Les termes de couleur de la langue chinoise et leur traduction en

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Les termes de couleur de la langue chinoise et leur traduction en
Les termes de couleur de la langue chinoise et leur traduction en français
Les termes de couleur de la langue chinoise et leur
traduction en français
Mémoire présenté par CHEN Mingyuan
pour l’obtention du mastère ès lettres
sous la direction de M. le professeur
WANG Wenxin
Département de Français
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Les termes de couleur de la langue chinoise et leur traduction en français
Université des Etudes Internationales de Shanghai
Décembre 2008
声明
本学位论文是我在导师的指导下取得的研究成果.在本学位论文中,除了加以
标注和致谢的部分外,不包含其他人已经发表或公布过的研究成果,也不包含我为
获得任何教育机构的学位或学历而使用的材料。与我一同工作的同事对本学位论
文做出的贡献均已在论文中作了明确的明说。
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学位论文使用授权申明
上海外国语大学有权保存学位论文的电子和纸质文档,可以借阅或上网公开
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Les termes de couleur de la langue chinoise et leur traduction en français
学位论文的全部或部分内容,可以向有关部门或机构送交并授权其保存、借阅或
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序处理。
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中文摘要
汉语中的色彩词语历史悠久,早在甲骨文中就已经出现。人类的
生产劳动的前进发展是促进色彩词不断丰富发展的重要原因,尤其是
染织业和陶瓷业的发展大大推动了色彩词的丰富。和汉语的演变趋势
一样,色彩词也经历了由单音节向多音节的发展演变,现代汉语中的
色彩词几乎都是双音节或多音节词构成的,还有一部分叠词色彩词,
对加强语言的表现力起了不可泯灭的作用。
色彩词在其漫长的形成和发展过程中,与人们的生产劳动、社会
历史、文化风俗的发展息息相关,不同民族对色彩的感知和审美也不
尽相同,因此,色彩词语中蕴含了丰富的文化内涵和象征意义,它们
在人们的日常生活和风俗礼仪中都有充分的体现。
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Les termes de couleur de la langue chinoise et leur traduction en français
汉语色彩词丰富的表现力和文化内涵给翻译提出了一个全新而有
价值的课题。怎样在中译法的过程中尽可能的去保留源语言中色彩词
的美感和词语背后深层的内涵?本文从色彩词的起源、发展及其丰富
的文化内涵谈起,研究和探讨了在中译法的过程中一些可行的方法及
其存在的缺陷。
Remerciements
Je voudrais tout d’abord et tout particulièrement exprimer mes
remerciements à mon professeur Wang Wenxin qui a dirigé mon travail.
Après que j’ai choisi le sujet, j’ai rencontré bien des difficultés au niveau
de la structure et de l’organisation de mon mémoire. M. Wang m’a accordé
beaucoup de conseils précieux. Lors de la rédaction de mon mémoire, il
m’a donné beaucoup d’aide qui m’a permis de mener à bonne fin mon
travail. Je tiens à lui exprimer ma vive gratitude pour son aide, ses conseils
et sa patience tout au long de mon travail.
Je voudrais également exprimer ma profonde reconnaissance à ma
camarade Shao Yujing qui m’a prêté son livre « le rêve dans le pavillon
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Les termes de couleur de la langue chinoise et leur traduction en français
rouge » de la version française. Je n’aurais jamais dû établir mon corpus
sans sa gentillesse.
Je dois aussi remercier tous les professeurs de SISU qui m’ont aidée
au cours de mes études et les professeurs à l’Institut de Marie-Haps qui
m’ont guidée à faire les recherches bibliographiques pendant mon séjour à
Bruxelles.
