Raison et sentiments aux sources du libéralisme
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Raison et sentiments aux sources du libéralisme
LES LIVRES ET LES IDÉES Economic Sentiments.Adam Smith, Condorcet and the Enlightenment Par Emma Rothschild Raison et sentiments aux sources du libéralisme PHILIPPE RAYNAUD * Adam Smith a-t-il été abusivement détourné par les économistes conservateurs ? Chez lui comme chez Condorcet,autre père fondateur de la pensée libérale, la subtilité de la réflexion sur l’« ordre de marché » et les devoirs de l’Etat, sur la liberté et le droit au bien-être, sur l’importance respective à accorder à la raison et aux « sentiments moraux », interdit les classements sommaires. C’est ce que montre Emma Rothschild, pour qui l’auteur de La Richesse des Nations défendait des idées très proches de celles du philosophe français et de Turgot. uelles que soient les évolutions de la société française vers l’acceptation de l’« économie de marché », les grands théoriciens du libéralisme économique restent chez nous méconnus, et souvent suspects d’être des esprits froids et peu généreux, même si l’on reconnaît une cer- Q taine pertinence à leurs thèses économiques. Le premier intérêt du beau livre d’Emma Rothschild1 est de nous inviter à réfléchir sur la diversité du premier libéralisme. Son analyse approfondie de l’œuvre d’Adam Smith nous fait découvrir, sous le théoricien du marché, un penseur de l’émanci- pation, proche à bien des égards de Condorcet (dont la femme Sophie de Grouchy devait du reste traduire la Théorie des sentiments moraux).Arrivé au terme du livre, le lecteur aura constaté la générosité méconnue de l’économiste écossais, tout en découvrant dans le philosophe français un penseur beaucoup plus prudent et nuancé que ne le suggère l’image classique du doctrinaire égaré dans la politique. Emma Rothschild nous convie ainsi à une réévaluation profonde de l’héritage des Lumières, dont elle veut nous montrer qu’il peut encore servir de référence dans nos discussions politiques. Cependant, si elle se veut sans doute « libérale », elle est pour finir un peu mélancolique devant le devenir d’un « système de la liberté économique », qui est fondé sur l’égalité de tous les individus, mais qui tend aussi à subvertir l’égalité (p. 251). Et cette interrogation n’est pas sans conséquences pour notre appréciation des Lumières. 1 Emma Rothschild, Economic Sentiments. Adam Smith, Condorcet and the Enlightenment, Cambridge (Mass.) et Londres, Harvard University Press, 2001, 354 pages. Sociétal N° 35 1er trimestre 2002 * Professeur de Science politique à l’Université de Paris II. 123 LES LIVRES ET LES IDÉES LIBÉRALISME ET CONSERVATISME ’apport le plus important d’Emma Rothschild consiste sans doute dans sa réévaluation de l’œuvre de Smith, dont les préoccupations réelles sont à ses yeux très différentes de celles des penseurs « conservateurs » qui se réclament de lui aujourd’hui : là où ceux-ci voient surtout dans le marché une institution qui s’impose aux individus et qui limite les prétentions de la raison à reconstruire l’ordre social, Smith cherchait plutôt dans la liberté économique un moyen de réduire la dépendance des individus, et donc de promouvoir une certaine égalité entre les hommes. On peut sans doute faire de ces analyses une lecture directement politique : la relecture de l’économiste écossais permettrait à une certaine gauche de disputer le rôle de défenseur de la liberté économique aux héritiers de Margaret Thatcher et de Ronald Reagan et, peut-être, de fonder en raison la rupture de la gauche anglaise avec les traditions proprement socialistes du Labour ; Tony Blair retrouverait ainsi le véritable esprit du libéralisme angloécossais, contre la captation « conservatrice » de ce respectable héritage. Il me semble cependant plus fécond de considérer qu’Emma Rothschild a mis en lumière une équivoque réelle de la pensée libérale,qui apparaît déjà clairement pendant la Révolution française dans la discussion entre Burke et Paine, l’un et l’autre des héritiers d’Adam Smith (pp. 