egérie-et-le-mont-S..

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Pèlerinage dans l’antiquité 9 : Egérie et le mont Sinaï par P. Maraval
Égérie est une femme (appelée aussi Ethérie, Etheria, Egeria ou Eucheria) qui entreprit en 380 un pèlerinage jusqu’en Terre
sainte. Elle a laissé un récit en latin de son pèlerinage, qui fut retrouvé en 1884 dans une bibliothèque d'Arezzo. Elle devait
être une vierge consacrée (ou non) attachée à une communauté mais indépendante, et certainement une "grande dame" de
bonne culture. De caractère autonome et entreprenante, elle entretenait de très bonnes relations avec les moines et le clergé.
C’est une femme à la curiosité et l’esprit d'observation très développés. Quant à sa religion, elle est concrète, nourrie de
souvenirs bibliques et de contacts avec les moines. Elle écrit en latin vulgaire.
A la fin de IVe siècle, les pèlerins arrivent en Terre sainte des quatre coins du monde chrétien. Ils sont Perses, Arméniens,
Géorgiens et Occidentaux. Jérusalem les reçoit lors des grandes fêtes comme l’Épiphanie et Pâques. Parmi eux, Égérie.
Comme tous les pèlerins, Égérie veut mettre ses pas dans ceux du Christ. Elle veut revivre par la prière l’histoire du Salut sur
les lieux même de son déroulement. Disposant de tout son temps, Égérie est une "touriste" avide et à la curiosité insatiable.
Son manuscrit est donc empli de commentaires enthousiastes sur les vues (magnifiques), les bâtiments (fameux), les
montagnes (escarpées) ou les plaines (fertiles). Mais ce n’est pas la seule à avoir laissé un témoignages. Il y a le pèlerin
anonyme de Plaisance après 570 ou la patricienne Rusticiana, correspondante de Grégoire Ier qui visita le mont Sinaï en
593 avec sa fille.
L'unique manuscrit, d'abord appelé Peregrinatio Aetheriae ou encore Peregrinatio Silviae est tronqué au début et à la fin,
mais diverses références médiévales au Voyage ont permis de combler certaines lacunes et il a été retrouvé récemment le
fragment d'un autre manuscrit. Le manuscrit est anonyme, c'est un ermite galicien du VIIe siècle, Valère du Bierzo, qui
donne le nom de l'auteur de l'ouvrage. Valère a écrit une lettre à des moines de la région du Bierzo, dans laquelle il parle
avec louange du Voyage, et note qu'elle a préparé son voyage Bible en main. Dans la copie dont il disposait, il avait pu lire
un nom que les manuscrits de sa lettre écrivent sous diverses formes. La forme Egeria a toutes les chances d'être historique.
La Galice où vivait Valère est peut-être aussi la patrie d'origine de la pèlerine. Main on ne sait si Égérie vient du nord de
l'Espagne ou du sud de la Gaule (Arles ?), ou même d’une autre région occidentale où l'on parlait latin au IVe siècle. Valère
dit qu'elle est apparue "aux extrémités de l'Océan occidental", ce qu'il a pu déduire du passage où Égérie fait dire à un
interlocuteur qu'elle est venue "des extrémités de la terre"
Le récit d’Égérie a été perdu durant 700 ans. La seule copie encore existante du manuscrit fut transcrite au XIe et conservée à
Arezzo où elle fut oubliée et redécouverte qu’en 1884. Il a existé 3 copies de ce manuscrit. Celle de Saint Martial de
Limoges est perdue, celle se trouvant en Espagne également. La bibliothèque de Saint Martial a été versée à la BNF.
Le document est incomplet et seule la section centrale a été conservée, notamment le voyage commençant au mont Sinaï et
se terminant à Constantinople, ainsi que la description de la liturgie dans les églises de Jérusalem.
