Des plans départementaux de l`habitat, pour quoi faire

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Des plans départementaux de l`habitat, pour quoi faire
INGÉNIERIE
LOGEMENT
Par Géraldine Geoffroy, département Urbanisme et habitat, Certu,
et Sabine Mathonnet, Cete de Lyon
Depuis la
décentralisation,
les EPCI ont peu à peu
été consacrés comme
l’échelon pertinent pour
la définition et la mise
en œuvre des politiques
locales de l’habitat.
Pourquoi le législateur
a-t-il alors instauré,
en 2006, des plans
départementaux de
l’habitat ? Comment ce
nouvel outil s’insère-t-il
au sein des outils
de planification ?
L’ESSENTIEL
• Des références communes
pour l’action publique en
matière d’habitat.
• Cohérence des politiques
locales et articulation
avec les politiques
sociales.
• Lien entre
agglomérations et
périphéries, entre pôles
urbains et territoires
ruraux.
• Hiérarchisation et
territorialisation des
interventions en matière
de logement social.
Des plans départementaux
de l’habitat, pour quoi faire ?
L
a loi relative aux libertés et responsabilités
locales du 13 août 2004 établit le niveau
régional comme niveau de pilotage des
politiques publiques par l’État et conforte le rôle
des EPCI dans la conduite des politiques locales
de l’habitat. Elle ouvre la possibilité d’une délégation des crédits d’aide à la pierre aux EPCI
dotés d’un PLH, ainsi qu’aux conseils généraux
par subsidiarité sur les parties de leur territoire
non couvertes par une délégation.
Mais la suppression, dans le même temps, des
conseils départementaux de l’habitat conduit les
conseillers généraux à revendiquer la mise en
place de « mesures de coordination au niveau
départemental ». L’instauration du Plan départemental de l’habitat (PDH) fait suite à un amendement déposé par le sénateur Philippe Leroy, viceprésident de l’assemblée des départements de
France, lors des discussions de la loi portant engagement national pour le logement du 13 juillet
2006 (ENL). Cette genèse explique quelques-unes
des caractéristiques de ce document.
Un outil de mise en cohérence
En introduisant le PDH, le législateur ne remet
pas en cause la primauté de l’échelon intercommunal dans l’élaboration des politiques locales
de l’habitat. Alors que la hiérarchie des normes
entre les documents de planification se décline
généralement du global vers le local – autrement
dit, les orientations du territoire le plus large (par
exemple les SCoT) s’imposent au plus restreint
(par exemple les PLU) – le PDH doit être
conforme aux orientations déterminées par les
PLH et les SCoT.
QU’ESTCE QUE C’EST ?
• PLH : Programme local de l’habitat, mis en œuvre par les EPCI.
• Conseil départemental de l’habitat : instance de concertation remplacée en 2004 par
le comité régional de l’habitat.
• Schéma départemental d’organisation sociale et médico-sociale : définit les
besoins en établissements et services pour les personnes handicapées ou en perte
d’autonomie, l’aide sociale à l’enfance et la protection judiciaire de la jeunesse.
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S’il doit fixer des orientations sur les territoires
non couverts par ces documents, il doit aussi
inciter à la définition de politiques locales et
veiller à la cohérence et à la complémentarité
des orientations à l’échelle départementale
(notamment face à des phénomènes de périurbanisation ou de déséquilibre de l’offre sociale).
Cette définition du PDH en fait d’abord un outil
de dialogue et non de contrainte et le différencie
du programme local de l’habitat (PLH).
Quel lien avec la délégation
de compétences ?
De fait, le PDH n’est pas au département ce que
le PLH est aux EPCI… Démarche partenariale
élaborée « conjointement par l’État, le conseil
général et les EPCI ayant adopté un PLH ou ayant
délibéré pour en adopter un » (article 68 de la loi
ENL), le PDH ne constitue ni le support de la
convention de délégation de compétences des
aides à la pierre, ni l’expression de la politique du
seul département.
Le PDH est obligatoire pour tous les départements mais la signature avec l’État d’une convention de délégation n’est pas conditionnée à
l’existence d’un PDH. Cette distinction vise à ne
pas contraindre les PLH qui seraient élaborés
ultérieurement et explique que la loi ne prévoit
pas de programme d’actions. Les premiers
retours d’expériences réalisés en 2009-2010
montrent sur ce point que les acteurs locaux ont
souvent poussé le PDH vers davantage d’opérationnalité et défini des leviers d’action – dispositifs partenariaux, appui en ingénierie voire
principes de répartition des aides financières.
