauréat en criminologie à l’Université de Montréal
Sous la direction de Jo-Anne M. Wemmers, PhD
Professeur titulaire à l’École de criminologie de l’Université de Montréal
Montréal
Février 2014
Table des matières
Introduction ......................................................................................................................... 3
Revue de la littérature ......................................................................................................... 4
1.
La surpopulation carcérale : conceptualisation ........................................................ 4
2.
La surpopulation carcérale : mécanismes et conséquences ..................................... 5
3.
La nécessité d’études portant sur les femmes dans le contexte canadien ................ 8
Problématique ................................................................................................................... 11
Méthodologie .................................................................................................................... 12
1.
Échantillon ............................................................................................................. 13
2.
Instrument de mesure et cueillette des données ..................................................... 15
3.
Mesures .................................................................................................................. 17
4.
Analyse .................................................................................................................. 20
Résultats ............................................................................................................................ 21
1.
2.
Analyse quantitative .............................................................................................. 21
1.1
Coup d’œil sur l’état de la surpopulation au plan national ......................... 20
1.2
Spécificité des différents pénitenciers pour femmes en termes de
surpopulation............................................................................................. 233
1.3
Impacts de la surpopulation ........................................................................ 26
Analyse qualitative................................................................................................. 30
2.1
Évolution de l’incarcération des femmes au Canada depuis le rapport
Création de choix ........................................................................................ 29
2.2
La surpopulation dans le milieu carcéral féminin : Un phénomène inégal à
travers le Canada ....................................................................................... 335
2.3
Effets néfastes de la surpopulation pour les femmes et l’établissement
correctionnel ............................................................................................... 39
Discussion ......................................................................................................................... 48
1.
Résumé des résultats .............................................................................................. 48
2.
Signification des résultats ...................................................................................... 50
3.
Implications pratiques ou cliniques ....................................................................... 53
4.
Limites ................................................................................................................... 54
Conclusion ........................................................................................................................ 55
Bibliographie..................................................................................................................... 57
1
ANNEXE I ........................................................................................................................ 62
ANNEXE II ...................................................................................................................... 63
ANNEXE III ..................................................................................................................... 65
ANNEXE IV ..................................................................................................................... 69
ANNEXE V ...................................................................................................................... 71
2
Introduction
Selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (2009), l’ONUDC, à
l’échelle mondiale il y aurait plus d’un demi-million de femmes adultes qui seraient
incarcérées. Selon le pays, cela représenterait entre 2 et 9 % de la population carcérale.
Malgré cette faible proportion, le nombre de détenues de sexe féminin est en hausse. Au
Canada par exemple, le pourcentage de femmes admis dans les établissements de
détention provinciaux, territoriaux et fédéraux a augmenté de 2 % entre 1999-2000 et
2008-2009 passant de 10 à 12 % (Hotton Mahony, 2012). Pour certains pays, le taux
d’accroissement de la population féminine est même supérieur à celui des hommes
(Bastick, 2005) comme en Angleterre et au Pays de Galles où, sur une période de dix ans,
le taux d’augmentation pour les femmes a été de 200 % contre 50 % pour les hommes
(Prison reform trust, 2006). Cet accroissement serait dû notamment à la tendance à la
hausse des différents états à opter pour l’incarcération (ONUDC, 2009) et cela tout
particulièrement dans le cas d’offenses liées à la drogue (Penal Reform International,
2008, Byrne & Howells, 2002).
Cette augmentation de la population carcérale est particulièrement alarmante
puisqu’elle contribue à l’état de surpopulation déjà observé en incarcération et, du coup,
influence négativement les conditions de vie des détenus (Société Elizabeth Fry du
Québec, 2011b). Dans cette « ère d’incarcération de masse », l’influence de
l’emprisonnement sur les détenus a été explorée par plusieurs, car si ses effets sont
subtils, ils demeurent préoccupants puisque profondément dommageables (Haney, 2012).
Dans cette lignée, une revue de littérature par rapport aux effets d’un état de
surpopulation sera tout d’abord présentée afin d’explorer l’état actuel des connaissances
sur le sujet. Les particularités spécifiques de la population carcérale féminine seront
ensuite mises de l’avant afin de mieux comprendre l’écart existant entre les besoins et
problématiques des femmes par rapport à ceux des hommes. Suivra la présentation de la
problématique de la recherche actuelle ainsi que la méthodologie qui a été employée pour
répondre aux objectifs de cette dernière. Les résultats seront ensuite présentés en détails
3
suivis par la discussion qui viendra contextualiser ces derniers et faire ressortir l’essentiel
du discours. Ce rapport se terminera finalement par une brève conclusion.
Revue de la littérature
1. La surpopulation carcérale : conceptualisation
Bien que la surpopulation carcérale, et ses effets sur les institutions et les détenus, soit
un concept des plus étudiés dans la littérature, on retrouve un éventail important de
définitions et de conceptualisations différentes. La revue systématique sur le lien entre
surpopulation et inconduites des détenus de Steiner & Wooldredge (2009) indique que la
conceptualisation la plus répandue est la densité spatiale ou encore un certain ratio de la
capacité maximale. Toutefois, la capacité maximale peut référer à deux concepts distincts
selon l’étude, soient la capacité prévue lors de la construction de l’institution carcérale et
la capacité maximale indiquée; la première étant à privilégier puisqu’elle n’est pas sujette
aux manipulations de la part de l’administration (Wooldredge, 1996, Zimring &
Hawkins, 1991). Au-delà des définitions factuelles du concept, la population a été
considérée, de manière consensuelle parmi des administrateurs de différentes institutions,
comme problématique lorsque 80 % de la capacité maximale (indiquée) de l’institution
était atteinte (Steiner & Wooldredge, 2009). À ce point, on observe une réduction
importante de la flexibilité de l’administration concernant les décisions de classification
et des mouvements des détenus (Klofas, Stojkovic, & Kalinich, 1992).
Différemment, certains vont plutôt se concentrer sur certains signes de surpopulation
comme lorsque des unités au sein d’institutions carcérales sont détournées de leur
vocation première. La recherche de Kupers (1993) sur certains pénitenciers américains
pour hommes met d’ailleurs l’accent sur le nombre important de prisonniers logeant à
deux dans des cellules à vocation unique et sur le fait que des gymnases et des salles
communes sont transformés en dortoirs pour accommoder le nombre trop important de
détenus. Cette conceptualisation pourrait aussi permettre de contrecarrer les
manipulations administratives de la capacité maximale indiquée en dévoilant un portrait
tout à fait différent des données officielles. Bien sûr, peu importe la conceptualisation
4
choisie, la surpopulation carcérale est considérée comme potentiellement perturbatrice et
nuisible pour le bien-être des détenus.
Dans le cadre de cette recherche, à la fois la capacité maximale de l’institution au
moment de sa construction et la capacité maximale indiquée de l’institution sont utilisées
et comparées. Le seuil de 80 % d’occupation (capacité maximale indiquée) est utilisé
pour statuer sur un possible état de surpopulation (Steiner & Wooldredge, 2009). Aussi,
afin d’explorer plusieurs facettes et impacts du phénomène, la surpopulation est mesurée
à l’aide d’autres indicateurs tels l’occupation double d’une cellule à vocation simple et le
changement de vocation de différents locaux (Gymnases, salles communes, salles de
visites, etc.) (Kupers, 1993).
2. La surpopulation carcérale : mécanismes et conséquences
2.1 Les mécanismes par lesquels la surpopulation affecte les conditions de
vie des détenus
Selon plusieurs auteurs, la surpopulation carcérale affecte négativement les détenus
de sexe masculin en contribuant à l’état de privation (Deprivation) observé en
incarcération (Steiner & Wooldredge, 2009, Lahm, 2008, Huey & McNulty, 2005). Selon
cette théorie, les détenus agissent de manière agressive lorsqu’ils sont placés dans un
environnement dégradant et stigmatisant, la prison, où certains de leurs besoins ne sont
pas satisfaits. Ainsi, la surpopulation constitue un facteur critique affectant le bien-être
des détenus, et cela, en conjoncture avec les autres aspects de la théorie de la privation
dont les plus communs sont le niveau de sécurité, le ratio employés-détenus, le nombre
d’employés du service correctionnel, la population carcérale et le nombre de programmes
disponibles (Lahm, 2008). La surpopulation, plus spécifiquement, altère la perception des
détenus par rapport au milieu dans lequel ils se trouvent, en ce sens qu’elle diminue
l’impression de contrôle que ces derniers peuvent avoir par rapport à leur environnement
proximal (Ruback & Carr, 1984).
Dans un autre ordre d’idée, certains chercheurs suggèrent plutôt que la surpopulation
carcérale affecte les détenus dépendamment de leurs caractéristiques personnelles. Les
résultats d’une recherche sur le milieu carcéral masculin menée par Paulus, McCain &
5
Cox (1985) démontrent que les détenus vont réagir différemment à un milieu carcéral
surpeuplé selon le milieu dans lequel ils ont vécu antérieurement. Aussi, la réaction des
individus à l’incarcération est fonction de leur propre capacité d’adaptation (Sykes,
1958), de leurs expériences passées et de leur socialisation (Lahm, 2008) tel que soutenu
dans la théorie de l’importation (Importation). On parle ici d’importation puisque chaque
détenu arrive en incarcération avec son propre bagage et ce sont ces caractéristiques
personnelles qui vont déterminer l’expérience d’incarcération de chacun. Dans cette
même lignée, l’âge ne serait pas négligeable puisque certaines études montrent que les
détenus plus jeunes réagissent de manière plus violente à une perception de surpopulation
(Steiner & Wooldredge, 2009, Lahm, 2008).
Finalement, la théorie de Boin & Rattray (2004) ayant pour objectif d’expliquer
l’avènement d’émeutes en prison, nous offre une autre approche de la problématique de
la surpopulation. Les émeutes, selon leur recherche, sont le résultat de l’érosion du
système administratif et, conséquemment, du travail du personnel carcéral et des
mécanismes de sécurité. Dans cette perspective, la surpopulation affecte les détenus par
le biais du fonctionnement administratif déficient qu’elle engendre. Un achalandage élevé
des établissements nuit notamment à la communication entre les détenus et le personnel
de la prison et rend plus difficile l’accès à certains programmes. Dans ces circonstances,
les besoins des détenus sont difficilement comblés (Steiner & Wooldredge, 2009).
Ainsi, la surpopulation en milieu carcéral affecte à plusieurs niveaux les détenus et
c’est pourquoi une approche multidimensionnelle est nécessaire pour saisir la
problématique dans son entier. Aussi, puisque les mécanismes par lesquels la
surpopulation affecte les détenus sont nombreux, il est fort probable que dépendamment
des caractéristiques de la population et des établissements à l’étude, les impacts observés
soient d’intensité et de nature variable.
2.2 Conséquences organisationnelles, psychologiques et sociales de la
surpopulation en milieu carcérale
La surpopulation en milieu carcéral affecte les détenus et les institutions sur
plusieurs plans. Une population trop imposante dans une institution carcérale affecte,
6
d’abord, l’accessibilité aux ressources. Comme l’exprime Haney (2012) dans sa revue
systématique, un nombre de détenus supérieur à la capacité de l’établissement a pour
effet de diminuer le nombre d’activités et de services auxquels les détenus pourront
véritablement accéder. La surpopulation affecte aussi l’organisation de l’institution en
minant les soins médicaux offerts, la sécurité et l’accès aux programmes de réhabilitation
(Huey & McNulty, 2005, Bukurura, 2003). Ce serait particulièrement inquiétant en ce qui
a trait au traitement des troubles mentaux puisque la surpopulation nuit à la détection et
aux traitements de ces derniers (DiCataldo, Greer & Profit, 1995). Ainsi, il est logique de
penser que le manque d’accessibilité aux différentes ressources affecte de manière
variable les détenues dépendamment de leurs besoins spécifiques en termes de traitement.
La surpopulation, bien que très déstabilisante au niveau institutionnel, affecte
aussi la sphère psychologique des détenus. Elle aurait pour effet d’amplifier et
d’accélérer les impacts négatifs déjà associés à la prison soient principalement le stress, la
détresse psychologique et le manque de contrôle perçu sur son environnement proximal
(Haney, 2012, Steiner & Wooldredge, 2009). Aussi, plusieurs recherches démontrent
qu’il y a une association significative entre le suicide et la surpopulation carcérale
(Sharkey, 2010, Huey & McNulty, 2005). La recherche qualitative de Sharkey (2010) sur
21 détenues de sexe féminin incarcérées dans une prison anglaise a d’ailleurs montré que
quatre facteurs contribuent à l’avènement de suicides en prison : les propres
vulnérabilités des détenues, l’expérience vécue en prison, l’état de privation
(Deprivation) engendrée par l’incarcération et finalement la surpopulation carcérale.
Finalement, parmi les autres effets néfastes de la surpopulation en milieu carcérale, on
compte l’aggravation des troubles psychiatriques (Kupers, 1996), la diminution du bienêtre psychologique (Haney, 2012) et l’augmentation de la pression sanguine (Haney,
2012, Kupers, 1996). Les impacts psychologiques semblent liés fortement aux
caractéristiques personnelles des détenues en ce sens qu’ils sont davantage susceptibles
d’affecter les individus déjà vulnérables.
Un état de surpopulation affecte aussi le comportement social des détenus.
Comme l’explique Haney (2012), lorsque la population d’une prison est trop importante
cela entraîne un haut niveau d’incertitude par rapport à l’atteinte des buts ce qui
7
complexifie les relations interpersonnelles. Cela est d’autant plus problématique que les
relations en prisons sont déjà fragiles et que toute erreur sociale peut engendrer
d’importantes conséquences. Cela coïncide avec les résultats expérimentaux obtenus par
Gove, Hugues & Galle (1979) démontrant que l’expérience subjective de la surpopulation
est associée significativement aux relations interpersonnelles négatives entre les individus
partageant la même demeure. Finalement, le lien entre surpopulation carcérale et troubles
comportementaux (Misconduct) en établissement carcéral1 a été tout particulièrement
étudié depuis les années 90. La revue systématique faite par Steiner & Wooldredge
(2009) sur le sujet montre toutefois que les résultats sont très mitigés notamment dut à
plusieurs biais méthodologiques et aux caractéristiques variables des prisons étudiés
(Haney, 2012) ce qui permet difficilement de statuer sur le lien potentiel entre ces deux
concepts.
Finalement, bien que les effets néfastes de la surpopulation en milieu carcéral
soient indéniables, ces derniers semblent fortement influencés par certains aspects
spécifiques des individus et des institutions. En ce sens qu’il est fort probable que le
contexte particulier de chacune des études, soit l’institution carcérale, la population de ce
dernier ainsi que la société dans laquelle il s’insère, influence les résultats observés
(Haney, 2012). La généralisation automatique des résultats précédents à tous les milieux
carcéraux serait donc erronée puisque la prise en compte des spécificités de chacun est
primordiale.
3. La nécessité d’études portant sur les femmes dans le contexte canadien
3.1 Généralisation erronée des études faites sur les détenus masculins aux
détenues de sexe féminin
Tel que mentionné précédemment, les caractéristiques des individus incarcérés
interfèrent avec les impacts de la surpopulation carcérale. Dans ce contexte, le fait qu’à
ce jour très peu de recherches à ce sujet ait été conduites sur des détenues de sexe féminin
pose un problème de taille. En effet, la presque totalité des études citées précédemment, à
Par misconduct, on réfère à tout comportement violent en incarcération et à tout incident étant
considéré comme un « crime » en incarcération (Steiner et Wooldredge, 2009).
1
8
l’exception de celles de Sharkey (2012) et Ruback & Carr (1996), concerne des
populations masculines et un grand nombre d’entre elles ont, de plus, été faites aux ÉtatsUnis ce qui rend difficile la généralisation des résultats au contexte carcéral féminin
canadien. Comme l’explique Lahm (2008), la réalité des détenues de sexe féminin est
souvent ignorée ou encore on leur généralise les résultats observés pour les hommes.
Toutefois, la population féminine est bien différente de la population masculine ce qui
laisse croire qu’une recherche portant spécifiquement sur la première pourrait donner des
résultats tout à fait différents. D’autant plus qu’une recherche expérimentale sur
l’impression de surpopulation dans des dortoirs suggère que les femmes pourraient
ressentir plus d’inconfort que les hommes par rapport à un tel état dû au temps supérieur
passé dans leur chambre et au niveau plus élevé d’implication avec leurs colocataires
(Aiello & coll., 1981).
Les détenues de sexe féminin se différencient nettement de la population carcérale
masculine sur plusieurs plans et c’est pourquoi certains auteurs revendiquent la nécessité
de créer des programmes spécifiques aux genres (Zust, 2009). D’abord, une part non
négligeable des détenues (72 %) ont été victimes d’abus physiques, sexuels ou
psychologiques à l’âge adulte (Shaw, 1994). En comparaison avec la population carcérale
masculine, la recherche du National Center on Addiction and substance abuse at
Columbia University (CASA, 2010) montre que les femmes incarcérées sont sept fois
plus encline à avoir subis des abus sexuels avant leur incarcération et près de quatre fois
plus encline à avoir vécu des abus physiques avant leur incarcération que leurs
homologues masculins. Sur le plan de la consommation de drogue, les auteurs australiens
Byrne & Howells (2002) expliquent dans leurs recensions des écrits que le taux de
consommation de substances parmi les détenues féminines est supérieur à celui des
hommes incarcérés. Concrètement, entre 50 et 79 % des femmes incarcérées auraient un
problème de consommation abusive (Caddle & Crisp, 1996, Raeside, 1994 cités dans
Byrne & Howells, 2002, CASA, 2010) contre 64,3 % pour les hommes (CASA, 2010).
