Prévention et indemnisation des entreprises en cas de dommages
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Prévention et indemnisation des entreprises en cas de dommages
PREVENTION ET INDEMNISATION DES ENTREPRISES EN CAS DE DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - Propositions de la CCIP Rapport présenté par Monsieur Alain CAILLOU au nom de la Commission du commerce intérieur, après avis de la Commission fiscale et adopté à l’Assemblée générale du 19 février 2004 - SYNTHESE DES PROPOSITIONS - La réalisation de travaux sur la voie publique, même exécutés avec le maximum de précautions, engendre des difficultés d’exploitation pour les entreprises, se traduisant, le plus souvent, par des pertes de chiffre d’affaires. Ainsi, dans la circonscription de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, les grands projets territoriaux se multiplient. Pour faire face aux conséquences qui en résultent pour ses ressortissants, notre Compagnie, à l’aune de premières expériences concrètes, souhaite formuler des propositions, tant en termes de prévention que d’indemnisation des dommages. Il ne s’agit pas de poser un carcan d’actions rigides, mais plutôt de suggérer des outils d’accompagnement et de réparation adaptables aux situations locales. Bien évidemment, dès l’élaboration des projets, une implication des entreprises et de leurs représentants dans les procédures de concertation préalable et d’enquête publique reste indispensable, pour inciter les collectivités locales à adopter des mesures préventives le plus en amont possible. 1) Sur l’information et la prévention - Mettre en place, en amont des travaux, un dispositif d’observation, notamment : ¾ constituer une cellule d’observation entre les acteurs concernés (collectivités locales, maîtres d’ouvrage, organismes consulaires…) dans le périmètre impacté, dès la connaissance de la décision de principe d’engager l’opération ; ¾ établir, avec l’aide des associations de commerçants, des panels d’entreprises pour analyser l’évolution de leur activité, de leur clientèle et de leur chiffre d’affaires ; 2 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS - Instaurer dans les CCI des modes d’accompagnement des entreprises, en particulier des commerces de proximité et des TPE, consistant par exemple en des fiches d’information ou des conseils personnalisés visant à : ¾ suivre et faire valider régulièrement les comptes ; ce qui permettra ensuite d’attester de baisses éventuelles de chiffre d’affaires. Si l’accompagnement remonte à au moins un an avant le commencement des travaux, les comparaisons s’effectuent de manière pertinente sur des périodes équivalentes ; ¾ procéder pendant les travaux à des constats d’huissier réguliers et collecter des lettres de clients manifestant leur difficulté d’accès ; ¾ assister les entreprises, qui le souhaitent, pour solliciter des organismes comme l’URSSAF, l’administration fiscale dont les trésoriers-payeurs-généraux, des moratoires de paiement de cotisations : les CCI peuvent user de leurs bonnes relations avec les administrations publiques pour que celles-ci désignent en leur sein un référent comme interlocuteur unique des entreprises touchées par les travaux ; - Introduire dans la loi fiscale des mesures favorables aux entreprises subissant des travaux publics : ¾ transposer à celles relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux le système prévu par le décret du 21 janvier 2004 en faveur des salariés : étalement du paiement de l’impôt jusqu’au 31 mars de l’année suivante, en cas de chute de revenu supérieure à 30 % ; ¾ réviser à la baisse la valeur locative servant de base aux impôts locaux. 2) Sur la création de Commissions de règlement amiable - Instituer, selon les besoins locaux, des Commissions de règlement amiable susceptibles d’indemniser les entreprises, en concertation avec les collectivités locales mais également avec les principaux maîtres d’ouvrage ou maîtres d’œuvre (SNCF, RAPT, EDF…) de notre circonscription. Bien entendu, la CCIP 3 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS participerait activement à cette démarche aux côtés de représentants de l’administration, de la Chambre de métiers et de magistrats de l’ordre administratif ; - Prévoir une composition adaptée à chaque situation, mais selon quelques principes directeurs : ¾ les représentants de la collectivité publique initiatrice des travaux (communes, départements, régions, intercommunalités) ; ¾ dans le cas d’un contrat de plan Etat-région, un représentant de la région, un représentant de la préfecture de région et le délégué régional au commerce et à l’artisanat ; ¾ les maîtres d’ouvrage s’ils sont différents des collectivités initiatrices (RATP, SNCF…) ; ¾ des représentants des administrations fiscale (dont le trésorier-payeurgénéral) et sociale ; ¾ les organismes consulaires (CCI et chambre de métiers géographiquement compétentes). La Commission devra être présidée par un magistrat du tribunal administratif, dès lors que les principes d’indemnisation font une application de la jurisprudence en matière de dommages de travaux publics. 3) Sur le processus d’indemnisation - Instaurer une procédure contradictoire, avec un examen de la demande par tous les membres et ensuite la détermination de l’indemnisation ; la Commission doit pouvoir solliciter toute expertise utile et l’entreprise une contre-expertise ; - Prescrire, pour les situations d’urgence (par exemple : dépôts de bilan, licenciements…), le traitement du dossier dans les quinze jours et permettre une avance pécuniaire. En tout état de cause, ce délai de traitement ne doit pas excéder deux mois ; 4 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS - Laisser le choix à l’entreprise de recourir soit à la Commission, soit au juge, sachant que la saisine de cette Commission n’est pas un préalable obligatoire à une action judiciaire. Toutefois, dès lors que l’entreprise accepte la décision, elle signe un protocole d’accord valant transaction et renonciation à tout recours contentieux. Elle peut, toutefois, contester cette décision en engageant devant le tribunal administratif une procédure de plein contentieux ; - Inciter à la création de Commissions assorties d’un fonds d’indemnisation permettant à la collectivité locale et au maître d’ouvrage la provision d’une avance sur réparation ; l’avantage est, suite à la décision d’indemnisation actée dans le protocole d’accord, de réduire les délais de mandatement et de rendre les sommes immédiatement disponibles. 