Soutenir l`emploi scientifique des jeunes chercheurs dans

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Soutenir l`emploi scientifique des jeunes chercheurs dans
CONFÉDÉRATION DES JEUNES CHERCHEURS
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http://cjc.jeunes-chercheurs.org
Mai 2013
Soutenir l’emploi scientifique des jeunes chercheurs
dans toute la société
Dispositifs de valorisation de l’expérience doctorale et d’accompagnement
de l’emploi scientifique des docteurs
Depuis plus de quinze ans, la Confédération des Jeunes Chercheurs mène un examen permanent des conditions de
travail des jeunes chercheurs afin d’apporter un retour d’expérience sur le doctorat et ses horizons professionnels.
Son réseau mobilise une trentaine d’associations sur tout le territoire français, dans toutes les disciplines scientifiques.
La CJC est représentée au CNESER et intervient auprès de plusieurs conseils et organismes publics et privés. En tant
que membre fondateur de la confédération européenne EURODOC, elle a également participé à la rédaction de la
Charte européenne du chercheur.
L’expertise collective de la CJC se fonde sur ses enquêtes nationales et sur ses travaux de synthèse 1. En partenariat
avec l’Association Nationale des Docteurs (ANDès), elle a organisé une rencontre nationale sur la formation et
l’emploi des jeunes chercheurs en France en février 2012 à l’Institut Pasteur.
Promouvoir le doctorat comme une véritable première expérience
professionnelle de la recherche
La professionnalisation des jeunes chercheurs est un objectif économique et social français 2, mais aussi européen et
international3. Pour atteindre cet objectif, les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche doivent garantir
la reconnaissance du doctorat comme démarche professionnelle, scientifique et intellectuelle.
La professionnalisation du doctorat en France, où les docteurs sont comparativement peu nombreux (Annexe A1), se
heurte actuellement à plusieurs difficultés :
1. La contractualisation des jeunes chercheurs est insuffisante.
Les pratiques de rémunération dans les universités se soldent par des inégalités statutaires et matérielles
fortes et par l’existence de situations d’instabilité professionnelle inacceptables chez les jeunes chercheurs,
et en particulier chez les jeunes chercheurs étrangers.
2. L’emploi des docteurs fait défaut dans les secteurs public et privé.
Un ensemble de mesures doit aider à faire reconnaître le doctorat dans tous les secteurs de recrutement où
les compétences des docteurs sont utiles, qu’il s’agisse du secteur privé comme du secteur public.
Cette note présente ces enjeux et les propositions de la CJC pour améliorer les perspectives d’emploi des
doctorants et docteurs. Elle se termine sur deux annexes de cadrage statistique. Le texte est à jour des résultats des
enquêtes CJC sur la contractualisation des jeunes chercheurs étrangers et français, et renvoie à plusieurs notes et
rapports d’approfondissement sur chacune des thématiques abordées 
1
Voir par exemple le rapport d’évaluation nationale de la Charte des thèses publié par la CJC en 2009 : http://cjc.jeuneschercheurs.org/expertise/chartes-des-theses/evaluation/
2
« La formation doctorale […] constitue une expérience professionnelle de recherche, sanctionnée, après soutenance de thèse,
par la collation du grade de docteur » (arrêté du 7 août 2006 relatif à la formation doctorale).
3
« Tous les chercheurs engagés dans une carrière de recherche devraient être reconnus comme professionnels et être traités
en conséquence. Cette reconnaissance devrait commencer au début de leur carrière, c'est-à-dire au niveau du troisième
cycle » (Charte européenne du chercheur, Commission européenne, 11 mars 2005).
1
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1. Doctorat et emploi universitaire
Le doctorat est une première expérience professionnelle de la recherche, réalisée dans un délai imparti, qui ouvre à
des marchés de l’emploi internationalisés et fortement compétitifs. Les compétences des docteurs témoignent à la
fois de l’excellence pédagogique et scientifique des universités françaises et de leur capacité à diffuser l’innovation et
la culture scientifique dans toute la société, en France et à l’international.
