Mise en page - Ortho Edition
Transcription
Mise en page - Ortho Edition
Rééducation Orthophonique Rencontres Données actuelles Examens et interventions Perspectives ne la ur le ng oi co , p ag ma ne gn er e, ge im ur it ce p rie se pl os ion pt las , qu m an tim , ion tic ort su ité ho in e, en t u d ce ter m t, co lat rd e c ph vi s, ac a le ch ion ité la ér on m eil g tio lad ct lé , , a p éb ie an lis y n ie ur air ci p ar ra , e, e, né ha ole tiq se ru s d ég s v -IR sie , ue me s s , nt su en én ém ieil M , m , p so é a lis , al le ra r ra n ad c m im tiv tiie tur ar ot e, dé e, gin rigé sé al né - ISSN 0034-222X Rééducation Orthophonique Neuroimagerie et orthophonie : de la recherche à la pratique clinique N° 260 - 2014 52e Année décembre 2014 Trimestriel N° 260 ga im pe ge ag rc , p e iti ep la on t s tim , ion su d u co la rd ch tion ité c t léa , u r i r ci dé e, e, v en gén sém ra sor éra a m im tiv ur arg otr e dé , s ina igé é l Couv 260_Mise en page 1 18/12/14 15:32 Page1 Fondatrice : Suzanne BOREL-MAISONNY Neuroimagerie et orthophonie : de la recherche à la pratique clinique Fédération Nationale des Orthophonistes Couv 260_Mise en page 1 18/12/14 15:32 Page2 Revue créée par l’A.R.P.L.O.E.V. Paris Revue éditée par la Fédération Nationale des Orthophonistes Rédaction - Administration DERNIERS NUMÉROS PARUS : 76, rue Jean Jaurès, 62330 ISBERGUES Directeur de la publication : la Présidente de la F.N.O. : — Tél. : 03 21 61 94 96 — — Fax : 03 21 61 94 95 — e-mail : [email protected] Anne Dehêtre Abonnement normal : 104 euros Abonnement réduit : 81 euros réservé aux adhérents F.N.O., ou d’une association européenne membre du CPLOL Abonnement étudiant : 54 euros (joindre copie de la carte) Abonnement étudiant étranger : 58 euros (joindre copie de la carte d’étudiant) Abonnement étranger : 114 euros Vente au numéro disponible sur le site www.orthoedition.com Membres fondateurs du comité de lecture : Pr ALLIERES G. • A. APPAIX • DECROIX • R. S. DIATKINE BOREL-MAISONNY • H. DUCHÊNE M. DUGAS • J. FAVEZ-BOUTONNIER • J. GERAUD R. GRIMAUD • L. HUSSON • Cl. KOHLER • Cl. LAUNAY F. LHERMITTE • L. MICHAUX • P. PETIT G. PORTMANN • M. PORTMANN • B. VALLANCIEN. Comité scientifique Aline d’ALBOY Dr Guy CORNUT Ghislaine COUTURE Dominique CRUNELLE Pierre FERRAND Lya GACHES Olivier HERAL Jany LAMBERT Frédéric MARTIN Alain MENISSIER Pr Marie-Christine MOUREN-SIMEONI Bernard ROUBEAU Anne-Marie SIMON Monique TOUZIN N° 259 : L’EDUCATION THÉRAPEUTIQUE DU PATIENT EN ORTHOPHONIE - Editorial : L’ETP en orthophonie (Frédérique BRIN-HENRY ) — Rencontre : L’intégration d’un patient-expert dans un programme d’ETP : regards croisés, (Roland VARINOT , Frédérique BRIN-HENRY) — Données Actuelles : Education thérapeutique du patient (ETP) : principes et intérêts, (Claire MARCHAND) - Au-delà du masque de l’expert - Réflexions sur les ambitions, enjeux et limites de l’Éducation Thérapeutique du Patient, (Alexandre KLEIN) — Examen et interventions : Interdisciplinarité autour du patient en éducation thérapeutique : le point de vue de soignants, (Sylvie DIANCOURT) - Education thérapeutique du patient aphasique et son conjoint, (Frédérique BRIN-HENRY) - Proposition d’un diagnostic éducatif dans le cadre du programme « Communiquer malgré l’aphasie », (Estelle BERNARD) - Impact d’un Programme d’Education Thérapeutique du Patient (ETP) pour des personnes aphasiques et leurs aidants, (Charline CÉSAR, Frédérique BRIN-HENRY, Estelle BERNARD) - L’implication des aidants dans les programmes d’éducation thérapeutique, (Nathaly JOYEUX) - Éducation Thérapeutique du Patient dysphagique : état des lieux et propositions, (Ariane LÉTUMIER, Antony, Caroline HELLY) - De la conception à la labellisation d’ateliers thérapeutiques pour adolescents dyslexiques, (Françoise GARCIA) — Perspectives : Le réseau dans l’éducation thérapeutique : intérêt pour l’orthophoniste et le médecin coordinateur - Expérience du réseau de l’Espace Régional d’Education Thérapeutique de Basse-Normandie et du réseau Normandys, (Audrey ARMAND) - La Fédération Nationale des Aphasiques de France et l’ETP, (Jean-Dominique JOURNET) Rédacteur en chef Jacques ROUSTIT Secrétariat de rédaction Marie-Dominique LASSERRE Abonnements Sylvie TRIPENNE Commission paritaire : 1110 G 82026 N° 258 : DENISE SADEK-KHALIL ET SON ŒUVRE – HOMMAGES ET TÉMOIGNAGES - Editorial : (Dominique MARTINAND-FLESCH) — Introduction : Denise Sadek-Khalil, le langage oral au carrefour de la linguistique et de la clinique, (Marie-Pierre THIBAULT) — Apports de ses travaux : Un itinéraire improbable, (Ronald LOWE) - Sur les pas de Denise Sadek-Khalil. Rigueur, Liberté et Interaction dans la prise en charge orthophonique, (Shirley VINTER) - Donner libre(s) cours à la recherche du langage : l’enseignement de Denise Sadek, (Elisabeth MANTEAU-SÉPULCHRE) - Denise Sadek-Khalil, Gustave Guillaume : psycho-pédagogie et psychomécanique du langage, (Philippe SÉRO-GUILLAUME) - Denise Sadek-Khalil : de la théorie à la réalité du langage, (Guy CORNILLAC) - Prendre, apprendre et comprendre, (Denise SADEK-KHALIL) — Compagnonnage : Une pionnière en orthophonie : Denise Sadek-Khalil, (Anne-Marie WEIL-LEVEN, Simone TERRIER) - Gustave Guillaume et Denise Sadek-Khalil : la philosophie du langage (Colette SIRAT) - Rencontres et Privilèges, (Mireille COHEN-MASSOUDA) - Denise Sadek... l'art de transmettre la langue dans un plaisir mutuel - Témoignages du CEOP, (Marie-Claude CAUVIN-GARRITY, Marie-Christine CHAPERON, Christine ROMAND, Michel MAULET, Martial FRANZONI) - A propos de « 7 Leçons de 1980 à 1984 » par Mme Sadek à une fillette sourde, (Francine JALABERT) - Voir, savoir, faire savoir : en suivant les traces de SADEK sur les sentiers de la langue, (Martine MIR) - Denise Sadek-Khalil, maître de stage et penseur de l’orthophonie (Mireille KERLAN) - Un incontournable pour l’orthophonie de demain : l’approche de Denise Sadek-Khalil sur les traces de Gustave Guillaume, (Patricia MALQUARTI) — Rencontre et hommage : Grandeur et simplicité, (Monique et JeanMarie DUCROS, Pascale DUCROS) - Témoignages (Claire DEMATEÏS-KOPPEL, Frédéric DEMATEÏS) Introduction à l’hommage rendu à Denise Sadek-Khalil lors de son inhumation le 20 avril 2012 (Nadine SERVAJEAN) Réalisation TORI 01 43 46 92 92 Impression : CIA Bourgogne texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page1 Sommaire décembre 2014 N° 260 Rééducation Orthophonique Ce numéro est dirigé par Pascale TREMBLAY, Ph.D., professeure en réadaptation (orthophonie) à l’Université Laval et chercheure au centre de recherche de l’Institut Universitaire en Santé Mentale de Québec Neuroimagerie et orthophonie : de la recherche à la pratique clinique 1. La neuroimagerie au cœur de la recherche et de la pratique clinique en orthophonie, Pascale Tremblay, Québec 1. Introduction à la neuroimagerie et à son application dans l’étude du langage et de la cognition, Michel-Pierre Coll, Sophie Blais-Michaud, Philip L. Jackson, Québec 2. La nature sensorimotrice de la parole, Krystyna Grabski, Montréal et Marc Sato, Montréal et Aix-en-Provence 3. Le rôle du gyrus supramarginal lors du traitement phonologique, Isabelle Deschamps, Québec et Shari Baum, Québec et Montréal 4. La sémantique, la lecture de mots irréguliers et les lobes temporaux antérieurs, Sabryna Bergeron, Dominique Pichette, Gabrielle Ciquier, Catherine Dubé, Simona M. Brambati, et Maximiliano A. Wilson, Québec et Montréal 5. Neuroimagerie du vieillissement normal du langage et de la parole, Melody Courson et Pascale Tremblay, Québec 6. Substrats neuronaux et fonctionnels de la perception de la parole chez les porteurs de l’implant cochléaire, Maxime Maheu, Julie Roy, Sara Pagé et François Champoux, Montréal 7. Imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) et orthophonie : Quelles applications cliniques ? Edith Durand, Diana Mina, Elisa Vauclare, Marika Beaudoin Landry, Francis Tremblay, et Ana Inés Ansaldo, Montréal 1. Contribution de l’IRM à l’analyse de la physiologie de la déglutition et des dysphagies oropharyngées : étude fonctionnelle des prothèses intra-laryngées, Florence Guilleré, Strasbourg 3 5 33 59 83 103 135 151 171 1 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page2 1. Quelques outils pour comprendre l’imagerie par résonance magnétique et se repérer dans le cerveau, Melody Courson, Québec Comité de lecture pour le numéro Pascale Tremblay, Ph. D. Isabelle Deschamps, Ph. D. Krystyna Grabski Ph. D. Marc Sato, Ph. D. Melody Courson, Orthophoniste Merci à Line Charron, Orthophoniste et à Amélie Richard, Orthophoniste 2 201 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page3 La neuroimagerie au cœur de la recherche et de la pratique clinique en orthophonie Pascale Tremblay, Ph.D. 1 Département de Réadaptation Université Laval 1050 avenue de la Médecine Québec (QC), CANADA, G1V 0A6 Courriel : [email protected] Les orthophonistes sont de plus en plus souvent exposés à des données de neuroimagerie, et particulièrement à des données d’imagerie par résonance magnétique (IRM), que ce soit dans leur pratique clinique, ou dans la recherche de données probantes dans la littérature scientifique. Très présents dans la littérature scientifique, les outils de neuroimagerie modernes ont en effet considérablement modifié notre compréhension de l’architecture des systèmes cérébraux impliqués dans le contrôle de la voix, de la parole et du langage au cours des deux dernières décennies. Ces connaissances nous aident aujourd’hui à mieux comprendre les manifestations cliniques des atteintes neurologiques et à développer des interventions basées sur des modèles théoriques plus élaborés et plus réalistes sur le plan neurobiologique. Les outils de neuroimagerie modernes sont également d’une grande utilité pour établir des diagnostics précis et comprendre l’étiologie des troubles de la parole et du langage, ainsi que pour l’élaboration de plans d’intervention, et pour l’évaluation de l’efficacité des interventions orthophoniques. Toutefois, du fait de leur complexité et de leur constante évolution, il est parfois difficile de se tenir au fait des nouvelles technologies, de leur portée, et des avancées scientifiques et cliniques qu’elles permettent. L’objectif de ce numéro est donc de faire un tour d’horizon des différentes techniques de neuroimagerie et de neuromodulation (stimulation non invasive du cerveau) afin de les rendre plus accessibles et de faciliter (et même favoriser !) leur utilisation dans le domaine de l’orthophonie, autant en recherche qu’en clinique. De l’imagerie par résonance magnétique anatomique, à l’étude de la connectivité en passant 1. Centre de Recherche de l’Institut Universitaire en Santé Mentale de Québec, Québec City, QC, Canada 2. Département de Réadaptation, Faculté de Médecine, Université Laval, Québec City, QC, Canada Rééducation Orthophonique - N° 260 - décembre 2014 3 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page4 par la stimulation magnétique transcranienne (TMS), ce numéro spécial vous fera découvrir les possibilités infinies de la neuroimagerie dans le domaine de l’orthophonie ! Ainsi, en ouverture du numéro, Coll, Blais-Michaud et Jackson présentent une introduction aux principaux outils et techniques d’analyse utilisés en neuroimagerie et en neuromodulation et aux différentes applications de ces méthodes dans le domaine de l’orthophonie et des sciences du langage. En complément d’information, en toute fin de numéro, Courson présente quelques sites internet fascinants portant sur le fonctionnement du cerveau et sur la neuroimagerie. Les sept autres contributions de ce numéro présentent l’état actuel des connaissances dans différentes sphères de la recherche en orthophonie, allant de la recherche fondamentale à la recherche clinique, sans oublier les applications cliniques. Ces contributions portent sur les bases neurologiques des aspects sensorimoteurs de la parole (Grabski et Sato), sur le rôle du gyrus supramarginal dans le traitement phonologique (Deschamps et Baum), sur le rôle des lobes temporaux dans le traitement sémantique et dans la variante sémantique de l’aphasie primaire progressive (Bergeron, Pichette, Ciquier, Dubé, Brambati, et Wilson). L’article de Courson et Tremblay présente l’état des connaissances sur le vieillissement du cerveau et ses impacts sur le langage et la parole. Les deux contributions suivantes discutent de l’utilisation de l’IRM et de la neuromodulation dans l’étude du phénomène de la réorganisation (« plasticité ») du cerveau chez deux populations cliniques différentes, les porteurs d’implants cochléaires (Maheu, Roy, Pagé et Champoux) et les patients aphasiques (Durand, Mina, Vauclare, Beaudoin Landry, Tremblay, et Ansaldo). Finalement, une autre application des méthodes d’imagerie est également présentée, laquelle porte sur l’utilisation de l’IRM intra-laryngée dans le traitement des troubles de la déglutition (Guilleré). Ainsi, à travers une série de contributions méthodologiques et scientifiques fascinantes, ce numéro spécial vise à démontrer les avancées majeures qui ont été faites dans le domaine de la neuroimagerie, et les retombées scientifiques et cliniques capitales que ces avancées ont eu dans le vaste et passionnant domaine de la neuroimagerie et de l’orthophonie ! Bonne lecture ! 4 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page5 Introduction à la neuroimagerie et à son application dans l’étude du langage et de la cognition Michel-Pierre Coll, Sophie Blais-Michaud, Philip L. Jackson Résumé Le développement des différentes techniques de neuroimagerie ainsi que l’amélioration de l’accessibilité des appareils rendent la connaissance de ces techniques et la compréhension des analyses qui y sont associées particulièrement importantes pour les cliniciens et les chercheurs du domaine du langage. Deux principaux types de neuroimagerie sont utilisés pour l’étude de la cognition et du langage, soit la neuroimagerie structurelle permettant d’observer et mesurer l’anatomie du système nerveux central et la neuroimagerie fonctionnelle, permettant de mesurer l’activité cérébrale. Une des méthodes les plus couramment employées pour effectuer ces deux types de neuroimagerie est l’imagerie par résonance magnétique (IRM). Le présent article offre un résumé des principales techniques d’IRM utilisées dans le cadre de la recherche dans le domaine du langage. Plus précisément, il présente une description du fonctionnement des techniques ainsi que du type de données pouvant être recueillies avec celles-ci. Les analyses les plus typiques, des exemples pertinents pour la clinique, ainsi que les avantages et inconvénients de l’IRM par rapport aux autres techniques de neuroimagerie sont discutés. Finalement, deux techniques de neurostimulation pouvant être utiles à l’étude et à l’intervention sur le langage sont brièvement présentées. Mots clés : langage, neuroimagerie, cognition, imagerie par résonance magnétique, neurostimulation. Rééducation Orthophonique - N° 260 - décembre 2014 5 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page6 Introduction to neuroimaging methods and their applications in the study of langage and cognition Abstract The development of different neuroimaging techniques and the increased accessibility to neuroimaging devices make it particularly important for clinicians and researchers in the fields of language and cognition to understand the functioning of these techniques as well as the analyses and results associated with their usage. Two main neuroimaging techniques are used for the study of cognition and language, namely, structural neuroimaging, which allows the observation and measurement of the anatomy of the central nervous system, and functional neuroimaging, which allows the measurement of brain activity. One of the most common methods used for these two types of neuroimaging is magnetic resonance imaging (MRI). This article provides a summary of the MRI techniques used in research in the field of language. More precisely, it presents a description of the functioning of these techniques and of the types of data that they can collect. The most typical analyses, clinically relevant examples, as well as the the advantages and disadvantages of MRI compared to other neuroimaging techniques are discussed. Finally, a different set of tools for investigating brain functions, neurostimulation techniques, are briefly discussed. Key Words : language, neuroimaging, cognition, magnetic cerebral imaging, neurostimulation. 6 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page7 Michel-Pierre COLL 1-2-3 Sophie BLAIS-MICHAUD 1 Philip L. JACKSON 1-2-3 1 - École de Psychologie Québec, Canada, G1V 0A6 2 - Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale (CIRRIS) Québec, Canada, G1M 2S8 3 - Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Québec Québec, Canada, G1J 2G3 Correspondance : Philip L. JACKSON, Ph.D. Professeur agrégé École de psychologie Pavillon Félix-Antoine-Savard 2325, rue des Bibliothèques Université Laval, Québec (Québec) G1V 0A6 Courriel : [email protected] L es progrès techniques récents dans le domaine de la neuroimagerie rendent son utilisation possible pour de multiples applications cliniques et scientifiques. En effet, l’augmentation de l’accessibilité aux appareils ainsi que le développement et la diffusion des techniques et outils d’analyse ont mené à une explosion du nombre de publications utilisant la neuroimagerie au cours des dernières années. Il importe donc pour tout clinicien et chercheur désirant rester à l’affût des plus récents résultats de recherche dans son domaine de posséder une compréhension minimale des différentes techniques de neuroimagerie. Ceci afin d’évaluer de façon critique la littérature scientifique et, dans la mesure du possible, d’intégrer ces nouvelles connaissances à sa pratique. On distingue deux grands types de techniques de neuroimagerie, soit la neuroimagerie structurelle et la neuroimagerie fonctionnelle. La première vise à acquérir des informations détaillées sur l’anatomie du système nerveux tandis que la seconde vise à étudier son activité. L’imagerie structurelle permet de documenter plusieurs aspects précis de l’anatomie, comme le volume de structures cérébrales, l’ampleur des connexions entre différentes régions ou la présence d’anomalies au sein du système nerveux (p.ex. tumeur, lésion). L’imagerie fonctionnelle permet, quant à elle, d’étudier l’activité cérébrale de façon dynamique, souvent en réponse à des stimuli particuliers ou lors de tâches perceptuelles, motrices ou cognitives précises. 7 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page8 Une des principales méthodes de neuroimagerie, de plus en plus utilisée dans le domaine du langage et de la cognition, est l’imagerie par résonance magnétique (IRM). L’IRM est une technique non invasive, qui présente très peu d’inconvénients pour le patient ou le participant à une recherche et qui possède de nombreux avantages par rapport aux autres techniques de neuroimagerie comme la topographie par émission de positons (TEP), l’électroencéphalographie (EEG) et la magnétoencéphalographie (MEG). La variété des examens qu’il est possible de conduire avec cette technique en fait également une méthode très polyvalente qui permet d’étudier et d’évaluer plusieurs aspects du cerveau tant sur sa structure que sur sa fonction. En effet, bien que l’IRM ait été développée initialement comme une technique de neuroimagerie structurelle, d’autres types d’acquisitions et d’analyses en font également un des principaux appareils de neuroimagerie fonctionnelle de nos jours. Le présent article offre donc une description sommaire du fonctionnement, du type de données pouvant être recueillies, des analyses les plus typiques et quelques exemples appliqués à la cognition et au langage pour les différents types d’examens et d’analyses d’IRM, en plus de présenter les principaux avantages et inconvénients de l’IRM par rapport aux autres techniques de neuroimagerie. Finalement, un ensemble de techniques de neurostimulation en émergence en neurosciences fonctionnelles seront brièvement discutées. ♦ IRM structurelle IRM anatomique L’IRM anatomique, souvent seulement nommée IRM (ou IRMa pour IRM anatomique), est effectuée à l’aide d’un appareil comportant un aimant très puissant dont la force du champ magnétique peut varier entre 1,5 et 7 teslas sur les appareils commerciaux (soit plus de 25 000 fois le champ magnétique naturel de la terre). Certains appareils de recherche atteignent présentement jusqu’à 9,4 teslas chez l’humain (Vaughan et al., 2006 ; Qian et al., 2012). Le signal capté par l’appareil repose sur les changements d’orientation des atomes d’hydrogène, élément le plus présent dans le corps humain. Alors que les atomes d’hydrogène sont habituellement en état de rotation aléatoire, une partie de ceux-ci s’alignent à la direction du champ magnétique fixe produit par l’aimant de l’appareil d’IRM. Ensuite, un émetteur présent dans la machine envoie de l’énergie sous forme d’impulsions de radiofréquence à ces atomes. Cette énergie cause un changement temporaire dans l’orientation de certains atomes. Une fois l’impulsion de radiofréquence terminée, ces atomes reviennent à leur état de repos et émettent à leur tour une énergie qui sera captée par l’émetteur (Figure 8 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page9 1). Cette étape est nommée résonance. Le temps nécessaire pour qu’un atome excité par l’impulsion de radiofréquence revienne à son état de repos (temps de relaxation) varie selon le type de tissus dans lequel cet atome se situe (p. ex., matière blanche, matière grise, liquide céphalorachidien ; voir Figure 2). Ce sont ces différences qui permettent de distinguer les différents types de tissus. Finalement, la localisation spatiale de la position d’un atome particulier est possible grâce à des champs magnétiques beaucoup plus faibles (champs de gradients) à l’intérieur du champ fixe qui font varier la fréquence de la résonance des atomes localisés à différents endroits dans le corps. La reconstruction mathématique de ce signal recueilli à travers les différents niveaux du cerveau (tranches) permet de produire une image du cerveau à haute résolution et en trois dimensions. Chacune de ces images est composée d’unités de volume nommées voxels (équivalent du pixel d’une image en 2-D, mais possédant une 3e dimension, soit la profondeur) dont la dimension et le nombre varient en fonction de la résolution de l’image, de la capacité de l’appareil et selon l’objectif de l’examen (p.ex. visualiser l’ensemble du cerveau ou visualiser une région en particulier). Analyse des données de l’IRM anatomique Ce type d’image en trois dimensions du cerveau permet de distinguer clairement différentes structures cérébrales (voir Figure 2 et Tableau 1A). Elles sont donc fréquemment utilisées afin d’identifier la présence de lésions ou d’anomalies dans les milieux cliniques. Elles peuvent aussi être utilisées en recherche pour décrire et localiser la lésion ou l’anomalie d’un patient pour étudier l’impact sur son fonctionnement. Par contre, la simple observation de cette reconstruction du cerveau est peu informative pour étudier la relation entre les structures et leurs fonctions. Des mesures ont donc été développées afin de quantifier, entre autres, le volume et la forme des structures cérébrales, l’épaisseur de la matière blanche et de la matière grise et l’aire et la surface corticale. Ces mesures permettent ensuite d’étudier le lien entre ce volume et les processus cognitifs ou langagiers associés. La principale technique de quantification de l’IRM structurelle est la morphométrie basée sur les voxels (MBV). Cette technique vise à segmenter une structure cérébrale particulière afin de mesurer son volume (en cm3 ou mm3) pour ensuite étudier le lien entre ce volume et différents facteurs (p. ex. présence de pathologies, performance à des tâches). Par exemple, Krafnick, Flowers, Napoliello et Eden (2011) ont utilisé cette technique afin de quantifier les changements de volume cortical à la suite d’une intervention intensive auprès d’enfants dyslexiques. L’intervention était basée sur l’imagerie et la visualisa- 9 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page10 tion de lettres, puis de mots de plus en plus complexes. Des aspects tactiles et moteurs ainsi que verbaux étaient aussi intégrés à l’intervention où les participants devaient tracer des lettres tout en prononçant le son associé. Les auteurs ont observé des changements de volume spécifiques à cette intervention dans plusieurs régions associées à la lecture, dont le gyrus fusiforme gauche et l’hippocampe bilatéral. Bien que la nature exacte de ces changements structuraux au point de vue cellulaire soit encore le sujet de plusieurs recherches, la possibilité de mesurer des corrélats neurophysiologiques associés à une intervention clinique informe sur la pertinence d’utiliser une intervention en plus de permettre de préciser sa spécificité et de l’ajuster au besoin. Une autre technique d’analyse des données d’IRM structurelle similaire à la MBV est la mesure de l’épaisseur corticale. En effet, comme la matière grise se situe principalement à la surface du cerveau, il est possible d’étudier l’épaisseur de celle-ci afin d’évaluer les changements morphologiques associés au développement, au vieillissement, à un apprentissage, à une intervention ou à une pathologie. Afin de mesurer cette épaisseur, il est tout d’abord nécessaire de segmenter (subdiviser) l’IRM structurelle selon ses composantes, soit la matière blanche, la matière grise, le liquide céphalorachidien, le crâne et les méninges. Ensuite, on utilise diverses opérations mathématiques pour différencier les gyrus et mesurer l’épaisseur du cortex (voir Fischl et Dale, 2000, pour plus d’information sur ces opérations). Une fois cette mesure déterminée, il est possible de produire des cartes anatomiques illustrant, à l’aide d’un code de couleurs, les changements d’épaisseur corticale observés entre deux groupes ou entre deux temps de mesure. Rogalski et collaborateurs (2011) ont utilisé cette mesure pour étudier de façon longitudinale les changements morphologiques du cerveau chez des patients présentant une aphasie progressive primaire de type logopénique, agrammatique ou sémantique. En début de maladie, des différences morphologiques étaient évidentes entre les patients présentant les différents types d’aphasie. Plus spécifiquement, les atrophies se situaient dans le cortex postérieur inférieur droit pour la variante logopénique, dans le cortex préfrontal dorso-latéral et le gyrus frontal inférieur pour la variante agrammatique, et dans le lobe temporal antérieur pour la variante sémantique. Toutefois, au second temps de mesure, 2 ans plus tard, les auteurs ont observé une atrophie corticale similaire pour tous les types d’aphasie, suggérant que les distinctions entre ces types d’aphasie s’estompent avec la progression clinique. L’imagerie par résonance magnétique de diffusion La MBV et l’épaisseur corticale permettent de quantifier principalement la matière grise cérébrale contenant les corps neuronaux. Toutefois, la matière 10 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page11 blanche est également intéressante à quantifier et à étudier. La matière blanche représente les axones des cellules nerveuses. Elle est nommée matière blanche, car une couche de lipide recouvre les axones afin de les isoler et de faciliter la transmission du signal nerveux. Comme ces fibres nerveuses assurent la communication nerveuse entre les cellules et les différentes régions cérébrales, il est important d’étudier l’impact de leur volume, de la normalité de leur architecture et de leur intégrité sur les fonctions langagières. L’imagerie par résonance de diffusion désigne un ensemble de techniques d’IRM qui permettent d’imager ces fibres nerveuses cérébrales (Tableau 1B). Une de ces techniques souvent utilisées est nommée l’Imagerie par diffusion du tenseur (IDT). Cette technique est basée sur une mesure de la diffusion des molécules d’eau dans les tissus cérébraux. Comme la direction de celles-ci est contrainte par la présence de membranes cellulaires, il est possible de reconstruire mathématiquement une image des axones du système nerveux en mesurant les vecteurs de diffusion de l’eau, qui ont tendance à suivre les fibres, lors de la résonance magnétique. L’IDT est parfois utilisée en neurochirurgie afin de guider le chirurgien et ainsi de lui permettre de préserver le plus possible certaines voies nerveuses dans des régions visées par l’opération. Sundaram, Sivaswamy, Makki, Behen et Chugani (2008) ont utilisé l’IDT afin d’évaluer la présence et le volume d’une des principales voies nerveuses impliquées dans le langage, soit le faisceau arqué, chez des enfants présentant un retard de développement caractérisé par des habiletés cognitives et langagières déficitaires. Le faisceau arqué est souvent décrit comme reliant deux aires cérébrales impliquées dans la production et la compréhension du langage, soit le gyrus frontal inférieur et le cortex supratemporal postérieur. Toutefois, les aires précises reliées par le faisceau arqué sont remises en question par des travaux récents (voir Dick, Bernal et Tremblay, 2013). De plus, bien que les aires reliées par le faisceau arqué soient traditionnellement appelées aires de Broca et de Wernicke, il est à noter que cette terminologie est anatomiquement non spécifique. Les travaux récents en neuroimagerie suggèrent l’utilisation d’une terminologie anatomiquement précise comme le gyrus frontal inférieur postérieur (analogue à l’aire de Broca) et le cortex supratemporal postérieur (analogue à l’aire de Wernicke). En mesurant ce faisceau chez des enfants présentant un retard de développement, les chercheurs ont pu constater qu’il était absent soit des deux hémisphères pour neuf des vingt patients à l’étude ou seulement de l’hémisphère gauche chez deux autres patients. Toutefois, le faisceau était présent dans les deux hémisphères chez tous les enfants avec un développement typique du groupe contrôle. Ces résultats suggèrent l’importance de cette voie pour le développement normal du langage et de la cognition puisque son absence est associée à des déficits au niveau de 11 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page12 ces sphères. L’émergence de cette technique de neuroimagerie a également permis de remettre en question la conception classique des voies nerveuses centrales associées au langage. Une revue de littérature des études de neuroimagerie s’intéressant aux principaux réseaux impliqués dans le langage suggère que cette fonction est supportée par des réseaux beaucoup plus distribués dans le cerveau que ceux qui sont classiquement décrits (Dick et Tremblay, 2012). Angiographie par résonance magnétique Un autre aspect structurel du cerveau qu’il est possible d’imager à l’aide de l’IRM est sa vascularisation, avec l’angiographie par résonance magnétique (ARM). Plusieurs méthodes d’ARM existent, mais la plus fréquemment utilisée repose sur l’injection dans le sang d’un agent de contraste. Cet agent de contraste consiste souvent en une molécule radioactive (p. ex. gadolinium) qui se distribue dans le système vasculaire, réduisant le temps de relaxation des molécules du sang, et qui permet d’obtenir un contraste net entre celui-ci et les autres types de tissus (Tableau 1C). Il est donc possible, par la suite, de déceler plusieurs anomalies du système vasculaire, comme la présence d’anévrismes. Cette technique peut également être utilisée afin d’imager la localisation et l’ampleur d’un accident vasculaire cérébral hémorragique. Ainsi, les différentes techniques d’imagerie structurelle sont utilisées pour obtenir des détails sur l’anatomie du système nerveux. Elles permettent de quantifier le volume de différentes structures du cerveau, d’imager les connexions nerveuses cérébrales, et d’identifier des anomalies présentes dans le système nerveux. Toutefois, c’est l’IRM fonctionnelle qui permet de mesurer l’activité cérébrale de façon dynamique. ♦ IRM fonctionnelle (IRMf) Principes de l’IRMf L’IRMf est basée sur les mêmes principes physiques que l’IRM structurelle, mais s’intéresse particulièrement à la résonance des protons d’hydrogènes présents dans le sang plutôt que dans les différents tissus. En effet, cette technique s’appuie sur le principe de couplage neurovasculaire, soit le lien entre le système vasculaire et le système nerveux. Bien que les mécanismes cellulaires précis du couplage neurovasculaire contribuant au signal enregistré en IRMf fassent encore l’objet de débats (Moreno, Jego, de la Cruz, et Canals, 2013), il est communément accepté que plus une région du cerveau est active et impliquée dans un processus, plus le débit sanguin vers cette région augmente, et plus l’oxygène sanguin sera transféré du sang vers les neurones ou cellules 12 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page13 gliales de cette région (Arthurs et Boniface, 2002). On nomme cette activité vasculaire associée à l’activité cérébrale « activité hémodynamique ». Ainsi, l’IRMf est basée sur un contraste qui dépend du niveau d’oxygène sanguin. Le sang oxygéné (haute concentration d’hémoglobine) présente des propriétés magnétiques différentes du sang désoxygéné (haute concentration de désoxyhémoglobine). Il est donc possible, avec l’IRMf, de déterminer dans quelles régions du cerveau les changements de concentration d’hémoglobine et de désoxyhémoglobine varient, et donc, d’évaluer quelles régions sont plus actives pendant une condition cible, comparativement à une condition contrôle. Puisque les paramètres des impulsions de radiofréquence utilisées en IRMf visent à optimiser le contraste du niveau d’oxygène sanguin, les structures et