RACINES244 - juin 2013
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RACINES244 - juin 2013
RACINES. Vivre entre Sèvre et Loire La salle du Trianon à La Châtaigneraie construite en 1942. t s e a m é in c le e u q i s in a C’est s e n g a p m a c s o n s n a d é arriv Daniel Taillé a écrit un livre très documenté sur les salles de cinéma et de projection dans le sud de la Vendée(1). ll retrace cette épopée qui s’est écoulée tout au long du XXe siècle. à Maillezais, pour tenter Comment sont nés les de fidéliser une clientèle. premiers cinémas en Sur la côte, on voit poinVendée ? dre un phénomène saiL’ouverture des premières sonnier. vraies salles avec des proÀ Damvix, Nalliers ou grammes réguliers de PathéLe Poiré-sur-Velluire, les Frères débu t e ver s prêtres créent leur salle 1908-1909 à La Rocheparoissiale, avec la biens u r-Yo n , a u x Sa b les Daniel Taillé. veillance de Pathé rural, d’Olonne ou à Fontenay-le qui leur fournit le matériel et des Comte. La guerre de 1914 interrompt provisoirement cet essor. Le dévelop- programmes complets leur garanpement de ces salles se poursuit dans tissant une certaine moralité. Les les années 1920-1930. Dans les films étaient alors soumis à la cenvilles se créent alors de nouveaux sure avant d’être projetés, car ils temples dédiés au cinéma. On en s’adressaient à un public familial ! dénombrait officiellement quatorze Dans les années 1940, les films n’étaient pas expurgés par le disen 1925 en Vendée. Dans les campagnes, des tour- tributeur : la censure dépendait neurs s’installent régulièrement alors du bon vouloir de chaque prêtre cinéphile (pour les scènes qu’il dans les cafés ou dans les salles des fêtes, comme à Chantonnay ou jugeait immorales). Quel sera l’âge d’or des salles de cinéma ? L’après-guerre, à partir de 1945 et jusqu’aux années 1960, marquera ce développement. Si certaines villes possèdent une ou plusieurs salles, il n’y a pas un village sans son cinéma. Cela est dû au développement offensif de l’Office familial du Sud-Ouest (Ofso), un circuit de salles familiales dirigé pendant quarante ans par le Yonnais Antoine Voyer. En 1957, l’Ofso comptait 34 points de projection et 46 dix ans plus tard. Malheureusement et malgré de nouvelles techniques comme les écrans cinémascopes, la situation s’est très vite inversée. Diverses causes l’expliquent : les nouvelles générations, plus tentées par des déplacements dominicaux avec leurs automobiles ; le vieillissement du public qui hésite à sortir le soir ; l’arrivée de La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine RACINES 44 juin 2013 (Fonds Carteau - Daniel Taillé) RACINES244 - juin 2013 22/05/13 17:55 Page44 RACINES. Vivre entre Sèvre et Loire la télévision (plus de 20 000 postes supplémentaires entre 1967 et 1970). Enfin la vétusté des salles a aussi affaibli la fréquentation. Quid de la situation au jourd’hui et particulièrement dans le Sud-Vendée, objet de votre ouvrage ? Aujourd’hui, on compte beaucoup moins de salles que dans les années 1950, c’est vrai. Tous ces éléments ont entraîné une baisse très importante de la fréquentation au cours des années 70-80. Certaines, privées n’ont pas pu poursuivre leur activité, notamment à Fontenay-le-Comte. Quelques rares salles familiales ont été transformées en salles associatives, par exemple Le Tigre (à Sainte-Hermine). Sur la côte, à La Tranche-sur-Mer ou à La Faute-sur-Mer, on a mieux résisté après avoir multiplié le nombre des séances estivales. Mais c’en est désormais fini de la salle à film unique en ville et du cinéma en milieu rural. Le premier complexe cinématographique du SudVendée, l’Espace, a été créé dès 1986 à Luçon. Il comptait trois salles. Son créateur, Serge Rallet, va ensuite aider la ville de Fontenay-le-Comte à ouvrir le Renaissance (trois salles également), en 1992. Dans nos campagnes, à partir de 1986, Familles Rurales crée le circuit Balad’images dans la droite ligne de ce que faisaient autrefois les tourneurs. Mais cette formule ne pourra prospérer qu’avec un équipement adapté aux films numériques. Comment vous est venue l’idée d’écrire ce livre ? Après mon premier livre sur l’histoire du cinéma en Deux-Sèvres (sorti en 2000), dans lequel j’avais écrit un texte sur Ernest Carteau, créateur de salles (lire ci-dessous), son épouse a souhaité me rencontrer. Elle voulait me transmettre les archives de son mari : de nombreux documents administratifs (livre de comptes…) mais aussi des programmes, des