53-55)2. Burke est fidèle à Smith lorsqu’il approuve le processus qui a permis,avec l’expansion du commerce et le raffinement progressif des mœurs ou des manières (« manners »), la naissance d’une société à la fois plus douce et plus sûre ; et sa défense de l’ordre de marché contre le « système de Speenhamland »3, quelques années après la Révolution, s’inspire de formules célèbres de Smith : le marché « oblige les hommes, qu’ils le veuillent ou non, à lier l’intérêt L 2 Voir sur ce point J.G.A. Pocock, « The Political Economy of Burke’s Analysis of the French Revolution », trad. in Vertu, Commerce et Histoire, Paris, PUF, coll. « Léviathan », 1998 ; et Philippe Raynaud, Préface d’Edmund Burke, Réflexions sur la révolution de France, Hachette, coll. « Pluriel », 1999. 3 Le système dit de Speenhamland (du nom de la ville où il fut inventé en 1795) consistait à verser des compléments de salaire aux travailleurs les plus pauvres de manière à leur garantir un revenu minimum ; il fut progressivement étendu à l’Angleterre et ne fut aboli qu’en 1834. Burke le critique dans ses Thoughts on Scarcity. 4 Burke, op. cit.. Sociétal N° 35 1er trimestre 2002 124 général à leur succès individuel en poursuivant leurs propres intérêts égoïstes »4. Mais on doit aussi rappeler, avec Emma Rothschild (p. 53), que les plus grands adversaires de Burke, comme Thomas Paine, Mary Wollstonecraft, James Mackintosh ou même William Godwin se référaient volontiers à Adam Smith pour défendre la Révolution française dans son conflit avec la « féodalité » et le « despotisme ». Dans ce conflit d’interprétations, Emma Rothschild est nettement du côté des « libéraux », ou même des « radicaux », et son analyse suggère que Burke a détourné les formules de Smith au service de ses propres vues, beaucoup plus conservatrices :Burke était hostile à la protection des intérêts des salariés, tout en étant favorable à une certaine magnificence de l’Etat et au soutien de la religion « établie »,alors que Smith souhaitait favoriser des contrats de travail favorables aux travailleurs, réduire le train de vie du government et encourager la multiplicité des sectes. Si Burke est bien un défenseur de la société libérale, c’est à condition qu’elle reste fidèle à ses racines chrétiennes et aristocratiques, et c’est pour cela qu’il voit dans la Révolution française un signe de la fin de l’« âge de la chevalerie », auquel va succéder celui « des sophistes, des économistes et des calculateurs ». Inversement, Smith, qui préférait l’usage public de la raison aux « préjugés », apparaît, tous comptes faits,assez proche de ce qu’on pourrait appeler la gauche physiocratique, celle de Turgot et de ses héritiers comme Condorcet (qui n’a pas manqué de soutenir la Révolution, même s’il a par la suite été victime des Jacobins).Pour Emma Rothschild, du reste, les Jacobins sont paradoxalement assez proches de Burke (et même de Bonald) par leur volonté de substituer quelque chose comme un instinct à la raison raisonnante et au scepticisme des Lumières (p. 208), ce qui revient à renvoyer la Terreur à la « réaction » au moins autant qu’à la dynamique de la Révolution. L’auteur de La richesse des nations devient ainsi un « libéral » au sens anglo-saxon, dont l’annexion par les conservateurs repose sur des malentendus, de même que la méconnaissance, d’ailleurs récente, dont il est l’objet dans la tradition progressiste, comme le montre le jugement de quelques autorités indiscutables comme BeatriceWebb, Louis Blanc, Ferdinand Lassalle et même Karl Marx : Smith fut longtemps vu comme un libéral unilatéralement rationaliste, dont les arguments pouvaient du reste être en partie repris par un certain socialisme (p. 65). Cette réévaluation des thèses de Smith s’appuie principalement sur examen de trois aspects centraux de sa pensée : la théorie du marché libre comme moyen de limiter la pauvreté, la critique des corporations et le célèbre modèle de la « main invisible ». CONDITIONS ET CONTENU DE LA LIBERTÉ ur la théorie du commerce dans son rapport avec l’Etat, Emma Rothschild insiste sur les similitudes