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1. La fameuse légende de Halo-Battle
Connaissez-vous Halo-Battle ? Non ?
Tous les gens de la galaxie ont entendu ce nom au moins une fois. Ce nom légendaire
dont les louanges se perpétuent à travers les âges, ce nom dont tant d'explorateurs et
d'aventuriers stellaires ont clamé. Plus qu'une légende, Halo-Battle est devenu le
symbole même du mythe.
Beaucoup d'histoires sont racontées sur Halo-Battle. Certains affirment qu'il se trouve
quelque part, dans l'Univers, à attendre d'être trouvé. D'autres pensent qu'il s'agit de
l'arme ultime, d'autres encore de la source de toute vérité. Ce qui est cependant certain,
c'est que quiconque contrôle Halo-Battle contrôle l'Univers.
Malgré toutes ces légendes multiples, personne n'a pu jusqu'à maintenant prouver son
existence ; Halo-Battle est ce que le yéti est aux hommes.
Concentrons-nous maintenant sur le présent. Nous sommes en 12 382, à l'Ere
Troisième du cycle de Halo-Battle. La galaxie vit depuis des siècles un âge de
prospérité sans précédent, organisée en un empire solide et inébranlable. Les races
extraterrestres se sont constituées en Maisons Nobles, et toutes tentent de courtiser la
Maison Impériale afin de s'attirer ses faveurs...
Mais, dans l'ombre, se forment et se déforment de sombres complots, avec pour
objectif final de faire tomber l'Empire et dominer l'Univers en découvrant le légendaire
Halo-Battle...
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2. Aube
Et l'aube se leva sur les monts enneigés, perçant et striant les lourds nuages gris de
rayons de soleil de part en part.
Cynover, profondément endormit, sentit la douce chaleur matinale lui piquer le
visage. Ouvrant les yeux, puis se les frottant, il bailla longuement puis à travers la
fenêtre de sa chambre fixa d'un air rêveur l'horizon rougeâtre au lointain. A vrai dire,
les couleurs de ce ciel étaient tout bonnement magnifiques ; s'il avait su peindre,
Cynover aurait très certainement prit le temps d'immortaliser ce paysage divin.
« C'est étrange de porter un intérêt aussi prononcé pour une chose que l'on a
l'habitude de voir, pensait Cynover. Comme le dirait mon maître, « les objets du
quotidien recèlent un certain charme lorsqu'on s'y penche de plus près ».
Arrachant avec peine son regard du paysage enchanteur, Cynover se leva puis
s'habilla ; il ne fallait vraiment pas qu'il soit en retard à ses cours. Ce jeune homme
était en effet étudiant en néo-philosophie-métaphysique, une discipline hélas sur le
déclin qui avait pourtant trouvée son essor il y a des années de cela. La néophilosophie-métaphysique enseignait la vérité réelle de l'Univers, et brisait les
convictions fermes des gens, les plaçant dans un état de désarroi complet. Bien
entendu, la plupart des personnes n'aiment pas abandonner leurs convictions, même si
elles se trompent gravement sur la nature des choses, et comme le disait le maître
spirituel de Cynover pour les qualifier « Pour qu'ils puissent vivre heureux, ils doivent
fermer les yeux ».
Et c'est pour cette raison que les néo-philosophes étaient souvent très mal vus de la
société. Car les entendre répéter à longueur de temps que tous vivent dans une société
terriblement inégalitaire et sur le déclin, cela fait peur, assurément.
Après avoir été persécutés, ceux qui enseignaient cette discipline ont tout simplement
été obligés de se retirer de la société et de vivre en marge de celle-ci. C'est ainsi qu'est
née l'académie Veritae, sur la petite planète d'Aden, fondée par le vénérable Epistemis,
le maître à penser de Cynover et de tous les autres étudiants.
De l'avis de beaucoup, cette académie était de loin la plus belle et la plus grande,
isolée de toute civilisation et perchée hautement dans les cimes des montagnes
brumeuses et froides. Là, tout le monde pouvait apprendre la vérité sur le monde, et
s'abreuver d'un savoir tel que même les plus érudits des pays alentours ne pouvaient
rivaliser d'intelligence avec de simples élèves.
Mais attention ! La néo-philosophie-métaphysique est une science très dangereuse.
Certaines âmes sensibles ne supportant pas de voir le monde sous son vrai angle se
jettent du haut d'un gouffre, désespérées et en proie à la folie la plus furieuse. Les
autres élèves surnommaient affectueusement ce gouffre le " Puits des Oubliettes ".
Parfois, pour passer le temps, certains se perchaient à côté du bord du gouffre et
croisaient les doigts pour qu'un énième désespéré ne vienne se jeter la tête la première.
Lorsque cela se produisait par chance, ils le regardait simplement pousser un dernier
cri de souffrance, puis se jeter en poussant cette fois-ci un cri de terreur, comme s'ils
regrettaient leur acte (bien entendu, une fois tombés, on ne pouvait plus rien pour eux).
Pour les autres élèves, ce spectacle était intéressant car ils pouvaient alors se lancer
dans des débats grandiloquents sur la nature du désespoir et de la mort, utilisant
comme sujet de comparaison le pauvre fou qui n'avait pas pu supporter la vision réelle
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du monde. Ils débattaient si bien et si longtemps qu'il pouvait se passer une journée
entière comme ceci.
C'est en se rappelant ces pensées agréables d'effusions de savoir que Cynover eut du
baume au cœur pour le reste de la journée. Le Savoir dans toute sa splendeur, c'était la
seule chose qui valait la peine d'être vécue. Et puis, Cynover n'avait pas peur du vrai
visage de la terre : toute l'intelligence qu'il avait accumulée lui permettait d'analyser en
profondeur n'importe quelle chose, et il avait même l'impression de plus être dans un
rêve éveillé qu'être ancré dans la réalité véritable.
Et puis, il était l'élève préféré d'Epistemis. Il faut dire qu'il s'abreuvait de ses paroles
depuis des années déjà, et que Cynover était de loin le disciple le plus perspicace et le
plus compréhensif de tous. Nul doute qu'il ferait un excellent professeur plus tard,
lorsque le temps pour lui sera venu de porter la petite barbe blanche commune à tous
les néo-philosophes et de dicter à ses élèves toutes les leçons qu'il a apprises le plus
fidèlement possible.
Enfin bref, cessons les présentations ; tout ce qui importe en ce moment-même est
qu'une journée bien remplie est sur le point de s'achever, et que Cynover s'abreuve
toujours plus de savoir théorique dans la grande bibliothèque de l'académie. Autour de
sa table sont disposés des amoncellements de grimoires et d'encyclopédies, traitant de
tout et n'importe quoi. Mais l'objectif principal étant de tout connaître, peut importe
que tel livre parle de l'histoire récente et qu'un autre traite des plantes, n'est-ce pas ?
C'était aussi la conviction de Cynover, qui sans cesse griffonnait des notes sur ses
calepins.
Baillant après tant de travail, il fixa à nouveau la fenêtre d'un air pensif, celle-ci
donnant vue sur les vallées brumeuses en contrebas. L'aube s'était levée, le jour s'était
écoulé, le crépuscule s'étirait à présent de tout son large sur l'horizon pourpre. Demain
allait être un jour nouveau !
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3. Crépuscule
Le crépuscule avait maintenant prit possession de tout le ciel, et Cynover s'était
saoulé du savoir contenu dans les livres pendant de longues heures durant, une fois
n'est pas coutume. Il se trouvait à présent très fatigué, entreprit de ranger tous ses
bouquins, puis quitta la bibliothèque, son sanctuaire sacré, en se rendant aux dortoirs
où il allait à présent débattre avec ses camarades sur le concept de vérité (chaque
soirée était animée d'un sympathique débat).
Hélas, le destin de Cynover n'était apparemment pas de rejoindre ses camarades pour
débattre, ni de couler des jours heureux dans l'académie Veritae. A peine fut-il sortit et
qu'il était en train de marcher vers les dortoirs qu'il entendit comme une explosion,
mais il n'en était pas certain étant donné qu'il n'en avait jamais entendu (mais il aurait
juré que s'en était une, cela ressemblait à la description des livres). Toujours est-il qu'il
fut soufflé à terre sur plusieurs mètres, s'égratignant tout le corps ; des débris de pierre
et de métal volèrent dans tous les sens et coupèrent même en deux un pauvre diable
qui passait par-là.
Lorsque Cynover se retourna pour constater la source des ennuis, il vit la
bibliothèque pulvérisée, en proie aux flammes et totalement effondrée sur elle-même.
Incapable de penser et la bouche grande-ouverte, il contemplait incrédule son temple
fétiche, ne sachant comment cela pouvait bien être arrivé. L'homme coupé en deux à
côté de lui, qui n'avait pas manifesté la moindre émotion lorsqu'il fut privé de ses
jambes, commença à hurler de douleur en voyant la bibliothèque ravagée, et ses yeux
s'emplirent de larmes qui se mirent à couler, intarissables.
« Bon sang, qu'est-ce que ça veut dire ? Se demandait Cynover affolé.
Tandis qu'il disait ces mots, une autre explosion retentit et cette fois, ce fut les salles
de cours qui furent victimes du massacre mystérieux. Elles aussi volèrent en éclats et
un cratère vint prendre leur place. Toute la scène n'avait durée qu'une minute ou deux !
Des cris commencèrent à fuser de partout, et bientôt, tout le monde se ruait dehors, les
yeux hagards et la mine affolée, ne sachant quel trouble pouvait bien régner dans la
noble académie.
Un étudiant arriva en courant de l'entrée, la mine défigurée par la terreur. Il beuglait
comme un porc les mêmes phrases incompréhensibles sans arrêt, et Cynover en
comprit l'essentiel :
- Des soldats ! Des armées ! Ils viennent tout détruire ! Sauvez-vous !!!
Ces mots eurent l'effet d'une matraque dans la tête des étudiants. La panique atteignit
son paroxysme et tous hurlèrent de plus belle, glapissant d'horreur et courant dans tous
les sens comme des poules effarouchées. Certains commencèrent à dégringoler les
pentes des montagnes, se rompant le cou, d'autres se jetèrent dans le Puits des
Oubliettes, mais personne n'avait le cœur de commenter leur geste insensé.
Cynover, incapable de bouger, subissait les événements. Il remarqua alors dans le ciel
plusieurs vaisseaux de guerre, sûrement les auteurs de l'horrible destruction, et une file
de soldats en armure noire firent irruption de l'entrée de l'académie. Ils empoignèrent
d'énormes fusils qui étaient en bandoulière, et mitraillèrent sans distinction tout le
monde, poussant des petits rires sadiques lorsqu'ils parvenaient à exploser une partie
du corps à quelqu'un.
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Le jeune homme, qui s'était ressaisit, avait plongé sur le côté et s'était abrité derrière
une colonne de pierre. Autour de lui, des dizaines de personnes tombaient fauchées par
les balles, ce qui accentua encore plus son anxiété et il se demandait à présent s'il allait
pouvoir survivre à cette tuerie incompréhensible. Qu'avaient-ils fait pour être ainsi
impitoyablement abattus ? Ils ne faisaient pourtant de mal à personne, et ils ne
quittaient que très rarement l'académie !
Une voix interpella soudain Cynover, provenant des dortoirs. C'était Epistemis, et il
agitait les bras en tous sens, le regard apeuré :
- Vient Cyno ! Nous sommes en sécurité ici ! Criait le vieillard.
Peu convaincu par cet argument, car après tout les dortoirs pouvaient très bien
connaître le même sort que la bibliothèque et les salles de cours (ce qui en plus
faciliterait le travail des soldats qui auraient moins de munitions à dépenser), Cynover
fit non de la tête énergiquement, puis pointa du doigt les cendres fumantes de la
défunte bibliothèque qui crachait encore de son sein éventré des pages brûlantes.
Epistemis s'énerva alors et pointa du doigt les cadavres qui baignaient paisiblement
dans leur sang :
- Vient ici bon sang ! Hurla le vieux en agitant encore une fois les bras.
Résigné, Cynover jeta un regard aux hordes d'assassins qui approchaient de la cour
centrale en achevant les agonisants, puis se mit à courir du plus vite qu'il put vers les
dortoirs. Epistemis referma alors la lourde porte de ferraille derrière-lui, puis ordonna
aux étudiants survivants de pousser les armoires contre les fenêtres pour bloquer toute
entrée.
- Mieux vaut mourir libres que mourir en esclaves ! Clama soudain Epistemis en
brandissant un livre au-dessus de sa tête.
- Mais maître, couina une étudiante, nos livres ne pourront rien faire contre ces brutes
!
- Si, ils le peuvent, fit Epistemis d'un ton clair et confiant. Ces sauvages vont être
inondés de notre savoir ! Que chacun prenne un livre et lise à haute voix l'article qui
lui plaît !
Sans conviction, les étudiants se mirent alors à lire des passages de diverses
encyclopédies à haute voix ; cela formait un joyeux brouhaha dans lequel il était
impossible de discerner quelque chose de cohérent.
- Plus fort ! Ordonnait Epistemis. La Raison triomphera toujours de la force brute !
Cynover, qui lisait un article sur la recette du gâteau au chocolat, leva alors un œil
affolé vers les cohortes de barbares sanguinaires qui incendiaient les bâtiments encore
debout et empilaient en tas les cadavres. Le tapage qu'ils faisaient avec leur lecture
libératrice attira soudain leur attention et réalisèrent dans l'instant qu'ils avaient oubliés
cette partie de l'académie. Empoignant de nouveau leurs armes, ils se ruèrent vers les
dortoirs et entreprirent de défoncer la porte de métal à grands coups de pieds. Les
étudiants se mirent à pousser des cris de terreur et certains stoppèrent leur lecture pour
regarder avec effroi les gonds de la porte grincer dangereusement.
- N'ayez crainte, mes enfants ! Tenta de les rassurer Epistemis. Tant que nous
poursuivrons notre lecture du savoir, il ne pourra rien nous arriver !
Comme si le destin en avait décidé autrement, une explosion survint quelque part
dans les dortoirs. Le maître de l'académie s'empressa de vérifier les dégâts et ne put
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s'empêcher de pousser un petit cri de consternation en constatant une énorme brèche
dans le mur ouest, pulvérisant ainsi trois chambres complètes.
- On va tous crever ! Lança l'un des élèves, totalement désespéré.
Lâchant son Encyclopédie des Arts et Métiers, il tenta une sortie par l'énorme brèche
et fut fauché par les balles avant même qu'il ne put sentir un fugace sentiment de
liberté l'envahir. Epistemis, ne sachant que trop faire pour enrayer cette déferlante de
violence et voyant que le Savoir seul ne suffisait pas à repousser ces abominations de
la nature, ordonna aux survivants de rester groupés derrière lui et de faire front
commun contre l'envahisseur. Les silhouettes sombres menaçantes commencèrent à se
faire entendre et à se rapprocher, animées par le désir de terminer l'horrible besogne.
- A trois, levons tous nos livres et crions, cela les effrayera ", encouragea Epistemis.
Les soldats se présentèrent enfin à la brèche, levèrent leurs fusils, puis Epistemis
hurla un grand "TROOOOIS !", et tous les étudiants brandirent fièrement leurs
encyclopédies en poussant des petits hurlements courageux. Cela décontenança
complètement les fantassins, qui visiblement ne s'attendaient pas à une telle réaction,
ou alors pensaient-ils qu'une vive résistance serait opposée et qu'il n'en fut rien, c'est
selon.
En vérité, cela n'effraya pas même les soldats de la mort. Après avoir haussé les
épaules, ils firent feu et décimèrent l'intégralité des survivants restants. Cynover,
terrorisé par l'affreux spectacle et se sentant confusément impuissant devant tant de
violence, s'enfuit à toute allure à travers les dortoirs. Sautant par une fenêtre, il repéra
un tas de décombres et se blottit à l'intérieur, priant le ciel qu'on lui accordât la vie
sauve.
Quant à Epistemis, aucun mal ne lui fut fait. Deux fantassins vinrent le clouer au sol
et l'attachèrent solidement. Le vieux maître n'opposa aucune résistance, se contentant
de réciter des formules mathématiques, fermement persuadé que cela finirait par les
repousser comme de l'ail révulse un vampire. Un vaisseau de transport se posa dans la
cour, et Epistemis fut forcé de monter à l'intérieur. Cynover, ayant assisté à tout le
spectacle depuis sa cachette, ne put s'empêcher de ressentir une bouffée de colère,
mais il savait pertinemment que s'il se risquait à sortir dehors, il était fichu.
Le vaisseau décolla dans un grand nuage de poussière, puis de nouvelles explosions
retentirent un peu partout, réduisant à l'état de cendres toutes les bâtisses de
l'académie. Les cadavres et les livres furent tous incinérés, puis une fois que l'œuvre de
destruction fut accomplie, les soldats repartirent, tous silencieux. Épuisé par tant
d'horreurs, et la nuit étant fortement avancée, Cynover se résigna à dormir un peu,
hanté par l'idée qu'il était désormais le seul survivant d'un ordre galactique prestigieux.
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4. Arrivée à Pastoporr
Des chants d'oiseaux...
Un silence de mort.
Cynover s'éveilla, courbaturé et fourbu après une nuit passée dans sa cachette de
décombres.
« Mon dieu... Murmura-t-il en constatant les dégâts.
De la superbe académie de pierres blanches, il ne restait strictement plus rien. Se
sentant profondément atterré et confus, Cynover ne savait pas vraiment quoi faire.
- Bon, déjà, inutile que je reste ici, pensait-il en déambulant parmi les décombres. Il
faut que je gagne l'unique colonie de cette planète, et que je m'enfuie de ce fichu
caillou. Et quand je raconterai mon histoire, on va sûrement m'aider !
Un livre à moitié calciné par terre attira alors son attention. Il le prit délicatement
entre ses doigts et peina à lire le titre, l'émotion étant très forte :
- Néo-Philosophie-Métaphysique... Articula-t-il les larmes aux yeux.
Essuyant les larmes qui perlaient, il posa délicatement le bouquin sur une colonne
effondrée à côté de lui.
- Moi et maître Epistemis sommes dorénavant seuls porteurs de ce savoir. Quelle
lourde responsabilité, je crains fort de ne pas être à la hauteur...
S'asseyant à terre, pensif, il fixait l'horizon clair, le regard perdu au lointain.
- Non, je ne peux rien faire tout seul. Je dois retrouver maître Epistemis, c'est la seule
solution !
Persuadé d'avoir enfin trouvé là son but et désir le plus cher, il fixa une dernière fois
les ruines de l'académie Veritae, puis prit le chemin de l'exil, marchant sur le sentier de
la montagne menant à la vallée.
Malgré le splendide paysage qui s'offrait à Cynover, celui-ci était profondément
plongé dans ses pensées. Il faut dire que l'avenir était très incertain en ce moment, et
de multiples questions le taraudait, en particulier "Pourquoi ?". Pourquoi avait-on rasé
Veritae ? Pourquoi eux ? Et pourquoi était-il encore vivant, alors qu'il aurait très bien
pu périr criblé de projectiles métalliques ? Pourquoi n'a-t-on pas tué Epistemis ?
Cynover n'en savait strictement rien, et cela ressemblait presque à des questions
métaphysiques, tellement les réponses étaient impossibles à concevoir et imaginer.