La partie conservée du récit comprend 2 parties distinctes. Quant à la partie perdue du document, il est possible de
conjecturer son contenu par les allusions de Valère mais aussi par des références assez précises de Pierre le Diacre,
bibliothécaire de l'abbaye bénédictine du Mont-Cassin, qui écrivit au XIIe s. un De locis sanctis qui s'inspire notamment de
ce récit, et même du manuscrit lui-même, quand il était encore à peu près complet et se trouvait à cet endroit. On sait donc
qu'après son arrivée à Jérusalem à Pâques 381, elle se rendit dans le sud de l'Égypte en Thébaïde (fin 381 - 382), revint à
Jérusalem et se rendit de là en Samarie et en Galilée (383). Il manque donc la partie égyptienne de son récit.
La 2nde partie est consacrée à la description de la liturgie de Jérusalem et est d'une importance exceptionnelle pour l'histoire
du christianisme au début de la période byzantine. Elle décrit d'abord la liturgie quotidienne (24, 1-7), puis la liturgie du
dimanche (24, 8 - 25, 6), l'Épiphanie (25, 6 - 26, avec une lacune entre les deux) et les fêtes pascales à partir du carême (2729) et de la "grande semaine" (30-38) suivi du temps pascal (39-44). La fin du récit conservé revient sur la discipline du
carême avec des détails sur la catéchèse auprès des catéchumènes (45-47), puis se conclut brusquement au quatrième jour
de la fête de la Dédicace du mois de septembre (48-49). Cette description est donc valable pour les années 381 à 384. On
connait la datation de son séjour à Jérusalem entre Pâques 381 et Pâques 384. Égérie s’intéresse au moins autant à l’Église
locale, aux moines, aux évêques, aux religieuses qui vivent en Terre sainte. Elle s’intéresse particulièrement à la liturgie et
surtout aux festivités solennelles. Égérie, en tant que citoyenne romaine au sein d’un monde romain et largement païen,
affiche une indifférence presque complète à l’égard de ce qui n’est pas chrétien pour se concentrer sur les témoignages de la
foi. Elle est allée dans différentes églises de la ville mais aussi à Bethléem, sur la mer morte, sur le mont Nébo.
Dans la 1ère partie, Égérie raconte 4 voyages qu'elle fit à partir de Jérusalem, dans la
péninsule sinaïtique (chap. 1-12), en Transjordanie jusqu'au Mont Nébo (10-12), dans la
vallée du Jourdain jusqu'à Carnéas (13-16, avec une lacune au ch. 16), et en Mésopotamie
jusqu'à Harran (17-21). De là elle se rendit à Antioche puis à Constantinople, d'où elle
écrivit le récit qu'elle est en train de faire et qu'elle enverra à ses "sœurs" (22-23). Par divers
recoupements, il est possible de suivre jour après jour Égérie dans ses pérégrinations entre le
16 décembre 383 et le mois de juin 384, à Constantinople.
A cette époque où se développent les pèlerinages aux lieux saints de la chrétienté, les sites offerts à la vénération des
pèlerins sont suffisamment connus pour que l'on puisse reconstituer l'itinéraire suivi par Égérie. Les lieux saints qu'a visités
Égérie sont ceux de l'époque constantinienne, et à ce titre-là son témoignage est capital pour l'historien et l'archéologue.
Elle a dû suivre Itinéraire probable de l'Exode. Il y a peu d’indication sur ce chemin… Celui qui longe la coté méditerranée
est peu vraisemblable, car il s’agit de nomades avec des troupeaux. Traverser le désert entre Suez et Eilat est également
impossible. Reste le trajet emprunté par les caravanes marchande, descendues de la vallée du Sinaï. Ce parcours Egypte
Palestine est plus certain. L’identification des sites est difficile. Eusèbe de Césarée ne sait rien là dessus, il ne s’interroge
d’ailleurs pas.