Tout l’enjeu est de ne pas dénaturer la définition
législative du PDH, qui confère à ce document
un rôle d’animation, de coordination, bref, un
cadre pour la mise en place d’un « forum départemental » de l’habitat.
La concertation au cœur
du dispositif
Dans cette perspective, la concertation est logiquement au centre de la démarche. La loi prévoit
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État des PDH en 2010
explicitement la mise en place d’une instance
spécifique chargée de « mener les concertations »
nécessaires à l’élaboration du PDH : une section
départementale du comité régional de l’habitat
(SD-CRH). Celle-ci est présidée par le préfet de
département et le président du conseil général,
qui en fixent librement la composition. Si les
premières démarches engagées, dans un cadre
pour ainsi dire expérimental, n’ont pas toujours
donné tout son sens à cette instance, leur analyse
montre le rôle clef que peut jouer la SD-CRH
dans le pilotage du PDH, en vue de l’instauration
d’une dynamique d’échanges pérenne.
Organiser la réponse aux besoins
en logement
Les PDH ont permis aussi à un certain nombre
de départements d’affirmer leur politique en
matière d’habitat et leur place dans le jeu d’acteurs local, avec parfois une volonté de se positionner en « chef de file » sur leur territoire. Rien
d’étonnant quand on sait l’implication parfois
ancienne de certains conseils généraux dans le
domaine de l’habitat, comme l’avait révélé l’engagement, plus fort que prévu, de nombreux
départements aux premiers temps de la délégation de compétences (Driant, 2007). Le PDH
peut avoir alors pour effet de réinterroger les PLH
existants et nécessite une réelle association des
EPCI. L’articulation avec les politiques sociales
portées par les départements en faveur des
personnes âgées et handicapées, notamment
dans le cadre des schémas d’organisation sociale
et médico-sociale, ou avec les plans départementaux d’action pour le logement des personnes
défavorisées (PDALPD) et la lutte contre l’habitat
indigne, apparaît également comme un enjeu
fort du PDH. Il interpelle très directement les
conseils généraux et les services de l’État mais
implique aussi un engagement de tous les
acteurs concernés. Quelle que soit la situation
politique ou territoriale, la mise en place d’un réel
copilotage en vue d’une démarche concertée est
le gage d’un projet mobilisateur.
En 2010, trente-six PDH étaient engagés, dont
seize dans des départements délégataires. La
réforme du statut des collectivités territoriales
et de la fiscalité locale, le recentrage des aides de
l’État sur les zones tendues ou encore la loi
Grenelle 2 modifient encore le cadre d’intervention des collectivités territoriales en matière
POUR EN SAVOIR PLUS
d’habitat. Dans ce contexte, comment les
acteurs locaux se saisiront-ils à l’avenir des PDH ?
Outil de mise en cohérence des politiques
publiques, le PDH permet de partager la
connaissance sur la situation de l’habitat dans le
département et d’organiser – ou initier, lorsqu’il
n’existe pas – le débat sur l’aménagement du
territoire et sur les moyens à mettre en œuvre
pour apporter, à la croisée de multiples dispositifs, une réponse à l’ensemble des demandeurs
de logement et d’hébergement.
• Les plans départementaux de
l’habitat. Retour sur la conduite
de premières démarches, Certu/
DGALN, 2011.
• « Les compétences des
collectivités locales en matière
d’habitat », M. Goze, 2011.
• La délégation des aides à la
pierre. Regards croisés des
acteurs de l’habitat, pour
l’Union sociale pour l’habitat,
J-C. Driant, 2007.
Le rôle de la section départementale
du comité régional de l’habitat (SD-CRH)
Un PDH comprend un diagnostic, un document d’orientation et définit les modalités
de mise en place d’un dispositif de suivi et d’observation. C’est aussi une démarche
concertée organisée par une instance dédiée, la SD-CRH, rattachée à l’instance régionale
de concertation (elle associe logiquement les membres du comité régional issus du
département).
La SD-CRH définit le périmètre de la concertation et les modalités d’échanges les plus
à même d’impliquer l’ensemble des acteurs de l’habitat : les questions à porter au débat,
le niveau d’implication des différents acteurs, l’échelle et les modalités concrètes
d’organisation de la concertation (par exemple sous forme de réunions thématiques
et/ou territoriales). Installée en amont de la démarche, elle permet d’engager la
concertation dès la réalisation du diagnostic et de la prolonger dans le cadre du suivi.
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