Tout affairé à ses pensées, il ne s'était même pas rendu compte qu'il avait descendu
complètement le sentier montagnard et qu'il marchait à présent sur une petite route de
terre serpentant à travers une forêt touffue. Les mains engoncées dans les poches, il
laissait son regard se balader de droite à gauche, sans vraiment s'attarder sur une chose
en particulier. La chose qui commençait à l'étonner également était le fait de ne
rencontrer aucun signe de vie ; pas un animal, pas un insecte, et encore moins un être
humain. Il commença alors à se demander très sérieusement s'il n'était pas seul au
monde dans cet endroit si reculé ; il faut dire que Veritae a été bâtie très loin dans la
nature.
Comme pour répondre à sa question, il vit au loin un panneau d'indication à un
croisement. Un sourire commença à lui barrer le visage, et il se mit à courir jusqu'au
panneau de ferraille, persuadé de trouver ici la prochaine étape de sa quête.
- Colonie Pastoporr, neuf kilomètres, lut Cynover à haute voix. J'espère que des gens
sauront me renseigner là-bas.
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Ayant retrouvé un peu d'énergie, le jeune homme se mit à marcher vivement,
espérant atteindre la ville le plus rapidement possible et surtout avant la soirée ; il
n'avait jamais fait de balades en forêt la nuit tombée, et lorsqu'il essayait d'imaginer ce
que cela pouvait être, une mystérieuse boule d'angoisse se nouait dans sa gorge.
L'après-midi semblait fort avancée lorsque Cynover s'arrêta, les pieds brûlants ; il
n'avait jamais autant marché de toute sa vie. Son corps le faisait souffrir de partout et il
avait l'impression d'entendre ses os craquer et ses rotules grincer à chaque pas. Il
s'arrêta quelques minutes au bord de la route pour calmer un peu la douleur, s'adossant
au pied d'un grand sapin.
La soif.
Il avait terriblement soif, et il venait seulement de s'en rendre compte. Sa bouche était
totalement asséchée et il se rendit compte qu'il était incapable de prononcer un seul
mot intelligible. Tout ce qu'il émettait, c'était une sorte de grognement caverneux qui
ressemblait à tout sauf à quelque chose d'humain.
« Bon sang, je vais finir par avoir une extinction de voix, fit-il finalement après s'être
raclé la gorge maints fois.
Voyant la lune commencer à apparaître dangereusement, Cynover sentit une poussée
d'adrénaline dans ses veines et, oubliant ses douleurs "atroces", se mit pratiquement à
courir le long de la route, jetant de temps en temps des yeux de biche effarouchée aux
fourrés touffus sur les côtés.
Au fur et à mesure qu'il avançait sur la route désespérément vide de toute vie, il
sentait de plus en plus une odeur forte très désagréable. Incapable d'identifier
l'appartenance à cette bizarrerie olfactive, il sentait son anxiété grimper en flèche ; se
pourrait-il qu'il s'agisse d'un animal sauvage, ou même d'un troupeau ? A part des
chiens, des chats et des oiseaux, Cynover n'avait pas vu grand chose d'autre, seulement
les images des animaux du monde dans les encyclopédies. Il espérait en tout cas que
cela lui suffirait pour l'instant.
- Si un jour je retrouve maître Epistemis et qu'ensemble nous fondons une nouvelle
académie, il faudra que je pense à lui dire d'imprégner les images des animaux du
monde de leur odeur, juste au cas où, se disait justement Cynover.
Après avoir monté une petite colline et parvenu au sommet, il poussa un grand soupir
de soulagement : la paisible colonie de Pastoporr s'étalait à ses pieds, et semblait avoir
été épargnée du terrible massacre de l'académie.
Avec joie, Cynover descendit le sentier en toute hâte, puis gagna l'entrée, avant...
qu'il ne s'arrête net, frappé de la plus grande stupeur : les agresseurs de l'académie ! Ils
étaient là, oui, il ne rêvait pas ! Engoncés dans leur épaisse armure noire, deux d'entre
eux étaient postés en faction, devant le portail d'entrée en pierres qui formait une très
belle arche.
Rattrapé par sa fureur, et aussi par sa terreur, Cynover n'en bouillonnait pas moins de
rage. Il n'avait qu'une envie : foncer sur eux et leur arracher la tête pour leur faire
payer leurs crimes immondes. Toutefois, analysant pertinemment les données de la
situation actuelle, il savait très bien qu'il n'avait qu'une infime chance de voir une telle
action se couronner de succès. Aussi se tut-il et demeura caché dans les fourrés.
Plusieurs dizaines de minutes s'écoulèrent ; voir même des heures ! Le jeune homme
n'en savait rien, et il lui était difficile d'estimer l'écoulement du temps de façon précise.
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Son corps le démangeait de partout, et il n'avait qu'une envie : se précipiter dans la
ville pour quitter cette cachette désagréable. Puis, comme les soldats demeuraient sur
place, et que Cynover s'ennuyait fermement, il se mit à réciter la table de
multiplication des 14 563 pour passer le temps.
Soudain, un étrange bruit de moteur se fit entendre ; Cynover leva la tête vers les
étoiles, et il vit un gros vaisseau descendre pile sur l'astroport, zébrant le ciel nocturne
de lueurs multicolores. C'était clairement un signe du destin, puisque les soldats
quittèrent leur poste de faction en toute hâte, tandis que les bruits de réacteurs
s'évanouirent dans l'atmosphère une fois le vaisseau à terre.
« Loué soit le ciel, sourit Cynover. Cette fois, je peux y aller ! »
Sautant du buisson, le jeune homme se mit à courir comme un lapin en direction de
l'entrée de la colonie, mais son instant de victoire fut vite estompé : deux autres soldats
arrivaient en direction du portail, et s'il ne se cachait pas de suite, il était tout
bonnement cuit.
Par chance, il y avait là des tonneaux et autres caisses de marchandises délaissées ;
Cynover se glissa dans l'une des caisses et referma vite l'ouverture, pour ensuite
scruter au-dehors par le biais d'un trou judicieusement bien placé.
Les gardes reprirent leur poste ; il était coincé ici. Et puisqu'il n'avait strictement rien
à faire, il s'endormit.
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5. L'émergence d'une idée folle
Si Halo-Battle est synonyme de beaucoup de choses, il est surtout porteur
d'espérance et à la base une idée folle ayant germée dans le cerveau d'un corps
malade...
Enfin,
oubliez
le
cerveau
malade.
Tout est parti d'un seul homme : Odst (gloire à lui !), chef de projet actuel de
Halo-Battle et bâtisseur du mythe. Notre histoire prend donc place il y a un peu
près deux ans. A l'époque, notre souverain bonifique Odst avait découvert Ogame
dans le plus grand émerveillement. On ne présentera plus ce jeu légendaire
actuellement en plein déclin, tel un empire connaissant la décadence...
Appréciant le système de jeu, Odst pensa finalement qu'il manquait un petit
quelque chose à Ogame : Halo. Afin de marier sa passion à celle du jeu par
navigateur, Odst commença par se bricoler un skin Halo, ce qui eut pour résultat
de ne pas le satisfaire complètement. Poussé par l'ambition, la gloire ou ce que
vous voulez, il finit par parler de son projet de jeu par navigateur à un certain
Protecto
dans
son
alliance
du
CSNU
sur
Ogame.
Protecto semblait être l'associé idéal : amateur de Halo et codeur, il était tout
désigné pour mettre le projet sur les rails avec Odst... A bien y réfléchir, c'est
sûrement ce fameux skin Halo qui est le point de départ de Halo-Battle.
Historique de Halo-Battle.
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6. Aller-simple pour les étoiles
Des bruits sourds.
Cynover se réveilla en sursaut. Il semblait qu'on était en train de soulever sa caisse et
de l'emmener ailleurs ; « what the fuck » aurait-il même pu se dire, mais il était poli et
gentleman, et endossant ces qualités, il préféra se contenter d'un simple « mince ! ».
Regardant par le trou, il vit qu'on le disposa sur une sorte de charrette, et que les
gardes demandèrent au type mystérieux de se hâter de rembarquer sa camelote. Quel
que soit cet homme, Cynover le salua pour son soutien inespéré, même s'il ne le savait
pas lui-même.
Quelques minutes plus tard, la charrette se mit enfin en route, secouant le jeune
garçon dans tous les sens. Le véhicule passa dans des rues bondées de marchands
ambulants, de saltimbanques et autres freluquets des villes, puis s'arrêta dans une
ruelle sombre et crasseuse. Sentant le danger écarté, Cynover bondit au-dehors de sa
caisse, provoquant l'effarement du bonhomme qui, visiblement, ne s'attendait pas du
tout à avoir un passager clandestin sur sa roulotte.
« Aaaah ! S'exclama-t-il d'ailleurs à ce propos.
– Chut ! Souffla Cynover en baissant la voix. Je suis désolé mon brave, mais j'ai été
obligé de me cacher ici pour déjouer la vigilance des gardes !
– Que... Quoi ? Vous ne pouviez pas rentrer chez-vous comme tout le monde au
moment du couvre-feu ?!
– C'est... Assez difficile à expliquer, répondit Cynover. En fait, je ne suis pas d'ici,
je viens de l'académie...
– Impossible ! S'écria le vieux croulant. Les soldats disent que tous les élèves ont
été massacrés et l'académie réduite en poussière !
– A dire vrai, moi et mon maître sommes les deux seuls survivants du massacre...
Vous... Vous savez, par hasard, pourquoi tout ce chantier s'est-il produit ?
– Personne ne sait vraiment, répondit le vieux en haussant les épaules. En tout cas,
ces soldats appartiennent à la Maison des Zitiweb. Tout le monde a reconnu leurs
insignes. Et depuis hier, ils ont établi un blocus autour de la planète. Personne peut
s'en aller ! Et ce n'est pas l'Empire qui va aider notre pauvre colonie perdue au fin
fond de la galaxie.
– Zitiweb... Répéta, perplexe, Cynover.
– Quoi, vous êtes néo-philosophe et vous n'en avez jamais entendu parlé ? Ces
vermines forment l'une des plus puissantes Maisons de la Galaxie. Maudits soient
ces chiens de l'enfer !
– A dire vrai, nous étudions la politique dans sa forme la plus pure. Les prises de
partis ne sont pas de notre ressort, s'offusqua le jeune homme. Enfin, nous le
faisions...
– Eh bien, ne faites pas une mine si triste, la vie continue. Ces imbéciles partiront
bientôt et tout rentrera dans l'ordre.
– Comment on quitte cette planète ?
– Vous êtes sourd ? Je viens de vous dire il y a un instant que Zitiweb fait un
blocus. Personne ne peut sortir ou rentrer à part eux.
– Il y a forcément un moyen voyons ! Gesticula Cynover.
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– Eh ben... Oui, ptêt ben, réfléchit le vieux. On dit que certains contrebandiers ici
peuvent aller et venir à leur guise. Enfin, je le crois pas trop, si on se risque à partir,
les canons des vaisseaux de Zitiweb ne tarderaient pas à nous réduire en poussière.
– Des contrebandiers ! Comme c'est exaltant ! Où est-ce que je peux en trouver ?
– Les contrebandiers n'ont rien d'exaltant... rumina le vieillard. Si vous tenez
vraiment à fricoter avec cette racaille, je vous conseille d'aller voir au Pimp
Dispendieux. C'est une taverne miteuse à deux pâtés de maisons d'ici.
– Merci pour tout mon brave, je crois que je vais me débrouiller maintenant ».
Malgré le blocus, la vie à Pastoporr n'avait en rien changé. Les rues étaient toujours
autant encombrées, les citadins toujours aussi « agréables », et la pollution
omniprésente, faisant racler les gorges et engluant les poumons.
Cynover trouvait en tout cas la foule très utile pour s'y dissimuler. Il redoutait que les
gardes de Zitiweb ne le reconnaissent, et qu'ils le tue sans autre forme de procès.
Suivant les instructions du vieux charretier, il déambula quelques minutes avant de
trouver une simple pancarte représentant un homme élégant entouré de jeunes femmes
dénudées, avec pour simple banderole : Le Pimp Dispendieux.
La taverne s'enfonçait dans les tréfonds du sol, et une musique infernale en sortit de
ses tréfonds, tambourinant les délicats tympans de Cynover. Là-dedans, des lueurs
rouges ternies brillaient faiblement, tandis que des silhouettes fantomatiques se
déplaçaient avec lenteur à travers une brume opaque. Cet endroit terrible fit frissonner
Cynover ; allait-on l'agresser et abuser de lui ? Il chassa cette horrible pensée de son
esprit et s'avança vers ce qui semblait être le bar.
Un homme bourru, à la mine patibulaire, l'accueilla avec un sourire mauvais. Les
autres clients, arborant tous une tête louche, fixèrent le pauvre garçon avec... une
certaine envie.
« Euh... Débuta Cynover. Que... Est-ce que...
– Tu veux boire quoi ! Grogna le patron.
– N... Pas exactement, en fait je...
– Parle plus fort quoi, on n’entend rien !
– Euh, bah... Vous avez des contrebandiers ici ?
Sans mot dire, il fixa le garçon d'un œil noir, avant de désigner du doigt une table tout
au fond, dans un renfoncement. Cynover remercia en hâte l'homme avant de se diriger
à pas lents vers... son destin.
La table du fond était occupée par deux hommes, ou plutôt : un homme et une grosse
Brute au pelage brun. L'homme, qui avait tout d'un contrebandier, sirotait un alcool
étrange tout en sifflotant un air joyeux, qui se trouvait être à l'origine une chanson avec
des maracas et des guitares. Habillé d'un pantalon de feutre noire et d'une veste en
peau de bison, ainsi que d'un chapeau de Mexicain, il leva un sourcil interrogateur en
apercevant Cynover. La Brute, qui gribouillait des dessins sur son carnet digital,
s'arrêta net également.
« On peut faire quelque chose pour vous ?... Demanda l'Humain.
– Je cherche des contrebandiers, et on m'a dit que vous en étiez, alors hum, bon...
L'Humain se redressa, jeta un coup d'œil aux alentours, puis invita Cynover à s'assoir.
13
– Je m'appelle Luis Pedro, capitaine du Tacos Millenium, le vaisseau le plus rapide
de toute la galaxie. Lui, c'est Otaku, mon fidèle associé depuis plusieurs années. Et
toi mon gars, c'est quoi ton petit nom ?
– Je m'appelle Cynover tout court.
– Ok Cynover Toukour, je crois qu'on t’a bien renseigné. Ouais, on est des
contrebandiers mon garçon, des vraies terreurs du ciel. On peut échapper à
n'importe quelle patrouille en un éclair que t'a même pas le temps de dire ouf.
– Non, je m'appelle juste Cynov...
– Oui, bien sûr, toi tu peux m'appeler Luis si tu veux, pas de chichis entre nous.
Bref, je suppose que tu veux te tirer de ce caillou ?
– Oh oui ! Applaudit Cynover. Vous feriez ça pour moi ?!
– Bien sûr, acquiesça le capitaine Pédro en mettant ses pieds sur la table. Prépare le
fric, car ça va te coûter dans les 50.000 crédits Impériaux ce petit service.
– QUOI ! Mais c'est une véritable fortune !
– Écoute, on fait un métier risqué petit. Cet argent le vaux bien, ok ?
– Et pour 40.000 crédits ?
– 55.000 crédits pour te dégager de ce trou.
– Q... Hein ! Mais ça a augmenté !
– C'est le risque quand on veut négocier avec moi, sourit Luis en buvant le reste de
son verre.
– Je... Payable en nature, c'est possible ?
– Je ne suis pas homo, rétorqua le capitaine Pédro. Mais on peut s'arranger avec un
bout de poumon ou de rein.
– Je... Euh... Je suis le dernier des néo-philosophe, je suis un type important quand
même quoi !
Le capitaine Pédro se pencha en avant, scrutant avec attention le visage de Cynover.
Dubitatif, il alluma un cigare, souffla quelques ronds de fumée, avant de répondre :
– C'est pas ce qu'on dit. Tous les Néo-Philosophes sur Aden sont crevés.
– Puisque je vous dis que moi et mon maître sommes les deux uniques rescapés !
Mon maître, Epistémis, a été enlevé. S'il vous plaît, il faut absolument que je le
retrouve !
– Pas de fric, pas de sauvetage mon pépère. Pas vrai Otak' ?
La Brute émit un grognement sourd, hocha la tête puis reprit ses dessins sur sa
tablette graphique. Cynover était dépité. Le certain idéal qu'il trouvait au groupe des
contrebandiers venait soudainement de disparaître.
– Bon, petit, dégage le plancher si t'as rien d'autre à dire.
– Si vous m'aidez à trouver mon maître, vous pouvez être certain qu'il saura vous
récompenser généreusement. C'est le fondateur de notre ancienne académie, vous
pouvez parier qu'il est très riche !
– Riche tu dis ?
Le capitaine Pédro était soudain intéressé, tout comme la Brute Otaku qui en lâcha sa
tablette graphique. On pouvait presque voir le symbole monétaire des crédits
Impériaux briller dans les yeux du célèbre contrebandier Mexicain.
– Très riche, ajouta Cynover. Pensez, il a fondé une académie à lui tout seul. En
plus du tarif demandé, il vous paiera sans doute plus pour son sauvetage.
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– Alors ça c'est pas croyable, articula lentement le capitaine Luis Pédro. C'est vrai
ce que tu dis gamin ? Tu m'entourloupes pas là ?
– Je le jure.
– Bon... Alors tope-là. Je te propose de te faire quitter ce trou, et on t'emmène là où
se trouve ton vieux. Mais attention ! On veut le fric dès qu'on le retrouve, sinon on
te fait la peau !
– Pas de problème là-dessus, sourit Cynover pas du tout convaincu de lui-même.
– Très bien. Retrouve-nous ce soir au hangar 63, à dix heures. On va mettre les
voiles pile à l'heure du couvre-feu. Et ne soit pas en retard hein !
– Ne vous inquiétez pas, j'y serai.
Soudain, le capitaine Pédro se leva brusquement, renversant sa chaise. Pointant du
doigt des formes au loin, il murmura :
– Otak' ! Ces crétins de Zitiweb, ils viennent de débarquer ici ! Filons avant qu'ils
nous trouvent !
– Quoi ! S'écria Cynover, blanchissant.
– On est condamnés à mort dans pas mal d'endroits, et certains autres types veulent
même notre peau. Jte l'ai dis petit, la contrebande n'est pas un métier pour les
lopettes.
– Attendez, je peux pas rester là, s'ils me trouvent ils vont me tuer ! Implora
Cynover.
– Il est là ! Cria une voix digitalisée.
Des coups de fusils tonnèrent dans la taverne du Pimp Dispandieux, provoquant la
panique générale. Le capitaine Pédro renversa la table et s'abrita derrière avec Otaku,
le premier dégainant un pistolaser, l'autre un fusil à plasma, et ne tardèrent pas à
mitrailler à l'aveuglette en direction des soldats de Zitiweb. Cynover, mort de trouille,
rampa à terre en appelant au secours Epistemis.
– Quelle bande d'enfoirés, fit Pédro en mâchouillant son cigare. Il va falloir courir
jusqu'à l'issue de secours, Otak' !
– Je crois même qu'il va falloir mettre les voiles, répondit la Brute pour la première
fois de sa voix grave.
– Hey, gamin ! Reste pas ici, suit-nous, ou t'es mort !
Otaku fut le premier à sortir de sa cachette, mitraillant comme un sauvage de son
fusil à plasma, puis rejoignit la sortie de secours de la taverne. De là, il fit signe aux
deux autres d'avancer, tandis qu'il les couvrait d'un feu nourrit.