Egérie a dû partir de Suez (ancienne Clisma) est le leu où les Hébreux ont traverser la mer rouge à pieds secs. D’ailleurs à
l’époque, on montrait les traces des roues des chars !! Et à marée basse, les armes pétrifiées de pharaon.
Pendant trois jours ils avancèrent dans le désert de Sur sans trouver d'eau, jusqu'à atteindre un lieu qu'ils appelèrent Mara
parce qu'il y avait là une source d'eau amère. Suivant le conseil divin, Moïse y jeta un morceau de bois et l'eau devint pure
(Ex. 15, 22-25).Près de l'extrémité actuelle du golfe de Suez, un lieu-dit est aujourd'hui appelé Ayun Musa, nom qui signifie
précisément "source de Moïse". Son eau est riche en sels minéraux naturels, qui se composent de sel ordinaire, de gypse et
de sulfate de magnésium. Même en faible concentration, ces produits donnent encore à l'eau un goût particulier. Ayun Musa
compte une source abondante et une dizaine de puits artificiels, dont les eaux sont toutes sulfatées à l'exception d'une seule.
L'étape suivante, nommée Elim, est décrite dans le texte comme une oasis importante ayant de grandes ressources en eau. La
Bible précise que ce lieu comptait "douze sources et soixante-dix palmiers" (Ex. 15, 27). Cette oasis pourrait correspondre à
l'actuelle Wadi Gharandel, une vallée qui arrose la rive est du golfe de Suez.
Les Hébreux campèrent au bord de l'eau, puis s'enfoncèrent dans des régions plus désertiques : "Ils partirent de la mer Rouge
et campèrent dans le désert de Sin" (Nb. 33, 11). Ce nom désigne peut-être la vaste plaine de Markha. C'est dans le désert de
Sin que les Israélites, confrontés au problème du ravitaillement, reçurent pour la première fois la "manne céleste", la
nourriture miraculeuse qui tombait du ciel chaque matin (Ex. 16). Il existe un phénomène naturel connu localement, la
production massive d'une sorte de gomme naturelle par certaines essences d'arbres comme le tamaris. En fait , une
cochenille, permet la production d’une substance naturelle se cristallisant normalement en un sucre comestible Les Hébreux
purent également manger de la viande, grâce à des invasions de cailles qui s'abattirent sur leur camp (Ex. 16, 13 ; Nb. 11,
31-34). Là aussi, des naturalistes ont proposé de voir un phénomène naturel de migration d'oiseaux à travers la mer Rouge
"Ils partirent du désert de Sin et campèrent à Dophka" (Nb. 33, 12). La halte pourrait correspondre à la région des anciennes
mines du Sinaï. Il y existe des galeries d'extraction et des aménagements importants, avec des inscriptions nabatéennes
gravées ‘et prises par les premiers pèlerins comme témoignages des Hébreux). Dophka a été assimilé par des explorateurs au
Wadi Maghara situé sur cette route. De nombreuses inscriptions sont gravées dans les galeries et sur les parois rocheuses,
dans une forme d'écriture auparavant inconnue.
Les Hébreux progressèrent à travers le désert jusqu'au camp de Raphidim, où ils se plaignirent avec véhémence de l'absence
d'eau potable. Alors sur conseil divin, Moïse frappa un rocher avec son bâton, et de l'eau en jaillit (Ex. 17, 1-7 ; Nb. 20, 213). A Raphidim les Hébreux furent attaqués par un groupe de nomades appelés Amalécites, contre lesquels ils se
défendirent les armes à la main. Durant le combat, Moïse maintint ses bras levés en signe de supplication, geste grâce
auquel les Hébreux remportèrent la victoire (Ex. 17, 8-16). On montrait les pierres qui avaient aisé Moïse à se tenir ainsi.
Raphidim est identifiée à l'une des plus belles oasis du Sinaï, une longue vallée verdoyante appelée Wadi Feiran. Elle devait
être à sec le jour où les Israélites y entrèrent, ce qui expliquerait leur déception à l'arrivée et leurs protestations.