Table des matières
Chapitre 1 Les mots chromatiques dans la langue chinoise...............................................................10
1.1 L’émergence et l’épanouissement du lexique chromatique dans la langue chinoise............11
1.2 L’évolution des mots chromatiques.......................................................................................15
Chapitre 2 Les propriétés connotatives des couleurs..........................................................................22
dans la culture chinoise........................................................................................................................22
2.1 Les propriétés connotatives des couleurs au regard de la vie socio-culturelle.....................23
2.1.1 Les cinq couleurs pures et les couleurs intermédiaires..............................................24
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Les termes de couleur de la langue chinoise et leur traduction en français
2.1.2 Les connotations des cinq couleurs pures dans la culture traditionnelle chinoise.....25
2.2 Les propriétés connotatives des couleurs au regard de la vie quotidienne chinoise.............32
2.3 Les propriétés connotatives des couleurs au regard de la vie socio-politique......................36
2.4 Les couleurs et ses valeurs esthétiques .................................................................................38
2.4.1 La description chromatique dans la littérature chinoise et l’esthétique classique
chinoise ...............................................................................................................................40
2.4.2 La description chromatique et les sentiments intérieurs du poète..............................42
2.4.3 La description chromatique et les métaphores dans la poésie chinoise ....................43
Chapitre 3 La traduction des mots chromatiques................................................................................48
ou termes de couleur............................................................................................................................48
3.1 La traduction des mots chromatiques monosyllabiques........................................................48
3.2 La traduction des mots chromatiques polysyllabiques..........................................................54
3.2.1 La traduction à l’aide d’un qualificatif.......................................................................54
3.2.2 La traduction à l’aide d’une description interprétative..............................................55
3.2.3 La traduction à l’aide d’une adaptation......................................................................56
3.2.4 La traduction à l’aide d’une comparaison-cliché ......................................................56
3.2.5 La traduction à l’aide d’un suffixe..............................................................................56
3.3 La traduction des termes de couleur connotatifs...................................................................57
3.3.1 La traduction interprétative ........................................................................................57
3.3.2 La traduction à l’aide de l’annotation.........................................................................59
3.3.3 La traduction à l’aide de la substitution......................................................................60
Conclusion............................................................................................................................................63
Bibliographie........................................................................................................................................65
Introduction
La couleur se voit partout dans notre vie quotidienne. Nous habitons dans un
univers multicolore. En regardant par la fenêtre, nous serons éblouis par le rouge vif du
soleil, le bleu d’azur du ciel, le vert émeraude des eaux, le jaune d’or du blé, etc. En
fait, la couleur n’est pas une substance existante dans notre monde objectif. Elle est, par
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essence, la perception visuelle d'une ou plusieurs fréquences d'ondes lumineuses. Mais
nous croyons que la couleur fait partie des propriétés extérieures des substances et
établissons par la suite une liaison étroite entre la couleur et la substance. Au cours des
expériences et des activités de l’être humain, à chaque couleur des propriétés ont été
attribuées. Cependant, le langage des couleurs n'est pas universellement pareil et il
change selon les cultures et selon les époques. Par exemple, en Occident, le blanc
représente la pureté et la virginité. Il est donc réservé à la robe de mariée. En Chine,
cette couleur immaculée est traditionnellement destinée aux enterrements.
Non seulement nous percevons la couleur, mais aussi la ressentons, la décrivons
avec notre langue. Le chinois est une langue très riche en mots chromatiques. Les
poètes chinois ont fait appel aux mots de couleur pour dépeindre la nature et suggérer
leur sentiment intérieur. Beaucoup de couleurs se sont utilisées dans les expressions et
les proverbes chinois. La langue provient de la culture et elle est en même temps le
reflet des phénomènes culturels. Chaque culture a sa couleur préférée, ses propres
réactions psychologiques à la vue de chaque couleur et son propre découpage
chromatique. Les valeurs symboliques et les usages sociaux des couleurs sont ainsi
différents d’une culture à l’autre.
Mon mémoire traitera la traduction du chinois au français des termes de couleur.
D’après mes recherches bibliographiques, certains chercheurs ont déjà effectué des
études sur la traduction des termes de couleur entre le chinois et l’anglais, or la
traduction sino-française des termes de couleur, si elle n’est pas un terrain vierge pour
la recherche, n’est pas encore beaucoup traitée. C’est un sujet qui m’intéresse
beaucoup, sur lequel j’ai déjà fait une recherche dans mon mémoire de licence.