Dans la confusion générale, les soldats de Zitiweb ne répliquèrent pas aux coups de
feu, attendant probablement un moment favorable pour balancer la sauce.
– Allez, on se casse d'ici ! Gueula Luis en sortant au-dehors.
Un garde arriva pile devant lui à ce moment-là ; en un éclair, Pédro lui troua le bide,
avant de crier « place, place ! » pour faire reculer les citoyens médusés devant une
telle scène de violence. Cynover suivait de loin les deux contrebandiers ; il faut dire
que eux, ils avaient l'habitude de fuir, alors que lui ne faisait pratiquement jamais de
sport, juste un peu de musculation pour entretenir la forme. D'ailleurs, ces deux types
étaient sacrément rapides, pensait sans arrêt Cynover.
Après plusieurs minutes de course effrénée, le petit groupe arriva jusqu'au hangar 63.
L'astroport était pratiquement désert à cette heure-ci. Rapidement, le capitaine Luis
Pédro activa l'entrée du vaisseau – une sorte de grosse soucoupe en cigare dont la
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forme rappelait vaguement un tacos – et mit en route les réacteurs pour se préparer au
décollage.
– Hey, attendez-moi ! Hurla Cynover en rejoignant tout juste le sas d'entrée.
Dans le cockpit, le capitaine Pédro tapota sur les multiples écrans et boutons de
contrôle, tandis que Otaku venait juste de le rejoindre pour l'assister.
– Il va falloir quelques minutes pour thermolyser à cent pour cent les réacteurs
principaux, commenta Otaku.
– Concrètement, on décolle quand ?! S'écria Cynover en s'installant dans un siège
passager.
– Oh toi, la ferme, me stresse pas, répondit du tac au tac Pédro en analysant une
courbe holographique. Otak', active le radar, portée 25 mètres. Et n'oublie pas de
ioniser les sous-programmes réflectifs du thermo-réacteur synthétique surtout,
sinon on a aucune chance de réaliser un saut phasique à temps !
– Je m'en occupe.
– Vous pouvez accélérer ! Supplia Cynover. Je veux pas mourir ici !
– Tu vas la fermer ta gueule oui !
– Huit points sur le radar, ils se dirigent vers notre position, coupa Otaku.
– Bordel de nouille ! Active la tourelle automatique, ça va les retenir quelques
instants !
Au-dehors, huit soldats de Zitiweb se hâtèrent, fusils au poing et appelant des
renforts. Lorsqu'ils parvinrent jusqu'au Tacos Millenium, ils furent accueillis avec
sympathie par une grosse tourelle, crachant des lasers à une vitesse très élevée.
Presque tous furent fauchés, sauf un, le capitaine, qui gueula dans son transmetteur
pour obtenir au plus vite des soldats supplémentaires.
– Les réacteurs principaux sont tous thermolysés ! Fit soudain Otaku.
– Ok, Otak', lance la gomme, on se casse d'ici !
Le Tacos Millenium s'éleva dans les airs en soufflant tout autour de lui des volutes de
poussière, tandis que les soldats de Zitiweb arrivèrent nombreux en tirant des rafales
sur la carcasse du vaisseau. Celui-ci s'éleva dans les airs bien vite, filant à toute allure
vers l'espace. Fermement harnaché, Cynover claquait des dents : c'était la première
fois qu'il montait dans un vaisseau, et de surcroît, la première fois qu'il allait voyager
dans l'espace.
– Corrige l'assiette à 124 et l'inclinaison à 65° Otak'.
– J'ai étendu la portée du radar, et c'est pas bon ! Deux croiseurs nous attendent en
orbite !
– Merde quoi, fait chier ! Les honnêtes contrebandiers peuvent plus s'échapper de
nos jours. Va falloir la jouer serré ! Désactive l'automatique, je passe en manuel. Le
jour de la mort du capitaine Luis Pédro est clairement pas encore venue ! Fock !
– Un vaisseau contre deux croiseurs. Je n'ai pas étudié beaucoup l'ingénierie
spatiale, mais il me semble qu'on est clairement fichus ! Gémit Cynover.
– Ça, c'est parce que tu m'as jamais vu aux commandes de ce vaisseau mon petit !
Rétorqua Luis avec un sourire démoniaque.
Débouchant enfin dans l'espace, les passagers du Tacos Millenium purent s'apercevoir
que la situation était encore plus dramatique que ça. Les deux croiseurs étaient prêts à
faire feu, et une nuée de chasseurs Séraphin les attendaient de pied ferme. Le Tacos
Millenium esquiva quelques tirs, augmentant sa vitesse de croisière.
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– Je répartie les boucliers à l'avant, annonça Otaku en pianotant sur l'ordinateur de
bord.
– Désigne les Séraph' en priorité à la tourelle, ils commencent à me gaver l'oignon
ceux-là.
– ON EST FOUTUS !!! Beugla Cynover.
Des dizaines de chasseurs Séraphins se mirent alors en chasse du Tacos Millenium,
tirant des salves de plasma pour tenter de le faire exploser. Le vaisseau tourbillonna, fit
des tonneaux et des hauts et des bas pour esquiver les tirs dans un balai cosmique
incroyable ! Il dépassa enfin les lourds croiseurs de Zitiweb, tandis qu'une salve de tirs
de ces-derniers toucha de plein fouet le Tacos.
– Mille centaine de mille bordages ! Cria Luis. Otak', répartie les boucliers à
l'arrière, sinon on se fait pulvériser au prochain coup !
– On a subit des dommages internes jusqu'à 46 % !
– Je calcule une trajectoire pour le saut phasique, si on reste ici on est morts.
– Salve de tirs ! Impact dans deux secondes !
– Bordel !
– AAAAAH !!! »
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7. L'Empereur Dhyn-Amo Speedys
Sur Cycle, la planète Impériale, un lourd croiseur fit soudain irruption à travers
l'atmosphère, déchirant les lourds nuages noirs vomissant une pluie diluvienne.
Glissant silencieusement, il s'immobilisa peu à peu et une petite nef quitta ses
entrailles, pour venir se poser quelques minutes plus tard sur une piste d'atterrissage
proche du somptueux palais.
Une délégation Impériale attendait la navette, rangée en silence sous la pluie battante.
Lorsque celle-ci fut posée, le sas d'entrée grinça en des volutes de fumée, laissant
apparaître de curieux soldats en armure noire portant des étendards rouge-sang.
Derrière-eux se trouvait un grand bonhomme, lui aussi de noir vêtu, la cape flottant au
vent. Le visage creux et mince, la tête rasée et percé par de multiples boucles
d'oreilles, il arborait un grand nombre de cicatrices sur le visage. Le diplomate
Impérial s'avança :
« C'est un honneur de vous recevoir parmi nous, baron, fit le diplomate dans un
sourire forcé.
Sans mot dire, l'homme à la cape poursuivit son chemin sans prendre la peine de
saluer le diplomate, ou de ralentir son allure. Ce-dernier le rattrapa pour cheminer avec
lui.
– Où est l'Empereur ?
– Dans la salle du trône, comme d'habitude, baron, répondit le diplomate. Il vous
attend.
– Très bien.
S'engouffrant dans le hall éclairé par des lampes tamisées, l'homme à la cape le
traversa de part en part, accompagné par sa troupe sinistre. Quelques salles plus loin, il
débarquait dans la salle du trône ; pièce rectangulaire d'envergure moyenne, mais
décorée somptueusement de parures d'or et de statues aux formes incertaines.
L'Empereur Dhyn-Amo Speedys, vieil homme ventripotent à la barbe blanche et
finement taillée, était assit au fond de son délicat fauteuil. Il avait l'air si faible quand
on le regardait ; faible et si vieux. Il semblait même assoupit.
– Mon Sublime Empereur, déclara d'une voix forte l'homme à la cape en entrant.
Il s'agenouilla brièvement puis se redressa, attendant une réaction du vieillard.
– Baron Protecto, répondit alors Dhyn-Amo en se levant. C'est pour moi grande
joie de vous recevoir.
– Je suis également heureux d'être ici avec vous, mon Empereur.
– Le voyage fut agréable mon ami ?
– Comme à l'ordinaire.
Le silence s'installa, déstabilisant un peu Dhyn-Amo, qui en profita pour se rassoir.
Le baron Protecto n'en parut pas plus gêné. Il s'avança et jeta un œil aux alentours,
comme pour signifier quelque chose.
– Laissez-nous, fit l'Empereur dans un murmure.
Les gardes et serviteurs disparurent alors dans les pièces d'à côté, puis fermèrent les
portes. Les bras croisés, Protecto adopta une attitude de défit, irradiant la salle de sa
confiance et de son aura malsaine.
– Mon Empereur, la situation devient dramatique, fit Protecto en s'avançant encore
un peu.
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– J'ai lu tes rapports, mon bon ami, et je suis aussi alarmé que toi. Mais est-ce exact
?
– Il n'y a nul doute dans ces informations. Elles sont fiables. Le Parlement
complote contre vous, Majesté. La Maison Fidelis manigance depuis bien trop
longtemps ; et aujourd'hui, elle ligue toute la galaxie contre vous.
– Je n'ose pas y croire, articula faiblement Dhyn-Amo. La Maison Fidelis sert
l'Empire avec honneur depuis de nombreuses générations...
– Elle est sournoise, Majesté. Leur plan millénaire mis en place il y a des siècles n'a
pour but que d'assoir un de leurs héritiers sur le trône.
– Oui, sans doute... C'est une véritable tragédie. Que puis-je bien faire maintenant...
– La Maison Impériale est la plus puissante d'entre toutes mon Empereur, vous le
savez tout comme moi. Il faut les briser maintenant avant qu'il ne soit trop tard !
Vous et mes légions, nous les écraserons comme des insectes et rétablirons l'ordre
dans la Galaxie.
– Ah, mon ami, s'exclama l'Empereur. Je vous considère comme le fils que je n'aie
jamais eu. Vous êtes débordant de ressources et d'idées.
– C'est pour moi un devoir et un infini honneur de servir l'Empereur et l'Empire,
murmura Protecto.
– Que suggérez-vous ?
– J'ai un plan tout préparé, répondit le baron. Vous n'êtes pas sans savoir que votre
anniversaire aura lieu dans quelques jours. Et comme à l'ordinaire, une grande
parade de vaisseaux aura lieue sur le Halo Zéro. Les flottes de toutes les Maisons
du Parlement y seront rassemblées. C'est ici que nous les écraserons, mon
Empereur ! Ma flotte les prendra par surprise, aidée par quelques Maisons alliées.
Nous n'aurons alors plus qu'à dissoudre le Parlement sur Halo Zéro en mettant les
Sénateurs aux arrêts, puis traquer les ultimes forces des Maisons à travers la
galaxie.
– Ce plan est très bien pensé, accorda Dhyn-Amo. Cependant, est-ce que vous
pensez vraiment que nous endiguerons cette fronde ?
– Le plus gros des forces sur Halo Zéro étant éliminé, nous n'aurons aucun mal à
soumettre les autres. Il est temps de restaurer la justice et l'équité dans une galaxie
en proie aux complots et à la corruption, Sire.
– Dieu sait que vous avez raison baron. Alors... Qu'il en soit ainsi.
– Je mobilise sans plus attendre mes forces mon Empereur. Je vous recontacterai
d'ici peu.
– Que Dieu vous garde mon ami ».
Le baron Protecto salua l'Empereur le sourire aux lèvres, puis se retira en compagnie
de ses gardes jusqu'à la navette. Dans un souffle, celle-ci s'éleva dans les airs, quittant
Cycle pour filer en trombe vers le lourd cuirasser, immobilisé autour du gigantesque
palais.
Arrivant dans le hangar d'appontage, le capitaine du vaisseau et plusieurs dizaines de
soldats bien rangés en carré accueillirent comme il se doit le baron Protecto, héritier de
la famille Zitiweb et régnant sans partage depuis maintenant vingt-trois ans.
« Cap sur le système Pégasus capitaine, fit Protecto rapidement en traversant le
hangar.
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– Nous allons à Halo Zéro ?
– C'est exact, nous avons des affaires qui nous y attendent.
– A vos ordres Sire.
– Éloignez également le croiseur de la planète, je dois effectuer une transmission
extra-planétaire.
– Cela sera fait Monseigneur.
Le croiseur s'éleva lentement dans les airs, prit de la vitesse, puis disparut de Cycle.
Dans sa chambre, le baron attendait que l'émetteur ait suffisamment de puissance
pour que la transmission ait lieu correctement. Après quelques minutes d'attente,
l'écran de contrôle grésilla, signe que le croiseur était maintenant à portée. Le baron
trifouilla quelques boutons et un hologramme grandeur nature apparu devant lui à
quelques mètres. C'était un homme de taille moyenne, au visage indescriptible
puisqu'il était encapuchonné de la tête aux pieds dans une robe de bure noire.
– Seigneur, articula la silhouette en s'agenouillant.
– As-tu accompli ta mission, Phoenix ?
– La planète Aden est sous contrôle Sire. Les Néo-Philosophes ont été exterminés
et leur maître capturé. Cependant, j'ai de bonnes raisons de croire que l'un d'entre
eux est encore en vie.
– Cela est fâcheux, réfléchit Protecto après quelques minutes de silence. Ce
survivant pourrait nous causer des ennuis. Tâche de le retrouver vite une fois ta
mission accomplie.
– Ce sera fait Messire.
– Emmène Epistemis sur Zitigrad, et fait-le surveiller sous bonne garde. N'oublie
pas de vitrifier Aden auparavant. Personne ne doit jamais savoir que nous avons
attaqué cette colonie. Et comme elle se trouve en bordure de l'Empire, on pensera
qu'il s'agit d'un raid pirate.
– A vos ordres Seigneur ».
Protecto éteignit le transmetteur, savourant un grand instant de délice. Les pièces de
l'échiquier se mettaient tranquillement en place. Et bientôt, ce serait échec et mat.
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8. Crash sur Blouhom
« Ça fait juste chier le poireau ! »
Dans la salle commune arrière du Tacos Millenium, le capitaine Luis Pédro, le
célèbre contrebandier, s'acharnait sur des morceaux de câbles et des plaquettes
électriques, à moitié désintégrées par les tirs de laser.
– Le point positif, c'est qu'on est toujours en vie, fit Cynover en entrant dans la
salle.
– Tu parles gamin, tu te pissais dessus y'a quelques heures ! Bon, à part ça, tu as
trouvé la boîte de matos que je t'ai demandée ?
– Celle-là ? Fit le jeune homme en déposant une boîte à côté du capitaine.
– NON ! Mais t'écoute ou quoi ! Pour la troisième fois, c'est une boîte de
synthétiseurs électro-magnétiques isolants, c'est marqué dessus ! Je peux pas
réparer ces circuits sans ça !
– Ah... Désolé.
– Rembarque ça et trouve-moi ce que je t'ai demandé. Te plante pas cette fois petit
!
Cynover, dépité, reprit sa lourde boîte en ferraille pour la ramener à la cale. Otaku fit
irruption à ce moment-là, fixant du regard le jeune néo-philosophe du regard. Puis il
s'avança vers Pédro :
– Les sous-systèmes dyalectisés fonctionnent correctement.
– Ok, bon travail, marmonna Luis Pédro, un tournevis entre les dents.
– Ce garçon ne va faire que nous attirer des ennuis, fit Otaku en s'asseyant.
– On est déjà dans les emmerdes jusqu'à la courgette, maugréa Pédro en se
redressant. C'est déjà une chance qu'on ait passé en saut phasique dans cet état, et
qu'on ait pu se poser sur cette planète paumée sans encombres.
– J'ai scanné les environs, aucun signe de vie.
– Tu m'étonnes. C'est juste un désert de sable ce caillou.
– Le synthétiseur d'eau est foutu, et il n'y a presque plus de liquide. Mais selon les
scans, il y a une grotte avec un cours d'eau à trois kilomètres à peine.
– Raaah, s'énerva Pédro en plantant son tournevis dans la paroi métallique. Bon,
écoute, je choppe un warthog et je vais ramener un peu d'eau ici. Essaie de réparer
cette merde.
– D'accord, à tout à l'heure.
Luis empreinta l'ascenseur et descendit jusqu'à la cale, vaste entrepôt situé sous le
vaisseau et renfermant marchandises de contrebande, matériel, ainsi que deux warthog.
Cynover avait éparpillé le contenu de plusieurs caisses, apparemment complètement
perdu. Il n'avait sans doute pas étudié la mécanique orbitale dans sa foutue académie.
– Oh, capitaine, fit Cynover en redressant la tête.
– Tu m'as l'air un peu perdu, répondit Pédro en allumant un cigare.
– J'ai beau chercher, je trouve pas la boîte de synthétiseurs électro-magnétiques
isolants.
– A vue de nez, ça doit être cette caisse rouge là-bas, désigna du doigt Luis.
Le capitaine commença alors à charger plusieurs bidons à l'arrière d'un des warthog,
tandis que Cynover s'exclama d'un « ah ben oui, c'est bien ça ! ». Puis Pédro actionna
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l'ouverture du sas, laissant entrer des fumeroles de poussière et la chaleur harassante de
la planète désertique dans laquelle ils se trouvaient.
– Vous partez ?
– 'Vais cueillir des champignons, fit Luis en mâchouillant son cigare.
– Euh... Vous pensez vraiment trouver des champignons ici capitaine ? S'exclama
Cynover.
– Bien sûr, les champignons de cette planète sont les meilleurs de toute la galaxie,
acheva Pédro en finissant de charger les bidons vides. Allez, à tout de suite petit, et
oublie pas d'apporter le matos à Otak' !
Le capitaine Luis Pédro sauta promptement à l'intérieur du warthog, le démarra et
partit en trombe dans le désert, faisant tousser au passage Cynover à cause de la
fumée. Il faut dire que jamais il n'avait sentit de fumée de warthog. Dans un soupir, il
remonta en haut du Tacos Millenium et rejoignit Otaku, affairé à réparer les circuits
laissés par Pédro.
– J'ai trouvé la caisse ! S'écria Cynover avec un grand sourire.
– Pas trop tôt, vociféra Otaku. Pose-là ici, et je crois que ce sera suffisant.
La Brute ouvrit d'un coup de pied le caisson, puis farfouilla à l'intérieur en prenant
tout un tas d'outils et d'objets étranges. Il fit alors des raccords de câbles et remplaça
des plaquettes, sous les yeux curieux de Cynover.
– A quoi ça sert tout ça ?
– A remettre le vaisseau en état.
– Oui mais, leur fonction exacte.
– Pas envie d'expliquer en ce moment. Tiens-toi tranquille, petite catastrophe
ambulante.
– Vous ne m'aimez pas ?
– Pas vraiment.
Le silence retomba dans le vaisseau, qui ronronnait calmement en état de veille.
Otaku, tout à son affaire, oublia complètement Cynover, somnolant dans son coin. Il
ne lui restait plus qu'à dormir, puisqu'il était à peu près inutile pour quoi que ce soit
dans cet environnement. Du coup, il commençait à réciter les décimales de Pi,
lorsqu'une secousse ébranla le Tacos Millenium.
– Oulah ! Gémit Cynover. Le vaisseau va exploser !
– Mais non imbécile, c'est plutôt bon signe. Ça veut dire que les réacteurs
principaux sont enfin reconnectés au sous-réseau primaire. Théoriquement, on peut
donc repartir. Mais il vaut mieux réparer le reste, juste au cas où.
