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L e s f i c h e s d e j u r i s p r u d e n c e d ’ e J u r i s . b e : Im m o b i l i e r – F i s c a l i t é – U r b a n i s m e - C o p r o p r i é t é – C o n s t r u c t i o n Droit de la vente d’immeuble Condition suspensive – Nullité – Pacte sur succession futur n° 127 Tribunal civil de Liège (3ème ch.), Jugement du 13 janvier 2003 Les fiches de Jurisprudence de www.eJuris.be Siég.: M. Ph. Glaude. Plaid. : M" B. Lespire, H. Deckers et X. Fossoul. Dans un contrat de vente, l’accord du propriétaire du bien vendu ne peut être l’objet d’une condition suspensive. La convention par laquelle la fille du propriétaire s’engage personnellement à vendre l’immeuble de celui-ci pour le cas où il viendrait à décéder est un pacte sur succession future que ne peut sortir aucun effet. Le contractant qui participe sciemment à la formation d’une convention douteuse ne peut réclamer des dommages et intérêts en raison de l’annulation de cette convention (JLMB 2004, p. 699). Jugement du 13 janvier 2003 Le Tribunal, (…) Les faits et l'objet de la cause La S.P.R.L. S. exploite depuis plusieurs années un commerce situé ... n° 26. La maman de madame W. était propriétaire des immeubles situés aux n° 22 et 24. La S.P.R.L. 10u'}Jt une partie de ces immeubles. Le 6 juillet 1994, madame W., «agissant tant en son nom propre qu'au nom de sa mère», a vendu les immeubles de sa manman à la S.P.R.L. S. pour le prix de 5.500.000 francs. La vente était soumise aux conditions suspensives suivantes : «I. Cette convention est conclue sous la condition suspensive de la nomination d'un administrateur pour la gestion des biens de madame D., veuve W., ainsi que de l'autorisation de la vente par les autorités compétentes. »II. Cette convention est également conclue sous la condition suspensive de l'obtention par l'acheteur d'un prêt hypothécaire dans le mois de la réalisation de la condition précédente. »III. Cette convention est indissociable du contrat de bail ci-annexé, bien connu des parties et dont la signature aura lieu au plus tard au jour de la passation de l'acte authentique. Ce contrat est également une condition essentielle de la présente convention ... ». 2. La maman de madame W. est décédée le 26 juillet 1998 sans que le contrat conclu le 6 juillet 1994 ait été exécuté. Entre le 6 juillet 1994 et la date du décès de madame D. ; a. le 9 novembre 1994, le docteur Stéphany a établi un certificat médical relatif à l'état de santé de la maman de madame W. : « démence sénile avec syndrome de ???, amnésie des événements récents Le soussigné est d'avis que cette personne n'est plus en état de gérer ses biens ... définitivement ... totalement ... »; b. le 14 juin 1995, madame W. a signé une convention de bail commercial avec la S.P.R.L. S. relative au rezde-chaussée du n° 24 et au garage du nO 22; c. le 10 juillet 1995, la S.P.R.L. S. a soumis à madame W. un nouveau projet de bail commercial. Le courrier d'accompagnement de ce projet comporte la suggestion d'imputer les loyers payés par la S.P.R.L. sur le prix d'achat des immeubles; (…) 4. La S.P.R.L. S. demande : a. à titre principal, la condamnation de madame W. à passer l'acte authentique de la vente des immeubles situés ... n° 22 et 24; b. à titre subsidiaire, la condamnation de madame W. à des dommages et intérêts d'un montant de 62.000 euros et au remboursement de l'acompte de 1.239,47 euros versés en 1994. La S.P.R.L. Du.-B. est intervenue volontairement en qualité d'acquéreur potentiel des immeubles. La défenderesse et l'intervenante volontaire demandent au tribunal de prononcer la nullité de l'acte du 6 juillet 1994. Arguments des parties 1. La défenderesse et l'intervenante volontaire avancent les arguments suivants : a. la première condition suspensive portait sur le consentement de la maman de madame W., c'est-à-dire sur un élément essentiel du contrat et non sur un élément externe à l'obligation. Elle est donc nulle ainsi que la vente elle-même à défaut de consentement de la venderesse; L e s f i c h e s d e j u r i s p r u d e n c e d ’ e J u r i s . b e : Im m o b i l i e r – F i s c a l i t é – U r b a n i s m e - C o p r o p r i é t é – C o n s t r u c t i o n Droit de la vente d’immeuble Les fiches de Jurisprudence de www.eJuris.be Condition suspensive – Nullité – Pacte sur succession futur n° 127 b. madame W. n'était pas propriétaire des immeubles et ne pouvait les vendre. En outre, son engagement personnel portait sur des biens à venir. Elle a donc formé un pacte sur succession future, pacte qui est nul d'ordre public; c. la première condition suspensive est devenue irréalisable en raison du décès de la maman de madame W. (on devrait dire la même chose de la troisième condition, considérée comme essentielle). Elle est censée «défaillie» (article 1176 du code civil). La convention ne peut donc sortir ses effets. La S.P.R.L. S. s'est, par ailleurs, abstenue de mettre la première condition suspensive en œuvre, ce qu'elle pouvait faire comme toute personne intéressée. Son comportement démontre qu'elle avait conscience de ce que les conditions suspensives n'étaient pas réalisables et qu'elle n'entendait pas mettre en œuvre la convention de vente; d. le S. abuse de son droit en recherchant l'exécution de la convention de 1994 Le prix convenu en 1994 est, en effet, largement inférieur au prix actuel. L'offre de la S.P.R.L. DU.