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LA LETTRE DU CABINET DROIT FISCAL INTERNATIONAL N°9 – JUIN 2015 MAROC ET CONVENTION OCDE : SUR LA VOIE DE L’ECHANGE AUTOMATIQUE DE RENSEIGNEMENTS Par Hervé Chemouli Plus de news Hervé Chemouli sur le site du Cabinet : http://www.iea-avocats.fr [email protected] Avocat Associé Ancien Membre du Conseil de l’Ordre Spécialiste en Droit commercial, des affaires et de la concurrence HEC EM La signature de la Convention fiscale de l’OCDE (amendée) le 25 mai 2013 par le Maroc, bien que n’étant que la première étape d’un long processus, a soulevé de nombreuses interrogations. L’un des sujets phares étant l’échange automatique de renseignements. Défini à l’article 6 de la Convention multilatérale concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale, prévu également à l’article 26 du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE, l’échange automatique de renseignements ne peut être mis en place qu’à condition de réunir trois critères cumulatifs : v Une base légale : soit les juridictions sont déjà dotées d’instruments légaux permettant l’échange automatique de renseignement, soit elles peuvent s’appuyer sur l’article 26 du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE ; v Une transposition de la Norme en droit interne : L’OCDE a travaillé à la réalisation d’une norme mondiale, la Norme commune de déclaration (NCD), que chaque juridiction doit transposer en droit interne ; v Un accord avec une ou plusieurs autres Parties : L’échange automatique de renseignements doit être prévu par des accords entre les Parties, quant à son contenu et à la procédure à suivre. Droit fiscal international n°9 – Juin 2015 1 Il ressort de ces éléments qu’une coordination internationale doit être mise en place, avec en précurseur l’OCDE. Cette dernière a d’ailleurs travaillé à l’élaboration de la NCD, nommée « Norme d’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers en matière fiscale ». En outre, les différents Etats doivent s’entendre sur la marche à suivre en matière d’échange automatique de renseignement. En découle la nécessité d’un accord entre autorités compétentes (AAC) pour permettre de faire le lien entre la base légale et la NCD. Afin d’instaurer cet échange automatique de renseignements au niveau mondial, l’OCDE a dressé une feuille de route relative à la participation des pays en développement, décomposée en quatre étapes (voir le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales ainsi que le Rapport final à l’intention du groupe de travail sur le développement du G20 du 5 août 2014) : v Transcription des obligations de déclaration et de diligence raisonnable ; v Il faut choisir une base juridique à l’échange de renseignements. Sur le plan administratif, les échanges automatiques de renseignements nécessitent la conclusion d’accords spécifiques entre les autorités compétentes des juridictions participantes pour que l’échange automatique puisse être activé et « rendu opérationnel ». Ces accords précisent les renseignements à échanger et portent sur des aspects pratiques tels que le délai et le format d’échange ; v Mettre en place les infrastructures administratives et celles relevant des technologies de l’information nécessaires au recueil et à l’échange de renseignements en vertu de la Norme. Les juridictions devront également s’entendre sur des méthodes de transmission efficaces et sur des normes de cryptage garantissant la sécurité des échanges de renseignements. La Norme prévoit des exigences minimales pour la transmission sécurisée de renseignements, mais ne prescrit pas une solution universellement applicable ; v Mettre en place des règles de confidentialité et de protection des données. La Norme contient des règles détaillées relatives à la confidentialité et à la protection des données qui doivent être instituées tant au niveau juridique qu’opérationnel. Ceci étant dit, il est alors aisé de comprendre que le Maroc, bien qu’ayant signé la Convention (amendée) le 25 mai 2013, n’a pas encore les moyens juridiques et techniques pour mettre en place l’échange automatique de renseignements comme il est prévu par l’OCDE. Ladite Convention n’a toujours pas été ratifiée par le Maroc et n’est donc pas entrée en vigueur. Par conséquent, la Convention ne reste qu’une promesse faite par le Maroc de participer à cette coalition internationale de lutte contre la fraude fiscale. De plus, en vertu des conditions nécessaires à la mise en place de l’échange automatique de renseignements, un ou des accords doivent être passés par le Maroc afin d’en permettre l’usage. Or à ce jour, le Maroc n’a signé aucune convention de la sorte (à la différence de la France qui a signé l’Accord multilatéral entre autorités compétentes concernant l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers et dont la mise en application est prévue dès 2017). Droit fiscal international n°9 – Juin 2015 2 De nombreux pays ont d’ores-et-déjà signé l’Accord multilatéral (tous les pays européens notamment) et parmi eux se trouvent des pays connus pour leur secret bancaire. L’exemple de la Suisse est parlant : elle est le dernier pays à avoir signé la Convention (amendée) de l’OCDE, elle ne l’a pas encore ratifiée (comme le Maroc) mais elle a déjà signé l’Accord multilatéral permettant l’échange automatique de renseignements pour 2018. Si la volonté clairement affichée des autorités marocaines est de faire partie du cercle des grandes puissances échangeant automatiquement leurs renseignements, il n’en reste pas moins que le chemin à parcourir pour le Maroc reste plutôt long avant la mise en place du dispositif, le Royaume venant tout juste de finir la première phase d’examen par les pairs du Forum Mondial, ce 26 mai 2015. Suite à cet examen, il a été conclu que le cadre juridique et réglementaire du Maroc devait être amélioré avant de pouvoir passer à la phase 2 de l’examen, permettant un contrôle de l’application pratique de l’échange automatique de renseignements. Or certains éléments n’étant pas en place, la phase 2 ne peut pas commencer. A titre d’exemple, la Suisse avait passé la phase 1 en 2011 puis avait modifié sa législation en 2014 afin de pouvoir entrer en phase 2, qui devrait débuter dernier trimestre 2015. Si la participation du pays à l’échange automatique de renseignements semble inéluctable, celle-ci ne pourra être effective qu’à la fin d’un long processus qui, bien qu’initié par un Maroc volontaire, ne pourra aboutir qu’après de nombreux efforts. NB : les modalités d’échange automatique de renseignements dépendent de chaque accord mais l’accord signé par les pays de l’OCDE convient d’un échange annuel de certaines informations, dont les éléments communiqués y sont limitativement énumérés (Section 2 de l’Accord multilatéral « Echange de renseignements concernant les Comptes déclarables »). H. CHEMOULI Selarl Chemouli Dalin Stoloff & Associés 42 rue Notre-Dame des Champs 75006 Paris Tél. : 33 (0)1 45 49 49 99 Fax. : 33 (0)1 53 63 43 20 www.iea-avocats.fr Droit fiscal international n°9 – Juin 2015 3