– Il faudrait prévenir le capitaine.
– Il va revenir, pas de panique.
– Oh, ça, je le sais bien ! Il est partit chercher des champignons. J'ai trouvé ça
étrange qu'il y ait des champignons ici, mais il m'a affirmé qu'on y trouvait les
meilleurs de toute la galaxie.
Otaku regarda d'un sourcil interrogateur Cynover, avant de se rendre compte qu'il ne
plaisantait pas le moins du monde. Poussant un soupir las, il acheva de souder la paroi
et bu une gorgée d'eau dans sa gourde.
– Pas malin pour deux sous, n'est-ce pas ? Siffla la Brute. Évidemment qu'il n'y a
pas de champignons ici. Le synthétiseur d'eau est HS, et il est partit en chercher
dehors.
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– Quoi, il y a de l'eau ici ?! Impossible !
– Gnn... Laisse tomber finalement, grogna Otaku.
– Ils se trouvent loin, ces champignons ?
– Trois kilomètres environ.
– Il en met du temps, ça fait presque une heure qu'il est partit, songea Cynover.
Peut-être qu'il y a beaucoup de champignons finalement.
« Pour une fois, il n'a pas tord », pensa Otaku. En moins d'une demi-heure,
normalement, l'affaire était emballée. Peut-être avait-il eut un problème...
– Il est toujours un peu en retard, se contenta de répondre la Brute. Je vais réparer
le synthétiseur d'eau, ne bouge pas d'ici et ne fait pas de bêtises.
– Ah... Ok, d'accord...
La Brute disparut dans le couloir d'à côté, tandis que Cynover se replongea dans ses
pensées, assit confortablement dans la banquette circulaire au centre de la salle.
L'hologramme de la planète au centre projetait une douce lumière sur son visage, et les
informations éparses à l'écran captivait son attention. Quelle belle planète. Pure et
déserte.
Fermant les yeux, Cynover se laissa aller à la rêverie. Il repensa soudain au massacre
de l'académie Veritae, ses camarades morts devant ses yeux, découpés, lasérisés,
compressés et écrasés par ces bêtes sauvages de Zitiweb. Au courage de maître
Epistémis, levant son encyclopédie face à l'agresseur, aux survivants repoussant les
soldats par les saints mots du Savoir. Finalement, à bien y repenser, ce-dernier ne leur
avait été d'aucun secours.
Soudain, dans son rêve, l'un des agresseurs le surprit, caché qu'il était sous les
graviers. Il arriva vers lui avec un sourire démoniaque, le fusil au poing, et le secoua
comme un prunier...
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9. Le sauvetage du capitaine Luis Pedro
« Réveille-toi ! Tu vas te réveiller bon sang !
– Aaaah ! Laissez-moi vivre, je vous en supplie !
Cynover, égosillé de terreur, ouvrit les yeux. Non, il était loin de l'académie. Il était
en sécurité... sur une planète désolée. Penaud, il abaissa ses bras levés en signe de
protection et se redressa.
– P... Pardon, je faisais un mauvais rêve.
– Ça fait plus de trois heures que Luis est partit, maugréa Otaku. Quelque chose ne
tourne pas rond. Il faut qu'on aille voir.
– Trois heures, déjà ! S'exclama Cynover. On est bien parti pour manger des
champignons pour une année galactique standard dis donc !
– Tais-toi un peu, imbécile ! Allez, prépare-toi, on va le rejoindre à la caverne.
– Je suis prêt.
– Prends au moins une gourde d'eau, le désert ne pardonne généralement pas.
Cynover rejoignit quelques instants plus tard la Brute dans la cale. Le sas était de
nouveau abaissé et on pouvait sentir la chaleur suffocante du dehors. Otaku s'était
armé d'une carabine et une paire de jumelles pendouillait autour de son cou, tandis
qu'il manipulait un étrange instrument dans ses mains.
– Qu'est-ce que c'est ?
– Un astrocompas. Il sert à faire des repérages et des mesures sur le sol d'une
planète. Utile quand on ne dispose pas de la cartographie des lieux. Monte, on y va.
Otaku referma le clapet de l'instrument et fit démarrer le warthog, qui vrombit dans
un hâle poussif. Dans un rugissement, la machine s'élança dans le sable sec, tandis que
Cynover fut saisit l'espace d'un instant par l'extrême chaleur extérieure, malgré le fait
que la journée touchait à sa fin. Des plates-formes rocheuses se dressaient non loin,
écrasant le sable de leur ombre pleine de lourdeur. Otaku scruta les environs avec sa
paire de jumelles et poussa soudain un « oh ! ». Braquant à gauche, le warthog
s'enfonça dans de larges rochers escarpés, luisant de soleil et gorgés de chaleur. Tout
au bout se trouvait le véhicule de Luis.
– Il est sûrement là-dedans, fit Otaku en désignant du doigt la petite crevasse dans
la roche.
– Tiens, étrange, pas un seul champignon à l'arrière de son warthog, remarqua
Cynover en faisant le tour.
– Tiens, prends cette lampe-torche, on va voir à l'intérieur.
La crevasse étant assez petite, Otaku dut se plier en quatre pour pénétrer dans la
caverne et s'arracher au passage quelques poils de sa belle fourrure. Cynover étant plus
maigre, il n'eut quant à lui que pour seule difficulté la peur du noir, bientôt estompée
sous les regards terrifiants de la Brute.
Un tunnel étroit plongeait dans les tréfonds de la terre. Otaku en tête du groupe,
celui-ci faisait très attention à ne pas trébucher sur les roches abruptes, éclairant du
faible faisceau lumineux les parois aux couleurs indistinctes et le sol poussiéreux.
Ils parvinrent enfin en bas, vaste grotte constellée de stalactites et de stalagmites. Un
faible bruit d'eau, vaguement étouffé, s'entendait au lointain.
– Ça alors, je crois entendre de l'eau ! S'exclama Cynover avec effarement.
– On va par là, répondit Otaku dans un soupir las.
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Déambulant avec précaution dans la salle rocailleuse, puis passant par un autre
tunnel, ils débouchèrent cette fois dans une vaste salle, colossale en proportions. Des
brasiers avaient été allumés ci et là, et une statue gigantesque représentant un masque
était dressée en contrebas. Une foule de personnes – ils étaient peut-être bien une
cinquantaine – se prosternait silencieusement devant l'idole de granit, tandis qu'un
grand personnage criait des paroles incompréhensibles, un long couteau à la main.
– Par les Anciens, murmura Otaku. Je crois bien que finalement, il y a du monde
sur cette planète.
– Je n'arrive pas à reconnaître ces gens, fit Cynover avec ennuie.
Les ermites de cette planète portaient tous une robe de bure pourpre, encapuchonnés
qu'ils étaient de la tête aux pieds. Les lueurs des flammes luisaient sur leur visage
ruisselant de sueur et déformé par une folie quelconque. Hommes et femmes se
mélangeaient indistinctement ; on pouvait même apercevoir quelques extraterrestres.
Le « prêtre » quant à lui semblait extrêmement vieux. La capuche rejetée sur ses
épaules, sa tête avait la forme d'un crâne osseux desséché ridé à l'extrême, tandis que
ses mains noueuses agitaient en tout sens le poignard décoré de diamants.
– Ils m'ont tout l'air de fanatiques, réfléchit Otaku.
– Vous pensez que le capitaine a été capturé par ces gens ?
– C'est une certitude même, sinon il serait revenu depuis longtemps pour nous
prévenir...
– A... Alors, on va faire quoi ! Bégaya le jeune homme.
– Il faut que je réfléchisse à un pl...
Cynover poussa un cri soudain : la pierre contre laquelle il se tenait céda et le garçon
dégringola comme une poupée de chiffes jusqu'en contrebas, en plein milieu des
fanatiques. Ceux-ci, tout étonnés, restèrent un moment indécis en le fixant du regard,
certainement outrés et enragés d'avoir été dérangés en pleine cérémonie.
– S'uhn-ngh athg ! Cria alors le prêtre d'une voix furieuse.
D'un même corps, tous les sectateurs hurlèrent en cœur en dégainant de sous leurs
robes des poignards, puis se précipitèrent sur le pauvre Cynover, terrifié et glapissant,
voulant grimper la paroi rocheuse pour remonter. Otaku, maudissant le ciel, se saisit de
sa carabine et commença à tirer dans le tas, sans distinction. Pan ! Plusieurs fanatiques
tombèrent fauchés, le regard convulsé, mais cela n'arrêta pas pour autant les autres, qui
redoublèrent de vigueur devant cette soudaine résistance. Le prêtre se fendit d'un
nouveau « S'uhn-ngh athg ! », cette fois plus autoritaire, et les sectateurs vociférèrent
de rage.
– Remonte vite bon sang ! Hurla Otaku en dégommant un nouveau disciple.
– Je peux pas, je peux pas ! Pleurait Cynover.
On le tira alors par la jambe, et on le tabassa à grands coups de pieds et de poings
avec ardeur. Complètement sonné, Cynover abandonna toute résistance ; de toutes
façons, à quoi bon, ils étaient fichus. Otaku poursuivit sa fusillade quelques secondes,
mais reçut soudainement une grosse pierre dans la tête. Lui aussi sonné, il s'effondra à
son tour en bas de la caverne dans un fracas assourdissant...
Les sectateurs poussèrent un hourra et ligotèrent solidement les deux intrus. Le
prêtre, grand sourire, se faufila alors jusqu'à Cynover, à pas lents... Puis, arrivé devant
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lui, l'inspecta longuement. Il prit ensuite en tenaille le visage du garçon avec sa main
noueuse, caressant sa carotide avec son poignard.
– L'innocence... Susurra le prêtre à l'oreille de Cynover.
Il inspecta ensuite Otaku, puis reporta son attention sur Cynover.
– Bloublou sera content demain ! Fit-il d'une voix féroce. K'yarnak phlegethor
l'ebumna syha'h !
– K'yarnak phlegethor l'ebumna syha'h ! Reprit en cœur le reste de la foule.
– Emmenez-le ! » Acheva le prêtre en se tournant vers le masque géant.
Les sectateurs se dispersèrent sous cet ordre, tandis que plusieurs gardes se
chargèrent d'acheminer les prisonniers vers un endroit inconnu de la grotte. Cynover
n'avait plus de forces ; il se laissait traîner, porté par deux fanatiques le soutenant par
les épaules. Son visage voyait le sol rocailleux défiler devant lui, des marches se
seconder, puis une succession de salles claires et obscures. Il arriva enfin au bout du
parcours : une minuscule salle circulaire plongée dans le noir. Jeté au sol comme un
animal, il entendit une porte se refermer derrière lui puis... Plus rien.
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10. Les sectateurs de Blouhom
Cynover se réveilla ; quelqu'un semblait parler au loin. Encore qu'il ne savait pas
vraiment si le son provenait de son rêve brumeux, ou de la réalité...
La réalité.
Son crâne le tambourinait comme jamais et son corps meurtri le suppliait de ne pas
bouger. S'adossant contre la paroi rocheuse de sa cellule, il fixa la porte de ferraille,
dont une faible lueur arrivait à se glisser jusqu'à lui grâce à une faible ouverture en
contrebas. Les paroles reprirent, quelque part là au dehors. Interloqué, Cynover
s'avança jusqu'à l'entrée de fer et s'agenouilla tout prêt de l'ouverture pour tenter
d'entendre quelque chose.
« ...ier... le... oireau ! N... erde... i je l... rouve, je... ur... ait... ouffer... ur... obe... del !
– Je suis làààà ! S'égosilla Cynover de la voix qu'il voulut la plus forte possible.
– ... a... 'un ?
– C'EST CYNOVEEEER ! C'EST MOOOOI ! CAPITAINE ????
– ... st... uis !... ous... là... ssi ?
– CAPITAAAAAAINE !!! C'EST CYNOVEEEER !!!
– ... uis la !
Cynover avait beau faire, il n'entendait absolument rien. Rongé par la fatigue, le
fatalisme et le désespoir, il s'étala face contre le sol, pleurant à chaudes larmes. Jamais
il ne pourrait sortir d'ici. Il était condamné à moisir dans cette prison minuscule,
puante et noire... voir pire encore !
Il tenta de se rappeler le pourquoi du comment. Tout ça à cause de Zitiweb en fait.
S'ils n'avaient pas réduit en cendres l'académie, il serait à l'heure actuelle en train
d'étudier avec ses camarades et Epistemis. S'ils n'occupaient pas la planète, il aurait pu
s'enfuir sans dangers avec le capitaine Pédro. Et si Zitiweb ne leur avait pas tiré dessus
alors qu'ils allaient effectuer leur saut phasique, ils ne se seraient jamais écrasés sur
cette maudite planète.
Son destin était donc scellé ici, il fallait l'accepter, et il le fit avec tout le fatalisme
qu'il fallait pour accepter cette situation intolérable. Cynover s'endormit dans la
poussière, avec pour dernière pensée de ne jamais se réveiller du néant onirique.
La porte s'ouvrit soudain à la volée. Le jeune garçon se réveilla en poussant un
glapissement ; combien de temps avait-il dormit ? Il ne savait pas vraiment. Deux
sectateurs de Bloublou arrivèrent en trombe et relevèrent promptement Cynover sur
ses deux jambes. Ils l'attachèrent, puis le poussèrent sans ménagement dans ce qui
semblait être une sorte de caverne circulaire. La prison avait été construite sur
plusieurs étages, et ceux-ci se perdaient dans un gouffre sans fin. Des rampes en bois
avaient été aménagées tout autour de la grotte, et des excavations creusées pour y
mettre des prisonniers.
Cynover poussa un petit cri de soulagement en voyant, quelques mètres plus loin,
Otaku et le capitaine Pédro solidement attachés et sous bonne garde de plusieurs
fanatiques, des bâtons aux mains. Luis avait un bâillon sur la bouche et marmonnait
des grognements étouffés, jetant un regard noir aux sectateurs. Quant à Otaku, il était
intégralement menotté, sûrement pour éviter qu'il ne se libéra trop facilement.
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L'un des fanatiques ordonna alors quelque chose dans une langue étrange, et les
gardes poussèrent les trois prisonniers à marcher vers l'entrée d'un tunnel.
S'engouffrant dans des dédales inconnus, Cynover remarqua avec effroi les multiples
crânes et ossements qui ornaient des pans de murs, sans compter les symboles rituels
tracés avec du sang sur les parois de la caverne. Ils n'étaient apparemment pas les
premiers à avoir échoués ici.
Quelques couloirs plus tard, les prisonniers arrivèrent de nouveau à la salle du
temple, là où siégeait le grand masque de pierre sur son piédestal. Tous les fanatiques
avaient été réunis, et Cynover faillit s'écrouler en constatant qu'ils étaient plus d'une
centaine ! Le Grand Prêtre hurlait des formules incompréhensibles, et la foule en
transe répétait en écho ses paroles.
Les yeux du Masque de Bloublou, creusés en une grande cavité, fumaient
abondamment et un énorme brasier avait été allumé dans sa bouche. Soudain, tous les
sectateurs se prosternèrent en gesticulant dans tous les sens, et en hurlant :
– BLOUBLOU ! BLOUBLOU ! BLOUBLOU ! BLOUBLOU !
Les prisonniers furent poussés en avant, vers le Grand Prêtre. Celui-ci sortit son
grand poignard et leva les bras au ciel :
– Ya na kadishtu nilgh'ri stell'bsna Bloublou ! Ya hai kadishtu ep r'luh-eeh
Bloublou eeh !
– Shtatu na kashu ll'ba naa Bloublou ! Répondirent en cœur les fanatiques.
– Iä, Iä, Bloublou fhtagn ! Hurla le prêtre. Iä, Iä, Bloublou fhtagn !
– BLOUBLOU FHTAGN ! Se déchaînèrent les fanatiques.
Puis ils hurlèrent encore « BLOUBLOU ! BLOUBLOU ! BLOUBLOU !
BLOUBLOU ! » tandis que Cynover fut saisit par deux gardes, et qui l'emmenèrent
jusqu'à une grande planche qui descendait du haut de la caverne grâce à deux chaînes.
– Pitié ! Implora le jeune homme. Je ne suis pas comestible !
Pour toute réponse, les deux sectateurs l'attachèrent à la planchette moisie par les
mains et les pieds. Cynover ne l'avait pas encore remarqué, mais juste sous ses pieds se
trouvait une large dalle de pierre circulaire, en face de la statue de Bloublou qui
crachait des torrents de flammes.
La dalle commença soudainement à s'ouvrir, révélant un gouffre abyssal dans lequel
de la lave en fusion se déversait lentement dans une sorte de lac. En résultait de la
vapeur d'eau très chaude qui remontait jusqu'en haut, et qui provoqua la terreur de
Cynover.
– Oh, Seigneur ! Ces gens vont m'ébouillanter ! S'étouffa-t-il dans un sanglot en
contemplant le spectacle en-dessous de lui.
– Ph'nglui mglw'nafh Bloublou wgah'nagl fhtagn, ah ah ah ! S'exclama le prêtre en
caressant les cheveux de Cynover.
Puis il fit un rapide geste du doigt, d'un ton impérieux, ordonnant aux hommes
derrière-lui d'actionner le mécanisme pour sacrifier Cynover à la gloire éternelle de
Bloublou le Divin.
– OH NON ! PITIE ! Brailla Cynover en gesticulant.
– BLOUBLOU ! BLOUBLOU ! BLOUBLOU ! BLOUBLOU ! Lui répondit alors
la foule de sectateurs.
Luis et Otaku se tenaient à l'écart, pensifs. Ce n'était pas la première fois qu'ils se
fourraient dans une situation difficile ; la vie de contrebandier imposait une logique
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implacable qu'il fallait accepter, apprivoiser et maîtriser sous peine de ne pas faire long
feu.
Luis regarda soudain la Brute, lui faisant un signe de l'œil. Le célèbre capitaine du
Tacos Millenium avait en effet défait ses liens petit à petit, par un tour de passe-passe
secret dont seul lui était le connaisseur. Otaku lui répondit d'un léger hochement de
tête approbateur, se tenant prêt à passer à l'action. Ils n'avaient pas le droit à l'erreur,
comme toujours.
En un éclair, Luis fit tomber les cordes qui entravaient ses poignets, bouscula l'un des
gardes et lui arracha l'épée de son fourreau, tranchant sec dans la seconde qui suivit les
liens d'Otaku.
– Occupe-toi d'eux, je vais remonter le gamin, cria Luis en coupant en deux les
deux hommes qui actionnaient la machine.
Le Prêtre, furieux, gesticula dans tous les sens, ordonnant à la foule massée de l'autre
côté du gouffre de se précipiter sur le pont pour neutraliser les sacrifiés. Otaku ne
l'entendait pas de cette façon ; il arracha l'un des bras du prêtre, qui se mit à hurler
comme un porc, puis détruisit le pont de violents coups de pieds dans ses deux
attaches. Les fanatiques meuglèrent tous ensemble, s'agitant furieusement, puis
disparaissant dans des tunnels adjacents pour rejoindre au plus vite le lieu de la
bataille.
Les quelques hommes présents sur le lieu du sacrifice, passé leur instant de peur
soudaine, virent leur détermination renforcée en voyant les brasiers dans les yeux du
masque de Bloublou crépiter de plus belle. Ils se précipitèrent, les uns sur la Brute, les
autres sur Luis, ce-dernier tournant du mieux qu'il pouvait la lourde roue en bois pour
ramener Cynover dans le monde des vivants.