Plus de 62 000 jeunes chercheurs travaillent à la réalisation d’un doctorat, 4 et plusieurs milliers de docteurs
prolongent leurs travaux au moyen de contrats d’enseignement et/ou de recherche temporaires. Cette population
représente aujourd’hui autant de personnels que les chercheurs et enseignants-chercheurs permanents, dont le
recrutement très sélectif n’intervient en moyenne qu’après plusieurs années d’emploi temporaire.
L’activité de recherche des jeunes chercheurs se mesure au fort volume de publications scientifiques qu’ils signent ou
co-signent et à leurs contributions aux autres missions des établissements de recherche, comme l’enseignement et
l’encadrement de travaux étudiants, la diffusion et la valorisation de résultats scientifiques, et la participation active
aux charges administratives dévolues au personnel de recherche et d’enseignement.
L’expérience professionnelle du doctorat est aujourd’hui faiblement valorisée en France, et la situation
des jeunes chercheurs s’est de surcroît dégradée sous l’effet de la crise économique 5. Pour pallier aux
situations de précarité et de faible reconnaissance professionnelle, la CJC demande :




l’accompagnement du recrutement contractuel de tous les chercheurs doctorants ( 1.1)
la responsabilisation des pratiques de ressources humaines des établissements scientifiques ( 1.2)
l’amélioration de l’accueil des jeunes chercheurs étrangers ( 1.3)
la représentation de tous les chercheurs doctorants et docteurs dans les universités ( 1.4)
1.1. Accompagner le recrutement contractuel des chercheurs doctorants
Le recrutement contractuel des jeunes chercheurs est un aspect essentiel de la professionnalisation du doctorat et de
l’attractivité des carrières scientifiques. À ce titre, le contrat doctoral 6 n’est pas seulement une manière de faire valoir
le droit au travail des jeunes chercheurs : ce dispositif permet aussi de valoriser leurs compétences, notamment dans
le secteur privé, et de stabiliser l’emploi des jeunes chercheurs sur un contrat de trois ans à temps plein.
Une vision professionnalisée du doctorat s’appuie sur l’idée d’un projet doctoral, donnant lieu à un financement
contractuel attribué suite à un recrutement par une équipe scientifique qui encadrera le travail de recherche. La
terminologie du contrat doctoral vise ainsi à rompre avec les représentations du « thésard » comme d’un subordonné
prêt à « étudier gratuitement » ou « travailler bénévolement ».
Au-delà d’être un enjeu matériel pour les jeunes chercheurs, le financement sur contrat des recherches doctorales
est un enjeu symbolique pour l’Université française, qui doit promouvoir la qualité et la spécificité de sa formation
doctorale par rapport aux autres formations des écoles de commerce, d’ingénieurs ou de la fonction publique.
La contractualisation des doctorants reste très inachevée, et de très nombreux doctorants ne bénéficient
d’aucune rémunération dans le cadre de leur recherche doctorale (Annexe A1). De plus, les taux de
financement varient nettement d’une discipline à l’autre (Annexe A2), accentuant les inégalités de
budget, d’équipement et d’encadrement entre les établissements.
Cette situation, qui se qualifie par de faibles taux de croissance annuels des effectifs doctorants et
docteurs (Annexe B1), doit évoluer de manière à graduellement généraliser les financements dans toutes
les disciplines où s’effectuent des recherches doctorales 7.
4
Source : DEPP, Repères et références statistiques, 2012.
5
Discours de François Hollande au Biopôle de Nancy, 5 mars 2013 : http://www.genevieve-fioraso.com/wpcontent/uploads/2012/03/Discours-de-Fran%C3%A7ois-Hollande-au-Biop%C3%B4le-de-Nancy.pdf
6
Décret n°2009-464 du 23 avril 2009.
7
« Si l’on veut donner une réelle priorité à l’enseignement supérieur et à la recherche, il faut impérativement augmenter le
contingent des contrats doctoraux, tout en procédant à un rééquilibrage dans les disciplines encore sous dotées. » (rapport de
Jean-Yves Le Déaut, Refonder l’université, dynamiser la recherche, janvier 2013, p. 125).