tissus sont alors moins visibles lors de la reconstruction des images. Ainsi, on superpose généralement les images recueillies en IRMf à une IRM structurelle du même participant afin de visualiser plus facilement les structures étudiées. L’IRMf mesure l’activité métabolique associée à l’activité cérébrale et non directement l’activité électrique des neurones. On qualifie donc cette technique de neuroimagerie fonctionnelle indirecte, par rapport aux techniques de neuroimagerie fonctionnelle directe qui enregistrent directement l’activité électrique neuronale (p.ex. EEG et MEG). Ceci a pour désavantage de limiter la résolution temporelle de l’IRMf, c’est-à-dire sa capacité à étudier précisément le décours temporel de l’activité cérébrale ou à distinguer l’activité relative à des évènements présentés en succession rapide. En effet, plusieurs étapes physiologiques sont nécessaires avant que l’activité cérébrale ne se traduise en activité métabolique. La réponse hémodynamique débute habituellement près d’une seconde après l’évènement qui la déclenche et atteint son maximum de 4 à 8 secondes plus tard (Matthews, 2002). Il est donc difficile, voire impossible, d’utiliser l’IRMf pour étudier la réponse du cerveau immédiatement après la présentation du stimulus ou l’initiation de la tâche. Certaines techniques de présentation et d’analyse permettent toutefois de pallier partiellement ce désavantage (Burock, Buckner, Woldorff, Rosen, et Dale, 1998). La résolution temporelle de l’IRMf est donc de l’ordre de la seconde (Matthews, 2002). Cette latence de la réponse hémodynamique présente par contre certains avantages pour l’étude du langage ou de l’audition. En effet, des considérations importantes doivent être prises en compte lors de l’utilisation de l’IRMf pour l’étude du langage. L’appareil d’IRM est bruyant (variant de ~80 à 120 dB selon l’appareil et les paramètres d’acquisition utilisés) et l’acquisition est très sensible aux mouvements du participant. En effet, un mouvement de quelques millimètres de la tête lors de l’acquisition peut rendre les données difficiles à analyser et à interpréter. Ainsi, l’étude du langage dans un tel environnement 13 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page14 nécessite l’utilisation de différents moyens visant à minimiser l’impact du bruit de l’appareil et des mouvements d’articulations sur les résultats obtenus. Une des méthodes de choix pour l’étude de la compréhension et de la production du langage est celle de l’échantillonnage sporadique (sparse sampling ; Hall et al., 1999 ; Eden, Joseph, Brown, Brown, et Zeffiro,1999). Cette méthode consiste à cesser l’acquisition d’images alors que le participant écoute des sons ou parle, et d’ensuite lancer l’acquisition immédiatement après la tâche. Comme la réponse hémodynamique présente une latence d’environ une seconde et qu’elle atteint son maximum de 4-8 secondes après son initiation, il est possible de mesurer la réponse même si l’appareil n’est pas actif au moment de l’écoute ou de la production de paroles. La validité de cette technique pour l’étude du langage a été établie, et ce, même pour des tâches exigeant des mouvements orofaciaux importants (Gracco, Tremblay, et Pike, 2005). Analyse des données d’IRMf Puisque la densité des neurones et la vascularisation dans les différentes régions du cerveau varient, il est nécessaire de prendre des précautions lorsque l’on désire comparer l’activité de deux régions avec l’IRMf. En effet, il est nécessaire de s’assurer que la différence d’activité hémodynamique entre ces deux régions n’est pas due à une différence de vascularisation, soit en comparant des régions similaires (p.ex. une région de l’hémisphère droit par rapport à la région analogue dans l’hémisphère gauche) ou en tenant compte de cette différence lors des analyses. L’IRMf est toutefois plus souvent utilisée afin de comparer l’activité d’une région donnée lors de deux ou plusieurs conditions, états, ou entre différents participants (Donaldson et Bucknar, 2002). Lorsque l’IRMf est utilisée pour étudier le langage et la cognition, une approche par soustraction des processus est généralement adoptée. En effet, l’activité cérébrale lors d’une tâche donnée est associée à de nombreux processus cognitifs, sensoriels et moteurs. Par exemple, une simple conversation implique l’activation de régions impliquées dans la planification, l’activité motrice associée à l’articulation, la récupération des représentations en mémoire sémantique, la mémoire de travail, l’audition, etc. Ainsi, lorsqu’on désire étudier l’activité liée à un processus particulier, il importe de l’isoler le plus possible en conceptualisant une tâche contrôle permettant de soustraire l’activité liée aux processus non étudiés. Par exemple, pour étudier la perception de la parole, on peut enregistrer l’activité cérébrale lors de l’écoute de paroles et y soustraire l’activité cérébrale lors de l’écoute de paroles présentées de façon inversée (« reversed speech ») et donc sans signification (p. ex. Binder et al., 2000). Ainsi, il est postulé que l’activité cérébrale reliée à des processus non spécifiques à la compréhension du langage, comme la stimulation auditive, sera éliminée puisqu’elle est présente à 14 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page15 la fois dans la condition d’intérêt et dans la condition contrôle. De nombreuses études d’IRMf utilisant la soustraction des processus se sont intéressées à la production et à la compréhension du langage chez des individus sains ou présentant diverses pathologies. Par exemple, Giraud et collaborateurs (2008) ont étudié l’activation cérébrale chez des enfants présentant un bégaiement lors de la lecture à haute voix à laquelle était soustraite une condition contrôle de lecture silencieuse de signes sans signification. Suite à cette soustraction, l’activité des régions indiquant une activité significativement différente lors de la lecture à voix haute par rapport à la lecture silencieuse a été corrélée avec un index de la sévérité du bégaiement (défini comme le pourcentage de syllabes bégayées dans quatre contextes de conversation différents). Les auteurs ont observé une corrélation significative entre l’activité des noyaux moteurs sous-corticaux (noyau caudé et substance noire) impliqués dans le contrôle du mouvement volontaire et la sévérité du bégaiement. De plus, ils ont par la suite effectué une intervention en orthophonie auprès de ces mêmes participants nommée Kassel Stuttering Therapy, une version informatisée de la thérapie par formation de la fluidité (Webster, 1974). Cette intervention intensive et multidimensionnelle de trois semaines utilise une tâche informatisée au cours de laquelle les participants doivent, entre autres, prononcer des mots à des rythmes d’abord lents, puis de plus en plus rapides, tout en recevant une rétroaction (Euler et von Gudenberg, 2002). La mesure de l’activité cérébrale fonctionnelle à la suite de cette intervention montre que l’activité des noyaux gris centraux lors de la lecture à voix haute ne corrèle plus significativement avec la sévérité du bégaiement mesurée avant la thérapie. Ainsi, la diminution des symptômes de bégaiement permise par la thérapie est accompagnée d’un changement de l’activité dans les régions initialement identifiées comme problématiques. Les chercheurs interprètent ce résultat comme une démonstration que la thérapie permet de réguler l’activité cérébrale problématique dans le réseau de production de la parole plutôt que de mener à l’utilisation de mécanismes compensateurs. Parallèlement à l’approche par soustraction des processus, il est également possible d’utiliser une approche paramétrique. L’approche paramétrique est basée sur l’idée que les processus cognitifs impliqués dans une tâche donnée sont plus ou moins utilisés en fonction des caractéristiques de la tâche. Ainsi, il est possible de concevoir différentes conditions expérimentales qui recrutent de façon plus ou moins prononcée les processus étudiés. Tagamets, Novick, Chalmers et Friedman (2000) ont utilisé une approche paramétrique pour étudier le traitement orthographique des mots lus. Au cours d’une expérience en IRMf, ils ont manipulé, de façon paramétrique, la familiarité orthographique de mots lus en utilisant quatre niveaux, soit des mots, des pseudomots, des séries de lettres 15 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page16 et des séries de fausses lettres. Ainsi, ils ont pu conclure que ces variations dans la familiarité orthographique étaient liées à une activité plus ou moins intense dans les régions associées au traitement sémantique et/ou phonologique qui était effectué à chacun de ces niveaux. L’approche paramétrique et l’approche par soustraction des processus permettent d’identifier les régions qui sont plus ou moins actives lors d’une condition donnée en comparaison à une condition contrôle et sont utiles pour répondre à certaines questions de recherche. Par contre, ces approches dites « localisationistes » sont parfois critiquées puisqu’elles peuvent facilement mener à tort à réduire un processus cognitif ou langagier complexe à l’activité d’une seule région cérébrale (Uttal, 2001 ; Poldrack, 2010). Comme les structures cérébrales sont hautement interconnectées, l’activité cérébrale ne peut être réduite à l’activité d’une seule région, particulièrement lors d’une tâche complexe comme la parole ou la compréhension du langage. Elle découle plutôt de l’activité synchronisée et interactive de plusieurs régions. Certaines techniques d’analyse en IRMf permettent d’étudier cette interaction entre les régions. Parmi celles-ci, l’analyse de la connectivité fonctionnelle (Friston, 1994) permet d’étudier la corrélation temporelle entre l’activité de deux ou plusieurs régions lors d’une tâche donnée. Par exemple, si l’activité d’une région A augmente toujours lors de l’augmentation de l’activité d’une région B, on pourra affirmer que ces deux régions présentent une forte connectivité fonctionnelle. La connectivité fonctionnelle se distingue toutefois de la connectivité anatomique, qui concerne le nombre de fibres nerveuses qui relie deux régions et qui est mesurée à l’aide de l’IDT. Ainsi, il est possible que les régions A et B présentent une haute connectivité anatomique en plus d’une haute connectivité fonctionnelle, mais il est également possible qu’elles présentent une faible connectivité anatomique et que leur connectivité fonctionnelle soit plutôt due à l’activité d’une troisième région médiatrice liant ces deux régions. Sonty, Mesulam, Weintraub, Johnson, Parrish et Gitelman (2007) ont étudié la connectivité fonctionnelle entre le gyrus frontal inférieur postérieur et le cortex supratemporal postérieur, deux régions importantes pour la production et la compréhension du langage. Pour ce faire, ils ont comparé un groupe de patients atteints d’aphasie progressive primaire à un groupe contrôle lors d’une tâche d’appariement sémantique ou visuel. La tâche d’appariement sémantique représentait la condition active dans laquelle les participants devaient indiquer, pour chaque paire de mots qui leur était présentée, si les mots étaient des synonymes ou non. La tâche d’appariement visuel constituait la condition contrôle lors de laquelle les participants devaient indiquer si deux groupes de consonnes sans signification de la même longueur que les mots dans la tâche sémantique 16 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page17 étaient identiques ou non. Un contraste entre ces deux tâches a permis aux chercheurs d’isoler les régions impliquées dans la compréhension de mots chez les patients et les participants contrôles. Ensuite une analyse de connectivité a été effectuée, c’est-à-dire que les chercheurs ont mesuré à quel point l’activité dans chacune de ces régions était reliée à celle des autres régions dans le temps. Les chercheurs ont observé une connectivité réduite entre les deux régions chez le groupe de patients spécifiquement lors de la tâche sémantique. De plus, la diminution de la connectivité était liée à une moins bonne performance à la tâche sémantique. Ces résultats ont amené les auteurs à conclure que les changements dans l’interaction entre deux régions, plutôt que l’hypoactivité d’une région spécifique, pourraient contribuer à l’apparition des déficits observés dans l’aphasie primaire progressive. Enregistrement des signaux physiologiques Afin de raffiner les analyses d’IRMf, il est possible de mesurer d’autres signaux physiologiques comme le rythme cardiaque et la respiration. En effet, puisque des changements subtils dans le niveau d’oxygénation sanguin sont observés en IRMf lors de changements dans le rythme cardiaque ou le rythme et la profondeur de la respiration, la mesure de ces signaux permet de retirer la variance de l’activité hémodynamique associée à ceux-ci (Birn, Diamond, Smith, et Bandettini, 2006). Le rythme cardiaque est mesuré en utilisant des électrodes posées sur la poitrine ou un pléthysmographe placé sur le doigt tandis que le rythme et la profondeur de la respiration sont mesurés à l’aide d’une ceinture placée autour de l’abdomen du participant. De plus, la mesure des signaux physiologiques fournit également des informations très intéressantes sur l’état du participant. En effet, le rythme cardiaque ainsi qu’un autre signal physiologique nommé conductance galvanique (mesure de la résistance de la peau à un faible courant électrique diminuée lors d’une plus grande transpiration) sont des indicateurs de l’activité du système nerveux autonome. Lorsqu’un participant est plus concentré ou qu’il y a un changement dans son état émotionnel, il y aura habituellement une augmentation de l’activité du système nerveux autonome (p.ex. augmentation du rythme cardiaque, dilatation des pupilles, augmentation de la transpiration) lui permettant de se préparer à l’action. Ces mesures peuvent donc être très utiles en combinaison avec l’IRMf pour étudier le traitement des aspects émotionnels du langage, comme la prosodie émotionnelle (Wildgruber, Ackermann, Kreifelts, et Ethofer, 2006). L’IRMf dans les milieux cliniques En plus de ses applications en recherche permettant de mieux comprendre la neuroanatomie fonctionnelle du langage dans les conditions normales et 17 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page18 pathologiques, l’IRMf est de plus en plus utilisée à des fins cliniques. Dans ce contexte, l’IRMf peut être appliquée en temps réel, c’est-à-dire que les analyses, comme la soustraction de l’activité lors de la tâche contrôle, sont faites directement pendant l’acquisition. Il est donc possible d’observer directement à l’écran quelles zones du cerveau sont plus actives lors d’une tâche spécifique pendant l’examen, avec quelques secondes de délai. Ceci permet, par exemple, d’observer rapidement dans quel hémisphère sont latéralisées les fonctions langagières chez un patient afin de tenter de les préserver lors d’une neurochirurgie subséquente (Fernandez et al., 2001). L’IRMf pourrait donc remplacer, dans certains cas, le test hautement invasif à l’amobarbital intracarotidien (test de Wada) qui est typiquement utilisé pour évaluer cette latéralisation (Bauer, Reitsma, Houweling, Ferrier, et Ramsey, 2013), notamment avant une chirurgie visant à enlever un foyer épileptique dans le cerveau. De plus, l’IRMf en temps réel permet d’effectuer des thérapies par neurofeedback, au cours desquelles le patient observe directement le niveau d’activité dans une région de son cerveau associée à la pathologie ou au processus étudié. L’activité de cette région lors de la séance de neurofeedback est comparée en temps réel à l’activité lors d’une ligne de base et affichée sous forme graphique à l’écran (p.ex. colonne plus ou moins haute selon le niveau d’activité) avec quelques secondes de délai. Le participant observe ce graphique et tente de le modifier (p.ex. augmenter ou diminuer la taille de la colonne) en utilisant la stratégie thérapeutique demandée. On tente donc, par l’utilisation de différentes stratégies thérapeutiques, d’amener le patient à moduler efficacement l’activité dans cette région afin de produire des gains thérapeutiques (Weiskopf et al., 2004). Par exemple, Rota et collaborateurs (2009) ont entraîné des participants sains à augmenter l’activité de leur gyrus frontal inférieur afin d’augmenter leur performance lors des tâches linguistiques. Deux groupes de participants étaient entraînés, soit un groupe expérimental recevant une véritable rétroaction sur leur activité cérébrale et un groupe contrôle recevant à leur insu une fausse rétroaction sur leur activité cérébrale. Deux tâches ont été effectuées avant et après l’entraînement pour chacun de ces groupes, soit une tâche d’identification de la prosodie émotionnelle et une tâche de traitement syntaxique. Au cours de la tâche de prosodie émotionnelle, les participants devaient identifier l’émotion présente dans une phrase prononcée par un acteur parmi quatre émotions possibles (joie, colère, tristesse, neutre). La tâche de traitement syntaxique consistait en une présentation rapide de mots formant une phrase grammaticalement correcte ou non. Les participants devaient indiquer le plus rapidement possible si les mots présentés formaient une phrase grammaticalement correcte ou non suite à la présentation. Les résultats démontrent chez le groupe expérimental une augmentation de la perfor- 18 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page19 mance pour la tâche de prosodie émotionnelle à la suite de l’entrainement, mais pas pour la tâche de traitement syntaxique. Aucune amélioration n’a été observée aux deux tâches pour le groupe contrôle. Ainsi, l’IRMf en temps réel semble être une technique efficace pour procéder à l’entraînement des habiletés langagières. Toutefois, même s’il s’agit d’une technique prometteuse, l’IRMf en temps réel est encore peu utilisée à des fins de neurofeedback thérapeutique étant donné son coût élevé et l’absence d’études montrant clairement l’efficacité et la supériorité de ce genre d’interventions chez des patients (Sulzer et al., 2013). Spectroscopie par résonance magnétique La spectroscopie par résonance magnétique (SRM) permet de mesurer in vivo la composition biochimique du cerveau. Comme l’IRM structurelle, elle s’intéresse à la résonance des molécules d’hydrogène. Par contre, alors que l’IRM structurelle s’intéresse à la résonance de l’hydrogène présent dans un seul type de molécule, soit la molécule d’eau, la SRM s’intéresse à la résonance de ce proton au sein d’autres molécules présentes dans les tissus cérébraux. En effet, les protons d’hydrogène ont des fréquences de résonance différentes en fonction de la molécule à laquelle ils sont liés. Il est donc possible de mesurer la concentration d’une molécule donnée dans une région précise en recherchant sa fréquence de résonance dans le spectre obtenu lors de l’IRM (voir Tableau 1). Puisque la majorité de l’hydrogène dans le cerveau est présent dans les molécules d’eau, il est tout d’abord nécessaire de supprimer la résonance de l’eau en utilisant une séquence d’impulsions de radiofréquence particulière (van der Graaf, 2010). La SRM permet ensuite d’obtenir un spectre de résonance (Tableau 1E) où différents niveaux de résonance sont présents sous forme de pointes pour chacune des fréquences de résonance. La fréquence de résonance de la plupart des molécules présentes dans les tissus cérébraux est connue et il est possible d’identifier quelle molécule est associée à chacune des pointes de résonance. De plus, plus la concentration de la molécule associée est importante, plus le niveau de résonance est grand. On peut ensuite comparer le spectre de résonance pour une ou plusieurs molécules à un spectre cérébral normal. Les principales molécules identifiées par la SRM dans les tissus cérébraux sont la N-Acetyl-Apartate (NAA), la choline (Cho) et les groupes de lipides (LL). La concentration de chacune de ces molécules donne des informations sur la santé des tissus observés. En effet, la NAA est une molécule présente dans les neurones et une haute concentration est associée à la santé neuronale. Certaines études ont, par exemple, montré un lien entre la concentration de NAA et la performance cognitive (Kozlovskiy, Vartanov, Pya- 19 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page20 sik, et Polikanova, 2012) ainsi que le fonctionnement cognitif après un traumatisme crânien (Babikian et al., 2006). La Cho, quant à elle, est présente dans les parois des cellules cérébrales et une augmentation de sa concentration suggère la présence d’une tumeur (Barker, 2014). Finalement, l’augmentation de la concentration des LL survient lors de la présence d’une maladie ou d’un évènement entraînant la destruction de cellules nerveuses (Poptani et al., 1995). La SRM peut donc être un outil clinique très utile pour évaluer la présence ou la progression de différentes neuropathologies (van der Graaf, 2010). Toutefois, étant donné la durée de l’examen (1-3 minutes par voxel, donc plusieurs heures pour le cerveau entier), l’acquisition en SRM est souvent limitée à un nombre réduit de voxels. Par contre, plusieurs groupes de recherche tentent de développer des séquences de SRM permettant de réduire le temps d’acquisition et d’ainsi acquérir le spectre du cerveau entier dans un temps raisonnable (20 à 30 minutes ; Ding et al., 2014). Ces séquences restent toutefois peu disponibles et il est donc présentement difficile d’utiliser la SRM pour étudier le cerveau en entier. Il faut donc généralement limiter l’étude à une région préalablement choisie (van der Graaf, 2010). La SRM peut aussi être utilisée pour étudier le fonctionnement cérébral lors de tâches cognitives ou langagières en s’intéressant à la concentration de neurotransmetteurs associés à l’activité neuronale excitatrice ou inhibitrice, comme la glutamine et le GABA. On peut, par exemple, mesurer la concentration du GABA au repos dans une région particulière afin de prédire la performance ou la réponse à une stimulation (Muthukumaraswamy, Edden, Jones, Swettenham, et Singh, 2009 ; Eden, Muthukumaraswamy, Freeman, et Singh, 2009). Étant donné que cette technique est récente, encore peu d’études ont utilisé la SRM pour étudier le fonctionnement du langage et de la cognition, outre certaines études comprenant des tâches cognitives simples (p.ex. Michels et al., 2012). Avantages et inconvénients de l’IRM par rapport aux autres techniques de neuroimagerie L’IRM est une technique non invasive et sécuritaire lorsqu’utilisée correctement. Les principaux critères d’exclusion à un examen en IRM sont reliés à la puissance du champ magnétique, comme la présence d’implants métalliques ou de stimulateurs cardiaques. De plus, bien que certains appareils ouverts soient disponibles sur le marché, et que les compagnies qui fabriquent ces appareils se penchent ardemment sur cette question, la plupart des appareils d’IRM nécessitent l’insertion du patient dans un tube où l’espace est restreint. Cette particularité mène généralement à l’exclusion des participants claustrophobes, obèses ou 20 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page21 de très grande taille. Ainsi, étant donné cet espace restreint, la grande sensibilité au mouvement et le bruit très puissant de l’appareil, il peut être délicat d’utiliser l’IRM avec des populations spécifiques, comme certaines populations psychiatriques ou avec les enfants. Des séances de préparation dans des imitations d’appareils en bois reproduisant le bruit et l’espace restreint de l’IRM sont parfois réalisées avant un véritable examen afin de familiariser les participants avec la machine sans débourser pour son utilisation. En ce qui concerne l’imagerie structurelle, l’IRM est souvent comparée à la tomodensitométrie par rayon X. La tomodensitométrie est généralement l’examen clinique de première ligne lorsqu’une anomalie cérébrale est suspectée étant donné la grande disponibilité de ces appareils, la rapidité de l’examen et leur coût moins élevé que l’IRM. L’absence de contre-indications relatives au métal ou à la claustrophobie permet également d’imager de façon sécuritaire la plupart des patients et d’étudier la présence de corps étrangers métalliques. La tomodensitométrie permet aussi d’étudier en détail les structures osseuses comme le crâne, ce qui est impossible à faire en IRM. Par contre, la tomodensitométrie présente une résolution nettement inférieure à l’IRM pour ce qui est des autres tissus cérébraux, ce qui la rend moins utile pour identifier des anomalies plus subtiles ou pour étudier l’anatomie dans un contexte de recherche. De plus, comme elle utilise des rayons X, chaque examen envoie au patient une dose de radiation ionisante, ce qui en fait une technique invasive. Même si le niveau de radiation émis par un seul examen de tomodensitométrie est inférieur au seuil de dangerosité (Comité scientifique sur les effets des radiations atomiques des Nations Unies ; CSERANU, 2000), ce facteur doit être pris en considération lorsque plusieurs examens sont requis ou lorsque l’examen est effectué dans un contexte de recherche. Pour l’imagerie fonctionnelle, l’IRMf est une des meilleures techniques en ce qui concerne la résolution spatiale, soit la capacité à localiser précisément l’origine anatomique de l’activité cérébrale (environ quelques mm avec les techniques actuelles ; Ugurbil et al., 2013). Les techniques d’imagerie fonctionnelle directes comme la M/EEG enregistrent plutôt le signal électrique à la surface du scalp et celui-ci est influencé par les différents tissus qu’il doit traverser (crâne, méninges, peau, cheveux, etc.). La localisation de l’origine du signal avec ces techniques est donc souvent laborieuse et imprécise comparativement à l’IRMf, particulièrement pour les structures cérébrales profondes. Par contre, l’utilisation du changement du niveau d’oxygène sanguin comme marqueur de l’activité cérébrale est à la source d’une des principales faiblesses de l’IRMf, soit sa faible résolution temporelle. Ainsi, de plus en plus de devis de recherche visent à profiter des avantages relatifs à chacune de ces techniques en combinant, par 21 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page22 exemple, l’enregistrement de l’activité EEG à un examen d’IRM, bien que cette approche comporte d’importants défis techniques (Debener et al., 2006). L’IRMf est également souvent comparée à la tomographie par émission de positons (TEP), une autre technique d’imagerie fonctionnelle indirecte basée sur l’activité métabolique. La TEP a pour principe d’utiliser un traceur radioactif (p.ex. Fluorodésoxylucose) qui se lie à une molécule particulière jouant un rôle dans l’activité métabolique ou nerveuse du cerveau (p.ex. glucose ou neurotransmetteur). Le traceur émet, sous forme de radiation, des positons qui seront annihilés lorsqu’ils entreront en collision avec un électron. Cette collision produira des photons captés par l’appareil. La TEP possède une résolution spatiale similaire à celle de l’IRMf, mais une résolution temporelle inférieure (MeyerLindenberg, 2010). De plus, elle a pour inconvénient de nécessiter l’injection chez le patient d’une molécule radioactive. Même si elle est sécuritaire et que la radiation reçue par le patient est inférieure au seuil de dangerosité, l’injection d’un traceur radioactif fait de la TEP une technique invasive. Aussi, comme les molécules radioactives ont une demi-vie limitée (p.ex. 110 minutes dans le cas du F18), le transport et le stockage de celles-ci peuvent être complexes, particulièrement si l’appareil est situé loin du cyclotron nécessaire pour les produire. Toutefois, en utilisant des molécules radioactives qui vont se lier à des molécules cérébrales d’intérêt, la TEP rend possible l’imagerie de certaines composantes difficiles à imager précisément en IRM, comme les plaques amyloïdes associées à la maladie d’Alzheimer (Johnson et al., 2013). ♦ Neurostimulation Depuis quelques décennies, de nouvelles techniques permettant d’influencer directement le fonctionnement cérébral de façon sécuritaire et non invasive ont été développées et perfectionnées. Ces techniques dites de neurostimulation sont de plus en plus utilisées pour des applications cliniques et pour la recherche sur les processus cérébraux puisque, bien qu’elles ne soient pas à proprement parler des techniques de neuroimagerie, elles permettent de moduler directement l’activité cérébrale et ainsi découvrir des liens entre les régions stimulées, les processus cognitifs et le comportement. De plus, cette manipulation de l’activité cérébrale a comme avantage substantiel de permettre d’établir des hypothèses causales sur l’association entre un processus cognitif et une région cérébrale (p. ex. l’activité de la région cérébrale A est nécessaire au processus cognitif B), contrairement aux techniques décrites précédemment qui utilisent habituellement des hypothèses de recherche corrélationnelles (p. ex. l’activité de la région cérébrale A est associée au processus cognitif B). La possibilité d’in- 22 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page23 fluencer directement l’activité cérébrale de façon sécuritaire (Nitsche et al., 2008 ; Rossi, Hallett, Rossini & Pascual-Leone, 2009) permet aussi d’utiliser la neurostimulation à des fins thérapeutiques. Deux techniques de neurostimulation sont plus couramment utilisées, soit la stimulation magnétique transcrânienne (SMT) et la stimulation transcrânienne à courant continu (STCC). Stimulation magnétique transcrânienne Comme son nom l’indique, la SMT est effectuée grâce à un appareil permettant d’envoyer des impulsions électromagnétiques à travers les tissus afin d’influencer le fonctionnement neuronal. L’appareil de SMT est constitué d’une bobine de fil recouverte d’une gaine de plastique que l’on pose sur la tête du participant et qui permet de transformer le courant dans le fil électrique en impulsion électromagnétique focale, perpendiculaire à la bobine. Ce champ magnétique traverse les différents tissus de la tête et lorsque de courtes impulsions (environ 100 microsecondes) atteignent le cerveau, elles pénètrent la membrane des neurones dans une région ciblée créant un potentiel d’action ou un potentiel postsynaptique (Terao & Ugawa, 2002) qui aura comme conséquence d’activer ou d’inhiber cette région. Cette impulsion est relativement précise et permet, par exemple, de faire bouger un muscle particulier de la main en stimulant la partie correspondante du cortex moteur. Afin d’augmenter la précision de la stimulation, on peut guider la position de la bobine sur la tête afin de se positionner au-dessus de la région cérébrale voulue en utilisant un système de neuronavigation qui aide à positionner la bobine en fonction d’une image de l’IRM structurelle du participant préalablement obtenue. Cette impulsion peut être utilisée pour étudier l’implication du système sensorimoteur dans différents contextes. Par exemple, Fadiga et collaborateurs (2002) ont utilisé la STM pour stimuler la région du cortex moteur associée à la langue tout en mesurant l’activité motrice de la langue. Ils ont observé que lors de l’écoute de mots, l’activité motrice de la langue provoquée par la stimulation était plus grande que lors de l’écoute de pseudo-mots. Cette étude suggère donc que le système moteur pourrait jouer un rôle dans la perception du langage. Dans le domaine du langage et de la cognition, la STM est souvent utilisée de façon répétitive (STMr), c’est-à-dire que plusieurs impulsions sont envoyées en chaine afin de modifier l’activité d’une région cérébrale pendant toute la durée de la stimulation. Lorsque les impulsions sont envoyées à haute fréquence (> 5 Hz) elles provoquent généralement une excitation de la zone stimulée, tandis que les chaines d’impulsions à basse fréquence (≤ 1 Hz) mènent généralement à une inhibition de la zone stimulée (Pascual-Leone, Vallis-Solé, Wassermann & Hallett, 1994 ; Chen et al., 1997). 23 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page24 L’inhibition soutenue provoquée par la stimulation à basse fréquence est souvent nommée « lésion virtuelle » puisqu’elle diminue significativement la possibilité que la région stimulée contribue au fonctionnement cognitif. Par exemple, afin d’étudier la contribution du lobe temporal antérieur au traitement des aspects sémantiques du langage, Holland et Lambon Ralph (2010), ont demandé à des participants de générer les formes passées de verbes anglais réguliers ou irréguliers avant et après avoir reçu une STMr à basse fréquence sur cette région. Après avoir reçu la stimulation, les participants étaient plus lents et effectuaient plus d’erreurs pour la génération des formes passées des verbes irréguliers par rapport à leur performance avant la stimulation tandis qu’ils étaient plus rapides pour la génération de verbes réguliers. Ces résultats suggèrent que le temporal antérieur est important pour récupérer et sélectionner les représentations sémantiques des verbes irréguliers. Cette technique peut aussi être utilisée à des fins thérapeutiques. En se basant sur plusieurs résultats suggérant que l’aphasie après un accident vasculaire cérébral est associée à une hyperactivation du gyrus frontal inférieur droit et à une hypoactivation du gyrus frontal inférieur gauche, Khedr et collaborateurs ont développé une intervention utilisant simultanément deux systèmes de STM afin d’inhiber et d’exciter respectivement ces régions (Khedr et al., 2014). Ils ont combiné ces stimulations à un programme spécifique d’entraînement du langage utilisant plusieurs soustests de la batterie Boston Diagnostic Aphasia Examination (Goodglass & Kaplan, 1983). Leurs résultats démontrent que les patients ayant reçu de véritables stimulations combinées à l’intervention en orthophonie montrent davantage d’amélioration que les patients ayant reçu des stimulations placébos (son de l’appareil sans stimulation réelle) et l’intervention en orthophonie. La STMr est donc un outil prometteur pour le traitement des troubles du langage qui est probablement appelé à être de plus en plus utilisé dans les milieux cliniques (voir Murdoch & Barwood, 2013). Stimulation transcrânienne à courant continu Alors que la SMT envoie une très courte impulsion électromagnétique, la stimulation transcrânienne à courant continu (STCC) envoie un très faible courant électrique (1-2 microampères) dans le cerveau pour des durées plus longues (10-30 minutes). Ainsi, cette technique ne permet pas de créer des potentiels d’actions neuronaux ou postsynaptiques, mais permet plutôt de modifier les propriétés membranaires des neurones d’une région et d’ainsi les rendre plus faciles ou difficiles à exciter lors d’une tâche effectuée pendant ou après la stimulation. En effet, une stimulation en STCC de 9 à 13 minutes sur le cortex moteur permet d’observer une augmentation de l’excitabilité de cette région jusqu’à 90 minutes poststimulation (Nitsche & Paulus, 2001). 