5 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS - SOMMAIRE PAGES I – RAPPEL DU DROIT POSITIF ET OBSERVATIONS _________________________________ 9 A/ Responsabilité sans faute pour dommage anormal et spécial ____________________ 10 1) Responsabilité sans faute de l’administration ___________________________________ 2) Dommage anormal et spécial subi par l’entreprise _______________________________ a) Spécialité _____________________________________________________________ b) Anormalité ____________________________________________________________ 10 10 10 11 B/ Mise en oeuvre de la responsabilité de la puissance publique ____________________ 13 1) Procédure ordinaire : le recours contentieux____________________________________ a) Modalités de l’action ____________________________________________________ b) Absence de délai particulier_______________________________________________ 2) Procédure d’urgence : le référé-provision ______________________________________ a) Conditions de recevabilité ________________________________________________ b) Conditions d’octroi de la provision __________________________________________ c) Eléments de procédure __________________________________________________ 13 13 14 14 14 15 16 C/ Réparation du préjudice ___________________________________________________ 16 1) Principe ________________________________________________________________ 16 2) Évaluation de l'indemnité __________________________________________________ 17 D/ Observations ____________________________________________________________ 17 1) Sur la procédure de droit commun ___________________________________________ 17 2) Sur la procédure de référé-provision__________________________________________ 18 II – PROPOSITIONS DE LA CCIP _________________________________________________ 19 A/ Information et prévention __________________________________________________ 20 1) Mise en place d’un dispositif d’observation _____________________________________ 20 2) Accompagnement des entreprises ___________________________________________ 20 3) Echéancier fiscal en matière d’impôt sur le revenu_______________________________ 21 B/ Création de commissions de règlement amiable d’indemnisation des dommages de travaux publics _____________________________________________________________ 22 1) Intérêt _________________________________________________________________ 22 2) Composition ____________________________________________________________ 23 3) Indemnisation ___________________________________________________________ 24 C/ Création de commissions de règlement amiable avec fonds d’indemnisation : la solution idéale _____________________________________________________________________ 25 ANNEXE I : INITIATIVES LOCALES EN MATIERE DE REGLEMENT AMIABLE____________ 26 ANNEXE II : RESUME DE L’ACTION TRAMWAY DE LA DELEGATION DE SEINE-SAINT-DENIS DE LA CCIP __________________________________________________________________ 33 ANNEXE III : RESUME DE L’ACTION TRAMWAY DE LA DELEGATION DE PARIS DE LA CCIP ____________________________________________________________________________ 35 6 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS La réalisation de travaux sur la voie publique, même exécutés avec le maximum de précautions, engendre des gênes pour l'accès et, donc, pour l'exploitation des entreprises riveraines. Dans certains cas, l’ampleur et la durée de certains chantiers d’aménagement urbain donnent lieu à des difficultés telles qu'elles peuvent se traduire par la perte de revenus commerciaux conduisant parfois l’entreprise à cesser son activité. Dans la circonscription de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, on assiste à une multiplication de grands projets territoriaux qui -s’ils témoignent le plus souvent d’un réel dynamisme économique- ne sont pas sans avoir des répercussions sur les activités économiques localisées à proximité. Ainsi peut-on citer en exemple les différents projets de transport en commun en site propre (TCSP) envisagés ou en cours de réalisation en Ile-de-France (futur tramway sur les maréchaux en rocade sud de Paris…), dont les travaux s’étalent sur plusieurs années. Pour faire face aux conséquences qui résultent de ces situations pour les entreprises et auxquelles sont quotidiennement confrontées ses délégations départementales, notre Compagnie souhaite formuler des propositions. Au préalable, il faut insister sur la nécessité de tirer au mieux profit des procédures de concertation préalable et d’enquête publique, qui précèdent l’autorisation administrative des projets, et dans lesquelles les entreprises et leurs représentants doivent absolument intervenir pour inciter la collectivité publique et le maître d’ouvrage à adopter des mesures préventives limitant les impacts négatifs des opérations1. 1 Voir en ce sens les propositions de la CCIP contenues dans le rapport de M. Barilleau du 4 décembre 2003, « Pour une meilleure intégration de l’activité économique dans la ville », téléchargeable sur www.ccip.fr. 7 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS Le présent rapport, après avoir décrit la procédure permettant d'engager la responsabilité de la puissance publique pour dommages permanents de travaux publics2, tente de dégager des solutions qui s’articuleront autour de dispositifs, d’abord de prévention en amont de l’engagement des chantiers, puis de réparation, les plus susceptibles de répondre aux besoins immédiats et nécessaires du professionnel qui désire poursuivre son activité. Il ne s’agit pas ici de poser un carcan d’actions rigides se substituant aux initiatives existantes, mais plutôt de suggérer des outils d’accompagnement et d’indemnisation adaptables aux situations locales. 2 Les travaux sur la voie publique sont des travaux publics définis par la jurisprudence administrative comme des travaux immobiliers exécutés pour le compte d'une personne publique dans un but d'utilité générale (CE 10/06/21, commune de Monségur, rec. 573) ou exécutés par une personne publique au profit d'une personne privée dans le cadre d'une mission de service public (TC 28/03/55, Effimieff, rec. 616). 8 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS I – RAPPEL DU DROIT POSITIF ET OBSERVATIONS 9 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS Les entreprises peuvent être directement victimes de dommages résultant de la réalisation de travaux effectués sur la voie publique en subissant des pertes partielles ou totales de leurs revenus commerciaux. La responsabilité de la puissance publique peut alors être engagée devant le juge administratif pour dommage anormal et spécial. Une procédure d’urgence peut, au préalable, permettre l’allocation d’une provision sur l’indemnisation. A/ RESPONSABILITE SANS FAUTE POUR DOMMAGE ANORMAL ET SPECIAL 1) Responsabilité sans faute de l’administration La victime n’a pas à prouver la faute de l’administration pour obtenir la réparation du dommage. Celle-ci doit simplement réparer la rupture de l’égalité des citoyens devant les charges publiques (sans pouvoir invoquer une quelconque cause exonératoire de responsabilité, telle que la faute de la victime ou la force majeure). 2) Dommage anormal et spécial subi par l’entreprise Le dommage doit avoir un caractère direct, certain et être évaluable en argent. La responsabilité de l’administration n’est cependant reconnue que si le préjudice causé à l’entreprise est anormal et spécial. a) Spécialité Le dommage est spécial lorsqu’il concerne une personne ou une catégorie d’individus bien identifiée : par exemple, le (ou les) commerçant(s) riverain(s) de la voie publique, qui invoque(nt) un préjudice dû à des travaux sur cette voie ; le juge examine chaque cas particulier et ne statue pas collectivement. 