2
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1.2. Pratiquer une politique de ressources humaines responsable
Plusieurs aspects de l’emploi universitaire non permanent participent actuellement à la détérioration actuelle des
conditions de travail statutaires, matérielles et financières des jeunes chercheurs. Elles s’opposent aussi au
développement de stratégies de ressources humaines dont la France puisse se prévaloir au niveau européen.
Les vacations, initialement conçues comme une exception au droit du travail, sont à présent massivement utilisées
pour compenser la faiblesse du recrutement universitaire. Une estimation fondée sur les données ministérielles de
2009 indique ainsi que chaque établissement emploie en moyenne 787 vacataires, dont un quart au-delà de
96 heures équivalent travaux dirigés 8, en rupture à la fois avec l’esprit et avec le texte de la loi (Annexe B3).
L’utilisation dévoyée des vacations et d’autres inégalités comme l’absence d’équivalence TP/TD9 créent des situations
de précarité chez les jeunes chercheurs, notamment dans les disciplines les moins dotées, et nuit fortement à
l’attractivité des carrières scientifiques—sans même évoquer leur impact sur l’activité pédagogique auprès des étudiants.
De plus, une partie des jeunes chercheurs en France est financée au moyen de « bourses » ou « libéralités » qui
n’ouvrent aucun droit à la protection sociale et qui engendrent des situations contraires au droit du travail, comme le
faisait déjà remarquer la CJC dans un rapport publié en 2004 10. Les jeunes chercheurs étrangers sont les premiers
concernés par ces financements, délivrés notamment par certaines collectivités territoriales ou agences nationales.
Malgré certaines avancées comme la contractualisation des fonds européens « Marie Curie » et la salarisation des
doctorants de plusieurs grandes écoles, certains organismes financeurs publics et privés ont encore recours à ces
financements, alors que cette pratique engage la responsabilité juridique des établissements, comme le rappelait
pourtant très explicitement une circulaire ministérielle publiée en 200611.
Les jeunes chercheurs sont exposés à des dispositifs qui ne leur permettent pas de mener correctement
leurs missions d’enseignement et de recherche. Ce grave problème de précarité des jeunes chercheurs a
fait l’objet de propositions lors des Assises de l’Enseignement supérieur et de la recherche 12 ainsi que
dans le récent rapport parlementaire de Jean-Yves Le Déaut. 13
La CJC demande à ce titre le renforcement des missions de contrôle des ressources humaines dans les
établissements scientifiques, et la publication de leurs bilans sociaux. Ces mesures ont vocation à soutenir
la diminution de tous les financements précaires dans l’enseignement supérieur et la recherche publics.
1.3. Accueillir décemment les jeunes chercheurs étrangers
Les jeunes chercheurs étrangers sont confrontés à de sérieux obstacles administratifs lors de leur séjour en France,
au point qu’un sur cinq ne dispose pas de la carte Vitale. Les enquêtes de la CJC montrent de surcroît que leurs
conditions d’accueil ne se sont pas améliorées depuis 2007 14 : sur cette période, la législation et la réglementation
n’ont pas évolué de manière à fournir un titre de séjour unique et adapté aux doctorants et docteurs étrangers, qui
restent prisonniers d’arrangements complexes, souvent inadaptés à la durée et à la nature de leur séjour en France,
et selon des critères pratiques variant inexplicablement d’un service préfectoral à l’autre (Annexe B2).
Dans un contexte européen et international, l’attractivité du doctorat passe par une amélioration des
conditions d’accueil actuellement réservées aux jeunes chercheurs étrangers en France. La CJC demande
à ce titre un dispositif de suivi qui accompagnerait la mise en adéquation des titres de séjour et des
missions de recherche par la généralisation de la carte de séjour mention « scientifique-chercheur », qui
reste sous-utilisée car méconnue des jeunes chercheurs comme de leurs organismes d’accueil.
8
Source : MESR-DGRH, Étude sur la situation des personnels enseignants non permanents de l’enseignement supérieur, 2009.