Plus encore, on note une différence marquée en ce qui a trait aux problèmes de santé
mentale à savoir qu’ils seraient plus communs chez les détenus féminins (Byrne &
Howells, 2002). Ces dernières auraient aussi plus de chance d’avoir des problèmes de
consommation de drogues ou d’alcool couplés à des problèmes de santé mentale puisque
9
40,5 % des détenues féminines seraient dans cette situation comparativement à 22,9 %
pour les hommes (CASA, 2010). Finalement, les femmes incarcérées se démarqueraient
sur le plan familial puisqu’elles seraient nombreuses à avoir des enfants et à être
monoparentales (Société Elizabeth Fry, 2001a, Zust, 2009).
3.2 Spécificité du contexte de détention pour femmes au Canada
La situation actuelle de détention des femmes au Canada ainsi que la suite
d’événements et de réflexions ayant mené à cette dernière contribue à faire du contexte
canadien une situation unique qu’on se doit de prendre en compte dans l’analyse des
conditions de détention actuelle. Les femmes canadiennes condamnées à une peine
d’incarcération, qui ont toujours constitué une faible proportion de la population carcérale
totale, ont longtemps été incarcérées au même endroit que leurs homologues masculins.
Dans cette perspective, l’ouverture d’une prison spécifique pour les femmes (Prison for
Women, P4W) en annexe à la prison de Kingston en 1934 a d’abord symbolisé une ère de
changement en ce qui a trait au traitement des femmes incarcérées (Société Elizabeth Fry
du Québec, 2011a). Toutefois, cette dernière installation a rapidement fait l’objet de
différentes enquêtes et commissions au sujet des conditions de détention inacceptables
qui y étaient observées (Société Elizabeth Fry du Québec, 2011a). Malgré bon nombre de
rapport demandant notamment la fermeture de la prison et le rapatriement des femmes
dans leur province d’origine, plusieurs années se sont écoulées avant que de réels
changements s’opèrent. En effet, ce n’est que vers la fin des années 1980 que le
gouvernement fédéral canadien crée un groupe d’étude sur les femmes purgeant une
peine fédérale. Ce dernier produira en 1990 un rapport des plus importants, La Création
de Choix, qui jette les bases de la nouvelle approche correctionnelle centrée sur l’univers
des femmes, qui est encore aujourd’hui appliquée dans les cinq établissements
correctionnels fédéraux pour femmes au Canada (Société Elizabeth Fry du Québec,
2011a).
Ainsi, la volonté d’améliorer le sort des détenues a mené à une refonte complète
de l’approche correctionnelle. Le rapport La création de choix misait sur cinq principes
directeurs afin de diminuer à long terme les inégalités dans le traitement des individus :
pouvoir contrôler sa vie, avoir des choix valables et responsables, le respect et la dignité,
10
un environnement de soutien et une responsabilité partagée (Groupe d’étude sur les
femmes purgeant une peine fédérale, 1990). Toutefois, la situation d’incarcération
actuelle, quelque 23 ans après la sortie du rapport, présente encore plusieurs problèmes
tels que le nombre élevé de suicides et de tentatives de suicide, la difficulté d’accès aux
programmes ainsi que les relations difficiles avec les enfants des détenues (Frigon, 2002).
Dans cette perspective, l’état de surpopulation maintenant observée peut nuire
considérablement à l’aboutissement complet des attentes. Toutefois, il est nécessaire de
considérer l’organisation correctionnelle actuelle afin de bien comprendre les effets de la
surpopulation. Comme exprimées plus haut, les caractéristiques de la population à l’étude
vont influencer les résultats, mais aussi les caractéristiques de l’établissement
correctionnel. La conjoncture spécifique de l’incarcération féminine au Canada contribue
à faire du présent système canadien une institution unique en ce qui a trait à son
organisation ainsi qu’à ses visées et c’est pourquoi il se doit d’être étudié spécifiquement.
Problématique
La revue de littérature précédemment exposée met en lumière le manque de
données concernant les femmes incarcérées et leur expérience particulière de la détention.
Le phénomène de la surpopulation, avec l’augmentation accrue de la population carcérale
depuis les années 90, a été beaucoup étudié dans les dernières années, si bien que ses
conséquences néfastes sur le bien-être des détenus ont été observées de manière
consensuelle par les chercheurs. Toutefois, la majorité des recherches sur le sujet ont été
menées auprès de populations carcérales masculines. De plus, les résultats spécifiques de
ces dernières sont difficilement comparables puisque leurs méthodologies diffèrent
considérablement (Steiner & Wooldredge, 2009). Malgré cela, la surpopulation nuit
profondément au fonctionnement des institutions (Haney, 2012, Huey & McNulty, 2005,
Boin & Rattray, 2004) et exacerbe les effets néfastes de l’incarcération chez les détenus
(Haney, 2012, Steiner & Wooldredge, 2009). Plus particulièrement, la surpopulation
contribue au développement d’un état de privation (Deprivation) en incarcération (Steiner
& Wooldredge, 2009, Lahm, 2008, Boin & Rattray, 2004) et déstabilise les détenus, de
pair avec leurs caractéristiques personnelles, sur les plans psychologique et social
11
(Haney, 2012, Sharkey, 2012, Steiner & Wooldredge, 2009, Kupers, 1996, Gove, Hugues
& Galle, 1979).
Il serait pertinent, de suite, d’étudier le concept avec une population de détenues
de sexe féminin puisque cette dernière se démarque sur plusieurs plans de la population
masculine et donc les résultats risquent de différer grandement. En effet, la surpopulation
pourrait les affecter considérablement sur le plan personnel dû à leur grande vulnérabilité,
provenant de leurs expériences passées et de leurs problèmes actuels (Société Elizabeth
Fry, 2011a, Zust, 2008, Byrne & Howells, 2002, Miller & Maguin, 1999). Aussi,
considérant le comportement social des femmes, la surpopulation pourrait affecter de
manière plus importante et négativement les relations interpersonnelles des détenues
(Aiello & coll., 1981). Finalement, les conditions d’incarcération particulière des femmes
au Canada représentent un contexte d’étude particulier et c’est pourquoi il est nécessaire
de s’y attarder plus particulièrement.
Dans cette lignée, la recherche actuelle aura pour but d’explorer comment un état
de surpopulation en milieu carcéral affecte les détenues de sexe féminin incarcérés dans
les établissements fédéraux canadiens. Le premier sous objectif de la recherche sera
d’examiner l’état actuel de la situation, en ce qui a trait à la population carcérale dans
plusieurs établissements de détention pour femmes au Canada. Le deuxième et dernier
sous-objectif sera ensuite d’explorer l’impact de la surpopulation sur les détenues de sexe
féminin ainsi que sur le fonctionnement de l’établissement carcéral.
Méthodologie
Afin de répondre aux objectifs de recherche précédemment mentionnés, une
méthodologie mixte a été utilisée. D’abord, une méthodologie quantitative a été
employée afin de connaître la situation réelle de la population carcérale féminine au
Canada et d’identifier quelques effets institutionnels de la surpopulation. Ce type de
méthodologie fut des plus appropriées puisqu’elle permit de chiffrer la problématique, de
déterminer sa distribution spatiale et de déterminer s’il y avait un lien entre différents
concepts (Pluye & coll., 2009). Une méthodologie qualitative a de suite été employée
pour compléter l’information obtenue à l’aide des techniques quantitatives. Cette dernière
12
a enrichi grandement la recherche en permettant plus spécifiquement d’explorer une
problématique complexe et peu documentée dans la littérature (Ambert, Adler, Adler, &
Detzer, 1995). Aussi, l’information, dans ce contexte, a été prélevée directement à la
source ce qui a permis d’éviter, dans une certaine mesure, les biais et limites liés à un
outil de cueillette. De plus, puisqu’un état de surpopulation en milieu carcéral influence
d’une manière subtile et impalpable les individus, une méthodologie qualitative était des
plus pertinentes puisqu’elle a permis d’aller chercher des données subjectives et des
perceptions (Ambert, Adler, Adler, & Detzer, 1995). Une méthodologie mixte, dans le
contexte actuel, a donc permis de combiner les forces des deux types de méthodes afin
d’obtenir un tout complet et cohérent (Pluye et coll., 2009).
1. Échantillon
Les données concernant la surpopulation carcérale ont été récoltées auprès de tous les
pénitenciers pour femmes du Canada; L’établissement Nova en Nouvelle-Écosse pour la
région de l’atlantique, Joliette au Québec, Grand Valley en Ontario, Edmonton pour les
prairies et l’établissement de la Vallée du Fraser en Colombie-Britannique pour la région
du pacifique. Ces établissements accueillent des femmes purgeant des peines égales ou
supérieures à 2 ans et comportent tous des niveaux de sécurité multiples. Des données ont
aussi été récoltées auprès de deux autres établissements d’incarcération fédéraux et d’un
établissement territorial, respectivement le Centre psychiatrique régionale (l’unité pour
femmes) en Saskatchewan, le Pavillon de ressourcement Okimaw Ohci pour femmes
autochtones en Saskatchewan et le Centre correctionnel de Whitehorse (l’unité pour
femmes). Ces établissements comportent aussi des niveaux de sécurité multiples. Les
données ont été récoltées auprès de chacun de ces établissements une fois par mois entre
juillet 2012 et octobre 2013. L’échantillon total, qui représente l’ensemble des mois
disponible (tous établissements confondus), est de 55. Le nombre de mois disponible
diffère selon l’établissement carcéral.
Dans un autre ordre d’idée, cinq femmes ayant déjà vécu l’incarcération et quatre
professionnels du milieu carcéral féminin ont été interviewés. L’échantillon a été
constitué selon le principe directeur de la diversification puisqu’en raison de contraintes
liées au temps, il semblait peu probable que la saturation des thèmes soit atteinte. Ainsi,
13
pour pallier cet état de fait, l’échantillon a été constitué afin de favoriser une grande
diversité. Afin de s’assurer que l’échantillon était le plus représentatif possible des
populations à l’étude, certains critères et stratégies d’échantillonnage ont été déterminés.
En ce qui a trait aux professionnels du milieu carcéral féminin, ils ont été sélectionnés
afin de favoriser, dans une certaine mesure, la diversité quant à leur lieu d’action et à leur
poste (voir Annexe I). Ces critères de diversification ont été retenus afin de favoriser les
points de vue variés et complémentaires. Pour ce qui est des femmes ayant vécu
l’incarcération, le seul critère de sélection comme tel a été d’avoir été incarcéré au même
endroit durant une période minimum de 3 mois. Ce critère était primordial puisqu’il
permettait d’éviter, dans une certaine mesure, que les perceptions des femmes
rencontrées ne soient trop conditionnées par la période d’adaptation qui caractérise le
début de l’emprisonnement ou encore par l’instabilité engendrée par un transfert
d’établissement. Dans un même ordre d’idée, l’échantillon a été constitué afin de
favoriser la diversité en ce qui a trait à l’âge, à la durée totale de l’incarcération, au
niveau de sécurité des participantes et au nombre de fois que ces dernières ont été
incarcérées (peines différentes) (voir Annexe I).
Pour ce qui est des femmes, d’abord, la moyenne d’âge de l’échantillon est de 45 ans (19
ans)2, quatre d’entre elles sont caucasiennes et une est afro-américaine. Aussi, deux
d’entre elles ont terminé leur secondaire 3, une possède son diplôme d’études secondaires
et deux ont fait des études universitaires. Du côté de la vie familiale, la majorité des
femmes interviewées ont des enfants (4/5). Si l’on se penche sur leur parcours en
détention, le temps d’incarcération moyen (lors de leur dernière période de privation de
liberté) est de 10,6 mois (8 mois) et elles ont en moyenne été incarcérées à 3 reprises (3
fois). Finalement, 3 des femmes interviewées ont séjourné lors de leur dernière
incarcération à l’établissement Joliette pour femmes et, parmi ces dernières, deux avaient
des cotes de sécurité minimum et une avait une cote de sécurité maximum. Les deux
autres femmes interviewées n’ont pas séjourné dans un pénitencier pour femmes, mais
ont plutôt été incarcérées dans un établissement de détention provincial, la Maison
Tanguay, où elle se trouvait dans la population régulière. Ces deux dernières femmes ont
2
Afin de simplifier la lecture, les écarts types sont présentés à la suite des moyennes, entre parenthèses.
14
été sélectionnées, bien qu’à la base la recherche se concentrait sur les pénitenciers,
puisque suite aux premiers entretiens, il s’est avéré qu’il serait avantageux d’étendre
l’échantillon aux prisons afin d’explorer plus en profondeur les effets de l’incarcération.
Pour ce qui est des professionnels du milieu carcéral féminin, deux d’entre eux,
tout d’abord, occupent un poste de direction au sein d’un organisme à but non lucratif
travaillant auprès des femmes qui, au cours de leur vie, doivent faire face à la justice
pénale. Les deux autres professionnels interviewés occupent (ou ont occupé) des postes
de pairs-aidant auprès de la clientèle carcérale féminine. En d’autres termes, ces derniers
ont reçu, il y a plusieurs années, une sentence à vie et une fois leur incarcération
terminée, ils ont décidé de travailler auprès des femmes incarcérées. La majorité des
intervenants sont des femmes (3/4), ils sont tous caucasiens et on tous fait des études
universitaires. Finalement, ils ont tous beaucoup d’expérience avec la clientèle carcérale
féminine puisqu’en moyenne, ils œuvrent auprès de cette dernière depuis 21,8 ans (5,4
ans).
2. Instrument de mesure et cueillette des données
Les données concernant l’état de la population carcérale dans les pénitenciers pour
femmes au Canada proviennent d’un questionnaire (voir Annexe II) créé et distribué par
le comité d’action sociale de l’Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry
(ACSEF). Cette dernière œuvre auprès des femmes ayant, au cours de leur vie, fait face à
la justice pénale. Le questionnaire, qui comporte un total de 10 questions, a été rempli
mensuellement, dans chacun des établissements mentionnés précédemment, par les
conseillères régionales (Regional advocates) de l’organisme. Ces dernières se rendent
dans les divers établissements et centres accueillants des femmes incarcérées et leur
offrent des services et de l’assistance, notamment en ce qui a trait à la défense de leurs
droits et intérêts. Elles ont rempli le questionnaire à l’aide de l’information fournie par le
personnel de l’établissement correctionnel ainsi que d’après leurs propres observations.
Le questionnaire contient des questions ouvertes et fermées concernant la population
carcérale, l’offre de services et la distribution des femmes dans les unités, les cellules et
les autres locaux.
15
Des entrevues semi-directives, de suite, ont été effectuées avec 5 femmes ayant déjà vécu
l’incarcération et 4 professionnels du milieu carcéral féminin, tel qu’indiqué
précédemment. Ce type d’entrevue a été sélectionné puisqu’il a permis à la fois
d’explorer une question assez vaste et de centrer, à quelques reprises, l’entrevue sur des
concepts précis. Ainsi, les entretiens semi-directifs ont permis de mettre en lien certains
thèmes préalablement établis dans une grille d’entrevue, tout en offrant une certaine
liberté à l’interviewé.
La technique du tri expertisé a été utilisée pour entrer en contact avec les participants. La
direction de la Société Élizabeth Fry du Québec, qui dirige la Maison Thérèse-Casgrain
(une maison de transition pour femmes à Montréal), a été contactée afin de se faire
recommander des femmes ayant déjà vécues l’incarcération et des intervenants se
rendant, dans le cadre de leur travail, dans les établissements d’incarcération pour
femmes au Canada. La maison Thérèse Casgrain accueille une clientèle à 70 % constituée
de femmes provenant du milieu carcéral, en lien avec différents programmes et peines
(La Société Elizabeth Fry du Québec, s.d.- b). La directrice de la Société Elizabeth Fry du
Québec ainsi que la directrice clinique de l’organisme ont été rencontrées, en personne,
afin que le contexte, les objectifs de la recherche ainsi que les critères et stratégies
d’échantillonnage leur soient présentés. Ces rencontres ont été facilitées par le fait que la
stagiaire travaillait sur sa recherche dans les bureaux de ce même organisme et qu’elle
collaborait avec des membres de la direction. Le but de cette prise de contact était de se
faire référer des individus correspondant au profil recherché et étant intéressés à
participer à l’étude et à partager leur expérience. Malgré la collaboration qui a eu lieu
entre la stagiaire et la direction de la Société Elizabeth Fry du Québec, la recherche était
tout à fait indépendante.