Mon mémoire se divisera en trois chapitres. Le premier chapitre se consacrera à
une présentation des mots chromatiques de la langue chinoise. On doit l’apparition des
mots chromatiques chinois aux activités de production des ancêtres chinois. Une
multitude de dénominations chromatiques sont issues de référents concrets de la vie
quotidienne. Le lexique chromatique trouve son origine dans les savoir-faire des
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Les termes de couleur de la langue chinoise et leur traduction en français
métiers. Le développement de certains secteurs tels que la sériciculture, l’impression, la
céramique a beaucoup contribué à l’épanouissement des mots de couleur dans le
chinois. Depuis des milliers d’années, les chromonymes chinois ont connu une
évolution, conformément à celle de toute la langue, du monosyllabique au
polysyllabique et le lexique chromatique s’est ainsi enrichi.
La couleur, qui est une sensation subjective formée à partir du monde objectif,
retrouve des propriétés connotatives qui pourrons être étudiées au regard de la vie
socio-culturelle, de la vie socio-politique ou de la vie quotidienne. Les mots
chromatiques ont été fréquemment utilisés dans la littérature chinoise. Ils ont reflété,
dans une certaine mesure, l’esthétique traditionnelle chinoise. Ils pouvaient aussi être
métaphoriques, surtout dans la littérature chinoise. C’est l’ensemble de ces facteurs
qu’il faut prendre en compte si nous voulons bien comprendre la signification des
couleurs dans un texte chinois. Le deuxième chapitre de mon mémoire consistera donc
à éclaircir les connotations des couleurs dans la culture chinoise.
Le dernier chapitre portera sur la traduction du chinois au français des mots
chromatiques et des termes de couleur. Il se développera autour des traitements et des
approches possibles dans cette traduction. Pour les chromonymes chinois n’ayant pas
de termes correspondants dans le français, on pourrait recourir à plusieurs solutions
possibles telles que l’interprétation, la comparaison-cliché, l’usage d’un qualificatif,
etc. Les termes de couleur sont parfois chargés d’informations extra-linguistiques qui
sont difficiles à saisir par les lecteurs francophones. Il sera alors nécessaire de traduire
ces connotations dans le texte de la langue d’arrivée. D’ailleurs, en raison des
différences des « visions du monde », une même couleur perçue ne donnera pas
forcément lieu à une même dénomination dans les deux langues constatées. Par
exemple, « 黄 灯 » (feu jaune) est appelé « feu orange » dans le français. Ce genre
d’exemples ne manquent pas. Si bien que, dans la traduction, on devrait souvent faire la
substitution de couleurs pour s’adapter à l’habitude d’expression des Francophones.
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Les termes de couleur de la langue chinoise et leur traduction en français
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Les termes de couleur de la langue chinoise et leur traduction en français
Chapitre 1 Les mots chromatiques dans la langue chinoise
Le travail humain a donné naissance à la langue humaine. Les activités de
production humaine constituent une source inépuisable du lexique chromatique dans le
chinois et dans d’autres langues. Parmi la multitude de dénominations chromatiques,
beaucoup sont issues de référents matériels et concrets tels que les animaux, les
végétaux, les pierres précieuses, les matières colorantes, etc. Le développement du
textile et de la céramique a joué un rôle catalyseur dans l’enrichissement du lexique
chromatique et a donné naissance à un nombre gigantesque de nouveaux chromonymes.
Et les échanges avec les pays étrangers ont aussi constitué une des raisons de
l’expansion des mots de couleur.
Durant des millénaires, le chinois a connu un grand changement et tend vers le
plurisyllabisme. Il en est de même pour les mots chromatiques. La plupart des mots
chromatiques étaient originellement monosyllabiques (composés d’un seul caractère) et
ils sont formés de plusieurs syllabes (composés de deux caractères ou plus) dans le
chinois moderne, dont certains sont des mots réduplicatifs qui renforceront
l’expressivité du discours ou texte.