Les Israélites se dirigèrent ensuite vers le mont Sinaï et campèrent face à la "montagne de Dieu". Moïse fut appelé à en gravir
seul le sommet et à s'entretenir avec Dieu face à face. En son absence, le peuple resté dans la plaine s'impatienta et se livra
au culte païen du "veau d'or" qu'ils confectionnèrent pour l'occasion en métal fondu. Moïse à son retour entra dans une vive
colère et brisa les deux tables qu'il avait reçues ainsi que la statue idolâtre. Dieu lui ayant fourni de nouvelles tables, les
Israélites prirent connaissance des dix Commandements et des termes de l'Alliance particulière que Dieu leur offrait.
La tradition historique considère l'actuel sommet du Djebel Musa ("Montagne de Moïse"), comme la montagne sur laquelle
Moïse reçut le Décalogue. Au pied de ce massif désertique, une plaine large mais encaissée appelée Er Râhah semble être
un lieu de campement idéal pour une foule nombreuse. Culminant à 2 285 mètres, la montagne mythique se gravit par 2
sentiers. L’un constitué de plus de 3 400 marches creusées, à pic, l’autre, plus fréquenté, suit une piste chamelière.
À l’occasion de l’ascension du mont Sinaï, Egérie note "C’est avec une peine extrême que l’on fait l’ascension de ces
montagnes, car on ne les gravit pas peu à peu en tournant, en colimaçon comme on dit, mais on monte tout droit, comme le
long d’un mur !" Egérie, qui a dû prendre une autre voie tout aussi escarpée, rattachait explicitement ces lieux à l'histoire de
l’Exode. Elle rapporte que des moines ermites vivaient dans des grottes en honorant la mémoire du passage des Hébreux.
Dans une vallée voisine, le monastère Sainte-Catherine perpétue son souvenir depuis le VIème siècle, encastré entre deux
monts saints. Le premier, djebel Catherine, est celui où les anges auraient déposé le corps martyrisé de la sainte
d’Alexandrie. Le second est le mont Moïse. Considéré comme le plus vieux couvent chrétien du monde, il fut fondé en 527
après J.-C par l’empereur Justinien à l’endroit même d’une petite chapelle édifiée avant lui par l’impératrice Hélène sur le
site où Moïse aurait vu le buisson ardent. C’est un vrai refuge pour les pèlerins avec hôtel et hôpital (créé vers 561-68).
L’activité monastique semble avoir débuté très tôt, puisque Egérie relate la présence dès cette époque de nombreux moines
dans les environs, un siècle après l'arrivée des premiers chrétiens fuyant les persécutions. Saint Jean Climaque y vécut.
Anastase le Sinaïte en fut higoumène dans la deuxième moitié du VIIe siècle. Ainsi jusqu'à la caverne d'Elie, la montagne
était appelée l'Horeb; au-dessus de la caverne d'Elie, à environ quarante minutes s'élève le pic du Sinaï; à 460 mètres plus
bas que la caverne se trouve le monastère de Sainte-Catherine construit près du buisson ardent et du puits de Moïse
Les Hébreux reprirent leur marche après plusieurs mois passés au pied du mont Sinaï. Ils s'orientèrent probablement vers le
nord-est et firent halte à Qibroth-Hattaava. A cet endroit le peuple lassé de la manne céleste réclama de manger de la
viande. Alors une nuée de cailles envahit leur camp ; ils en dévorèrent même à l'excès, à tel point que Dieu punit leur
voracité en les frappant d'un fléau mortel (Nb. 11, 1-3). En hébreu, Qibroth-Hattaava signifie "tombes de la convoitise". En
1869, l'orientaliste anglais Edward Henry Palmer explora un site nommé Erweis el-Ebeirig, dans le Wadi Murrah au nord-est
du Djebel Musa. Il y trouva les restes d'un ancien campement de nomades, comprenant des enclos, des foyers et des
tumulus qui ressemblaient à des tombes. Sur l'un des blocs rocheux était curieusement posée une pierre en forme de
pyramide. Palmer associa ces restes de campements à l'épisode biblique des cailles. Ce lieu est un des rares endroits portant
des traces susceptibles d'être attribuées à l'Exode.