Voyant des types approcher, Luis bloqua la roue d'une lance qui gisait sur le sol, puis
fit tournoyer son épée fébrilement en tentant de repousser les fanatiques. Ceux-ci
rugirent et tapèrent du pied, invoquant Bloublou et Sa Puissance, puis passèrent à
l'assaut. Ils parvinrent à arracher l'épée de Luis, non sans avoir perdu l'un des leurs qui
s'empala de lui-même pour bloquer toute tentative d'action du capitaine. Il ne restait
que les poings et les pieds pour le courageux contrebandier, qui entreprit de démolir le
portrait personnellement de chacun de ses agresseurs.
Cerné par plusieurs sectateurs pointant des lances sur lui, Otaku grogna de plaisir ; il
aimait plus que tout les bagarres et surtout, flanquer une raclée monstre à ceux qui se
pensaient plus forts que lui. L'un des fanatiques tenta de l'embrocher par-derrière ;
Otaku l'évita d'un écart puis se saisit de sa lance, lui cassa la nuque et fit tournoyer
l'arme capturée autour de lui comme un lasso, tranchant les gorges des sectateurs dans
une gerbe de sang.
Voyant Luis en difficulté, il lança sa lance et embrocha un autre fanatique, puis
acheva le travail avec le capitaine contrebandier en savatant à terre les ultimes
résistants de Sa Magnificence Bloublou.
– Oh mon Dieu, je suis mooooort ! Hurlait Cynover sur sa planche.
– Tais-toi un peu gamin, je viens de te sauver la vie, siffla Luis en le détachant.
– Nous n'avons pas le temps, il faut trouver un moyen de filer d'ici, interrompit
Otaku.
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Pressés par le temps, et par le bruit des cris et des pas qui se rapprochaient à toute
allure vers eux, le groupe des miraculés s'engouffra dans un tunnel, une sorte de long
boyau rocheux qui serpentait inlassablement toujours plus bas.
– Tu es certain que ça mène à quelque part ? Grogna la Brute.
– Comment je pourrai, je vis pas ici moi ! De toutes façons, de l'autre côté, on
aurait eu affaire à ces cinglés, autant partir par ici que de se faire déchiqueter.
Après quelques minutes de parcours dans un noir quasi-total, Luis poussa une vieille
porte en bois pourrit et le groupe arriva dans une immense cavité rocheuse. Ce devait
être une mine, puisque des caisses de minerais gisaient ci et là, et qu'un wagonnet était
stationné sur des rails non loin. De l'autre côté, il y avait une sorte de grand barrage
d'eau, colossal, duquel partaient différents tuyaux à travers toute la grotte.
– On va prendre ce wagon, déclara Luis.
– Et si ça nous mène encore plus profondément dans ce dédale de cavernes ?
– Est-ce qu'on a le choix ? Pas franchement. Et puis, mon sixième sens me dit
qu'on va trouver une sortie bientôt, avec ce wagon.
– Ton sixième sens ! S'esclaffa Otaku. Tu parles du même sixième sens qui a fait
qu'on se retrouve coincé dans ce foutu guet-happen sur Cief ?
– C'était pas mon sixième sens, c'était... Euh, de la malchance pure.
– J'en ai pourtant pas souvenance ! Répondit la Brute.
– Dites... les gars... Tenta Cynover.
Le jeune néo-philosophe écoutait avec effroi les cris hystériques des fanatiques, qui
arrivaient en nombre par le boyau rocheux d'où ils étaient venus. Balançant son regard
du tunnel aux deux contrebandiers qui se disputaient, il réprima un frisson et cria :
– HEY ! Ils arrivent, vous feriez mieux de décider quelque chose !
Luis Pédro et Otaku se regardèrent en chien de faïence, avant de soupirer.
– Ok, on y va, concéda Otaku en désignant le wagon.
– J'ai une super idée, dit Luis en se dirigeant vers le barrage.
Tandis que Cynover grimpa à bord du gros chariot, Luis contempla le formidable
ouvrage, qui retenait tant d'eau, et la raison pour laquelle il était venu d'ailleurs. Avec
un grand sourire, il se tourna vers le poste de contrôle et inspecta l'écran.
– Qu'est-ce que... tu as en tête ? Fit Otaku en le rejoignant.
– On va noyer ces connards avec tout le respect qui leur est dû, sourit Luis.
– Si on trouve pas de sortie, on est cuits aussi, remarqua la Brute.
– Bon, tu vas pas recommencer. Cette fois-ci, c'est la bonne. Finissons-en avec ces
tarés.
Luis tapota l'écran, appuyant sur des boutons au hasard ; à vrai dire, il ne savait pas
ce qu'il faisait, mais il espérait bien que cela eût été suffisant pour détruire le barrage.
Lorsque l'écran vira au rouge, et que les ouvertures d'eau se déchaînèrent, il poussa un
rapide « kool ! » et les deux contrebandiers coururent jusqu'au wagon.
– Actionne le levier ! Fit Otaku à Luis.
D'un coup de pied, Luis « tira » le levier dans l'autre sens et sauta vite fait dans le
chariot, tandis que celui-ci démarra lentement mais sûrement. Le véhicule improvisé,
cahotant sur les rails, prit de la vitesse tandis qu'une foule compacte en robe de bure
pourpre arrivait au même moment en courant, des torches et des armes à la main, le
visage défiguré par la haine.
– Ils nous poursuivent ces zouaves, remarqua Luis en tournant la tête.
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– Nous n'avons pas d'armes, on peut rien faire.
– Si, on a qu'à balancer le gamin pour qu'ils nous foutent la paix quelques minutes,
le temps qu'on se casse d'ici.
Cynover ouvrit grand sa bouche, et protesta énergiquement dans la seconde qui
suivit.
– Vous ne pouvez pas faire ça ! Vous ne serez pas payés !
– Calme-toi mon gars, je plaisantais, répondit Luis avec consternation. Nan, je vous
dis, on craint rien. On va prendre de la vitesse et hop, à nous la sortie !
Derrière-eux, les fanatiques, voyant le chariot les distancer, sautèrent eux aussi
promptement dans des wagonnets pour tenter de rattraper les fugitifs. S'engagea alors
une course-poursuite infernale, rythmée par les montées et les descentes dans les petits
boyaux rocheux qui parcouraient toute la caverne. Soudain, un long bruit sourd
résonna à travers les pierres ; le barrage avait cédé. Des tonnes d'eau se déversèrent
alors, comme une fontaine intarissable, et les malheureux sectateurs présents sur les
lieux furent engloutis avant même qu'ils n'aient pu s'en apercevoir.
– Vous entendez ça ? Fit Otaku en regardant en arrière.
– Je crois bien que le barrage est enfin en miettes, sourit Luis avec satisfaction.
Le wagonnet pénétra dans une grande salle dans le bas se perdait dans les tréfonds
d'un gouffre. Tremblotant sur ses fragiles rails de bois, le wagon fit des sursauts,
accéléra et faillit se renverser à plusieurs reprises. Le premier chariot des poursuivants
arrivait derrière-eux ; l'un des sectateurs portait la carabine de Otaku, et se mit à tirer
dans tous les sens, espérant toucher l'un des fugitifs.
– Le salopard, maugréa Otaku en s'abaissant. Si seulement j'avais une arme, j'aurai
pu lui trouer la peau.
– Tenez bon et serrez les dents les gars ! S'exclama Luis Pédro.
La course-poursuite avait reprit dans les tunnels, cette fois plus larges et aérés, avec
parfois sur les côtés quelques balustrades d'installées. Sur celles-ci se tenaient des
fanatiques, visiblement prêt à sauter lorsque le wagon passerait devant eux ; ce qu'ils
firent d'ailleurs. Quelques-uns se vautrèrent lamentablement sur les rails et moururent
dans les quelques secondes qui suivirent lorsque leurs camarades passèrent sur eux,
provocant au passage un grand carambolage. Quelques-uns, cependant, parvinrent à
sauter pile-poil dans le chariot des trois fugitifs.
– Je commence à en avoir assez, maugréa la Brute.
Une escarmouche éclata à bord. Otaku arracha à mains nues la tête d'un fanatique,
tandis que Luis et son adversaire se rendaient coups sur coups. Le pauvre Cynover,
quant à lui, était en train de se faire étrangler, et son opposant le glissait petit à petit
au-dehors du wagon pour lui faire racler le crâne sur la paroi rocheuse.
– Baissez-vous ! Cria Luis en assénant un dernier coup de poing.
Otaku tapa dans le bide du sectateur étranglant Cynover, puis le prit par les pieds
pour le descendre en bas du wagonnet. Dans la seconde qui suivit, les fanatiques
debout se mangèrent de plein fouet des barres transversales en bois installées ici pour
barrer le passage ! Tous périrent sur le coup et se retrouvèrent projetés hors du
véhicule.
Le wagon doubla encore sa vitesse de croisière, et entama une dangereuse ascension
le long de rails en colimaçon, grimpant toujours plus haut vers une hypothétique sortie.
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Le wagonnet déboucha soudain dans une autre grande salle, montant sans cesse sur les
rails, puis entama une descente dangereuse à une vitesse folle.
– Je crois qu'on un problème, claqua des dents Luis en montrant le bout du chemin.
En effet, le terminus s'arrêtait par... tout un pan de rails effondrées dans les abysses
en-dessous d'eux. Impossible de rejoindre donc l'autre côté sans tomber dans le vide. Il
fallait sauter.
– Quand je crierai « ALLEZ-Y », il faudra sauter de toutes vos forces pour
atteindre le surplomb rocheux, ok ? S'égosillait Luis.
Quelques secondes plus tard, le wagon se crasha en plein dans le gouffre, tandis que
trois désespérés s'élançaient de toutes leurs forces pour atteindre la petite falaise.
Otaku y parvint sans trop de mal, se redressant vite sur ses pattes. Luis s'écrasa
lourdement contre la paroi de roches, s'agrippant du mieux qu'il put, mais il sentait un
poids l'entraver...
– AAAAAH ! Hurlait Cynover.
Le pauvre garçon avait glissé et s'était agrippé à la botte du contrebandier, ses jambes
battant dans le vide.
– Bon sang, gamin, tu le fais exprès !
Les doigts de Luis glissaient sur le sol poussiéreux. Le visage crispé, il tenta de se
hisser mais n'y parvint pas, rendant au contraire la situation encore plus corcée.
– Je... vais glisser ! Otaku !... AAAAAH ! »
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11. Un instant d'égarement
Bien que l'idée première de Odst était de mettre au point un Halogame, Protecto
lui a entre temps présenté un certain Lastsseldon, un codeur, qui avait eut la
brillante idée d'entamer un projet de jeu à l'instar de Ogame, censé dépasser
celui-ci
dans
tous
les
domaines
:
SpaceWars.
Lastsseldon, dans sa grande « bonté », a accepté le jeune Odst dans son équipe
au poste de "reporter-pubber". Tel un prêcheur Ori dans Stargate, Odst parlait
du projet de Lastsseldon sur le forum de Halo.fr, newsant dans la catégorie
divers, et proposait ses idées et suggestions pour le jeu sur le forum de
SpaceWars.
Durant une conversation msn avec ce bon vieux Lastsseldon, Odst, qui n'avait
pas complètement oublié son idée première, lui proposa de faire un Halogame,
qui fut reçu avec très très peu d'enthousiasme par son boss, qui se contenta de
dire
quelque
chose
comme
« euh
bof
on
verra
après ».
Loin de subir ce refus, Odst réattaqua le sujet en ayant créé au préalable divers
design de ce que pourrait être ce fameux Halogame. Nul ne sait si Lastsseldon a
été séduit par ceux-ci ; il s'est contenté d'acquiescer et d'affirmer qu'il verrait
après.
Odst devait être normalement sélectionné pour la bêta de SpaceWars ;
Lastsseldon l'a bloqué de msn quelques jours après sa proposition de Halogame
et n'a jamais testé le "Ogame-Killer".
Historique de Halo-Battle.
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12. L'enquête d'un Modérateur
Le Palais du Parlement était un endroit aux proportions colossales, en plein cœur de
City Zero, la plus grande ville et capitale de Halo Zéro. Tous ou presque dans la
Galaxie connaissaient ce symbole suprême du pouvoir de l'administration galactique.
Toutes les Maisons composant l'Empire y étaient représentées, et l'Empereur lui-même
devait composer avec toute cette foule de sénateurs qui, chaque jour, débattaient sur
des centaines de questions aussi diverses que le prix de l'hydrogène ou la colonisation
de nouveaux mondes.
Sous un œil extérieur, l'Empire aurait pu paraître stable et prospère. Mais tout le
monde sait bien que c'est au Parlement que tout se joue : les Maisons contractent des
alliances, les défont et se trahissent, assassinent d'autres Maisons et se courtisent, dans
un balai d'amour et de mort qui perdure depuis des millénaires. Et rien ni personne ne
peut contrôler cet état de faits.
Dans le gigantesque hall d'entrée, un personnage bien vêtu et portant les insignes de
Sénateur se frayait un chemin à travers la foule ; il paraissait particulièrement furieux.
Se glissant au-dehors, il dévala les centaines de marches de l'escalier principal, la cape
au vent, pour rejoindre la grande place ombragée en pierres de taille à la couleur
ivoire. Il se dirigeait vers un grand arbre ; un autre individu y avait prit place, l'air
paisible et décontracté, une capuche marron sur la tête.
– C'est un bourbier impossible, siffla le Sénateur en rejoignant l'homme.
– Dans les faits non, mais quand on gratte un peu... Je préfère ne pas imaginer les
immondices qui s'y trouvent.
– C'est exact. Content de vous voir au fait. On ferait mieux de s'éclipser ailleurs,
comme le font habituellement les conspirateurs.
Les deux individus se réfugièrent alors dans une taverne, non loin de la Place, pour
s'y mettre à l'abri des regards et des oreilles indiscrètes.
– Sénateur Spay, oubliez un peu vos tracas d'aujourd'hui et concentrez-vous. J'ai
besoin d'informations précises, vous le savez très bien.
– On entend juste des rumeurs, vous devez vous en douter, répondit le sénateur.
– Il y a toujours une certaine vérité dans les rumeurs. Enfin, parlez donc...
– Eh bien... hésita Spay. D'accord... Il y a pas mal de bruit sur la tentative de la
Maison Impériale « d'assainir » le Parlement, une sorte de purge, pour réduire le
pouvoir croissant des Maisons.
– Et qui serait l'auteur de ces rumeurs ?
– Vous savez très bien ce qu'il en est à propos des rumeurs, répondit Spay dans un
sourire amer. Tout le monde en parle mais personne ne connaît la source.
– Qu'en pense votre Maison, sénateur ?
– La Maison Fidelis ne croit pas aux rumeurs. Nous continuerons de servir l'Empire
quoi qu'il en soit, et quoi qu'il fasse.
– Tout ça ne m'avance pas beaucoup... souffla l'individu.
– Si vous cherchiez des éléments pour enfin dénoncer le baron Protecto au
Parlement, je ne pense pas pouvoir vous les apporter hélas.
– Je vois ça, concéda le type. Je mettrai ma main à couper qu'il s'autorise et fait des
choses pas nettes.
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– Vous plaisantez, dit Spay, désabusé. C'était un Modérateur, tout comme vous.
Tout ce qu'il fait ou a pu faire est classé secret malheureusement. Sans parler du
fait que votre organisation dispose de puissants pouvoirs...
– Mais là n'est pas la question, trancha le Modérateur en face. Je sais très bien ce
que nous pouvons faire et de quoi nous sommes capables. Et je sais plus que
quiconque ce que peut faire Protecto. Tout le monde le considère comme une
légende, après avoir réglé l'épisode de la Fronde il y a 20 ans... Pas moi. Enfin, plus
maintenant.
– C'est justement parce qu'il est considéré comme une légende que tout ce qu'il fait
est secret, et que ses nombreux amis couvrent ses activités. Si vous voulez mon
avis, vous vous attaquez à quelqu'un de bien trop gros pour vous.
– Peut-être, mais si personne ne le fait, qui le fera ? Je n'ai que quelques bribes
d'éléments, et je suis pourtant certain que quelque chose se trame. D'ailleurs, la
BPG a recueilli un réfugié hier...
– Ce n'est pas la première fois que des réfugiés viennent sur Halo Zéro, remarqua le
sénateur.
– C'est vrai. Mais il venait d'Aden, une petite planète en bordure de l'Empire. Il
prétend que la colonie a été envahie puis vitrifiée, et qu'il en est l'unique survivant.
Et devinez qui est l'agresseur ? « Des hommes en armure noire ».
– La Maison Zitiweb n'est pas la seule à équiper ses valets d'armures noires, vous
le savez tout comme moi.
– Et pourtant, il en a fait une description très fidèle. Évidemment, je n'arriverai
jamais à monter un dossier solide avec un seul témoignage. Mais je suis très loin de
désespérer.
– L'espoir fait vivre les gens, sinon ils seraient déjà tous morts et enterrés depuis
bien longtemps.
– Qu'est-ce que pense Zitiweb de tout ça ?
– Si ce n'était pas aussi dramatique, tout le monde pleurerait de rire au Parlement,
du moins les gens censés et raisonnés. Leurs sénateurs poursuivent leur comédie
infatigable ; ils sont d'ardents défenseurs de l'Empire, proposent des projets
abracadabrants pour « tuer » la corruption et proposent des réformes pour en finir
avec les luttes intestines au Parlement. Quand on sait qu'ils en sont les principaux
acteurs, c'est à mourir de rire, je vous le dis.
– De toutes manières, impossible d'entreprendre ouvertement quoi que ce soit
contre eux, jamais l'Empereur ne donnera son aval pour une vendetta. Le baron est
son plus fidèle ami et conseiller, autant raisonner un fou.
– Même si nous ne pouvons pas déposer de vendetta légale, tout se passe dans
l'ombre, comme d'habitude. Vous ne pouvez pas savoir le nombre de raids déguisés
qu'ont subit quelques Maisons mineures ces-derniers temps. Évidemment, tout le
monde pense à Zitiweb, mais personne ne peut le prouver. Alors, l'explication
officielle reste « raid pirate massif ». C'est terriblement rageant de ne pas pouvoir
collecter de preuves, alors que tout le monde sait pertinemment qui en est le
véritable auteur.
– Je le sais plus que jamais, maugréa le Modérateur.
– Il va falloir que j'y aille, la session de vote va bientôt commencer, fit Spay. Merci
pour le café, je vous paierai un coup à boire plus tard.
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– À un de ces jours », salua l'homme.
Le sénateur de la Maison Fidelis enfila alors sa cape et s'évanouit dans la nature.
36
13. Le danger plane sur les contrebandiers
Quelque part, dans le vaste désert de Blouhom... Dans un massif rocheux, une vieille
pierre tremblotait. Elle n'était pas si légère que ça ; à vrai dire, elle était même plutôt
imposante. Sa surface pratiquement lisse avait subit les outrages du temps, du vent et
du sable depuis des millions d'années, effaçant les rides et adoucissant ses traits.
Prise d'une soudaine envie de danser, la roche esquissa des mouvements dans un
tempo synchronisé, puis cessa tout mouvement au bout de quelques secondes. Étaitelle fatiguée ? Sûrement pas, une pierre ne se fatigue jamais, et elle se contente d'être.