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Les termes de couleur de la langue chinoise et leur traduction en français
1.1 L’émergence et l’épanouissement du lexique chromatique
dans la langue chinoise
D’après les recherches archéologiques, les premiers exemples attestés du chinois
écrit datent de l’époque antique des Shang (1600 avant J.C.- 1100 avant J.C.). Ils ont
été gravés sur les os ou carapaces de tortues, appelés « Jiaguwen » (甲骨文) en chinois.
On y trouve déjà quelques mots de couleur tels que « you » ( 幽 , noir), « bai » ( 白 ,
blanc), « chi » (赤, rouge), « huang » (黄, jaune), etc.
Dans la société primitive, l’élevage occupait une place prédominante dans la vie
sociale. De cette façon le lexique de l’élevage s’est beaucoup enrichi à cette époque-là.
Les premiers mots chromatiques tels que « you » ( 幽 , noir), « bai » ( 白 , blanc), « chi »
( 赤 , rouge), « huang » ( 黄 , jaune) étaient destinés à décrire la couleur du poil des
bestiaux. Comme la couleur faisait partie des propriétés physiques extérieures des
bestiaux, les gens s’en servaient facilement pour les reconnaître et les appeler et le mot
ainsi créé était ensuite appliqué à dénommer indépendemment la couleur. Par exemple,
« huang » ( 黄 ), désignant tout d’abord les chevaux au poil jaune, s’appliquait à
dénommer la couleur jaune ; « li » ( 骊 ), chevaux au poil noir, s’appliquait à dénommer
la couleur noire. Avec l’évolution de la langue, ces mots inventés au cours de l’élevage
sont devenus des mots chromatiques aujourd’hui.
La plupart des chromonymes proviennent de la dénomination référentielle, dont
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Les termes de couleur de la langue chinoise et leur traduction en français
beaucoup sont issus de choses concrètes et matérielles. Dans le Livre des Odes,1 on
trouve beaucoup de mots chromatiques qui étaient issus de la dénomination de choses.
Par exemple, « chi » ( 赤 ) qui signifie le rouge maintenant, désignait le feu dans son
sens original.; bai (白 ), qui signifie le blanc, était originellement la lumière solaire (car
les ancêtres chinois, d’après ce qu’ils voyaient à l’oeil nu, croyaient que le soleil était
de couleur blanche) ; « zhu » ( 朱 ) , le vermeil ou le vermillon, désignait un arbre dont
l’intérieur était en rouge; « wu » ( 乌 ), le noir, désignait le corbeau; « cui » ( 翠 ) ,
l’émeraude, était originellement le nom d’un oiseau dont le plumage était en vert
émeraude.
Grâce aux expériences accumulées dans les activités de la production, les ancêtres
chinois ont constaté que certains minerais et certaines plantes pourraient être utilisés
pour produire des colorants. Ils ont ainsi découvert de nouvelles couleurs et créé par la
suite de nouveaux chromonymes. Par exemple, « dan » ( 丹 ) désignait le cinabre dans
son sens original et signifie aujourd’hui le rouge ou le vermillon ; « zao » ( 皂), fruit du
chêne dont la coque pourrait servir à produire la teinture noire, signifie le noir ; « lan »
(蓝) était le nom d’une sorte de plante qui pourrait être employée à produire le colorant
bleu et il signifie le bleu dans le chinois moderne.
La production des matières colorantes a entraîné la prospérité de plusieurs secteurs
tels que la sériciculture, l’impression, la teinture, le textile, la céramique où les matières
colorantes jouent un rôle non négligeable.
La Chine a une longue histoire de sériciculture, qui peut remonter à l’époque des
1
Le Livre des Odes (Shi Jing : 诗经), un des plus anciens ouvrages classiques chinois, est un recueil d’environ
trois cent chansons chinoises antiques. La date de composition peut remonter à l’époque des Printemps et des
Automnes.