10 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS b) Anormalité Le dommage est anormal lorsqu’il présente un caractère de gravité. Là encore, le critère de l’anormalité est vérifié par le juge au cas par cas. Par conséquent, sauf gravité particulière résultant à la fois de la nature du trouble et de l’importance du préjudice allégué, les entreprises riveraines des voies publiques doivent supporter les inconvénients d’opérations effectuées dans l’intérêt général et dont elles sont censées profiter ultérieurement. ¾ Nature du trouble ♦ Gênes causées à l'exploitation Les difficultés d’accès sont les dommages les plus fréquemment invoqués. A défaut d’être évitée, l’entrave doit être au moins compensée par l’administration moyennant des dommages-intérêts, sachant que le juge exige que les travaux incriminés aient rendu l’accès particulièrement malaisé pendant une assez longue période, ce qui exclut, le plus souvent les travaux effectués par tranches brèves : par exemple, un magasin de sport dont l’accès a été rendu difficile pendant plusieurs mois du fait de la construction du métro de Lyon3 ou un cordonnier victime de travaux de voirie ayant duré deux ans4. Sont, a fortiori, anormaux les préjudices entraînés par une privation totale d'accès. Tel est le cas d'un garagiste ayant dû cesser définitivement son exploitation parce que la rue était devenue piétonne5 ou de magasins6 ou encore de restaurants7 dans lesquels les clients ne pouvaient plus pénétrer. 3 4 5 6 7 CE 07/07/82, S.A.R.L S’Mod, req. n°22378. CE 06/03/70, Ville de Paris, rec. 165. CE 22/06/83, Communauté urbaine de Bordeaux, rec. 864. CE 27/11/74, M. Amouzegh, rec. 595. CE 09/02/66, Département du Rhône, inédit. 11 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS En revanche, la gêne partielle entraînée par un accès au magasin, rendu plus difficile mais sauvegardé grâce à des planches permettant de franchir la tranchée8 ou un passage piétonnier aménagé pendant les travaux9, ne donne pas lieu à indemnisation. ♦ Troubles de jouissance L'atteinte à l'environnement peut être également retenue, lorsque la fréquentation de l'établissement dépend de la qualité du site, de sa tranquillité, de la vue... Ainsi, en at-il été jugé des bruits de la circulation10 ou d'un chantier11 qui causaient un dommage anormal à un hôtelier, ou encore d'un restaurateur qui se plaignait d'une privation de vue12, à condition toutefois qu'elle soit réelle et durable13. ♦ Cas particulier : modification de la circulation générale Les travaux qui ont pour objet d'apporter une modification à la circulation générale, soit par un changement dans l'assiette ou dans la direction des voies publiques, soit par la création de voies nouvelles, n'entraînent jamais d'indemnisation de l’entreprise, quel que soit le trouble occasionné14. L'exploitant d'un hôtel-caférestaurant et d'une station-service ne peut prétendre à réparation en alléguant qu'une déviation de la circulation pendant plusieurs mois lui a fait perdre la quasi totalité de sa clientèle15. 8 9 10 11 12 13 14 15 CE 21/02/68, de Girardi, CJEG 1969 p. 305. CE 08/01/82, Sté Pizzeria Baltard, req. n° 22697. CE 09/02/66, Département du Rhône, inédit. CE 05/12/73, Vidal et Jenkins, rec. 696. CE 31/01/68, SEM pour l'aménagement et l'équipement de la Bretagne, rec. 83. CE 05/12/84, Sté Self Service Latin Cluny, CJEG 1985 p 181. CE 02/06/72, société Les Vedettes Blanches, rec. 414. CE 17/02/67, Ministre des T.P et transports c/Vidal, rec. 83. 12 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS ¾ Importance du préjudice Pour justifier une indemnisation, le dommage anormal doit avoir entraîné un préjudice commercial, c’est-à-dire une baisse sensible du chiffre d’affaires ou une diminution significative d’activité que le demandeur doit prouver. Il en est ainsi lorsque les difficultés d’accès à des exploitations commerciales sont telles qu’elles ont conduit à une perte de clientèle16, le Conseil d’Etat vérifiant toujours si celle-ci a été effective17. B/ MISE EN OEUVRE DE LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE 1) Procédure ordinaire : le recours contentieux a) Modalités de l’action Le contentieux des dommages de travaux publics relève de la compétence du juge administratif18 et, en première instance, du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve le lieu où le fait générateur s'est produit19. La victime peut intenter directement son action sans attendre la réponse -expresse ou implicite- de l’administration à sa demande officielle de réparation. Cette dispense facilite son exercice, soit contre l’entrepreneur, soit contre le maître d’ouvrage, ou encore contre l’un et l’autre pris solidairement20. En pratique, la victime s’adressera de préférence à la collectivité publique, par nature plus solvable. 16 17 18 19 20 CE 26 mai 1965, Ministre des T.P c/époux Tebaldini, rec. 305. CE 7 juillet 1982, S.A.R.L S’Mod, req. n° 22378. Article 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII. Article R 312-14, 2° du code de justice administrative. CE 4 mars 1955, Ville d’Orléans, rec. 140 ; CE 6 janvier 1971, Société Cracco, rec. 1226. 13 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS Par ailleurs, lorsque le dommage résulte de travaux ou d’ouvrages exécutés ou utilisés par un concessionnaire de travaux ou de service publics, seule la responsabilité de celui-ci peut être mise en cause par les victimes, sauf s’il est insolvable21 ou si le cahier des charges de la concession prévoit que la garantie de la collectivité concédante doit être recherchée22 . b) Absence de délai particulier En raison de l'absence d'obligation de décision administrative préalable, le recours est recevable sans limitation de délai23, sauf application des règles de la prescription quadriennale en matière de créances détenues à l'égard des personnes publiques24 ; soit un délai de quatre ans à compter de la survenance des faits. 2) Procédure d’urgence : le référé-provision Cette procédure devant le juge administratif permet aux victimes de dommages de travaux publics en litige avec la personne publique ou le maître de l'ouvrage, d'obtenir une avance sur l'indemnisation future due à l'issue de la procédure en justice. a) Conditions de recevabilité ¾ La victime peut saisir le juge administratif, sans décision préalable. Son recours est donc recevable sans délai, dans les mêmes conditions que dans le cadre de la procédure ordinaire, sauf règle de la prescription quadriennale. ¾ La requête doit être adressée au Président du tribunal administratif ou au Président de la cour administrative d'appel dans le ressort duquel, soit l'autorité administrative a pris la décision litigieuse, soit s'est produit le fait générateur du dommage. 