De Kadesh-Barné au Jourdain Après un séjour de près de quarante ans passés au désert, la nouvelle génération israélite
quitta la région de Kadesh-Barné et se rendit au pied du mont Hor. C'est sur le mont Hor que mourut le prêtre Aaron, frère
de Moïse, à l'âge de cent vingt-trois ans, après y être monté accompagné de Moïse et de son fils Eléazar. Il décéda au
sommet et fut enterré sur place (Nb. 20, 22-30 ; Nb. 33, 37-40). Le mont Hor est décrit comme situé à la frontière du pays
d'Edom. Une tradition locale l'identifie au djebel Haroun, la "montagne d'Aaron", un sommet jordanien qui borde l'est de la
vallée de l'Araba. Il domine de ses 1400 mètres une vallée appelée Wadi Musa, "vallée de Moïse", dans laquelle les
Nabatéens ont bâti au VIème siècle avant J.-C. la célèbre cité de Pétra, caractérisée par ses façades rupestres monumentales.
Tout ce qui a été écrit dans le Saint livre de Moïse a été montré à Egérie, tant elle est curieuse. Le Pèlerin de plaisance est
également venu de Suez. 22 étapes, avec quelques jours de repos étaient nécessaires. Il existe différents souvenirs bibliques.
La grotte où Moise se cacha avec une église (fouillée sommairement) à 3 nefs et abside à pans coupés. La grotte de l’Horeb
abrita Elie, fuyant devant Jézabel et Achab). La plateforme rocheuse d’ Aaron et les fils d’Israël.
« Ainsi, après quelque temps et par la volonté de Dieu, je ressentis un autre désir, celui d'aller jusqu'en Arabie, c'est-à-dire au
mont Nébo, sur le lieu où Dieu ordonna à Moïse de monter » écrit-elle.
Du promontoire du mont Nébo, Moïse vit la Terre Sainte de Canaan qu'il n'atteindrait jamais. Il mourut et fut inhumé « dans
la vallée, au pays de Moab, de l'autre côté de Beth-Peor ». Sa tombe n'a jamais été retrouvée. Après avoir consulté l'oracle,
Jérémie aurait caché l'arche d'Alliance, la tente et l'Autel des parfums sur le mont Nébo. Le mont Nébo se transforma très
vite en lieu de pèlerinage pour les premiers Chrétiens de Jérusalem et une petite église y fut construite au IVe siècle pour
commémorer la mort de Moïse. On peut encore voir une partie des pierres utilisées pour la construction de cette église dans
le mur qui entoure l'abside. Il y avait là une chapelle avec un gardien qui, jusqu'à l'invasion des Arabes, ne devait pas y
coucher. On y célébrait quelquefois la Liturgie. L'église fut agrandie aux Ve et VIe siècles pour être transformée en une
grande basilique.
Nous sommes arrivés au pied du mont Nébo ; il est très haut, toutefois on peut en monter la plus grande partie à dos d’âne.