24 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page25 Le fonctionnement de la STCC est simple : deux électrodes de polarité contraire (anode et cathode) sont posées sur le crâne. Une des électrodes est posée sur la région cible tandis que l’autre est posée sur une région de référence. Ensuite, le courant est envoyé et traverse le cerveau de façon à voyager d’une électrode à l’autre. Si on désire augmenter l’excitabilité de la région cible, on y pose l’anode tandis que la cathode est posée sur la région de référence, mais si on désire diminuer cette excitabilité, on pose la cathode sur la région cible et l’anode sur la région de référence. Les appareils de tDCS présentement disponibles ont une faible résolution spatiale, c’est-à-dire que les électrodes ont des dimensions de plusieurs centimètres carrés et qu’il est donc difficile de stimuler une région de façon focale et précise. Toutefois, de nouveaux systèmes permettant une stimulation plus précise (STCC à haute définition) sont de plus en plus utilisés (p. ex. Richardson, Datta, Dmochowski, Parra & Fridriksson, 2014). Néanmoins, cette simplicité de fonctionnement, le coût relativement peu élevé de l’appareil ainsi que la possibilité de modifier à long terme le fonctionnement cérébral ont entrainé un grand intérêt pour la STCC dans l’étude et le traitement du fonctionnement langagier. Par exemple, Sparing et collaborateurs (2008) ont observé une augmentation de la performance lors de la dénomination d’images chez des participants sains suite à une stimulation excitatrice de 7 minutes du cortex périsylvien postérieur. Aussi, de façon similaire à la STMr, quelques études suggèrent l’efficacité de la STCC pour traiter les déficits langagiers causés par un accident vasculaire cérébral, bien que davantage d’études avec de plus grands échantillons soient nécessaires pour démontrer clairement son efficacité (Kugler, Pohl & Mehrholz, 2013). Bien que de plus en plus accessibles et prometteuses, ces techniques de neurostimulation nécessitent quand même une expertise approfondie en neuroscience et des groupes d’experts se penchent périodiquement pour émettre des recommandations quant aux paramètres considérés comme étant sécuritaires pour différentes utilisations de ces techniques (Nitsche et al., 2008 ; Rossi et al., 2009). ♦ Conclusion En somme, de nombreuses techniques de neuroimagerie sont disponibles pour étudier le langage dans ses aspects normaux et pathologiques. Certaines de ces techniques peuvent également contribuer au diagnostic de pathologies reliées au langage ou à la cognition, en plus d’évaluer et de guider les interventions cliniques. L’IRM permet de documenter les aspects structurels, fonctionnels et biochimiques du cerveau. Son caractère non invasif et sa grande résolu- 25 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page26 tion spatiale en font un appareil de choix comparativement aux autres techniques disponibles pour l’étude du langage. Elle présente toutefois certaines limites, comme une faible résolution temporelle, qui doivent être prises en compte lorsqu’elle est utilisée en recherche ou en clinique. Le présent article a survolé de façon sommaire et vulgarisée les différentes techniques de neuroimagerie pouvant être effectuées en IRM et les techniques d’analyse associées à chacune d’elles pour l’étude du langage. Il importe toutefois de souligner que chacune de ces techniques nécessite de nombreuses étapes de planification, d’acquisition et de traitement des données qui n’ont pas été discutées et qui sont complexes et laborieuses. Ainsi, malgré l’augmentation de la disponibilité des appareils de neuroimagerie, une connaissance approfondie de la technique utilisée demeure nécessaire pour effectuer des travaux de recherche ou cliniques de qualité. L’avenir de la neuroimagerie pour l’étude du langage réside donc certainement dans une approche multidisciplinaire où orthophonistes, neuroscientifiques, informaticiens, mathématiciens et physiciens combinent leurs compétences et leur expertise afin d’optimiser l’utilisation de ces nouvelles technologies pour l’étude et le traitement des troubles du langage. REFERENCES ARTHURS, O. J., & BONIFACE, S. (2002). How well do we understand the neural origins of the fMRI BOLD signal ? TRENDS in Neurosciences, 25(1), 27-31. BABIKIAN, T., FREIER, M. C., ASHWAL, S., RIGGS, M. L., BURLEY, T., & HOLSHOUSER, B. A. (2006). MR spectroscopy : Predicting long term neuropsychological outcome following pediatric TBI. Journal of Magnetic Resonance Imaging, 24(4), 801-811. BARKER, P. B. (2014). Diagnosis and characterization of brain tumors : MR spectroscopic imaging. Dans J.J. Pillai (Ed.) Functional Brain Tumor Imaging (pp. 39-55). New York : Springer. BAUER, P. R., REITSMA, J. B., HOUWELING, B. M., FERRIER, C. H., & RAMSEY, N. F. (2013). Can fMRI safely replace the Wada test for preoperative assessment of language lateralization ? A meta-analysis and systematic review. Journal of Neurology, Neurosurgery & Psychiatry. doi:10.1136/jnnp-2013-305659 BINDER, J. R., FROST, J. A., HAMMEKE, T. A., BELLGOWAN, P. S. F., SPRINGER, J. A., KAUFMAN, J. N., & POSSING, E. T. (2000). Human temporal activation by speech and non-speech sounds. Cerebral Cortex, 10, 512-528. BIRN, R. M., DIAMOND, J. B., SMITH, M. A., & BANDETTINI, P. A. (2006). Separating respiratoryvariation-related fluctuations from neuronal-activity-related fluctuations in fMRI. Neuroimage, 31(4), 1536-1548. BUROCK M. A., BUCKNER, R. L., WOLDORFF, M. G., ROSEN, B. R., & DALE, A. M. (1998). Randomized event-related experimental designs allow for extremely rapid presentation rates using functional MRI. Neuroreport 9,3735–3739. 26 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page27 CHEN, R., GERLOFF, C., CLASSEN, J., WASSERMANN, E.M., HALLETT, M. & COHEN, L.G. (1997). Safety of different inter-train intervals for repetitive transcranial magnetic stimulation and recommendations for safe ranges of stimulation parameters. Electroencephalography and Clinical Neurophysiology, 105(6), 415-421. Comité scientifique sur les effets des radiations atomiques des Nations Unies (2000). Sources and effects of ionizing radiation : sources (Vol. 1). United Nations Publications. DEBENER, S., ULLSPERGER, M., SIEGEL, M., & ENGEL, A. K. (2006). Single-trial EEG–fMRI reveals the dynamics of cognitive function. Trends in cognitive sciences, 10(12), 558-563. DICK, A.S., BERNAL, B., & TREMBLAY, P. (2013). The language connectome : New pathways, new concepts. The Neuroscientist, e-pub ahead of print. DICK, A. S., & TREMBLAY, P. (2012). Beyond the arcuate fasciculus : consensus and controversy in the connectional anatomy of language. Brain, 135(12), 3529-3550. DING, X. Q., MAUDSLEY, A. S., SABATI, M., SHERIFF, S., DELLANI, P. R., & LANFERMANN, H. (2014). Reproducibility and reliability of short-TE whole-brain MR spectroscopic imaging of human brain at 3T. Magnetic resonance medicine, e-pub ahead of print. DONALDSON, D., & BUCKNAR, R. (2002). Effective paradigm design. Dans P. Jezzard, P.M. Matthews, & S.M. Smith (Eds.) Functional MRI : An introduction to methods (pp. 3-34). New York : Oxford University Press. EDEN, G. F., JOSEPH, J. E., BROWN, H. E., BROWN, C. P., & ZEFFIRO, T. A. (1999). Utilizing hemodynamic delay and dispersion to detect fMRI signal change without auditory interference : the behavior interleaved gradients technique. Magnetic Resonance in Medicine, 41(1), 13-20. EDEN, R. A., MUTHUKUMARASWAMY, S. D., FREEMAN, T. C., & SINGH, K. D. (2009). Orientation discrimination performance is predicted by GABA concentration and gamma oscillation frequency in human primary visual cortex. The Journal of Neuroscience, 29(50), 15721-15726. EULER, H. A., & von GUDENBERG, A.W. (2002). The Kassel Stuttering Therapy : Do follow-up compliance incentives help maintain fluency shaping treatment effects ? In M. Gross & E. Kruse (Eds.), Aktuelle phoniatrisch-pädaudiologische Aspekte 2001/2002 (pp. 107–110). Heidelberg : Median-Verlag von Killisch-Horn FERNANDEZ, G., de GREIFF, A., von OERTZEN, J., REUBER, M., LUN, S., KLAVER, P., & ELGER, C. E. (2001). Language mapping in less than 15 minutes : real-time functional MRI during routine clinical investigation. Neuroimage, 14(3), 585-594. FISCHL, B., & DALE, A.M. (2000). Measuring the thickness of the human cerebral cortex from magnetic resonance images. Proceedings of the National Academy of Sciences, 97(20), 11050-11055. FRISTON, K. J. (1994). Functional and effective connectivity in neuroimaging : a synthesis. Human brain mapping, 2(1 2), 56-78. GIGANDET, X., HAGMANN, P., KURANT, M., CAMMOUN, L., MEULI, R., & THIRAN, J. P. (2008). Estimating the confidence level of white matter connections obtained with MRI tractography. PLoS One, 3(12), e4006. GIRAUD, A.-L., NEUMANN, K., BACHOUD-LEVI, A.-C., VON GUDENBERG, A.W., EULEUR, H.A., LANFERMANN, H., & PREIBISCH, C. (2008). Severity of dysfluency correlates with basal ganglia activity in persistent developmental stuttering. Brain and Language, 104(2), 190199. GOODGLASS, H., & KAPLAN, E. (1983). The assessment of aphasia and related disorders 2nd Ed. Philadephia, PA : Lea & Febiger. GRACCO, V. L., TREMBLAY, P., & PIKE, B. (2005). Imaging speech production using fMRI. Neuroimage, 26(1), 294-301. HALL, D. A., HAGGARD, M. P., AKEROYD, M. A., PALMER, A. R., SUMMERFIELD, A. Q., ELLIOTT, M. R., & BOWTELL, R. W. (1999). Sparse temporal sampling in auditory fMRI. Human brain mapping, 7(3), 213-223. HOLLAND, R., & LAMBON RALPH, M. A. (2010). The anterior temporal lobe semantic hub is a part of the language network : selective disruption of irregular past tense verbs by rTMS. Cerebral cortex, 20(12), 2771-2775. 27 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page28 FADIGA, L., CRAIGHERO, L., GIOVANNI, B., & RIZZOLATI, G. (2002). Speech listening specifically modulates the excitability of tongue muscles : a TMS study. European Journal of Neuroscience, 15, 399-402. JOHNSON, K. A., MINOSHIMA, S., BOHNEN, N. I., DONOHOE, K. J., FOSTER, N. L., HERSCOVITCH, P., & THIES, W. H. (2013). Appropriate use criteria for amyloid PET : a report of the Amyloid Imaging Task Force, the Society of Nuclear Medicine and Molecular Imaging, and the Alzheimer’s Association. Journal of Nuclear Medicine, 54(3), 476-490. KHEDR, E.M., El-FETOH, N.A., ALI, A.M., El-HAMMADY, D.H., KHALIFA, H., ATTA, H. & KARIM A.A. (2014). Dual-Hemisphere repetitive transcranial magnetic stimulation for rehabilitation of poststroke aphasia : A randomized, double-blind, clinical trial, doi:10.1177/1545968314521009 KOZLOVSKIY, S., VARTANOV, A., PYASIK, M., & POLIKANOVA, I. (2012). Working memory and Nacetylaspartate level in hippocampus, parietal cortez and subventricular zone. International Journal of Psychology, 47, 584. KRAFNICK, A. J., FLOWERS, D. L., NAPOLIELLO, E. M., & EDEN, G. F. (2011). Gray matter volume changes following reading intervention in dyslexic children. Neuroimage, 57(3), 733-741. KUGLER, E.B., POHL, M. & MEHRHOLZ, J. (2013). Transcranial direct current stimulation (tDCS) for improving aphasia in patients after stroke (Review). The Cochrane Library, 6. MATTHEWS, P.M. (2002). Introduction to functional magnetic resonance imaging of the brain. Dans P. Jezzard, P.M. Matthews, & S.M. Smith (Eds.) Functional MRI : An introduction to methods (pp. 3-34). New York : Oxford University Press. MEYER-LINDENBERG, A. (2010). From maps to mechanisms through neuroimaging of schizophrenia. Nature, 468(7321), 194-202. MICHELS, L., MARTIN, E., KLAVER, P., EDEN, R., ZELAYA, F., LYTHGOE, D. J., & O’GORMAN, R. L. (2012). Frontal GABA levels change during working memory. PloS one, 7(4), e31933. MORENO, A., JEGO, P., de la CRUZ, F., & CANALS, S. (2013). Neurophysiological, metabolic and cellular compartments that drive neurovascular coupling and neuroimaging signals. Frontiers in neuroenergetics, 5. MURDOCH, B.E. & BARWOOD, C.H.S. (2013). Non-invasive brain stimulation : A new frontier in the treatment of neurogenic speech-language disorders. International Journal of Speech-Language Pathology, 15(3), 234-244. MUTHUKUMARASWAMY, S. D., EDEN, R. A., JONES, D. K., SWETTENHAM, J. B., & SINGH, K. D. (2009). Resting GABA concentration predicts peak gamma frequency and fMRI amplitude in response to visual stimulation in humans. Proceedings of the National Academy of Sciences, 106(20), 8356-8361. NITSCHE, M.A. & PAULUS, W. (2001). Sustained excitability elevations induced by transcranial DC motor cortex stimulation in humans. Neurology, 57(10), 1899-1901. NITSCHE, M.A., COHEN, L.G., WASSERMAN, E.M., PRIORI, A., LANG, N., ANTAL, A., PASCUAL-LEONE, A. (2008). Transcranial direct current stimulation : State of the art 2008. Brain Stimulation, 1, 206-223. PASCUAL-LEONE, A., VALLIS-SOLÉ, J, WASSERMANN, E.M., & HALLETT, M. (1994). Responses to rapid-rate transcranial magnetic stimulation of the human motor cortex. Brain, 117(4), 847-858. POLDRACK, R. A. (2010). Mapping mental function to brain structure : how can cognitive neuroimaging succeed ? Perspectives on Psychological Science, 5(6), 753-761. POPTANI, H., GUPTA, R. K., ROY, R., PANDEY, R., JAIN, V. K., & CHHABRA, D. K. (1995). Characterization of intracranial mass lesions with in vivo proton MR spectroscopy. American journal of neuroradiology, 16(8), 1593-1603. QIAN, C., MASAD, I. S., ROSENBERG, J. T., ELUMALAI, M., BREY, W. W., GRANT, S. C., & GOR’KOV, P. L (2012). A volume birdcage coil with an adjustable sliding tuner ring for neuroimaging in high field vertical magnets : Ex and in vivo applications at 21.1 T. Journal of Magnetic Resonance, 221, 110-116. RICHARDSON, J.D., DATTA, A., DMOCHOWSKI, J., PARRA, L. & FRIDRIKSSON, J. (2014). HDtDCS to enhance behavioral treatment for aphasia : A feasibility study. Brain Stimulation, 7(2), e9. 28 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page29 ROGALSKI, E., COBIA, D., HARRISON, T. M., WIENEKE, C., WEINTRAUB, S., & MESULAM, M. M. (2011). Progression of language decline and cortical atrophy in subtypes of primary progressive aphasia. Neurology, 76(21), 1804-1810. ROSSI, S., HALLETT, M., ROSSINI, P.M. & PASCUAL-LEONE A (2009). Safety, ethical considerations, and application guidelines for the use of transcranial magnetic stimulation in clinical practice and research. Clinical Neurophysiology, 120(12), 2008-2039. ROTA, G., SITARAM, R., VEIT, R., ERB, M., WEISKOPF, N., DOGIL, G., & BIRBAUMER, N. (2009). Self regulation of regional cortical activity using real time fMRI : The right inferior frontal gyrus and linguistic processing. Human brain mapping, 30(5), 1605-1614. SONTY, S. P., MESULAM, M.-M., WEINTRAUB, S., JOHNSON, N. A., PARRISH, T. B., & GITELMAN, D. R. (2007). Altered effective connectivity within the language network in primary progressive aphasia. The Journal of Neuroscience, 27(6), 1334-1345. SPARING, R., DAFOTAKIS, M., MEISTER, I.G., THIRUGNANASAMBANDAM, N. & FINK, G.R. (2008). Enhancing language performance with non-invasive brain stimulation – A transcranial direct current stimulation study in healthy humans. Neuropsychologia, 46(1), 261-268. SULZER, J., HALLER, S., SCHARNOWSKI, F., WEISKOPF, N., BIRBAUMER, N., BLEFARI, M. L., & SITARAM, R. (2013). Real-time fMRI neurofeedback : progress and challenges. Neuroimage, 76, 386-399. SUNDARAM, S., SIVASWAMY, L., MAKKI, M., BEHEN, M., & CHUGANI, H. (2008). Absence of arcuate fasciculus in children with global developmental delay of unknown etiology : a diffusion tensor imaging study. Journal of Pediatrics. 152, 250-255. TAGAMETS, M. A., NOVICK, J. M., CHALMERS, M. L., & FRIEDMAN, R. B. (2000). A parametric approach to orthographic processing in the brain : an fMRI study. Journal of Cognitive Neuroscience, 12(2), 281-297. TERAO, Y., UGAWAM Y. (2002). Basic mechanisms of TMS. Journal of Clinical Neurophysiology, 19(4), 322-343. UGURBIL, K., XU, J., AUERBACH, E. J., MOELLER, S., VU, A. T., DUARTE-CARVAJALINO, J. M & YACOUB E. (2013). Pushing spatial and temporal resolution for functional and diffusion MRI in the Human Connectome Project, NeuroImage, 80(13), 8-104. UTTAL, W. R. (2001). The new phrenology : The limits of localizing cognitive processes in the brain. The MIT Press. van der GRAAF, M. (2010). In vivo magnetic resonance spectroscopy : basic methodology and clinical applications. European Biophysics Journal, 39(4), 527-540. VAUGHAN, T., DELABARRE, L., SNYDER, C., TIAN, J., AKGUN, C., SHRIVASTAVA, D., & UGURBIL, K. (2006). 9.4 T human MRI : preliminary results. Magnetic Resonance in Medicine, 56(6), 1274-1282. WEBSTER, R. L. (1974). The precision fluency shaping program : speech reconstructions for stutterers. Roanoke VA : Communications development cooperation. WEISKOPF, N., SCHARNOWSKI, F., VEIT, R., GOEBEL, R., BIRBAUMER, N., & MATHIAK, K. (2004). Self-regulation of local brain activity using real-time functional magnetic resonance imaging (fMRI). Journal of Physiology-Paris, 98(4), 357-373. WILDGRUBER, D., ACKERMANN, H., KREIFELTS, B., & ETHOFER, T. (2006). Cerebral processing of linguistic and emotional prosody : fMRI studies. Progress in brain research, 156, 249-268. 29 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page30 Figures et tableau Tableau 1. Illustration des différentes techniques d’imagerie discutées ainsi qu’un résumé de leur fonctionnement et applications. (A) Imagerie par résonance magnétique anatomique, (B) Tractographie par résonance magnétique (image : Gigandet et al., 2008 ), (C) Angiographie par réso- 30 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page31 nance magnétique (image : Samuel R. Barnes, image publique, 2009), (D) Imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (image des auteurs), (E) Spectroscopie par résonance magnétique (image des auteurs). Figure 1. Illustration d’une image obtenue avec l’IRM structurelle ainsi que de la segmentation des différents types de tissus cérébraux. Le cerveau moyen de l’Institut Neurologique de Montréal a été utilisé. 31 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page32 Figure 2. Représentation schématique du fonctionnement de l’IRM. (A) À l’état naturel, les protons d’hydrogènes présents dans le cerveau sont alignés dans des directions aléatoires. (B) Dans l’appareil d’IRM, des protons s’alignent au puissant champ magnétique de la machine. (C) Une impulsion de radiofréquence est appliquée perpendiculairement au champ magnétique et cause un changement temporaire de l’orientation de certains protons. (D) Lorsque l’impulsion de radiofréquence cesse, les protons se réaligneront au champ magnétique et émettront à ce moment de l’énergie, ce qui cause un signal de radiofréquence mesurable qui sera capté par l’appareil. Le temps nécessaire pour que ce réalignement soit effectué dépend du type de tissu. 32 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page33 La nature sensorimotrice de la parole Krystyna Grabski, Marc Sato Résumé Les premières étapes d’acquisition de la parole sont traditionnellement considérées comme dépendantes d’une co-structuration des représentations motrices et sensorielles - auditives, visuelles et somatosensorielles - des unités de parole. A partir des premières capacités motrices et de discrimination acoustique, la maturation du système phonologique de l'enfant découlerait de l’imprégnation linguistique ambiante et d’une spécification progressive et conjointe des actes moteurs et des cibles sensorielles pertinentes. Chez l'adulte, de nombreux modèles psycholinguistiques et neurobiologiques de la perception et/ou de la production de la parole appuient également l’idée d’un couplage fonctionnel entre systèmes sensoriels et moteur et ont pour point commun l’importance attribuée aux interactions sensorimotrices. Dans ces modèles, la production de parole impliquerait la mise en œuvre de mécanismes de contrôle moteur en ligne permettant d’évaluer les conséquences sensorielles prédites des actions planifiées en les comparant avec les retours sensoriels effectifs et, de là, de corriger et réguler si nécessaire la réalisation des unités produites. Lors de la perception de la parole, des mécanismes inférentiels de simulation motrice permettraient de déterminer, ou tout du moins de contraindre, l’interprétation phonétique des entrées sensorielles. En regard de ces modèles, l’étude conjointe et systématique des systèmes de perception et de production de la parole et des liens perceptivo-moteurs pourrait permettre de mieux comprendre le langage commun de la perception et de l’action dans la communication parlée. À terme, une meilleure compréhension de ce couplage fonctionnel entre systèmes sensoriels et moteur pourrait permettre d’envisager de nouvelles approches thérapeutiques prenant avantage de ces interactions perceptivo-motrices dans la réadaptation des troubles perceptifs et moteurs de la parole. Mots clés : perception de la parole, production de la parole, interactions sensorimotrices. Rééducation Orthophonique - N° 260 - décembre 2014 33 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page34 The sensorimotor nature of speech Abstract The first steps of speech acquisition are traditionally considered as dependent of a co-structuration of motor and sensory (auditory, visual and somatosensory) representations of speech units. Based upon the earliest motor and acoustic discrimation abilities, the maturation of the phonological system of the infant would result from ambient language impregnation and from progressive and common specification of motor acts and the relevant sensory goals. In adults, numerous psycholinguistic and neurobiological models of speech perception and/or production support the idea of a functional coupling of sensory and motor systems and share the importance of sensorimotor interactions. In these models, speech production involves the implementation of online motor control mechanisms permitting an evaluation of the predicted sensory consequences, and, if necessary, correct and regulate the execution of the produced speech units. In speech perception, inferential motor simulation mechanisms permit to determine, or at least to constrain, the phonetic interpretation of sensory inputs. In light of these models, a joint and systematic investigation of speech perception and production systems and of perceptuo-motor links could lead to a better understanding of the common language of perception and action in spoken communication. Eventually, a better understanding of this functional coupling of sensory and motor systems could help to consider new therapeutic approaches taking advantageof the perceptuo-motor interactions in the rehabilitation of perception and motor speech disorders. Key Words : speech perception, speech production, sensorimotor interactions. 34 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page35 Krystyna GRABSKI 1 Marc SATO 2 1 Montreal Neurological Institute McGill University International Laboratory for Brain Music and Sound Research (BRAMS) and Centre for Research on Brain Language and Music (CRBLM) Montreal, Canada 2 Laboratoire Parole & Langage et Brain and Language Research Institute CNRS & Aix-Marseille Université Aix-en-Provence, France Correspondance : Krystyna Grabski, Ph.D. Cognitive Neuroscience Unit, Montreal Neurological Institute, McGill University 3801 Rue University, Montréal, Québec H3A 2B4, Canada Courriel : [email protected] ♦ La perception de la parole sous l’angle des interactions sensorimotrices C omment parvient-on à traiter le signal de parole pour extraire les invariants phonologiques et décoder l’information linguistique ? Bien que la perception de la parole soit en premier lieu associée à des processus de traitement et de décodage purement auditif, des théories et modèles neurobiologiques proposent que l'interprétation phonétique des informations issues du signal de parole dépende également des connaissances procédurales articulatoires de l’auditeur. Cette première section a pour but une brève présentation de ces différentes approches théoriques et sera suivie d’une description des bases neurales de la perception de la parole et des modèles neurobiologiques récents postulant l’existence de mécanismes sensorimoteurs mis en œuvre dans la compréhension des signaux de parole. ♦ Approches auditives, théories motrices et sensorimotrices Un problème fondamental et ancien en parole concerne la difficulté à décrire de manière simple les relations existantes entre sons et phonèmes. Du fait de la grande variabilité du signal acoustique de parole, les processus de décodage acoustico-phonétique à partir des propriétés et informations issues du signal acoustique restent en effet à ce jour encore largement incompris. Cette 35 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page36 variabilité du signal acoustique de parole provient de nombreuses causes, parfois sous-jacentes et imbriquées. En premier lieu, la variabilité provient évidemment des différences anatomiques et de stratégies articulatoires entre locuteurs (chaque conduit vocal est unique et les stratégies articulatoires liées à la réalisation d’un énoncé linguistique diffèrent parfois grandement). De plus, pour un même locuteur, la production de tout message linguistique implique des mécanismes de co-articulation entre phonèmes produits, soit une combinaison de gestes articulatoires à débit temporel élevé et largement parallélisé. Si ces mécanismes de co-articulation permettent de minimiser l'effort articulatoire produit par le locuteur, cette combinaison de gestes articulatoires est transformée de manière fortement non linéaire en une séquence de sons dans laquelle la correspondance entre sons et gestes est dès lors peu transparente pour l’auditeur … et pour le chercheur. Cette variabilité inhérente du signal acoustique de parole et les relations complexes existant entre sons et phonèmes ont entraîné ces cinquantes dernières années de nombreux débats quant à la nature auditive et/ou motrice des processus mis en œuvre dans le décodage des informations phonétiques à partir des entrées sensorielles. Pour les tenants des approches générales auditives (voir par exemple, Diehl et Kluender, 1989 ; Massaro, 1998 ; Kuhl, 2000 ; Diehl, Lotto et Holt, 2004), l'objet de la perception de la parole serait de nature purement auditive. Les invariants phonémiques seraient récupérés et directement accessibles dans le signal acoustique et traités uniquement par le système auditif, les processus de décodage acoustico-phonétique ne faisant donc pas appel à des mécanismes moteurs articulatoires, ni inférentiels, ni directs. De plus, ces mécanismes de décodage acoustico-phonétique reposeraient sur des mécanismes auditifs et d’apprentissage perceptifs non propres aux seuls sons de parole mais liés à des prédispositions et capacités perceptives plus générales (pour une revue, voir Diehl, Lotto et Holt, 2004). A l’opposé des approches générales auditives, la théorie motrice de la perception de la parole (Liberman et al., 1962, 1967 ; Liberman et Mattingly, 1985 ; Liberman et Whalen, 2000) suppose que les informations issues du signal de parole sont mises en correspondance avec les représentations motrices des gestes articulatoires à l’origine du signal acoustique perçu (en termes de commandes neuromotrices globales plus qu’en termes de gestes articulatoires précis, permettant de minimiser partiellement les problèmes de variabilité articulatoire). En d’autres termes, face à la non-linéarité entre propriétés acoustiques du signal de parole et représentations phonétiques sous-jacentes, Liberman et collègues proposent de considérer les invariants non pas en termes acoustiques mais en termes moteurs. Leur hypothèse est donc que la perception de la parole repose 36 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page37 sur un appariement des représentations phonétiques et des commandes motrices neuronales et sur une récupération des gestes articulatoires du locuteur par l’auditeur. La communication est ainsi rendue possible (1) grâce à un mécanisme de parité des représentations phonétiques et motrices invariantes entre locuteur et auditeur (pour reprendre les termes de Liberman et Whalen, 2000 : "Ce qui compte pour le locuteur doit compter pour l’auditeur"), (2) permettant que les mêmes représentations (de nature motrice dans cette théorie) soient utilisées aussi bien en production qu'en perception de la parole. En désaccord sur le caractère spécifique de la parole et sur la nature intrinsèque de l'objet perceptif, la théorie directe réaliste de la perception de la parole (Fowler 1986, 1996) propose que les processus à la base de la perception des sons de parole et des sons non langagiers reposent sur les mêmes mécanismes perceptifs généraux, également liés à d'autres modalités sensorielles comme la vue ou le toucher. Pour Fowler, la perception de la parole ne repose donc pas sur un module spécifique mais sur des prédispositions et mécanismes perceptifs plus généraux, et consiste en la reconnaissance directe de la nature de la source de la perturbation ressentie/perçue dans l’environnement (par exemple, la lumière pour la vision, la peau pour le toucher et l'air pour l'audition). En d’autres termes, dans cette théorie, ce sont les gestes articulatoires d’un locuteur lors de la réalisation d’un message linguistique qui structurent le signal acoustique, cette information étant supposée contenue dans le signal acoustique et directement perceptible par l’auditeur sans recours à des mécanismes inférentiels. Enfin, face aux approches générales auditives et aux théories motrices, la théorie de la perception pour le contrôle de l'action (Schwartz et al., 2002, 2012 ; voir Figure 1) propose une position de compromis quant à la nature des processus mis en œuvre lors de la perception de la parole, processus ni purement auditifs, ni purement moteurs mais bien sensorimoteurs. Figure 1 : Architecture simplifiée de la perception de la parole selon la théorie de la perception pour le contrôle de l’action (Figure adaptée de Schwartz et al., 2012). 