photos concernant les cinémas de Fontenay-le-Comte et La Châtaigneraie. En triant ces archives, j’ai vu qu’il y avait là matière à écrire un livre. Par ailleurs, de mon côté, je possédais déjà des archives personnelles intéressantes cartes postales des cinémas de Vendée, photos de la mise en place des décors de Vent de Galerne en 1993 à Foussais-Payré ou de l’avant-première du film de Rohmer, L’arbre, le maire et la médiathèque, au cinéma Le Tigre à Sainte-Hermine. Il ne me restait plus Balade cinéphile Samedi 8 juin, le service Patrimoine de Fontenay-le-Comte propose une balade à deux voix dans le centre ville “à la recherche des cinémas à Fontenay”. Daniel Taillé et Marie-Gabrielle Giroire du service Patrimoine de la Mairie guideront les cinéphiles ou amoureux d’architecture du Sud-Vendée à travers la ville d’art, avec une étape au Cinéma Renaissance pour une présentation et la projection d’un court-métrage. À 15 h, au musée, place du 137e RI. La visite s’achèvera par un arrêt au café l’Entracte, 22 rue de la République, où l’auteur dédicacera son livre. Tarif : 4 € ; réduit : 2,50 €. Gratuit moins de 12 ans. Renseignements au 02 51 53 40 04. qu’à compléter. J’ai rencontré quelques témoins de cette époque, notamment Antoine Voyer. J’ai aussi consulté les archives de l’évêché de Luçon – les prêtres et l’église ont toujours eu un intérêt pour le cinéma – et enfin la presse vendéenne du siècle dernier. Propos recueillis par Yvelise Richard (1) La Folle histoire du cinéma en Sud-Vendée de 1897 à 2012. Lire en p. 46. Ernest Carteau, créateur des Ciné-Palace N é à Saint-Hilaire-deVoust en 1885, Ernest Carteau quitte la Vendée au début du XX e siècle pour s’installer à Bressuire où son frère aîné lui enseigne les rouages du négoce au sein de la vinaigrerie qu’il vient de fonder. En 1913, flairant avec le cinématographe une nouvelle activité commerciale appelée à une réelle expansion, il retourne sur sa terre natale et se lance dans le nouveau métier d’exploitant de cinéma ambulant. Avec son Universel Cinéma, il s’installe au théâtre puis au Café du Pont-Neuf de Fontenay-le-Comte, dans la salle des fêtes municipale de Luçon tout en parcourant la campagne avec son projecteur, de Saint-Michel-leCloucq au Langon, en passant par Vix ou Saint-Hilaire-des-Loges. Réformé en 1914, il en profite pour (Fonds Carteau - Daniel Taillé) (Fonds Carteau - Daniel Taillé) RACINES244 - juin 2013 22/05/13 17:55 Page45 ouvrir à l’automne 1916, à Fontenay-le-Comte, le Pathé-Palace, la première salle fixe de cinéma en sud Vendée. Dans la foulée de cette réussite, il crée les Ciné-Palace de Thouars (1917), Cholet (1919) et Luçon (1920), et plus tard l’Eden de Fontenay-le-Comte (1937) puis le Trianon de La Châtaigneraie (1942). Tout au long de sa carrière d’exploitant de cinéma qui s’achèvera en 1969, il fera preuve de nombreuses initiatives tant sur le plan technique (il sera le premier à installer le “100 % parlant et sonore” à Fontenay en août 1931 puis le Cinémascope en juillet 1955), que sur le plan “culturel” pour plaire à son public. Bien entendu, il signe des contrats avec les plus grands distributeurs de films, ce qui lui permettra, en 1919, d’inviter un opérateur du Pathé-Journal à filmer les Fêtes du Fanion du 137e RI de Fontenay. Il obtient en 1922 l’exclusivité du film religieux Christus qu’il sous-loue aux salles paroissiales de plusieurs départements. Il passe un accord, la même année, avec la chocolaterie Poulain pour faire bénéficier ses fidèles clients de tarifs réduits ou organise des conférences et s’associe avec plusieurs associations (cinéclub, la Lyre) pour présenter d’autres films. Son éthique du spectacle le poussait à réclamer un certain “métrage” de films pour ne pas décevoir le public qui devait de son côté respecter certaines consignes de bonne tenue. Ernest Carteau, qui fréquentait chaque année (depuis 1960) le Festival de Cannes, s’éteindra à Bressuire en 1976. D. T. La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine RACINES 45 juin 2013 RACINES244 - juin 2013 22/05/13 17:55 Page46 RACINES. Vivre entre Sèvre et Loire Le cinoche du dimanche en technicolor “L (Fonds Carteau - Daniel Taillé) es Alliés ont donc débarqué. Le cauchemar arrive à sa fin. Les Allemands abandonnent lâchement Fontenay-leComte dans la nuit du 1er au 2 septembre 1944. Le 17, dans la joie, tous les Fontenaisiens descendent dans les rues de leur ville pavoisée aux trois couleurs et officiellement libérée. Mais