Son agitation reprit de plus belle. Et, cette fois, elle y parvint. Depuis tout ce temps
où elle avait soif de bouger, de changer de place et d'endroit, elle réalisa son but et
vœux le plus cher... elle avait enfin dégringolé la pente.
Par le trou dégagé, une silhouette humanoïde poilue se hissa au-dehors, venue tout
droit des entrailles de la terre. Puis une autre en sortie... et encore une autre. Les trois
choses semblaient exténuées.
« Finalement, on en a eu de l'eau, dit Luis Pédro après avoir reprit son souffle.
– Et on a faillit mourir, aussi, grogna Otaku en s'asseyant.
– Mais oui, plaint-toi encore, si on ne m'avait pas écouté on serait morts à l'heure
actuelle, sans être monté dans ce foutu wagon.
– S'il-vous-plaît, recommencez pas à vous disputer, murmura Cynover, visiblement
à bout de force.
Luis acquiesça en silence, puis contempla ses mains constellées d'ampoules et de
blessures. Ces dernières heures furent particulièrement folles ; d'abord l'échappatoire
au sacrifice, la course en wagonnet, puis il avait failli tomber lui et Cynover...
Heureusement qu'Otaku l'a agrippé au dernier moment. Ils avaient ensuite déambulé
dans un labyrinthe de couloirs plongés dans le noir, se repérant du mieux qu'ils purent
au toucher, il y eut après la montée des eaux... une quasi-noyade ! Et ce boyau
providentiel qui les a ramenés sains et saufs sur la terre ferme.
– Le soir arrive, on est restés au moins un jour là-dedans, constata Otaku.
– On peut dire qu'ils ont eu leur compte, on les a noyés comme des rats, rit
grassement le capitaine contrebandier.
– Où on est, au fait ? Demanda Cynover en se relevant.
Tous se regardèrent, le visage pensif. Ils avaient perdu tout leur matériel lorsqu'ils
furent capturés par les fanatiques de Bloublou. Ils n'avaient plus rien ; aucune carte de
navigation, pas d'arme ni d'astrocompas. Autant dire que s'ils ne retrouvaient pas de
repère familier très vite, ils étaient condamnés à mourir dans ce désert.
– On va bien voir. Il y a un désert tout autour de nous. Il suffit de grimper cette
colline de roches et regarder les alentours ! Proposa Luis.
Se relevant à son tour, il commença à grimper la pente raide, se brisant parfois contre
les roches escarpées, suivit de Otaku. Protestant d'abord, car complètement ivre de
fatigue, Cynover dut bien se résoudre à les suivre lui aussi. Tout ses muscles et ses os
criaient leur haine, et tout le corps du jeune garçon brûlait d'effort. Malgré
l'épuisement de ses forces, il se dit que finalement, peut-être le mental le sauverait-il,
aussi pensa-t-il fortement à la disparition de la douleur.
– Alors ? Souffla la Brute en rejoignant Luis.
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Le contrebandier scrutait les environs du mieux qu'il pouvait, une main sur la tête
pour protéger ses yeux des rayons du soleil mourant. Tout autour n'était que
désolation.
– J'en sais rien, répondit-il. Ce massif est plus grand que je le pensais. Aucune idée
d'où on a pu aller et repartir.
– Là-bas ! S'exclama Otaku en pointant son doigt vers un objet brillant.
Bien que d'une luminance faible, la chose luisait au soleil comme un miroir brillant.
Le pare-brise du warthog ? Il ne restait qu'à y aller par soi-même pour en avoir le cœur
net. Le groupe dégringola la pente poussiéreuse, déambulant à travers les rocs escarpés
sous le soleil mourant. Ils marchèrent plus d'une demi-heure ainsi avant d'atteindre leur
point de départ, à leur plus grande joie.
Les deux warthog étaient toujours là, sous une couche épaisse de crasse abjecte.
Miraculeusement, un bout du pare-brise de l'un des véhicules avait été épargné. Se
grattant la tête, le capitaine Luis Pédro inspecta les machines, puis fit une moue
dubitative :
– Ils sont ensablés, il va falloir creuser un peu autour, marmonna le contrebandier.
Avec les moyens du bord, les trois rescapés du sacrifice de Bloublou entreprirent de
retirer le sable qui gênait les roues, avec une difficulté toujours plus constante.
Lorsque Luis jugea qu'ils en avaient fait assez, il tenta de démarrer son warthog, qui
cahota à plusieurs reprises avant que le moteur ne rende définitivement l'âme.
– Le sable et la chaleur n'ont pas dû faire très bon ménage, soupira Otaku.
– Saloprie de warthog, il a l'air complètement mort, jura Luis en gesticulant.
– Ne perdons pas de temps, et retournons au vaisseau à pied, proposa la Brute.
Luis se perdit une nouvelle fois en jurons, décochant un coup de pied rageur à la roue
du warthog avant de pousser un énième juron, de douleur cette fois. Résigné, il se mit
en tête du groupe et rebroussa chemin jusqu'au Tacos Millenium, perdu au lointain
dans les sillons et dunes de sable. Déjà terriblement fatigués, les trois humains
peinèrent dans les grains de sable mous qui semblait vouloir s'acharner à les dévorer.
Chaque pas était une souffrance ; il fallait retirer son pied englouti et le poser quelques
centimètres plus loin.
Cynover marchait comme un zombi, ne pouvant même plus penser à cause de la
douleur aiguë qu'il ressentait dans tout son corps. Cette planète allait avoir sa peau, il
en était persuadé. Et puis, soudain, dans un dernier effort, il s'écroula.
– Attends deux minutes, souffla Otaku en rejoignant Luis. Le gamin s'est écroulé.
– Manquait plus que ça, il faut qu'on se le traîne comme un sac à patates...
La Brute ramassa sans ménagements le jeune homme étalé au sol, le calant
fermement sur son épaule, puis les contrebandiers poursuivirent leur route vers le
Tacos Millenium qui devenait de plus en plus grand à l'horizon.
Ils arrivèrent enfin jusqu'au vaisseau, exténués. Luis n'avait plus qu'une seule envie :
décoller de cette planète infernale au plus vite, prendre une douche et se détendre au
milieu d'un harem féminin.
– J'emmène le garçon au poste d'infirmerie, fit Otaku d'une voix lasse.
– Lance la check-liste, on va décoller. Je nettoie le bordel ici, et je te rejoins dans
cinq minutes.
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Il y eut soudain un « BANG » quelque part dans le ciel. Les deux contrebandiers
levèrent les yeux, curieux, et virent un vaisseau de couleur sombre arriver dans leur
direction.
– Dépêche-toi... Murmura Luis sans quitter le vaisseau du regard.
Sans mot dire, Otaku se hâta de rejoindre le cockpit, laissant Luis au bord du grand
sas de la soute, les poings serrés. Il n'avait plus les idées très claires, mais il savait en
tout cas que la venue d'un vaisseau dans cet endroit isolé n'était pas dû au hasard.
Tandis que l'étrange visiteur amorça sa descente, Luis se saisit d'un pistolaser et le cala
dans son dos, sous sa ceinture de cuir.
Le vaisseau était en réalité un chasseur Séraphin, bien que visiblement modifié. Il se
posa lentement dans le sable, tandis que Luis s'avança avec précautions. En même
temps, le Tacos Millenium alluma ses réacteurs dans un ronflement assourdissant, prêt
à décoller.
Le sas du Séraphin s'ouvrit lentement, dégageant des volutes de fumée blanche. Une
vague silhouette apparut alors dans l'encadrement. Puis le silence s'installa, le
contrebandier et le visiteur se dévisageant mutuellement.
– Vous êtes qui vous ? Dit Luis Pédro.
Pour toute réponse, la silhouette s'avança, révélant une forme humaine. Impossible de
la décrire physiquement, entièrement vêtue de noir qu'elle était, ses longues bottes de
cuir luisant à la clarté des premières étoiles et de la lune de Blouhom. Le visiteur
s'arrêta puis sortit quelque chose de sous sa robe de bure... Une gaine d'épée à énergie !
– Que ! Bon sang ! » S'écria Luis en dégainant son pistolaser.
Le contrebandier s'enfuit en courant vers le Tacos Millenium, qui décolla doucement
dans les airs, tout en tirant sans viser vraiment vers le type en noir. Celui-ci fit
actionner son épée dans un crépitement caractéristique et renvoya les tirs de laser par
la seule force de sa volonté. L'homme accéléra son allure, fendant le vent à une vitesse
incroyable, avec la ferme volonté de sabrer Luis d'un seul coup.
Le malheureux contrebandier tira à nouveau et grimpa à bord du hangar en
s'accrochant d'une main ; par chance, ce dernier tir atteignit l'agresseur fantôme à
l'épaule, qui fut coupé dans son élan. Rapidement, le Tacos Millenium s'éleva dans les
airs et quitta Blouhom, laissant bouillir de rage le guerrier à terre, qui éteignit sa lame
à énergie en serrant les poings...
« C'était moins une, grogna Otaku lorsque Luis vint le rejoindre au cockpit.
– Nan mais, j'arrive pas à y croire, qui c'était ce cinglé !
– A mon avis, il était là pour le garçon, répondit Otaku après quelques minutes de
silence. Quoi qu'il en soit, c'était pas un type ordinaire.
– Oh ! J'avais pas remarqué dit moi, ironisa Luis. Je pensais que pas mal de types
trimbalaient avec eux une épée à énergie. D'ailleurs, il n'y a que les Modérateurs
qui en ont.
Luis et Otaku se fixèrent un moment, incrédules. Un Modérateur voulait la peau du
gamin ? Dans ce cas-là, il valait mieux l'abandonner sur place lors de leur prochaine
destination. Il fallait être particulièrement cinglé pour entraver le travail d'un
Modérateur, ces agents spéciaux formés et envoyés par le Parlement à travers toute la
Galaxie pour effectuer les basses-œuvres de l'Empire.
– Tu penses ce que je pense, souffla Luis.
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– Il est dangereux pour les autres et lui-même, nous n'avons pas le choix ».
Le capitaine Pédro entra les coordonnées de Halo Zéro sur le moniteur principal, et le
Tacos Millenium effectua un saut phasique dans les secondes qui suivirent.
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14. Infiltration sur le Sovereign
A quelques jours des préparatifs du centième anniversaire de l'Empereur Dhyn AmoSpeedys, les flottes de toutes les Maisons commençaient à se réunir aux alentours de
Halo Zéro, gigantesque installation spatiale en forme d'anneau jouant un rôle politique
et économique fondamental dans l'Empire, puisque qu'accueillant notamment le
Parlement.
Mais aucun vaisseau n'arrivait à la cheville du Sovereign, pas même le vaisseauamiral de l'Empereur lui-même. Long de plusieurs kilomètres et fleuron des forces de
Zitiweb, c'était un engin révolutionnaire de conception hybride, mélangeant des
technologies alien diverses.
Glissant avec majesté à travers l'espace, il défiait de sa taille imposante les centaines
d'autres vaisseaux plus petits, qui semblaient vouloir l'éviter coûte que coûte pour ne
pas entraver sa route silencieuse.
Une navette vint soudain en direction du Sovereign, ayant décollé de Halo Zéro. Elle
faisait pâle figure à côté du colosse : simple petit point blanc sur sa carcasse violacée
vu par un observateur lointain. La navette accéléra et poursuivit son ascension vers l'un
des nombreux hangars du vaisseau-amiral de la Maison Zitiweb. La plupart étaient
pratiquement vides : tous les vaisseaux Zitiweb effectuaient des opérations ailleurs et
s'entraînaient, comme à leur habitude.
La navette, qui rappelait vaguement la forme d'un Phantom, traversa le champ de
confinement du hangar et se posa lentement à terre, puis coupa ses réacteurs.
« J'espère que vous êtes sûr de votre coup, car si vous êtes repéré, nous sommes
fichus tous les deux.
Le sénateur Spay vérifia une fois de plus sa tenue, lissant les plis de sa cape. Il devait
être impeccable pour cette entrevue diplomatique, comme d'habitude.
– Ils ne se douteront de rien. Après tout, c'est normal qu'un sénateur soit escorté
non ?
Le Modérateur Olah acheva d'enfiler sa veste d'officier de la Maison Fidelis, et ajusta
son képi sur sa tête. Il prit ensuite soin de cacher sa lame énergétique sous son veston
et ajouta un pistolaser à sa ceinture.
– Au fait, vous avez réfléchi à un prétexte pour cette entrevue ?
– Oh, oui, répondit Spay. La raison officielle est la coordination de la flotte de la
Maison Fidelis avec la Maison Zitiweb lors de la parade. Enfin, je trouverai bien de
la matière à dire.
– Soyez crédibles, ils ne nous feront pas de cadeau sinon.
– Sénateur, la délégation arrive, annonça soudain un soldat.
Spay fit un signe de tête à Olah, puis le sas de la navette s'ouvrit pour les laisser
descendre dans le hangar. A eux deux vinrent s'ajouter une escorte de trois autres
soldats. L'un des nombreux diplomates de la Maison Zitiweb avança vers eux, un
sourire de façade sur le visage, avec une délégation de dix soldats. Le sénateur Spay
salua le diplomate humblement, puis avança le long du hangar en compagnie de son
homologue.
– Nous vous attendions avec impatience, fit le diplomate des Zitiweb. C'est
toujours une joie pour nous de recevoir des hôtes.
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– Je n'en doute pas. Notre Maison a hâte de trouver un accord pour régler le
problème de la disposition de nos vaisseaux lors de la parade pour l'anniversaire de
Notre Sublime Empereur.
– Suivez-moi donc, sénateur, je vais vous conduire à la salle d'attente.
Après quelques détours dans les couloirs, et plusieurs ascenseurs plus tard, Spay et
Olah furent conviés à attendre dans une petite salle ronde, tandis que les trois soldats
furent chargés de monter la garde devant la porte.
– Notre ambassadeur a une petite affaire à régler, il ne sera pas bien long, ajouta le
diplomate des Zitiweb en quittant la salle.
Les portes se refermèrent derrière-lui, laissant les deux hommes seuls. Olah inspecta
brièvement les environs, tandis que Spay, nerveux, préféra tenter de se calmer en
s'asseyant dans un fauteuil. Aucun des deux ne parlaient ; la possibilité de la présence
d'un micro n'était effectivement pas à exclure. Soudain, après quelques minutes
d'attente, il y eut des coups de feu dans les couloirs, tandis que les portes de la pièce se
verrouillèrent.
– Ils n'avaient pas l'intention de négocier quoi que ce soit apparemment, fit Olah en
se levant d'un bond.
– Comment peuvent-ils ?... S'écria Spay, médusé.
– Il apparaît évident qu'ils sont au courant de quelque chose...
Dégainant sa lame énergétique, le Modérateur trancha en deux la grille d'aération sur
le plafond et aida Spay à s'y glisser, le rejoignant quelques secondes plus tard. Ils se
faufilèrent alors dans les conduits étroits, survolant plusieurs pièces désertes puis de
longs couloirs.
– Vous avez une idée d'où nous allons ? S'inquiéta le sénateur.
– Je me fie à mon instinct. Mais on ne devrait pas tarder à arriver aux hangars selon
moi.
Arrivés face à une pale d'aération, Olah la bloqua avec la force de sa volonté, puis les
deux fugitifs glissèrent le long du boyau en métal pour atterrir dans un autre dédale de
couloirs étroits. Un vacarme étouffé bruissait le long des parois en métal, succession
de tremblements et de murmures incessants. Ils parvinrent finalement à une nouvelle
grille, donnant directement une vue en plongée sur un vaste hangar.
D'innombrables vaisseaux s'y étalaient, décollant et atterrissant sans cesse, tandis que
de longues rangées de soldats, par centaine, débarquaient dans une discipline pétrie de
rigueur toute militaire. Spay poussa une exclamation étouffée en voyant le spectacle
hallucinant sous ses yeux.
– Par les Anciens, mais c'est toute une armée !
– Je pense que vous n'avez encore rien vu, ce n'est qu'un hangar parmi tant d'autres
sur ce vaisseau, murmura Olah. Je crois que je n'ai plus besoin de preuves
concrètes, Zitiweb prépare quelque chose de gros.
– Il faut que je fasse un rapport à mon Duc immédiatement, souffla Spay. Nous
devons absolument partir d'ici !
– Un peu de calme, je réfléchis à un plan. Vous ne pouvez pas partir comme ça
voyons, ou nous risquons d'être repérés...
Olah contempla brièvement les cohortes de soldats coulant des plaies ouvertes des
vaisseaux de débarquement, se dirigeant vers les entrailles profondes de Sovereign.
Prenant une inspiration, il fit signe à Spay de le suivre :
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– Nous allons chercher un hangar plus tranquille, et monter à bord de la première
navette qui décolle pour rejoindre Halo Zero, déclara Olah en s'enfonçant dans les
boyaux de métal.
Spay réprima un frisson qui lui glaçait l'échine. Choqué par ce qu'il venait
d'apercevoir, une foule de questions se bousculaient dans sa tête. Comment annoncer
la nouvelle à son Duc ? Comment lui expliquer ce qu'il venait de voir, et surtout,
comment concevoir un plan habile pour prévenir l'Empereur ? Et, tandis qu'il se
torturait d'interrogations tordues, lui et Olah parvinrent jusqu'à un hangar plus paisible,
où seulement une navette était stationnée.
– Trois gardes, annonça le Modérateur. Ce sera très facile ; pendant que je me
charge d'eux, filez dans la navette et allumez les moteurs pour dégager.
– Compris, acquiesça Spay en fixant des yeux le frêle petit vaisseau.
Le Modérateur déboulonna la grille avec des gestes mesurés, cherchant à faire le
moins de bruit possible. Et, lorsqu'il eut terminé, il amena doucement celle-ci dans les
conduits. Prenant une inspiration, il s'élança dans le vide ; étonnement, il toucha le sol
sans un bruit, et il se faufila avec une vitesse surprenante jusqu'au premier soldat qui,
le dos tourné, regardait le plafond avec béatitude. Dans le même temps, Spay se laissa
lui-aussi glisser à terre, mais il n'avait pas reçu l'entraînement des Modérateurs, ni ne
connaissait leurs manières de procéder : un bruit assourdissant retentit en écho, et le
premier garde se retourna avec stupeur.
– Alerte ! Les fugitifs sont l...
En un instant, Olah brisa la nuque de l'homme, puis se saisit d'un poignard caché sous
son bras et visa le cœur du second soldat qui descendant en accourant du vaisseau.
Spay hocha la tête, s'engouffrant dans la navette, tandis que le Modérateur fit volteface pour s'occuper du dernier soldat.
Celui-ci mitrailla à l'aveuglette avec son fusil à plasma, tout en battant retraite pour
chercher de l'aide. Usant du pouvoir de la Modération, Olah le fit trébucher et le
rejoignit avec calme, pour aussitôt l'assommer d'un coup de botte dans le crâne.
Bien que le sénateur Spay ne fut pas un grand pilote, il en connaissait suffisamment
pour faire décoller un vaisseau et le manier sans trop de difficultés jusqu'à la terre
ferme. Prenant place sur le fauteuil en face du tableau de bord, il pianota quelques
touches et le vaisseau se mit à vibrer, tandis que ses réacteurs s'allumaient doucement.
Olah le rejoignit dans les secondes qui suivirent, fermant le sas d'entrée et prenant
place à côté du pilote improvisé.
– Il faut que j'aille au Parlement le plus vite possible, souffla le Modérateur en se
bouclant sur son siège. J'ai mes preuves, il suffit de regarder maintenant.