37 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page38 La théorie de la perception pour le contrôle de l’action est notamment basée sur différents postulats théoriques. Premièrement, une co-structuration des systèmes sensoriels et moteurs de la parole est postulée les premières années de vie, notamment du fait de mécanismes exploratoires, imitatifs et d’apprentissage sensorimoteur lors des phases de babillage et d'acquisition des premiers mots chez l'enfant. Cette co-structuration a pour effet la mise en place de cartes sensorimotrices reliant réprésentations sensorielles et motrices de la parole. Deuxièmement, la perception structure l'action. En d’autres termes, le système de perception fournit au système de production des gabarits auditifs, les gestes de parole sont donc façonnés et sélectionnés dans les systèmes phonologiques en regard de leurs propriétés perceptives auditives et visuelles. Enfin, l'action met en forme la perception. Le système perceptif se construit en fonction des contraintes motrices des gestes orofaciaux. Si ce postulat théorique est principalement lié à la période d’acquisition de la parole chez l’enfant, même à l'âge adulte la perception peut impliquer le recours à de telles connaissances procédurales motrices permettant au locuteur d’extraire, de prédire et d’intégrer les évènements sensoriels perçus en ligne de manière cohérente. Bases neurales de la perception de la parole Le cortex auditif qui reçoit et analyse les informations acoustiques est structuré hiérarchiquement en aires primaires, secondaires et tertiaires (ou associatives), anatomiquement organisées dans les parties supérieures et moyennes du lobe temporal. À noter que les connaissances du système auditif cortical humain sont notamment inférées à partir des études sur les primates non humains, dont les aires corticales auditives sont organisées de manière concentrique (aires auditives centrales / 'core', à la ceinture / ‘belt’ et régions auditives entourant la ceinture / 'parabelt’; voir Scott et Johnsrude, 2003). Le premier traitement auditif cortical est effectué au niveau de l'aire auditive centrale (qui correspond à l'aire auditive primaire, située bilatéralement au niveau du gyrus de Heschl) qui répond préférentiellement aux sons purs. Elle est entourée par une ceinture d'aires auditives secondaires, qui reçoivent des informations depuis l'aire primaire et le thalamus auditif, mais effectuent des traitements moins précis en terme tonotopique en favorisant des analyses spectrales des sons plus complexes. Enfin, les régions auditives associatives effectuent des traitements de plus haut niveau des stimuli (notamment de décodage acoustico-phonétique) impliquant des processus d'attention sélective, de mémoire auditive et d'intégration multimodale avec les régions associatives visuelles, somatosensorielles. Il est largement admis que le signal acoustique de parole est traité par des voies parallèles spécialisées dans différents niveaux de traitements. Les pre- 38 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page39 miers traitements acoustiques de bas niveau, non spécifiques aux sons de parole, auraient ainsi lieu dans les gyri temporaux supérieurs dorsaux bilatéraux (incluant le gyrus de Heschl et des régions antérieures du planum temporale). La localisation exacte des régions cérébrales spécialisées dans le décodage acoustico-phonétique et la catégorisation des phonèmes perçus reste néanmoins controversée. En effet, certains chercheurs proposent que les signaux acoustiques complexes (non spécifiques à la parole) sont d’abord traités dans la partie médio-latérale du gyrus/sulcus temporal supérieur et que les représentations phonétiques des sons de parole seraient instanciées suite à ces traitements dans sa partie antérieure (Scott et Johnsrude, 2003 ; Rauschecker et Scott, 2009 ; Rauschecker, 2011). Au contraire, d’autres chercheurs soutiennent que les catégories phonétiques sont instanciées dans la partie postérieure du gyrus temporal moyen et au sein de la partie adjacente du sillon temporal supérieur (Belin et Zatorre, 2000 ; Hickok et Poeppel, 2007). Néanmoins, à ce jour, aucune étude ne permet véritablement d’appuyer ni de contredire l’existence d’une voie auditive antérieure (Scott et Johnsrude, 2003) ou postérieure (Hickok et Poeppel, 2007) impliquée dans les processus de décodage acoustico-phonétique. D’autre part, une spécialisation hémisphérique quant aux traitements de la parole et du langage a été mise en évidence (pour une revue, voir Zatorre, Belin et Penhune, 2002) : l’hémisphère droit semble spécialisé dans le traitement des informations supra-segmentales, notamment prosodiques, et la distinction des hauteurs tonales (pour la perception de la musique par exemple), et l’hémisphère gauche dans les traitements spectro-temporels précis des stimuli auditifs et les processus de discrimination phonétique (voir par exemple, Zatorre et Belin, 2001 ; Zatorre et Gandour, 2008). Poeppel (2003 ; voir également Giraud et Poeppel, 2012) souligne également que le traitement acoustique de la parole se fait sur différents niveaux d'échelles temporelles et propose que l'implication différentielle des deux gyri temporaux peut être expliquée par référence aux fenêtres d'intégration temporelle : l'hémisphère droit traiterait les informations acoustiques au sein de "longues" fenêtres de traitement (entre 150 et 250 ms, soit de l'ordre d'une unité syllabique) alors que l'hémisphère gauche peut analyser des changements acoustiques survenant entre 20 et 40 ms. Enfin, bien que l’audition soit considérée comme la modalité sensorielle principale de la communication parlée, la perception de la parole est par essence multisensorielle. Dans la plupart des situations naturelles, l’auditeur utiliserait les informations visuelles afin d’améliorer l’intelligibilité du message linguistique transmis par le locuteur. De nombreuses études de neuroimagerie fonctionnelle démontrent l’existence de régions spécifiques impliquées dans l’intégration des modalités auditive et visuelle. Il a notamment été constaté 39 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page40 l’activation de la partie postérieure des gyrus et sillon temporaux supérieurs au sein du cortex auditif associatif, principalement dans l’hémisphère gauche, lors de la perception de parole aussi bien auditive, visuelle qu’audio-visuelle (Calvert et al., 1997, 2000 ; Callan et al., 2003, 2004 ; Calvert et Campbell, 2003 ; Skipper et al., 2005, 2007). En accord avec les recherches effectuées sur la région homologue du cerveau de primates non humains, une parcellisation fonctionnelle de cette région a été démontrée chez l’homme en réponse à des stimuli auditifs, visuels et tactiles (soit l'existence de sous-régions activées de manière spécifique par rapport à chacune de ces modalités ; Beauchamps, 2005). De plus, une augmentation d’activité de la partie postérieure des gyrus et sillon temporaux supérieurs a été observée lors de la présentation de stimuli audiovisuels cohérents par comparaison à la somme des activités observées lors de la présentation de stimuli unimodaux auditifs et visuels (réponse supra-additive ; Calvert et al., 1997, 2000). Inversement, une diminution d’activité a été observée dans le cas de stimuli audio-visuels incongruents (réponse sous-additive ; Calvert et al., 1997, 2000). Cette modulation des réponses neuronales serait en partie due à des mécanismes de projection puis de rétropropagation de l’information entre les aires primaires, secondaires et associatives au sein des différentes régions auditives et visuelles (Hertrich et al., 2007). Ainsi, l’implication de cette région en réponse à des stimuli unimodaux et audio-visuels et les phénomènes de supra- et sous-additivité lors de la perception de parole audiovisuelle laissent à penser qu'elle serait le lieu principal d’intégration des signaux auditifs et visuels de parole. Implication du système moteur dans la perception de la parole Face aux modèles phonétiques et psycholinguistiques de la perception de la parole présentés précédemment, la plupart des modèles neurobiologiques actuels s’accordent sinon sur leur rôle précis tout du moins sur l’activation et le recrutement de structures motrices corticales lors de la perception des unités de parole. Avant une présentation de ces différents modèles neurobiologiques, nous présenterons dans cette sous-section différentes études ayant permis d'apporter des éléments nouveaux en faveur de l'implication du système moteur dans l'observation et la reconnaissance de l'action de manière générale, et de la parole en particulier. Ces deux dernières décennies, l’utilisation des nouvelles techniques de neurophysiologie et d’imagerie et les découvertes sur le cerveau des primates humains et non humains ont fourni des arguments empiriques importants en faveur du rôle possible du système moteur dans la reconnaissance des actions. Dans ce cadre, une découverte fondamentale est celle des neurones miroirs au sein des cortex prémoteur et pariétal des singes macaques, formant un système 40 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page41 spécialisé dans l’observation et l’exécution des actions. Les neurones miroir sont des neurones polymodaux visuo-moteurs ou audio-visuo-moteurs localisés dans les cortex prémoteur ventral et pariétal (aires F5 et PF/PFG) du singe macaque et dont les réponses/décharges neuronales interviennent aussi bien lorsque le singe exécute des actions manuelles ou orofaciales que lorsqu’il perçoit visuellement ou entend des actions similaires exécutées par un autre individu (Di Pellegrino et al., 1992 ; Gallese et al., 1996 ; Rizzolatti et al., 1996 ; Ferrari et al., 2003 ; Kohler et al., 2002 ; Keysers et al., 2003 ; Fogassi et al., 2005). L’existence des neurones miroirs suggère ainsi que l’observation d’actions implique partiellement les mêmes circuits neuronaux que ceux utilisés pour la réalisation de ces actions. Depuis cette découverte, de nombreuses études en neurophysiologie et neuroimagerie suggèrent l’existence, bien que controversée, d’un tel système de neurones miroirs chez l’homme (pour des revues, voir Rizzolatti, Fogassi et Gallese, 2001 ; Rizzolatti et Craighero, 2004 ; Rizzolatti et Sinigaglia, 2010). En plus de la reconnaissance de l’action, il a été proposé que le système de neurones miroir chez l’homme jouerait un rôle fondamental dans le traitement de la parole en fournissant un mécanisme neurophysiologique à la base du principe de "parité motrice" entre le locuteur et son interlocuteur (Rizzolatti et Arbib, 1998 ; Arbib, 2005 ; Gentilucci et Corballis, 2006 ; voir aussi Aboitiz et Garcia, 1997). Des arguments plus directs en faveur d’un lien entre la perception et la production de la parole proviennent de l’observation de l’activation des régions motrices (la partie postérieure, operculaire, du gyrus frontal inférieur, le cortex prémoteur ventral et le cortex moteur primaire) et des régions proprioceptives liées aux mouvements orofaciaux (cortex somatosensoriel) lors de tâches de perception de la parole selon des modalités auditive, visuelle ou audio-visuelle (par exemple, Nishitani et Hari, 2002 ; Calvert et Campbell, 2003 ; Callan et al., 2003 ; Paulesu et al., 2003 ; Callan et al., 2004 ; Möttonen et al., 2004 ; Wilson et al., 2004 ; Ojanen et al., 2005 ; Pekkola et al., 2005 ; Skipper, Nusbaum et Small, 2005 ; Pulvermüller et al., 2006 ; Wilson et Iacoboni, 2006 ; Skipper et al., 2007 ; Callan et al., 2010 ; Tremblay et Small, 2011 ; Grabski et al., 2013a). De manière importante, des études montrent une activité accrue de régions du système moteur lors de la perception de parole masquée ou bruitée (Binder et al. 2004 ; Zekveld et al., 2006) par comparaison à des stimuli non bruités. De plus, d’autres études démontrent une plus forte implication du système moteur lors de l'identification de phonèmes non natifs vs. natifs (Callan et al., 2004 ; Wilson et Iacoboni, 2006). Enfin, d'autres études ont également montré une augmentation d’activité des régions motrices frontales lors de la perception audio-visuelle de la parole lorsque les deux modalités étaient phonétique- 41 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page42 ment conflictuelles (par exemple, Ojanen et al., 2005 ; Skipper et al., 2007). Face à ces résultats, le système moteur serait ainsi plus fortement recruté en condition d’écoute difficile ou en cas d’ambiguïté perceptive, dans le but de permettre une meilleure reconnaissance/interprétation phonétique des sons de parole perçus. La technique de stimulation magnétique transcrânienne à impulsion unique (single pulse TMS) a également permis de mettre en évidence un mécanisme de "résonance motrice", correspondant à une augmentation de l'excitabilité des neurones du cortex moteur primaire reliés aux muscles orofaciaux labiaux et linguaux lors de la perception de la parole (Sundara, Namasivayam et Chen, 2001 ; Fadiga et al., 2002 ; Watkins, Strafella et Paus, 2003 ; Watkins et Paus, 2004 ; Roy et al., 2008 ; Sato et al., 2010). Rappelons que cette technique non invasive de stimulation d'une région spécifique du cerveau, lorsqu’elle est appliquée au système moteur à une intensité appropriée, permet l’enregistrement des potentiels évoqués moteurs relatifs à la région motrice stimulée et ainsi de déterminer avec une précision temporelle importante une possible modulation d'excitabilité des neurones de cette région en fonction des différentes conditions expérimentales testées. De plus, lorsqu'une série d'impulsions est délivrée pendant un intervalle de temps donné, cette technique permet de modifier de manière temporaire l'activité de la région stimulée (on parle alors de TMS répétitive ou de TMS à double impulsion) et, de là, de déterminer un possible rôle causal de cette région lors des conditions expérimentales par rapport à une condition de non-stimulation ou à la stimulation d'une région contrôle. Watkins et Paus (2004), en utilisant conjointement les techniques de TMS et de tomographie par émission de positons (PET) ont montré que cette excitabilité du cortex moteur primaire labial lors de la perception de la parole était corrélée avec l’activité du gyrus frontal inférieur postérieur. Enfin, les résultats de certaines études en imagerie magnétique fonctionnelle et par stimulation magnétique transcrânienne à impulsion unique suggèrent également que l’activité au sein des cortex prémoteur ventral et moteur primaire orofacial serait organisée de manière somatotopique en relation avec les effecteurs orofaciaux impliqués dans la production des sons et/ou gestes de parole perçus auditivement et/ou visuellement (Fadiga et al., 2002 ; Pulvermüller et al., 2006 ; Skipper et al., 2007 ; Roy et al., 2008 ; Sato et al., 2010). Si les données de neuroimagerie démontrent clairement le recrutement du système moteur lors de la perception de la parole, ces résultats sont par nature corrélationnels et ne permettent pas de démontrer un rôle médiateur, causal, du système moteur dans la reconnaissance et la compréhension de la parole. En effet, l'activité observée d'une région ne permet pas de déduire son implication 42 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page43 véritable et son importance dans la réalisation de la tâche expérimentale. A contrario, certaines études récentes utilisant les techniques de stimulation électrocorticale au cours d’opérations neurochirurgicales chez des patients éveillés, de TMS répétitive ou de TMS à double impulsion, ont permis de démontrer qu’une modulation temporaire de l’activité neuronale de ces régions perturbe les capacités du sujet dans des tâches phonologiques "complexes" nécessitant un recrutement important de processus de segmentation et de mémoire de travail verbale (Boatmann, 2004 ; Nixon et al., 2004 ; Romero et al., 2006 ; Sato et al., 2009). De manière importante, des effets d’interférence lors de tâches plus simples d’identification ou de discrimination de syllabes sont également observés mais seulement dans le cas de stimuli auditifs ambigus, par exemple présentés dans du bruit blanc (Meister et al., 2007 ; d’Ausilio et al., 2009 ; Möttonen et Watkins, 2009 ; d’Ausilio et al., 2011, 2012 ; Grabski et al. 2013b ; voir également Sato et al., 2011). Il est à noter que les modulations de performance observées dans ces études, bien que significatives, restent néanmoins limitées (de l’ordre de 10%) et que d’autres études TMS ne montrent pas de tels effets d’interférence ou de facilitation dans le cas de stimuli de parole non ambigus (Sato et al., 2009; d’Ausilio et al., 2011). Pris ensemble, les résultats de ces études démontrent néanmoins clairement le rôle fonctionnel causal des régions motrices et prémotrices de l’hémisphère gauche dans la perception de stimuli ambigus de parole et ce, conformément avec l’organisation somatotopique des régions du cortex moteur primaire. ♦ Modèles neurobiologiques de la perception de la parole En accord avec les études démontrant l’activation de régions du système moteur orofacial lors de la perception de la parole, la plupart des modèles neurobiologiques récents de perception de la parole postulent l’existence d’une connexion forte entre les systèmes de perception et de production (pour une revue récente sur les connexions anatomiques entre régions motrices et sensorielles, voir Dick et Tremblay, 2012). Ces modèles ont pour point commun de supposer que les liens entre ces systèmes dérivent de liens perception-action observés pour un large ensemble d’actions non linguistiques et, pour certains, l’existence de mécanismes inférentiels de simulation motrice permettant de contraindre l’interprétation phonétique des entrées sensorielles (Hickok et Poeppel, 2000, 2004, 2007 ; Scott et Johnsrude, 2003 ; Callan et al., 2004 ; Scott et Wise, 2004 ; Wilson et Iacoboni, 2006 ; Skipper et al., 2007 ; Rauschecker et Scott, 2009 ; Rauschecker, 2011 ; Hickok, Houde et Rong, 2011). Nous présenterons dans cette sous-section trois de ces modèles dans lesquels le rôle possible du système moteur diffère sensiblement d’un modèle à l’autre. 43 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page44 Modèle d'analyse par synthèse de Skipper et collaborateurs (voir Figure 2). Figure 2 : Modèle d'analyse par synthèse de Skipper et collaborateurs (Figure adaptée de Skipper et al., 2007). Dans le modèle d'analyse par synthèse proposé par Skipper et al., (2007), l'entrée auditive est tout d'abord traitée par le cortex auditif qui élabore des hypothèses phonémiques. Celles-ci vont être projetées sur le gyrus frontal inférieur et appariées aux buts articulatoires qui peuvent le plus typiquement être à l'origine de ces hypothétiques phonèmes. Ensuite, le cortex prémoteur ventral, en passant par le cortex moteur primaire, simule des commandes motrices sousjacentes et de là, émet des copies d'efférence (soit une copie interne des commandes motrices permettant une simulation et une anticipation des conséquences sensorielles de ces commandes). Celles-ci seront finalement renvoyées au cortex auditif afin de contraindre l'interprétation phonétique de l'hypothèse phonémique. De manière capitale, les auteurs proposent une implication des centres moteurs de la parole en fonction de la modalité de présentation et de l’ambiguïté des entrées sensorielles, et ce d’autant plus que la correspondance entre information sensorielle et catégories phonétiques est dégradée. Modèle de double voie ventrale/dorsale de Hickok et Poeppel (2000, 2004, 2007). Inspiré directement du modèle de deux voies ventrale et dorsale en vision (Milner et Goodale, 1995), le modèle de double voie de la perception auditive de la parole et du langage d’Hickok et Poeppel (2000, 2004, 2007) postule l'existence de deux voies de traitement, respectivement lexico-sémantique ventrale et d’intégration sensorimotrice dorsale. Dans ce modèle, les premiers traitements de décodage du signal perçu consistent en une analyse spectrotemporelle du signal acoustique au sein du cortex auditif primaire et secondaire dans la partie dorsale moyenne du gyrus temporal supérieur bilatéral. Les traitements phonologiques et de décodage acoustico-phonétique sont alors mis en œuvre dans la partie postérieure des sulci temporaux supérieurs. A partir de là, deux voies de traitement, lexico-sémantique ventrale et d’intégration sensorimotrice 44 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page45 dorsale, sont postulées. La voie ventrale apparie les informations auditives/phonologiques avec les représentations conceptuelles lexico-sémantiques localisées au niveau des parties postérieures du gyrus temporal moyen et du sulcus temporal inférieur et des parties antérieures de ces mêmes régions principalement dans l’hémisphère gauche. La voie dorsale apparie les représentations auditives/phonologiques et articulatoires au niveau des régions prémotrices et frontales inférieures de l’hémisphère gauche, la jonction temporo-pariétale gauche (ou aire SPT pour sylvian-parietal-temporal) servant d’interface sensorimotrice. Pour Hickok et Poeppel (2007), la voie dorsale jouerait un rôle critique dans l’appariement des représentations auditives et motrices lors de l’acquisition de la parole et du langage. Chez l’adulte cependant, cette voie dorsale n’est pas considérée comme une composante déterminante de la perception de la parole. Pour les auteurs, les mécanismes d’intégration sensorimotrice mis en œuvre au sein de cette voie joueraient un rôle dans des tâches méta-phonologiques "nonécologiques", soit lorsque l’auditeur doit explicitement utiliser des processus moteurs pour maintenir actives des représentations auditives, par exemple dans des tâches phonologiques ou de mémoire de travail verbale (pour une revue, voir Poldrack et al., 1999 ; Démonet, Thierry et Cardebat, 2005 ; Vigneau et al., 2006). Enfin, un autre rôle de cette boucle sensorimotrice concerne la production de la parole et, plus spécifiquement, des mécanismes de correction et de régulation articulatoires (Hickok, Houde et Rong, 2011 ; Hickok, 2012). Modèle à double voie antérieure/postérieure de Scott, Rauschecker et collègues (2003, 2009, 2011). Basé sur des études liées aux traitements auditifs et visuels chez le primate non humain, un modèle de double voie de la perception auditive de la parole a également été proposé par Scott, Rauschecker et collègues (Scott et Johnsrude, 2003 ; Scott et Wise, 2004 ; Rauschecker et Scott, 2009 ; Rauschecker, 2011). Ce modèle propose l’existence d’une voie antérieure (ou voie ‘quoi’/’what’) impliquée dans l’identification des objets auditifs et dans la compréhension de la parole intelligible, alors qu’une voie postéro-dorsale (ou voie ‘où’/‘where’) serait impliquée dans la localisation des sources auditives. De plus, comme pour la voie dorsale d’Hickok et Poeppel (2007), cette voie postéro-dorsale serait également impliquée dans les mécanismes d’intégration entre représentations auditives et motrices notamment lorsque le signal acoustique est dégradé, lorsque les phonèmes appartiennent à un système phonologique non natif ou lorsque les mots entendus sont rares et peu fréquents. De manière plus spécifique, la voie antérieure implique, suite à des traitements acoustiques de bas niveau dans le gyrus de Heschl (consistant principalement en un décodage fréquentiel du signal acoustique), des processus de déco- 45 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page46 dage acoustico-phonétique dans une région antérieure du gyrus supérieur temporal et dans des régions frontales inférieures supposées contenir des représentations invariantes des catégories phonétiques. Ces informations seraient ensuite envoyées au cortex prémoteur ventral pour être appariées avec les représentations articulatoires correspondantes. Les conséquences sensorielles de l’exécution simulée de telles commandes motrices seraient alors envoyées au lobule pariétal inférieur par le biais de copies d’efférence. En direction inverse, une voie dorsale impliquerait le lobule pariétal inférieur en tant que région d’intégration sensorimotrice, où des comparaisons entre les copies d’efférence prédictives provenant du cortex prémoteur ventral et les informations sensorielles réelles auraient lieu et permettraient une désambiguïsation de l’information phonétique. ♦ La production de la parole sous l’angle des interactions sensorimotrices Contrairement au rôle possible et débattu du système moteur lors de la perception de la parole, les interactions entre systèmes sensoriels et moteur sont largement considérées comme jouant un rôle fondamental en production de la parole. Ces interactions sont en effet supposées permettre une comparaison des conséquences sensorielles prédites des actes moteurs de parole et des entrées sensorielles réelles et ainsi un contrôle en ligne des productions de parole. Bases neurales de la production de la parole Du point de vue bio-mécanique et physique, la production de la parole implique trois systèmes différents travaillant de concert : le système respiratoire, le larynx avec les cordes vocales et le conduit vocal avec les articulateurs supralaryngés. De manière très simplifiée, tout acte moteur de parole est constitué de trois étapes. (1) La production d'un souffle pulmonaire par le système sous-glottique (diaphragme et muscles inspirateurs et expirateurs) va expulser de l’air jusqu’au larynx. (2) La pression d'air va faire entrer en vibration les cordes vocales, qui avec le larynx sont à la source de la phonation et responsables de la production du flux laryngé (son périodique complexe). (3) Suite à la vibration des cordes vocales, l’air va remonter le long du pharynx, du conduit vocal et des cavités nasales qui vont moduler le flux laryngé et filtrer de cette manière l'air sortant par la bouche ou le nez. Afin de produire des patterns vocaux appris, tels que les sons de parole dont l'objectif est d'effectuer des mouvements du conduit vocal très fins à des visées communicatives, il est nécessaire de contrôler à la fois la respiration, la phonation et la musculature supralaryngée. Liée initialement à un apprentissage 46 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page47 sensorimoteur des représentations phonologiques, cette action complexe nécessite le fonctionnement de plusieurs boucles de contrôle impliquant des structures corticales et sous-corticales (pour des revues, voir Jürgens, 2002, 2009 ; Riecker, 2005). Une boucle de préparation, en charge des processus d’initiation et de coordination motrice (Riecker et al., 2005), serait composée du gyrus frontal inférieur et du cortex prémoteur (qui se chargent de l'élaboration et du séquençage du plan moteur), de l'insula, de l'aire motrice supplémentaire et du cervelet supérieur. Une boucle d’exécution motrice inclurait le cortex moteur primaire orofacial (la première étape de la voie pyramidale), le thalamus (le principal relai entre le cortex et les autres structures centrales), le putamen et le noyau caudé, ainsi que le cervelet inférieur. Un troisième ensemble fonctionnel de correction/régulation motrice peut être proposé par rapport aux travaux sur le contrôle en ligne de la production de la parole (discutés plus en détail ci-dessous) et inclurait le cortex somatosensoriel, le lobule pariétal inférieur et le gyrus temporal supérieur. Interactions sensorimotrices en production de la parole Tel que mentionné précédemment, l’existence d’interactions sensorimotrices est un concept central dans le domaine de la production de la parole. Du point de vue cérébral, une modulation des réponses du cortex auditif lors de la production ouverte de parole, par rapport aux réponses neuronales observées lors de l’écoute passive de ces mêmes productions, a été démontrée dans de nombreuses études utilisant les techniques d’électroencéphalographie, de magnétoencéphalographie et d’imagerie magnétique fonctionnelle (voir par exemple Paus et al., 1996 ; Numminen et Curio, 1999 ; Curio et al., 2000 ; Houde et al., 2002 ; Christoffels, Formisano et Schiller, 2007 ; Christoffels et al., 2011). Pris ensemble, ces résultats sont généralement interprétés dans le cadre théorique de modèles internes direct et inverse. La notion de "modèle interne" est reliée à l’existence de représentations internes nécessaires au contrôle moteur des actions (voir par exemple, Wolpert, Ghaharamani et Jordan 1995 ; Wolpert, 1997 ; Blakemore, Wolpert et Frith 1998). Il a été proposé que les modèles internes soient constitués d’un modèle inverse qui permet de retrouver les commandes motrices apprises et relatives à la réalisation d’une action donnée et d’un modèle direct qui permet de prédire le résultat de ces commandes en estimant et comparant la position et la dynamique des articulateurs en mouvement avec les conséquences sensorielles des commandes motrices effectuées. Ainsi, le système moteur peut, à l'aide du modèle direct, inférer les conséquences sensorielles des actions réalisées à partir du modèle inverse sous forme de copie d’efférence. Ainsi, la modulation de réponse du cortex auditif est supposée refléter des mécanismes de contrôle du feedback acoustique permet- 47 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page48 tant d’évaluer les conséquences auditives prédites des retours réels des actes moteurs de manière à contrôler et corriger si nécessaire notre production et de distinguer les conséquences sensorielles de nos actions des signaux sensoriels de notre environnement (pour des revues, voir Guenther, 2006 ; Guenther et Vladusich, 2012). De même, une modulation de l’activité du cortex auditif a été observée lors de la modification en ligne du feedback auditif. Ce résultat est observé par l’ajout de bruit (par exemple, Christoffels, Formisano et Schiller, 2007 ; Christoffels et al., 2011), en effectuant un décalage temporal du feedback auditif lors de la prononciation des mots ou de phrases (Hashimoto et Sakai, 2003 ; Takaso et al., 2010) ou en modifiant directement les propriétés acoustiques du signal de parole produit. Par exemple, par rapport à une condition sans perturbation auditive, une diminution d’amplitude du potentiel évoqué auditif N1 (EEG ; HeinksMaldonaldo et al., 2005) et M100 (MEG ; Heinks-Maldonaldo et al., 2006), apparaissant 100ms après la production de la voyelle, a été observée dans les régions auditives bilatérales suite à une modification en ligne de la fréquence fondamentale de voyelles produites. Tourville, Reilly et Guenther (2008) ont mesuré les modulations neuronales lors de la modification en ligne du premier formant lors de la production de syllabes et ont observé une activation accrue au niveau des gyri temporaux supérieurs bilatéraux (tout comme l'activation des aires prémotrices et motrices ventrales et le cervelet antérieur). Enfin, de manière intéressante, Golfinopoulos et al. (2011) ont montré un effet similaire de perturbation de la production de la parole en modifiant le feedback somatosensoriel (en bloquant de manière imprévue les mouvements de la mâchoire). Par rapport à une condition contrôle sans modification somatosensorielle, ils ont observé des activations accrues du cortex moteur primaire et prémoteur ventral, du gyrus frontal antérieur, du gyrus supramarginal et du cervelet, ainsi qu’un renforcement des connexions fonctionnelles entre ces régions. ♦ Modèles neurobiologiques de production de la parole Pris ensemble, ces résultats sont généralement interprétés dans le cadre de mécanismes de contrôle articulatoire et de boucles sensorimotrices régulatrices. La modulation des réponses neuronales du cortex auditif est considérée refléter des mécanismes de contrôle et de comparaison en ligne des représentations articulatoires et auditives. Les conséquences sensorielles prédites de l’acte moteur seraient ainsi évaluées par rapport au feedback sensoriel réel de nos actions de manière à permettre, si nécessaire, des modifications rapides de production de parole. 48 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page49 Modèle DIVA (Directions Into Velocities of Articulators) de la production de la parole (voir Figure 3). Le modèle DIVA de production de la parole développé par Guenther et collaborateurs (par exemple, Guenther, 2006 ; Guenther et Vladusich, 2012) est une implémentation neuro-computationnelle permettant d’une part, de tenir compte de plusieurs propriétés caractéristiques de la production de parole (comme les principes d'économie articulatoire, de co-articulation, d’équivalence motrice ou encore les étapes d'acquisition de l'inventaire phonémique et la prise en compte de mécanismes de régulations sensorimotrices) et, d’autre part, de s’appuyer sur de nombreuses vérifications expérimentales comportementales et neurophysiologiques. Figure 3 : Modèle DIVA de Guenther et collaborateurs (Figure adaptée de Guenther et Vladusich, 2012). Le modèle DIVA comprend deux systèmes de contrôle direct (feedforward) et par rétroaction (feedback), qui se co-structurent lors de l’apprentissage du modèle (simulation des étapes d’acquisition de la parole lors du développement). Afin de pouvoir efficacement gérer les commandes motrices en fonction des buts sensoriels du locuteur, le système direct doit apprendre lors de cette étape les relations entre représentations phonémiques, motrices, auditives et somatosensorielles. Les cibles de parole sont initialement de nature auditive et guident, grâce au système rétroactif, la mise en place des commandes motrices sous-jacentes. Suite à cette phase d’apprentissage, des cibles somatosensorielles sont créées et intégrées dans le système de contrôle. Chez l'adulte et pour des unités surapprises, ces deux systèmes peuvent fonctionner de manière relativement indépendante et parallèle. Le système direct serait impliqué dans l’exécution des commandes motrices tandis que le système rétroactif, dont le rôle est de comparer les prédictions des actes moteurs avec les conséquences sensorielles réelles, n’interviendrait qu’en cas de situations conflictuelles (par exemple, dans des conditions environnementales bruitées). 49 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page50 Dans ce modèle, la production d'une unité de parole commence par l'activation de la carte des sons de parole ("speech sound map"), supposée contenue dans la partie operculaire du gyrus frontal inférieur gauche et le cortex prémoteur ventral adjacent. Cette carte des sons de parole répertorie tous les sons appris par le modèle dans la phase d’apprentissage (un phonème, une syllabe ou même une séquence de syllabe, voir Guenther et Vladusich, 2012). Bien que reliées à des structures prémotrices, l’emploi des termes de cartes de sons de parole pour désigner cette unité de stockage reflète la nature supposée sensorielle, auditive et somatosensorielle, des cibles de parole. A partir de là, les deux systèmes sont mis en route. En ce qui concerne le système direct, le cortex moteur primaire reçoit les informations de l’unité à produire sous forme de plan moteur (élaboré par le cervelet et stocké dans la carte des sons de parole) de manière à exécuter le programme moteur requis (via la voie pyramidale). En parallèle, le système rétroactif reçoit une copie de la commande motrice, ou plus exactement, les conséquences/cibles sensorielles de celle-ci, au sein de cartes d'erreurs auditives (situées dans le cortex temporal supérieur postérieur bilatéral) et somatosensorielles (situées dans les aires somatosensorielles primaires orofaciales et le gyrus supramarginal bilatéral). Les conséquences sensorielles réelles sont analysées par des cartes d’état sensoriel auditif et somatosensoriel (dans le cortex temporal supérieur postérieur bilatéral et les aires somatosensorielles primaires orofaciales et le gyrus supramarginal bilatéral). En cas d’une détection d’erreur entre conséquences réelles et prédites, les informations nécessaires à la correction de l’acte moteur sont envoyées à une carte de contrôle rétroactif (située dans la partie operculaire du gyrus frontal inférieur droit et le cortex prémoteur ventral adjacent) qui, enfin, signale au cortex moteur primaire les corrections nécessaires. Des modèles similaires faisant référence à des modèles internes du conduit vocal ont été également proposés (voir par exemple, Tian et Poeppel, 2010 ; Price, Crinion et MacSweeney, 2011 ; Hickok, Houde et Rong, 2011 ; Houde et Nagarajan, 2011 ; Hickok, 2012). Par exemple, le modèle hiérarchique de contrôle moteur par feedback de Hickok (2012 ; voir également Hickok, Houde et Rong, 2011 ; Houde et Nagarajan, 2011) propose d'intégrer de manière hiérarchique les aspects psycholinguistiques et moteurs de la production de la parole. Le modèle reprend l’idée d’un système conceptuel et lexical (pour une revue, voir Indefrey et Levelt, 2004) et, de là, propose une décomposition des mots produits en phonèmes et syllabes. Ce modèle se base également sur la supposition que les buts des actes de parole sont de nature sensorielle et codés à différents niveaux hiérarchiques : les buts de "haut niveau" correspondraient aux structures syllabiques et seraient 50 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page51 codés par des représentations auditives, alors que les buts de "bas niveau" correspondraient aux phonèmes et seraient codés en termes somatosensoriels. Lors de la réalisation des phonèmes et syllabes, des projections seraient envoyées en parallèle au système moteur et aux systèmes sensoriels, pour dans ce cas permettre une comparaison des prédictions auditives et somatosensorielles avec les retours réels. Pour les syllabes, ces transformations audiomotrices entre programme moteur syllabique (codé dans la partie postérieure du gyrus frontal inférieur) et représentations auditives correspondantes (partie postérieure du gyrus supérieur temporal) seraient effectuées grâce à une région à la frontière temporo-pariétale au niveau de la scissure sylvienne (l'aire 'SPT'). Pour les phonèmes, les transformations somatosensorimotrices entre plan moteur phonémique (cortex prémoteur ventral et aire motrice primaire) et représentations auditives (cortex somatosensoriel primaire et partie antérieure du gyrus supramarginal) seraient réalisées par le cervelet. Les éventuelles erreurs de prédictions seraient corrigées de manière à mettre à jour les commandes motrices relatives aux syllabes et aux phonèmes produits. ♦ Conclusion Nous l'avons vu, de nombreux modèles psycholinguistiques et neurobiologiques suggèrent l'existence d'interactions entre systèmes sensoriels et moteur lors de la perception et production de la parole (voir Figure 4). Figure 4 : Représentation schématique des interactions entre régions corticales sensorielles et motrices lors de la production (gauche) et perception (droite) de la parole. 