La première prise de contact avec les participants c’est fait par le biais des membres de la
direction de la société Elizabeth Fry du Québec. En effet, ces dernières ont approché en
personne, principalement, les femmes ayant déjà vécu l’incarcération, et par courriel les
intervenants. Lors de cette prise de contact, l’accent a été mis sur les modalités des
entrevues (durée, lieu), l’aspect indépendant de la recherche ainsi que sur le caractère
confidentiel et anonyme de toutes les informations qui seraient recueillies (voir l’Annexe
16
III pour les formulaires de consentement). La recherche a été présentée brièvement, sous
l’angle des conditions et du quotidien en incarcération, sans que la surpopulation
carcérale soit présentée de prime abord. La stagiaire est ensuite entrée en contact, en
personne avec les femmes et par courriel ou téléphone avec les intervenants, afin de
revenir sur les buts et modalités de la recherche ainsi que pour fixer un moment pour
l’entrevue, selon les disponibilités des participants (voir l’Annexe IV pour la prise de
contact détaillée).
3. Mesures
Deux pourcentages moyens d’occupation ont d’abord été calculés pour chacun des
établissements de détention présentés précédemment. Ils ont été calculés à partir des
données mensuelles concernant la population carcérale de l’établissement et comparés au
taux critique de 80 % ayant été identifié dans la revue de littérature comme étant le seuil
à partir duquel on observe des indices de surpopulation.
1. Le pourcentage moyen d’occupation en fonction de la capacité maximale
indiquée : Moyenne des ratios mensuels entre la population carcérale au moment
de la visite de la conseillère régionale et la capacité maximale indiquée de
l’établissement, à ce même moment.
2. Le pourcentage moyen d’occupation en fonction de la capacité maximale
originale : Moyenne des ratios mensuels entre la population carcérale au moment
de la visite de la conseillère régionale et la capacité maximale prévue au moment
de l’ouverture de l’établissement carcérale.
Le deuxième pourcentage moyen d’occupation (original) est aussi présenté puisqu’il
est ressorti de la revue de littérature que la capacité maximale indiquée peut être
manipulée par les administrations afin justement de masquer certains problèmes liés à la
surpopulation. Ainsi, le pourcentage moyen d’occupation (original) servira à pallier cet
état de fait et à mettre en lumière les établissements qui ont connu une augmentation
particulièrement marquée depuis leur ouverture.
Dans un autre ordre d’idée, à partir de différentes variables dichotomiques [oui (1)
– non (0)] décrivant le plus exhaustivement possible les impacts structurels de la
17
surpopulation dans les milieux carcéraux, une échelle de la surpopulation a été créée.
Cette dernière est composée de huit items différents (provenant du questionnaire) ayant
été additionnés afin d’obtenir un score sur 8. Plus le score à l’échelle est élevé, plus il y a
présence d’indices de surpopulation dans un même établissement. Le tableau suivant
présente les différentes variables comprises dans l’échelle ainsi qu’une brève description
de ces dernières.
Tableau 1 : Variables composant l’échelle de la surpopulation
Variables
Description
Unité en occupation double
Construction pour répondre à la
surpopulation
Mobilité des femmes limitée par la
Est-ce que des femmes dans la population
générale (dans les unités) sont hébergées
en occupation double (deux par chambre)
Est-ce que des femmes dans les cellules à
sécurité maximale sont hébergées en
occupation double (deux par cellule)
Est-ce que des locaux réservés aux visites
familiales privées sont utilisés pour
héberger des femmes
Est-ce que des roulottes sont utilisées pour
héberger des femmes
Est-ce que des roulottes sont utilisées pour
héberger des services (ex. le centre de
santé)
Y-a-t’ il de la construction pour répondre
au problème de surpopulation
Est-ce que la mobilité des femmes a été
surpopulation
affectée par la surpopulation
Programmation limitée par la
Est-ce que l’offre de programmes a été
surpopulation
affectée par la surpopulation
Cellules en occupation double
Hébergement dans les locaux pour les
visites familiales
Hébergement dans des roulottes
Services dans des roulottes
46 observations valides (93,9 %), 3 observations exclues (6,1 %), pour un total de 49
observations (100 %). Alpha de Cronbach = 0,8453
De suite, la variable indépendante dichotomique de la surpopulation carcérale a été
mise en relation avec les différentes variables de l’échelle de surpopulation afin
Pour calculer la cohérence interne de l’échelle de surpopulation, seules les données récoltées
dans les pénitenciers pour femmes ont été utilisées puisque ces derniers ont un fonctionnement
similaire.
3
18
d’identifier les effets de ce phénomène. La surpopulation a été mesurée à l’aide du taux
d’occupation en fonction de la capacité maximale indiquée en date de la complétion du
questionnaire. En effet, on considère qu’il y a surpopulation lorsque ce taux est égal ou
supérieur à 80 %.
En ce qui a trait aux entrevues, deux consignes de départ ont été utilisées pour diriger
de prime abord les entretiens. La consigne de départ pour les femmes ayant connu
l’emprisonnement fut la suivante :
J’aimerais que vous me parliez des conditions de vie et du quotidien lors de
votre période d’incarcération.
Cette dernière est très ouverte puisqu’elle avait pour but d’amener les femmes à parler de
leur expérience de l’emprisonnement et de leur perception de la surpopulation sans
toutefois induire nécessairement un lien entre les deux concepts. Pour ce qui est des
professionnels du milieu carcéral féminin, la consigne de départ qui a été utilisé fut la
suivante :
J’aimerais que vous me parliez des conditions de vie et du quotidien des femmes
incarcérées dans des établissements fédéraux au Canada.
Lors des entrevues, certains thèmes ont aussi été mis de l’avant afin de lier certains
concepts entre eux et de faire éclore, plus particulièrement, la question de la
surpopulation. D’abord, les thèmes du bien-être physique et du bien-être psychologique
ont été mis en relation avec l’hébergement et l’état de surpopulation perçu. De suite, le
thème de l’accessibilité aux ressources et aux programmes a été exploré afin d’identifier
l’impact de la population sur l’offre de services de l’établissement. Finalement, les
relations interpersonnelles avec les autres détenues et avec le personnel de la prison ont
aussi été explorées au cours des entrevues. Pour chacun de ces thèmes, une question
spécifique avait été prévue et identifiée dans la grille d’entrevue (voir Annexe V).
Toutefois, tout dépendant du déroulement des entretiens, ces questions ont pu ne pas être
posé ou encore être formulé différemment afin de bien s’intégrer à l’entretien.
19
De plus, certaines questions ouvertes du questionnaire et certains commentaires
indiqués par les conseillères régionales de l’ACSEF apportaient aussi des réponses
qualitatives. Ces derniers concernaient notamment la mobilité des femmes, l’accessibilité
aux ressources ainsi que la disposition des femmes dans les unités, les cellules ainsi que
les aires communes.
4. Analyse
Afin de répondre aux objectifs spécifiques établis dans la problématique
(examiner l’état actuel de la situation, en ce qui a trait à la population carcérale dans les
pénitenciers pour femmes au Canada et explorer l’impact de la surpopulation sur les
détenues de sexe féminin ainsi que sur le fonctionnement de l’établissement carcéral) des
analyses ont été faites sur les données recueillies à partir du questionnaire. Telles
qu’énoncées précédemment, des analyses descriptives ont été élaborées à partir des
pourcentages moyens d’occupation et des résultats moyens à l’échelle de surpopulation,
et ce pour chacun des établissements. La variable indépendante dichotomique de la
surpopulation carcérale a de suite été mise en relation, à l’aide de tests d’indépendance,
avec les variables contenues dans l’échelle de la surpopulation carcérale. Les résultats
obtenus à ces tests ont de suite été organisés dans un tableau de contingence. Le calcul
des tests d’indépendance s’est fait uniquement sur les données récoltées dans les
pénitenciers pour femmes puisque ces derniers ont des fonctionnements similaires. Les
autres établissements ont été exclus afin d’éliminer, dans une certaine mesure, les biais
liés aux spécificités des établissements.
Finalement, chaque entretien a été retranscrit à l’aide des enregistrements audio et une
analyse thématique a ensuite été faite sur chacun d’eux. Chaque entrevue a d’abord été
analysée individuellement (analyse verticale) afin de faire sortir les principaux thèmes.
Les thèmes sélectionnés au préalable ont été confirmés, mais les thèmes émergents ont
aussi été considérés et analysés. Une analyse transversale a de suite permis d’établir les
recoupements et les divergences entre les différents entretiens. Les entrevues faites avec
les femmes ayant vécu l’incarcération et celles faites auprès des professionnels du milieu
carcéral féminin n’ont pas été analysées séparément puisque le but était de faire ressortir
20
les grandes lignes des entrevues, d’obtenir un tout cohérent et nuancé par rapport aux
objectifs de recherche, et non de comparer les groupes à ce sujet.
Les différentes questions ouvertes du questionnaire et les commentaires indiqués par les
conseillères régionales n’ont pas été analysés comme tel, mais ils ont été utilisés pour
interpréter les résultats en ce qui a trait aux taux moyens d’occupation et au résultat
moyen à l’échelle de surpopulation.
Résultats
1. Analyse quantitative
1.1 Coup d’œil sur l’état de la surpopulation au plan national
Le tableau suivant présente, pour chacun des cinq établissements fédéraux de
détention pour femmes au Canada ainsi que pour le Centre psychiatrique régional de la
région des Prairies, deux pourcentages moyens d’occupation (le premier, en fonction de
la capacité maximale indiquée en date de la complétion du questionnaire et le second, en
fonction de la capacité maximale pour laquelle l’établissement a été construit) ainsi que
le résultat moyen à l’échelle de surpopulation. Ces trois différentes mesures, qui visent
toutes à déterminer s’il y a de la surpopulation dans le pénitencier à l’étude, sont
comparées les unes aux autres afin de se corroborer (ou de s’infirmer) et de statuer le plus
justement possible sur le phénomène à l’étude. Tous les résultats aux tableaux sont des
moyennes établies à l’aide des données mensuelles disponibles (le nombre de mois
disponible et les mois en tant que tels varient selon l’établissement).
21
Tableau 2. Résultats moyens pour les 5 établissements fédéraux de détention pour femmes
au Canada
Région du Pacifique
Établissement de la
Vallée du Fraser pour
femmes
N
Région des Prairies
Établissement
d’Edmonton pour
femmes
N
Centre psychiatrique
régional (aile pour
femmes)
N
Région de l’Ontario
Établissement pour
femmes Grand Valley
N
Région du Québec
Établissement Joliette
pour femmes
N
Région de
l’Atlantique
Établissement Nova
pour femmes
N
Pourcentage moyen
d’occupation, par
rapport à la capacité
maximale indiquée
en date de la
complétion du
questionnaire
Pourcentage moyen
d’occupation, par
rapport à la capacité
maximale pour
laquelle
l’établissement a été
construit
Résultat moyen à
l’échelle de
surpopulation
Moyenne (Écart-type)
Moyenne (Écart-type)
Moyenne (Écart-type)
79,97 (5,47)
150,62 (9,61)
1,15 (0,69)
12
13
11
92,09 (5,81)
108 (6,82)
2 (0)
5
5
5
95.83 (9,49)
-
1 (0)
4
-
4
87,09 (3,52)
223,18 (9,02)
6,88 (0,35)
11
11
8
79,40 (7,62)
86,75 (3,37)
2,13 (1,13)
8
8
8
85,71 (2,83)
300 (9,89)
0,83 (0,39)
12
12
12
Le tableau présenté plus haut montre, tout d’abord, que la capacité maximale
indiquée en date de la complétion du questionnaire par le service correctionnel pour
22
chacun des établissements présentés précédemment n’est, en moyenne, jamais atteinte.
En effet, le pourcentage moyen d’occupation oscille entre 79,40 % (7,62 %), pour
l’établissement Joliette, et 95,83 % (9,49 %) pour le centre psychiatrique régional (l’unité
pour femmes). Toutefois, quatre établissements sur 6 (le Centre psychiatrique régional,
l’établissement d’Edmonton pour femmes, l’établissement pour femmes Grand Valley et
l’établissement Nova pour femmes) présentent un taux moyen d’occupation supérieur au
seuil critique de 80 %.
De suite, pour ce qui est du taux moyen d’occupation en fonction de la capacité
maximale pour laquelle l’établissement a été construit, le constat est tout autre. En effet,
quatre des cinq pénitenciers pour femmes (La capacité maximale originale de l’unité pour
femmes du Centre psychiatrique régional étant absent, cet établissement a été exclu de ce
taux) comptent un taux moyen d’occupation supérieur à 100 %. Ce taux oscille entre
86,75 % (3,37 %), pour l’établissement Joliette, et 300 % (9,89 %), pour l’établissement
Nova pour femmes. Comparativement aux taux précédents, calculés en fonction de la
capacité maximale indiquée en date de la complétion du rapport, les taux moyens établis
à l’aide de la capacité maximale d’origine dépassent, et ce, pour chacun des
établissements, le seuil critique de 80 % d’occupation. La comparaison entre les deux
taux fait aussi ressortir le fait que l’établissement Joliette, situé dans la province de
Québec, est dans les deux cas l’établissement avec le taux d’occupation le plus bas.
Toutefois, pour ce qui est des établissements présentant les plus hauts taux d’occupation,
la situation est tout autre. En effet, l’établissement Nova pour femmes se trouve au 4e
rang pour ce qui est du taux d’occupation basé sur la capacité maximale indiquée et au 1 er
rang pour ce qui est du taux d’occupation basé sur la capacité maximale d’origine. Aussi,
l’établissement d’Edmonton pour femmes se trouve au 2e rang en ce qui a trait au
pourcentage moyen d’occupation basé sur la capacité maximale indiquée et tombe au 4e
rang pour le taux basé sur la capacité maximale d’origine.
Pour ce qui est du résultat moyen à l’échelle de surpopulation, les résultats varient
entre 0,83 (0,39), pour l’établissement Nova pour femmes, et 6,88 (0,35), pour
l’établissement pour femmes Grand Valley. Cinq des six établissements ont des scores
inférieurs à trois alors que l’établissement situé en Ontario se démarque fortement des
23
autres avec un score élevé de 6,88. Ce dernier présente, de manière similaire, des taux
d’occupation plutôt élevés. Aussi, on retrouve pour ce qui est du résultat à l’échelle de
surpopulation l’établissement Joliette au deuxième rang et l’établissement Nova pour
femmes au dernier rang, ce qui contraste beaucoup avec les résultats obtenus pour les
taux d’occupation.
Finalement, des données sur la population sont aussi disponibles pour le Centre
correctionnel de Whitehorse (l’unité pour femmes), au Yukon, ainsi que le pavillon de
ressourcement Okimaw Ohci pour femmes autochtones, en Saskatchewan. Toutefois, un
seul mois était disponible pour chacun de ces établissements, respectivement octobre
2012 et décembre 2012, rendant le calcul de moyennes impossible. En ce qui a trait à
l’établissement carcéral territorial du Yukon, seul le pourcentage d’occupation basé sur la
capacité maximale indiquée en date de la complétion du questionnaire est disponible, il
est égal à 37,50 %. C’est le pourcentage le plus bas qui ait été observé, tous
établissements confondus. Le pavillon de ressourcement pour femmes autochtones, de
suite, présente des pourcentages d’occupation, par rapport à la population maximale
indiquée et originale, respectivement de 97,50 % et 139,29 %. Son score à l’échelle de
surpopulation, pour le mois disponible, est de 0. Bien qu’il soit difficile de tirer des
conclusions de ces données, on observe que ce dernier établissement compte un
pourcentage d’occupation élevé qui pourrait potentiellement être problématique. Il serait
important de récolter plus amples informations sur ces deux institutions carcérales afin
d’éclaircir la situation.
1.2 Spécificité des différents établissements carcéraux pour femmes en
termes de surpopulation
Tout dépendant de l’établissement, des divergences sont observables entre les
trois indicateurs de la surpopulation présentés au tableau 2. Pour expliquer ces
divergences, il est nécessaire de se pencher sur chacun des établissements afin d’établir
quels items de l’échelle de la surpopulation s’applique dans chacun des cas et pour
quelles raisons. Il sera de suite possible de confirmer ou d’infirmer l’état de surpopulation
dans un établissement en fonction des pourcentages moyens d’occupation. Le tableau
24
suivant présente pour chaque établissement, son score à l’échelle, les items de l’échelle
qui s’appliquent, ainsi que l’occurrence en mois des items.