21 22 23 24 CE 30 octobre 1987, Département d’Ile-et-Vilaine c/Mme Lorent, Droit. Adm 1987 n°607. CE 20 novembre 1992, Commune de Saint-Victoret, CJEG 1993 p. 183. Article R. 421-1 du code de justice administrative. Loi n°68-1250 du 31/12/68 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics. 14 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS b) Conditions d’octroi de la provision « Le juge des référés peut, même en l’absence d’une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l’a saisi lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Il peut, même d’office, subordonner le versement de la provision à la constitution d’une garantie »25. ¾ L'existence de l'obligation qui pèse sur l'administration ne doit pas être sérieusement contestable. C'est le cas chaque fois que la responsabilité de l'administration est engagée dans les domaines où la preuve d'une faute n'a pas à être démontrée par le requérant, notamment, en présence de dommages anormaux et spéciaux de travaux publics. ¾ La requête est motivée et doit comporter des conclusions indemnitaires, c'est-àdire qu'elle doit expressément contenir une demande d'allocation de somme d'argent chiffrée26. Bien que l'article R 541-1 du Code de justice administrative, n'énonce pas expressément cette condition, elle est implicite dès lors que le juge peut « même d'office subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ». C'est en toute logique que le Conseil d'Etat a refusé de considérer comme recevable une requête en référé-provision présentée parallèlement à un recours pour excès de pouvoir dont les conclusions ne peuvent, par essence, être chiffrées27. ¾ Le juge qui accorde une provision peut subordonner son paiement, à la demande du défendeur ou d'office, à la constitution d'une garantie (caution, consignation, hypothèque...), afin de préserver les deniers publics. Cette démarche ne semble, cependant, jouer que dans les affaires où les sommes d'argent en jeu sont relativement importantes. Dans un cas d'espèce relatif à des dommages de travaux publics, le juge a subordonné le versement d'une provision de 450.000 F 25 26 27 Article R 541-1 du code de justice administrative. TA Lyon ord. 20/04/90, Syndicat des copropriétaires le vallon, req. n°90-00262. CE ord. 26/10/88, Bidalou, rec. 377. 15 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS allouée par la R.A.T.P à un syndicat de copropriétaire28 à la constitution par le demandeur d'une garantie à hauteur de 50 %. c) Eléments de procédure ¾ Notification de la requête présentée au juge des référés est immédiatement faite au défendeur éventuel, avec fixation d’un délai de réponse. ¾ Si le créancier n’a pas introduit de demande au fond dans les conditions de droit commun, la personne condamnée au paiement de la provision peut saisir le juge du fond d’une requête tendant à la fixation définitive du montant de sa dette, dans un délai de deux mois à partir de la notification de la décision. ¾ Le sursis à l’exécution d’une ordonnance du juge des référés accordant une provision peut être prononcé par le juge d’appel ou par le juge de cassation si l’exécution de cette ordonnance risque d’entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés à son encontre paraissent, en l’état de l’instruction, sérieux et de nature à justifier son annulation et le rejet de la demande. ¾ L’ordonnance est susceptible d’appel puis de cassation. C/ REPARATION DU PREJUDICE 1) Principe La réparation est limitée à la partie du préjudice anormal, c'est-à-dire à compter du jour où le préjudice a commencé à revêtir ce caractère (et non à compter du commencement des travaux). 28 CAA Paris 30/01/90, RATP/Syndicat des copropriétaires, Petites affiches 23/05/90. 16 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS 2) Évaluation de l'indemnité Le droit à réparation est acquis à la date où le dommage a pris fin, quand son étendue est déterminée29. La victime doit attendre l’achèvement des travaux qui lui causent préjudice pour entamer l'action. Enfin, le montant des dommages-intérêts peut être minoré par le juge dans le cas où le fait dommageable a été une source de plus-value pour les biens de la victime : par exemple, des travaux publics effectués à proximité d'un hôtel qui, bien qu'ayant provoqué une perte de sa clientèle, ont, une fois achevés, créé un environnement plus favorable ou facilité l'accès à l'établissement. Toutefois, pour être déduite, cette plus-value doit être à la fois directe et spéciale et non pas bénéficier à l'ensemble des immeubles riverains, auquel cas ce montant n'est pas diminué30. D/ OBSERVATIONS 1) Sur la procédure de droit commun L’actuelle procédure de droit commun est souple, car elle permet de mettre en cause la responsabilité pécuniaire de l’administration et d’engager la responsabilité de cette dernière sans qu’aucune faute ait à être démontrée par le requérant. Elle n’est cependant pas satisfaisante à plusieurs points de vue : ¾ Si la responsabilité de l’administration peut être engagée sans faute, dès lors que le dommage subi est anormal et spécial, les conditions de mise en cause de la responsabilité de la puissance publique sont telles qu’elles peuvent rendre aléatoire l’octroi d’une indemnisation par le juge. L’entreprise doit, en effet, évaluer de façon chiffrée le dommage « anormal » qui lui a été causé, notamment la perte de clientèle qui a conduit à la chute de revenus et, en outre, apporter la preuve précise du lien de causalité entre le dommage et le préjudice subi. Cette 29 30 CE 21/03/47, Dame Veuve Aubry, Dame Veuve Lefèvre et Dame Veuve Pascal, rec. 122. CE 22/01/69, Ville de Libourne, rec. 37, CE 08/12/71, Germain, rec. 752. 17 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS preuve peut facilement être combattue par le maître d’ouvrage qui invoque, notamment, une baisse d’activité antérieure aux travaux réalisés sur la voie publique. ¾ Mais surtout, la longueur de la procédure devant le juge administratif peut aboutir, quand l’allocation est effectivement octroyée, à une indemnisation trop tardive pour l’entreprise dont la situation économique est irrémédiablement compromise. 2) Sur la procédure de référé-provision Cette procédure est parfaitement adaptée à la nature de ce contentieux, car la victime peut obtenir une avance sur les sommes qui lui seraient effectivement allouées à l’issue d’une procédure beaucoup plus longue. Depuis la réforme introduite par la loi du 30 juin 2000 relative au référé devant la juridiction administrative31, qui n’impose plus l’introduction parallèle d’une instance portant sur le même objet devant le juge du fond, l’efficacité de ce type de référé peut être comparée à son équivalent devant le juge judiciaire32. 31 32 Incorporée au code de justice administrative (livre V). Article 809 du nouveau code de procédure civile. 