entre les thèses de Smith et la politique défendue par Turgot : la liberté du « commerce des grains » est le meilleur moyen de prévenir la famine, donc de protéger les faibles ; elle ne doit pas être confondue avec une garantie donnée à n’importe quelle forme de propriété. Chez Turgot et Condorcet,cette politique conduit à admettre que, même si le pouvoir politique n’a pas à rechercher l’augmentation de la quantité de « bonheur », il peut en revanche se préoccuper du minimum du « bienêtre », qui suppose que l’on ne soit pas exposé à la misère, à l’humiliation ou à l’oppression : c’est pour l’Etat un devoir de justice (pp. 7778). Ainsi, si les restrictions à la liberté du commerce sont en général un mal, on peut néanmoins admettre certaines mesures « ac- S RAISON ET SENTIMENTS AUX SOURCES DU LIBÉRALISME tives » contre les risques de famine, tels que le développement des travaux publics, les exemptions fiscales pour les travailleurs les plus pauvres et même certaines restrictions aux droits des propriétaires terriens (p. 80) ; les positions de Smith lui-même sont moins clairement exprimées, mais on peut noter que, sur certains points, il a souvent défendu des politiques proches de celles que proposaient Turgot et Condorcet : il était favorable à l’intervention de l’Etat pour obliger les employeurs à rémunérer leurs employés en argent plutôt qu’en nature lorsque les prix baissaient,et il admettait que l’impôt pût dans certains cas être progressif plutôt que strictement proportionnel (p. 82). Rien n’interdit donc de penser que Smith ait été, comme on le pensait de son vivant, un ami des pauvres, dont la pensée aurait été artificiellement durcie dans des interprétations postérieures à sa mort. La longue analyse des critiques que Smith adresse au système des corporations montre un auteur très proche des idées révolutionnaires françaises. A ses yeux, les corporations sont des institutions irrationnelles, incompatibles avec les libertés individuelles. Il leur oppose quatre arguments : elles limitent la compétition économique au bénéfice des maîtres plutôt que des employés ou des apprentis, elles sont inefficaces pour assurer la transmission des compétences professionnelles, elles maintiennent les apprentis dans un statut de minorité incompatible avec la liberté et, enfin, elle reposent sur un droit irrationnel (uncertain jurisprudence) qui favorise le despotisme des « corps » sur leurs membres. Emma Rothschild place au cœur de sa démonstration les thèses de Smith sur l’instruction publique, qui, là encore, se révèlent très proches de celles de Turgot et de Condorcet : l’instruction universelle est le contrepoids nécessaire des mutilations de comme Ovide , Shakespeare l’esprit engendrées par la division (Macbeth) ou Voltaire (Œdipe) du travail, elle est le seul moyen de pour montrer que, généralement, promouvoir une attitude plus ral’expression se réfère plutôt à des tionnelle face au marché et de puissances maléfiques ou, s’il s’agit développer dans le peuple la de Dieu, à l’action punitive de la conscience de ses droits et de ses Providence5 qu’à un ordre spontané devoirs (p. 100). Plus généralement, favorable au bien-être des hommes. la critique smithienne ne vise pas D’un autre côté, elle veut montrer seulement les abus du « national que l’idée de la main government », mais tout invisible,telle qu’elle est autant les privilèges des La philosophie généralement interpréparoisses, des guildes, économique d’Adam tée, est incompatible des corporations ou avec les principes les des grandes compa- Smith suppose la plus fondamentaux de gnies : en fait, un des constitution d’une la pensée de Smith : principaux vices du société d’individus, elle présuppose l’irra« government » consiste tionalité des acteurs, précisément à protéger assez semblable à alors que Smith fait ces institutions qui ne celle que visaient confiance aux individus sont ni privées ni pu- Turgot ou les pour comprendre leur bliques, et à perpétuer intérêt ; elle donne au leurs abus (p. 108). La révolutionnaires théoricien une posiphilosophie