9
http://cjc.jeunes-chercheurs.org/expertise/remuneration/equivalence/
10 http://cjc.jeunes-chercheurs.org/expertise/rapport-travail-illegal.pdf
11 http://cjc.jeunes-chercheurs.org/expertise/liberalites/circulaire-20-10-2006.html
12 Propositions n°108-109 du rapport de Vincent Berger au président de la République, décembre 2012.
13 Rapport de Jean-Yves Le Déaut (op. cit., note 6), p. 120-sq.
14 Source : CJC, enquêtes « Jeunes chercheurs étrangers 2007 » et « Jeunes chercheurs étrangers 2011 ».
3
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1.4. Représenter tous les jeunes chercheurs dans les universités
À l’heure actuelle, le statut de « jeune chercheur » ne fait pas l’objet d’une reconnaissance formelle et pérenne dans
les établissements : d’une année sur l’autre, un jeune chercheur peut être considéré comme usager ou enseignant
dans son université, voire, dans un cas de figure injustifiable, n’avoir aucun droit de vote aux élections universitaires15.
Afin d’impliquer tous les doctorants et docteurs dans la vie de leurs établissements, un collège universitaire « jeunes
chercheurs » permettrait de mettre en avant leur contribution au fonctionnement des universités et renforcerait les
liens mutuellement bénéfiques entre doctorants et docteurs, au-delà de la seule formation doctorale16.
La gouvernance démocratique des universités est un enjeu crucial pour les établissements scientifiques.
Un engagement de la puissance publique envers les jeunes chercheurs, annoncé par Vincent Peillon lors
de la campagne électorale de 2012 17, est d’autant plus nécessaire pour faire évoluer les mentalités et
aider à la reconnaissance du doctorat dans l’ensemble de la société. Une représentation unifiée des
jeunes chercheurs au sein même des universités est indispensable à la réalisation de ces objectifs.
2. Emploi des docteurs en société
Environ 12 000 thèses de doctorat sont soutenues en France chaque année. Ce chiffre, inférieur aux inscriptions en
doctorat, est surtout très nettement supérieur aux postes statutaires ouverts dans l’enseignement supérieur et la
recherche. En d’autres termes, si la recherche publique française n’a ni les moyens, ni vocation à recruter l’intégralité
de ses docteurs, il lui est impératif de considérer l’emploi de ses docteurs dans toute la société.
La réalité du faible recrutement scientifique demande encore à être reconnue par des mesures soutenant
l’emploi des docteurs à l’intérieur et au-delà de l’enseignement supérieur et de la recherche publics. La
CJC demande ainsi une meilleure reconnaissance du statut de doctorant et du grade de docteur dans la
loi, notamment dans les statuts des attachés temporaires d’enseignement et de recherche (ATER). 18
Afin de favoriser la mobilité des personnes et des idées entre l’université et les secteurs associatifs et
privés, et pour sortir d’une situation actuelle de sous-emploi des docteurs (Annexe A3), la CJC demande :
 Le renforcement de la formation doctorale (2.1)
 L’ouverture de la fonction publique aux docteurs (2.2)
 La promotion du doctorat dans l’emploi public et privé (2.3)
2.1. Renforcer la formation doctorale
La professionnalisation du doctorat figure parmi les missions des écoles doctorales, qui sont à la fois des instituts de
formation doctorale à l’intérieur des universités et des interfaces privilégiées de mise en rapport des jeunes
chercheurs avec les recruteurs des secteurs associatif et privé. Elles sont un point d’accès aux formations
spécifiques et transversales que les jeunes chercheurs doivent pouvoir suivre au même titre que tout autre personnel
scientifique19. Les moyens des écoles doctorales des universités doivent être rapportés à ces missions.
Néanmoins, les entreprises qui investissent fortement en « Recherche & Développement » sont généralement les
seules à bien connaître les filières universitaires et les dispositifs privilégiant le recrutement des docteurs. Les jeunes
chercheurs eux-mêmes sont inégalement informés des poursuites de carrière que leurs compétences laissent
envisager après un doctorat. Les horizons professionnels des jeunes chercheurs en France sont aujourd’hui très
affectés par cette absence de dispositifs permettant une réelle valorisation de leurs compétences scientifiques.