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Les termes de couleur de la langue chinoise et leur traduction en français
Xia, la première dynastie de l’histoire de la Chine (du XXIè siècle au XVIè siècle avant
J. C). Sous la dynastie des Zhou (XIè siècle av. J.C.-256 av. J.C.), la division des étapes
de production textile était déjà très poussée. Ces étapes comprenaient la culture de
mûriers, la sériciculture, le tissage, l’impression, la teinture, la confection de vêtements,
etc. On pouvait confectionner des vêtements de couleurs variées. Dans le Livre des
Odes, nous trouvons un grand nombre de mots chromatiques réservés à la description
de la beauté des vêtements :
七月鸣鵙,八月载绩。载玄载黄,我朱孔阳,为公子裳。
— 《诗经豳风七月》
Au septième mois, la pie-grièche se fait entendre. Au huitième mois, on
commence à filer le chanvre. On teint la soie et le chanvre, partie en noir, partie
en jaune. Mon étoffe rouge est très brillante ; on en fera des vêtements pour le fils
du prince. (traduction de F.S.COUVEREUR.S.J.)
Ici, « 玄 », « 黄 », « 朱 » sont tous trois des mots de couleur et signifient
respectivement « noir », « jaune » et « vermillon ». Et le « vermillon » était réservé aux
nobles.
Beaucoup de chromonymes du chinois sont venus du secteur textile et ils sont
souvent formés avec la partie « 丝 » ou « 纟 » qui représente le textile. Dans le livre
« Shuo wen jie zi »(说文解字),2 l’auteur a recueilli presque 30 mots de couleur avec la
partie « 纟 » , parmi lesquels « lü » ( 绿 , vert), « hong » ( 红 , rouge), « xuan » ( 玄 ,
noir), « zi » ( 紫 , violet), « jiang » ( 绛 , rouge foncé), «su » ( 素 , blanc), « gao » ( 缟 ,
blanc), « zi » ( 缁 , noir) deviendraient des mots fréquemment employés dans le chinois
2
Shuo wen jie zi, livre chinois rédigé par Xu Shen (許慎) (58-147), est le plus ancien dictionnaire chinois qui
recense environ 9000 graphies.
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Les termes de couleur de la langue chinoise et leur traduction en français
moderne et « hong » ( 红 ), « lü » ( 绿 ) et « zi » ( 紫 ) entreraient dans le lexique
chromatique de base.3
La céramique chinoise a également beaucoup contribué à l’épanouissement du
lexique de couleur. Au début, les couleurs des produits céramiques se limitaient à
quelques couleurs monotones telles que noir, rouge, gris et blanc. Grâce à
l’amélioration de la technique de céramique, surtout de la méthode d’application de
différents colorants pour produire une gradation nuancée des tons, cet art chinois a
apporté une grande contribution à la découverte de nouvelles couleurs et à l’expansion
des mots chromatiques. Dans l’art de la céramique chinoise, la fabrication de la
porcelaine occupe une place à part. Sous les Tang (618-907), la production de la
porcelaine a déjà remporté un grand succès et le plus célèbre produit était le trichrome
composé de trois couleurs essentielles: jaune, vert et brun, appelé « tang san cai » (唐三
彩) en chinois. L’émail du blanc d’ivoire (象牙白, xiang ya bai) était très connu à cette
époque-là et a été exporté à l’étranger. Cet art traditionnel a atteint son apogée sous le
règne de l’Empereur Jingtai (1450-1456) de la dynastie des Ming où l’on a réussi à
inventer un émail d’un bleu extraordinaire appelé « bleu de Jingtai ». Il est devenu
désormais le nom de ce genre de porcelaines cloisonnées. Avec la perfection de la
technique de cuisson à basse température, on est parvenu à produire un émail jaune pur
et lumineux appelé « jiao huang » ( 娇黄 ) en chinois qui représentait à cette période-là
le niveau culminant dans ce domaine. Jing Dezhen, capitale incontestable de la
céramique chinoise, fut le centre de la fabrication des porcelaines à l’époque des Ming
et des Qing. On doit à ces produits vernissés tout un nouveau lexique chromatique,
comme le vert de paon (孔雀绿, kong que lü), le vert de carapace du crabe (蟹壳青, xie
ke qing), le vert de pomme (苹果绿, ping guo lü), le violet d’aubergine (茄皮紫, qie pi
3
《汉语色彩词的文化审视》, P9。
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Les termes de couleur de la langue chinoise et leur traduction en français
zi), le vert de houx ( 冬青色 , dong qing se), le rouge carmin ( 胭脂红, yan zhi hong), le
bleu de ciel (天蓝, tian lan), le rouge de rubis (宝石红, bao shi hong), le vert de pin (松
绿色, song lü se), le bronzé (青铜色, qing tong se), etc.