18 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS II – PROPOSITIONS DE LA CCIP 19 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS Ces préconisations résultent des enseignements de différentes expériences déjà menées ou en cours dans notre circonscription. Il s’agit de grandes lignes directrices qui peuvent guider les parties prenantes au niveau local. A/ INFORMATION ET PREVENTION 1) Mise en place d’un dispositif d’observation Il serait utile, selon les circonstances locales, en amont des travaux, de constituer avec les acteurs concernés (collectivités locales, maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre, organismes consulaires…) une cellule d’observation dans le périmètre impacté par les travaux publics, dès la connaissance de la décision de principe de les engager. Le système d’information territoriale (SITe) développé par la CCIP, est un instrument utile en ce sens, puisqu’il fournit des données précises sur l’équipement commercial existant et son évolution, par secteur d’activité. Avec l’aide d’associations de commerçants qui sont idéalement des points-relais, il pourrait être mis en place un panel de chefs d’entreprises pour observer l’évolution de leur activité, de leur chiffre d’affaires (par exemple, sur 3 ans), l’impact des travaux sur leur clientèle… 2) Accompagnement des entreprises L’accompagnement des CCI et des chambres de métiers serait plus particulièrement dirigé vers les commerces de proximité et les TPE. Il pourrait s’agir d’élaborer des fiches d’information et de dispenser des conseils personnalisés consistant à suggérer aux entreprises, par exemple : - de suivre et de faire valider régulièrement leurs comptes, ce qui permettrait ensuite d’attester de baisses éventuelles de chiffre d’affaires. Si 20 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS l’accompagnement s’effectue au moins un an avant le commencement des travaux, les comparaisons s’effectueront de manière pertinente sur des périodes équivalentes (ce qui favorise notamment la prise en compte de la saisonnalité des activités..) ; - de procéder pendant les travaux à des constats d’huissiers réguliers, de collecter des lettres de clients manifestant leur difficulté d’accès… Les CCI pourraient jouer un rôle d’intermédiaire actif avec les maîtres d’ouvrage, compte tenu de la multiplicité des intervenants sur un chantier (EDF, GDF, service des eaux, RATP, SNCF…). Elles pourraient également assister les entreprises, qui le souhaitent, pour solliciter des administrations comme l’URSSAF, l’administration fiscale dont les trésoriers-payeurs-généraux, des moratoires de paiement de cotisations : elles useraient de leurs bonnes relations avec les administrations publiques pour que celles-ci désignent en leur sein un référent comme interlocuteur unique. Enfin, cet accompagnement pourrait valoir également pour étudier, avec les collectivités locales et les maîtres d’ouvrage, les conditions de « sortie » des travaux. 3) Echéancier fiscal en matière d’impôt sur le revenu Le décret du 21 janvier 2004 relatif à l’octroi de délais de paiement en matière d’impôt sur le revenu33 permet au contribuable qui connaît une baisse de revenu supérieure à 30 % d’obtenir un étalement du paiement de l’impôt jusqu’au 31 mars de l’année suivante34. Cependant, seuls les contribuables qui perçoivent des revenus entrant dans la catégorie des traitements, salaires, indemnités, pensions et rentes viagères peuvent bénéficier de ce dispositif. Sont, donc, notamment, exclues les entreprises astreintes au paiement de cet impôt. 33 34 JO 22/01/2004. Cette baisse est principalement constatée entre les revenus du mois de la demande et la moyenne des revenus des trois mois précédents. 21 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS Cette restriction est particulièrement dommageable pour les petites entreprises dont des travaux publics ont affecté substantiellement le chiffre d’affaires. Aussi, il serait souhaitable d’étendre le dispositif prévu par le décret du 21 janvier 2004 aux entreprises entrant dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (entreprises en nom propre et EURL) qui subissent une diminution de chiffre d’affaires consécutive à des dommages de travaux publics. De même, il conviendrait, momentanément, de pouvoir réviser à la baisse la valeur locative servant de base d’imposition aux impôts locaux. B/ CREATION DE COMMISSIONS DE REGLEMENT AMIABLE D’INDEMNISATION DES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS A l’instar de certaines initiatives locales de règlement amiable des dommages de travaux publics35, la CCIP suggère la création de commissions d’indemnisation, à chaque fois que des projets d’ampleur voient le jour dans sa circonscription. 1) Intérêt ¾ Sur le principe même d’une telle initiative, la collectivité publique ou son délégataire assume totalement sa responsabilité de maître d’ouvrage en proposant officiellement d’indemniser les préjudices que sont susceptibles de provoquer, pour les établissements commerciaux, la réalisation des travaux projetés et anticipe sur les demandes en réparation, voire les suscite ; ¾ la voie du règlement amiable évite une action en justice longue et incertaine ; ¾ la proposition d’indemnisation ou son refus est l’œuvre de commissions indépendantes et représentatives des intérêts en cause (maître d’ouvrage, trésor public, organismes consulaires…) ; ¾ les critères de recevabilité de la demande et d’octroi, le cas échéant, d’une indemnisation sont appréciés selon les principes dégagés par la jurisprudence du 35 Cf. Annexe 1. 22 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS Conseil d’Etat, dont l’application est garantie du fait de la présidence des commissions par un magistrat de l’ordre administratif ; ¾ cette procédure permet une réparation quasi immédiate du préjudice subi par le professionnel. 2) Composition La CCIP préconise la création de commissions de règlement amiable susceptibles d’indemniser les commerçants victimes de dommages de travaux publics, en concertation avec les collectivités locales mais également avec les principaux maîtres d’ouvrage ou maîtres d’œuvre publics (SNCF, RATP, EDF…) de notre circonscription. Bien entendu, elle participerait activement à cette démarche, aux côtés de représentants de l’administration, des chambres de métiers et de magistrats de l’ordre administratif. Si cette proposition était retenue, notre Compagnie, poursuivant son effort de rapprochement avec ses ressortissants, pourrait engager des discussions avec les collectivités et les opérateurs publics les plus concernés, aux fins de mise en place d’une procédure simple et efficace d’indemnisation. Cette composition est énoncée en termes de principes directeurs et reste adaptable aux configurations locales : ¾ les représentants de la collectivité publique initiatrice des travaux (communes, départements, régions, intercommunalités) ; ¾ dans le cas d’un contrat de plan Etat-région, un représentant de la région, un représentant de la préfecture de région et le délégué régional au commerce et à l’artisanat ; ¾ les maîtres d’ouvrage s’ils sont différents des collectivités initiatrices (RATP, SNCF…) ; ¾ des représentants des administrations fiscale (dont le trésorier-payeur-général) et sociale ; 23 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS ¾ les organismes consulaires (CCI et chambre de métiers géographiquement compétentes). On rappellera que cette Commission devrait être présidée par un magistrat du tribunal administratif, dès lors que les principes d’indemnisation font une application de la jurisprudence en matière de dommages de travaux publics. Elle interviendrait dans le cadre défini dans son règlement intérieur ; ce qui confère une certaine faculté d’adaptation aux besoins locaux. A cet égard, la question pourrait se poser d’élargir les conditions d’indemnisation aux entreprises installées après la déclaration d’utilité publique, lorsqu’un long délai (cinq ans) sépare celle-ci du début du chantier. 