Tableau 3. Particularités de chaque établissement en ce qui a trait à la surpopulation
Résultat
Pénitenciers
moyen à
Occurrence
Items de l’échelle applicables
(en mois)
l’échelle
Région du Pacifique
-
Établissement
1,15
de la Vallée du
 Cellules en occupation double
5/13
 Construction
10/13
Fraser pour
femmes
Région des Prairies
-
Établissement
2
d’Edmonton
 Roulottes pour services
5/5
 Construction
5/5
 Construction
4/4
pour femmes
-
Centre
1
psychiatrique
régional (aile
pour femme)
Région de l’Ontario
-
Établissement
11/11
6,88
 Unités en occupation double
10/11
pour femmes
 Cellules en occupation double
1/9
Grand Valley
 Locaux pour visites familiales
9/9
 Roulottes pour l’hébergement
9/9
 Roulottes pour services
9/9
 Construction
8/9
 Mobilité des femmes limitée
8/8
 Programmation limitée
25
Région du Québec
-
 Cellules en occupation double
5/8
Joliette pour
 Roulottes pour services
2/8
femmes
 Construction
4/8
 Mobilité des femmes limitée
3/8
 Programmation limitée
3/8
 Roulottes pour services
10/12
Établissement
2,13
Région de l’Atlantique
-
Établissement
0,83
Nova pour
femmes
Tout d’abord, les résultats présentés à la section précédente montrent de manière
manifeste que la surpopulation touche tout particulièrement la région de l’Ontario. En
effet, on y observe de hauts pourcentages moyens d’occupation et le plus haut score à
l’échelle de surpopulation. D’ailleurs, la capacité maximale indiquée par l’établissement,
depuis son ouverture en 1997 (Service Correctionnel du Canada, 2012c), a plus que
doublé passant de 80 à 205 (septembre 2013). Cette augmentation impressionnante de la
capacité maximale, couplée aux multiples indicateurs de surpopulation observés, montre
que l’augmentation réelle des installations et des ressources ne coïncide pas avec la
capacité maximale que l’établissement indique à ce jour. La surpopulation, qui semble
assez constante, se manifeste de plusieurs manières et entraîne différents impacts comme
on peut le voir dans le tableau 3. Non seulement des cellules et des unités sont en
occupation double, mais le manque d’espace est tel que des roulottes doivent être
utilisées pour l’hébergement et les services. De plus, la construction qui a court sur le
terrain pour répondre au problème de surpopulation cause différents troubles notamment
la limitation des femmes dans leurs déplacements. Aussi, la programmation est perturbée
par le nombre trop important de femmes incarcérées. Il est clair, dans le cas de
l’établissement pour femmes Grand Valley, que la surpopulation, malgré les différentes
mesures mises en place dans les dernières années pour y répondre telles que la
construction de cellules et d’unités (Baxter et Kilby, 2013), est une problématique
majeure complexifiant fortement l’organisation de l’établissement.
26
Par la suite, l’établissement Joliette dans la région de Québec présente aussi quelques
points inquiétants. En effet, les résultats à l’échelle de surpopulation ainsi que les
questions à développement dans le questionnaire indiquent qu’il y aurait une
problématique spécifique de surpopulation dans le secteur du maximum. On remarque
que la double occupation dans le secteur maximum (en cellules) a été rapportée à
quelques reprises et qu’il y a de la construction en cours, qui vise justement à augmenter
la capacité de l’unité de garde en milieu fermé de 200 %, en plus d’agrandir le milieu de
vie structuré et le secteur administratif. Ainsi, le manque de cellules dans le secteur
maximum
entraînerait
ponctuellement
certains
impacts
sur
les
détenues
et
l’établissement, de pair avec la construction, telle que la limitation des mouvements des
femmes, la perturbation de l’offre de programmes et l’utilisation de roulottes pour
héberger des services (dans ce cas-ci des bureaux administratifs). La limitation de la
problématique au secteur maximum, qui touche plus ou moins 10 femmes détenues,
expliquerait pourquoi on observe beaucoup d’indices de surpopulation même si les
pourcentages moyens d’occupation sont les plus bas au niveau national.
L’établissement d’Edmonton pour femmes, de suite, compte deux éléments
problématiques, l’utilisation de roulottes pour héberger des services, qui dans ce cas-ci
sont les programmes, et la présence de construction afin d’ajouter une quarantaine de
nouvelles places à l’établissement. Considérant qu’en contradiction avec le taux moyen
d’occupation (selon la capacité maximale actuelle) qui est assez élevé, le score à l’échelle
de surpopulation est plutôt bas, il est difficile de statuer par rapport à cet établissement,
d’autant plus que le nombre de mois à l’étude est très restreint. Toutefois, puisque le taux
moyen d’occupation actuelle est le plus élevé des 5 pénitenciers et qu’il est de plus très
rapproché du pourcentage moyen original il semble probable qu’il y est eu un décalage
entre l’augmentation de la capacité d’accueil et l’augmentation de la clientèle, depuis
l’ouverture en 1995 de l’établissement (Service correctionnel du Canada, 2012b). Cela
aurait entraîné une augmentation de la demande en termes de prestation de programmes
nécessitant l’utilisation de roulottes pour les accueillir.
Finalement, l’établissement de la Vallée du Fraser pour femmes, l’établissement
Nova pour femmes et le Centre psychiatrique régional (l'unité pour femmes) présentent
27
les plus bas résultats moyens à l’échelle de surpopulation. Les résultats spécifiques pour
l’établissement de la Vallée du Fraser, couplés aux commentaires indiqués par les
conseillères régionales de l’ACSEF, montrent que la double occupation cellulaire qu’on y
observe est liée principalement à des bris matériels (toilette) et à des mesures
administratives. Considérant les faibles pourcentages d’occupation, la surpopulation ne
semble pas être un problème récurrent dans cet établissement, mais il se peut toutefois
que le secteur maximum soit couramment comble créant une certaine précarité, ce qui
expliquerait le doublement cellulaire lorsqu’un pépin survient. Dans un autre ordre
d’idée, les résultats précédents montrent qu’il y a de la construction en cour au Centre
psychiatrique régional. Cette construction peut s’expliquer par les hauts pourcentages
d’occupation qui y sont observés. Finalement, bien que l’établissement Nova pour
femmes présente peu d’indices de surpopulation, on y observe l’utilisation de roulottes
pour héberger des services, et ce, de manière récurrente. De plus il est important de
mentionner que la capacité maximale indiquée de l’établissement a plus que triplé depuis
son ouverture en 1995, passant de 24 à 84 (août 2013) ce qui explique que le pourcentage
moyen d’occupation, par rapport à la capacité maximale pour laquelle l’établissement a
été construit, est aussi élevé. Considérant l’accroissement important qu’à connut la
capacité maximale de l’établissement ainsi que le besoin constant d’utiliser des locaux
supplémentaires pour héberger certains services, il semble que l’établissement, en terme
de ressources, n’est pas cru, dans les faits, suffisamment, forçant l’utilisation de roulottes
temporaires.
1.3 Impacts de la surpopulation
Le tableau suivant présente les résultats des tests d’indépendance effectués entre
la variable de la présence de surpopulation et les différents items de l’échelle de
surpopulation. Pour chaque item, des indices de force et de signification de l’association
sont présentés.
28
Tableau 4. Effets de la surpopulation
Présence de surpopulation
(Occupation égale ou supérieure à 80 %)
Pourcentage
Phi
p
N
Manquante
22,9
0,315
0,044*
48
1
12,5
29,2
-0,098
0,520
48
1
Utilisation de
locaux réservés
aux visites
familiales pour
l’hébergement
0
2,1
0,086
1
47
2
Utilisation de
roulottes pour
l’hébergement
0
19,6
0,293
0,086
46
3
Utilisation de
roulottes pour
les services
0
56,5
0,677
0,000***
46
3
Construction
pour répondre
au problème
de
surpopulation
19,6
39,1
-0,197
0,307
46
3
Mobilité des
femmes limitée
6,5
17,4
-0,015
1
46
3
Programmatio
n perturbée
6,7
17,8
-0,008
1
45
4
Absence de
surpopulation
surpopulation
Unités en
occupation
double
0
Cellules en
occupation
double
On remarque tout d’abord qu’il existe entre la présence de surpopulation et les variables
de l’utilisation de roulottes pour héberger des services (p<0,001) et de double occupation en unité
(p<0,05), une association significative qui est respectivement forte et modérée. D’ailleurs, de
29
toutes les variables à l’étude, l’utilisation de roulottes pour héberger des services se démarque
fortement par sa force d’association (phi =0,677). Dans les deux cas, la présence de surpopulation
est liée à une plus grande prépondérance du phénomène.
De suite, il n’y a pas d’association significative (p>0,05) entre les autres variables
dépendantes à l’étude et la variable indépendante de la présence de surpopulation. Cela peut
s’expliquer notamment par l’échantillon restreint disponible pour effectuer les tests
d’indépendance. Toutefois, si l’on se réfère aux valeurs du phi, qui nous renseigne sur la force
d’association, certaines variables ressortent. En effet, entre la variable indépendante de la
présence de surpopulation et les variables de l’utilisation de roulottes pour l’hébergement et de la
présence de construction pour répondre au problème de surpopulation, il existe une association
qui est respectivement modérée et faible. Encore une fois, dans les deux cas, une présence de
surpopulation entraîne une prévalence du phénomène. Pour ce qui est des autres variables, elles
partagent une association qui est négligeable avec la variable indépendante.
En d’autres mots, il appert, à la vue des résultats présentés au tableau 4, que la
surpopulation en milieu carcéral entraîne divers impacts sur l’organisation des établissements
d’incarcération, nommément l’utilisation de roulottes pour héberger des services, la double
occupation en unités, l’utilisation de roulottes pour l’hébergement de femmes détenues et le
recourt à la construction pour agrandir les installations. Parmi ces derniers impacts, il semble que
l’utilisation de roulottes pour héberger des services soit le plus probant. Ces différents impacts ne
sont pas à négliger puisqu’ils nuisent aux femmes en réduisant leur espace vital et en contraignant
leurs mouvements, tel que mentionné dans plusieurs commentaires faites par les conseillères
régionales. En effet, lorsque des roulottes doivent être utilisées pour les services et l’hébergement,
cela empiète sur l’espace vert accessible aux femmes. Quant à la double occupation, elle diminue
de beaucoup l’espace de vie des femmes puisqu’elles doivent cohabiter dans un espace restreint.
Finalement, la construction, en complexifiant le travail du personnel correctionnel, peut entraîner
une perte de mobilité puisque les femmes se voient forcées par moment de demeurer dans leurs
unités durant de longues périodes en raison de la construction qui a cours.F
2. Analyse qualitative
L’analyse des entretiens effectués auprès de femmes ayant déjà vécu l’incarcération
dans un pénitencier et avec des professionnels œuvrant auprès de cette dernière clientèle
a permis de faire ressortir trois thèmes principaux concernant l’expérience et la gestion
30
correctionnelle : l’évolution de l’incarcération des femmes au Canada depuis le rapport
Création de choix, l’état de la situation, en termes de surpopulation, au niveau provincial
et national et les effets néfastes de la surpopulation.
2.1 Évolution de l’incarcération des femmes au Canada depuis le rapport
Création de choix
Bien que l’évolution de l’incarcération des femmes au Canada ne fût pas un thème
qui devait être traité dans les entretiens, de prime abord, il est ressorti de manière
importante dans l’analyse de tous les entretiens faits auprès des professionnels du milieu
carcéral féminin. En effet, ces derniers ont spontanément décris et commenté les mesures
ayant suivis le rapport La Création de choix et les changements graduels s’étend opérés
dans la philosophie correctionnelle ainsi qu’au sein de la population carcérale féminine.
L’on peut supposer que ce premier thème a été presque exclusivement discuté par les
professionnels du milieu notamment parce qu’il concerne le milieu carcéral féminin dans
son ensemble, et son évolution dans le temps, et nécessite donc une vision extérieure et
plus globale du phénomène.
2.1.1
La succession au rapport La Création de choix
Quelques professionnelles du milieu ont mentionné, d’abord, que les directives
mises en place suite au dépôt du rapport Création de choix respectaient l’essence des
recommandations, mais que toutes les propositions contenues dans le rapport n’avaient
pas été appliquées à la lettre. Parmi celles qui ont été appliquées on retrouve tout d’abord
l’ouverture d’établissements fédéraux d’incarcération pour femmes, construites selon le
principe de maisons de ville, dans les cinq régions du Canada (l’atlantique, les prairies,
l’Ontario, le Québec et le pacifique) et la mise en place de mesures visant à développer,
ou consolider, l’autonomie chez les détenues et de programmes adaptés aux besoins
spécifiques de la population carcérale féminine. Diane, qui œuvre dans le domaine depuis
plusieurs années, explique à ce propos :
« On fait appelle dans ces établissements-là à ce que les femmes […] prennent en main leur […] régime de
vie, c’est-à-dire la nourriture, elles font elles-mêmes la nourriture, entretiennent la maison […], mais je
veux dire aussi est arrivé avec [les établissements régionaux] une série de programmes […] qui sont […]
31
mieux adaptés aux besoins des femmes. Où on va travailler, je dirais les […] principaux besoins chez la
clientèle féminine. C’est-à-dire les […] habiletés au plan relationnel, au niveau aussi des relations
affectives. On va travailler les questions d’estime de soi, des questions liées aussi à l’insertion
professionnelle […], les problèmes aussi liés à la dépendance alors pi la gestion des émotions en général,
c’est les grandes sphères qu’on va retrouver à l’intérieur des programmes » (Diane, professionnelle du
milieu carcéral féminin)
En contrepartie, certaines recommandations n’ont pas été appliquées de manière
uniforme à l’échelle nationale ou encore n’ont simplement pas été retenues. Parmi les
directives n’ayant pas reçu d’échos de la part du gouvernement de l’époque, on retrouve
la demande des femmes incarcérées que des établissements différents soit érigés pour les
différentes côtes de sécurité, à l’image de ce qu’on retrouve pour les hommes, et donc
qu’il n’y ait pas d’établissement multiniveaux. Angela, qui a été incarcérée à l’époque de
Création de choix et qui a œuvré auprès de différents organismes travaillant avec les
femmes incarcérées par la suite, explique à ce propos :
« ils ont eu l’équipe de travail qui ont fait l’étude à travers le pays, pour décider quoi faire quand ils vont
fermer Kingston, alors je faisais partie des femmes qui ont collecté l’information des autres femmes pour
savoir qu’est-ce que les femmes veulent […] Alors dans cette époque-là, les choses qu’on demandait
comme établissement, comme pénitencier pour femmes c’était quasiment ce qui a été fait, je dis quasiment
parce que la seule chose qu’on voulait pas, on voulait pas avoir des établissements qui étaient multiniveaux,
on voulait avoir, on voulait avoir des pénitenciers dans les régions, mais on voulait que ça soit euh, qu’il y
est une maison minimum, qu’il y est du médium, qu’il y ait du maximum séparés. Naturellement ça, c’est
la chose qu’ils ont pas fait. » (Angela, pair-aidante)
Malgré tout, une amélioration indéniable des conditions d’incarcération des femmes sous
sentences fédérales s’est opérée avec l’application des mesures exposées précédemment.
« Ça nécessite, ça fait appelle a plus d’autonomie que dans un système […] où elles sont blanchies,
nourries, lavées, logées, etc. […] ça, c’est déjà pour les femmes […] beaucoup mieux en terme de qualité
de vie […] Les groupes sont plus petits, c’est plus facile aussi t’adapter à huit femmes plutôt que t’adapter
à 35, 40, 50 femmes. […] le fait aussi de pouvoir être, cuisiner eux-mêmes leurs nourritures c’est déjà un
avantage certain » (Diane, professionnelle du milieu carcéral féminin)
32
2.1.2
Changement graduel de la philosophie correctionnelle
L’ouverture des établissements régionaux, de suite, fut accompagnée de
l’adoption d’une philosophie correctionnelle particulière axée sur les spécificités des
femmes et la relation d’aide notamment. Cette approche s’illustre, comme l’explique
Diane à propos de l’établissement Joliette pour femmes, par le profil des intervenants
recrutés :
« à l’époque quand ça s’est ouvert les intervenantes de première ligne c’était des intervenantes qui étaient
embauchées dans un objectif de vouloir travailler avec des femmes de façon spécifique […] qui étaient là
pour assurer, c’est sûr une partie liée au travail de surveillance, mais c’était des femmes qui voulaient aussi
faire de la relation d’aide. » (Diane, professionnelle du milieu carcéral féminin)
Toutefois, avec le temps, cette philosophie s’est effritée, si bien que les considérations
premières des établissements régionaux sont maintenant tout autres. Nancy, qui travaille
auprès des femmes incarcérées sur le plan national, explique que le support politique
accordé aux femmes détenues a aussi beaucoup diminué :
« Beaucoup de gens au sein du SCC reconnaissent qu’il y a eu un rejet implicite et un renversement de
l’approche préconisée par Création de Choix depuis le temps. Aussi, le support est moindre, même en ce
qui a trait à la sous-commissaire pour les femmes [qui a un poste-conseil auprès du commissaire du service
correctionnel du Canada] et la section des femmes [Centre de recherche au sein du SCC dédié aux
questions liées aux femmes délinquantes qui émet notamment des recommandations lors du développement
de politiques gouvernementales (Service correctionnel du Canada, 2012d)], au niveau national. »
(Traduction libre) (Nancy, professionnelle du milieu carcéral féminin)
La distanciation de l’approche préconisée par le rapport Création de choix s’est ressentie
au sein du personnel correctionnel qui, avec le temps, s’est renouvelé. Stéphane,
intervenant communautaire auprès de la population correctionnelle québécoise autant
féminine que masculine, explique à ce propos :
« mais avec les femmes j’avais toujours remarqué que y’avait, le travail se faisait d’une façon correcte là en
respectant pis en ayant comme objectif, le premier objectif la sécurité du public, mais y’avait un aspect où
on tablait beaucoup sur la réinsertion sociale, sur la compassion à l’égard de la clientèle. Ça, s’a beaucoup
diminué pi je le remarque beaucoup chez les nouveaux employés qui arrivent, qui sont des jeunes, qui sont
plus, qui ont plus un thinking vers la droite donc plus la punition » (Stéphane, pair aidant)
33
Les changements observés au sein du personnel correctionnel seraient liés à une montée
des préoccupations d’ordre sécuritaire et à l’influence du milieu correctionnel masculin :
« les choses ont aussi changé parce que un moment donné y’a eu du personnel qui a, il y a eu des
changements de personnel en fonction de transferts d’établissements, donc du personnel qui arrivait avec
une philosophie correctionnelle masculine, qui venait des établissements pour hommes pi en suite y’a toute
eu, je dirais, les employés eux-mêmes […] à travers leur syndicat ont milité pour que l’établissement
Joliette soit moins différent des établissements pour hommes […] feke la question aussi, des questions plus
sécuritaires, des préoccupations à caractère sécuritaire […] sont été mis en place pi je te dirais que ça
évolué tser vers ça tranquillement pas vite » (Diane, professionnel du milieu carcéral féminin)
Dans le même ordre d’idée, des intervenants ont rapporté que certaines directives
administratives récemment adoptées dans des établissements correctionnels pour femmes
l’ont été à la suite d’événements ayant eu lieu dans des établissements pour hommes.