c’est seulement le vendredi 6 octobre que le tout nouveau quotidien vendéen Ouest-France annonce à ses lecteurs la bonne nouvelle : “Fermés depuis les dernières semaines de l’Occupation, les cinémas fontenaisiens rouvrent L’Éden, à Fontenay-le-Comte en 1945. leurs portes aujourd’hui. Le Palace donnera Abus de confiance, et aux différents plaisirs simples. Désormais, le Palace travaillera les l’Eden La petite marquise. Les actuavendredis, samedis et dimanches, tanlités américaines projetées à chaque séance ne seront pas le moindre attrait dis que l’Eden ouvrira les jeudis, samedis et dimanches, avec un total de cette “reprise” tant attendue de de huit à dix séances hebdomadaires, notre jeunesse…” Et des autres !.. plus celles des veilles et jours fériés. Mais faute de nouveautés – la pluQuant au Trianon de La Châtaignepart des films récents sont restés dans les blockhaus parisiens – Ernest Car- raie (qui avait rouvert ses portes une teau ne peut que projeter un film sur semaine après Fontenay avec une nouvelle installation 35 m/m), il sera deux sortis depuis moins de deux ans (Les Roquevillard ou Les Mystères de programmé les samedis et dimanches, Paris) ; le second (Mister Flow ou For- et exceptionnellement le vendredi en faiture) sera puisé par les distributeurs soirée, suivant l’importance du film. […] La dureté des temps contraint dans les catalogues antérieurs à 1939. aussi certains Fontenaisiens et ChâLes 24 et 25 octobre, alors que le théâtre municipal donne La Revue de taigneraisiens à procéder à des coupes sombres dans leur budget loila Libération, les deux cinémas affisirs. Leur vie quotidienne est rythmée chent conjointement le court film tant attendu sur la Libération de Paris, par les grèves des bouchers, la course commenté par Pierre Blanchar, et aux tickets de rationnement ou aux “dont les images évoquant le courage bons d’essence (exemple : le 19 août des gens de la capitale” vont attirer 1949, Ernest Carteau touchera 60 “une foule énorme accourue à plu- litres d’essence pour alimenter ses sieurs lieues à la ronde” ; puis, ô sur- groupes convertisseurs). [… ] À Paris, prise, des films comme Trois de les cinémas font souvent le plein dans Saint-Cyr, Gibraltar, Le Révolté ou le n’importe quels quartiers, et bien plus fameux Deuxième bureau contre Kom- fortune que les théâtres. Mais que vermandantur, longtemps interdits, res- ront les Fontenaisiens et Châtaignesortent après que l’on ait retrouvé des raisiens sur leurs écrans ? En 1945, copies que certains s’étaient employés encore beaucoup de reprises avec Tramel, Bach, Meg Lemonnier, Fernanà protéger. Un souffle de liberté retroudel ou Elvire Popesco ; et quelques vée semble faire renaître la course films tournés pendant la guerre comme L’Homme de Londres (encore un Simenon), Vautrin (avec Michel Simon), Les Petites du quai aux fleurs (où l’on remarque un tout jeune débutant nommé Gérard Philipe) ou Le Bossu (avec Pierre Blanchar dans le rôle de Lagardère). Il faut attendre la fin de l’année pour découvrir un premier film américain. Ce sera Le Dictateur, dans lequel le génial Chaplin ridiculise Hitler. En 1946 et 1947, d’autres films anglo-américains, tels Les Quatre Plumes blanches, La Chevauchée fantastique ou Les Hauts de Hurlevent voisinent avec succès aux côtés des premiers scénarios français bâtis autour de la Résistance, comme Les Démons de l’aube (réalisé par Yves Allégret à la gloire des commandos), ou Le Père tranquille (avec Noël-Noël) dont certains extérieurs avaient été filmés aux Sables-d’Olonne. La reprise de La Terre qui meurt (version parlante de Jean Vallée), autre film tourné en 1936 non loin de là, à Challans ; Le Signe de Zorro, l’aventurier vengeur ; La Symphonie pastorale qui vient d’obtenir un Grand Prix au récent Festival de Cannes, ou Étoile sans lumière interprété par le couple chanteur Édith Piaf-Yves Montand, sont autant de nouveautés qui encouragent la fréquentation en hausse des salles fontenaisiennes.” Extrait de La folle histoire du cinéma en Sud-Vendée de 1897 à 2012. Pour aller plus loin : Richement illustré, l’ouvrage de Daniel Taillé, La folle histoire du cinéma en Sud-Vendée de 1897 à 2012 rappellera de sacrés bons souvenirs à ceux qui avaient entre 12 et 18 ans dans les années 1960. 265 pages. 36 € (édité à compte d’auteur). En vente à la Cinémathèque des Deux-Sèvres, 5 rue des Tilleuls, 79000 Niort. La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine RACINES 46 juin 2013