3) Indemnisation La procédure devrait être contradictoire avec un examen de la demande par tous les membres et ensuite la détermination de l’indemnité. La Commission pourrait solliciter toute expertise utile et l’entreprise une contre-expertise. Pour les situations d’urgence (par exemple : dépôt de bilan, licenciements…), la demande devrait pouvoir être traitée dans les quinze jours et permettre une avance pécuniaire. En tout état de cause, le délai de traitement ne devrait pas excéder deux mois. Pour conserver au système sa souplesse, l’entreprise devrait avoir le choix de recourir soit à la Commission, soit au juge, sachant que le recours à cette dernière n’est pas un préalable obligatoire à une action judiciaire. Toutefois, dès lors que l’entreprise accepte la décision prise par la Commission, elle signerait un protocole d’accord valant transaction et renonciation à tout recours juridictionnel. Elle pourrait, toutefois, contester la décision en engageant devant le tribunal administratif une procédure de plein contentieux. 24 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS C/ CREATION DE COMMISSIONS DE REGLEMENT AMIABLE AVEC FONDS D’INDEMNISATION LA SOLUTION IDEALE : Dès la mise en place de la Commission, la collectivité initiatrice des travaux et le maître d’ouvrage, s’il est différent, pourraient décider de créer un fonds d’indemnisation permettant la provision de somme d’argent pour réparer les préjudices commerciaux. Son avantage pour les entreprises consisterait, suite à la décision d’indemnisation figurant dans le protocole d’accord, à réduire les délais de mandatement, les sommes étant immédiatement disponibles. Il s’agit là du dispositif le plus élaboré d’indemnisation, mais qui suppose un effort financier en amont de la part des collectivités publiques. 25 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS ANNEXE I INITIATIVES LOCALES EN MATIERE DE REGLEMENT AMIABLE Certaines communes, notamment, les villes de Nantes et de Strasbourg, ont très tôt mis en place des commissions chargées de régler à l'amiable les différents susceptibles de les opposer en leur qualité de maître d'ouvrage de travaux publics municipaux aux professionnels riverains pour les préjudices qu'ils ont été susceptibles de subir à cette occasion. 1) L'exemple de Nantes A Nantes, une délibération du conseil municipal du 24 juin 1991 a institué une commission de règlement amiable ayant compétence pour statuer sur les demandes d'indemnisation présentées par les entreprises touchées par le réaménagement du centre-ville. a) Principes d'indemnisation Cette procédure, dont la mise en œuvre était liée à un contexte particulier (ampleur et durée de l’opération), s'est organisée autour des principes juridiques dégagés par la jurisprudence du Conseil d'État. Aussi, la responsabilité de la collectivité publique pour le compte de laquelle sont exécutés les travaux, n'a-t-elle jamais été reconnue pour les préjudices causés par des modifications apportées à la circulation générale. Elle a été, en revanche, engagée à l'égard des riverains de la voie publique, dans les cas où l'accès à un local professionnel avait été totalement supprimé ou rendu très difficile pendant une certaine durée. 26 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS L'indemnisation n’était alors accordée que si la perte d'un bénéfice résultait d'une baisse d'activité et dans la mesure où il était vérifié que cette perte trouvait bien directement sa cause dans l'exécution des travaux. b) Commission de règlement amiable La Commission comprenait un représentant du tribunal administratif siégeant en qualité de président et les membres suivants : - un représentant de la Préfecture, - un représentant du Trésor public, - un représentant de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Nantes, - un représentant de la Chambre de Métiers de Loire-Atlantique, - deux représentants de la ville de Nantes désignés par le conseil municipal. c) Instruction des dossiers ¾ Par la Commission Elle instruisait les dossiers sur la base de renseignements précis et indubitables qui portaient, d'une part, sur la réalité et l'importance de la gêne causée à l'activité en cause, et d'autre part, sur le préjudice qui devait nécessairement faire l'objet d'une évaluation. Lorsqu’elle constatait la réalité d'une gêne engageant la responsabilité de la ville de Nantes, elle donnait mission à des experts qui intervenaient à deux stades de la procédure, afin de fournir un rapport d'évaluation du préjudice subi par chacun des professionnels lésés. Chaque réclamation faisait l'objet d'une expertise technique puis d'un premier examen par la Commission. A ce stade, cette dernière pouvait, soit proposer le rejet de la réclamation, soit demander une expertise financière. Dans cette seconde hypothèse, au vu des rapports d'expertise techniques et financiers, 27 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS elle se prononçait définitivement sur le préjudice et établissait une proposition de règlement amiable après avoir, si elle l'estimait utile, entendu le requérant et un défenseur de son choix. ¾ Par la ville de Nantes La ville de Nantes examinait la proposition faite par la Commission. Elle décidait de l'indemnisation ou de son refus et fixait, le cas échéant, le montant de l'indemnité. Elle proposait à la signature du requérant une convention comportant versement de l'indemnité contre renonciation à tout recours. Une action contentieuse devant le tribunal administratif pouvait bien évidemment être engagée par tout requérant, dans la mesure où il ne souhaitait pas utiliser une telle procédure de règlement amiable ou s’il désirait faire appel de celle-ci. 2) L'exemple de Strasbourg A Strasbourg, le Conseil de la Communauté Urbaine a créé une Commission d'examen des demandes d'indemnisation des préjudices économiques susceptibles d'être causés par les chantiers liés au projet « Tramway », chargée de se prononcer sur la recevabilité des dossiers présentés et le montant des indemnités. a) Principes d'indemnisation Afin de permettre une indemnisation juste et équitable du demandeur, là encore, les propositions de la Commission et les décisions de la Communauté Urbaine s'inspiraient exclusivement de la jurisprudence administrative. Le demandeur devait ainsi répondre aux critères suivants : - être placé dans une situation juridique ouvrant droit à indemnisation, c'est-à-dire avoir la qualité de riverain ; - pouvoir arguer d'un lien de causalité direct, matériel, certain et anormal entre les travaux et le préjudice subi. 28 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS Ces principes ont conduit la Commission à exclure du bénéfice de l'indemnisation toute demande ne présentant pas un lien de causalité direct avec les travaux, les éléments conjoncturels ainsi que les inconvénients normaux que tout riverain du domaine public était susceptible de supporter. b) Commission de règlement amiable La Commission était présidée par un magistrat et composée : - du trésorier-payeur-général, - d'un représentant de la CCI du Bas-Rhin, - d'un représentant de la Chambre de métiers d'Alsace, - d'un représentant de l'ordre des experts comptables de la Communauté urbaine de Strasbourg, - d'un représentant de la ville de Strasbourg, - et d'un représentant de la ville d'Illkirch-Graffenstaden. c) Instruction Les réflexions de la Commission ont été éclairées par des rapports d'experts judiciaires nommés par le tribunal administratif, des constats d'huissiers et des analyses comptables d'experts économiques désignés de manière paritaire par la Communauté Urbaine et par les organismes consulaires. La Commission a examiné 133 dossiers dont 67 ont été déclarés recevables. 