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Programme Denis MATSUEV
Piotr Illich TCHAIKOVSKI (1840 – 1893)
Les Saisons opus 37b
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Janvier : Au coin du feu
Février : Carnaval
Mars : Chant de l’alouette
Avril : Perce-neige
Mai : Les nuits de mai
Juin : Barcarolle
Juillet : Chant des moissonneurs
Août : La moisson
Septembre : La Chasse
Octobre : Chant d’Automne
Novembre : Course en troïka
Décembre : Noël
- - - - - - ENTRACTE - - - - - -
Franz LISZT (1811 – 1886)
Méphisto Valse n° 1 – Episode du Faust de Lenau « La danse dans l’auberge du village »
allegro vivace quasi presto)
Serge RACHMANINOV (1873 – 1943)
Prélude opus 32 n° 12 en sol dièse mineur (Allegro)
Piotr Illich TCHAIKOVSKI (1840 – 1893)
Méditation opus 72 n°5 (andante mosso)
Igor STRAVINSKY (1882 – 1971)
Trois mouvements de Petrouchka
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1. Danse Russe – Allegro giusto
2. Chez Petrouchka - Stringendo
3. Fête populaire de la semaine grasse – Con moto
Plusieurs grands compositeurs ont écrit sur le thème des Saisons. Si les plus célèbres d’entre elles
demeurent les Quatre Saisons de Vivaldi (quatre concertos extraits de l’Opus 8) dont Astor Piazzola
s’est même inspiré, on retrouve aussi un oratorio magistral composé par Joseph Haydn, une Suite
orchestrale écrite par Glazounov, un Quintette à cordes chez Félicien David, et bien sûr le cycle pour
piano de Tchaïkovski que nous allons entendre ce soir.
Tchaïkovski a composé Les Saisons dans des circonstances particulières puisque le journaliste Nicolaï
Bernard lui proposa d’éditer dans sa revue musicale mensuelle « Le Nouvelliste » une pièce
s’inspirant directement du mois de sa publication. Ces douze pièces furent publiées de janvier à
décembre 1876 avant leur édition globale neuf ans plus tard, en 1885 chez Jurgenson l’éditeur
officiel des œuvres de Tchaïkovski.
Le fait que ces douze pièces aient été composées au fur et à mesure des mois et aussitôt éditées n’a
pas permis à Tchaïkovski d’éviter le problème de la répétition puisqu’il n’avait pas le recul nécessaire
pour concevoir le cycle dans sa globalité. Si chaque pièce est particulière et très différente des autres
dans sa conception et son inspiration, on remarque cependant que plusieurs pièces de même
atmosphère s’enchaînent lorsqu’on joue le cycle en entier. Malgré celà, la richesse des coloris, la
force évocatrice et les subtilités harmoniques employées par Tchaïkovski dans chacune de ces douze
miniatures font très vite oublier ce léger écueil.
Si Tchaïkovski est très connu pour ses concertos pour piano (et tout particulièrement pour le
premier), ses compositions pour piano seul n’ont pas connu la même renommée. A l’exception de
trois sonates, son œuvre pianistique est principalement constituée de courtes pièces de salon de
forme libre et particulièrement typiques du romantisme russe. Les Saisons font figure d’exception
compte tenu de leur conception cyclique et de leur contenu poétique et narratif.
Par leur inspiration Les Saisons sont typiquement russes. Elles décrivent certaines scènes et activités
de la vie champêtre en Russie. Par leur dimension, leur écriture et leur inspiration ces douze tableaux
musicaux se rapprochent de certaines œuvres de grands compositeurs romantiques allemands tels
que Mendelssohn (Romances sans parole) ou Schumann (Scènes de la forêt).
Bien que Tchaïkovski adorait voyager (et tout particulièrement en Italie et en France dont sa mère,
Alexandra Assier, était originaire), il souffrait rapidement du mal du pays et ne pouvait rester éloigné
de sa Russie natale. Dans les Saisons, il déclare tout son amour à sa patrie. Il y dépeint un monde
aujourd’hui disparu que l’on retrouve dans les romans, nouvelles ou pièces de grands écrivains russes
comme Tourgeniev, Gogol ou Tchekov.
Dans les Saisons, Tchaïkovski ne se contente pas de décrire musicalement la vie campagnarde au gré
des mois, mais pour chaque mois il fait référence à des poésies écrites par neuf écrivains russes :
Pouchkin, Vjasemski, Maikov, Fet, Pleschtscheiev, Kolzov, Nekrassov, Shokovski et Tolstoï.
Tchaïkovski a tenu à ce qu’en guise d’épigraphe, une strophe évocatrice de ces poèmes figure sur la
partition.