Cela est toutefois illogique puisque le milieu correctionnel féminin diffère
considérablement du milieu correctionnel masculin sur plusieurs points :
« Le fait que les femmes sont pris pour deux années dans un maximum, dans l’aile maximum, quand elle a
une sentence-vie c’est à cause des hommes, c’est […] à cause du fait que des hommes qui étaient classés
minimum se sont évadés parce que les hommes, le minimum c’est une prison minimum, sans clôture.
Tandis que les femmes c’est des différentes sections de la prison dans le fond. Alors maintenant une femme
qui a une sentence-vie elle est enfermée dans une aile pour deux ans, je sais pas si tu y a été à Joliette? […]
ben l’aile maximum, tu as un terrain pour la population générale, ce terrain-là c’est comme une grande cour
avec des clôtures, des maisons, des heures assez, il y avait des heures assez libérales pour se promener sur
le terrain, et tu as une aile maximum dans l’édifice administratif, alors une femme qui est sentenciée à vie
va être enfermée pour deux ans dans cette aile où il y a moins d’activité ou il y a très peu de travail, si elle a
du travail, très peu d’accès aux cours, très peu d’accès aux programmes. Un homme qui est dans un
maximum il va aller dans une prison maximum. La prison maximum va avoir des murs en briques avec
probablement des gardes avec des armes à feu en haut, mais ils se promènent librement à travers tout
l’établissement, alors c’est une grande différence. Pourquoi est-ce que les femmes vont dans le max, parce
que des hommes qui étaient sentenciés à vie dans des secteurs minimums, dans des prisons minimums se
sont poussés alors tout le monde! » (Angela, pair-aidante)
Les professionnels œuvrant dans le milieu ont aussi mentionné le rôle important qu’à
tenu le gouvernement conservateur de Stephen Harper, porté pour la première fois au
pouvoir en février 2006, dans les changements récents s’étant opérés dans la philosophie
correctionnelle :
34
« mais ce qui a donné aussi un input plus important, c’est l’entrée du gouvernement Harper au pouvoir. Lui
en 2008 il a recommandé […] monsieur Samson pour revoir toute la philosophie correctionnelle pour les
établissements pénitenciers au Canada. […] C’est l’implantation du modèle de la transformation » (Diane,
professionnelle du milieu carcéral féminin)
Le programme de transformation du SCC, qui s’applique autant à la population carcérale
féminine que masculine, dont Diane fait mention précédemment, a été mis en place en
2008 par le Service Correctionnel du Canada (SCC) afin d’améliorer la sécurité des
Canadiens (SCC, 2012a). Il porte sur cinq thèmes en particulier soient l’amélioration de
la responsabilisation des délinquants, l’élimination de la drogue dans les établissements,
l’amélioration des interventions et des compétences professionnelles des délinquants, la
modernisation de l’infrastructure physique et le renforcement des services correctionnels
communautaires (SCC, 2012). L’implantation de ce nouveau modèle coïncide avec une
détérioration des conditions de vie des femmes en incarcération :
« les conditions de vie se sont beaucoup détériorées dans les trois ou quatre dernières années. […] c’est à
cause de mesures du gouvernement qui a tendance à aller vers des mesures beaucoup plus punitives et
coercitives donc la réinsertion sociale, le soin des gens en prison est en train de prendre le bord par rapport
à des mesures beaucoup plus coercitives, pi beaucoup plus punitives qu’auparavant » (Stéphane, pairaidant)
Les mesures mises en place ont un impact non négligeable sur la motivation des femmes
incarcérées et sur leurs comportements. À ce propos, Stéphane explique combien la
récente coupure de 22 % des salaires des détenus aura des impacts majeurs sur les
femmes incarcérées :
« en plus de couper au niveau économique, il coupe la motivation pi, par le fait même, quand on coupe la
motivation, l’espoir de se réinsérer socialement, ça augmente les frustrations […] donc moi je pense que
dans les prochaines années on va assister à des événements de violence dans les pénitenciers […] y’en avait
pratiquement plus d’événements de violence dans les pénitenciers parce que avec toutes les mesures qui
étaient en place ben y’avait des motivations intrinsèques qui faisaient que les femmes et les hommes se
motivaient pi ils se calmaient le pompon, mais là avec les coupures qui sont mises en place, ça va
augmenter la frustration¸ ça va augmenter le désespoir » (Stéphane, pair-aidant)
35
Finalement, ce changement de mentalité au niveau de la philosophie correctionnelle serait
facilité, selon une professionnelle du milieu carcéral féminin, par l’opinion publique
plutôt favorable à cette nouvelle approche :
« Ça c’est fait pour rester parce que en plus […] c’est dans un grand courant […] le public y’est confortable
avec des orientations comme ça tu comprends. Combien de fois on a entendu dire qu’au Canada, le système
pénal canadien est trop permissif » (Diane, professionnelle du milieu carcéral féminin)
2.1.3
Changements s’opérant au sein de la population carcérale
féminine
Dans un autre ordre d’idée, un changement s’est aussi opéré au sein de la
population carcérale féminine dans les dernières années selon quelques interviewés. En
effet, Stéphane a remarqué, au cours de sa carrière, que le profil des femmes incarcéré a
beaucoup changé :
« les délinquantes d’aujourd’hui ne sont pas les délinquantes d’il y a vingt ans, à cause de toute le
phénomène de gang de rue. Moi je dis souvent, y’a vingt ans en prison on rencontrait des gens qui avaient
commis des crimes, maintenant on rencontre des consommateurs de drogues » (Stéphane, pair aidant)
Une augmentation des problèmes de santé mentale est aussi observée au sein de la
population carcérale féminine. Cela peut notamment perturber le fonctionnement de
l’institution :
« dans les dernières années, on assiste à une augmentation d’environ 30 % de clientèle avec des problèmes
de santé mentale dans les établissements. […] Pi les prisons comme je l’ai dit tantôt, ce n’est pas un milieu
pour gérer des problèmes de santé mentale. C’est des milieux pour régler des problèmes de délinquance,
mais là on a un problème de délinquance pi on ajoute un problème de santé mentale […] pi avec des
intervenants qui sont pas formés pour gérer ce genre de problèmes là » (Stéphane, pair aidant)
L’augmentation des problèmes de santé mentale en établissement carcéral affecte aussi
les détenues en général puisqu’elles y sont directement confrontées et qu’elles doivent s’y
adapter. Chantale, qui a séjourné à l’établissement Joliette, explique à propos des femmes
détenues ayant des problèmes de santé mentale :
« c’est une clientèle qui souvent est pas facile en partant, y’a des unités qui sont plus difficiles que d’autres,
mais t’as aussi beaucoup de cas de santé mentale pi les problèmes de santé mentale y’en a de plus en plus
36
pi on le sent et le vit, y’a du monde qui normalement ça pas d’allure, c’est pas du monde normal tser. C’est
pas des gens avec qui tu vivrais » (Chantale, femme ayant déjà été incarcérée)
En plus des changements au niveau du profil des détenues, une augmentation
marquée de la population carcérale féminine est observée par la majorité des
professionnels du milieu interviewés :
« le principal élément qu’on observe c’est que la population carcérale féminine est en augmentation dans le
système pénal […] y’a une croissance plus importante [que pour les hommes] […] elle est en augmentation
depuis la dernière décennie, c’est des années 90 disons ça c’est confirmé » (Diane, professionnelle du
milieu carcéral féminin)
Cette augmentation, aux dires de plusieurs des intervenants interviewés, serait causée
dans une certaine mesure par les récents changements au sein du modèle correctionnel,
tel que discuté précédemment. En effet, à moyen – long terme, plusieurs mesures telles
que l’imposition de peines minimales obligatoires et la modification des règles régissant
les sorties et la libération conditionnelle auraient pour effets d’augmenter la période réelle
d’incarcération des détenues :
« y’a une augmentation de la population parce qu’à cause des sentences minimales, de moins d’accès aux
libérations conditionnelles donc les gens restent en prison plus longtemps pour des périodes plus longues pi
ils peuvent sortir moins rapidement du pénitencier » (Stéphane, pair aidant)
2.2 La surpopulation dans le milieu carcéral féminin : Un phénomène
inégal à travers le Canada
Le phénomène de la surpopulation dans les établissements carcéraux canadiens a
été commenté de manière important dans les entretiens faits avec les participants. En
effet, autant les intervenants que les femmes ayant déjà été incarcérées ont fait état,
d’abord, de la situation à l’établissement Joliette pour femmes. Puis, quelques
intervenants ont témoigné de l’ampleur du phénomène au plan national. Finalement, la
majorité des participants ont soulevé le point que la surpopulation est une réalité
largement répandue dans les établissements d’incarcération provinciaux. Bien que la
recherche portait sur les établissements fédéraux à la base, cet élément a été conservé
considérant son importance.
37
2.2.1
Peu de surpopulation dans l’établissement Joliette pour
femmes
Il est ressorti de la grande majorité des entretiens qu’il n’y a pas, conformément
aux données quantitatives présentées plus haut, de surpopulation à l’établissement Joliette
pour femme dans le secteur hébergeant les femmes à côte minimum et médium (dans les
unités d’habitation) :
« Pas à Joliette non, non. […] y’a pas de problème, dans les maisons y’a pas encore des doubles
chambres » (Angela, pair-aidante)
Diane, qui occupe un poste lui permettant de suivre l’évolution de la population carcérale
féminine de manière serrée, précise toutefois que sans que la surpopulation en unités soit
récurrente, elle a déjà été observée dans le passé :
« C’est arrivé [la double occupation en unité] à quelques reprises, mais pas souvent. C’est arrivé en 2010. »
(Diane, professionnelle du milieu carcéral féminin)
Pour ce qui est du secteur à sécurité maximale de l’établissement Joliette,
conformément aux observations compilées dans le questionnaire rapportées à la section
précédente, une professionnelle du milieu a mentionné qu’il y avait une problématique un
peu plus importante de surpopulation qu’en unités. Le manque clair de cellules dans ce
secteur dans les dernières années a notamment poussé le SCC à entamer la construction
d’une nouvelle unité de garde en milieu fermé (UGMF), construction qui a court depuis
plusieurs mois et qui devrait se terminer en 2013-2014 (SCC, 2012b) :
« À Joliette le secteur qui semble être en manque de cellules c’est le secteur à sécurité maximum […] Alors
donc au Québec ben comme au plan statistique on avait souvent plus de cotes maximums que de cellules,
quand le gouvernement a fait ses attributions pour voir comment il allait développer les 2700 places ben
quand qu’il est arrivé au Québec ça été facile y’a dit bon Québec on va leur donner 10 cellules de plus au
max. […] ils se sont dit si depuis 90, l’ouverture de l’UGMF c’est fait en 2000, si depuis 2000 les dix
cellules de max ne suffisent pas ça fait à peu près 12 ans, 15 ans, ben on va construire pour assez de
cellules pour que ça fasse […] pour longtemps » (Diane, professionnelle du milieu carcéral féminin)
Cette information est ressortie uniquement dans l’interview de Diane notamment en
raison de son poste et de l’absence de femmes ayant séjourné dans le secteur maximum
parmi les interviewées.
38
2.2.2
Surpopulation distribuée de manière inégale selon les
régions canadiennes
À l’échelle du Canada, ce ne sont pas toutes les régions qui sont aux prises avec un
problème de surpopulation en milieu carcéral féminin. Les régions de l’Ontario et de
l’Ouest canadien semblent être celles où la problématique est la plus importante. Diane
explique qu’on remarque une grande variabilité entre les différentes régions liée à
l’augmentation de la population carcérale féminine :
« Je te dirais que ça dépend de chaque région, dans l’Ouest et dans l’Ontario ils ont connu une
augmentation importante de leur population, la solution qui a été proposée c’est de […] développer des
établissements à sécurité minimum. […] En Atlantique y’a pas eu d’augmentation de la population
importante pour créer un problème de surpopulation […] Pi pas non plus en Colombie-Britannique, alors
c’est un phénomène qui est pas uniforme partout. » (Diane, professionnelle du milieu carcéral féminin)
La surpopulation serait plus propice dans certaines régions en raison des spécificités de
chaque établissement et de la communauté dans laquelle il prend place :
« [L’occurrence de la surpopulation] dépend des ressources disponibles dans les établissements et du
soutien de la communauté. C’est généralement pire dans les milieux plus reculés et pauvres par exemple
dans les régions de l’Atlantique et des Prairies » (Traduction libre) (Nancy, professionnelle du milieu
carcéral féminin)
Ces informations coïncident, dans une certaine mesure, avec les données quantitatives
présentées plus tôt montrant que plusieurs indices de surpopulation sont observés de
manières récurrentes à l’établissement pour femmes Grand Valley en Ontario et qu’il
semble avoir un manque, au niveau des locaux, dans la région des Prairies.
2.2.3
La
surpopulation :
majoritairement
les
Une
problématique
établissements
touchant
correctionnels
provinciaux
Bien que les entrevues portaient à la base sur le système correctionnel fédéral, il
est vite apparût que la problématique de la surpopulation dans les établissements pour
femmes est présente de manière beaucoup plus importante et alarmante dans les
établissements provinciaux. En effet, la grande majorité des femmes et intervenantes
39
interviewées ont spontanément associé la Maison Tanguay (prison provinciale
québécoise) à la problématique de surpopulation. Cette situation, selon les propos
recueillis dans les entretiens, est récurrente au sein de la population générale (minimum et
médium) et se traduit par de la double occupation cellulaire :
« Tout le temps, ah ouais c’est tout le temps [la surpopulation à la Maison Tanguay], cibole en neuf mois
que j’ai été là si j’ai eu, j’exagère là, si j’ai eu un mois de toute seule en neuf mois tser des journées
séparées, j’exagère j’en mets beaucoup trop. […] Très rare, très rare, très rare » (Nathalie, femme ayant
déjà été incarcérée)
L’expérience de surpopulation vécue à la Maison Tanguay a été mentionnée par toutes
les femmes interviewées puisqu’elles ont toutes séjourné à cet établissement, à un
moment ou à un autre, alors qu’elles devaient se rendre en cour (avant d’être condamné
ou au cours de leur incarcération). Ainsi, cet établissement, bien que provincial, tient une
place importante dans l’expérience d’incarcération des femmes québécoises ayant reçu
des peines fédérales (deux ans et plus) et se doit donc d’être pris en compte dans
l’analyse de la problématique. Puisque la surpopulation y semblait très présente, il a été
fait comme choix d’étendre l’échantillon aux femmes ayant purgé leur peine dans un
établissement provincial uniquement. Cela contribue aussi aux nombreuses informations
recueillies concernant les prisons.
Au sein des autres régions canadiennes, ils semblent que les établissements
d’incarcération pour femmes provinciaux soient aux prises avec des problématiques de
surpopulation semblable à celle du Québec. Nancy explique notamment que les
conditions d’incarcération y sont souvent beaucoup plus difficiles que dans les
établissements fédéraux :
« On retrouve de la surpopulation autant au niveau fédéral qu’au niveau provincial, mais les conditions
d’incarcération sont généralement pires dans les établissements provinciaux et territoriaux » (Traduction
libre) (Nancy, professionnelle du milieu carcéral féminin)
Une des professionnelles du milieu carcéral féminin avance que cela est dût
principalement aux changements de législations mis de l’avant par le gouvernement
Harper, tel que mentionné précédemment :
« Il y a moins de gens qui ont accès à la libération conditionnelle pi en plus dans le Code criminel il y a
40
l’augmentation des peines minimales, y’a certains délits qui ont été exclus du sursis d’emprisonnement.
Bon ça fait que ça créé surtout une surpopulation pour les établissements provinciaux. Ça c’est très clair,
les changements législatifs du gouvernement conservateur ils font plus de mal aux provinces qu’au fédéral.