51 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page52 Lors de la production de parole, la modulation des réponses neuronales observées au sein des cortex sensoriels refléterait des mécanismes de contrôle en ligne des productions de parole, par la comparaison des conséquences sensorielles prédites des actes moteurs de parole et des entrées sensorielles réelles. Inversement, l’implication du système moteur observée lors de la perception de la parole pourrait correspondre à des mécanismes de simulation motrice dont le but serait de contraindre l’interprétation phonétique finale des entrées sensorielles par la génération interne de possibles candidats articulatoires. Pris ensemble, ces modèles appuient ainsi l’hypothèse de représentations de la parole intrinsèquement sensorimotrices, ni purs produits sensoriels, ni purs objets moteurs, mais des percepts multimodaux régulés par l’action. A la lumière de ces avancées récentes, l’étude conjointe et systématique des systèmes de perception et de production de la parole et des liens perceptivomoteurs pourrait permettre de mieux comprendre le "langage commun de la perception et de l’action dans la communication parlée" (Schwartz, Fadiga et Sato, 2008). À terme, une meilleure compréhension de ce couplage fonctionnel entre systèmes sensoriels et moteur pourrait permettre d’envisager de nouvelles approches thérapeutiques prenant avantage de ces interactions dans la réadaptation des troubles perceptifs et moteurs de la parole, notamment par la mise en oeuvre d'exercices perceptivo-moteurs. REFERENCES ABOITIZ F & GARCIA V (1997). The evolutionary origin of the language areas in the human brain. A neuroanatomical perspective. Brain Research Reviews, 25, 381–396. ARBIB MA (2005). From monkey-like action recognition to human language : An evolutionary framework for neurolinguistics. Behavioral and Brain Sciences, 28(2):105-124. BEAUCHAMP MS (2005). See me, hear me, touch me : multisensory integration in lateral occipital-temporal cortex. Current Opinion in Neurobiology, 15, 145-153. BELIN P & ZATORRE RJ (2000). 'What', 'where' and 'how' in auditory cortex. Nature Neuroscience, 3(10):965-6. BINDER JR, LIEBENTHAL E, POSSING ET, MEDLER DA & WARD BD (2004). Neural correlates of sensory and decision processes in auditory object identification. Nature Neuroscience, 7:295-301. BLAKEMORE SJ, WOLPERT DM & FRITH CD (1998). Central cancellation of self-produced tickle sensation. Nature Neuroscience, 1(7):635-40. BOATMANN DF (2004). Cortical bases of speech perception : evidence from functional lesion studies. Cognition, 92:47-65. CALLAN D, CALLAN A, GAMEZ M, SATO MA & KAWATO M (2010). Premotor cortex mediates perceptual performance. Neuroimage, 51(2):844-58. CALLAN DE, JONES JA, CALLAN AM & AKAHANE-YAMADA R (2004). Phonetic perceptual identification by native- and second-language speakers differentially activates brain regions involved with acoustic phonetic processing and those involved with articulatory-auditory/orosensory internal models. NeuroImage, 22:1182-1194. 52 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page53 CALLAN DE, JONES JA, MUNHALL KG, CALLAN AM, KROOS C & VATIKIOTIS-BATESON E (2003). Neural processes underlying perceptual enhancement by visual speech gestures. Neuroreport, 14:2213-2217. CALVERT GA, BULLMORE ET, BRAMMER MJ, CAMPBELL R, WILLIAMS SC, MCGUIRE PK, WOODRUFF PW, IVERSEN SD & DAVID AS (1997). Activation of auditory cortex during silent lipreading. Science, 276 : 593-596. CALVERT GA, CAMPBELL R & BRAMMER MJ (2000). Evidence from functional magnetic resonance imaging of crossmodal binding in the human heteromodal cortex. Current Biology 10(11) : 649657. CALVERT GA & CAMPBELL R (2003). Reading speech from still and moving faces : The neural substrates of visible speech. Journal of Cognitive Neuroscience, 15(1) : 57-70. CHRISTOFFELS IK, FORMISANO E, SCHILLER NO (2007). Neural correlates of verbal feedback processing : an fMRI study employing overt speech. Human Brain Mapping 28(9) : 868-879. CHRISTOFFELS IK, van de VEN V, WALDORP LJ, FORMISANO E & SCHILLER NO (2011). The sensory consequences of speaking : parametric neural cancellation during speech in auditory cortex. PLoS One. 6(5) : e18307. CURIO, G., NEULOH, G., NUMMINEN, J., JOUSMAKI, V. & HARI, R (2000). Speaking modifies voice-evoked activity in the human auditory cortex. Human Brain Mapping, 9 : 183–191. D'AUSILIO A, BUFALARI I, SALMAS P & FADIGA L (2012). The role of the motor system in discriminating normal and degraded speech sounds. Cortex, 48(7) : 882-7. D'AUSILIO A, JARMOLOWSKA J, BUSAN P, BUFALARI I & Craighero L (2011). Tongue corticospinal modulation during attended verbal stimuli : priming and coarticulation effects. Neuropsychologia. 49(13) : 3670-6. D'AUSILIO A, PULVERMÜLLER F, SALMAS P, BUFALARI I, BEGLIOMINI C & FADIGA L (2009). The motor somatotopy of speech perception. Current Biology, 19(5) : 381-385. DÉMONET JF, THIERRY G & CARDEBAT D (2005). Renewal of the neurophysiology of language : Functional neuroimaging. Physiological Reviews, 85, 49-95. DICK AS & TREMBLAY P (2012). Beyond the arcuate fasciculus : consensus and controversy in the connectional anatomy of language. Brain, 135(12) : 3529-3550. Di PELLEGRINO G, FADIGA L, FOGASSI L, GALLESE V, RIZZOLATTI G (1992). Understanding motor events : a neurophysiological study. Experimental Brain Research 91 : 176-180. DIEHL RL & KLUENDER KR (1989). On the objects of speech perception. Ecological Psychology, 2 : 121–44 DIEHL RL, LOTTO AJ & HOLT LL (2004). Speech Perception. Annual Review of Psychology, 55 : 149179. FADIGA L, CRAIGHERO L, BUCCINO G & RIZZOLATTI G (2002). Speech listening specifically modulates the excitability of tongue muscles : A TMS study. European Journal of Neuroscience, 15 : 399-402. FERRARI PF, GALLESE V, RIZZOLATTI G & FOGASSI L (2003). Mirror neurons responding to the observation of ingestive and communicative mouth actions in the monkey ventral premotor cortex. European Journal of Neuroscience, 17 : 1703-1714. FOGASSI L, FERRARI PF, GESIERICH B, ROZZI S, CHERSI F, RIZZOLATTI, G (2005). Parietal lobe : from action organization to intention understanding. Science, 308 : 662-667. FOWLER CA (1986). An event approach to the study of speech perception from a direct-realist perspective. Journal of Phonetics, 14, 3-28. FOWLER CA (1996). Listeners do hear sounds, nottongues. Journal of the Acoustical Society of America 99 : 1730–41. GALLESE V, FADIGA L, FOGASSI L & RIZZOLATTI G (1996). Action recognition in the premotor cortex. Brain 119 : 593-609. GENTILUCCI M & CORBALLIS MC (2006). From manual gesture to speech : A gradual transition. Neuroscience and Biobehavioral Reviews, 30 : 949-960. GIRAUD AL & POEPPEL D (2012). Cortical oscillations and speech processing : emerging computational principles and operations. Nature Neuroscience, 15(4) : 511-517. 53 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page54 GOLFINOPOULOS E, TOURVILLE JA, BOHLAND JW, GHOSH SS, NIETO-CASTANON A & GUENTHER FH (2011). fMRI investigation of unexpected somatosensory feedback perturbation during speech. NeuroImage, 55(3) : 1324-38. GRABSKI K, SCHWARTZ JL, LAMALLE L, VILAIN C, VALLÉE N, BACIU M, LE BAS JF & SATO M (2013). Shared and distinct neural correlates of vowel perception and production. Journal of Neurolinguistics, 26(3) : 384-408. GRABSKI K, TREMBLAY P, GRACCO V, GIRIN L & SATO M (2013). A mediating role of the auditory dorsal pathway in selective adaptation to speech : a state-dependent transcranial magnetic stimulation study. Brain Research, 1515 : 55-65. GUENTHER FH & VLADUSICH T (2012). A neural theory of speech acquisition and production. Journal of Neurolinguistics, 25(5) : 408–422. GUENTHER FH (2006). Cortical interactions underlying the production of speech sounds. Journal of Communication Disorders, 39 : 350-365. HASHIMOTO Y & SAKAI KL (2003). Brain activations during conscious self-monitoring of speech production with delayed auditory feedback : an fMRI study. Human Brain Mapping, 20 : 22–28. HEINKS-MALDONADO TH, MATHALON DH, GAY M & FORD JM (2005). Fine-tuning of auditory cortex during speech production. Psychophysiology, 42(2) : 180-190. HEINKS-MALDONADO TH, NAGARAJAN SS & HOUDE JF (2006). Magnetoencephalographicevidence for a precise forward model in speech production. NeuroReport, 17(13) : 1375–1379. HERTRICH I, MATHIAK K, LUTZENBERGER W, MENNING H & ACKERMANN H. (2007). Sequential audiovisual interactions during speech perception : a whole-head MEG study. Neuropsychologia, 45(6), 1342–1354. HICKOK G & POEPPEL D (2000). Towards a functional neuroanatomy of speech perception. Trends in Cognitive Science, 4(4) : 131-138. HICKOK G & POEPPEL D (2004). Dorsal and ventral streams : A framework for understanding aspects of the functional anatomy of language. Cognition, 92 : 67-99. HICKOK G & POEPPEL D (2007). The cortical organization of speech processing. Nature Reviews Neuroscience, 8 : 393-402. HICKOK G (2012). Computational neuroanatomy of speech production. Nature Reviews Neuroscience 13, 135-145. HICKOK G, HOUDE J & RONG F (2011). Sensorimotor integration in speech processing : computational basis and neural organization. Neuron, 69(3) : 407-22. HILLIS AE, WORK M, BARKER PB, JACOBS MA, BREESE EL & MAURER K (2004). Re-examining the brain regions crucial for orchestrating speech articulation. Brain, 127(Pt 7) : 1479-87. HODZIC A, MUCKLI L, SINGER W & STIRN A (2009). Cortical responses to self and others. Human Brain Mapping, 30(3) : 951–962. HOUDE JF & NAGARAJAN SS (2011). Speechproduction as state feedback control. Front. Hum. Neurosci. 5 : 82. HOUDE JF, NAGARAJAN SS, SEKIHARA K & MERZENICH MM (2002). Modulation of the auditory cortex during speech : an MEG study. Journal of Cognitive Neuroscience, 14 : 1125–1138. INDEFREY P & LEVELT WJ (2004). The spatial and temporal signatures of word production components. Cognition, 92(1-2) : 101-144. JÜRGENS U (2002). Neural pathways underlying vocal control. Neuroscience and Biobehavioral Reviews, 26(2) : 235-58. JÜRGENS U (2009). The neural control of vocalization in mammals, a review. Journal of Voice, 23(1):110. KEYSERS C, KOHLER E, UMILTA MA, FOGASSI L, GALLESE V & RIZZOLATTI G (2003). Audiovisual mirror neurons and action recognition. Experimental Brain Research, 153 : 628-636. KOHLER E, KEYSERS C, UMILTA MA, FOGASSI L, GALLESE V & RIZZOLATTI G (2002). Hearing sounds, understanding actions : action representation in mirror neurons. Science, 297 : 846848. KUHL PK (2000). A new view of language acquisition. Proceedings of the National Academy of Science, 97, 11850-11857. 54 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page55 LIBERMAN AM & MATTINGLY IG (1985). The motor theory of speech perception revised. Cognition, 21 : 1-36. LIBERMAN AM & WHALEN DH (2000). On the relation of speech to language. Trends in Cognitive Science, 3(7) : 254-264. LIBERMAN AM, COOPER FS, HARRIS KS & MACNEILAGE PF (1962). A motor theory of speech perception. Proceedings of the Speech Communication Seminar, Stockholm. LIBERMAN AM, COOPER FS, SHANKWEILER DP & STUDDERT-KENNEDY M (1967). Perception of the speech code. Psychological Review, 74, 431-461. MASSARO DW (1998). Categorical Perception : Important phenomenon or Lasting Myth ? In R.H. Mannell & J. Robert-Ribes (Eds.), Proceedings of the 5th International Congress of Spoken Language Processing (pp. 2275-2279, Vol. 6). Sydney, Austrailia. MEISTER IG, WILSON SM, DEBLIECK C, WU AD & IACOBONI M (2007). The Essential Role of Premotor Cortex in Speech Perception. Current Biology, 17(19) : 1692-1696. MILNER AD & GOODALE MA (1995). The visual brain in action. Oxford : Oxford University Press. MÖTTÖNEN R & WATKINS KE (2009). Motor representations of articulators contribute to categorical perception of speech sounds. The Journal of Neuroscience, 29(31) : 9819-9825. MÖTTÖNEN R, JÄRVELÄINEN J, SAMS M & HARI R (2004). Viewing speech modulates activity in the left SI mouth cortex. NeuroImage, 24 : 731-737. NISHITANI N & HARI R (2002). Viewing lip forms : Cortical dynamics. Neuron, 36 : 1211-1220. NIXON P, LAZAROVA J, HODINOTT-HILL I, GOUGH P & PASSINGHAM R (2004). The inferior frontal gyrus and phonological processing : an investigation using rTMS. Journal of Cognitive Neuroscience, 16(2) : 289-300. NUMMINEN J & CURIO G (1999). Differential effects of overt, covert and replayed speech on vowelevoked responses of the human auditory cortex. Neuroscience Letters, 272 : 29–32. OJANEN V, MÖTTÖNEN R, PEKKOLA J, JÄÄSKELÄINEN IP, JOENSUU R, AUTTI T & SAMS M (2005). Processing of audiovisual speech in Broca’s area. NeuroImage, 25 : 333-338. PAULESU E, PERANI D, BLASI V, SILANI G, BORGHESE AA, DE GIOVANNI U, SENSOLO S & FAZIO F (2003). A functional-anatomical modelfor lipreading. Journal of Neurophysiology, 90 : 2005-2013. PAUS T, PERRY D, ZATORRE R, WORSLEY KJ & EVANS AC (1996). Modulation of cerebral blood flow in the human auditory cortex during speech : role of motor-to-sensory discharges. European Journal of Neuroscience, 8 : 2236-2246. PEKKOLA J, OJANEN V, AUTTI T, JÄÄSKELÄINEN IP, MÖTTÖNEN R, TARKIAINEN A & SAMS M (2005). Primary auditory cortex activation by visual speech : an fMRI study at 3 T. Neuroreport, 6(2) : 125-8. PERKELL JS (2012). Movement goals and feedback and feedforward control mechanisms in speech production. Journal of Neurolinguistics, 25(5) : 382–407. POEPPEL D (2003). The analysis of speech in different temporal integration windows : cerebral lateralization as ‘asymmetric sampling in time’. Speech Communication, 41 : 245-255. POLDRACK RA, WAGNER AD, PRULL MW, DESMOND JE, GLOVER GH, & GABRIELI JD (1999). Functional specialization for semantic and phonological processing in the left inferiorprefrontal cortex. Neuroimage, 10 : 15-35. PRICE CJ, CRINION JT, MACSWEENEY M (2011). A generative model of speech production in Broca’s and Wernicke’s areas. Frontiers in Psychology, 2 : 237. PULVERMÜLLER F, HUSS M, KHERIF F, MOSCOSO del PRADO MARTIN F, HAUK O & SHTYROV Y (2006). Motor cortex maps articulatory features of speech sounds. Proceedings of the National Academy of Sciences of the USA, 103(20) : 7865-70. RAUSCHECKER JP & SCOTT SK (2009). Maps and streams in the auditory cortex : Nonhuman primates illuminate human speech processing. Nature Neuroscience, 12(6) : 718–724. RAUSCHECKER JP (2011). An expanded role for the dorsal auditory pathway in sensorimotor control and integration. Hearing Research, 271 : 16-25. RAUSCHECKER JP (2012). Ventral and dorsal streams in the evolution of speech and language. Frontiers in Evolutionary Neuroscience, 4 : 7. 55 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page56 RIECKER A, MATHIAK K, WILDGRUBER D, ERB M, HERTRICH I, GRODD W & ACKERMANN H (2005). fMRI reveals two distinct cerebral networks subserving speech motor control. Neurology, 64(4) : 700-6. RIZZOLATTI G & ARBIB MA (1998). Language within our grasp. Trends in Neurosciences, 21 : 188194. RIZZOLATTI G & CRAIGHERO L (2004). The mirror-neuron system. Annual Review of Neuroscience, 27 : 169-92. RIZZOLATTI G, FADIGA L, GALLESE V & FOGASSI L (1996). Premotor cortex and the recognition of motor actions. Cognitive Brain Research, 3 : 131-141. RIZZOLATTI G, FOGASSI L & GALLESE V (2001). Neurophysiological mechanisms underlying the understanding and imitation of action. Nature reviews. Neuroscience, 2 : 661-670. ROMERO, L., WALSH, V. & PAPAGNO, C (2006). The neural correlates of phonological short-term memory : a repetitive transcranial magnetic stimulation study. Journal of Cognitive Neuroscience, 18(7) : 1147-1155. ROY AC, CRAIGHERO L, FABBRI-DESTRO M & FADIGA L (2008). Phonological and lexical motor facilitation during speech listening : A transcranial magnetic stimulation study. Journal of physiology, Paris, 102(1-3) : 101-105. SATO M, BUCCINO G, GENTILUCCI M & CATTANEO L (2010). On the tip of the tongue : modulation of the primary motor cortex during audiovisual speech perception. Speech Communication, 52(6) : 533-541. SATO M, GRABSKI K, GLENBERG A, BRISEBOIS A, BASIRAT A, MÉNARD L & CATTANEO L (2011). Articulatory bias in speech perception : evidence from use-induced motor plasticity. Cortex, 47(8) : 1001-3. SATO M, TREMBLAY P & GRACCO V (2009). A mediating role of the premotor cortex in phoneme segmentation. Brain and Language, 111(1) : 1-7. SCHWARTZ JL, ABRY C, BOË LJ & CATHIARD MA (2002). Phonology in a theory of perception-foraction-control. In : Durand, J., Lacks, B (Eds.), Phonology : From Phonetics to Cognition. Oxford University Press, Oxford, pp. 240-280. SCHWARTZ JL, MÉNARD L, BASIRAT A & SATO M (2012). The Perception for Action Control Theory (PACT) : a perceptuo-motor theory of speech perception. Journal of Neurolinguistics, 25(5) : 336-354. SCHWARTZ, J.-L., SATO, M. & FADIGA, L. (2008). The common language of speech perception and action : a neurocognitive perspective. Revue Française de Linguistique Appliquée, 13(2) : 9-22. SCOTT SK & JOHNSRUDE IS (2003). The neuroanatomical and functional organization of speech perception. Trends in Neurosciences, 26(2) : 100–107. SCOTT SK & WISE RJ (2004). The functional neuroanatomy of prelexicalprocessing in speech perception. Cognition, 92(1-2) : 13-45. SKIPPER JI, NUSBAUM HC & SMALL SL (2005). Listening to talking faces : Motor cortical activation during speech perception. NeuroImage, 25 : 76-89. SKIPPER JI, VAN WASSENHOVE V, NUSBAUM HC & SMALL SL (2007). Hearing lips and seeing voices : how cortical areas supporting speech production mediate audiovisual speech perception. Cerebral Cortex, 17(10) : 2387-2399. SUNDARA M, NAMASIVAYAM AK & CHEN R (2001). Observation-execution matching system for speech : A magnetic stimulation study. Neuroreport, 12(7) : 1341-1344. TAKASO H, EISNER F, WISE RJ & SCOTT SK (2010). The effect of delayed auditory feedback on activity in the temporal lobe while speaking : a positron emission tomography study. Journal of Speech, Language, and Hearing Research, 53(2) : 226-36. TIAN X & POEPPEL D (2010). Mental imagery of speech and movement implicates the dynamics of internal forward models. Frontiers in Psychology, 1 : 166. TOURVILLE JA, REILLY KJ & GUENTHER FH (2008). Neural mechanisms underlying auditory feedback control of speech. Neuroimage, 39(3) : 1429-43. TREMBLAY P & SMALL SL (2011). On the context-dependent nature of the contribution of the ventral premotor cortex to speech perception. Neuroimage, 57(4) : 1561-71. 56 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page57 VIGNEAU M, BEAUCOUSIN V, HERVE PY, DUFFAU H, CRIVELLO F, HOUDE O, MAZOYER B & TZOURIO-MAZOYER N (2006). Meta-analyzing left hemisphere language areas : phonology, semantics, and sentence processing. Neuroimage, 30 : 1414–1432. WATKINS KE & PAUS T (2004). Modulation of motor excitability during speech perception : the role of Broca’s area. Journal of Cognitive Neuroscience, 16(6) : 978-987. WATKINS KE, STRAFELLA AP & PAUS T (2003). Seeing and hearing speech excites the motor system involved in speech production. Neuropsychologia, 41(3) : 989-994. WILSON SM & IACOBONI M (2006). Neural responses to non-native phonemes varying in producibility : evidence for the sensorimotor nature of speech perception. NeuroImage, 33(1) : 316-25. WILSON SM, SAYGIN AP, SERENO MI & IACOBONI M (2004). Listening to speech activates motor areas involved in speech production. Nature Neuroscience, 7 : 701-702. WOLPERT DM (1997). Computational approaches to motor control. Trends in Cognitive Sciences, 1(6) : 209-216. WOLPERT DM, GHAHRAMANI Z & JORDAN MI (1995). An internal model for sensorimotor integration. Science, 269 : 1880-1882. ZATORRE RJ & BELIN P (2001). Spectral and temporalprocessing in human auditory cortex. Cerebral Cortex, 11,946–953. ZATORRE RJ & GANDOUR JT (2008). Neural specializations for speech and pitch, moving beyond the dichotomies Philosophical transactions of the Royal Society of London. Series B, Biological sciences, 363(1493) : 1087-104. ZATORRE RJ, BELIN P & PENHUNE VB (2002). Structure and function of auditory cortex : music and speech. Trends in Cognitive Sciences, 6(1) : 37-46. ZEKVELD AA, HESLENFELD DJ, FESTEN JM & SCHOONHOVEN R (2006). Top–down and bottom–up processes in speech comprehension. NeuroImage, 32 : 1826-1836. 57 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page58 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page59 Le rôle du gyrus supramarginal lors du traitement phonologique Isabelle Deschamps, Shari Baum Résumé Les différentes techniques de neuroimagerie cérébrale ont permis d’étudier les corrélats neurofonctionnels recrutés lors des tâches phonologiques. Les résultats d’études en neuroimagerie démontrent que les mécanismes de traitement phonologique mettent en jeu plusieurs aires corticales et sous-corticales mobilisant un réseau distribué. Parmi ces régions, le gyrus supramarginal (GSM) est recruté lors de différentes tâches ciblant les mécanismes de traitement phonologique lors de la perception de la parole et la compréhension du langage oral et écrit. Toutefois, le mécanisme sous-tendant le recrutant du GSM lors des tâches phonologiques n’a pas encore été caractérisé. Cette revue de littérature vise à caractériser le rôle du GSM lors du traitement phonologique. Il émerge de cette revue que le GSM est une région non seulement impliquée lors de tâches ciblant les mécanismes de traitement phonologique, mais également lors de tâche de mémoire à court terme verbale (MCTv). Afin de réconcilier le rôle du GSM lors des tâches phonologiques et des tâches de MCTv, l’hypothèse que le GSM est impliqué lors du décodage phonologique et du maintien d’information phonologique en mémoire sera émise. Cette hypothèse s’appuie sur de récentes études anatomiques qui ont démontré que le GSM est composé de différentes sous-régions qui se distinguent les unes des autres en fonction de leur composition cellulaire. Mots clés : neuroimagerie, gyrus supramarginal, traitement phonologique, mémoire à court terme verbale. Rééducation Orthophonique - N° 260 - décembre 2014 59 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page60 Role of the supramarginal gyrus in phonological processing Abstract Advances in neuroimaging techniques have allowed researchers to gain insights into the neural correlates associated with phonological processing. The results from studies investigating the neural correlations associated with phonological processing have identified a broad network of regions distributed across the different lobes of the brain. Among these regions, the supramarginal gyrus (SMG) is a region that is recruited by tasks targeting phonological processes during speech perception as well as spoken and written word recognition. However, the underlying phonological processing mechanism associated with SMG activation during phonological tasks has not yet been identified. The goal of this literature review is to characterize the role of the SMG during phonological tasks. The emerging picture that results from this literature review is that the SGM is a region not only recruited during tasks targeting phonological processes but is also recruited during tasks targeting verbal short-term memory. In order to reconcile these findings, the hypothesis that the SMG is both involved during phonological decoding (i.e. phonological process) and the storage of phonological information in memory (verbal short-term memory) will be brought forth. This hypothesis is supported by recent neuroanatomical studies that have demonstrated that the SMG is composed of different sub-regions that differ in terms of their anatomical architecture.. Key Words : neuroimaging, supramarginal gyrus, phonological processing, short-term verbal working memory. 60 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page61 Isabelle DESCHAMPS1,2 Shari BAUM 3,4 1. Département de réadaptation, Université Laval, Québec, QC, Canada. 2. Centre de Recherche de l’Institut Universitaire en santé mentale de Québec, Québec, QC, Canada. 3. Université McGill, Faculté de Médecine, École des sciences de la communication humaine, 2001 McGill College, 8ème étage, Montréal, Québec, Canada. 4. Centre for Research on Brain, Language and Music, Rabinovitch House, Université McGill, 3640 rue de la Montagne, Montréal, Québec, Canada. Correspondance : Isabelle Deschamps, Ph.D., Université Laval, Département de Réadaptation Centre de Recherche de l’Institut Universitaire en santé mentale de Québec, 2601 rue de la Canardière bureau F-2424A Québec, Québec, Canada, G1J 2G3 Courriel : [email protected] L a phonologie est un système complexe qui regroupe les sons ainsi que les principes qui régissent leur apparition et leur agencement dans une langue donnée. À l’intérieur du système phonologique, le phonème et la syllabe sont deux types de représentations qui se distinguent l’une de l’autre non seulement quant à leurs propriétés acoustiques (Nusbaum & DeGroot, 1990 ; Treiman, 1985) mais également quant à l’âge auquel les enfants apprennent à les manipuler (Backman, 1983 ; Goswami, 1993 ; MacNeilage, 1998). De plus, plusieurs modèles psycholinguistiques considèrent soit la syllabe soit le phonème comme étant l’unité perceptuelle de base lors de la perception de la parole et de la compréhension du langage. Par exemple, certains modèles stipulent que le signal acoustique est segmenté au niveau du phonème et que les représentations lexicales sont construites à partir d’une chaîne de phonèmes (Liberman, Cooper, Shankweiler, & Studdert-Kennedy, 1967 ; Stevens, 2002). D’autres modèles présupposent que les unités perceptuelles extraites du signal acoustique sont plus complexes que le phonème, telles que la syllabe ou ses composantes (p. ex. 61 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page62 attaque, nucleus, rime, coda) (Greenberg, 2005 ; Healy & Cutting, 1976 ; Massaro, 1974). Ainsi, le traitement de l’information phonologique (c.-à-d. phonémique ou syllabique) semble jouer un rôle important lors de la perception de la parole et la reconnaissance de mots à l’oral ou à l’écrit. Suite aux récentes avancées technologiques dans le domaine de la neuroimagerie (voir l’article de Coll, Blais-Michaud et Jackson, dans ce même numéro), plusieurs études ont tenté de caractériser les mécanismes phonologiques associés avec le traitement de l’information syllabique ou phonémique en étudiant leurs corrélats neuronaux lors de la perception de la parole et lors de la reconnaissance de mots à l’oral ou à l’écrit (Benson et al., 2001 ; Berent et al., 2014 ; Booth et al., 2002 ; Burton, 2001 ; Celsis et al., 1999 ; Dehaene-Lambertz et al., 2005 ; Devlin, Matthews, & Rushworth, 2003 ; Fiez et al., 1995 ; Gelfand & Bookheimer, 2003 ; Jacquemot, Pallier, LeBihan, Dehaene, & Dupoux, 2003 ; Jäncke, Wüstenberg, Scheich, & Heinze, 2002 ; Liebenthal, Binder, Spitzer, Possing, & Medler, 2005 ; S. D. Newman & Twieg, 2001 ; Okada & Hickok, 2006 ; Poldrack et al., 2001; Poldrack et al., 1999 ; Price, Moore, Humphreys, & Wise, 1997 ; Pugh et al., 1996 ; Rimol, Specht, Weis, Savoy, & Hugdahl, 2005 ; Siok, Jin, Fletcher, & Tan, 2003 ; Vouloumanos, Kiehl, Werker, & Liddle, 2001 ; Wilson & Iacoboni, 2006 ; Zaehle, Geiser, Alter, Jancke, & Meyer, 2008). Les résultats de ces études démontrent que les mécanismes de traitement phonologique mettent en jeu plusieurs aires corticales et sous-corticales mobilisant un réseau distribué. Parmi ces aires, le GSM est une région qui est activée lors de différentes tâches recrutant des mécanismes de traitement phonologique (p.ex. tâche de discrimination syllabique ou phonémique, tâche de jugement d’homophones, tâche de jugement de rimes, pour en nommer quelques-unes). Le GSM (aire de Brodmann 40) fait parti du lobe pariétal inférieur et, avec le gyrus angulaire (l’aire de Brodmann 39), il forme le lobule pariétal inférieur (voir Figure 1 ; Brodmann & Gary, 2006). Les résultats des études en neuroimagerie mentionnées ci-haut suggèrent que le GSM est impliqué lors de tâches impliquant des mécanismes de traitement phonologique. Toutefois, une description du ou des mécanisme(s) de traitement phonologique associé(s) à l’activation du GSM lors de tâches phonologiques n’a pas encore été établie avec certitude. 62 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page63 Figure 1 : Division anatomique du lobule inférieur pariétal (Caspers et al., 2012) En effet, une description détaillée du rôle fonctionnel du GSM est difficile car le terme « traitement phonologique » est souvent utilisé de manière générale pour désigner plusieurs mécanismes différents (p. ex. encodage, décodage, conversion de graphème-phonème, pour en nommer quelques-uns ; pour une discussion similaire, voir : Poeppel, 1996). Il est évident que le terme « traitement phonologique » englobe plusieurs mécanismes et qu’il ne réfère pas à une seule opération psychologique mais bien à plusieurs. De plus, plusieurs tâches utilisées afin d’étudier les corrélats neuronaux associés au traitement phonologique (p. ex. tâche de rimes, tâche de comptage de syllabes, tâche de discrimination) impliquent d’autres fonctions cognitives telle que la MCTv et l’attention. Ainsi, un des défis à surmonter lors de l’étude des mécanismes de traitement phonologique est de spécifier le mécanisme phonologique ciblé à l’étude. Un autre défi est de réussir à isoler les régions corticales et sous-corticales qui sont sensibles à l’information phonologique de celles qui sont sensibles à d’autres processus cognitifs (MCTv, attention). L’observation que les tâches de traitement phonologique impliquent d’autres fonctions cognitives comme la MCTv est particulièrement intéressante puisque le GSM est également activé lors de tâches ciblant les mécanismes de MCTv (p. ex. empan numérique, empan de mots, empan de syllabes, empan de phonèmes, empan de chiffres à rebours, tâche de discrimination avec délais, 63 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page64 pour en nommer quelques-unes) (Crottaz-Herbette, Anagnoson, & Menon, 2004 ; Koelsch et al., 2009 ; McKenna, Brown, Drummond, Turner, & Mano, 2013 ; Paulesu et al., 1996 ; Ravizza, Delgado, Chein, Becker, & Fiez, 2004 ; Rothmayr et al., 2007 ; Salmon et al., 1996 ; E. E. Smith, Jonides, & Koeppe, 1996). Ainsi, afin d’arriver à une meilleure compréhension du rôle du GSM lors du traitement phonologique, un survol des résultats d’études en neuroimagerie fonctionnelle portant sur le traitement phonologique avec stimuli visuels et auditifs, ainsi que sur les tâches de MCTv avec stimuli visuels et auditifs, sera présenté. De plus, outre les résultats d’imagerie fonctionnelle auprès d’individus sains lors de tâches phonologiques et de MCTv, une courte synthèse des résultats d’études en neuroimagerie fonctionnelle en lecture sera également présentée puisque la lecture implique également des mécanismes de traitement phonologique (p. ex conversion de graphèmes en phonèmes). Une courte discussion portant sur les résultats d’études en neuroimagerie fonctionnelle et structurelle chez des individus souffrant de dyslexie sera également incluse puisque des anomalies au niveau de l’activation au sein du GSM lors de tâche de lecture ainsi que des anomalies au niveau de l’anatomie du GSM ont été observées auprès de cette population. Un survol de toutes ces données neurofonctionnelles et neuroanatomiques offre plusieurs sources d’information afin de détailler le rôle du GSM lors du traitement phonologique. Deux possibilités seront explorées : (1) le GSM joue un rôle dans le traitement d’information phonologique (décodage phonologique) et (2) le GSM régit les mécanismes impliqués lors du maintien d’information phonologique en mémoire une fois que celle-ci est décodée. Plus précisément, afin de caractériser le rôle du GSM, une distinction entre les processus de traitement phonologique reliés au décodage (c.