écono- français. tion de surplomb qui mique de Smith supcontredit l’égalitarisme foncier de pose donc la constitution d’une Smith ; enfin, elle repose sur une société d’individus, assez semblable vue providentialiste de l’ordre du à celle que visaient Turgot ou les monde qui n’est guère compatible révolutionnaires français : l’ordre avec le scepticisme religieux de de marché se fondait primitivement Smith. En fait, tout cela n’est pas sur un programme de réforme entièrement convaincant : le fait radicale qui n’est pas dénué que les individus soient les d’aspects « constructivistes ». meilleurs juges de leur intérêt propre ne suffit pas à montrer A QUOI SERT qu’ils soient capables de juger LA « MAIN INVISIBLE » ? directement du bien public ; la a portée philosophique de l’inposition « inégalitaire » à l’égard terprétation d’Emma Rotschild du common man est celle de tout apparaît pleinement dans sa chercheur,et le « providentialisme » brillante, quoique contestable, de la main invisible est parfaitement relecture des célèbres pages de compatible avec la critique des La richesse des nations sur la « main conceptions religieuses de l’autoinvisible ». Pour elle, l’idée de la rité (op. cit. , p. 43). L’intention « main invisible », qui conduit les d’Emma Rotschild se comprend individus à réaliser le bien public en néanmoins lorsqu’on lit sa critique recherchant leur intérêt personnel, de Hayek (pp. 146-149) : si Smith ne doit pas être trop prise au séparle de « main invisible », ce n’est rieux, mais représente plutôt une pas pour défendre l’idée d’un manière de plaisanterie légère (« a « ordre spontané » qui naîtrait de mild and ironic joke »), beaucoup la coutume, de la tradition, et de moins importante que la défense de la sélection progressive des la liberté et des droits des individus. meilleures institutions à travers Emma Rotschild s’appuie ici sur l’histoire. En effet, Smith est aussi deux types d’arguments un peu un critique virulent des instituhétérogènes. D’un côté, elle insiste tions traditionnelles « barbares » sur la préhistoire du thème de la ou « féodales », et un défenseur de main invisible chez des auteurs la diffusion générale des Lumières : L 5 Pour un usage postérieur à Smith, cf. de Maistre dans les Considérations sur la France de 1797, cité p. 120. Sociétal N° 35 1er trimestre 2002 125 LES LIVRES ET LES IDÉES on ne trouve pas grand-chose chez lui qui corresponde au goût de Hayek pour les mécanismes aveugles ou inconscients de l’ordre social. 6 De même que dans un autre contexte celui de la théodicée. Voir mon article, « Théodicée » in Philippe Raynaud et Stéphane Rials (dir.), Dictionnaire de philosophie politique, Paris, P.U.F., 2ème éd., 1998. 7 Voir notamment sa vigoureuse défense de l’ « esprit d’uniformité », dans ses très critiques Observations sur le XXIXe livre de L’Esprit des lois de Montesquieu. Sociétal N° 35 1er trimestre 2002 126 Ainsi,la tentative pour marginaliser le thème de la « main invisible » dans la pensée de Smith prolonge en fait l’opposition que souligne Emma Rothschild entre le libéralisme de Smith et le conservatisme de Burke, dont Hayek serait en fait un héritier (p. 149). Je crois cependant que l’on pourrait donner de ce thème une interprétation plus proche de celle de la plupart des commentateurs, sans pour autant refuser l’apport de l’auteur d’Economic Sentiments. On remarquera d’abord que le modèle de la « main invisible » permet6 de mettre au service d’une vision immanente de l’ordre social des schèmes « providentialistes » traditionnellement utilisés pour défendre une vision hiérarchique et théologico-politique de l’autorité politique, ce qui permet d’ailleurs de comprendre pourquoi, inversement, un auteur comme Burke a pu le reprendre pour donner une fondation théologique à l’ordre de marché ;le succès du modèle de la « main invisible », comme celui de la vision providentialiste de l’histoire, vient précisément de ce qu’il peut indifféremment servir à la dénonciation des illusions du « constructivisme » moderne ou à la critique des aspects « autoritaires » de la politique