[…] Ça on le savait tous que ça serait les provinces qui allaient écoper de ça pi c’est ce qui arrive, ils sont
pognés avec de la grosse, grosse surpopulation dans tous les établissements provinciaux de toutes les
provinces du Canada. » (Diane, professionnelle du milieu carcéral féminin)
2.3 Effets néfastes de la surpopulation pour les femmes et l’établissement
correctionnel
Le dernier thème ayant été commenté par les participants à l’étude est celui des effets de
la surpopulation sur les femmes incarcérées. En effet, plusieurs ont soulevé que la
surpopulation occasionne l’augmentation de la proximité entre les détenues, la
diminution des possibilités et services offerts à ces dernières, la complexification des
relations interpersonnelles ainsi que la détérioration du bien-être physique et
psychologique et l’exacerbation des conditions existantes. Puisque les femmes
interviewées ont aussi été incarcérées dans un établissement provincial, les effets de la
surpopulation rapportés concernent à la fois les prisons et les pénitenciers. Ce choix a été
fait notamment pour couvrir une part plus importante des effets, mais aussi parce que
selon les résultats, il est possible d’identifier des impacts de la surpopulation qui sont
généralisables à tous les types d’établissement.
2.3.1
Augmentation de la proximité entre les détenus
L’effet le plus couramment mentionné par les femmes ayant déjà été incarcérées
et par les professionnels du milieu est sans contredit l’augmentation de la proximité entre
les détenues.
Tout d’abord, à l’exception d’un intervenant, elles ont toutes insisté sur le fait que
la surpopulation entraîne le doublement, et même le triplement dans le cas de Stéphanie,
du nombre de détenues par espace réservé au sommeil (cellule ou chambre). Ainsi, de
manière temporaire, des matelas sont disposés au sol pour permettre à une femme de plus
de dormir dans cet espace. Cela occasionne bien évidemment une grande perte d’espace
et nuit fortement aux activités quotidiennes en ces lieux. De suite, quelques femmes ont
mentionné qu’en état de surpopulation les installations communes (lieu pour prendre les
41
repas par exemple) se retrouvent complètement surchargées. Tout cela entraîne
nécessairement une diminution importante de l’espace vital, déjà très restreint, accordé
aux femmes détenues. Comme l’explique Stéphanie, lorsqu’il y a surpopulation, le
manque d’espèce peut être criant :
« y’a même pas assez de chaises pour tout le monde [dans la salle commune]. Pi la les cellules sont toutes
doubles ou presque, c’est hyper petit euh, souvent ils doublent les cellules pi, ils les triplent même des fois
des cellules doubles ils vont mettre un matelas par terre, en faite si tu t’assis sur la toilette, tu te trouves à
avoir les pieds sur le lit qui est à terre, le lit y’est comme coincé entre la toilette, le bureau, tser il prend, en
fait le seul espace qui a par terre pour mettre ses pieds là c’est le lit de la fille qui l’occupe » (Stéphanie,
femme ayant déjà été incarcérée)
Par la suite, cette diminution de l’espace vital entraîne inéluctablement une perte
au niveau de l’intimité comme l’a mentionné quelques femmes et une professionnelle du
milieu. En effet, les femmes se retrouvent à devoir partager l’ensemble des lieux
auxquels elles ont accès et sont donc exposées à autrui en quasi-permanence. Lorsqu’il y
a double occupation dans les chambres ou les cellules, seul lieu de l’établissement qui est
à l’origine « privé », les femmes se retrouvent fortement exposées alors qu’elles sont
dans leur intimité. Dans le cas des femmes dormant dans des cellules et non dans des
chambres (secteur à sécurité maximale à Joliette et Maison Tanguay), le manque
d’intimité est d’autant plus frappant qu’elles doivent aller aux toilettes à la vue de leur
colocataire ce qui crée beaucoup d’inconfort chez les femmes.
« Ouais [on doit partager la même toilette], c’est pour ça que c’est pas correct de mettre deux personnes
dans une cellule, c’est, on vit pu de même voyons qu’est c’est ça! C’est pas parce que c’est une prison
qu’on est obligé de, c’est dégradant la! C’est pas obligé d’être dégradant parce que c’est en prison tser. »
(Chantale, femme ayant déjà été incarcérée)
2.3.2
Diminution des possibilités offertes aux détenues et de
l’offre de services
La surpopulation, en plus de favoriser la proximité des détenues en entraînant une
surcharge des espaces communs et intimes, entraîne une diminution marquée des services
et des possibilités offerts aux femmes incarcérées.
Il est ressorti de la majorité des entrevues que lorsqu’un nombre trop important de
42
femmes sont incarcérées au même moment, les services disponibles en temps normal ne
sont pas en mesure de répondre à la hausse de la demande. Cette difficulté d’accès touche
différents services encadrant de près ou de loin le quotidien des femmes détenues. Nancy
explique que plusieurs services, même essentiels, sont touchés lors de période de
surpopulation :
« L’accès aux programmes, aux services, aux emplois, à l’éducation, aux soins de santé, aux ressources
psychiatriques et psychologiques, aux loisirs, etc. est limité. […] [Lors de périodes de surpopulation]
l’accès à ces derniers est plus susceptible d’être limité ou éliminé » (traduction libre) (Nancy,
professionnelle du milieu carcéral féminin)
La demande trop élevée par rapport à la capacité d’offre entraîne, dépendamment du
service, la perte d’accès complète ou encore une période d’attente importante pour les
femmes. Par exemple, plusieurs d’entre elles ont mentionné avoir attendu longtemps
avant d’obtenir un emploi :
« Oui c’est assez long [avoir un emploi], je dirais presque un mois. Feke quelqu’un qui arrive là, qui a pas
d’argent pi qui attend trois semaines un mois pour avoir une job c’est très dur. Moi je l’ai pas eu dur parce
que j’avais des sous parce que j’ai une famille, parce qu’ils restaient pas loin pi y’a ben des si pi des ça la,
mais y’en a qui vraiment ils l’ont dur ils rentrent là avec le linge qui ont sur le dos, pas d’argent, euh… ça
prend trois semaines avant d’avoir une job. C’est difficile, surtout si ils fument » (Agathe, femme ayant
déjà été incarcérée)
Comme l’explique Agathe, la difficulté d’accès aux services peut avoir des effets
collatéraux non négligeables sur les femmes détenues. Dans le cas précis de l’emploi, une
période d’attente accrue peut entraîner pour les femmes l’impossibilité de se procurer des
produits nécessaires, mais non fournis par l’établissement, comme des produits d’hygiène
personnelle par exemple.
La surpopulation nuit aussi à l’accès aux différents services par le biais de la
construction qu’y a cours dans certains établissements afin d’augmenter leur capacité
d’accueil. En effet, dans le cas de Joliette par exemple où on construit actuellement une
nouvelle UGMF, Diane a mentionné que la mobilité des femmes est limitée par moment
en raison de la construction :
43
« Tser y’avait une fois on ai intervenu une fois sur une situation ils disaient la le maximum de joliette est en
construction feke les femmes [du maximum] nous disaient ils nous gardent de plus en plus en cellule fermé
ce qu’on appelle ça en dead lock.. pi euh de plus en plus longtemps pi de plus en plus souvent. Donc y’ont
pas accès à la cour, pas accès au milieu de vie collectif pi, dans les faits, ça s’est avéré vrai, y’avait aucune
raison de les, pi y’était pas autorisé à le faire, mais ils le faisaient » (Diane, professionnelle du milieu
carcéral féminin)
La construction entraînerait aussi ponctuellement ou pendant une période continue de
temps la perte d’accès à certains services. Angela a notamment mentionné lors de son
entrevue qu’il y a une diminution marquée de l’accès à la salle d’entraînement à
l’établissement Joliette depuis le début des travaux :
« Elles ont pu le gym aussi souvent qu’elles avaient, mais ça c’est aussi beaucoup à cause de la
construction qui se fait à Joliette depuis deux ans et ils ont pas fini encore » (Angela, pair-aidante)
2.3.3
Complexification
des
relations
interpersonnelles
en
établissement
La grande proximité entre les détenues et la difficulté d’accéder à certains services
qu’entraîne la surpopulation a pour effet, par la suite, de complexifier les relations
interpersonnelles des femmes incarcérées.
Tout d’abord, les compétences sociales des femmes incarcérées, lorsqu’il y a
surpopulation, sont mises à rude épreuve puisqu’elles se trouvent en position
d’interaction sociale de manière plus récurrente. En effet, certaines femmes interviewées
ont mentionné comment il peut être difficile d’avoir de bonnes relations avec les autres
détenues alors qu’elles sont confrontées à ces dernières en tout temps, sans les connaître,
et qu’elles ne peuvent prendre de recul ou encore se retirer véritablement. Agathe, dans le
prochain extrait, mentionne combien cohabiter dans un petit espace avec quelqu’un que
l’on a pas choisi demande beaucoup d’efforts :
« pi la ben c’est ça tu vis à deux feke faut, ça demande beaucoup de respect pi, c’est pas facile, mais d’un
autre côté ça dépend de la coloc tser » (Agathe, femme ayant déjà été incarcérée)
Cette grande proximité, qui de surcroît est additionnée à l’expérience intrinsèquement
difficile de l’incarcération, exige des femmes qu’elle fasse preuve de beaucoup de
44
résilience. Tout dépendant des traits de caractère de chacune, cela peut être assez difficile
et c’est pourquoi des conflits et même parfois des épisodes de violence peuvent éclater
entre les détenues. Il y a plutôt consensus parmi les interviewées à savoir que la
surpopulation, en multipliant les interactions sociales, même dans l’espace privé (la
chambre ou la cellule), peut mener à des débordements émotionnels de la part des
détenues déjà excédées par l’incarcération. L’expérience vécut par Stéphanie en est un
bon exemple :
« On était deux en cellule, on a déjà été trois aussi dans une cellule à deux, j’avais le lit d’en haut pi… moi
ben c’est ça tser la fille s’t’un genre, elle à dix heures quand qui fermaient les portes s’t’ait la lumière
fermée pi je me suis pognée avec elle un moment donné pi je me suis mis vraiment à lui gueuler après pi à
lui donner un char de marde parce que, je voulais lire 15-20 minutes pour m’endormir la tser, je demandais
pas la fin du monde la, toutes les soirs quand qui fermaient la porte, je fermais la lumière, la j’y avais dit
très gentiment, j’y dis “écoute si ça dérange pas là j’aimerais ça lire 10 ou 15 minutes pi quand je vas avoir
finis mon chapitre je vas fermer la lumière”, pi la a voulait pas. Ah ben la asti je, la j’ai sauté ma coche pi je
l’ai pas frappé parce que tser c’est pas dans mon, mais tser ça… on se gueulait après la, mais tser je me suis
mis à lui donner un char de marde la […] tout le monde nous entendait pi la les filles dans les autres
disaient “Vos gueules! Vos gueules! Vos gueules!” Jusqu’à temps que les gardiens viennent finalement,
qui, pi la moi j’tais vraiment en furie la je veux dire tser en faite tser c’est encore une fois ça reste ce que je
disais tantôt c’est une niaiserie la, mais avec toute le stress pi l’accumulation là elle a comme payé pour
toute la marde que j’avais accumulée depuis que j’tais là […] Ben c’est ça les gardiens ils m’avaient sortie
pi ils m’ont amenée dans une cellule d’isolement » (Stéphanie, femme ayant déjà été incarcérée)
Les conflits, encore une fois suite à la surpopulation, sont aussi favorisés par la rareté des
ressources et services à la disposition des femmes. En effet, comme le montre l’exemple
concret d’Agathe concernant l’utilisation du téléphone, des différends peuvent survenir
alors que plusieurs convoitent un même service :
« une feuille la faut que tu marques avec des heures, aux demi-heures, que tu marques ton nom pour avoir
le téléphone à cette heure-là, pi ça la faut respecter ça parce que ça peut faire des chicanes. J’ai vu la tser il
te reste une minute pi l’autre est déjà là à côté la pi il te reste une minute pi est là : “t’as-tu fini la?
T’achèves -tu la?” Eille! Finalement la minute qui te restait à te la fait manquer la tser, des choses comme
ça qui peuvent amener des conflits. » (Agathe, femme ayant déjà été incarcérée)
Finalement, la surpopulation rend plus difficile l’entretien de relations interpersonnelles
entre les détenues puisqu’en diminuant les services et possibilités offertes aux femmes,
45
elle diminue du même coup les lieux de rencontre entre les femmes des différentes unités.
En effet, dans la population générale de Joliette, par exemple, les femmes détenues ne
peuvent se rendre dans les unités d’habitation n’étant pas la leur. Ainsi, elles peuvent voir
les détenues n’habitant pas dans leur unité que lors des programmes, de leur emploi, des
sorties dans la cour, etc. Si l’accès à ces différentes activités est limité ou encore éliminé,
alors les lieux de rencontre le sont aussi. Pour Chantale, seule interviewée ayant
mentionnée cet impact, la fermeture temporaire de la salle d’entraînement a été vécue
difficilement puisqu’elle l’a empêchée de voir une autre femme détenue avec qui elle
entretenait une relation d’amitié :
« Ca été pénible ça. Ouais ça, ça été pénible parce que la on se retrouve comme, pi ça demeure un endroit
de rencontre en même temps à l’intérieur on a pas vraiment de place, c’est le gym y’a pas d’autres endroits
de, où on peut se rencontrer à l’intérieur parce qu’on a pas le droit de rentrer dans les unités des autres […]
Ca fait que moi ça pas été long que je me suis faite déménagé dans l’unité de X parce que sinon on se serait
pas vu, y’a pas de gym… » (Chantale, femme ayant déjà été incarcérée)
Par l’instabilité qu’elle occasionne en favorisant notamment les altercations entre
les détenues, la surpopulation nuit aussi aux relations entre les femmes incarcérées et le
personnel de l’établissement. En effet, les conditions d’incarcérations difficiles et les
conflits entre les détenues conditionnent négativement l’attitude du personnel et des
détenues envers l’autre partie selon quelques intervenantes interviewées. Nancy
mentionne notamment que la surpopulation détériore les relations entre les détenues et le
personnel de l’établissement en augmentant la tension déjà présente :
« La surpopulation contribue à faire augmenter la tension entre les détenues et le personnel et, avec le
temps, mine la confiance. […] Elle accentue aussi le stress vécut par les employés » (traduction libre)
(Nancy, professionnelle du milieu carcéral féminin)
Diane explique quant à elle que l’augmentation des incidents violents, en conditionnant
les interactions entre les détenues et le personnel, dans un secteur comme le maximum
tout particulièrement, entraîne des conséquences, à long terme, dommageable pour le
parcours des détenues impliquées. Plus il y a d’incidents violents, plus il y a
d’intervention de la part du personnel, et des interventions pouvant être coercitives. De
suite, la participation à ces différents événements peut avoir comme conséquence une
judiciarisation. Le conflit vécut par Stéphanie, rapporté plus tôt en ai un bon exemple
46
puisque suite à une dispute, elle a dût passer une nuit en confinement. Ainsi, la
surpopulation nuit au parcours des détenues dans l’établissement en les positionnant dans
un environnement propice aux écarts de conduite :
« quand en plus vous êtes deux à occuper cet espace-là [la cellule], ça devient difficile en terme de vie au
quotidien. Ça crée plus de tensions. Ça crée aussi plus d’occasions d’avoir des disputes. Le personnel doit
intervenir, pi le personnel est pas plus content de ça que les détenues la, ça rend aussi euh le secteur plus à
risque de conflits importants pi d’intervention de l’équipe d’intervention de crise alors plus d’occasions
d’utiliser des gaz lacrymogènes pour neutraliser des personnes qui sont désorganisées ou trop en colère, des
placements en ségrégation tout ce type d’intervention la peut être augmentée en raison d’une cohabitation,
d’une trop de promiscuité entre les personnes. […] Plus tu as d’événements plus tu fais l’objet
d’intervention disciplinaire ou plus t’as eu des comportements jugés inadéquats tout ça va, debart tu vas
rester au niveau de ta côte maximum t’a pas de chance de baisser de cote pi deuxièmement ton dossier est
documenté comme étant quelqu’un avec des grandes incapacités d’adaptation, qui peut être agressive,
violente, tu peux avoir une réputation, un profil de violence euh […] Ca peut entrainer une judiciarisation
[…] donc y’a du monde qui sont en prison qui se ramasse avec une sentence je sais pas moi de 5 ans pi
qu’au bout du compte ils vont finir avec une sentence de 7 ans » (Diane, professionnelle du milieu carcéral
féminin)
2.3.4
Détérioration du bien-être psychologique et physique et
exacerbation des conditions existantes
La surpopulation aurait une incidence notable sur le bien-être psychologique des
détenues en nuisant à l’accès aux activités quotidiennes (emplois, sorties dans la cour,
etc.) et en diminuant du coup la stimulation cognitive. Chantale explique dans l’extrait
suivant combien il a été difficile pour elle de ne pas avoir d’emploi pendant une longue
période de temps :
« moi, après deux mois là, j’avais toujours pas de job pi j’étais en train de virer folle, feke qu’est-ce que tu
veux faire, toute la journée à rien faire, c’est pas possible, tu peux pas juste rien faire tout le temps. C’est
fou! » (Chantale, femme ayant déjà été incarcérée)
De suite, selon une professionnelle du milieu, la surpopulation, en favorisant la
détérioration du bien-être psychologique, peut entraîner l’apparition de dépression et
même exacerber des conditions psychologiques déjà existantes. Elle peut aussi nuire au
bien-être physique :
47
« [La surpopulation] affecte les femmes détenues en les privant d’intimité, en favorisant la dépression et, de
plus, en exacerbant les problèmes de santé mentale et les conditions psychologiques déjà existants. Ça peut
aussi entraîner la prise de poids suite à la prise de médicaments et au manque d’activités physiques »
(Traduction libre) (Nancy, professionnelle du milieu carcéral féminin)
Finalement, la surpopulation affecterait aussi le bien-être psychologique du
personnel correctionnel, notamment par le biais de la construction qu’elle entraînerait. En
effet, la construction qui a court dans plusieurs établissements pour femmes et
l’instabilité qu’elle apporte ne serait pas propice à un environnement de travail sain et
occasionnerait beaucoup de stress pour les employés. Cette ambiance difficile, affecterait
de suite les détenues eux-mêmes :
« la construction d’une nouvelle unité dans un secteur comme le maximum c’est un grand chambardement
tser c’est écoute ça change, tser toute le, pendant un an et demi la vie va être un enfer dans cet
établissement la en raison du bruit en raison des, ça va restreindre déjà une espace plus limité, y’ont pas
beaucoup de locaux disponibles pour des activités de groupe alors c’est déjà assez restreint alors ça va
restreindre encore plus l’espace, le personnel va vivre dans un environnement où il va avoir une grande
euh… stress en raison du bruit, la surveillance de la clientèle, la surveillance des travailleurs, toutes les
tensions, il va avoir, y’a une augmentation des tensions, des conflits alors tout ça va nécessité beaucoup
plus de travail pour le personnel, tout ça va favoriser plus de de situations euh à risque, plus de
manifestations de colère de frustration… la routine des femmes va changer, la qualité de vie va changer
[…] la qualité de vie des détenues, des personnes incarcérées est liée aussi à la capacité du personnel à
donner un bon service, à être détendu, à être capable de faire des nuances » (Diane, professionnelle du
milieu carcéral féminin)
Discussion
1. Résumé des résultats
Les résultats présentés à la section précédente nous renseignent sur plusieurs
aspects de l’incarcération des femmes au Canada. Plus précisément, ils dévoilent les
changements drastiques s’étant opérés dans les dernières années dans la philosophie
correctionnelle, l’état inégal de la situation en ce qui a trait à la surpopulation au plan
national et les effets néfastes d’un tel phénomène.