-B. est de 8.000.000 francs. 2. La demanderesse soutient que: a. Madame W. était le mandataire, à tout le moins le mandataire apparent, de sa maman. C'est sous cette qualité qu'elle a signé la convention litigieuse. Madame D. n'était pas juridiquement incapable au moment de la signature de l'acte litigieux. Elle a valablement été engagée par son mandataire. Madame W. est assignée en sa qualité d'héritière des obligations que sa maman a valablement contractées en 1994. La première condition suspensive ne portait pas sur le consentement de la maman, d'ores et déjà donné par son mandataire, mais sur une autorisation à donner par le juge de paix dans le cadre d'une mise sous administration provisoire. En toutes hypothèses, si la première condition suspensive est nulle, cette nullité ne porterait que sur la condition et non sur tout le contrat; b. madame W. n'a pas exécuté la première condition suspensive. L'article 1178 du code civil énonce que la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur qui s'est obligé sous cette condition qui en a empêché l'accomplissement. C'est le cas en l'espèce puisque la défenderesse avait le certificat médical ad hoc et ne l'a jamais utilisé. La première condition suspensive est donc réputée accomplie. Les autres conditions suspensives ne posaient aucune difficulté d'exécution; c. il n'y a pas abus de droit à l'égard d'une débitrice qui n'a pas exécuté ses obligations en temps utile et s'efforce encore par tous les moyens d'éviter l'exécution de ses obligations. On ne peut comparer le prix fixé de Commun accord en 1997 au prix actuel. A titre subsidiaire/le tribunal condamnera madame W. à des dommages et intérêts (culpa in contrahendo). Motivation 1. C'est à juste titre que la défenderesse et l'intervenante volontaire soulignent que la première condition suspensive porte sur un élément essentiel du contrat, l'accord de la propriétaire du bien vendu. Les termes de cette condition sont, en effet, très clairs. La vente de l'immeuble est soumise' à la désignation d'un administrateur provisoire des biens de la venderesse et à l'accord du juge de paix, ce qui implique nécessairement que la venderesse n'était pas en état de consentir valablement et qu'elle n'était pas valablement représentée par sa fille. L'inexécution fautive de la condition suspensive par la défenderesse ne pourrait évidemment remédier à ce vice en faisant réputer la condition accomplie. La condition irrégulière ne peut, en effet, revivre parce qu'elle n'a pas été exécutée. Les acheteurs étaient parfaitement conscients de cette situation. il n'y avait donc ni mandat ni mandat apparent. 2. La défenderesse s'est également engagée en son nom propre. La défenderesse et l'intervenante volontaire soutiennent que, ce faisant, elle a formé un pacte sur succession future. Le pacte sur succession future est un contrat par lequel des droits purement éventuels sont attribués, modifiés ou cédés sur une succession non ouverte..,.ou sur une partie de cette succession. La succession ou une partie de la succession forment l'objet du contrat. Les parties contractent pour après la mort d'autrui. Elles spéculent sur une succession future. Il faut distinguer entre la convention qui doit s'exécuter du vivant d'autrui, qui est la vente de la chose d'autrui, et la convention qui ne doit s'exécuter qu'après le décès d'autrui, qui est un pacte sur succession future. Les deux conventions sont nulles mais, dans le premier cas, il ne s'agit que d'une nullité relative. L e s f i c h e s d e j u r i s p r u d e n c e d ’ e J u r i s . b e : Im m o b i l i e r – F i s c a l i t é – U r b a n i s m e - C o p r o p r i é t é – C o n s t r u c t i o n Droit de la vente d’immeuble Les fiches de Jurisprudence de www.eJuris.be Condition suspensive – Nullité – Pacte sur succession futur n° 127 Il est manifeste qu'en s'engageant personnellement, la défenderesse s'engageait pour le cas où sa maman viendrait à mourir avant que le contrat litigieux puisse être exécuté. Elle s'engageait donc bien à vendre le bien qui se trouverait alors dans la succession. Le contrat du 15 juillet 1994 était un pacte sur succession future. Il est nul. 3. La S.P.R.L. S. réclame des dommages et intérêts. Il est incontestable que la défenderesse a commis une faute en formant le contrat du 6 juillet 1994. Le tribunal ne peut, cependant, pas accorder une réparation à la demanderesse. Celle-ci a, en effet, participé à la faute. Elle était sans aucun doute consciente des difficultés relatives au consentement de la propriétaire des immeubles achetés. Elle a sciemment formé une convention douteuse; la simple lecture de la première condition suspensive et de sa lettre du 10 juin 1994 démontrent qu'elle ne pouvait l'ignorer. Elle ne peut donc se plaindre de la nullité de cette convention et des dommages que cette nullité lui cause ou lui causera. ; Elle a bien sûr droit au remboursement de l'acompte qu'elle a versé en 1994. Décision (…) Déclare nul et de nul effet le contrat formé le 6 juillet 1994 entre la S.P.R.L. S. et madame M.-Th. W., agissant tant en son nom propre qu'au nom de sa mère, madame D., veuve W., relatif aux immeubles situés ... n° 22 et 24. Condamne madame M.-Th. W. à restituer à la S.P.R.L. S. la somme de 1.239,47 euros. Déboute la demanderesse au principal pour le surplus de sa demande ... N.B. : cette décision n'est pas définitive