-à-d. conversion de graphèmes en phonèmes lors de la reconnaissance de mots écrits, et de la correspondance entre l’information phonétique et l’information phonologique lors de la reconnaissance de mots à l’oral) et le maintien d’information phonologique en mémoire sera faite (voir Figure 2). 64 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page65 Figure 2 : Modèle putatif de la mémoire verbale à court terme et des mécanismes de traitement phonologique impliqués. GSMa = partie antérieure du gyrus supramarginal ; GSMp = partie postérieure du gyrus supramarginal. ♦ Traitement phonologique et GSM Imagerie par résonance magnétique fonctionnelle et tomographie par émission de positrons Tel que mentionné dans l’introduction, le GSM est une région recrutée lors de tâches ciblant les mécanismes de traitement phonologique. Par exemple, des études utilisant l’imagerie par résonance magnétique (IRMf) ou la tomographie par émission de positrons (TÉP) (voir l’article de Coll, Blais-Michaud et Jackson, dans ce même numéro) ont documenté une augmentation au niveau de l’activation du GSM lors de la perception de mots, de non-mots et de syllabes (Benson et al., 2001 ; Celsis et al., 1999 ; Dehaene-Lambertz et al., 2005 ; Howard et al., 1992 ; R. L. Newman & Joanisse, 2011 ; S. D. Newman & Twieg, 2001 ; Zatorre, Evans, Meyer, & Gjedde, 1992). Puisque ces études ont utilisé des stimuli avec (p. ex. mots) ou sans représentation lexicale (non-mots, syllabes), l’activation observée au sein du GSM doit être associée à un mécanisme commun au traitement de ces stimuli. Une possibilité à explorer est que ce mécanisme commun soit relié au traitement de l’information phonologique 65 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page66 puisque tous les stimuli utilisés lors de ces études ont une représentation phonologique même en l’absence de représentation lexicale. Ainsi, en se basant sur cette hypothèse, il est fort plausible que le rôle du GSM lors de la perception de la parole et de la reconnaissance de mots à l’écrit ou à l’oral soit associé à des mécanismes de traitement phonologique. Néanmoins, puisque ces études ont utilisé différentes modalités de présentation (p. ex. auditive, visuelle), ainsi que différentes tâches expérimentales (p. ex. écoute passive, discrimination, décision lexicale, identification), il est difficile de déterminer le mécanisme sous-tendant l’activation du GSM lors de ces tâches. Par exemple, l’utilisation de stimuli visuels requiert un mécanisme de conversion de graphèmes en phonèmes contrairement aux stimuli auditifs qui requièrent la conversion d’information phonétique en information phonologique. Néanmoins, les résultats d’études ayant comparé l’activation cérébrale associée à des tâches ciblant différentes propriétés de stimuli verbaux (p. ex. propriétés acoustiques, phonologiques, sémantiques) étayent le rôle du GSM lors du traitement d’information phonologique. Par exemple, un plus haut niveau d’activation est observé dans le GSM lors de tâches portant sur les propriétés phonologiques des stimuli que lors de tâches portant sur leur contenu sémantique (Chee, O'Craven, Bergida, Rosen, & Savoy, 1999 ; Demonet, Price, Wise, & Frackowiak, 1994 ; Devlin et al., 2003 ; McDermott, Petersen, Watson, & Ojemann, 2003 ; Mummery, Patterson, Hodges, & Price, 1998 ; Price et al., 1997) ou leurs propriétés acoustiques (Celsis et al., 1999 ; Dehaene-Lambertz et al., 2005 ; Jacquemot et al., 2003). Ainsi, en se basant sur les résultats de ces études, l’hypothèse que le GSM est une région impliquée dans le traitement phonologique reçoit de plus en plus de support. Ainsi, même si l’IRMf et la TEP offrent des informations extrêmement intéressantes sur les corrélations entre le cerveau et les mécanismes de traitement phonologique, il est impossible d’établir des relations causales (c’est-à-dire si une aire est réellement obligatoire ou si sa contribution n’est pas essentielle) à l’aide de ces techniques puisque ni l’IRMf ni la TEP ne peuvent « manipuler » l’activation au niveau d’une région du cerveau. Ainsi, il est donc impossible d’établir avec certitude si le GSM est nécessaire ou non au traitement phonologique. Stimulation magnétique transcranienne La stimulation magnétique transcranienne (SMT) est un outil de recherche utilisé en neuroscience qui permet d’explorer le rôle fonctionnel d’une région en interférant avec le fonctionnement d’une région cérébrale (voir l’article de Coll, Blais-Michaud et Jackson, dans ce même numéro, pour plus de détails). Plus précisément, l’application de la SMT induit un champ magnétique 66 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page67 très faible qui à son tour génère un champ électrique qui modifie temporairement l’activité des neurones qui sont situés à l’intérieur du champ magnétiqueinterférant ainsi avec le fonctionnement de cette région. Par exemple, des protocoles de SMT à basse fréquence et à impulsions continues ont tendance à diminuer le niveau d’activation alors que les protocoles de SMT à haute fréquence et à impulsions discontinues ont tendance à les augmenter (pour plus de détails, voir : Bolognini & Ro, 2010). Afin de pouvoir établir un lien de causalité entre une fonction cognitive spécifique (p. ex. traitement phonologique) et une tâche, on compare la performance d’un participant lors d’une tâche spécifique avant l’application de la SMT à la performance après l’application de la SMT. En somme, en observant les modifications comportementales entraînées suite à l’application de la SMT, il est possible de déterminer si une aire est impliquée lors d’une tâche spécifique. Par exemple, plusieurs études ayant utilisé la SMT ont impliqué le GSM lors de tâches phonologiques. Sliwinska et collègues (2012) ont démontré, en utilisant un protocole de SMT, que le traitement phonologique de mots présentés visuellement est perturbé lors d’une tâche ciblant le traitement phonologique. Plus spécifiquement, l’application d’impulsions au GSM gauche a augmenté les temps de réaction lors d’une tâche de jugement de rimes alors qu’aucun effet n’a été observé lors d’une tâche sémantique (c.-à-d. jugement de synonymes ; tâche contrôle). Des résultats similaires ont été rapportés par Hartwigsen et collègues (2010). Suite à l’application de la SMT soit au GSM gauche, soit au GSM droit, soit simultanément au GSM gauche et droit, Hartwigsen et collègues ont observé une augmentation des temps de réaction lors d’une tâche phonologique avec des stimuli auditifs et visuels (comptage de syllabes). Toutefois, l’application de la SMT n’a eu aucun effet lors de tâches contrôles1. Les résultats de ces deux études suggèrent que le GSM joue un rôle lors du traitement phonologique puisque la performance des participants se détériore suite à l’application de la SMT sur cette région uniquement lorsque les tâches ciblent des mécanismes de traitement d’information phonologique. Néanmoins, tout comme les tâches utilisées lors d’études d’IRMf ciblant le traitement phonologique, les tâches de comptage de syllabes ou de jugement de rimes recrutent également des mécanismes de MCTv. De plus, ces études ayant utilisé des stimuli auditifs et visuels, il est difficile de déterminer quel mécanisme de 1 Les tâches contrôles étaient un jugement sémantique (déterminer si l’objet présenté est fabriqué par l’humain ou non), un jugement de tons (déterminer s’il y avait un changement au niveau de la hauteur de la voix dans un mot) et un jugement visuel (déterminer s’il y avait un changement de taille de caractères d’une police dans un mot). 67 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page68 traitement phonologique sous-tend le recrutement du GSM (voir Figure 2). Par exemple, la conversion de graphèmes en phonèmes est un mécanisme de traitement phonologique associé à la modalité visuelle alors que la conversion d’un code phonétique à un code phonologique est généralement associée à la modalité auditive. Ainsi, en se basant sur les résultats d’études ayant exploré le traitement phonologique à l’aide de l’IRMf, la TÉP et la SMT, il est difficile de déterminer si le GSM est recruté par des mécanismes de traitement phonologique (p. ex. conversion de graphèmes en phonèmes) ou MCTv (p. ex. de maintien d’information phonologique en mémoire). En prenant ces faits en considération, une possibilité à explorer est que le rôle du GSM n’est pas directement relié au traitement de l’information phonologique mais plutôt relié au maintien de l’information phonologique dans la MCTv. Cette hypothèse est en accord avec de récentes études d’IRMf qui ont documenté une augmentation de l’activation dans le GSM lors de tâche de MCTv (pour plus de détails, voir : Awh, Jonides, Schumacher, Koeppe, & Katz, 1996 ; Barch & Csernansky, 2007 ; Jonides et al., 1998 ; Paulesu, Frith, & Frackowiak, 1993 ; Paulesu et al., 1996 ; Salmon et al., 1996 ; E. E. Smith & Jonides, 1999 ; E. E. Smith et al., 1996). Dans la prochaine section, le rôle du GSM lors de tâche de MCTv sera exploré. ♦ La mémoire verbale à court terme et le GSM Tel que mentionné précédemment, une possibilité qui pourrait expliquer l’activation observée dans le GSM lors de tâches phonologiques est que cette région joue un rôle dans le maintien en mémoire des représentations phonologiques une fois que celles-ci ont été traitées. En effet, les études qui ont tenté de localiser les composantes de la MCTv telles que définies par le modèle de Baddeley et Hitch (Baddeley, 1986, 1998 ; 1974), ont impliqué le GSM (Awh et al., 1996 ; Jonides et al., 1998 ; Paulesu et al., 1993). Selon le modèle de Baddeley et Hitch, le maintien d’information verbale repose sur une boucle phonologique. La boucle phonologique est un système mnésique comprenant une composante de stockage qui maintient l’information verbale en mémoire et un mécanisme de récapitulation articulatoire (boucle articulatoire) qui active la trace phonologique (c.-à-d. représentation phonologique) afin de retarder l’oubli. La boucle phonologique maintient en mémoire l’information verbale en modalité auditive et visuelle. Toutefois, contrairement à l’information présentée en modalité auditive qui est immédiatement transformé en code phonologique, l’information présentée en modalité visuelle doit tout d’abord être analysée et un code visuel est gardé en mémoire. 68 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page69 Par la suite, ce code visuel est transformé en représentations phonologiques (c.-à-d. conversion de graphèmes en phonèmes). Imagerie par résonance magnétique fonctionnelle et tomographie par émission de positrons Afin de localiser les composantes de la boucle phonologique, des études en neuroimagerie (IRMf et TÉP) ont comparé l’activité associée à une tâche ciblant uniquement une composante de la boucle phonologique (p. ex. tâche de répétition) à l’activité associée à une tâche ciblant les deux composantes de la boucle phonologique (p. ex., tâche d’empan à rebours). Par exemple, Paulesu et collègues (1993), à l’aide de la TÉP ont comparé l’activation associée à une tâche de rimes, tâche nécessitant la composante de stockage à l’activation associée à une tâche de reconnaissance de lettres qui requiert non seulement la composante de stockage mais également la boucle articulatoire. Alors que la tâche de reconnaissance de lettres recrutait le gyrus inférieur frontal (GIF) et le GSM, la tâche de rimes ne recrutait que le GSM. Les auteurs ont interprété les résultats de cette comparaison comme démontrant que le GSM était impliqué dans la composante de stockage alors que le GIF était recruté par la boucle articulatoire. De manière similaire, Awh et collègues (1996) ont comparé l’activation associée à une tâche d’empan de chiffres à rebours (composantes de stockage et de boucle articulatoire) à celle associée avec une tâche de répétition (boucle articulatoire). Les résultats de cette comparaison ont identifié le GSM comme étant une région impliquée dans le stockage d’information phonologique alors que le GIF et le cortex pré-moteur étaient recrutés par la boucle articulatoire. En se basant sur les résultats d’études d’IRMf et de TÉP, il a été suggéré que le GSM est impliqué dans la composante de stockage d’information phonologique et que le GIF et le cortex prémoteur sont impliqués dans le mécanisme régissant la boucle articulatoire (Awh et al., 1996 ; Chein & Fiez, 2001 ; Jonides et al., 1998 ; Paulesu et al., 1993 ; Salmon et al., 1996 ; Edward E. Smith, Jonides, Marshuetz, & Koeppe, 1998). Toutefois, il est important de mentionner que le locus d’activation associé avec la composante de stockage dans le GSM varie d’étude en étude. Certaines études impliquent la portion antérieure du GSM (Paulesu et al., 1993 ; Paulesu et al., 1996 ; Salmon et al., 1996) alors que d’autres études impliquent la portion postérieure (Awh et al., 1996 ; Jonides et al., 1998 ; E. E. Smith et al., 1996). En somme, les résultats de ces études semblent impliquer le GSM dans le maintien d’information phonologique en mémoire. Toutefois, puisqu’aucune de ces études n’a comparé l’activité associée à une tâche phonologique à celle associée à une tâche de MCTv, une possibilité qui reste à explorer est que le 69 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page70 GSM soit composé de différents champs fonctionnels (c.-à-d. des sous-régions ayant différentes fonctions). Cette possibilité pourrait expliquer pourquoi le GSM est recruté lors de tâches phonologiques et de tâche de MCTv. Une façon d’aborder cette possibilité est d’utiliser la SMT et de stimuler une région spécifique du GSM lors de tâches phonologiques et de tâches de MCTv. Stimulation magnétique transcranienne Afin de caractériser plus précisément le rôle du GSM gauche lors de tâches de MCTv et de tâches de traitement phonologique, Romero et collègues (2006) ont utilisé un paradigme de SMT lors des tâches suivantes : (1) empan numérique, (2) similarité phonologique (son de la première syllabe), et (3) similarité d’accentuation syllabique avec des mots présentés visuellement. Selon les auteurs, la tâche d’empan numérique engage des processus de traitement phonologique (c.-à-d. la conversion d’un code orthographique à un code phonologique) et de stockage puisqu’à la fin de chaque série de chiffres, les participants devaient déterminer si une séquence de deux chiffres présentée après un délai faisait partie de la série de chiffres qu’il avait mémorisée. Les tâches de similarité phonologique et d’accentuation recrutent des processus de traitement phonologique puisque les mots écrits doivent être transformés en représentations phonologiques tout en minimisant la composante de stockage phonologique puisque les deux mots étaient présentés dans un court délai contrairement à la tâche d’empan numérique. Logiquement, si le GSM est impliqué dans la composante de stockage, l’application de la SMT devrait seulement perturber la performance des participants lors de la tâche d’empan numérique. Toutefois, contrairement à l’hypothèse de départ, l’application de la SMT a ralenti les temps de réactions pour les trois tâches. Puisque les mots étaient présentés de manière orthographique, il est possible que la conversion de l’information orthographique en représentation phonologique requière que l’information soit maintenue en mémoire, recrutant la composante de stockage. Afin d’éliminer cette possibilité, les auteurs ont utilisé le même protocole de stimulation et les mêmes tâches phonologiques, toutefois en gardant les mots à l’écran jusqu’à temps que le participant ait répondu. La logique étant qu’en gardant chaque paire de mots à l’écran, les demandes imposées sur la composante de stockage seraient minimisées. Toutefois, des résultats similaires à la première étude ont été observés. Ainsi, il semble que le GSM soit impliqué lors de tâches phonologiques même si les demandes de stockage sont minimisées. Néanmoins, l’utilisation de mots écrits requiert la transformation de codes orthographiques en codes phonologiques ce qui recrute probablement la composante de stockage car l’information doit être gardée en mémoire par le biais du mécanisme de récapitulation articulatoire. En somme, l’utilisation de stimuli visuels requiert la 70 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page71 MCTv ce qui rend difficile la dissociation des mécanismes impliqués dans le traitement phonologique (décodage) de ceux impliqués dans la MCTv. Ces résultats sont similaires à ceux décrits par Stoeckel et collègues (2009), qui ont démontré que l’application de la SMT au GSM gauche facilitait la performance des participants lors d’une tâche de jugements d’homophones (c.-à-d. tâche phonologique) et de jugements de synonymes (c.-à-d. tâche sémantique ; tâche contrôle) avec des mots présentés visuellement. Contrairement à l’hypothèse de départ que seule la tâche phonologique serait affectée par la SMT, la tâche sémantique fût également perturbée par la SMT. Les auteurs ont interprété ces résultats en stipulant que lors de la lecture de mots (processus requis pour les deux tâches), les participants ont accédé à une représentation phonologique des sons de chaque mot. Ainsi, la présentation de mots écrits nécessiterait la conversion de graphèmes en phonèmes, ce qui taxe la composante de stockage phonologique. Dans le but de caractériser le rôle du GSM lors du traitement phonologique, nous avons utilisé un protocole de SMT jumelé à une tâche de MCTv (tâche d’empan à rebours de mots et pseudomots) et à une tâche de discrimination (2014). La complexité syllabique a été manipulée en variant la distance sur l’échelle de sonorité des deux consonnes formant le groupe consonantique dans l’attaque de la première syllabe. Plus la distance entre deux consonnes est petite (p. ex. /tr/ versus /pl)/, plus complexe est l’attaque (Clements, Kingston, & Beckman, 1990 ; Gierut, 2007). L’hypothèse testée était que si le GSM est impliqué dans le traitement de l’information phonologique, la performance des participants devrait être perturbée lors de la tâche de MCTv et la tâche de discrimination suite à l’application de la SMT puisque les stimuli auditifs doivent être traités (conversion de l’information phonétique en information phonologique) dans les deux cas. Toutefois, si le GSM est impliqué lors du maintien en mémoire de l’information phonologique, la SMT devrait avoir un plus grand effet sur la tâche d’empan à rebours que sur la tâche de discrimination puisque la tâche d’empan à rebours impose de plus grandes demandes sur les mécanismes de MCTv que la tâche de discrimination. Les résultats de cette étude ont validé cette deuxième hypothèse ; la SMT a ralenti les temps de réactions lors de la tâche d’empan à rebours mais n’a eu aucun effet sur la tâche de discrimination. Kirschen et collègues (2006) sont également arrivés à une conclusion similaire suite à l’analyse des résultats d’une étude utilisant un protocole de SMT jumelé à une tâche d’empan de pseudomots. Afin de manipuler le degré de difficulté associé au maintien de l’information phonologique en mémoire, des 71 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page72 listes de pseudomots similaires (p. ex. mell, pell, rell) et des listes de pseudomots dissimilaires (p. ex. shen, floy, stap) ont été utilisées. Cette manipulation se base sur les résultats de plusieurs études démontrant que lorsque les stimuli sont phonologiquement similaires, il est beaucoup plus difficile de les garder en mémoire que lorsqu’ils ne le sont pas. Suite à l’application de la SMT, les auteurs ont observé une amélioration au niveau de la performance des participants (c.-à-d. diminution des temps de réaction et du nombre d’erreurs) pour les listes de mots similaires suggérant ainsi que le GSM est impliqué dans le maintien d’information phonologique en mémoire. En somme, les résultats d’études ayant utilisé la SMT afin de caractériser le rôle du GSM lors du traitement phonologique et du maintien en mémoire d’information phonologique démontrent que le GSM est recruté lors du maintien en mémoire d’information phonologique et non lors du traitement d’information phonologique. Afin de détailler plus précisément le rôle du GSM lors du traitement phonologique, un survol des résultats d’études en neuroimagerie portant sur les corrélats neuronaux de la lecture s’avère nécessaire puisque la lecture requiert de nombreux processus cognitifs (p.ex. MCTv) et langagiers dont des processus phonologiques (p. ex. conversion de graphèmes en phonèmes) qui recrutent un réseau distribué de régions incluant le GSM (Bookheimer, Zeffiro, Blaxton, Gaillard, & Theodore, 1995 ; Graves, Desai, Humphries, Seidenberg, & Binder, 2010 ; Menard, Kosslyn, Thompson, Alpert, & Rauch, 1996 ; Price, 1998 ; Price, Wise, & Frackowiak, 1996). ♦ La lecture, la dyslexie et le GSM La lecture est une activité cognitive complexe qui requiert non seulement des processus phonologiques (p. ex. conversion de graphèmes en phonèmes) mais également d’autres processus cognitifs (MCTv). Ce qui est particulièrement intéressant dans le cadre de cet article est que selon le modèle de lecture à double voie (DRD), la reconnaissance de mots écrits repose sur l’existence de deux voies par lesquelles l’information orthographique peut être traitée ; une voie lexicale et une voie phonologique (Coltheart, Curtis, Atkins, & Haller, 1993 ; Coltheart & Rastle, 1994 ; Coltheart, Rastle, Perry, Langdon, & Ziegler, 2001). Ainsi, en principe, il est possible de dissocier les mécanismes de lecture basés sur le traitement phonologique (c.-à-d. conversion de graphèmes en phonèmes) de ceux basés sur le traitement orthographique-lexical lors de la reconnaissance de mots écrits. La voie lexicale repose sur la reconnaissance visuelle globale des mots qui sont déjà familiers au lecteur. C’est un processus rapide qui fait appel à des 72 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page73 représentations lexicales gardées en mémoire. La voie phonologique quant à elle, repose sur la conversion de graphèmes en phonèmes. C’est un processus de lecture plus lent que celui associé avec la voie lexicale parce que le décodage orthographique est une opération séquentielle, car après la conversion de chaque graphème en phonème, celui-ci doit être gardé temporairement en mémoire jusqu’à ce que tous les graphèmes d’un mot soient convertis. Une récente méta-analyse démontre que la lecture par la voie phonologique recrute un réseau d’aires localisé dans l’hémisphère gauche dont le GSM (pour plus de détails, voir : Jobard, Crivello, & Tzourio-Mazoyer, 2003). Par exemple, Mei et collègues (2014) ont documenté une plus grande augmentation du niveau d’activation dans le GSM lors d’une tâche de lecture recrutant la voie phonologique que lors d’une tâche de lecture recrutant la voie lexicale. Afin de pouvoir identifier les corrélats neuronaux de chacune de ces voies les auteurs ont appris à deux groupes de participants à lire un langage artificiel basé sur le Koréan Hangul ; le premier groupe a appris en utilisant la voie lexicale (c.-à-d. reconnaissance globale) alors que le deuxième groupe a appris en utilisant la voie phonologique. Roux et collègues (2012) ont démontré en jumelant un protocole de SMT à une tâche de lecture de pseudomot que la stimulation de la portion antérieure et inférieure du GSM gauche interférait avec la lecture par la voie phonologique, puisque les pseudomots n’ayant aucune représentation lexicale ne peuvent être lus par le biais de la voie lexicale. En somme, les résultats de ces études suggèrent que le GSM joue un rôle important lors de la lecture par la voie phonologique. L’importance du GSM lors du traitement phonologique en lecture est également démontrée par de récentes études en neuroimagerie ayant rapporté des anomalies structurelles et fonctionnelles au niveau du GSM chez des individus dyslexiques par rapport aux individus non dyslexiques. La dyslexie développementale est un trouble d’apprentissage spécifique de la lecture causé par un désordre neurologique qui touche environ 5% à 17% des enfants (Shaywitz, 1998 ; Shaywitz & Shaywitz, 2003 ; Wolf, 2008). La dyslexie développementale se manifeste par des difficultés de lecture chez des enfants avec des capacités intellectuelles normales, en l’absence de déficit sensoriel ou visuel. Les difficultés de lecture de mots ou de textes sont généralement associées à un déficit au niveau du traitement phonologique. Plus précisément le déficit phonologique observé serait lié au décodage phonologique ou à l’assemblage phonologique lors de la lecture (c.-à-d. maintien en mémoire des représentations phonologiques) (Stanovich, 1988). Des études de neuroimagerie ont identifié des anomalies structurelles au niveau du GSM chez des individus dyslexiques. Par exemple, une réduction au niveau de la matière grise dans le lobe pariétal infé- 73 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page74 rieur gauche (incluant une portion du SMG, Hoeft et al., 2007) et dans le GSM droit (Kronbichler et al., 2008) a été observée chez des individus dyslexiques. De plus, des études d’IRMf ont également documenté des différences au niveau des patrons d’activation observés chez des individus dyslexiques lorsque ceux-ci sont comparés à des contrôles (c.-à-d. des individus n’ayant aucun trouble de lecture). Par exemple, chez les enfants dyslexiques, lors de tâches de lecture, aucune activation n’est observée dans la partie postérieure du gyrus supérieur temporale et du cortex pariétal inférieur gauche (incluant le GSM) par rapport à des enfants non dyslexiques (Hoeft et al., 2007 ; Pugh et al., 2000 ; Shaywitz et al., 1998 ; Simos, Breier, Fletcher, Bergman, & Papanicolaou, 2000 ; Temple et al., 2001). De manière similaire, Kast et collègues (2011) ont observé lors d’une tâche de décision lexicale une baisse au niveau de l’activation dans le GSM gauche chez des individus dyslexiques comparé à des individus non dyslexiques. Ruff et collègues (2002) ont également observé une baisse au niveau de l’activation dans le GSM (bilatéral) chez des individus dyslexiques lors de la perception de contrastes phonémiques (p.ex.: ma-na, ma-ma). En somme, les résultats d’études portant sur les mécanismes de lecture et la dyslexie démontrent que le GSM est une région importante pour la lecture, particulièrement lorsque la voie phonologique est utilisée. Toutefois, puisque la lecture par la voie phonologique recrute non seulement des mécanismes de traitement phonologique (p. ex. conversion de graphèmes en phonèmes) et des mécanismes de MCTv, il est difficile de déterminer quel rôle le GSM joue lors de la lecture. ♦ Discussion L’objectif de cet article était de faire état des connaissances concernant le rôle du GSM dans le traitement phonologique. Notre analyse de la littérature montre que le GSM est recruté non seulement lors de tâches impliquant des mécanismes de traitement phonologique lors de la reconnaissance de mot à l’oral et à l’écrit, mais également lors de tâches ciblant les mécanismes de MCTv. Afin de mieux comprendre le rôle du GSM, une distinction entre le traitement phonologique (c.-à-d. décodage) et la MCTv (c.-à-d. le maintien d’information phonologique en mémoire une fois que celle-ci fut encodée) a été faite. Malgré la diversité de stimuli utilisés dans la littérature, une possibilité est que le GSM est impliqué dans le maintien de l’information phonologique en mémoire. Par exemple, dans la majorité des tâches phonologiques présentées dans cet article, les participants devaient émettre un jugement. Afin de pouvoir émettre leur jugement, les participants devaient garder en mémoire les stimuli 74 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page75 présentés soit de manière visuelle ou auditive jusqu’à temps qu’ils soient prêts à répondre. Ainsi, ces tâches taxent les mécanismes impliqués dans le maintien en mémoire d’information phonologique. De même, les tâches de lecture ciblant les mécanismes de traitement associés à la voie phonologique impliquent également la MCTv, puisque la nature séquentielle du décodage orthographique (c.-à-d. la conversion de graphèmes en phonèmes) nécessite que chaque phonème soit maintenu en mémoire jusqu’à ce que le stimulus soit entièrement décodé. Néanmoins, la découverte que le GSM est composé de différentes aires fonctionnelles pourrait signifier que le GSM est impliqué non seulement lors du maintien de l’information phonologique en mémoire mais également lors du décodage phonologique. En effet de récentes études ont démontré que le GSM est composé de sous-régions (voir Figure 1 : Caspers et al., 2008 ; Caspers et al., 2006). Plus spécifique, ces études ont démontré que ces sous-régions se distinguent par leur composition cellulaire (c.-à-d. différences au niveau de l’arrangement des cellules) et leur patron de connectivité avec d’autres régions. Cinq sous-régions (aires PFop, PFt, PF, PFm et PFcm) formeraient ainsi le GSM (voir Figure 1 ; Caspers et al., 2008 ; Caspers et al., 2006). Par exemple, en étudiant les types de récepteurs cellulaires retrouvés dans chacune des sous-régions, il a été démontré que la portion antérieure du GSM (GSMa) est connectée avec le lobe frontal, le cortex pré-moteur, le cortex moteur et le cortex somatosensoriel ; la portion postérieure du GSM (GSMp) a une connectivité similaire à celle de la portion antérieure du GSM en plus d’avoir des connections avec des régions du lobe pariétal postérieur, du cortex temporal et du cortex visuel (Caspers et al., 2011 ; Catani, Jones, & Fytche, 2005 ; Rushworth, Behrens, & Johansen-Berg, 2006 ; Tomassini et al., 2007). Ainsi, la portion antérieure et la portion postérieure du GSM pourraient être recrutées par différents mécanismes. Cette hypothèse est congruente avec le fait que dans la majorité des études en IRMF il est difficile de dissocier les mécanismes de traitement phonologique (c.-à-d. conversion de graphèmes en phonèmes) des autres mécanismes cognitifs recrutés par la tâche expérimentale (p. ex. MCTv) et que le locus d’activité observé dans le GSM lors de ces études varie. Cette variation pourrait être expliquée en tenant compte que différents processus cognitifs (traitement phonologique, MCTv) sont taxés de manière différentielle selon les demandes de la tâche. De plus, puisque la région du GSM stimulée lors d’études de SMT varie également, une hypothèse qui ne peut être ignorée est que le GSM soit impliqué lors du décodage phonologique et dans le maintien d’information phonologique en mémoire puisque les sous-régions pourraient être recrutées par différentes fonctions. 75 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page76 Une récente étude a démontré, au moyen de la SMT, que le GSMa était impliqué lors du maintien d’information en mémoire et non de décodage phonologique. En utilisant une tâche ciblant le décodage phonologique (tâche de discrimination) et une tâche ciblant le décodage phonologique et la MCTv (tâche d’empan à rebours de mots et pseudomots), nous avons montré que la SMT du GSMa affecte la performance lors de la tâche d’empan à rebours mais pas la tâche de discrimination. Ainsi, les résultats de cette étude suggèrent que le GSMa est impliqué lors du maintien d’information phonologique en mémoire. Ces résultats sont congruents avec les résultats d’études qui ont démontré que les tâches de MCTv recrutent un réseau de régions dont le GSM, le GIF, le cortex prémoteur dorsal, le cortex insulaire antérieur, et le planum temporale, des régions avec lesquelles le GSMa partage des connections (Koelsch et al., 2009 ; Sharlene D. Newman, Just, & Carpenter, 2002 ; Schulze, Zysset, Mueller, Friederici, & Koelsch, 2011). Ainsi, si le GSMa est impliqué lors du maintien d’information phonologique en mémoire, il est plausible que le GSMp soit impliqué lors du traitement phonologique (voir Figure 2). ♦ Conclusion En somme, la présente revue de littérature démontre que le GSM est une région très complexe d’un point de vue anatomique et fonctionnel puisque celuici est composé de différentes régions cytoarchitectoniques et qu’il est recruté lors de tâches de MCTv et de processus phonologiques. Plus précisément, cette revue de littérature montre l’importance qui devrait être accordée aux différentes méthodes d’investigation, notamment l’IRM, l’IRMf, la SMT, la TÉP, afin de caractériser le rôle du GSM lors de processus de traitement phonologique et de MCTv. De plus, l’importance de prendre en compte les processus cognitifs liés aux processus phonologiques lors de certaines tâches, telle que la MCTv est un point important qui ressort lors de la synthèse des différentes études en neuroimagerie portant sur les tâches phonologiques, les tâches de MCTv et les tâches de lecture. En somme, afin de pouvoir caractériser les mécanismes cognitifs associés à la portion antérieure et postérieure du GSM, de plus amples études utilisant différents outils en neuroimagerie ainsi que des tâches recrutant à différents degrés des processus phonologiques et des processus de MCTv avec des stimuli (p.ex. mots, non-mots, syllabes) sont un prérequis. À notre connaissance il n’existe à ce jour aucune étude de ce type. Les connaissances qui seront générées par ces avancées importantes dans la compréhension du rôle du GSM lors de tâches langagières auront un impact important sur l’étiologie complexe reliée à différents troubles (p. ex. troubles de la lecture, 76 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page77 troubles phonologiques, troubles de MCT) afin de cibler des mécanismes de traitement spécifiques lors d’interventions orthophoniques. REFERENCES AWH, E., JONIDES, E. E., SCHUMACHER, E. H, KOEPPE, R. A., & KATZ, S. (1996). Dissociation of storage and rehearsal in verbal working memory : Evidence from positron emission tomography. Psychological Science, 7, 25-31. BACKMAN, JOAN. (1983). The Role of Psycholinguistic Skills in Reading Acquisition : A Look at Early Readers. Reading Research Quarterly, 18(4), 466-479. doi: 10.2307/747381 BADDELEY, A. (1986). Working Memory : Clarendon Press. BADDELEY, A. (1998). Working memory. C R Acad Sci III, 321(2-3), 167-173. BADDELEY, A., & HITCH, G. J. (1974). Working memory. New York : Academic. BARCH, D. M., & CSERNANSKY, J. G. (2007). Abnormal parietal cortex activation during working memory in schizophrenia : verbal phonological coding disturbances versus domain-general executive dysfunction. Am J Psychiatry, 164(7), 1090-1098. BENSON, R. R., WHALEN, D. H., RICHARDSON, M., SWAINSON, B., CLARK, V. P., LAI, S., & LIBERMAN, A. M. (2001). Parametrically dissociating speech and nonspeech perception in the brain using fMRI. Brain Lang, 78(3), 364-396. BERENT, I., PAN, H., ZHAO, X., EPSTEIN, J., BENNETT, M. L., DESHPANDE, V., STERN, E. (2014). Language Universals Engage Broca's Area. PLoS One, 9(4), e95155. doi: 10.1371/journal.pone.0095155 BOLOGNINI, N., & RO, T. (2010). Transcranial magnetic stimulation : disrupting neural activity to alter and assess brain function. J Neurosci, 30(29), 9647-9650. BOOKHEIMER, S. Y, ZEFFIRO, T. A., BLAXTON, T. A., GAILLARD, W., & THEODORE, W. H. (1995). Regional cerebral blood flow during object naming and word reading. Human Brain Mapping, 3, 93-106. BOOTH, J. R., BURMAN, D. D., MEYER, J. R., GITELMAN, D. R., PARRISH, T. B., & MESULAM, M. M. (2002). Functional anatomy of intra- and cross-modal lexical tasks. Neuroimage, 16(1), 722. doi: 10.1006/nimg.2002.1081 BRODMANN, K., & GARY, J.L. (2006). Brodmann's localization in the cerebral cortex : the principles of comparative localism in the cerebral cortex based on cytroarchitectonics. BURTON, M. W. (2001). The role of inferior frontal cortex in phonological processing. Cognitive Science, 25(5), 695-709. CASPERS, S., EICKHOFF, S. B., GEYER, S., SCHEPERJANS, F., MOHLBERG, H., ZILLES, K., & AMUNTS, K. (2008). The human inferior parietal lobule in stereotaxic space. Brain Struct Funct, 212(6), 481-495. CASPERS, S., EICKHOFF, S. B., RICK, T., von KAPRI, A., KUHLEN, T., HUANG, R., ZILLES, K. (2011). Probabilistic fibre tract analysis of cytoarchitectonically defined human inferior parietal lobule areas reveals similarities to macaques. Neuroimage, 58(2), 362-380. CASPERS, S., GEYER, S., SCHLEICHER, A., MOHLBERG, H., AMUNTS, K., & ZILLES, K. (2006). The human inferior parietal cortex : cytoarchitectonic parcellation and interindividual variability. Neuroimage, 33(2), 430-448. CATANI, M., JONES, D. K., & FYTCHE, D. H. (2005). Perisylvian language networks of the human brain. Ann Neurol, 57(1), 8-16. 