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Franz Liszt a toujours été tiraillé entre deux mondes irrémédiablement opposés. Lui, l’abbé qui a reçu
les ordres mineurs et qui était sujet à de violentes crises mystiques depuis son plus jeune âge était
aussi fasciné par le Diable. Toute la personnalité de Liszt est influencée par cette dualité. La définition
souvent donnée de Liszt « Tsigane et Franciscain » illustre de façon évidente cette opposition. Liszt,
aspirant au niveau spirituel à l’ascèse et à la méditation était en totale opposition avec sa vie sociale
faite de conquêtes féminines et de séduction tant dans les salons que sur l’estrade.
Nombre de ses œuvres témoignent de la lutte entre le Bien et le Mal, entre l’Enfer et le Paradis
comme en témoignent par exemple ses œuvres inspirées par la Divine Comédie de Dante. Même si
elle n’est pas explicite, cette présence démoniaque se manifeste aussi dans de nombreuses autres
compositions (comme la Totentanz).
Pendant la période romantique (dont Liszt était un des acteurs les plus actifs), le personnage de Faust
alors très à la mode incarnait parfaitement la lutte entre le Bien et le Mal. Tiré d’une légende du
seizième siècle, le Faust a été remis au goût du jour par deux grands écrivains allemands : Johann
Wolfgang von Goethe en 1790 et Nikolaus Lenau en 1836.
Liszt qui était un érudit et un lecteur insatiable s’empara du Mythe de Faust dont les trois principaux
personnages sont pour lui autant de sujets d’inspiration : Faust qui pactise avec le Diable pour
conserver sa jeunesse, Marguerite (Gretchen) la victime aimante et expiatoire du pacte diabolique et
Méphistophélès, le suppôt de Satan fourbe et tentateur. Ces trois personnages sont récurrents dans
l’œuvre de Liszt. On les retrouve notamment dans la Sonate en si mineur, dans la Faust Symphonie,
mais aussi dans les quatre Méphisto-Valses, la Méphisto-Polka et la Bagatelle sans tonalité.
Liszt avait tout d’abord composé en 1858 un poème symphonique en deux parties « la procession
nocturne » suivie de la « danse dans l’auberge du village ». C’est en 1860 qu’il compose la version
pour piano (à deux mains) pour son élève Carl Tausig. Liszt ne conserve pour cette version pianistique
que la seconde partie du poème symphonique qu’il intitule « Méphisto-valse ». En 1861 il compose
une seconde transcription pour piano à quatre mains qui reprend cette fois les deux parties du
poème symphonique.
Dans le premier Méphisto-Valse, Liszt suit scrupuleusement le texte de Lenau où Méphistophélès
déguisé en chasseur emmène Faust dans une auberge campagnarde afin de se divertir. Dans
l’auberge s’y déroule une noce paysanne. Méphistophélès trouvant que la danse ennuyeuse
reproche au violoneux de jouer tristement. Il s’empare alors du violon et entraîne les participants
envoûtés dans une ronde infernale qui se terminera en orgie. C’est à cette occasion que Faust
rencontre Marguerite et la courtise. Notons que le violon, instrument particulièrement virtuose était
souvent assimilé au diable depuis « Les trilles du Diable » de Tartini, jusqu’au jeu sidérant et
sulfureux de Nicolo Paganini, lui-même considéré par ses contemporains comme l’incarnation du
diable.
La réputation de Liszt fût certainement moins sulfureuse que celle de Paganini. Cependant lui aussi
fût « accusé » de posséder des dons démoniaques, ce qui après tout n’est pas totalement infondé
lorsqu’on écoute cette première Méphisto-Valse qui nécessite des aptitudes pianistiques
proprement …… diaboliques !
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C’est en prenant exemple sur Frédéric Chopin qu’il admirait tout particulièrement que Serge
Rachmaninov compose lui aussi vingt-quatre Préludes pour piano (Prélude Opus 3 n°2 – dix Préludes
opus 23 et treize Préludes opus 32), qui parcourent toutes les tonalités majeures et mineures. Chopin
avait procédé d’une façon similaire cinquante ans plus tôt en prenant pour modèle les quarante-huit
Préludes et Fugue du Clavier Bien Tempéré de Jean-Sébastien Bach. Contrairement à Chopin,
Rachmaninov s’autorise cependant une plus grande liberté dans l’ordre tonal de ses Préludes, sans
doute parce qu’ils ne sont pas destinés à être joués à la suite comme le sont les vingt-quatre Préludes
opus 28 de Chopin.