Depuis le dépôt de Création de Choix dans les années 90 et des mesures l’ayant
48
suivi, un tournant s’est opéré quant aux principes directeurs sur lesquels est basée
l’incarcération des femmes au Canada. En effet, des considérations liées à la sécurité et à
la punition ont tranquillement remplacé les postulats prônés dans le précédent rapport,
notamment celui concernant le respect et la dignité. Ce changement se traduit entre autres
par le choix du personnel sécuritaire, l’attitude et le soutien des employés du SCC envers
les femmes détenues et par les différentes mesures législatives plus coercitives mises en
place dans les dernières années. En plus de ce changement au plan philosophique, il
appert que la clientèle correctionnelle, soit les femmes incarcérées, a aussi beaucoup
changé dans les dernières années. Elles se démarqueraient de leurs prédécesseurs sur le
plan du nombre, puisqu’elles sont de plus en plus nombreuses, sur le plan psychologique,
puisqu’il y a de plus en plus de problèmes de santé mentale en établissement, et
finalement quant à leur profil de délinquance, puisque plusieurs d’entre elles sont
incarcérées pour des crimes liés à la drogue.
Les résultats présentés à la section précédente montrent de manière manifeste que,
sur le plan national, il existe un problème de surpopulation important dans la région de
l’Ontario. En effet, on observe à l’établissement pour femmes Grand Valley plusieurs
indicateurs de surpopulation, notamment de la double occupation dans les cellules et les
unités, et ce, de manière récurrente. De suite, les entrevues auprès de professionnels du
milieu correctionnel féminin montrent qu’on retrouve cette problématique aussi dans la
région des Prairies et dans les territoires canadiens. Pour ce qui est de la région du
Québec, l’établissement Joliette pour femmes serait aux prises avec une problématique de
surpopulation, mais dans un secteur restreint soit celui de l’unité de garde en milieu
fermé. De manière générale, de la construction a cours dans quatre des cinq
établissements correctionnels fédéraux pour femmes afin de répondre à la hausse de la
population carcérale féminine. Finalement, la surpopulation serait monnaie courante dans
les établissements provinciaux, et ce, dans toutes les régions canadiennes, puisque ces
derniers sont fortement touchés par les nouvelles mesures législatives ajoutant
notamment des peines minimales obligatoires et resserrant les règles concernant la
libération conditionnelle.
Les entrevues ainsi que les données mensuelles collectées auprès des
49
établissements correctionnels fédéraux pour femmes montrent, subséquemment, que la
surpopulation entraîne bon nombre d’effets néfastes, autant pour les femmes incarcérées
que pour l’établissement correctionnel. On observe, tout d’abord, dans les établissements
aux prises avec de la surpopulation, l’encombrement des espaces privés et communs. Cet
encombrement, qui se manifeste par la double occupation en cellule et en chambre (dans
les unités) et par le changement de vocation de certains locaux, a pour effets d’augmenter
la proximité entre les détenues et d’entraîner la rareté des ressources (emplois,
programmes, intervenants, etc.). Les femmes incarcérées se trouvant du coup confronté
les unes aux autres de manière plus importante, se voient brimé dans leur intimité et
doivent faire preuve de beaucoup de résilience afin d’entretenir un climat sain au
quotidien. La surpopulation, en d’autres mots, nuit fortement aux relations
interpersonnelles entre les détenues, mais aussi avec le personnel correctionnel, puisqu’en
nuisant à l’accessibilité aux ressources, en entraînant de la construction et en requérant
des femmes d’énormes capacités d’adaptation et de résilience, elle crée un climat propice
aux insatisfactions et aux débordements émotionnels. Par la pression accrue qu’elle induit
sur les femmes incarcérées et par la baisse de stimulation cognitive qu’elle crée, elle
favorise aussi l’apparition de problèmes de santé mentale et l’exacerbation des conditions
psychologiques existantes. Finalement, en positionnant les femmes dans un état d’esprit
propice aux conflits et aux débordements, elle nuit au parcours de ces dernières en
établissement, puisque celles-ci peuvent se voir sanctionnées suite à un conflit et voir, de
suite, leur dossier entaché et leur incarcération prolongée.
2. Signification des résultats
De manière générale, les résultats obtenus en ce qui a trait aux conséquences
néfastes de la surpopulation en milieu carcéral concordent avec la littérature sur le sujet
présentée précédemment. De fait, les principaux effets identifiés dans la recension des
écrits, soit une baisse de l’accessibilité aux ressources (Haney, 2012, Huey & McNulty,
2005, Bukurura, 2003), l’amplification et l’accélération de la baisse du bien-être
psychologique (déjà associée à l’incarcération) (Haney, 2012, Sharkey, 2012, Steiner &
Wooldredge, 2009, Kupers, 1996) et la complexification des relations interpersonnelles
(Haney, 2012, Gove, Hugues & Galle, 1979) ont aussi émergé des données quantitatives
50
et des entrevues analysées dans le cadre de ce projet. Toutefois, l’impact de la
surpopulation sur l’intimité des individus incarcérés n’a pas vraiment été discuté dans les
recherches précédentes, mais est ressorti comme étant majeur dans le cadre de celle-ci.
Cette différence peut, dans une grande mesure, s’expliquer par la nature de notre
échantillon. En effet, il est logique de penser que cette différence est liée directement au
genre des détenus interrogés. On peut ainsi affirmer que les femmes se sentent davantage
brimées dans leur intimité lorsqu’il y a de la double occupation en cellule, et donc de la
surpopulation, que les hommes. Aussi, la littérature faisait mention des relations
interpersonnelles négatives que la surpopulation peut entraîner, plus particulièrement
l’apparition de conflits, mais elle ne faisait pas vraiment mention des mécanismes par
lesquels la surpopulation affecte les relations interpersonnelles et l’entrave qu’elle
constitue à l’entretien de relations d’amitié positives. En effet, les résultats exposés en
détail à la section précédente montre qu’en éliminant les lieux de rencontres, mais aussi
en favorisant les délits institutionnels et donc les mesures punitives (isolement,
changement de cote de sécurité), la surpopulation peut séparer physiquement des femmes
étant amis et les couper d’un soutien moral important. Ce résultat est des plus importants
puisqu’il démontre combien la surpopulation peut affecter en profondeur le quotidien des
femmes en incarcération. Cela peut aller jusqu’à nuire à leur cheminement, non
seulement en favorisant les comportements répréhensibles, mais aussi en faisant naître en
elles un désespoir certain.
Dans un autre ordre d’idée, les résultats présentés à la section précédente mettent
en lumière l’influence à degrés variables que la surpopulation entretien sur les détenues.
Cette influence varie en fonction de leurs caractéristiques spécifiques et de celles de
l’établissement d’accueil. En effet, bien que certains effets de la surpopulation soient
facilement identifiables et même généralisables à la majorité des établissements
d’incarcération, le degré d’affectation de chaque femme incarcérée ne peut être aisément
prédit puisque dépendamment de ses traits de personnalité, de son état psychologique, de
son réseau de soutien en incarcération et à l’extérieur de l’établissement et des ressources
de l’établissement d’accueil, elle réagira à un état de surpopulation de manière variable.
Cette grande variabilité rend complexes l’analyse du phénomène et la prédiction de ses
retombées concrètes. Malgré cela, il est logique de penser que la surpopulation aura des
51
conséquences néfastes tout particulièrement dans les établissements comptant, à la base,
des ressources limitées et un cadre d’intervention stricte puisqu’ainsi ils seront moins à
même de s’adapter rapidement et de manière convenable à une hausse graduelle ou
rapide de leur population. Dans cette même lignée, les détenues vulnérables sur le plan
émotionnel et psychologique, celles aux prises avec des problèmes de santé mentale par
exemple, pourront être incommodées davantage par la surpopulation. Ainsi, il est logique
de penser que les changements s’étant opérés dans les dernières années dans la
philosophie correctionnelle et dans la clientèle correctionnelle contribuent à rendre le
contexte d’incarcération des femmes au Canada difficile. Conséquemment, un état de
surpopulation pourrait avoir des conséquences tout particulièrement dommageables sur
les femmes détenues au Canada considérant la pression importante qu’elles subissent en
raison de la conjoncture actuelle.
Par la suite, les effets principaux de la surpopulation, en plus d’être tributaires du
contexte dans lequel ils prennent place, entraînent plusieurs autres effets collatéraux sur
les femmes détenues qui peuvent avoir des retombées aussi grandes qu’étonnantes. En
effet, la surpopulation est un phénomène très contraignant, à la vue des résultats, puisque
loin d’occasionner uniquement des impacts concis, elle peut aller jusqu’à déclencher une
suite d’événements perturbateurs pouvant aboutir au prolongement de la période
d’incarcération. Ainsi, la surpopulation peut provoquer, dans certaines circonstances, un
véritable cercle vicieux contribuant, au bout du compte, au phénomène même de la
surpopulation. Les résultats présentés à la section précédente révèlent que le phénomène
de la surpopulation et les conséquences qu’il entraîne peuvent être cycliques et
schématisés de la manière suivante :
52
Figure 1. Le cycle de la surpopulation
Augmentation
du temps
d'incarcération
Surpopulation
Augmentation
des délits
institutionnels
Doublement des
chambres et
cellules
Réaction plus
violente à
l'intervention
Augmentation
de la
promiscuité des
détenues
Augmentation
des
interventions
coercitives pour
enrayer les
conflits
Augmentation
des conflits
entre les
détenues
Il est donc d’autant plus important de gérer l’augmentation de la population carcérale de
manière convenable, et ce, dès que les premiers indices émergent, puisqu’en
contrecarrant la surpopulation à la source, on évite que le phénomène ne s’incruste et
devienne, du coup, beaucoup plus complexe à éradiquer. L’aspect circulaire de la
surpopulation constitue un résultat des plus importants puisqu’il n’avait pas encore été
exposé, selon la littérature présentée précédemment. L’émergence de cet aspect peut
s’expliquer par la méthodologie employée. En effet, une part importante des recherches
rapportées dans la revue de littérature avaient utilisé une méthodologie quantitative ayant
principalement prouvé le lien entre certains indicateurs et la présence de surpopulation.
L’utilisation d’une méthodologie qualitative, plus particulièrement l’entretien semidirectif, a permis, dans cette recherche, d’apporter des nuances importantes aux stricts
effets de la surpopulation.
3. Implications pratiques ou cliniques
L’étude actuelle, en offrant une première analyse de l’état des pénitenciers pour
53
femmes au Canada quant à la surpopulation, permet de mettre en lumière un phénomène
inquiétant et peu connu de la population générale. Il constitue un signal d’alarme, autant
pour le public que pour le politique, à propos d’un phénomène réellement perturbateur.
En offrant un rapport sommaire, mais concret, elle permet de cibler les régions ainsi que
les établissements étant plus problématiques sur cet aspect. De plus, les constats
principaux pourront guider la répartition des ressources afin que cette dernière se fasse de
manière stratégique et selon les besoins véritables.
Dans un autre ordre d’idée, cette recherche, en permettant une meilleure
compréhension du degré d’affectation des détenus par la surpopulation, permet
d’identifier les grandes sphères sur lesquelles il faut tabler lors de tel période afin de
limiter les dégâts. En effet, les différentes administrations et le personnel correctionnel
des établissements pourront adapter leurs ressources, comportements et lignes directrices
en fonction des effets connus de la surpopulation afin de pallier la situation. De cette
manière, les détenues de sexe féminin, plus particulièrement, pâtiront moins en de tel
circonstances puisque la gestion de l’établissement se fera avec entres autres comme
préoccupation leur bien-être.
4. Limites
Bien que cette recherche ait mis en lumière plusieurs éléments importants
concernant le phénomène de la surpopulation, il est primordial de mentionner qu’elle
comporte quelques limites. Tout d’abord, dépendamment de l’établissement à l’étude,
peu de données mensuelles étaient disponibles concernant le doublement des cellules et
des chambres, l’utilisation des locaux, la population carcérale, etc. Cela signifie que les
moyennes présentées précédemment peuvent, dans une certaine mesure, refléter un état
de fait plus anecdotique que chronique. Toutefois, afin de corroborer les informations
obtenues par les analyses quantitatives, une méthodologie qualitative a été employée.
Cela a notamment permis de valider certaines observations mensuelles et donc de
diminuer, dans une certaine mesure, la probabilité de présenter des résultats non
représentatifs de la réalité.
54
De suite, les femmes interviewées ayant déjà vécu l’incarcération ont toutes été
détenues dans un établissement québécois. En effet, nous n’avons pu recueillir le
témoignage de femme provenant d’ailleurs au Canada notamment à cause de contraintes
liées au temps. Cela constitue une limite en soit puisque d’une part, la communauté
d’accueil des établissements influence grandement l’état de surpopulation qu’on y
observe ainsi que ses effets. D’autre part, tel que le montrent les résultats de la recherche,
la surpopulation est une problématique beaucoup plus courante et alarmante dans
certaines autres régions du Canada, notamment l’Ontario. Ainsi, la recherche aurait
grandement bénéficié du témoignage de femmes provenant d’une autre région du Canada,
les résultats auraient probablement été plus diversifiés ou encore aurait été véritablement
confirmés. Malgré cela, l’interview d’une professionnelle du milieu carcéral féminin
occupant un poste lui permettant d’être au fait de la situation au plan national et la
diversité au sein des participants, auront permis de pallier dans une certaine mesure la
limite susmentionnée.
Finalement, la dernière limite de cette recherche réside dans le choix qui a été fait
de considérer autant les effets de la surpopulation qui ont été vécu au niveau provincial
que fédéral. De fait, cela induit un certain biais puisque les prisons et pénitenciers ne sont
pas gérés de la même manière. Toutefois, afin de remédier à cette limite, uniquement les
effets de la surpopulation considérés comme « généralisables », donc observables dans
plusieurs milieux différents, ont été présentés. Ainsi, les résultats décrits sont plus
cohérents et dépourvus d’observations trop spécifiques.
Conclusion
Pour conclure, la surpopulation est un phénomène bel et bien présent dans le
milieu carcéral féminin canadien. On l’observe de manière récurrente dans la région de
l’Ontario, à l’établissement pour femmes Grand Valley, mais aussi dans la majorité des
établissements carcéraux provinciaux. Une part importante des pénitenciers canadiens
pour femme présentent également, de manière ponctuelle ou régulière, divers signes de
surpopulation passant de la double occupation cellulaire à l’ajout de locaux temporaires
pour héberger des femmes ou des services. Dans cette lignée, la surpopulation, loin d’être
55
bénigne, ébranle profondément les établissements touchés et les femmes qui y sont
incarcérées. Leur bien-être social, psychologique et physique est, entre autres, fortement
atteint ainsi que leur parcours institutionnel.
Considérant le potentiel perturbateur de la surpopulation et l’augmentation
graduelle de la population carcérale féminine actuellement observée au Canada, il serait
important que la recherche à ce sujet perdure. Ce projet de recherche se veut être un
signal d’alarme, autant pour la société en général que pour le domaine scientifique, à
propos de l’état de la situation et de l’urgence d’agir. Dans le futur, il faudra se pencher
plus précisément sur l’état de la situation dans les établissements provinciaux canadiens,
mais aussi territoriaux. Ces derniers, étant souvent retirés géographiquement et limités en
termes de ressources, sont particulièrement vulnérables et pourraient être touchés dans
une plus grande mesure par le phénomène de la surpopulation.