77 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page78 CELSIS, P., BOULANOUAR, K., DOYON, B., RANJEVA, J. P., BERRY, I., NESPOULOUS, J. L., & CHOLLET, F. (1999). Differential fMRI responses in the left posterior superior temporal gyrus and left supramarginal gyrus to habituation and change detection in syllables and tones. Neuroimage, 9(1), 135-144. CHEE, M. W., O'CRAVEN, K. M., BERGIDA, R., ROSEN, B. R., & SAVOY, R. L. (1999). Auditory and visual word processing studied with fMRI. Hum Brain Mapp, 7(1), 15-28. CHEIN, J. M., & FIEZ, J. A. (2001). Dissociation of verbal working memory system components using a delayed serial recall task. Cereb Cortex, 11(11), 1003-1014. CLEMENTS, G. N., KINGSTON, JOHN, & BECKMAN, MARY E. (1990). The role of the sonority cycle in core syllabification. Papers in Laboratory Phonology : Cambridge University Press. COLTHEART, M., CURTIS, B., ATKINS, P., & HALLER, M. (1993). Models of reading aloud : Dualroute and parallel-distributed-processing approaches. Psychological Review, 100(4), 589-608. COLTHEART, M., & RASTLE, K. (1994). Serial processing in reading aloud : Evidence for dual-route models of reading. Journal of Experimental Psychology : Human Perception and Performance, 20(6), 1197-1211. COLTHEART, M., RASTLE, K., PERRY, C., LANGDON, R., & ZIEGLER, J. (2001). DRC : A dual route cascaded model of visual word recognition and reading aloud. Psychological Review, 108(1), 204-256. CROTTAZ-HERBETTE, S., ANAGNOSON, R. T., & MENON, V. (2004). Modality effects in verbal working memory : differential prefrontal and parietal responses to auditory and visual stimuli. NeuroImage, 21(1), 340-351. doi: http://dx.doi.org/10.1016/j.neuroimage.2003.09.019 DEHAENE-LAMBERTZ, G., PALLIER, C., SERNICLAES, W., SPRENGER-CHAROLLES, L., JOBERT, A., & DEHAENE, S. (2005). Neural correlates of switching from auditory to speech perception. Neuroimage, 24(1), 21-33. DEMONET, J. F., PRICE, C.J., WISE, R., & FRACKOWIAK, R. S. (1994). Differential activation of right and left posterior sylvian regions by semantic and phonological tasks : a positron-emission tomography study in normal human subjects. Neurosci Lett, 182(1), 25-28. DESCHAMPS, I., BAUM, S. R., & GRACCO, V. L. (2014). On the role of the supramarginal gyrus in phonological processing and verbal working memory : evidence from rTMS studies. Neuropsychologia, 53, 39-46. doi: 10.1016/j.neuropsychologia.2013.10.015 DEVLIN, JT, MATTHEWS, PM, & RUSHWORTH, MF. (2003). Semantic processing in the left inferior prefrontal cortex : a combined functional magnetic resonance imaging and transcranial magnetic stimulation study. J Cogn Neurosci, 15(1), 71-84. FIEZ, J. A., RAICHLE, M. E., MIEZIN, F. M., PETERSEN, S. E., TALLAL, P., & KATZ, W. F. (1995). P E T S t u d i e s o f A u d i t o r y a n d P h o n o l o g i c a l P r o c e s s i n g : E ff e c t s o f S t i m u l u s Characteristics and Task Demands. Journal of Cognitive Neuroscience, 7(3), 357-375. doi: 10.1162/jocn.1995.7.3.357 GELFAND, JENNA R., & BOOKHEIMER, SUSAN Y. (2003). Dissociating Neural Mechanisms of Temporal Sequencing and Processing Phonemes. Neuron, 38(5), 831-842. doi: http://dx.doi.org/10.1016/S0896-6273(03)00285-X GIERUT, J. A. (2007). Phonological complexity and language learnability. Am J Speech Lang Pathol, 16(1), 6-17. doi: 10.1044/1058-0360(2007/003) GOSWAMI, USHA. (1993). Toward an Interactive Analogy Model of Reading Development : Decoding Vowel Graphemes in Beginning Reading. Journal of Experimental Child Psychology, 56(3), 443475. doi: http://dx.doi.org/10.1006/jecp.1993.1044 GRAVES, W. W., DESAI, R., HUMPHRIES, C., SEIDENBERG, M. S., & BINDER, J. R. (2010). Neural systems for reading aloud : a multiparametric approach. Cereb Cortex, 20(8), 1799-1815. doi: 10.1093/cercor/bhp245 GREENBERG, S. (2005). a multi-tier theoretical framework for understanding spoken language. In S. Greenberg & W. Ainsworth (Eds.), listening to speech : an auditory perspective (pp. 411-433) : Mahwah. HARTWIGSEN, G., BAUMGAERTNER, A., PRICE, C.J., KOEHNKE, M., ULMER, S., & SIEBNER, H. R. (2010). Phonological decisions require both the left and right supramarginal gyri. Proc Natl Acad Sci U S A, 107(38), 16494-16499. 78 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page79 HEALY, ALICE F., & CUTTING, JAMES E. (1976). Units of speech perception : Phoneme and syllable. Journal of Verbal Learning and Verbal Behavior, 15(1), 73-83. doi: http://dx.doi.org/10.1016/S0022-5371(76)90008-6 HOEFT, FUMIKO, MEYLER, ANN, HERNANDEZ, ARVEL, JUEL, CONNIE, TAYLOR-HILL, HEATHER, MARTINDALE, JENNIFER L., GABRIELI, JOHN D. E. (2007). Functional and morphometric brain dissociation between dyslexia and reading ability. Proceedings of the National Academy of Sciences, 104(10), 4234-4239. doi: 10.1073/pnas.0609399104 HOWARD, D., PATTERSON, K., WISE, R., BROWN, W. D., FRISTON, K., WEILLER, C., & FRACKOWIAK, R. (1992). The cortical localization of the lexicons. Positron emission tomography evidence. Brain, 115 ( Pt 6), 1769-1782. JACQUEMOT, C., PALLIER, C., LEBIHAN, D., DEHAENE, S., & DUPOUX, E. (2003). Phonological grammar shapes the auditory cortex : a functional magnetic resonance imaging study. J Neurosci, 23(29), 9541-9546. JÄNCKE, L., WÜSTENBERG, T., SCHEICH, H., & HEINZE, H. J. (2002). Phonetic Perception and the Temporal Cortex. NeuroImage, 15(4), 733-746. doi: http://dx.doi.org/10.1006/nimg.2001.1027 JOBARD, G., CRIVELLO, F., & TZOURIO-MAZOYER, N. (2003). Evaluation of the dual route theory of reading : a metanalysis of 35 neuroimaging studies. Neuroimage, 20(2), 693-712. JONIDES, J., SCHUMACHER, E. H., SMITH, E. E., KOEPPE, R. A., AWH, E., REUTER-LORENZ, P. A., WILLIS, C. R. (1998). The role of parietal cortex in verbal working memory. J Neurosci, 18(13), 5026-5034. KAST, M., BEZZOLA, L., JANCKE, L., & MEYER, M. (2011). Multi- and unisensory decoding of words and nonwords result in differential brain responses in dyslexic and nondyslexic adults. Brain Lang, 119(3), 136-148. doi: 10.1016/j.bandl.2011.04.002 KIRSCHEN, M. P., DAVIS-RATNER, M. S., JERDE, T. E., SCHRAEDLEY-DESMOND, P., & DESMOND, J. E. (2006). Enhancement of phonological memory following transcranial magnetic stimulation (TMS). Behav Neurol, 17(3-4), 187-194. KOELSCH, S., SCHULZE, K., SAMMLER, D., FRITZ, T., MULLER, K., & GRUBER, O. (2009). Functional architecture of verbal and tonal working memory : an FMRI study. Hum Brain Mapp, 30(3), 859-873. doi: 10.1002/hbm.20550 KRONBICHLER, M., WIMMER, H., STAFFEN, W., HUTZLER, F., MAIR, A., & LADURNER, G. (2008). Developmental dyslexia : gray matter abnormalities in the occipitotemporal cortex. Hum Brain Mapp, 29(5), 613-625. doi: 10.1002/hbm.20425 LIBERMAN, A. M., COOPER, F. S., SHANKWEILER, D. P., & STUDDERT-KENNEDY, M. (1967). Perception of the speech code. Psychol Rev, 74(6), 431-461. LIEBENTHAL, E., BINDER, J. R., SPITZER, S. M., POSSING, E. T., & MEDLER, D. A. (2005). Neural substrates of phonemic perception. Cereb Cortex, 15(10), 1621-1631. doi: 10.1093/cercor/bhi040 MacNEILAGE, P. F. (1998). The frame/content theory of evolution of speech production. Behav Brain Sci, 21(4), 499-511; discussion 511-446. MASSARO, D. W. (1974). Perceptual units in speech recognition. J Exp Psychol, 102(2), 199-208. McDERMOTT, K. B., PETERSEN, S. E., WATSON, J. M., & OJEMANN, J. G. (2003). A procedure for identifying regions preferentially activated by attention to semantic and phonological relations using functional magnetic resonance imaging. Neuropsychologia, 41(3), 293-303. McKENNA, B. S., BROWN, G. G., DRUMMOND, S. P., TURNER, T. H., & MANO, Q. R. (2013). Linking mathematical modeling with human neuroimaging to segregate verbal working memory maintenance processes from stimulus encoding. Neuropsychology, 27(2), 243-255. doi: 10.1037/a0031515 MEI, L., XUE, G., LU, Z. L., HE, Q., ZHANG, M., WEI, M., DONG, Q. (2014). Artificial language training reveals the neural substrates underlying addressed and assembled phonologies. PLoS One, 9(3), e93548. doi: 10.1371/journal.pone.0093548 MENARD, M. T., KOSSLYN, S. M., THOMPSON, W. L., ALPERT, N. M., & RAUCH, S. L. (1996). Encoding words and pictures : a positron emission tomography study. Neuropsychologia, 34(3), 185-194. 79 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page80 MUMMERY, C. J., PATTERSON, K., HODGES, J. R., & PRICE, C. J. (1998). Functional neuroanatomy of the semantic system : divisible by what ? J Cogn Neurosci, 10(6), 766-777. NEWMAN, R. L., & JOANISSE, M. F. (2011). Modulation of brain regions involved in word recognition by homophonous stimuli : an fMRI study. Brain Res, 1367, 250-264. NEWMAN, S. D., & TWIEG, D. (2001). Differences in auditory processing of words and pseudowords : an fMRI study. Hum Brain Mapp, 14(1), 39-47. NEWMAN, SHARLENE D., JUST, MARCEL ADAM, & CARPENTER, PATRICIA A. (2002). The Synchronization of the Human Cortical Working Memory Network. NeuroImage, 15(4), 810-822. doi: http://dx.doi.org/10.1006/nimg.2001.0997 NUSBAUM, HOWARD, & DEGROOT, JENNY. (1990). The role of syllables in speech perception. Paper presented at the M. Ziolkowski, M., Noske, & K. Deaton (Eds.), Papers from the 26th Regional Meeting of the Chicago Linguistic Society. OKADA, K., & HICKOK, G. (2006). Left posterior auditory-related cortices participate both in speech perception and speech production : Neural overlap revealed by fMRI. Brain Lang, 98(1), 112117. PAULESU, E., FRITH, C. D., & FRACKOWIAK, R. S. (1993). The neural correlates of the verbal component of working memory. Nature, 362(6418), 342-345. PAULESU, E., FRITH, U., SNOWLING, M., GALLAGHER, A., MORTON, J., FRACKOWIAK, R. S., & FRITH, C. D. (1996). Is developmental dyslexia a disconnection syndrome ? Evidence from PET scanning. Brain, 119 ( Pt 1), 143-157. POEPPEL, D. (1996). A critical review of PET studies of phonological processing. Brain Lang, 55(3), 317-351 ; discussion 352-385. doi: 10.1006/brln.1996.0108 POLDRACK, RA, TEMPLE, E, PROTOPAPAS, A, NAGARAJAN, S, TALLAL, P, MERZENICH, M, & GABRIELI, J. (2001). Relations between the Neural Bases of Dynamic Auditory Processing and Phonological Processing : Evidence from fMRI. J Cogn Neurosci, 13(5), 687-697. POLDRACK, RA, WAGNER, AD, PRULL, MW, DESMOND, JE, GLOVER, GH, & GABRIELI, JD. (1999). Functional specialization for semantic and phonological processing in the left inferior prefrontal cortex. Neuroimage, 10, 15 - 35. PRICE, C. J. (1998). The functional anatomy of word comprehension and production. Trends Cogn Sci, 2(8), 281-288. PRICE, C. J., MOORE, C. J., HUMPHREYS, G. W., & WISE, R. J. S. (1997). Segregating semantic from phonological processes during reading. Journal of cognitive neuroscience, 9(6), 727-733. PRICE, C. J., WISE, R. J., & FRACKOWIAK, R. S. (1996). Demonstrating the implicit processing of visually presented words and pseudowords. Cereb Cortex, 6(1), 62-70. PUGH, K. R., MENCL, W. E., JENNER, A. R., KATZ, L., FROST, S. J., LEE, J. R., SHAYWITZ, B. A. (2000). Functional neuroimaging studies of reading and reading disability (developmental dyslexia). Ment Retard Dev Disabil Res Rev, 6(3), 207-213. PUGH, K. R., SHAYWITZ, B. A., SHAYWITZ, S. E., CONSTABLE, R. T., SKUDLARSKI, P., FULBRIGHT, R. K., GORE, J. C. (1996). Cerebral organization of component processes in reading. Brain, 119 ( Pt 4), 1221-1238. RAVIZZA, SUSAN M., DELGADO, MAURICIO R., CHEIN, JASON M., BECKER, JAMES T., & FIEZ, JULIE A. (2004). Functional dissociations within the inferior parietal cortex in verbal working memory. Neuroimage, 22(2), 562-573. RIMOL, L. M., SPECHT, K., WEIS, S., SAVOY, R., & HUGDAHL, K. (2005). Processing of sub-syllabic speech units in the posterior temporal lobe : an fMRI study. Neuroimage, 26(4), 1059-1067. doi: 10.1016/j.neuroimage.2005.03.028 ROMERO, L., WALSH, V., & PAPAGNO, C. (2006). The neural correlates of phonological short-term memory : a repetitive transcranial magnetic stimulation study. J Cogn Neurosci, 18(7), 11471155. ROTHMAYR, C., BAUMANN, O., ENDESTAD, T., RUTSCHMANN, R. M., MAGNUSSEN, S., & GREENLEE, M. W. (2007). Dissociation of neural correlates of verbal and non-verbal visual working memory with different delays. Behav Brain Funct, 3, 56. doi: 10.1186/1744-9081-3-56 80 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page81 ROUX, F. E., DURAND, J. B., JUCLA, M., REHAULT, E., REDDY, M., & DEMONET, J. F. (2012). Segregation of lexical and sub-lexical reading processes in the left perisylvian cortex. PLoS One, 7(11), e50665. doi: 10.1371/journal.pone.0050665 RUFF, S., CARDEBAT, D., MARIE, N., & DEMONET, J. F. (2002). Enhanced response of the left frontal cortex to slowed down speech in dyslexia : an fMRI study. Neuroreport, 13(10), 1285-1289. RUSHWORTH, M. F., BEHRENS, T. E., & JOHANSEN-BERG, H. (2006). Connection patterns distinguish 3 regions of human parietal cortex. Cereb Cortex, 16(10), 1418-1430. SALMON, E., Van der LINDEN, M., COLLETTE, F., DELFIORE, G., MAQUET, P., DEGUELDRE, C., FRANCK, G. (1996). Regional brain activity during working memory tasks. Brain, 119 ( Pt 5), 1617-1625. SCHULZE, KATRIN, ZYSSET, STEFAN, MUELLER, KARSTEN, FRIEDERICI, ANGELA D., & KOELSCH, STEFAN. (2011). Neuroarchitecture of verbal and tonal working memory in nonmusicians and musicians. Human Brain Mapping, 32(5), 771-783. doi: 10.1002/hbm.21060 SHAYWITZ, S. E. (1998). Dyslexia. New England Journal of Medicine, 338(5), 307-312. doi:10.1056/NEJM199801293380507 SHAYWITZ, S. E., & SHAYWITZ, B. A. (2003). Dyslexia (Specific Reading Disability). Pediatrics in Review, 24(5), 147-153. doi: 10.1542/pir.24-5-147 SHAYWITZ, S. E., SHAYWITZ, B. A., PUGH, K. R., FULBRIGHT, R. K., CONSTABLE, R. T., MENCL, W. E., GORE, J. C. (1998). Functional disruption in the organization of the brain for reading in dyslexia. Proc Natl Acad Sci U S A, 95(5), 2636-2641. SIMOS, P. G., BREIER, J. I., FLETCHER, J. M., BERGMAN, E., & PAPANICOLAOU, A. C. (2000). Cerebral mechanisms involved in word reading in dyslexic children : a magnetic source imaging approach. Cereb Cortex, 10(8), 809-816. SIOK, WAI TING, JIN, ZHEN, FLETCHER, PAUL, & TAN, LI HAI. (2003). Distinct brain regions associated with syllable and phoneme. Human Brain Mapping, 18(3), 201-207. doi : 10.1002/hbm.10094 SLIWINSKA, M. W., KHADILKAR, M., CAMPBELL-RATCLIFFE, J., QUEVENCO, F., & DEVLIN, J. T. (2012). Early and sustained supramarginal gyrus contributions to phonological processing. Front Psychol, 3, 161. SMITH, E. E., & JONIDES, J. (1999). Storage and executive processes in the frontal lobes. Science, 283(5408), 1657-1661. SMITH, E. E., JONIDES, J., & KOEPPE, R. A. (1996). Dissociating verbal and spatial working memory using PET. Cereb Cortex, 6(1), 11-20. SMITH, EDWARD E., JONIDES, JOHN, MARSHUETZ, CHRISTY, & KOEPPE, ROBERT A. (1998). Components of verbal working memory : Evidence from neuroimaging. Proceedings of the National Academy of Sciences, 95(3), 876-882. STANOVICH, K. E. (1988). Explaining the differences between the dyslexic and the garden-variety poor reader : the phonological-core variable-difference model. J Learn Disabil, 21(10), 590-604. STEVENS, K. N. (2002). Toward a model for lexical access based on acoustic landmarks and distinctive features. J Acoust Soc Am, 111(4), 1872-1891. STOECKEL, C., GOUGH, PM, WATKINS, KE, & DEVLIN, JT. (2009). Supramarginal gyrus involvement in visual word recognition. Cortex, 45(9), 1091-1096. TEMPLE, E., POLDRACK, R. A., SALIDIS, J., DEUTSCH, G. K., TALLAL, P., MERZENICH, M. M., & GABRIELI, J. D. (2001). Disrupted neural responses to phonological and orthographic processing in dyslexic children : an fMRI study. Neuroreport, 12(2), 299-307. TOMASSINI, V., JBABDI, S., KLEIN, J. C., BEHRENS, T. E., POZZILLI, C., MATTHEWS, P. M., JOHANSEN-BERG, H. (2007). Diffusion-weighted imaging tractography-based parcellation of the human lateral premotor cortex identifies dorsal and ventral subregions with anatomical and functional specializations. J Neurosci, 27(38), 10259-10269. TREIMAN, REBECCA. (1985). Onsets and rimes as units of spoken syllables : Evidence from children. Journal of Experimental Child Psychology, 39(1), 161-181. doi: http://dx.doi.org/10.1016/0022-0965(85)90034-7 81 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page82 VOULOUMANOS, A., KIEHL, K. A., WERKER, J. F., & LIDDLE, P. F. (2001). Detection of sounds in the auditory stream : event-related fMRI evidence for differential activation to speech and nonspeech. J Cogn Neurosci, 13(7), 994-1005. doi: 10.1162/089892901753165890 WILSON, S. M., & IACOBONI, M. (2006). Neural responses to non-native phonemes varying in producibility : evidence for the sensorimotor nature of speech perception. Neuroimage, 33(1), 316-325. WOLF, M. (2008). Proust and the Squid : The Story and Science of the Reading Brain : HarperCollins. ZAEHLE, TINO, GEISER, EVELINE, ALTER, KAI, JANCKE, LUTZ, & MEYER, MARTIN. (2008). Segmental processing in the human auditory dorsal stream. Brain Research, 1220(0), 179-190. doi: http://dx.doi.org/10.1016/j.brainres.2007.11.013 ZATORRE, R. J., EVANS, A. C., MEYER, E., & GJEDDE, A. (1992). Lateralization of phonetic and pitch discrimination in speech processing. Science, 256(5058), 846-849. 82 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page83 La sémantique, la lecture de mots irréguliers et les lobes temporaux antérieurs Sabryna Bergeron, Dominique Pichette, Gabrielle Ciquier, Catherine Dubé, Simona M. Brambati, Maximiliano A. Wilson Résumé Dans cette recension des écrits nous présentons les résultats d’études comportementales et de neuroimagerie mettant en rapport la sémantique et la lecture de mots irréguliers, ainsi que la sémantique et les lobes temporaux antérieurs (LTA). Plus particulièrement, nous nous concentrons sur l’atteinte de la lecture à voix haute de mots irréguliers, soit la dyslexie de surface, chez la variante sémantique de l’Aphasie Primaire Progressive (vsAPP). Cette maladie neurodégénérative débute par l’atrophie des lobes temporaux antérieurs et touche d’abord la mémoire sémantique. À partir des études comportementales, il est possible de conclure que la dyslexie de surface est très souvent observée chez des patients atteints de vsAPP. Ceci semble mettre en avant le rapport entre la dyslexie de surface et la dégradation de la mémoire sémantique chez ce type de patients. De plus, la nature neurodégénérative de la vsAPP a permis d’établir le rapport entre l’atteinte sémantique et les LTA. Les études de neuroimagerie menées auprès des participants sains ont aussi mis en évidence le rôle des LTA lors du traitement sémantique et lors de la lecture de mots irréguliers. Le rôle des LTA en lecture de mots irréguliers semblerait être celui de la sémantique, plutôt que celui de la lecture elle-même. En somme, les modèles théoriques et computationnels qui postulent l’activation sémantique pour la lecture de mots irréguliers permettraient d’expliquer le profil de lecture et l’atteinte sémantique trouvés en vsAPP, ainsi que le réseau de lecture de mots irréguliers qui inclut le LTA gauche. Mots clés : lecture, sémantique, variante sémantique de l’Aphasie Primaire Progressive, lobes temporaux antérieurs, neuroimagerie, maladie dégénérative. Rééducation Orthophonique - N° 260 - décembre 2014 83 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page84 Semantics, irregular word reading and the anterior temporal lobes Abstract This review presents the results of behavioural and neuroimaging studies that address the relationship between semantics, irregular word reading and the anterior temporal lobes (ATLs). In particular we focused on acquired surface dyslexia, i.e., irregular word reading impairment , in patients suffering from the semantic variant of primary progressive aphasia (svPPA). svPPA is a neurodegenerative disease that occurs following the atrophy of the ATLs. This disease is early characterized by semantic memory impairments. Taken together, behavioural studies show that svPPA patients often suffer from acquired surface dyslexia. This pattern highlights the relationship between acquired surface dyslexia and semantic knowledge degradation in svPPA. Moreover, the neurodegenerative nature of svPPA has pointed out to the relationship between semantic impairment and the ATLs. Neuroimaging studies in healthy participants have also provided evidence of the role of the ATLs in semantic processing and irregular word reading. The ATLs seem to be related to semantic processing in irregular word reading, more than to irregular word reading itself. In sum, the results of the studies reviewed here provide evidence for theoretical and computational models that predict semantic activation during irregular word reading. This semantic contribution can explain the profile of surface dyslexia in svPPA, as well as the brain network that sustains the processing of this type of words and that includes the left ATL. Key Words : reading, semantics, semantic variant of primary progressive aphasia, anterior temporal lobes, neuroimaging, degenerative disease. 84 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page85 Sabryna BERGERON 1,2 Dominique PICHETTE 3 Gabrielle CIQUIER 1 Catherine DUBÉ 4 Simona M. BRAMBATI 1,2 Maximiliano A. WILSON 3,4* 1 Centre de Recherche de l’Institut Universitaire de gériatrie de Montréal, Montréal, Québec 2 Département de Psychologie, Université de Montréal, Montréal, Québec 3 Département de Réadaptation, Université Laval, Québec, Québec 4 Centre de recherche de l'Institut Universitaire en Santé Mentale de Québec (CRIUSMQ), Québec, Québec Correspondance : Maximiliano A. Wilson, Ph.D. Département de Réadaptation, Faculté de Médecine - Pavillon Ferdinand-Vandry, 1050, Avenue de la Médecine, Bureau 4483, Université Laval, Ville de Québec Québec G1V 0A6, Canada Courriel : [email protected] D e nos jours, il n’y a pas d’accord entre les modèles computationnels de lecture concernant le rôle de nos connaissances du monde, dite mémoire sémantique, et la lecture de mots d’exception ou irréguliers. Depuis les dernières décennies, les chercheurs ont montré beaucoup d’intérêt pour une maladie neurodégénérative, la variante sémantique de l’Aphasie Primaire Progressive (vsAPP), qui commence par l’atrophie des lobes temporaux antérieurs (LTA). La vsAPP, autrefois connue sous le nom de démence sémantique, est traditionnellement reconnue comme un syndrome clinique caractérisé par une atteinte relativement sélective de la mémoire sémantique qui serait restreinte au début de la maladie aux concepts et connaissances du monde. La plupart des patients atteints de la vsAPP développent des troubles de lecture de mots irréguliers, soit une dyslexie de surface. Cette maladie a donc permis d’étudier le lien entre la sémantique, la lecture de mots irréguliers et les LTA. 85 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page86 Sur le plan du langage, l’atteinte sémantique de la vsAPP entraîne une anomie importante de même qu’une altération de la compréhension des mots (Gorno-Tempini et al., 2011 ; Hodges, Martinos, Woollams, Patterson, & Adlam, 2008 ; Mesulam, Grossman, Hillis, Kertesz, & Weintraub, 2003). Quant à l’expression spontanée, les mots moins fréquents sont substitués par des mots plus familiers, généralement ceux de la catégorie superordonnée (par exemple, « animal » au lieu de « chat »). De plus, un nombre important de paraphasies sémantiques sont décelables. Les déficits de la mémoire sémantique mènent aussi à une reconnaissance déficitaire des objets au niveau de différentes modalités, notamment les modalités visuelle, tactile, olfactive et même gustative (Adlam et al., 2006 ; Bozeat, Lambon Ralph, Patterson, Garrard, & Hodges, 2000 ; Hodges, Patterson, Oxbury, & Funnell, 1992 ; Luzzi et al., 2007 ; Snowden, Goulding, & Neary, 1989). La capacité d’identifier correctement des objets est fortement dépendante de facteurs tels que le type de matériel (objet réel versus une représentation picturale), la familiarité de l’objet ainsi que sa typicalité (Hodges & Patterson, 2007 ; Mayberry, Sage, & Ralph, 2011). De plus, la difficulté à reconnaitre les visages connus peut être présente (Blazely, Coltheart, & Casey, 2005 ; Hodges et al., 1992). Toutefois, le langage reste fluent, bien que vide, et la phonologie et la syntaxe demeurent adéquates (Blazely et al., 2005). Les habiletés non verbales de résolution de problèmes, les habiletés perceptuelles ainsi que la mémoire épisodique sont préservées (Blazely et al., 2005 ; Hodges et al., 1992). Les objectifs de cet article sont de : 1) présenter l’état des connaissances actuelles sur la lecture en vsAPP, tout en soulignant brièvement les répercussions de ces données sur la conceptualisation des processus impliqués dans la lecture à voix haute ; et 2) évaluer le rôle des LTA au niveau du système sémantique à partir des résultats provenant de la vsAPP et de la neuroimagerie. ♦ La sémantique et la lecture de mots irréguliers Dès les premières descriptions de la vsAPP, des particularités sont notées quant à la lecture à voix haute de ces patients. Warrington (1975) remarque déjà que les patients éprouvent davantage de difficulté à lire les mots divergeant des règles phonémiques habituelles de l’anglais. De plus, compte tenu de l’atteinte relativement sélective de la mémoire sémantique, la vsAPP constitue, selon plusieurs, une opportunité unique d’étudier l’implication de la sémantique dans différents processus cognitifs, dont la lecture à voix haute (McKay, Castles, Davis, & Savage, 2007 ; Patterson et al., 2006). Ainsi, bon nombre d’écrits se penchent sur la relation entre la vsAPP et la lecture (voir Coltheart, Saunders, & Tree, 86 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page87 2010 pour une recension). La majorité de ceux-ci pointent vers un profil de dyslexie de surface, c’est-à-dire, des difficultés en lecture de mots irréguliers ou d’exception avec une tendance à la régularisation de ce type de mots (par exemple, lire « orCHidée » en rimant avec « CHocolat »). Cependant, ce n’est pas le seul profil ayant été décrit en vsAPP, comme la dyslexie globale (McKay et al., 2007). D’ailleurs, quelques études de cas unique chez des patients vsAPP ont trouvé une lecture de mots irréguliers préservée en présence de déficits sémantiques (Carlomagno, Colombo, Lavarone, Buongiorno, & Parlato, 1989 ; Cipolotti & Warrington, 1995 ; Hosogi Senaha, Caramelli, Nitrini, Charchat-Fichman, & Weekes, 2006 ; Schwartz, Marin, & Saffran, 1979 ; Wilson & Martínez-Cuitiño, 2012). Toutefois, à l’heure actuelle, le profil de lecture le plus souvent associé à la vsAPP dans la littérature demeure la dyslexie de surface. En effet, en anglais, plusieurs auteurs ont présenté des cas de patients atteints de vsAPP ayant : 1) une lecture des mots réguliers relativement préservée ; 2) une lecture des mots irréguliers altérée ; et 3) une tendance à commettre des erreurs de régularisation (Funnell, 1996 ; Graham, Hodges, & Patterson, 1994 ; Patterson & Hodges, 1992 ; Ward, Stott, & Parkin, 2000). Quant à Woollams, Lambon-Ralph, Plaut, & Patterson (2007), ils ont regroupé les observations en lecture de 51 patients atteints de vsAPP pour retrouver, de façon générale, le même profil. En plus de montrer un effet de régularité (avantage des mots réguliers par rapport aux mots irréguliers), ces études dénotent un effet de fréquence plus marqué pour les mots irréguliers. Qui plus est, Woollams et al. (2007) démontrent une corrélation entre le degré d’atteinte sémantique et la performance en lecture. Plusieurs études s’intéressent également aux temps de latence en lecture en plus de la performance (Cumming, Patterson, Verfaellie, & Graham, 2006 ; Gold et al., 2005 ; McKay et al., 2007). Ces études démontrent des temps de latence significativement augmentés par rapport aux contrôles chez les patients avec vsAPP et dyslexie de surface. Ces patients ont aussi un effet de fréquence et un effet de longueur disproportionnés (Cumming et al., 2006 ; Gold et al., 2005). Cependant, les patients avec vsAPP sans dyslexie de surface (ou avec dyslexie globale) ont aussi des temps de latence augmentés (McKay et al., 2007). Cette augmentation des temps de latence survient même pour les mots réguliers. Ainsi, même si les patients réussissent à bien lire ce type de mots, cela leur coûte en efficacité car la lecture est plus lente (Gold et al., 2005). Par ailleurs, des études sur la lecture en vsAPP ont aussi été menées dans des langues autres que l’anglais. L’importance des résultats provenant d’études translinguistiques est liée au fait que celles-ci permettent d’évaluer l’universalité 87 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page88 du rapport, par exemple, entre l’atteinte sémantique de la vsAPP et la dyslexie de surface. En japonais, le système orthographique est considérablement différent de celui de l’anglais. En effet, pour lire, le lecteur doit se référer à deux codes écrits : le kana, utilisé pour les mots fonctionnels et les inflexions, et le kanji, utilisé pour les noms et les radicaux des verbes et adjectifs. L’orthographe des kana est régulière et chaque caractère correspond à un seul mora (unité phonologique). Les mots kanji, quant à eux, présentent une orthographe avec différents degrés de régularité. Certains sont consistants, c’est-à-dire, composés de caractères n’ayant qu’une seule prononciation, d’autres sont inconsistantstypiques, soit composés de caractères ayant plusieurs prononciations, mais dont la prononciation correcte dans ce mot domine, et enfin, d’autres sont inconsistants-atypiques, c’est-à-dire composés de caractères ayant plusieurs prononciations et dont l’un des caractères doit être prononcé selon une prononciation minoritaire (Fushimi, Komori, Ikeda, Lambon-Ralph, & Patterson, 2009). Ainsi, Fushimi et al. (2003), Sakurai et al. (2006) et Fushimi et al. (2009) décrivent plusieurs cas de patients atteints de vsAPP chez qui la lecture des kana est largement préservée, alors que celle des kanji est marquée par un effet significatif de fréquence, de consistance ainsi qu’une interaction entre ces deux variables. Moins les mots sont consistants plus les erreurs commises sont de type «LARC» (Legitimate Alternative Reading Component). Les erreurs de type «LARC» consistent à assigner à une composante une prononciation correcte dans un autre mot, mais inappropriée pour celui-ci. Ainsi, elles englobent les erreurs de régularisation tout en étant plus larges que celles-ci pour justifier que la consistance, à la différence de la dichotomie régulier/irrégulier, est un continuum. Cette catégorie d’erreurs peut s’appliquer aisément aux systèmes orthographiques sans correspondances grapho-phonémiques (Fushimi et al., 2009 ; Wu, Liu, Sun, Chromik, & Zhang, 2014). Finalement, la performance en lecture de mots inconsistants, et surtout inconsistants-atypiques, est corrélée au degré d’atteinte sémantique (Fushimi et al., 2009). Les patients japonais atteints de vsAPP démontrent de façon soutenue un profil de dyslexie de surface. En coréen, bien qu’un profil différent soit observé selon le type de matériel à lire -lecture des hangul (phonogrammes, comparables au kana en japonais) préservée, lecture des hanja (idéogrammes, comparables au kanji en japonais) altérée - une dyslexie de surface n’explique pas ce profil, selon Suh et al. (2010). En effet, il n’existe pas de règles qui permettent de lire les hanja, et la très grande majorité de ceux-ci n’ont qu’une seule prononciation même s’ils peuvent avoir plusieurs sens. Ainsi, les processus impliqués dans la lecture des hanja ressembleraient davantage à ceux de la dénomination et requerraient d’emblée le passage par la sémantique (Suh et al., 2010). 