3) L’exemple de Bordeaux Dès l’ouverture des premiers chantiers des trois lignes du futur réseau de tramway de l’agglomération bordelaise, la Communauté Urbaine a mis en place un dispositif d’indemnisation amiable du préjudice commercial, qui constitue une alternative 29 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS possible au recours contentieux devant le tribunal administratif. Il a pour objet de compenser, si toutes les conditions sont remplies, un dommage économique réel, directement lié aux travaux du tramway. Ce dispositif concerne les professionnels (commerçants, artisans, chefs d’entreprise, membres d’une profession libérale), riverains immédiats des chantiers. Sans caractère obligatoire, la Commission d’indemnisation spécifiquement créée pour instruire les demandes, s’appuie néanmoins sur les grands principes issus de la loi et de la jurisprudence pour la détermination et l’évaluation des préjudices. a) Commission d’indemnisation Présidée par un magistrat, elle rassemble les représentants du monde économique et des communes concernées. Elle a un double rôle : - instruire les demandes d’indemnisation en faisant appel, si nécessaire, à l’avis d’experts techniques et financiers ; - déterminer : ¾ si les conditions juridiques qui ouvrent droit à indemnisation sont réunies (ex : être placé en situation de riveraineté directe par rapport aux travaux) ; ¾ quelle est la part du préjudice indemnisable (pour tenir compte des éléments spécifiques au dossier) ; - émettre une proposition de décision qui sera soumise, après accord de l’entreprise, au Conseil de la Communauté Urbaine, seul habilité à décider du versement d’une indemnité. La Commission peut ainsi : - soit proposer une indemnisation et la soumettre au Conseil de la Communauté. Elle se concrétisera par la signature d’un protocole d’accord valant transaction et renonciation à tout recours contentieux ; 30 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS - soit refuser l’indemnisation si le dossier comporte, au regard des textes ou de la jurisprudence, des éléments dans le sens d’une absence de préjudice ou du caractère non indemnisable de celui-ci. En cas de contestation de la proposition, il est possible d’engager une procédure dite de plein contentieux et saisir le tribunal administratif. Cette commission, qui se réunit deux fois par mois, fonctionne pendant toute la durée d’exécution des travaux du tramway. Elle s’impose de respecter la confidentialité des débats et des dossiers. b) Composition Elle est présidée par un magistrat de l’ordre administratif et la vice-présidence en est assurée par un membre du Conseil de la Communauté Urbaine. Y siègent huit membres : - un représentant de la CCI de Bordeaux ; - un représentant de la Chambre de métiers de la Gironde ; - un représentant du Trésorier-Payeur-Général ; - un représentant de la commune concernée par le dossier examiné en séance (Bordeaux, Cenon, Lormont, Pessac, Talence) ; - le secrétaire général de la Communauté Urbaine ; - le chef de projet de la Mission Tramway ; - le directeur du service juridique de la Communauté Urbaine. c) Synthèse des étapes de l’instruction de la demande d’indemnisation - Dès constatation d’une baisse significative de l’activité directement imputable aux travaux du Tramway, la saisine est ouverte ; 31 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS - un expert établit un rapport technique décrivant la gêne apportée à l’accessibilité par le chantier (cause, étendue, effets, durée). Ce rapport est soumis à l’entreprise pour observation ; - dès réception du dossier d’indemnisation dûment complété, il est présenté à la Commission qui décide de sa recevabilité sur la base du rapport technique et des observations de l’entreprise ; - si la Commission constate l’existence d’un préjudice ayant un lien de causalité avec le chantier et si ce préjudice revêt un caractère spécial et anormal, alors elle établit une proposition de règlement amiable qui fera l’objet d’un protocole d’accord soumis à la signature de la requérante. A ce stade, elle peut, si elle l’estime utile, entendre cette dernière. Dans le cas contraire, elle prononce le rejet de la réclamation ; - le Conseil de la Communauté Urbaine se prononce sur le projet de protocole d’accord établi par la Commission, décide ou non de l’indemnisation et arrête éventuellement son montant ; - ce protocole est une convention d’indemnisation comportant versement de l’indemnité contre renonciation à tout recours à raison des faits préjudiciables ; - le paiement par la Communauté Urbaine de Bordeaux est effectué au vu de la convention signée des deux parties. Le délai de mandatement est de l’ordre de trente jours ; - plusieurs demandes d’indemnisation, concernant des périodes de travaux successives, peuvent être déposées, en respectant un délai de trois mois entre deux demandes. 32 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS ANNEXE II RESUME DE L’ACTION TRAMWAY DE LA DELEGATION DE SEINE-SAINT-DENIS DE LA CCIP Date de travaux : du 11 septembre 2002 au 15 décembre 2003 Nombre de commerces impactés par le tracé : 31 commerces en activité Les travaux de prolongement du tramway entre Bobigny et Noisy-le-Sec ont occasionné d’importantes nuisances pour les entreprises (constat d’une baisse de chiffre d’affaires moyen de 24 %). La CCIP 93, soucieuse de défendre les intérêts des activités commerciales, a mobilisé ses partenaires (Conseil Général du 93, Ville de Noisy-le-Sec) et a négocié avec la RATP la possibilité d’une indemnisation pour chaque entreprise justifiant d’une baisse de chiffre d’affaires. En outre, la CCIP 93 a négocié et obtenu des possibilités de moratoire auprès de l’URSSAF et des services fiscaux. Bilan de l’action : - 9 dossiers sur 11 déposés indemnisés ² ≈ 75 000 € (d’autres dossiers sont attendus pour analyse (15) ; - réactivation de l’Association des commerçants avec l’appui de la CCIP 93 ; - financement des illuminations de Noël sur le tracé de tramway par la RATP. 33 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS Méthodologie : La CCIP 93 est intervenue avant le commencement du chantier pour sensibiliser les commerçants aux nuisances auxquelles ils seront confrontés. Six mois avant le début des travaux de réseaux et neuf mois avant les travaux du tramway, la CCIP 93 les a rencontrés afin de leur conseiller : - d’établir un suivi des comptes semaine par semaine ; - de prendre des photos de leur point de vente avant et pendant les travaux pour justifier de nuisances et ou de dégâts éventuels ; - de faire un point sur leur situation financière pour prévoir d’éventuelles négociations avec leurs fournisseurs, banques, etc. Dans un second temps (tout début des travaux), la CCIP 93 a réuni la RATP, la Ville, le Conseil Général 93, pour poser la problématique