15 Les docteurs contractuels sans mission d’enseignement sont ainsi exclus de tous les collèges universitaires.
16 http://cjc.jeunes-chercheurs.org/expertise/fiche-representation.pdf
17 http://presidentielles2012.jeunes-chercheurs.org/retours-sur-la-journee/discours-des-candidats#hollande
18 http://cjc.jeunes-chercheurs.org/presentation/position/statut.pdf
http://cjc.jeunes-chercheurs.org/presentation/position/poursuite-carriere.pdf
19 http://cjc.jeunes-chercheurs.org/presentation/position/formations.pdf
4
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L’enjeu de la formation doctorale doit être d’accompagner les doctorants et leurs encadrants pour mener
la mission de recherche qu’ils ont défini ensemble, y compris dans sa dimension professionnalisante 20.
L’accréditation et l’évaluation des formations doctorales doivent permettre de faire émerger les bonnes
pratiques en la matière, afin que le secteur public participe à créer les opportunités de carrière qui
prolongent l’expérience de recherche doctorale.
2.2. Recruter des docteurs dans la fonction publique
En France, les docteurs représentent un vivier de compétences spécifiques et transversales, fortement féminisé et
socialement diversifié. Les conditions d’accès à la fonction publique française ne font pourtant pas mention du
doctorat. En plus de faire obstacle au recrutement des docteurs par l’État, cette situation contredit les engagements
européens de la France en matière d’ouverture de sa fonction publique.
Le recrutement de docteurs dans la fonction publique est une mesure préconisée dans plusieurs rapports
publics21. Elle apparaît aussi dans les engagements présidentiels de François Hollande. Cette mesure
répond à différents besoins exprimés dans la fonction publique et permettra aux docteurs de mettre
leurs compétences au service de l’État, comme tout autre personnel hautement qualifié.
Cette proposition s’appliquerait à toute la fonction publique nationale et territoriale, et serait assortie
d’un délai de mise en œuvre permettant d’en suivre l’évolution. Elle serait d’autant plus efficace qu’elle
aura un effet d’entraînement dans d’autres milieux socioéconomiques.
2.3. Soutenir le doctorat dans l’emploi public et privé
Les dispositifs incitatifs au recrutement de docteurs dans les entreprises sont des supports essentiels à l’innovation,
sur lesquels le secteur privé, et en particulier les petites et moyennes entreprises, doit pouvoir s’appuyer pour
bénéficier des compétences des jeunes chercheurs. En octobre 2010, l’ANDès s’était par ailleurs inquiétée de la
tentative de suppression d’une partie de ce dispositif au sein du Crédit Impôt Recherche22.
La prise en compte du doctorat dans les conventions collectives, votée en loi d’orientation (LOPR 2006) mais
jamais appliquée, est un autre aspect majeur de sa valorisation dans le secteur privé. Ce dialogue est nécessaire pour
rapprocher les jeunes chercheurs du secteur industriel et mettre leurs compétences au service du développement
économique, sur des bases contractuelles adaptées à leurs qualifications.
La CJC demande à ce titre que les volets « ressources humaines » des financements publics et parapublics
par projets puissent servir d’exemple en matière d’emploi des docteurs, en ne finançant que des emplois
pérennes (ou des contrats doctoraux), car l’enchaînement des contrats courts fragilise le déroulement
des carrières des jeunes chercheurs et sont très mal perçus par les milieux extra-académiques.
La CJC préconise à ce même titre que le recrutement sur un poste universitaire permanent soit effectué
au maximum dans les six années après le début du doctorat, position partagée par l’ensemble de la
communauté scientifique lors des États Généraux de la Recherche 23. Ces propositions finales invitent à
rompre avec toutes les politiques de sous-emploi scientifique et de sous-recrutement universitaire.
***
Le 11 juillet 2012, lors de la mise en place des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, Françoise
Barré-Sinoussi dédiait le travail de son comité de pilotage aux jeunes chercheurs, en évoquant l’avenir et l’attractivité
du paysage scientifique français. La CJC se mobilise pour offrir de meilleures perspectives d’emploi et de carrière aux
doctorants et docteurs qui travaillent en France, et appelle à un véritable effort de l’action publique dans cette voie 
20 http://cjc.jeunes-chercheurs.org/presentation/position/encadrement.pdf
21 Voir par exemple le rapport co-signé en 2008 par la CJC, l’ANDès et SLR-Jeunes Chercheurs :
http://www.andes.asso.fr/download/rapport_hfp2008.pdf
22 http://www.andes.asso.fr/download/lettre_deputes_CIR_19102010.pdf
23 http://cip-etats-generaux.apinc.org/IMG/pdf/synthese-finale-EG.pdf
5
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Annexe A : repères statistiques
A1.