Par ailleurs, on remarque à ce jour qu’une principale mesure a été mise en place
par le gouvernement canadien afin d’enrayer la surpopulation, soit l’augmentation des
places disponibles dans les pénitenciers. En effet, quatre des cinq pénitenciers pour
femmes sont présentement, ou ont été récemment, en cours d’agrandissement. À court
moyen terme, ces agrandissements permettront d’accommoder physiquement un plus
grand nombre de femmes et d’enrayer les effets de la surpopulation liée à la proximité
entre les détenus. Toutefois, cette solution doit d’être mise à l’examen. Loin d’enrayer le
problème, cette mesure peut à l’opposé le renforcer puisqu’elle permettra à la population
carcérale féminine de croître sans offrir de résistance. Dans cette lignée, il serait
primordial qu’une réflexion profonde s’enclenche, autant dans la population générale que
dans la sphère politique, concernant les mesures à mettre en place pour enrayer à la fois
l’augmentation de la population carcérale et la surpopulation. En effet, la surpopulation et
ses effets mettent en lumière la problématique plus large de l’incarcération de masse. Il
serait nécessaire de revoir notre propension élevée à la détention, et peut-être même
considérer des alternatives concrètes à la privation de liberté.
56
Bibliographie
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61
ANNEXE I
CRITÈRES DE DIVERSIFICATION EXTERNE
Femme ayant vécu l’incarcération.
Femmes ayant vécues
l’incarcération (5)
Période d’incarcération minimum de 3 mois dans le même
établissement.
Expérience auprès des femmes ayant été incarcérée.
Professionnels du milieu
carcéral féminin (4)
Occuper un poste permettant de rendre compte du quotidien des
femmes en détention.
CRITÈRES DE DIVERSIFICATION INTERNE
GROUPE
CRITÈRES
Âge
Durée totale de
l’incarcération
Niveau de sécurité
Femmes ayant vécues
l’incarcération (5)
RÉPARTITION
18-30 ans (2)
plus de 30 ans (3)
dix mois et mois (3)
Plus de dix mois (2)
Minimum (population régulière) et
modéré (4)
Maximum (1)
Nombre total de
périodes d’incarcération
différentes
une incarcération (2)
deux et plus (3)
Établissement carcéral
Pénitencier (Joliette) (3)
Prison (Maison Tanguay) (2)
Lieu d’action
Région du Québec (3)
Autre région du Canada (1)
Poste occupé
Directrice d’un organisme à but non
lucratif travaillant auprès des
femmes ayant des démêlés avec le
système pénal (2)
Pairs-aidant auprès des femmes
incarcérées (2)
Professionnels du milieu
carcéral féminin (4)
62
ANNEXE II
Enquête sur la surpopulation
Le comité sur l’Action sociale du conseil d’administration de l’ACSEF a choisi comme
priorité la surpopulation des prisons pour les femmes. Jusqu’à maintenant, nous n’avons
que de l’information anecdotique sur les effets de la surpopulation. Ainsi nous
demandons aux avocates régionales de recueillir pour nous l’information suivante. Une
fois que nous aurons récolté et analysé cette information, nous l’utiliserons pour formuler
des recommandations aux conseils. SVP remplir ce formulaire une fois par mois.
Envoyez
les
formulaires
complétés
à
Jo-Anne
Wemmers
(jo-
anne.m.wemmers @umontreal.ca)
Prison _________________
Société E Fry__________________
Capacité originale de l’institution_____________________________
Présente capacité de l’institution______________________________
Date_________________________
1. Quelle est la population de la prison?____________________________________
2. Combien des unités d’habitation sont en occupation double?_________________
3. Combien des cellules sont en occupation double?__________________________
4. Est-ce que des roulottes pour des visites familiales privées sont actuellement
utilisées pour héberger des femmes? Oui_____________ Non_______________
5. Est-ce que le centre sportif est actuellement utilisé pour héberger des femmes?
Oui_______________ Non____________________
6. Est-ce que des roulottes sont actuellement utilisées pour héberger des femmes?
Oui________________ Non____________________
7. Est-ce que les roulottes sont actuellement utilisées pour héberger des services?
63
Oui________________ Non____________________
8. Est-ce qu’il y a actuellement de la construction pour répondre au problème de la
surpopulation? Oui_______________ Non__________________
a. Si oui, quand est-ce que la construction prend place?
9. Est-ce que la mobilité des femmes a été limitée à cause de la surpopulation?
Oui ___________________ Non ____________________
a. Si oui, comment?_______________
10. Est-ce que la programmation a été affectée par la surpopulation?
Oui __________________ Non ______________________
a. Si oui comment?________________________________________
64
ANNEXE III
FORMULAIRE DE CONSENTEMENT (Femmes ayant vécues l’incarcération)
Titre de la recherche : La question de la surpopulation Carcérale dans les pénitenciers
pour femmes aux Canada.
Stagiaire en Recherche : Frédéric Mercier, étudiante au Baccalauréat, École de
Criminologie, Université de Montréal.
Directrice de recherche : Jo-Anne Wemmers, professeur titulaire, École de
Criminologie, Université de Montréal.
A) RENSEIGNEMENTS AUX PARTICIPANTS
1. Objectifs de la recherche
Ce projet à pour but d’explorer comment un état de surpopulation en milieu carcérale
affecte les détenues de sexe féminin incarcérés dans les établissements fédéraux
canadiens.
2. Participation à la recherche
Votre participation à ce projet consiste à accorder une entrevue à la stagiaire en recherche
qui vous demandera de commenter les conditions de vie dans les pénitenciers pour
femmes au Canada, selon votre expérience professionnelle. Cette entrevue sera
enregistrée, avec votre autorisation, sur support audio afin d’en faciliter ensuite la
transcription et devrait durer environ 60 minutes. Le lieu et le moment de l’entrevue
seront déterminés avec l’intervieweur, selon vos disponibilités.
3. Confidentialité
Les renseignements personnels que vous nous donnerez demeureront confidentiels.
Chaque participant à la recherche se verra attribuer un nom fictif et seule la stagiaire en
recherche et son équipe auront la liste des participants et des noms fictifs correspondants.
De plus, les données seront conservées dans un lieu sûr. Aucune information permettant
de vous identifier d’une façon ou d’une autre ne sera publiée. Les enregistrements seront
transcrits et seront détruits, ainsi que toute information personnelle, sept ans après la fin
du projet. Seules les données ne permettant pas de vous identifier seront conservées après
cette période.
4. Avantages et inconvénients
En participant à cette recherche, vous pourrez contribuer à une meilleure compréhension
des effets de la surpopulation carcérale sur les détenues de sexe féminin. Il n’y a pas de
risque particulier à participer à ce projet. Il est possible cependant que certaines questions
65
puissent raviver des souvenirs liés à une expérience désagréable. Vous pourrez à tout
moment refuser de répondre à une question ou même mettre fin à l’entrevue.
5. Droit de retrait
Votre participation à ce projet est entièrement volontaire et vous pouvez à tout moment
vous retirer de la recherche sur simple avis verbal et sans devoir justifier votre décision.
Si vous décidez de vous retirer de la recherche après l’entrevue, vous pouvez
communiquer avec la stagiaire en recherche, au numéro de téléphone indiqué ci-dessous.
À votre demande, tous les renseignements qui vous concernent pourront aussi être
détruits. Cependant, après le déclenchement du processus de publication (où seules
pourront être diffusées des informations ne permettant pas de vous identifier), il sera
impossible de détruire les analyses et les résultats portant sur vos données.
B) CONSENTEMENT
J'ai pris connaissance des informations ci-dessus et je n’ai pas d'autres questions
concernant ce projet ainsi que ma participation.
Je consens librement à prendre part à cette recherche et je sais que je peux me retirer en
tout temps sans avoir à justifier ma décision.
Signature : ______________________________
Date : ________________________
Nom : __________________________________ Prénom : ______________________
Je déclare avoir expliqué le but, la nature, les avantages et les inconvénients de l'étude et
avoir répondu au meilleur de ma connaissance aux questions posées.
Signature de la stagiaire en recherche : _____________________ Date : ____________
Nom : ____________________________ Prénom : _____________________________
Pour toute question relative à l’étude, ou pour vous retirer de la recherche, veuillez
communiquer avec Frédéric Mercier au numéro de téléphone (514) 208-3224 ou à
l’adresse courriel [email protected]
Toute plainte relative à votre participation à cette recherche peut être adressée à
l’ombudsman de l’Université de Montréal au numéro de téléphone (514) 343-2100 ou à
l’adresse courriel [email protected] (l’ombudsman accepte les appels à frais
virés).
66
FORMULAIRE DE CONSENTEMENT (professionnel du milieu carcéral féminin)
Titre de la recherche : La question de la surpopulation Carcérale dans les pénitenciers
pour femmes aux Canada.
Stagiaire en Recherche : Frédéric Mercier, étudiante au Baccalauréat, École de
Criminologie, Université de Montréal.
Directrice de recherche : Jo-Anne Wemmers, professeur titulaire, École de
Criminologie, Université de Montréal.
A) RENSEIGNEMENTS AUX PARTICIPANTS
1. Objectifs de la recherche
Ce projet à pour but d’explorer comment un état de surpopulation en milieu carcérale
affecte les détenues de sexe féminin incarcérés dans les établissements fédéraux
canadiens.
2. Participation à la recherche
Votre participation à ce projet consiste à accorder une entrevue à la stagiaire en recherche
qui vous demandera de commenter votre passage en institution carcérale. Cette entrevue
sera enregistrée, avec votre autorisation, sur support audio afin d’en faciliter ensuite la
transcription et devrait durer environ 60 minutes. Le lieu et le moment de l’entrevue
seront déterminés avec l’intervieweur, selon vos disponibilités.
3. Confidentialité
Les renseignements personnels que vous nous donnerez demeureront confidentiels.
Chaque participant à la recherche se verra attribuer un nom fictif et seule la stagiaire en
recherche et son équipe auront la liste des participants et des noms fictifs correspondants.
De plus, les données seront conservées dans un lieu sûr. Aucune information permettant
de vous identifier d’une façon ou d’une autre ne sera publiée. Les enregistrements seront
transcrits et seront détruits, ainsi que toute information personnelle, sept ans après la fin
du projet. Seules les données ne permettant pas de vous identifier seront conservées après
cette période.
4. Avantages et inconvénients
En participant à cette recherche, vous pourrez contribuer à une meilleure compréhension
des effets de la surpopulation carcérale sur les détenues de sexe féminin. Il n’y a pas de
risque particulier à participer à ce projet. Il est possible cependant que certaines questions
puissent raviver des souvenirs liés à une expérience désagréable. Vous pourrez à tout
moment refuser de répondre à une question ou même mettre fin à l’entrevue.
67
5. Droit de retrait
Votre participation à ce projet est entièrement volontaire et vous pouvez à tout moment
vous retirer de la recherche sur simple avis verbal et sans devoir justifier votre décision.
Si vous décidez de vous retirer de la recherche après l’entrevue, vous pouvez
communiquer avec la stagiaire en recherche, au numéro de téléphone indiqué ci-dessous.
À votre demande, tous les renseignements qui vous concernent pourront aussi être
détruits. Cependant, après le déclenchement du processus de publication (où seules
pourront être diffusées des informations ne permettant pas de vous identifier), il sera
impossible de détruire les analyses et les résultats portant sur vos données.
B) CONSENTEMENT
J'ai pris connaissance des informations ci-dessus et je n’ai pas d'autres questions
concernant ce projet ainsi que ma participation.
Je consens librement à prendre part à cette recherche et je sais que je peux me retirer en
tout temps sans avoir à justifier ma décision.
Signature : ______________________________
Date : ________________________
Nom : __________________________________ Prénom : ______________________
Je déclare avoir expliqué le but, la nature, les avantages et les inconvénients de l'étude et
avoir répondu au meilleur de ma connaissance aux questions posées.
Signature de la stagiaire en recherche : _____________________ Date : ____________
Nom : ____________________________ Prénom : _____________________________
Pour toute question relative à l’étude, ou pour vous retirer de la recherche, veuillez
communiquer avec Frédéric Mercier au numéro de téléphone (514) 208-3224 ou à
l’adresse courriel [email protected]
Toute plainte relative à votre participation à cette recherche peut être adressée à
l’ombudsman de l’Université de Montréal au numéro de téléphone (514) 343-2100 ou à
l’adresse courriel [email protected] (l’ombudsman accepte les appels à frais
virés).
68
ANNEXE IV
Prise de contact détaillée :
1er contact (faite par les membres de la direction de la Société Elizabeth Fry du Québec) :

Indiquer pourquoi on l’interpelle : Étudiante en criminologie à l’Université de
Montréal fait présentement un stage en recherche sur le quotidien et les
conditions de vie en incarcération.

Indiquer ce que l’on veut d’elle : faire une entrevue à propos de son vécu en
incarcération (ou de son expérience auprès de la clientèle carcérale féminine).

Précisez son implication : rencontrera l’étudiante environ une heure, la
rencontre se fera à l’heure et l’endroit de son choix.

Précisez la confidentialité : Les informations recueillis lors de l’entretien
seront confidentiels et anonymes.

Précisez l’importance de son implication : Son aide serait très utile et
permettrait à l’étudiante de mieux comprendre l’expérience de la détention.
*Puisque la prise de contact c’est fait par une autre personne que la stagiaire en recherche
et que cette dernière n’était pas présente, la prise de contact a pu différer du modèle
présenté ci-haut.
2e contact (par l’étudiante en recherche)

Précisez qui je suis : Je m’appelle Frédéric Mercier, je suis étudiante en
dernière année au baccalauréat en criminologie à l’Université de Montréal.

Pourquoi je les interpelle : Tel membre de la direction de la Société Elizabeth
Fry du Québec m’a indiqué que vous étiez intéressé à participer à ma
recherche sur les conditions de vie et le quotidien en incarcération.

Précisez l’indépendance de la recherche et la confidentialité : Ma recherche se
fait en partenariat avec la Société Elizabeth Fry du Québec, mais elle demeure
indépendante. Aucun membre de la Société n’aura accès aux enregistrements
69
des entretiens, ni au contenue. Les témoignages sont anonymes et
confidentiels.

Planifiez un rendez-vous : Quand seriez-vous disponible pour faire l’entrevue?
Cette dernière devrait durer environ une heure.

Remercier : je vous remercie grandement pour votre participation, votre
témoignage sera d’une grande utilité. Vous êtes très généreuse de votre temps.
70
ANNEXE V
Entrevue avec les professionnels du milieu carcéral féminin
Question de départ : J’aimerais que vous me parliez des conditions de vie et du
quotidien des femmes incarcérées dans des établissements fédéraux au Canada.
Questions subséquentes générales :
1. Comment se déroule la vie des femmes en incarcération?
2. J’aimerais que vous me décriviez une journée typique en incarcération.
3. Comment se déroule les ateliers (programmes) auxquels participent les
femmes?
4. J’aimerais que vous me décriviez comment se déroule les relations
interpersonnelles entre les femmes.
5. J’aimerais que vous me décriviez comment se déroule les relations entre
les femmes et le personnel correctionnel.
Questions subséquentes liées directement aux thèmes :
1. J’aimerais que vous m’expliquiez quels sont les effets de la surpopulation sur le
bien-être physique des détenues.
2. J’aimerais que vous m’expliquiez quels sont les effets de la surpopulation sur le
bien-être psychologique des détenues.
3. En quoi la programmation des pénitenciers est-elle influencée par un état de
surpopulation dans ce dernier?
4. J’aimerais que vous m’expliquiez quels sont les impacts de la surpopulation sur la
flexibilité du système par rapport aux demandes des détenues?
5. Quels sont les impacts de la surpopulation sur les relations interpersonnelles des
détenues?
71
Entrevue avec les femmes ayant vécu l’incarcération
Question de départ : J’aimerais que vous me parliez des conditions de vie et du
quotidien lors de votre période d’incarcération.
Questions subséquentes générales :
6. Comment se déroulait votre vie en incarcération?
7. J’aimerais que vous me décriviez une journée typique en incarcération.
8. Comment se déroulait les ateliers (programmes) auxquels vous
participiez?
9. Décrivez-moi les relations que vous entreteniez avec les autres détenues.
10. Décrivez-moi les relations que vous entreteniez avec le personnel du
pénitencier.
11. J’aimerais que vous me parliez des éléments que vous aimiez et des
éléments que vous aimiez moins en incarcération.
Questions subséquentes liées directement aux thèmes (pour s’assurer que ces
derniers soient abordés) :
1. En quoi un grand nombre de détenus dans votre unité et dans les salles
communes influençait-il votre bien-être physique?
2. Quels effets avait la surpopulation dans le pénitencier sur votre bien-être
psychologique?
3. En quoi la programmation du pénitencier était-elle perturbée lors de périodes
de surpopulation?
4. Quels étaient les impacts de la surpopulation sur le traitement de vos
demandes par le personnel du pénitencier?
5. En quoi vos relations interpersonnelles étaient-elles influencées par l’état de
surpopulation?
72