Les échanges avec l’étranger ont constitué une autre raison de l’enrichissement du
lexique chromatique. Sous le règne de Yongzheng (1722 - 1735) de la dynastie des
Qing, on a introduit de l’Occident une matière colorante et a produit un émail de rose
particulier appelé « rose occidental » ( 西洋红 , xi yang hong). Voici un autre exemple :
le tabac à priser était bien à la mode au XIVè siècle dans la haute société occidentale.
Après son introduction en Chine, il est devenu populaire sous les Qing. Il en résulte que
la couleur de tabac à priser(鼻烟色, bi yan se) était finalement connu de tout le monde.
Aujourd’hui, la tabatière a fini par l’entrée dans le musée, mais la couleur de tabac à
priser (couleur jaune-noir) perdure dans la langue chinoise. Les couleurs de café et de
chocolat sont aussi des exemples de ce genre.
1.2 L’évolution des mots chromatiques
Dans la haute antiquité de la Chine, les chromonymes étaient essentiellement des
mots monosyllabiques formés d’un seul caractère, parmi lesquels ceux qui concernent
le rouge, le noir et le blanc étaient très nombreux.
Dans la famille du rouge se trouvent principalement « chi » ( 赤 ), « zhu » ( 朱 ),
« dan » ( 丹 ), « hong » ( 红 ), etc. « Zhu » ( 朱 ) désignait à l’origine un arbre dont
l’intérieur était en rouge pour servir plus tard à dénommer le vermillon. « Chi » ( 赤 ),
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Les termes de couleur de la langue chinoise et leur traduction en français
couleur du feu dans son sens original, signifie le rouge ; « Dan » ( 丹 ), le cinabre dans
son sens original, signifie aussi le rouge maintenant ; « Hong » ( 红 ), apparu plus tard,
désignait initialement le rouge clair. Dans le chinois moderne, on ne distingue presque
plus les nuances entre ces quatre mots. « Hong » s’est classé dans le lexique
chromatique de base pour désigner le rouge et s’utilise le plus fréquemment par rapport
à d’autres chromonymes de la famille du rouge.
Dans la famille du vert se classent « qing » ( 青 ), « cang » ( 苍 ), « bi » ( 碧 ), « lü »
( 绿 ), etc. « Qing » ( 青 ) est la couleur de l’herbe ou des cultures naissantes. Donc il
signifie au sens propre le vert. « Cang », désigne le vert foncé ou le bleu foncé. « Bi »
( 碧 ), une pierre de jade dans son sens original, désigne le vert clair ou le bleu clair.
Lü(绿) signifie le vert et est devenu le chromonyme de base de la famille du vert. Dans
le chinois moderne, les nuances entre ces quatre mots sont souvent négligées.
Ceux qui se trouvent dans la famille du blanc sont « bai » (白), « su » (素), « gao »
( 缟 ), « jiao » ( 皎 ), « ai » ( 皑 ), « hao » ( 皓 ), « xi » ( 皙 ), etc. « Bai »( 白 ), couleur de la
lumière solaire, signifie le blanc et il est le mot chromatique de base de la famille du
blanc dans le chinois moderne. « Su » ( 素 ), la soie brute et « gao » ( 缟 ), une sorte
d’étoffe blanche de soie brute, signifient tous les deux la couleur blanche maintenant.
« Jiao » ( 皎 ) s’emploie essentiellement pour décrire la blancheur de la lune, « ai » ( 皑 )
pour la couleur de la neige, « hao » (皓), pour la couleur immaculée de la chevelure, de
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