– Et moi, je dois avertir mon Duc... sitôt quitté cet abominable vaisseau.
La navette décolla lentement sur place, puis passa le champ de confinement du
hangar, filant à travers l'espace étoilé. Au-dessous se dressait Halo Zéro dans toute son
immensité, fourmillant comme à l'ordinaire de vaisseaux de toutes sortes. Mais
soudain, le haut-parleur de la navette grésilla, et une voix autoritaire se fit entendre :
– NT 4184, vous n'avez pas été autorisé à décoller. Veuillez faire demi-tour
immédiatement.
Olah et Spay se regardèrent avec surprise, ne sachant trop quoi répondre. La voix
retentit à nouveau quelques secondes plus tard.
– NT 4184, vous n'avez toujours pas corrigé votre trajectoire. Répondez !
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– Qu'est-ce qu'on va faire ? Qu'est-ce qu'on répond ? Demanda le sénateur avec
inquiétude.
– On ne répond pas. Accélérez le mouvement, il faut les distancer le plus vite
possible !
– NT 4184, je vous somme de revenir !
Prenant de la vitesse, la navette fila à toute allure vers Halo Zéro, quand tout à coup,
plusieurs chasseurs Zitiweb apparurent sur le radar. Spay poussa un juron et les
premiers tirs commencèrent à les effleurer.
– Si on atteint pas Halo Zéro très vite, on est fichus, maugréa Olah. Si seulement
cette navette de transport avait de quoi se défendre !
– Je fais ce que je peux ! Je n'ai pas de brevet de pilote, j'essaye juste de me
débrouiller hein !
Les deux chasseurs Zitiweb accélérèrent le mouvement et tentèrent d'aligner la
navette, sans grand succès pour l'instant. Autour d'eux, les innombrables vaisseaux
continuaient de voguer calmement, semblant ne pas voir le spectacle meurtrier à
quelques kilomètres de leur position.
La navette pénétra finalement dans l'atmosphère de Halo Zéro, esquivant toujours
avec difficulté les tirs des chasseurs. Le sol se rapprochait de plus en plus, révélant un
quartier pauvre de la grande mégapole bâti autour d'un grand lac et de montagnes
enneigées.
– C'est un miracle que ces pilotes soient aussi mauvais, siffla Spay en maintenant
l'assiette de la navette face au sol.
– Il va falloir trouver une solution pour les semer, ça m'étonnerait qu'ils se soucient
des interdictions de se battre sur Halo Zéro !
Une grande explosion chamboula soudain la petite navette, qui en perdit sa
trajectoire. Finalement touchée par les tirs des chasseurs, une crevasse béante apparue
derrière le cockpit, tandis qu'une épaisse fumée noire zébra le ciel au fur et à mesure
que le « morceau de tôle » tombait lourdement à terre.
– Bon sang, ils nous ont eu ! Cria Spay avec une pointe d'angoisse dans la voix.
– Ne faites pas attention au trou ! Maintenez le cap ! Il faut maintenir le cap !!!
– Je n'y arrive pas... On va s'écraser !!!... »
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15. L'indésirable garçonnet
« Terminus, on est arrivés !
Dans un bruit sec, le Tacos Millenium fit irruption du sous-espace, filant droit sur
Halo Zéro. Un cure-dent fiché dans le bec, le capitaine Pédro observait les alentours
avec un œil suspicieux. Bien qu'ils aient semé leur assaillant sur Blouhom, rien
n'indiquait qu'ils étaient tranquille désormais, tant que le gamin se trouvait avec eux.
Ils étaient en plus de ça une proie facile au milieu de tous ces vaisseaux ; un accident
est si vite arrivé... Se mêlant à la « foule », le Tacos Millenium navigua
paresseusement entre les navettes, les esquivant avec une lenteur certaine. Otaku arriva
soudain dans le cockpit, portant deux bières à la main, et s'installa dans son siège en
croisant les pieds sur le tableau de bord.
– Donne-moi ça, maugréa Luis en arrachant une bouteille des mains de la Brute.
– Tout va bien ?
– Si on avait été pris en chasse, je crois que tu l'aurais senti passer, fit Luis en
haussant les épaules.
– Plus vite on larguera le gamin, mieux ça vaudra.
– Ouais ouais... Adieu richesses ! On aurait pu se payer un bon soap sur Caladamir
VI. J'ai toujours rêvé d'aller là-bas passer des vacances.
– C'est un endroit pour les vieux friqués du Parlement, sourit Otaku. Tu vas passer
pour un intru.
– Peut-être, mais niveau endroit paradisiaque, tu peux pas faire mieux dans toute la
galaxie...
Un voyant jaune s'alluma subitement sur le tableau de bord. Le capitaine Pédro
poussa un soupir et appuya sur le bouton, tout en mâchouillant nerveusement son curedent.
– Ouais, ici le capitaine Luis Pédro du Tacos Millenium.
– Ici opérateur 131, votre vaisseau approche de Halo Zéro et je ne reçois aucun
signal d'immatriculation.
– Euh... Ouais ouais, nous avons quelques avaries à bord. Demandons autorisation
de se poser pour réparations.
Après quelques secondes de silence, les hauts-parleurs grésillèrent à nouveau :
– Autorisation accordée, capitaine. Veuillez vous diriger sur la plateforme N-8242. Un contrôleur viendra inspecter votre vaisseau pour s'assurer que vous êtes en
règle.
– Merci, allez, tchus.
Le capitaine Pédro appuya de nouveau sur le bouton jaune, prenant une posture idiote
avec son bras levé tout en réfléchissant.
– Bon... La question est : est-ce que tu as réactivé le signal, ou est-il bousillé ?
– Je... Je crois qu'il est toujours inactif, répondit Otaku.
– Combien de fois je t'ai dis de réactiver cette saloperie d'émetteur quand on arrive
dans des endroits fréquentés ? On a eu de la chance d'avoir un idiot au bout du fil,
un type plus suspicieux nous aurait pris pour des contrebandiers.
– Mais... Nous SOMMES des contrebandiers, Luis...
– En tout cas, les soutes sont réglo, pas de matos illégal à cacher. Mais le
contrôleur ira se faire foutre s'il veut monter ici.
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– Tu l'as dis toi-même, on est réglo là, alors tu pourrais être coopératif une fois
dans ta vie.
Amorçant sa décente sur City Zéro, le Tacos Millenium se posa dans un roulement de
cliquetis métalliques sur la plateforme d'atterrissage N-824-2. La rampe du vaisseau
s'abaissa doucement, dégageant des volutes de fumée. De l'extérieur, ce pauvre Tacos
Millenium avait triste mine : sale, calciné par endroits et encore ensablé, il ressemblait
plus à une épave qu'à un vaisseau opérationnel. Cynover fut le premier à sortir audehors. L'air enjoué, il n'en pouvait plus de s'émerveiller quant à la grandeur et la
vastitude de la mégapole de Halo Zéro.
– Par la grande Vérité, c'est gigantesque ici ! S'écria-t-il en sautillant.
Le capitaine Pédro, posant le pied dehors à son tour, inspecta d'un coup d'œil
l'ensemble du vaisseau en maugréant. Il était clair que le Tacos avait besoin de
plusieurs réparations et d'un bon coup de peinture sur la carlingue....
Une petite navette se posa quelques minutes plus tard à côté du vaisseau, et en sortit
un homme en uniforme portant à la main un épais porte-documents. Otaku siffla pour
interpeler le capitaine Pédro, toujours occupé à pester contre l'état maladif du Tacos
Millenium.
– Bonjour messieurs, salua le contrôleur d'un geste de la main.
– Ouais. Salut, fit Luis en mastiquant son cure-dent.
– Je suis chargé de contrôler l'état et l'intérieur du vaisseau. Voici mes papiers.
– Ouais ouais, allez-y. Et si vous connaissez un bon mécano au passage... Faitesmoi signe.
Tandis que l'opérateur s'engouffra dans le Tacos Millenium, Luis s'agenouilla près du
rebord de la plateforme, scrutant les environs avec un air hagard. City Zéro... Il n'y
était pas venu depuis plusieurs années. Plus précisément, il n'avait plus vraiment eu
l'occasion d'y revenir. Toujours occupé qu'il était, à bourlinguer à droite à gauche pour
tenter de gagner un peu d'argent.
La vie n'a pas toujours été facile avec lui, ça non. Après la faillite de la chaîne de
restaurant de ses parents, il avait suivit la voie de ses ancêtres, arnaquant et trichant
sans arrêt où qu'il allait, obtenant ainsi la renommée de magouilleur expert dans le
milieu du crime. Même le Tacos Millenium n'était pas à lui ; il l'avait gagné en jouant
aux cartes, en trichant bien entendu. Fort heureusement, le malheureux Sangheili qui
avait perdu son vaisseau était trop idiot pour s'apercevoir de la supercherie.
– J'ai une telle envie d'aller explorer cet endroit immense ! Dit Cynover en le
rejoignant.
– Ouais ouais... ça va venir... Souffla Luis en lui jetant un regard noir.
– Quand allons-nous repartir ? Il faut que je retrouve mon maître, vous n'avez pas
oublié ?
– On répare le vaisseau, et on y va... Okay ? Si tu pouvais me foutre la paix
maintenant...
– D'accord, mais vous n'avez pas envie de marcher un peu ? Ce n'est pas pour
critiquer, mais c'est étroit un vaisseau, mine de rien. Par exemple, dans mon
académie, tous les jours, je faisais quelques exerc...
– Okay ! D'accord, j'ai compris. Tu veux aller marcher, et moi j'ai soif. C'est bien
ça ? Coupa Luis en se relevant.
– Oh oui, c'est bien ça !
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– Bon... Alors on va y aller, marcher et ensuite boire. Ça nous occupera un peu,
n'est-ce pas ?
– Super ! S'excita Cynover en sautillant.
Luis adressa un signe de tête à Otaku, puis jeta un regard au garçon ; la Brute comprit
immédiatement. Il était temps de perdre le gamin à problèmes dans la nature.
– Je connais un bon endroit pour se reposer, suis-moi, lança le capitaine à Cynover.
Sortant par la rampe d'entrée de la plateforme, les deux hommes prirent un ascenseur
qui les conduisit jusqu'au niveau le plus bas de la ville.
L'endroit y était fortement différent, comparé à l'air pur et à la vue imprenable
qu'offraient les plateformes d'atterrissage. Il s'agissait d'un enchevêtrement de quartiers
grisâtres, flanqués de grattes-ciel de chaque côté de la rue. On pouvait accéder à des
étages supérieurs en grimpant des rampes ; des métros aériens suspendus ci et là
laissaient s'échapper une cacophonie assourdissante, mêlée aux bruits de la foule et des
sons des échoppes. Une foule bondée circulait sans cesse, s'arrêtant ci et là pour
discuter autour de quelque arbre fleuri. En ressortait une impression de joie et de
bonheur indescriptible pour celui qui vivait pareille scène.
Luis et Cynover se rendirent sur une terrasse supérieure et marchèrent encore
quelques centaines de mètres, pour atteindre l'un des nombre métro aérien. Serrés les
uns contre les autres, l'odeur de sueur se mélangeait à des parfums de diverses sortes.
Le jeune garçon, tassé sur sa banquette, devait supporter en plus de ça les effluves de
fauve particulièrement monstrueuses de son voisin Brute. Le trajet dura une bonne
dizaine de minutes, lorsque le tram s'arrêta enfin. Profitant de l'occasion, le capitaine
Pédro s'éclipsa sans demander son reste, tandis que Cynover était toujours coincé sur
sa banquette.
– Capitaine ! Attendmph... attendez-mph ! Attendmphez !
Les portes du métro se fermèrent aussi vite qu'elles s'étaient ouvertes il y a quelques
secondes de ça, et le tram repartit à toute allure vers sa nouvelle destination. Marchant
paisiblement, Luis savourait cet instant de volupté : enfin, il était seul. Juste lui et son
cure-dent.
– Bon sang, enfin débarrassé de ce morpion dangereux, s'exclama Luis en rigolant.
Qu'il aille se faire buter ailleurs, mais pas en ma compagnie !
Levant la tête vers le ciel, il vit soudain une sorte de navette en feu descendre à toute
allure, poursuivie par deux autres petits vaisseaux. Le capitaine ne savait pourquoi,
mais cette vision provoqua chez-lui un sentiment de bonheur exaltant. L'action et les
péripéties de la grande ville de City Zéro lui manquaient cruellement. Fondu dans la
masse, il se sentait renaître ; la ville était si pleine d'énergie !
– Je crèverai d'envie de voir la tête de celui qui va se prendre le vaisseau sur la
tronche, ria Luis en s'engouffrant dans une petite ruelle, située dans les quartiers les
plus élevés.
Le bar du Prêcheur Itinérant. Sûrement l'un des meilleurs bars de l'univers ! Lorsque
Pédro vit la façade, il ne put s'empêcher de sourire en sentant affluer dans son esprit
une flopée de souvenirs. C'était ici qu'il avait rencontré Otaku, qui essayait
désespérément de vendre des toiles graphiques de peinture, assis comme un misérable
dans la rue. Ils avaient passés d'innombrables soirées dans ce même bar, en refaisant le
monde et en décidant un beau jour de devenir contrebandiers.
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Descendant les quelques marches de l'entrée, le capitaine Pédro pénétra dans le bar ;
il y avait peu de monde à cette heure de la journée. Seulement les habitués, les
ivrognes et les chômeurs du coin. Prenant place sur le comptoir, Luis attendit qu'on
vienne prendre sa commande, mais il n'y avait trace de serveur nul part.
– Hey ! Toi... Je te reconnais ! Raclure !
Luis sentit la pointe d'un couteau acéré dans son dos. Retenant son souffle, il se
dégagea soudainement dans la rapidité de l'éclair, saisit le tabouret et se prépara à le
fracasser sur la tête de l'agresseur.
– H... Hein ?! Phantom ? C'est toi ?!
Le curieux personnage, resté dans l'ombre, commença à rire tout en rangeant son
couteau. S'avançant dans la lumière, fut révélé un homme aux traits carrés, arborant
quelques cicatrices sur le visage. Il avait relevé sur son front d'épaisses lunettes de
pilote, et était engoncé dans une sorte de combinaison orange sale.
– Luis Pédro, le magouilleur le plus célèbre de toute la galaxie. Content de te
revoir, fripouille !
– Bon sang, Phantom, ça fait une sacrée paie ! Assis-toi là mon vieux !
– Pas de bagarre ici messieurs, fit une voie féminine en ouvrant la porte de derrière
le comptoir.
Une jeune femme élancée apparue dans l'encadrure, un tablier noué autour de la
taille. Les cheveux blonds et bouclés, elle adressa un clin d'œil au capitaine Pédro, tout
en se posant sur le comptoir à son tour.
– Ça alors, Jessy ! Tu travailles encore ici !
– Eh oui, toujours serveuse, répondit-elle dans un sourire malicieux.
– Ça fait plaisir de voir que les choses n'ont pas tellement changées, sourit Luis.
Après tout ce temps passé, je ne pensais pas vous revoir ici, comme avant.
– Depuis combien de temps t'es parti ? Quatre ans, c'est ça ? Tenta de se rappeler la
jeune femme.
– Oui, environ. En y pensant, c'est vrai que ça fait un petit bout de temps.
– Alors mon ami, t'as fais fortune, ou t'es toujours aussi torché qu'avant ? Plaisanta
Phantom.
– Bah... J'ai pas mal voyagé à travers la galaxie, en faisant quelques boulots par-ci
par-là. En fait, le job de contrebandier, c'est beaucoup d'aventures, mais on peut se
retrouver mort à chaque instant, ou en prison. J'ai fais pas mal de trucs, et vu des
trucs étonnants. Mais bref... Je suis pas très riche pour autant.
– Et donc, t'es revenu te poser ici hein ? Comme quoi, on est jamais mieux que
chez soi.
– Pas vraiment, c'est un concours de circonstances, expliqua Luis. On venait de
livrer une cargaison d'armes sur Aden, quant un gamin est venu nous voir pour
« sauver son maître ». Il nous a promis le jackpot, alors pour une fois qu'on risque
d'avoir un tas de fric, on a sauté sur l'occasion. Mais le gosse est super dangereux !
On s'est d'abord crashé sur Blouhom, une saleté de planète de sable, puis on s'est
fait capturés par des cinglés locaux. Pour finir, un Modérateur a essayé de me
trancher en deux avec sa lame alors qu'on se tirait de là. Du coup, je viens de
larguer le gamin dans la nature. Je tiens pas à avoir de problèmes moi.
– Wow, il t'en est arrivé des trucs ces derniers jours ! Rit Jessy en servant à boire.
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– Bah, c'est pas comme si c'était exceptionnel... Enfin, presque, jamais eu de
Modérateur qui voulait me dézinguer encore...
– Et comment va Otaku ? Demanda Phantom.
– Bien, comme d'habitude. Il est resté avec le contrôleur, dans notre vaisseau.
Avant de repartir, je crois bien que je vais prendre quelques vacances ici.
– Tu es notre hôte de marque, assura Jessy. Tu vas voir ce soir, quand tout le
monde viendra prendre sa pause, ça va être la fête ! Le retour du magouilleur dans
le pays ! N'oublie pas de demander à Otaku de venir nous rejoindre ici.
– Ça me fait bizarre de dire ça mais... Pour une fois, j'aspire à une vie tranquille !
Ah ah ah !
Un cri d'exclamation retentit au-dehors, et un individu se précipita à l'intérieur du bar.
Cynover, le visage en sueur, eut un grand sourire en voyant le capitaine Pédro.
– Capitaine ! Bon sang, vous êtes là ! Je vous ai cherché partout, c'était horrible !
– C'est... C'est lui le gamin ? » Fit Phantom en prenant une goulée de bière.
Pour toute réponse, Luis mâchouilla avec plus de vigueur son cure-dent, au point de
le transformer en pâte de bois.
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16. Au Prêcheur Itinérant
« ... Alors je suis reparti de ce côté, en espérant vous trouver, mais vous n'y était pas
non plus. J'ai eu très peur, je n'arrêtais pas de pester contre ce fichu tram qui nous a
séparés. La prochaine fois, ce serait tellement mieux de marcher tout court, ou de
prendre un autre moyen de transport, parce que n'empêche, on est si serrés à...
Le capitaine Pédro n'écoutait plus. Furieux, mais le visage impassible, il avait bu
d'une traite sa choppe de bière tout en pestant contre lui-même. Si seulement il n'avait
pas rit aussi fort. Jetant un œil désespéré autour de lui, il réfléchit à une nouvelle idée
pour se débarrasser en douceur du gamin.
Phantom semblait prendre un malin plaisir à voir Luis dans une si mauvaise situation.
Et, à côté, le jeune Cynover semblait intarissable, parlant tel un robinet fuyant à
grosses gouttes. S'il fallait en croire ses paroles, il venait de vivre l'aventure et le
drame du siècle en s'étant perdu dans City Zéro.
– D'accord, d'accord, j'ai compris, souffla Luis, les yeux exorbités.
– Tu as soif ? Proposa Jenny à Cynover.
– Euh, pourquoi pas. Vous avez quoi ?
– Un petit remontant lui ferait le plus grand bien, fit Phantom avec un clin d'œil.
– Bonne idée. Je vous laisse cinq minutes, je vais appeler Otaku pour ce soir.
– Vous avez besoin d'aide ? Proposa Cynover.