du commerce lors de ce chantier. Pendant cette phase de négociation, la RATP a accepté les propositions de la CCIP 93, soutenue par la ville et le Conseil général : - d’anticiper l’indemnisation des entreprises avant la fin de réalisation du chantier ; - d’étudier les demandes d’indemnisation des commerçants implantés après déclaration d’utilité publique ; - de soumettre, pour avis, à la CCIP 93, l’analyse faite par le service juridique de la RATP des dossiers. La fin des travaux devant intervenir (avec six mois de retard) mi-décembre 2003, la CCIP 93, le Conseil général 93 et la ville de Noisy-le-Sec ont obtenu de la RATP qu’elle participe au financement des illuminations de Noël. 34 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS ANNEXE III RESUME DE L’ACTION TRAMWAY DE LA DELEGATION DE PARIS DE LA CCIP Rappel : 7,9 km de lignes de tramway, 17 stations, travaux prévus de 2003 à 2006, 5000 établissements commerciaux, industriels et de services implantés dans un corridor de 150 m de part et d'autre du tracé du chantier ; 340 commerces situés sur les boulevards des Maréchaux concernés (13ème, 14ème, 15ème). Si la CCIP-Délégation de Paris ne peut qu’approuver un tel projet qui vise à améliorer les déplacements en transport en commun au sud de la Capitale et à requalifier les boulevards concernés, elle se préoccupe fortement des répercussions sur les activités économiques du déroulement du chantier, du fait de son ampleur et de sa durée. En effet, l’accessibilité et l’environnement des entreprises, notamment commerciales, situées à proximité ainsi que la circulation aux alentours sont modifiés et entraînent des difficultés d’approvisionnement, avec des changements de comportements dans les habitudes de fréquentation de la clientèle, lesquels auront une incidence sur le chiffre d’affaires des commerçants. PROCEDURES AMIABLES D’INDEMNISATION DU PREJUDICE COMMERCIAL Afin de venir en aide aux entreprises les plus pénalisées par les travaux et de prévenir d’éventuelles disparitions, la CCIP-Délégation de Paris accorde beaucoup d’importance à la mise en place de procédures amiables d’indemnisation du préjudice commercial. Ainsi, par un courrier adressé au Maire de Paris le 8 décembre 2003, le Président de la Délégation a-t-il expressément demandé la création d’une Commission d’indemnisation, la réponse a été favorable. 35 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS Cette Commission, qui serait présidée par un magistrat de l’ordre administratif, n’élargirait pas les possibilités d’indemnisation, les critères retenus pour ses décisions reprenant ceux appliqués par les tribunaux, mais elle éviterait aux entreprises et aux maîtres d’ouvrage des procédures longues et coûteuses. Elle permettrait ainsi aux chefs d’entreprise de voir la diminution de leur chiffre d’affaires liée aux travaux prise en compte et compensée en tout ou partie dans des délais beaucoup plus brefs que ceux d’une procédure juridictionnelle. Par ailleurs, la CCIP-Délégation de Paris demande qu’une possibilité de recours accéléré auprès de la Commission des Chefs des Services Financiers et organisée avec son secrétariat (instance publique animée par la Recette Générale des Finances) soit mise en place afin de négocier un étalement des charges fiscales et sociales. SERVICES D'APPUI ET D'INFORMATION Afin d’aider les commerçants et entrepreneurs dans la phase de chantier, la Délégation, seule ou avec l’appui des services centraux de la CCIP, prévoit également de mettre en place un certain nombre de services d’assistance, et notamment : une « hot line » d’information juridique et réglementaire pour les commerçants (question sur le bail commercial, sur les conditions d’indemnisation) ; des réunions d’information collectives et délocalisées ou sessions de formations sur des thèmes bien précis liés aux travaux (thèmes techniques, économiques…) ; la parution d’informations sous forme de brèves dans le Nouveau Courrier de la CCIP, à l’instar de ceux déjà publiés (oct 2003, déc/janv 2004) et dans le « Commerce de Paris » (bulletin des associations de commerçants de la Capitale). 36 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS ACTIONS D’ANIMATION ET DE DYNAMISATION LOCALES DES COMMERÇANTS En lien avec les associations de commerçants, des projets innovants (services à la clientèle, dispositif collectif de fidélisation…) ou plus traditionnels (fêtes de quartier) pourraient être mis en place. Certaine initiatives proposées dans certaines villes de province (Bordeaux notamment) pourraient alors être transposées à Paris, par exemple : la création à l’intention des clients d’un dispositif de regroupement d’achats et de livraisons pendant les travaux : livraison en un seul point, portage… l’installation d’« espaces livraisons prioritaires ». Dans ce cadre, quatre ou cinq personnes assurent une permanence, à des plages horaires bien précises, sur ces espaces livraisons, afin de venir en aide aux livreurs et de « fluidifier » : mise à disposition de chariots, transport des marchandises de l’aire de livraison au magasin concerné, surveillance des véhicules de livraison… DISPOSITIF D’OBSERVATION DES EFFETS DU TMS Un pilotage fin des actions prévues ci-dessus suppose une bonne connaissance des effets économiques du chantier du tramway sur les entreprises. C’est pourquoi, la CCIP-Délégation de Paris, après s'en être entretenue avec la Chambre de métiers, la Ville de Paris, l’APUR, la RATP et la Mission Tramway a conçu un dispositif d’observation, dont le contenu serait le suivant : une enquête annuelle auprès d’un échantillon représentatif, par secteur géographique et par secteur d’activité, de l’ensemble des établissements (environ 5000) dans un corridor de 150 m de part et d’autre du tracé. Les questions portent sur l’activité, l’emploi, les comportements et déplacements de la clientèle, les livraisons… ; 37 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS un sondage mensuel sur les chiffres d’affaires et les flux de clientèle des activités en pied d’immeuble riveraines du tracé (environ 340) réalisé auprès d’un panel de 125 commerçants et artisans ; un relevé terrain annuel de l’équipement commercial (enseignes, activités…) de l’ensemble des activités en pied d’immeuble situées dans le corridor (environ 900) ; un relevé de terrain trimestriel de l’équipement commercial des activités en pied d’immeuble riveraines du tracé (environ 340) ; une enquête sur la mobilité de la clientèle, répétée à trois reprises. Ces opérations pourraient être menées en liaison avec les partenaires précités ou, pour certaines d'entre elles, mises en place par la seule CCIP-Délégation de Paris. D’autres sources d’informations pourraient également être exploitées : le marché immobilier et les valeurs foncières, les données de masse salariale (émanant de l’URSSAF), les données d’origine fiscale ou de la Banque de France et le suivi des créations et défaillance d’entreprises. ¾ Premières enquêtes lancées : Décembre 2003 : enquête mobilité de la clientèle (par l'APUR) ; Janvier 2004 : premier sondage mensuel sur le chiffre d’affaires (par la CCIPDélégation de Paris). 38 CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS