Synthese_de_presse_
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NOTE DE SYNTHÈSE 5 novembre 2013 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E UNE FRAUDE FISCALE IMPORTANTE ET IGNORÉE ? LE RÔLE DES DOUANES DANS LE COMMERCE EN LIGNE COMMISSION DES FINANCES Rapport d’information de MM. Albéric de Montgolfier et Philippe Dallier ■ Dans le cadre de leur mission de contrôle budgétaire, les rapporteurs spéciaux Albéric de Montgolfier et Philippe Dallier ont souhaité étudier la collecte des impôts en matière de commerce en ligne de biens matériels. Il est apparu que le secteur, en pleine expansion, est l’objet de fraudes fiscales très importantes, bien que difficilement quantifiables. Or ni les douanes ni l’administration fiscale n’ont pu s’adapter aux nouveaux défis de la vente sur Internet, faute de moyens juridiques comme de priorité politique. Compte tenu des efforts toujours plus difficiles demandés aux Français, cette situation est aujourd’hui difficilement compréhensible. Le commerce en ligne : un enjeu fiscal majeur ■ Les ventes en ligne de biens immatériels (films, musique etc.) sont souvent présentées comme vulnérables à de multiples formes d’évasion fiscale. En revanche, les ventes en ligne de biens matériels (vêtements, appareils électroniques, médicaments etc.) font l’objet d’une moindre attention, alors qu’elles sont en réalité l’objet de fraudes, notamment fiscales, très importantes. ■ Le secteur est en pleine expansion. Plus de 2 Français sur 3 achètent régulièrement en ligne. En France, le chiffre d’affaires annuel du e-commerce est de 45 Mds€ (pour 117 500 sites de biens et services), et celui de la vente à distance de biens matériels est de 25 Mds€. En Europe, près de 550 000 sites de e-commerce réalisent un chiffre d’affaires de 312 Mds€… et bien plus dans le monde. ■ Or les spécificités du commerce en ligne facilitent considérablement la fraude : anonymat, quasi-impunité, transformation permanente des sites (dénomination, adresse web, pays d’hébergement…), et bien sûr extrême morcellement des envois qui rend le contrôle très difficile. L’action de la douane : une lutte contre toutes les fraudes… sauf la fraude fiscale ■ La direction générale des douanes et des ■ La douane contrôle les colis qui arrivent, droits indirects (DGDDI) est compétente pour les envois en provenance de pays extérieurs à l’UE – par exemple d’Inde ou de Chine. Elle exerce dans ce cadre une double mission : dans leur grande majorité, à l’aéroport de Roissy par fret express et fret postal, deux modes qui permettent une livraison rapide conforme aux exigences des consommateurs, mais aussi bien plus difficiles à contrôler. 1) une mission de protection et de lutte contre les trafics de contrefaçons, stupéfiants, alcools et tabacs, armes, espèces protégées, produits dangereux etc. ■ En fret express (FedEx, DHL etc.), les 2) une mission fiscale : la DGDDI est chargée de percevoir les droits de douane et la TVA à l’importation. données transmises par les transporteurs quatre heures avant l’arrivée de l’avion puis lors du passage en douane sont bien moins précises qu’en fret traditionnel (dit « général cargo »), limitant de fait la finesse du « ciblage » automatique des envois à risque. Sénat – 15, rue de Vaugirard - 75291 Paris Cedex 06 - www.senat.fr ■ En fret postal, les obligations déclaratives sont minimales et invérifiables, et la procédure n’est pas informatisée : c’est par simple « tri visuel », selon la provenance ou l’aspect du colis, que les douaniers décident d’en ouvrir quelques-uns. ■ Dans ce contexte, la douane concentre ses efforts sur sa mission de protection et de lutte contre les trafics, pour laquelle elle obtient de bons résultats. En 2012, la DGDDI a ainsi saisi, en fret postal et en fret express, 2,8 t. de stupéfiants, 29,5 t. de cigarettes de contrebande et 1,4 millions d’articles de contrefaçons – soit un tiers des saisies totales de contrefaçons en 2012 (4,6 millions d’articles). ■ Créée en 2009, la cellule Cyberdouane, rattachée à la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), complète le dispositif par une action directe sur « l’offre » en ligne. Elle intervient par exemple sur des sites comme The Silk Road, véritable supermarché de la drogue en ligne, récemment fermé par le gouvernement américain. ■ En revanche, les droits et taxes ne sont de toute évidence pas recouvrés à leur juste niveau. S’il est impossible d’estimer le montant de la fraude issue de la vente en ligne, la faiblesse des redressements intervenus en fret express et en fret postal constitue un indicateur éloquent : 5,5 M€ ont été redressés à Roissy (dont 5,1 M€ sur le fret), sur 1,3 Md€ de droits et taxes collectés. Seulement 750 267 € ont été redressés en fret express (soit moins de 15 % des redressements en fret), alors que 8 millions d’envois express ont été traités à Roissy en 2012, pour une valeur déclarée de 3,8 Mds€. Aucun redressement n’a eu lieu en fret postal… alors que 35 millions d’envois postaux (inférieurs à 2 kg) ont été traités à Roissy en 2012. ■ L’explication principale est simple : le calcul des droits et taxes à l’importation repose sur un régime purement déclaratif. Or il est impossible d’ouvrir chaque colis pour vérifier la valeur des marchandises – que d’ailleurs la douane ne serait pas en mesure d’évaluer. En outre, un système de franchises, justifié par la nécessité de fluidifier les échanges, prévoit que les taxes ne seront pas collectées si la valeur déclarée de la marchandise est inférieure à 150 € pour les droits de douane et 22 € pour la TVA. ■ De plus, compte tenu du très grand morcellement des envois propre à la vente en ligne, il n’y a guère d’intérêt à lancer une procédure pour récupérer quelques euros auprès d’un client individuel… Et l’administration fiscale ? ■ Il apparaît que l’administration fiscale est tout aussi impuissante, même si aucun chiffre n’a pu être obtenu. La direction générale des finances publiques (DGFiP) est chargée de recouvrer la TVA sur les ventes intra-UE et l’impôt sur les sociétés ou l’impôt sur le revenu des vendeurs. ■ Mais les fraudes à la TVA ou le nombre de professionnels se faisant passer pour des « particuliers » sur des sites de vente sont impossibles à connaître. De plus, l’administration se retrouve démunie dès lors que le site Internet est hébergé à l’étranger : elle ne peut ni opérer de redressement, ni exercer son droit de communication. Sénat – 15, rue de Vaugirard - 75291 Paris Cedex 06 - www.senat.fr Propositions : un arsenal juridique renforcé au service de nouvelles priorités ■ En conclusion, le e-commerce constitue un formidable gisement de ressources fiscales, qui demeure inexploité faute d’instruments juridiques… et de priorité politique. Compte tenu des efforts toujours plus difficiles demandés aux Français, cette situation est difficilement compréhensible. ■ Albéric de Montgolfier et Philippe Dallier appellent donc à renforcer l’action des douanes – et de l’administration en général – en matière de collecte des taxes. A cette fin, ils formulent six propositions pour renforcer l’arsenal juridique de la DGDDI et l’adapter aux défis de la vente en ligne. Proposition n°1 : instaurer un système d’échange automatique d’informations entre la douane et les intermédiaires du commerce en ligne : opérateurs de fret express et postal, FAI, intermédiaires de paiement sur Internet… Ces acteurs incontournables détiennent des informations cruciales qui pourraient permettre un ciblage pertinent des envois. Proposition n°2 : instaurer un prélèvement à la source de la TVA à l’importation, payée au moment de la transaction et non pas de l’arrivée en douane. Les intermédiaires de paiement pourraient être chargés de la liquidation et de la collecte de cette taxe. Proposition n°3 : remettre en question les exemptions dont bénéficient le fret postal et, en fret express, les envois déclarés comme ayant une « valeur négligeable » (<22 €). Actuellement, ces envois échappent à la plupart des obligations déclaratives et à la taxation. Proposition n°4 : élargir et sécuriser le dispositif des « coups d’achats » créé en 2011, qui permet aux agents des douanes de procéder anonymement à des achats de marchandises illicites ou fortement taxées, afin d’en identifier le vendeur et d’en interrompre les flux. Aujourd’hui, ce système n’est utilisé qu’en matière de stupéfiants, tabacs et contrefaçons, et ne permet pas d’identifier les produits légaux échappant à la taxation. Proposition n°5 : adapter les systèmes d’information de la DGDDI aux volumes et caractéristiques du fret express et postal, ainsi qu’aux spécificités de la fraude sur Internet. Proposition n°6 : redéployer les effectifs vers la lutte contre la fraude sur Internet, sous réserve d’un renforcement préalable des instruments juridiques. Actuellement, seule une quinzaine d’agents (Cyberdouane) sur les 17 000 que compte la DGDDI se consacrent spécifiquement à la fraude sur Internet. Commission des finances http://www.senat.fr/commission/fin/index.htm Téléphone : 01 42 34 22 58 – Télécopie : 01 42 34 26 06 Le Président de la commission Philippe Marini (UMP, Oise) Les rapporteurs spéciaux Albéric de Montgolfier (UMP, Eure-et-Loir) Philippe Dallier (UMP, Seine-Saint-Denis) Sénat – 15, rue de Vaugirard - 75291 Paris Cedex 06 - www.senat.fr