– Grand dieu, non, reste là par pitié !
Luis s'éclipsa en soupirant profondément, agacé et énervé par les charmantes
retrouvailles. Jessy servit un verre d'alcool pur à Cynover ; de loin, cela avait toute
l'apparence de l'eau, mais dès que l'on plongeait son nez dans le réceptacle cristallin,
les vapeurs commençaient déjà à vous faire tourner la tête.
– C'est... C'est de l'eau ? Demanda Cynover en regardant le verre d'un œil douteux.
– La meilleure eau de la galaxie, acquiesça Phantom.
Cynover leva son verre, puis le renifla. Son visage s'empourpra immédiatement, puis
il éternua par deux fois avant de retrouver ses esprits.
– Par le Grand Savoir, elle est aussi forte l'eau par ici ?!
– Oh, on s'y habitue tu sais. Regarde, moi ça ne me fait plus rien.
Joignant le geste à la parole, Phantom leva bien haut sa choppe et la vida d'un trait.
Ponctuant d'un grand « aaaah », il encouragea le jeune homme à faire de même.
– Mais mais... Vous ne buvez pas la même chose !
– Mais si, c'est juste une illusion d'optique à cause de la matière de la choppe.
– Bon... D'accord, si vous le dites. Allons-y.
Cynover porta le verre à ses lèvres, tremblotant. Il n'avait encore jamais senti d'eau au
parfum aussi corsé. D'ailleurs, pour lui, l'eau n'avait pas d'odeur. Comme quoi il avait
encore beaucoup à apprendre, malgré toutes les choses qu'il savait déjà.
Trempant ses lèvres tout en retenant sa respiration, il prit finalement son courage à
deux mains et but une petite gorgée. Le liquide descendit en flèche dans la gorge du
jeune homme, tel un torrent de lave dévastant tout sur son passage. La respiration
coupée, Cynover trébucha en arrière tout en toussant de manière monstrueuse, portant
les mains à son cou. Ses yeux injectés de sang étaient exorbités, et il semblait appeler à
l'aide dans un gargouillis inaudible.
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– C'est bon, hein ? Éclata de rire Phantom. Ça fait toujours ça au début, mais après
quatre ou cinq verres, on ne sent plus rien.
– RAAAAAH ! DE L'EAU PITIE !!! Hurla Cynover en se cassant la figure à terre.
– Le pauvre, fit Jessy en lui tendant un verre d'eau. C'était vache quand même.
– Bah, tout le monde est passé par là... Alors mon garçon, comment t'appelles-tu ?
Cynover se redressa péniblement. Toute la pièce semblait tourner autour de lui, et il
fut prit d'une irrésistible envie de vomir... Envie qu'il eut toutes les peines du monde à
contrôler. Se hissant sur un tabouret, il passa une main dans ses cheveux, les yeux
vitreux.
– Je... Moi c'est Cynover...
– Et d'où tu sors ? Une planète pas fréquentable j'imagine, surtout si t'as croisé Luis
sur ton chemin. Ah ah ah !
– Aden... C'est euh, une petite colonie en bordure de la galaxie... J'étais euh...
étudiant... Oui, étudiant en néo-philosophie... Ils sont tous morts maintenant...
Des larmes perlèrent sur le visage de Cynover, tandis que de douloureux souvenirs
affluaient à son cerveau. Comment imaginer un seul instant les terribles événements
des derniers jours ? Alors qu'il était si tranquille, dans son académie, il n'y a même pas
une semaine galactique standard... A étudier auprès d'Epistemis, à apprendre le nom
des animaux peuplant la planète Andavour VI, ou la manière de créer un alliage en
Metanium B...
– Ah... Euh, tu parles de quoi ?
– Des... des types ! Ils sont venus nous tuer. Un v-vrai carnage. Tous morts, et ils
zont p-pris notre maître... Répondit Cynover en oscillant sur son tabouret.
– Pauvre petit, il a l'air d'avoir vécu quelque chose de terrible, souffla Jessy.
– Ouais, apparemment... J'aurai peut-être pas dû insister pour lui faire boire du
Kaluq. Il est dans un état...
Le regard vide et la bave aux lèvres, Cynover marmonnait à présent des choses
incompréhensibles, dans lesquelles surgissait de temps à autres un théorème
quelconque. Si on ne le connaissait pas, on aurait pu jurer que le pauvre garçon était un
véritable légume.
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ANNEXES
Schéma narratif :
17 – Extrait de HB.
18 – Le soir, tandis que Luis et Otaku tentent de fêter leurs retrouvailles au Prêcheur
Itinérant, deux hommes font irruption dans le bar : Olah et Spay, ce dernier étant
blessé sérieusement. Poursuivis par des soldats de Zitiweb, Olah supplie qu'on les
cache et Jessy accède à sa requête en les faisant monter à l'étage. Après une brève
altercation avec les soldats de Zitiweb qui retrouvent très vite la trace des fugitifs dans
le bar, ceux-ci repartent mécontents. Tandis que Jessy appelle un médecin pour soigner
Spay, Olah, reconnaissant, explique brièvement à la compagnie son aventure dans le
Sovereign. Il engage finalement la petite équipe de contrebandiers pour l'aider à
prévenir l'Empereur du danger planant sur lui, lors de la parade militaire.
19 – La scène se passe sur le Sovereign, dans les appartements de Protecto. Celui-ci
vient tout juste de tuer le capitaine qui avait la charge d'éliminer Olah et Spay, afin de
le punir de son incompétence. Surgit alors Phoenix ; Protecto demande à être seul et
une conversation s'engage entre les deux artisans du mal, à propos d'Epistemis, de
Cynover et du plan de bataille. L'entrevue s'achève tandis que Protecto charge Phoenix
de retrouver Olah et Spay sur City Zéro.
20 – La scène se passe deux jours plus tard, lors du défilé pour l'anniversaire de
l'Empereur. Toute l'équipe se rend dans l'une des plus grandes artères de City Zéro
pour voir le défilé, tandis que les premiers vaisseaux ondulent lentement dans le ciel.
Mais alors que la cérémonie bat son plein, les vaisseaux défilant au-dessus sont
subitement attaqués de tout part, et s'écrasent comme des mouches dans City Zéro. Les
gens paniqués fuient partout et l'Empereur est évacué rapidement par une navette vers
son Palais, comme prévu dans le plan. Tandis que Phantom fonce vers le Tacos
Millenium et Jessy rentre chez-elle, le reste de la bande court vers le Palais Impérial,
Olah en tête. Des explosions retentissent partout et c'est City Zéro qui s'embrasse
entièrement...
21 – La scène se passe sur le Sovereign. Du Pont Principal, Protecto observe la scène
avec délectation, puis ordonne le déclenchement de la phase 2 du plan : l'élimination
des forces impériales. Quittant le pont, il prend une navette et se rend à destination du
Palais Impérial, où un affrontement vient de s'engager entre ses soldats et la Garde
Impériale. Tuant quiconque se dresse sur son chemin, Protecto est rejoint par Phoenix
et parvient jusqu'à la salle du Trône, où l'Empereur, furieux, demande des explications.
Ses gardes sont liquidés, tandis que Protecto plonge sa lame à énergie dans le corps du
vieillard dans un ricanement sinistre, puis savoure à grands cris sa victoire totale.
Soudain, les alarmes retentissent et Phoenix consulte le projecteur holographique :
Olah et le reste de l'équipe vient en direction de la salle du Trône, massacrant les
soldats de Zitiweb en chemin et aidant les derniers Gardes Impériaux à lutter contre les
envahisseurs. Protecto charge alors Phoenix de les arrêter.
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22 – Tandis que l'équipe achève de nettoyer une salle, les quelques Gardes Impériaux
qui ont survécus indiquent le chemin de la salle du trône à Olah. Un capitaine des
gardes, agonisant, supplie néanmoins qu'ils trouvent et mettent en sécurité la princesse
Chimpala, la fille de l'Empereur. La conversation est brisée par l'arrivée de Phoenix ;
tandis que Olah se charge du Modérateur Noir, le reste de l'équipe se lance à la
recherche de Chimpala dans le palais. Après quelques combats, Luis finira par la
retrouver dans sa chambre et tombe sous le charme ; Chimpala est inquiète pour son
père et demande à ce qu'ils aillent le retrouver dans la salle du trône, malgré le danger.
23 – Pendant ce temps-là, un furieux combat d'épée et de pouvoir de la Modération
s'engage entre Olah et Phoenix ; Olah finira par vaincre Phoenix en le décapitant après
un terrible duel à travers les couloirs du Palais. Fonçant à la salle du trône, Protecto
l'attend paisiblement, assis sur le siège royal, et un pied reposant sur le corps de
l'Empereur. Une courte conversation s'engage, puis un nouveau combat a lieu. Protecto
est hélas plus puissant que Olah et celui-ci finit par faiblir, puis par se retrouver projeté
dans tous les sens ; finalement, Protecto utilise son épée et empale Olah à distance.
Arrive au même moment Luis et Chimpala ; celle-ci s'effondre en voyant son père
mort, tandis que Cynover se précipite au secours de Olah, mortellement blessé. Tandis
que Protecto s'apprête à liquider la bande dans un rictus démoniaque, Olah use de ses
dernières forces et envoie un pan de mur sur le baron maléfique à toute vitesse ; le
projectile est tellement puissant qu'il traverse de part en part le Palais. Dans un dernier
râle, Olah souffle à Cynover de retrouver Kane sur Laakis, un Modérateur très
puissant, et qui pourra les aider contre Protecto. La bande s'enfuit du Palais, tandis que
Phantom arrive avec le Tacos Millenium pour les récupérer. La scène s'achève sur des
soldats Zitiweb venant porter secours à Protecto, terriblement blessé.
24 – Le Tacos Millenium en sécurité, en plein saut phasique, Luis en profite pour
souffler un peu avec Otaku et Phantom dans le cockpit, tandis que Cynover essaye de
réconforter Chimpala. Se réunissant dans la salle centrale pour savoir ce qu'il convient
de faire, Cynover essaie de convaincre désespérément les autres de se rendre sur
Laakis comme lui avait dit Olah, afin de retrouver Kane. Luis refuse catégoriquement,
jusqu'à ce que la princesse se range du côté de Cynover... et Luis change d'avis. Le
vaisseau change donc de cap et se dirige vers Laakis, la planète de sable.
25 – Extrait de HB.
26 – La scène se passe sur le Sovereign, dans les appartements de Protecto.
Récemment opéré de ses blessures et autres fractures, le nouvel Empereur est défiguré
et porte maintenant un masque sur la tête, celle-ci couverte par sa bure noire. Engoncé
dans son fauteuil médical, il donne ses ordres au gouverneur de City Zéro quant à la
ville et au Parlement, puis discute stratégie avec l'un de ses amiraux. Il est interrompu
par un serviteur, lui indiquant que le chasseur de primes est arrivé ; Protecto fait alors
une démonstration de sa puissance en faisant éclater la tête du serviteur à distance, tout
en lui disant de ne plus le déranger à l'avenir. Le gouverneur et l'amiral frissonnent,
prenant conscience que leur maître, bien que diminué physiquement, est devenu plus
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puissant mentalement. Le chasseur de primes pénètre alors dans la pièce, et Protecto
demande à ce qu'on les laisse seuls tous les deux. Le noir Empereur s'entretient alors
avec Nova, le chasseur de primes le plus féroce de toute la galaxie, et lui promet une
importante récompense pour la capture de Cynover et Chimpala.
27 – Le Tacos Millenium approche Laakis, puis se pose sur l'unique ville de la planète,
Laakeen. Tandis que Luis et Otaku vont se rafraichir dans la cantina locale, Cynover,
Chimpala et Phantom interrogent les habitants pour savoir où se trouve Kane. Après de
considérables efforts, un vieux finit par leur avouer que c'est un bandit féroce et
renommé, dirigeant d'une main de fer son clan de truands. Après quelques pièces en
plus, le vieux leur donne la position de sa cachette dans le désert et leur prie de ne pas
se souvenir de cette conversation. Ils rejoignent ensuite Luis et Otaku au bar, et leur
parle de leur découverte. Ils décident alors d'acheter un peu de matériel et de partir le
lendemain soir.
28 – Au crépuscule, le groupe, revêtu de « distilles », s'enfonce à pied dans le désert,
laissant le vaisseau sur place de peur d'avoir des ennuis. La marche dure une bonne
partie de la nuit, au cours de laquelle le groupe voit un ver géant les fuir, effrayé par le
bruit de leurs pas. Enfin, tandis que le jour se lève, la bande atteint le fameux repaire
de Kane le Sanguinaire : une vaste caverne dont seule l'entrée est visible à travers
d'épais monticules rocheux. Plusieurs Grunt les accueille en piaillant à la porte, et les
traîne jusqu'à la « salle du trône » de Kane, dans les profondeurs de la caverne. La
salle, vaste, sombre et malodorante, est emplie de monde, apparemment en pleine
orgie. Une voix tonne alors du fond de la pièce, demandant ce que font des étrangers
ici, et le silence s'installe.
29 – Un petit projecteur éclaire soudain Kane. Sangheili à la musculature imposante,
recouvert de cicatrices et engoncé dans une armure grise et sale, il tapote l'accoudoir
de son trône avec agacement. Furieux, il ne laisse pas parler Cynover et ordonne à ce
qu'on les jette en prison immédiatement. Il épargne cependant Chimpala et ordonne
qu'on la traite bien, puisqu'étant la fille du défunt Empereur. Le chapitre s'achève sur la
colère noire de Luis contre Cynover, le tenant pour unique responsable de ce désastre.
30 – La scène se passe quelques semaines plus tard, dans le Palais de Kane. Le groupe
est toujours captif et travaille dans des conditions misérables dans une mine à
proximité du Palais, tandis que Chimpala doit demeurer la plupart du temps dans une
petite chambre bien gardée. Dans la mine, une bagarre éclate soudain entre Luis et
Cynover, le premier ayant d'abord une altercation avec lui. Après avoir bien morflé, les
deux hommes sont séparés puis fouettés pour l'exemple. La scène reprend plus loin
avec Kane ; penché au rebord de sa baignoire dans sa salle de bain, il fixe d'un air
mélancolique son reflet, puis vide d'un trait le fond d'une bouteille d'alcool. L'un de ses
hommes de main vient soudain l'avertir de l'arrivée de Nova au Palais ; le Sangheili
revêtit son armure et part à sa rencontre.
31 – La scène se passe dans la salle du trône du Palais de Kane. Nova attend,
silencieusement, tandis que la foule de bandits autour de lui osent à peine le regarder,
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emplis de crainte. Kane finit par apparaître, l'air fatigué, et présente ses salutations à
Nova avant de demander la raison de sa venue. Le chasseur de primes lui demande
sans ménagement de lui livrer immédiatement la princesse Chimpala et Cynover. Kane
donne son accord pour le garçon, mais il refuse de « donner » et commence à négocier
un prix. Quant à la princesse, il refuse de la livrer sans l'obtention d'un prix exorbitant.
Nova, bien décidé à ne rien débourser, menace Kane et lui signale qu'il travaille pour
le nouvel Empereur Protecto ; Kane rétorque que, Empereur ou pas, les affaires sont
les affaires. Nova quitte les lieux furieux, en disant que la prochaine fois qu'il viendra,
ce sera avec l'armée Impériale et que la tête de Kane sera au bout d'une pique.
32 – Quelques heures après l'entrevue avec Nova, Kane reçoit dans son bureau la
bande au complet, tandis que les bandits emportent leurs affaires pour quitter
précipitamment le repaire de Kane. Maussade et un verre à la main, Kane leur dit
simplement qu'ils sont libres et qu'ils peuvent partir. Cynover et Chimpala tentent alors
un plaidoyer en leur faveur, mais Kane reste sourd à leurs arguments et leur dit qu'il
est de toute façon mort depuis longtemps. Mais, lorsque Cynover mentionne Olah,
Kane retrouve un certain intérêt. Il leur conte alors le fameux épisode de la Fronde
pour expliquer cet attachement soudain.
33 – Extrait de HB.
34 – Kane se met à narrer les événements survenus pendant la Fronde. A l'époque
Modérateur, il accomplissait bon nombre de missions pour le Parlement à travers la
galaxie avec Olah, qu'il considérait comme un véritable frère, chacun se sauvant l'un
l'autre plus d'une fois la vie. Mais à cette époque, plusieurs Grandes Maisons se
liguèrent contre l'Empire, protestant contre la corruption, les taxes et les impôts dont
elles étaient infligées ; elles se mirent alors en tête de renverser l'Empereur pour établir
des bases plus justes. Kane se rallia à la cause de ces Maisons rebelles, séduit par leur
idéal, mais Olah demeurait attaché au Parlement et à l'Empire. S'ensuivit une fracture
irréversible entre les deux frères d'armes. S'ensuivit alors une très courte guerre civile,
durant laquelle Kane reçut le commandement de troupes rebelles ; malgré quelques
succès, les « Frondeurs » furent finalement défaits par Protecto, qui les écrasa
complètement lors de la bataille de Machore V. Les Maisons rebelles furent
démantelées et les principaux coupables tués. Kane y réchappa de peu en s'exilant,
mais toute sa famille fut condamnée à mort en représailles. Il mène depuis une
existence de bandit, opérant principalement dans la contrebande au sein de son secteur
spatial.
35 – Son récit terminé, Cynover insiste de nouveau pour que Kane les accompagne,
mais celui-ci refuse toujours et les presse de se hâter s'ils veulent quitter la planète
avant l'arrivée de Protecto. Luis finit par trancher en affirmant qu'il n'a pas l'intention
de crever ici, et s'en va à Laakeen rejoindre le Tacos Millenium ; Cynover et Chimpala
le suit à contrecœur. Empreintant un véhicule, le groupe retourne à Laakeen et le
Tacos Millenium les attend toujours à la même place. Mais tandis qu'ils se dirigent
vers le vaisseau, Nova surgit brusquement et lance un grand filet de capture sur le
groupe. Jubilant de sa victoire, il n'aperçoit même pas Kane qui atterrit derrière lui et
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l'assomme. Délivrant le groupe, Chimpala saute à son coup et lui demande ce qui l'a
fait changer d'avis ; Kane dit simplement qu'il a bien réfléchi, et qu'il a un compte à
régler avec Protecto. Embarquant dans le Tacos Millenium, le groupe met les voiles,
mais à peine le vaisseau sort-il de la planète qu'une flotte surgit du sous-espace : celle
de Protecto. Des chasseurs ennemis les prennent en chasse, et Kane et Otaku doivent
les détruire à la tourelle. Finalement, le Tacos Millenium parvient à passer en saut
phasique et à quitter le système.
36 – Le Tacos Millenium s'arrête finalement dans un petit système isolé, plongé au
cœur d'une nébuleuse. Là, il s'amarre à une petite station spatiale, qui fait office de
relai-étape pour les voyageurs. Tandis que Phantom et Otaku procèdent à quelques
réparations, le reste du groupe se rend au bar du coin pour décider de la marche à
suivre. Luis, fidèle à lui-même, cherche à abandonner tout le monde sur place et à
reprendre sa vie paisible de contrebande, mais les yeux doux de Chimpala finissent par
le faire plier. Cynover prend ensuite le temps de raconter son histoire à Kane, et celuici reste perplexe quant à l'enlèvement d'Epistemis. Il suggère que le mieux à faire pour
l'instant est de trouver refuge chez un ami à lui, le duc Arsul de la Maison Thedus.
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