En ôtant la Fugue, Chopin a créé un genre pianistique nouveau où le Prélude n’est plus considéré
comme une simple introduction à une autre pièce, mais devient une entité indépendante, concise et
poétique et libérée de toutes contraintes structurelle et temporelle. Le principe du Prélude pour
piano conçu par Chopin sera repris par d’autres grands compositeurs tels que Scriabine, Debussy et
bien sûr Rachmaninov.
Les treize Préludes Opus 32 ont été publiés en 1910 soit six ans après le cahier des Préludes Opus 23.
Tout comme ces derniers, ils utilisent un langage typiquement russe, mais s’en différencient par une
écriture plus complexe qui utilise des harmonies encore plus recherchées. Le Prélude n° 12 en sol
dièse mineur demeure à juste titre l’un des plus célèbres. Il est particulièrement typique du langage
de Rachmaninov alliant une écriture pianistique très virtuose à une mélodie élégiaque, à la fois
dépouillée et empreinte d’une grande nostalgie.
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En avril 1893, Tchaïkovski entame l’écriture d’une série de pièces pour piano. Selon le projet original,
trente pièces devaient être composées, mais seulement dix-huit verront finalement le jour avant la
disparition du compositeur, intervenue le 18 novembre 1893.
Bien que les dix-huit pièces opus 72 aient été écrites en même temps que la Symphonie
« Pathétique » opus 74 (au climat particulièrement tourmenté et dramatique), leur atmosphère est
radicalement opposée. Il se dégage de la plupart d’entre elles un sentiment d’insouciance et de
légèreté particulièrement rafraichissant.
Dans cette série pianistique, Tchaïkovski puise ses idées dans de multiples sources. Il utilise divers
rythmes de danses (Valse bluette, Danse caractéristique, Mazurka pour danser, Invitation au Trépak
et écrit même une valse à cinq temps !). Il compose aussi deux savoureux pastiches (un poco di
Chopin et un poco di Schumann) et des pièces plus intimes et nostalgiques (Berceuse – Passé lointain
– Méditation – Dialogue Chanson élégiaque).
Nous entendrons ce soir la cinquième pièce intitulée « Méditation ». Elle est typique des nombreuses
« pièces de salon » composées par Tchaïkovski. Extrêmement lyrique, cette pièce au caractère très
intimiste suit une progression savamment conduite menant à deux épisodes aux puissants accords
arpégés, et aux nuances particulièrement contrastées. La fin de l’œuvre est dominée par un très long
trille dans les aigus sur laquelle vient mourir la mélodie. Cette pièce rappelle l’Andante cantabile de
la cinquième symphonie, composé lui aussi dans la tonalité de ré majeur.
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Petrouchka est une légende issue du folklore russe que Stravinsky va écrire en 1910 tout d’abord
sous forme de ballet, en guise de récréation pendant qu’il travaille d’arrache pied à la composition
du Sacre du Printemps.
Stravinsky envisage tout d’abord de composer une pièce pour piano et orchestre. Cependant ses
amis Diaghilev et Nijinski qui avaient déjà créé l’Oiseau de Feu avec les Ballets Russes le convaincront
de modifier son projet pour en faire une nouvelle musique de ballet, dont voici le scénario :
Trois marionnettes au cours d’une fête foraine prennent vie : Le pantin Petrouchka, Le Maure (rival
de Petrouchka) et la Ballerine. Ces trois personnages de chiffon vont connaître toute l’étendue des
sentiments humains de l’amour à la haine en passant par la jalousie. Petrouchka sera bien sûr
amoureux de la Ballerine, mais il sera assassiné par le Maure et mourra dans l’indifférence générale
entouré d’une foule de carnaval. Cependant l’esprit de Petrouchka qui lui est immortel apparaîtra
finalement au-dessus des toits des baraques de la foire, en faisant un pied de nez au monde entier.
L’œuvre sera créée au Théâtre du Châtelet le 13 juin 1910 avec Nijinski dans le rôle titre et dirigée
par Pierre Monteux (qui dirigera aussi trois ans plus tard, la première du Sacre du Printemps, qui
déclenchera un scandale retentissant). Contrairement au Sacre du Printemps, l’accueil du public fût
enthousiaste et devant le succès de son œuvre, Stravinsky en fera plusieurs transcriptions pour piano
seul, mais aussi pour piano à quatre mains et deux pianos.
La version que nous entendrons ce soir a été écrite en 1921 pour Arthur Rubinstein qui, à la lecture
de la partition déclara « qu’il ne fallait pas beaucoup plus de courage pour jouer Petrouchka que pour
demander une belle jeune femme en mariage ». Stravinsky a ainsi transcrit trois pièces de son ballet
(tirées des premier et deuxième tableaux) pour en faire une œuvre qui reste parmi les plus célèbres
pièces de virtuosité du répertoire pianistique du vingtième siècle.
J.N. REGNIER
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