Parvenus au sommet de cette montagne, il y a maintenant une église. À l’endroit où se trouve l’ambon j’ai vu un
emplacement un tout petit peu plus élevé dont les dimensions étaient celles qu’ont d’ordinaire les tombeaux. Alors j’ai
demandé aux saints moines ce que c’était et ils m’ont répondu : « c’est ici que Moïse a été déposé par les anges, puisque
comme il est écrit, « aucun homme ne connaît sa sépulture ». Ce sont les anciens qui ont demeuré ici qui nous ont montrés
où il a été déposé et de même nous aussi nous vous le montrons et ces anciens eux-mêmes disaient qu’ils tenaient cette
tradition de plus anciens qu’eux. » On a fait ensuite une prière, puis nous sommes sortis de l’église. Alors ceux qui
connaissaient les lieux, prêtres et saints moines nous ont dit : « Si vous voulez voir les lieux dont il est parlé dans les livres de
Moïse, venez dehors devant la porte de l’église et de ce sommet aussi loin du moins qu’on peut le voir d’ici, regardez
attentivement. Nous vous nommerons les lieux que vous verrez. » Ceci nous ravit et nous sortîmes aussitôt. De la porte de
l’église, nous avons vu l’endroit où le Jourdain entre dans la mer Morte, et c’était exactement au pied de l’endroit où nous
nous tenions. Puis, en face de nous, nous vîmes Livias, de ce côté-ci du Jourdain et Jéricho au-delà, car la hauteur sur laquelle
nous nous tenions, devant la porte de l’église, faisait saillie sur la vallée. En fait, de là, vous pouvez voir la plupart de la
Palestine, la Terre Promise et toute la région du Jourdain aussi loin que porte la vue. [...]
Lorsque nous eûmes vu tout ce que nous désirions, nous nous en sommes retournés, au nom de Dieu, à Jérusalem, en
passant par Jéricho et la même route que celle que nous avions empruntée pour venir Quand elle se décide à prendre le
chemin du retour, après trois ans passés en Terre sainte, l’intrépide voyageuse n’interrompt pas encore son pèlerinage. Elle se
rend au tombeau de Job dans le Hauran au sud de la Syrie, et à Antioche d’où elle fait une excursion d’une quinzaine de
jours à Edesse, où se trouvent, selon la tradition le tombeau de l’apôtre Thomas. Et une autre encore à Tarse pour visiter le
sanctuaire de sainte Thècle de Séleucie.Égérie ponctue son récit de remerciements pour ses guides, ses hôtes et aussi pour
Dieu qui lui a permis de réaliser ce voyage "Les voyages ne sont pas difficiles lorsqu’ils accomplissent une grande
espérance."Si le pèlerinage d’Égérie est exceptionnel, car elle a les moyens et le temps nécessaires, il témoigne de la ferveur
de ces premiers pèlerins. Ceux-ci ramènent d’Orient des reliques et des souvenirs qui vont influencer la liturgie et la culture
occidentale tout entière.
Égérie raconte dans son Pèlerinage la découverte assez ancienne (sous un évêque précédent l'évêque contemporain, soit
probablement vers 350) de la tombe de Job, à Carnéas dans la province d'Arabie (correspondant sans doute à Sheikh Sa‘ad
en Syrie actuelle), par un moine dans une grotte. L'unique manuscrit du Pèlerinage est cependant lacunaire à cet endroit, et
la description de l'invention faisait malheureusement partie du passage manquant.
Les pèlerins portaient sur leurs épaules le pain et le sel, et possédaient un gobelet en bois, avec une éponge accouchée à une
ficelle. Ils cheminaient à pied, à dos d’âne ou cde chameau, voir sur des litières. Le voyage était très fatigant et dangereux,
les pèlerins pouvant être accompagnés de soldats (contre les attaques des Sarazins). Il fallait des guides, souvent des moines
et Egérie en a 5. Il existe 2 autres itinéraires depuis Jérusalem en 18-19 jours en passant par le Néguev ou par Eilat et la
Transjordanie.
Il était d’usage d’offrir des fruits comme bénédiction. Egérie en reçoit de jardins cultivés. Egérie a voyagé sans doute après
pacque, mais le voyage peut se faire tout au long de l’année.
Pour aller plus loin :
Égérie, Journal de voyage (Itinéraire) Cerf, 1982, 2002 (et livre de poche)
Lieux saints et pèlerinages d'Orient. Histoire et géographie des origines à la conquête arabe, Cerf, 1985, reed 2011 (et
livre de poche)