conservatrice. En outre, l’hésitation entre la « main invisible » et l’invocation d’un minimum de volontarisme politique au nom de la priorité des « droits » ou de l’utilité publique traverse tous les courants du libéralisme ; c’est le cas de Smith (qui est « constructiviste dans sa critique de l’Ancien Régime anglais mais qui a besoin de la « main invisible » pour limiter les prétentions du government), mais c’est vrai aussi, dans un sens, de Hayek lui-même,qui ne se considère pas comme « conservateur » et qui n’a pas manqué, en certaines occa- mules de type « anglais »7.D’un autre côté, son goût de la liberté et son approche « probabiliste » des questions du choix public et des élections l’ont conduit à valoriser aussi la diversité des opinions,dont il montrera, dans son mémoire « sur l’instruction publique », qu’elle est en fait la condition de la liberté de pensée L’ORIGINALITÉ (p. 199). Plus généralement, la DE CONDORCET philosophie de Condorcet est mith était donc, selon Emma étrangère à l’esprit unilatéralement Rothschild, un démocrate huutilitariste d’Helvétius,qui reposait manitaire qui souhaitait défendre à ses yeux sur une vision appauvrie les pauvres, émanciper les individus de la nature humaine en majorant de l’oppression des corporations et à l’excès le rôle de l’intérêt au diffuser les Lumières par l’éducation détriment des sentiments moraux. publique. En cela, il était très proche A bien des égards, la politique de des idées de Turgot, et surtout de Condorcet annoncerait donc celle de Benjamin Constant, en insistant celles que Condorcet devait défendre sur la valeur intrinsèque de la liberté, au cours de la Révolution. Inverseen mettant en relief l’originalité de ment, Condorcet lui-même n’est la liberté des modernes pas le doctrinaire froid et en soulignant la et quasi-fanatique que faillibilité de tous les devaient dénoncer Même chez un gouvernants, fussent-ils Burke, de Maistre ou philosophe aussi éclairés. La Révolution Sainte-Beuve, mais au militant que française aurait confirmé contraire un critique aigu de la version dog- Condorcet, les dispositions libérales matique des Lumières, les ambiguïtés de Condorcet en tempéqui avait très bien du libéralisme rant son universalisme, compris les bienfaits même si, pour finir, du pluralisme, qui ne amènent à l’Esquisse apparaît bien demandait pas au tempérer un peu le comme une utopie pouvoir de faire le culte de la raison. idyllique dans laquelle bonheur du peuple, l’auteur s’attache à et dont l’universalisme suspendre son propre était tempéré par le souci de touscepticisme (p. 211). Emma Rothjours maintenir les droits du doute schild ne cache pas sa sympathie et de l’hésitation. pour cette utopie bienveillante, qui faisait des sentiments moraux le L’originalité de la position de bien commun du genre humain et Condorcet s’exprime d’abord par le fondement de la vertu, des droits, son attitude ambivalente à l’égard et par là-même de la justice et de de l’« uniformité » et du pluralisme. la liberté : « C’est une conception D’un côté, en effet, Condorcet est utopique.Mais elle n’est pas pour auconnu pour être un apôtre de l’unitant fausse de ce fait même, et ce versalité des lois :comme la majorité n’est pas une utopie sinistre » des « philosophes » français, il voit (p.211). Condorcet serait ainsi un dans la complexité de l’ordre juripenseur « intermédiaire » entre les dique et politique de l’Ancien Régime Lumières et leurs critiques romanle signe d’une barbarie « gothique », tiques. Disons plus simplement que, incompatible avec la protection même chez un « philosophe » aussi des droits. C’est pourquoi, comme militant que Condorcet, les ambiVoltaire et Turgot, il a longtemps guïtés du libéralisme amènent à fait davantage confiance à l’action tempérer un peu le culte de la rationalisatrice de l’Etat qu’aux forraison. ● sions,de demander aux gouvernants de faire preuve d’énergie pour imposer le retour à l’« ordre spontané » : le débat sur les mérites respectifs de la réforme sociale égalitaire et de l’ordre de marché est une querelle de famille. S