A2.
A3.
Profil européen du doctorat
Financement du doctorat et durée de la thèse
Emploi des docteurs
A1. Profil européen du doctorat
La France est le troisième employeur scientifique européen après l’Allemagne et le Royaume-Uni. En 2012, elle
compte plus de 62 000 doctorants, dont environ 42% de femmes et 41% de ressortissants étrangers, mais
seulement 24% de doctorants rémunérés pour leur recherche 24. Dans ce contexte, même si le nombre de doctorats
délivrés a augmenté de 28% en moyenne sur la période 2002-2007, le recrutement annuel en doctorat ne croît
pas en valeur relative (Graphique B1), et la progression du doctorat dans la population âgée de 25 à 34
ans est plus lente en France que dans les pays européens comparables (Tableau A1).
Tableau A1. Doctorats délivrés en Allemagne, en France et au Royaume-Uni 25
Doctorats délivrés
2007
Docteurs parmi les 25-34 ans (‰)
Évolution
Évolution
2007/2002 (%) 1999/2004 (%)
2007
Évolution
Évolution
2007/2002 (%) 1999/2004 (%)
Allemagne
24 439
3
–6
2,52
18
16
France
10 650
2
–8
1,30
6
–4
Royaume-Uni
17 545
23
35
2,22
30
49
A2. Financement du doctorat et durée de la thèse
Sur les vingt dernières années, les chiffrages officiels établissent une durée de thèse moyenne légèrement supérieure
à trois ans pour les sciences de la matière et de la vie et approchant cinq ans en sciences humaines et sociales. « Sans
grande surprise », remarquaient les auteurs d’une estimation ministérielle sur les années 1990-2000, « la probabilité
de conduire un doctorat jusqu’à son terme et dans des délais raisonnables dépend de l’accès à un financement » 26.
L’effet des conditions de financement sur la durée de la thèse n’a pas fait l’objet d’un suivi longitudinal, mais plusieurs
enquêtes récentes ont étudié les conditions de travail des jeunes chercheurs, et en particulier l’étendue des inégalités
disciplinaires. Le rapport comparatif européen publié en 2012 par la confédération EURODOC confirme ainsi un
défaut de financement en « Lettres/SHS » et un déséquilibre presque toujours défavorable aux femmes 27,
qui sont en France majoritaires dans les cursus L-M mais minoritaires au niveau doctoral.
Outre l’effet du financement à proprement parler, le poids de l’enseignement dans les parcours doctoraux semble
aussi avoir un effet crucial sur la durées de thèses ; en effet, 52% de doctorants en lettres ou sciences humaines et
sociales exercent une activité salariée, généralement dans l’enseignement, et seulement 9% des doctorants
« L/SHS » déclarent un financement doctoral qui ne soit pas directement lié à un contrat d’enseignement
universitaire à mi-temps, à temps plein ou en vacations (Tableau A2).
24 Source : DEPP, Repères et références statistiques, 2012.
25 Source : OST, Indicateurs de science et de technologie, 2006 et 2010.
26 Source: MEN-DPD, « Les études doctorales. Évolution de 1991 à 2000 », note n°02-44, 2001.
27 http://www.eurodoc.net/workgroups/surveys/
6
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Tableau A2. Financement du doctorat en France (2006) 28
Non financés
(%)
Salariés horsuniversité (%)
Financés
(%)
total, dont ATER
et vacations
allocataires
uniquement
Ensemble
12
31
56
33
Lettres et SHS
18
52
30
9
Droit et économie
17
34
49
20
Sciences
5
9
86
61
A3. Emploi des docteurs
Différentes enquêtes indiquent que l’emploi des docteurs s’effectue à part approximativement égale entre l’emploi
public et privé, avec un salaire net médian proche de 2 000 euros. Au cours des années récentes, leur accès à un
emploi à durée indéterminée s’est détérioré, notamment en l’absence d’un financement au cours du doctorat 29. De
plus, les docteurs s’orientent de plus en plus fréquemment vers des emplois hors-recherche dans le secteur privé, et
la proportion de docteurs recrutés sur des emplois de cadres a chuté d’environ 11% entre 2007 et 201030.
De nombreuses sources font état d’une « exception française » en matière d’emploi, ou plutôt de non-emploi, des
docteurs31. Le taux de chômage des docteurs trois ans après la thèse, actuellement stable autour de 10%
en France, est effectivement exceptionnellement élevé par rapport aux autres taux observables dans la
« zone OCDE », et reflète de très fortes disparités disciplinaires (Tableau A3).
Tableau A3. Emploi des docteurs en France 32
Taux de chômage
Emploi en CDD
2007 (%)
Évolution 2007/2001
2007 (%)
Évolution 2007/2001
Ensemble
10
5
27
9
Lettres et SHS
11
–9
29
0
Droit et économie
8
3
20
12
Sciences de la vie
10
3
45
13
Chimie
16
6
4
0
Math. et physique
9
4
23
9
28 Source : OVE, « Les doctorants. Profils et conditions d’études », OVE Infos n°24, 2010. Le taux de rémunération par enquête
en 2006 est supérieur de 9 points à celui des effectifs officiels publiés en 2012.
29 Source : CEREQ, « Des docteurs en mal de stabilisation », Bref n°277, 2010.
30 Source : CEREQ, « Le diplôme : un atout gagnant pour les jeunes face à la crise », Bref n°283, 2011.
31 Source : CAS, « Les difficultés d’insertion professionnelle des docteurs », note n°189, 2010.
32 Source : CEREQ, enquêtes « Générations » publiées entre 2004 et 2010.
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Annexe B : repères graphiques
B1.
B2.
B3.
Taux de croissance annuel des effectifs doctorants et docteurs
Disparités préfectorales dans l’accès aux titres de séjour des doctorants étrangers
Vacataires en service et en sur-service (> 96h ETD)
Graphique B1. Taux de croissance annuel des
effectifs doctorants et docteurs33
Graphique B2. Disparités préfectorales dans
l’accès aux titres de séjour des doctorants étrangers34
33 Source : DEPP, Repères et références statistiques, 2012, tableaux 6.4.2 et 8.18.1.
34 Source : CJC, « Les jeunes chercheurs étrangers en France. Résultats de l’enquête 2010 », 2012, section VII.3.
8
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Graphique B3. Vacataires en service et en sur-service (> 96h ETD)35
Note cartographique : les cercles gris indiquent le nombre total de vacataires et les cercles rouges indiquent les
effectifs au-dessus de 96 heures équivalent TD (travaux dirigés). Certains établissements sont géographiquement
proches et produisent des cercles superposés de teinte plus foncée.
À titre indicatif, les effectifs totaux sont estimés à plus de 113 000 vacataires, dont 23 % d’entre eux (26 500) en surservice avec plus de 96h ETD. Les académies employant plus de personnels vacataires au-delà de 96h ETD que la
moyenne nationale incluent notamment Paris (33%) et Lyon (47%).
Note méthodologique : les données manquantes pour 38% des établissements ont été obtenues à partir de 1 000
simulations prenant en compte leurs effectifs totaux d’enseignants titulaires et enseignants-chercheurs assimilés et
leur rapport aux autres personnels non permanents dans chaque établissement.
Cette méthode d’estimation indique qu’environ 42% des personnels vacataires n’apparaissent pas dans les données
d’enquête ministérielles de la DGRH A1-1, avec un fort effet de sélection : environ 63% des vacataires en sur-service
n’ont pas été déclarés par les établissements, contre 35% des vacataires en-dessous de 96h ETD.
35 Source : MESR-DGRH, Étude sur la situation des personnels enseignants non permanents de l’enseignement supérieur, 2009,
tableaux 2 et 17.
9