88 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page89 Quant au chinois, une seule description détaillée de la lecture chez un patient atteint de vsAPP est répertoriée (Wu et al., 2014). Le système d’orthographe chinois est logographique, c’est-à-dire que les caractères représentent un concept plutôt que des phonèmes. Toutefois, un système de radicaux phonétiques permet de déterminer la prononciation des caractères à différents degrés. Ainsi, un caractère est considéré comme étant régulier si son radical phonétique a la même prononciation que le caractère comme un tout, et irrégulier si son radical phonétique n’a pas la même prononciation que le caractère comme un tout (Weekes & Chen, 1999). Pour ces caractères irréguliers il y a une correspondance imprévisible - qui ne suit aucune règle - entre les radicaux et la prononciation du caractère. Le patient de Wu et al. (2014) présente une difficulté particulière à lire les caractères irréguliers par rapport aux réguliers, et ce, de façon plus marquée pour les caractères de basse fréquence. Plusieurs de ses erreurs sont des LARC, bien que des erreurs visuelles soient aussi commises. Une erreur était de nature visuelle lorsque la prononciation pour un caractère présenté était celle d’un autre caractère visuellement similaire. Ce patient est également en mesure de lire des pseudocaractères en se basant sur les radicaux phonétiques. En somme, ce profil est compatible avec la dyslexie de surface (Wu et al., 2014). Les multiples observations d’une co-occurrence entre la vsAPP et la dyslexie de surface ont mené plusieurs auteurs à proposer une relation causale entre ces deux entités ainsi qu’une hypothèse explicative (Funnell, 1996 ; Patterson & Hodges, 1992 ; Ward et al., 2000 ; Woollams et al., 2007). Pour tous ces auteurs, alors que les mots réguliers peuvent être lus par des processus non lexicaux, les mots irréguliers nécessitent, d’une manière ou d’une autre, un apport de la sémantique. Par exemple, pour Funnell (1996), des connaissances sémantiques résiduelles sur le mot irrégulier à lire sont nécessaires pour faire pencher le choix vers l’entrée lexicale activée (prononciation irrégulière) plutôt que la réponse générée par la voie non lexicale (prononciation régularisée), ce qui constitue un biais lexical. Pour Ward et al. (2000), tenants de l’hypothèse de la sommation des sources (Hillis & Caramazza, 1991 ; Miceli, Capasso, & Caramazza, 1994), l’information des voies lexico-sémantique et non lexicale s’additionne afin de sélectionner la représentation lexicale à produire. En effet, Hillis et Caramazza (1991) ont postulé que la lecture correcte de mots irréguliers peut être faite par l’interaction entre les voies lexico-sémantique et non lexicale. L’intégration de ces deux sources pourrait donc amener à la lecture correcte de mots irréguliers. Finalement, l’hypothèse qui découle des modèles connexionnistes de lecture (Plaut, McClelland, Seidenberg, & Patterson, 1996) qui est reprise dans plu- 89 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page90 sieurs écrits, notamment Fushimi et al. (2009), stipule trois composantes intimement inter-reliées impliquées dans la lecture : la phonologie (P), l’orthographe (O) et la sémantique (S). Afin de maximiser son efficacité, le système de lecture développe la division du travail suivante : la voie O P se spécialise pour les correspondances fréquentes et consistantes entre les formes orthographiques et phonologiques qu’elle apprend via l’exposition, tandis que la voie O S P supporte la lecture des mots irréguliers et encore plus ceux de basse fréquence (Woollams et al., 2007). Ainsi, une atteinte de la sémantique déstabilise la voie O S P et fait reposer la lecture davantage sur la voie O P, créant ainsi le profil de dyslexie de surface. Les variations interindividuelles dans la division prémorbide du travail expliquent, selon Woollams et al. (2007), les quelques observations d’atteinte de la sémantique sans dyslexie de surface. Selon Woollams et al. (2007), alors que la sémantique continue de se dégrader, notamment en vsAPP, un profil de dyslexie de surface devrait invariablement apparaître. Toutefois, les défenseurs du modèle Dual-Route-Cascaded (DRC) (Coltheart, Rastle, Perry, Langdon, & Ziegler, 2001) proposent une tout autre explication à cette association fréquente entre la dyslexie de surface et la vsAPP (Blazely et al., 2005 ; Coltheart et al., 2010). Selon eux, l’association de ces deux entités est secondaire à la contiguïté neuroanatomique des régions soutenant les processus sémantiques et les processus de lecture. Selon le modèle DRC, la lecture à voix haute s’effectue via deux voies : la voie non lexicale basée sur les correspondances graphophonémiques et la voie lexicale non sémantique basée sur des représentations orthographiques globales des mots qui activent leurs contreparties phonologiques (Coltheart et al., 2010). Bien qu’une voie lexicale sémantique soit aussi proposée, son apport à la lecture à voix haute est traditionnellement jugé minimal, d’où le « dual » du DRC (McKay et al., 2007). Ainsi, Coltheart et al. (2010) revisitent les données de Woollams et al. (2007) en leur donnant un tout autre éclairage. Pour eux, les résultats des patients de ce groupe suggèrent plutôt trois phases distinctes dans la lecture en vsAPP : la lecture intacte, la dyslexie de surface et finalement la dyslexie globale où tous les types de mots et non-mots sont atteints. Ces phases témoigneraient de la progression de la maladie aux diverses composantes du système de lecture. Initialement, seul le système sémantique est atteint et, en accord avec le DRC, la lecture à voix haute demeure intacte. Par la suite, la voie lexicale non sémantique est atteinte, ce qui cause la dyslexie de surface. Finalement, une atteinte de la voie non lexicale se surajoute occasionnant une dyslexie globale (Coltheart et al., 2010). En accord avec cette explication, dans le groupe de Woollams et al. (2007) ainsi que dans plusieurs autres études, on retrouve des patients qui, lorsque considérés individuellement, ne se conforment pas au profil 90 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page91 de dyslexie de surface pure, soit parce qu’ils ont une lecture intacte malgré l’atteinte sémantique (Blazely et al., 2005 ; Cipolotti & Warrington, 1995 ; M. Wilson & Martínez-Cuitino, 2012), soit parce que la lecture des mots réguliers et/ou des non-mots est également altérée (Graham et al., 1994 ; Graham, Patterson, & Hodges, 2000 ; McKay et al., 2007 ; Noble, Glosser, & Grossman, 2000). Si, comme le suppose le modèle connexionniste, l’atteinte sémantique cause la dyslexie de surface, alors tous les patients ayant une atteinte sémantique, notamment en vsAPP, devraient avoir ce profil. Or plusieurs études décrivent, tant en anglais (Blazely et al., 2005 ; Cipolotti & Warrington, 1995) que dans d’autres langues, dont l’espagnol (M. Wilson & Martínez-Cuitino, 2012), des patients ayant une atteinte sémantique substantielle sans dyslexie. À l’encontre de l’hypothèse de sommation des sources (Hillis & Caramazza, 1991) ou de celle de biais lexical (Coltheart et al., 2010), ces patients n’arrivent pas à démontrer de connaissances sémantiques résiduelles pour de nombreux mots irréguliers qu’ils lisent pourtant correctement (Blazely et al., 2005 ; M. Wilson & Martínez-Cuitino, 2012). Ces dissociations semblent donc témoigner de l’indépendance de la lecture à voix haute par rapport à la sémantique et sont un argument de poids pour l’existence d’une voie lexicale directe entre l’orthographe et la phonologie (Blazely et al., 2005 ; M. Wilson & Martínez-Cuitino, 2012). Par ailleurs, en examinant de plus près les résultats de plusieurs études, on remarque que la performance en lecture de mots réguliers et de non-mots est parfois altérée (Graham et al., 1994 ; N. L. Graham et al., 2000 ; McKay et al., 2007 ; Noble et al., 2000). Cette atteinte, bien que souvent de moindre importance que celle des mots irréguliers, ne peut s’expliquer dans aucun modèle par une atteinte de la sémantique seule. Ainsi, il appert que d’autres composantes du système de lecture sont atteintes en vsAPP (Graham et al., 1994 ; McKay et al., 2007). Deux autres observations viennent à nouveau appuyer la thèse de l’implication de la sémantique en lecture à voix haute. Il s’agit de l’effet item-spécifique (Funnell, 1996 ; Graham et al., 1994), ainsi que du profil d’atteinte similaire à travers différentes tâches aux composantes non sémantiques diverses (Patterson et al., 2006). L’effet item-spécifique consiste à constater une corrélation entre les items réussis/manqués entre les tâches de lecture et celles de compréhension, et suggère une relation fonctionnelle entre la compréhension et la lecture. En effet, il est difficile d’expliquer que les mêmes mots soient atteints dans les deux types de tâches si la sémantique n’est pas impliquée dans la lecture (McKay et al., 2007). Or les études de Graham et al. (1994) et de Funnell (1996) observent toutes deux un effet item-spécifique pour les mots irréguliers, 91 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page92 tandis que McKay et al. (2007) observent des effets item-spécifique pour certains patients sur les mots réguliers et irréguliers quant aux latences, et sur les mots irréguliers quant à la performance. Par ailleurs, Patterson et al. (2006) démontrent que plusieurs tâches généralement considérées comme « présémantiques » partagent le même type d’atteinte que la lecture à voix haute en vsAPP. Bien qu’elles impliquent des processus hautement différents, l’étude de la lecture, l’écriture sous dictée, la décision lexicale, la décision d’objet, le dessin et la génération d’inflexion verbale montrent toutes le patron suivant : 1) une atteinte prédominante aux items atypiques (par exemple, un mot irrégulier qui ne suit pas la règle de la langue ou une phrase comme « un singe avec les oreilles de grande taille », qui est inusitée car la plupart des singes et des animaux ont des petites oreilles) par rapport aux typiques (par exemple, un mot régulier qui suit les règles de la langue ou une phrase comme « un éléphant avec des grandes oreilles », qui est typique puisque ce trait est caractéristique des éléphants), plus marquée pour ceux de basse fréquence (interaction entre typicalité et fréquence), 2) une tendance (dans les tâches expressives) à produire les items atypiques selon une forme plus typique (par exemple, un éléphant avec des petits oreilles, comme la plupart des animaux), erreur similaire aux LARC, 3) et une performance sur les items irréguliers ou atypiques corrélée au degré d’atteinte sémantique (Patterson et al., 2006). Il apparaît difficile de réconcilier ces données avec l’hypothèse que la lecture est atteinte par contiguïté anatomique en vsAPP. Expliquer que ces six tâches, dont les processus non sémantiques sont distribués à travers différentes régions cérébrales, aient parallèlement le même patron d’atteinte nécessite un rôle de la sémantique et donc une influence de sa dégradation dans ces tâches (Patterson et al., 2006). En somme, les études comportementales montrent que bien que la dyslexie de surface soit très fréquemment observée chez des patients atteints de vsAPP, et ce, dans plusieurs langues, d’autres profils de lecture demeurent possibles. En effet, certains patients semblent conserver une lecture intacte malgré une importante atteinte sémantique, alors que d’autres présentent rapidement une atteinte plus généralisée des processus de lecture. Ces observations, sans nier l’implication possible de la sémantique en lecture à voix haute, suggèrent qu’elle n’est pas indispensable pour la lecture des mots, mêmes irréguliers, chez certains, et que, même en vsAPP, des atteintes surajoutées aux autres composantes de lecture peuvent venir compliquer le tableau. Autre que l’atteinte sémantique et les difficultés de lecture de mots irréguliers, les études qui utilisent la neuroimagerie permettent d’étudier le rôle des 92 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page93 LTA, structure atrophiée chez les patients atteints de vsAPP, dans la sémantique et, en conséquence, dans la lecture de mots irréguliers. Ce type d’études sera abordé dans la prochaine section. ♦ La sémantique et les lobes temporaux antérieurs Dans les dernières décennies, la neuroimagerie a permis d’avancer nos connaissances concernant l’organisation cérébrale des différentes fonctions cognitives. L’imagerie structurelle est utilisée pour identifier, localiser et mesurer les différentes parties du système nerveux central. Dans le cadre de la recherche en neurosciences cognitives avec des populations neurologiques, l'imagerie structurelle apporte des éléments critiques permettant de mettre en relation les observations cliniques et le profil structurel du patient. En déterminant quelle atteinte cérébrale correspond à un déficit cognitif particulier, il est possible d'établir que la région cérébrale endommagée interfère avec le mécanisme sousjacent. L’imagerie fonctionnelle, au contraire, permet d’étudier in vivo le fonctionnement du cerveau et d’identifier les réseaux neuronaux impliqués lors de différentes tâches cognitives, soit dans un état de repos, en mesurant le signal produit par l’activité cérébrale. L’utilisation traditionnelle de la neuroimagerie dans un contexte de recherche en neurosciences cognitives consiste à faire effectuer une tâche cognitive à un participant en vue d’identifier les régions cérébrales activées par la tâche administrée (pour plus d’information sur le sujet, voir l’article de Coll, Blais-Michaud, & Jackson, dans ce numéro). Les études en neuroimagerie structurelle menées avec des patients atteints de la vsAPP, ainsi que celles en neuroimagerie fonctionnelle avec des participants sains, semblent souligner l’implication du lobe temporal antérieur dans la lecture des mots irréguliers. Les études utilisant la neuroimagerie qui s’intéressent à la vsAPP démontrent notamment que la sévérité des déficits lors de la lecture de mots irréguliers corrèle avec la sévérité de l’atrophie des LTA (Brambati, Ogar, Neuhaus, Miller, & Gorno-Tempini, 2009). En effet, cette région spécifique semble démontrer une activation significative durant la lecture de mots irréguliers en français chez des participants sains durant un protocole d’imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle (IRMf) (M. Wilson et al., 2012). Ainsi, il y aurait une relation entre le LTA gauche et la lecture de mots irréguliers. Cependant, il demeure important de mentionner que le rôle spécifique du LTA au niveau des habiletés de lecture reste encore controversé. La perte graduelle des connaissances conceptuelles formant la mémoire sémantique en vsAPP serait principalement associée à une atrophie asymétrique des LTA, généralement plus sévère dans l’hémisphère gauche, ou à un métabo- 93 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page94 lisme réduit au niveau de cette même région (Diehl et al., 2004 ; Galton et al., 2001 ; Gorno Tempini et al., 2004 ; Hodges et al., 1992 ; Mummery et al., 2000 ; Rabinovici et al., 2008 ; Rosen et al., 2002). Les études portant sur la vsAPP et les autres deux types d’Aphasie Primaire Progressive (APP), soit les variantes non fluente et logopénique, et la démence de type Alzheimer, entre autres, utilisant la neuroimagerie suggèrent qu’il existe une forte corrélation entre l’atteinte à l’intégrité des LTA et le développement de symptômes. La majorité de ces études utilise une mesure fondée sur la morphométrie de voxel (VBM), une technique d’analyse basée sur l’imagerie par résonance magnétique (IRM). La VBM est une méthode permettant une comparaison entre voxels de la concentration ou du volume local des tissus cérébraux (substance grise ou blanche) soit au sein d’un groupe, soit entre plusieurs groupes. Elle permet aussi de mettre en évidence les corrélations entre ces variables et des variables démographiques et/ou cliniques (âge, sexe, sévérité des symptômes, etc.) (Ashburner & Friston, 2000). Les études utilisant la technique VBM montrent que le niveau d’atrophie des LTA corrèle avec le niveau de performance, notamment dans une tâche de dénomination (Amici et al., 2007 ; Brambati et al., 2006), avec les habiletés sémantiques (Butler, Brambati, Miller, & Gorno-Tempini, 2009 ; Joubert et al., 2010) et le contenu lexical en expression spontanée (S. Wilson et al., 2010). Aussi, il a été rapporté que le degré de progression de l’atrophie des LTA mesurée par la morphométrie basée sur les tenseurs - une technique d’imagerie mesurant l’atrophie ou le degré de perte de tissus dans la structure du cerveau de façon longitudinale ou transversale - corrèle avec les changements du niveau de compréhension de mots durant la première année suivant le diagnostic (Brambati et al., 2009). Jusqu’à maintenant, la littérature semble donc indiquer que les LTA jouent un rôle majeur dans la sémantique. En accord avec le modèle du « hub » sémantique, les LTA joueraient un rôle central au niveau de la sémantique en combinant les informations des aires sensorielles et motrices pour former une représentation sémantique amodale (Hoffman, Evans, & Lambon Ralph, 2014 ; Patterson, Nestor, & Rogers, 2007 ; Rogers et al., 2004). L’implication des LTA a aussi été testée chez des participants en santé avec la neuroimagerie fonctionnelle. Cependant, de nombreuses études ne trouvent pas l'implication du LTA durant l’exécution d’une tâche sémantique chez des participants sains (Chee, Westphal, Goh, Graham, & Song, 2003 ; Demb et al., 1995 ; Denkova, Botzung, & Manning, 2006 ; Gold et al., 2006 ; Mechelli, Sartori, Orlandi, & Price, 2006 ; Wible et al., 2006). Cette contradiction trouvée entre les patients et les participants sains a mené certains chercheurs à conclure 94 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page95 que les substrats neuronaux critiques pour la mémoire sémantique se retrouvent à l’extérieur des LTA (Catani & Jones, 2005 ; Martin, 2007). Par conséquent, Visser, Jefferies, & Lambon-Ralph (2010) ont mené une méta-analyse afin d’élucider les causes éventuelles de cette disparité entre les résultats. De façon plus précise, ils ont porté une attention particulière aux facteurs méthodologiques (par exemple, le type de technique de neuroimagerie, de tâche de base pour la soustraction de l’activation, etc.) qui auraient pu influencer les résultats, notamment au niveau des LTA. La méta-analyse inclut des études utilisant la tomographie par émission de positrons (TEP) et d'autres utilisant l’IRMf. L’IRMf, comme la TEP, sont des techniques de neuroimagerie fonctionnelle permettant de visualiser, de façon indirecte, l'activité neuronale cérébrale. Ainsi, ces auteurs ont démontré que les études utilisant la TEP étaient plus susceptibles de révéler une activation des LTA, comparativement aux études utilisant l’IRMf. Ceci serait expliqué par le fait qu’il semble être plus difficile d’obtenir un signal BOLD (Blood Oxygen Level Dependant) significatif provenant du LTA, dû à la proximité des os et des sinus remplis d’air au niveau des structures temporales. Ces résultats sont cohérents avec ceux obtenus par Devlin et al. (2000), où une activation significative des LTA durant l’exécution d’une tâche de catégorisation sémantique a été détectée en utilisant la TEP, et non pas par l’IRMf. Ces résultats indiquent que l’utilisation d’une correction de la distorsion, et/ou une optimisation des paramètres d’acquisition sont nécessaires pour obtenir un signal BOLD valide au niveau des LTA et pour étudier l’implication de cette région cérébrale au niveau du système sémantique par le biais de l’IRMf. En effet, en utilisant un paradigme IRMf corrigé pour la distorsion, Embleton, Haroon, Morris, Lambon-Ralph, & Parker (2010) ont réussi à détecter une activation des LTA en utilisant la même tâche que Devlin et al. (2010). De plus, des études récentes utilisant des paramètres d’acquisitions optimisés ont démontré une activation significative des LTA associée à l’exécution d’une tâche sémantique impliquant la détection de visages connus (Brambati, Benoit, Monetta, Belleville, & Joubert, 2010). Plus précisément, Brambati et al. (2010) ont montré que l’activation des LTA est modulée par la spécificité du processus de traitement sémantique : un traitement plus spécifique (par exemple, lors d’une tâche de catégorisation sémantique plus détaillée, telle que catégoriser un chihuahua comme étant un chien, vs. une tâche sémantique plus générale, comme catégoriser un chien comme étant un animal) entrainerait une activation plus importante de cette aire. Ainsi, toutes ces informations suggèrent que les résultats contra- 95 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page96 dictoires obtenus entre les patients et les participants sains seraient dus à des limitations méthodologiques reliées à l’IRMf et non à une implication réduite des LTA au niveau du traitement sémantique. Visser et al. (2010) ont aussi relevé le fait que l’utilisation de stimuli verbaux versus non verbaux (par exemple, des mots vs. des sons environnementaux) ne semble pas influencer l’activation des LTA. Ce résultat renvoie à la théorie voulant que les LTA soient centraux au traitement sémantique, ce dernier regrouperait les informations concernant les modalités spécifiques pour former des représentations sémantiques amodales et déterminer des généralisations sémantiques afin d’établir, par exemple, qu’une crevette et une coquille sont des fruits de mer, malgré leurs différences de forme, couleur, goût et nom (Patterson et al., 2007 ; Rogers et al., 2004). De plus, certaines études utilisant la TEP ont rapporté une activation des régions communes du LTA lors du traitement de mots et d’images (Bright, Moss, & Tyler, 2004 ; Vandenberghe, Price, Wise, Josephs, & Frackowiak, 1996), et du traitement d’images et de sons environnementaux (Tranel, Grabowski, Lyon, & Damasio, 2005), ce qui renforce l’idée de traitement amodal des LTA. Le rôle des LTA dans le traitement sémantique est aussi soutenu par plusieurs études utilisant la stimulation magnétique transcranienne (TMS). La TMS consiste à appliquer une impulsion magnétique sur le cortex cérébral à travers le crâne de façon indolore au moyen d'une bobine. Le champ magnétique déclenche une activité électrique dans le cortex. Les courants à basse fréquence (< 1 Hz) réduisent l’activité, alors que les courants à haute fréquence l’augmentent. Les modifications induites par la TMS au niveau des performances cognitives nous permettent de déduire des informations concernant le rôle fonctionnel de la région soumise au champ magnétique (Pascual-Leone, Walsh, & Rothwell, 2000). Les études utilisant la TMS ont constaté que des déficits sémantiques comparables à ceux observés chez les patients vsAPP peuvent être induits chez des participants normaux en bloquant l’activité des régions temporales antérieures (Pobric, Jefferies, & Lambon-Ralph, 2007 ; Lambon-Ralph et al., 2009). La stimulation par la TMS perturbe le jugement sémantique au niveau des mots et des images, ce qui renvoie à l’idée que les LTA fonctionnent comme un système amodal (Pobric et al., 2007 ; Lambon-Ralph, Pobric, & Jefferies, 2009). En conclusion, les résultats en neuroimagerie chez les patients et les participants normaux semblent indiquer que les LTA jouent un rôle central au niveau du traitement sémantique. Ainsi, la nature de son implication dans la lecture des mots irréguliers, telle qu’observée chez les patients vsAPP, devrait être au niveau sémantique plutôt qu’au niveau de la lecture. Des études plus appro- 96 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page97 fondies sont nécessaires afin d’élucider la relation entre les LTA, la sémantique et la lecture des mots irréguliers. ♦ Conclusion Le but de cette recension des écrits était de présenter les études portant sur la lecture à voix haute en vsAPP, une maladie neurodégénérative qui atteint d’abord la mémoire sémantique, ainsi que de montrer les études en neuroimagerie qui mettent en rapport les LTA et le traitement sémantique. À partir des études comportementales, nous pouvons conclure que la difficulté à lire des mots irréguliers, c’est-à-dire, la dyslexie de surface, est très souvent observée chez des patients atteints de vsAPP. Cependant, certains cas de patients atteints de vsAPP sans troubles de lecture ont été décrits en anglais et en espagnol, entre autres (Blazely et al., 2005 ; M. Wilson & Martínez-Cuitino, 2012). L’existence de ce type de dissociation (atteinte sémantique sans trouble de lecture) semble être difficile à réconcilier avec les modèles comme le connexionniste ou triangle (Plaut et al., 1996). Ce type de modèle propose que le passage sémantique est obligatoire pour la lecture de mots irréguliers. Pour expliquer les cas de vsAPP qui présentent cette dissociation entre atteinte sémantique et lecture préservée, Woollams et al. (2007) ont postulé l’idée des différences individuelles qui créent une dépendance prémorbide différentielle de la sémantique pour la lecture. En effet, pour les cas présentant une atteinte sémantique sans dyslexie de surface, un type de lecture moins dépendante de la sémantique est théorisé. Ce type de lecture moins « sémantique » devrait être manifesté avant le début de la maladie. Bref, la plupart des études comportementales montrent un rapport entre la dyslexie de surface et la dégradation de la mémoire sémantique chez les patients atteints de vsAPP. De plus, la nature neurodégénérative de la vsAPP a permis de commencer à établir le rapport entre l’atteinte sémantique et les LTA. En effet, la maladie débute par une atrophie des LTA, ce qui mène par la suite à des problèmes au niveau de la mémoire sémantique. Les études menées auprès des participants sains ont aussi mis en évidence le rôle des LTA pour le traitement sémantique (Brambati, Benoit, Monetta, Belleville, & Joubert, 2010 ; Pobric et al., 2007). Ceci a mené Patterson, Nestor, & Rogers (2007) à postuler la notion des LTA comme un « hub » sémantique amodal. Cette structure du cerveau mettrait en rapport les différentes caractéristiques d’un stimulus (ex : nom, couleur, forme, action, mouvement, etc.) distribuées dans plusieurs parties du cerveau. Bien que le rapport entre la sémantique et les LTA semble être assez bien établi, celui entre la lecture, notamment de mots irréguliers, et les LTA reste 97 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page98 moins clair. Le gyrus fusiforme antérieur gauche et le pars triangularis du gyrus frontal inférieur gauche font partie du réseau de lecture de mots irréguliers (Mechelli et al., 2005). Si les LTA sont liés au traitement sémantique et que la sémantique est nécessaire pour la lecture de mots irréguliers, alors l’activation des LTA devrait être trouvée lors de la lecture de mots irréguliers chez les participants contrôles sains. Jusqu’à présent, seulement une étude IRMf a rapportée l’activation du LTA gauche pendant la lecture de mots irréguliers du français. M. Wilson et al. (2012) ont montré que le LTA gauche fait partie du réseau de lecture de mots irréguliers. Ces résultats permettent d’établir le rapport entre les LTA, la sémantique et la lecture de mots irréguliers. Néanmoins, étant donné la nature de l’implication des LTA dans la lecture de mots irréguliers, et à la lumière de l’atteinte généralisée des patients vsAPP dans le traitement de toute tâche sémantique, le rôle des LTA en lecture de mots irréguliers semblerait être celui de la sémantique, plutôt que celui de la lecture elle-même. De cette façon, les modèles qui postulent l’activation sémantique pour la lecture de mots irréguliers (ex : Plaut et al., 1996 ; Woollams et al., 2007) permettraient d’expliquer le profil de lecture et l’atteinte sémantique trouvée en vsAPP, ainsi que le réseau de lecture de mots irréguliers qui inclut le LTA gauche. Plus d’études de neuroimagerie chez les sujets sains seraient souhaitables pour approfondir nos connaissances des liens entre les LTA, la sémantique et la lecture de mots irréguliers. REFERENCES ADLAM, A.-L., PATTERSON, K., ROGERS, T., NESTOR, P., SALMOND, C., ACOSTA-CABRONERO, J., & HODGES, J. (2006). Semantic dementia and fluent primary progressive aphasia : two sides of the same coin ? Brain, 129(11), 3066-3080. AMICI, S., OGAR, J., BRAMBATI, S. M., MILLER, B. L., NEUHAUS, J., DRONKERS, N. L., & GORNO-TEMPINI, M. L. (2007). Performance in specific language tasks correlates with regional volume changes in progressive aphasia. Cognitive and Behavioral Neurology, 20(4), 203-211. ASHBURNER, J., & FRISTON, K. J. (2000). Voxel-based morphometry-the methods. Neuroimage, 11(6), 805-821. BLAZELY, A. M., COLTHEART, M., & CASEY, B. J. (2005). Semantic impairment with and without surface dyslexia : Implications for models of reading. Cognitive Neuropsychology, 22(6), 695717. BOZEAT, S., LAMBON-RALPH, M. A., PATTERSON, K., GARRARD, P., & HODGES, J. R. (2000). Non-verbal semantic impairment in semantic dementia. Neuropsychologia, 38(9), 1207-1215. BRAMBATI, S. M., MYERS, D., WILSON, A., RANKIN, K. P., ALLISON, S., ROSEN, H. J., GORNOTEMPINI, M. L. (2006). The anatomy of category-specific object naming in neurodegenerative diseases. Journal of Cognitive Neuroscience, 18(10), 1644-1653. 98 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page99 BRAMBATI, S. M., OGAR, J., NEUHAUS, J., MILLER, B., & GORNO-TEMPINI, M. (2009). Reading disorders in primary progressive aphasia : a behavioral and neuroimaging study. Neuropsychologia, 47(8), 1893-1900. BRAMBATI, S. M., RANKIN, K., NARVID, J., SEELEY, W., DEAN, D., ROSEN, H., GORNO-TEMPINI, M. (2009). Atrophy progression in semantic dementia with asymmetric temporal involvement : a tensor-based morphometry study. Neurobiology of aging, 30(1), 103-111. BRAMBATI, S. M., BENOIT, S., MONETTA, L., BELLEVILLE, S., & JOUBERT, S. (2010). The role of the left anterior temporal lobe in the semantic processing of famous faces. Neuroimage, 53(2), 674-681. BRIGHT, P., MOSS, H., & TYLER, L. (2004). Unitary vs multiple semantics : PET studies of word and picture processing. Brain and language, 89(3), 417-432. BUTLER, C. R., BRAMBATI, S. M., MILLER, B. L., & GORNO-TEMPINI, M.-L. (2009). The neural correlates of verbal and non-verbal semantic processing deficits in neurodegenerative disease. Cognitive and behavioral neurology : official journal of the Society for Behavioral and Cognitive Neurology, 22(2), 73. CARLOMAGNO, S., COLOMBO, A., LAVARONE, A., BUONGIORNO, G. C., & PARLATO, V. (1989). Differenti patterns di lettura in pazienti italiani con Surface Dyslexia. Achivio di Psichologia, Neurologia e Psichiatria, 50, 691–714. CATANI, M., & JONES, D. K. (2005). Perisylvian language networks of the human brain. Annals of neurology, 57(1), 8-16. CHEE, M. W., WESTPHAL, C., GOH, J., GRAHAM, S., & SONG, A. W. (2003). Word frequency and subsequent memory effects studied using event-related fMRI. Neuroimage, 20(2), 1042-1051. CIPOLOTTI, L., & WARRINGTON, E. K. (1995). Semantic memory and reading abilities : A case report. Journal of the International Neuropsychological Society, 1, 104-110. COLL, M-P., BLAIS-MICHAUD, S., & JACKSON, P.L. (2014). Introduction à la neuroimagerie et à son application dans l’étude du langage et de la cognition. Rééducation orthophonique. COLTHEART, M., RASTLE, K., PERRY, C., LANGDON, R., & ZIEGLER, J. (2001). DRC : A dual route cascaded model of visual word recognition and reading aloud. Psychological Review, 108, 204-256. COLTHEART, M., SAUNDERS, S. J. & TREE, J. J. (2010). Computational Modeling of Reading in Semantic Dementia : Comment on Woollams, Lambon Ralph, Plaut, and Patterson (2007). Psychological Review, 117(1), 256-272. CUMMING, T. B., PATTERSON, K., VERFAELLIE, M., & GRAHAM, K. S. (2006). One bird with two stones : Abnormal word length effects in pure alexia and semantic dementia. Cognitive Neuropsychology, 23(8), 1130-1161. DEMB, J. B., DESMOND, J. E., WAGNER, A. D., VAIDYA, C. J., GLOVER, G. H., & GABRIELI, J. D. (1995). Semantic encoding and retrieval in the left inferior prefrontal cortex : a functional MRI study of task difficulty and process specificity. Journal of Neuroscience, 15(9), 5870-5878. DENKOVA, E., BOTZUNG, A., & MANNING, L. (2006). Neural correlates of remembering/knowing famous people : An event-related fMRI study. Neuropsychologia, 44(14), 2783-2791. DEVLIN, J. T., RUSSELL, R. P., DAVIS, M. H., PRICE, C. J., WILSON, J., MOSS, H. E., TYLER, L. K. (2000). Susceptibility-induced loss of signal : comparing PET and fMRI on a semantic task. Neuroimage, 11(6), 589-600. DIEHL, J., GRIMMER, T., DRZEZGA, A., RIEMENSCHNEIDER, M., FÖRSTL, H., & KURZ, A. (2004). Cerebral metabolic patterns at early stages of frontotemporal dementia and semantic dementia. A PET study. Neurobiology of aging, 25(8), 1051-1056. EMBLETON, K. V., HAROON, H. A., MORRIS, D. M., LAMBON-RALPH, M. A., & PARKER, G. J. (2010). Distortion correction for diffusion weighted MRI tractography and fMRI in the temporal lobes. Human brain mapping, 31(10), 1570-1587. FUNNELL, E. (1996). Response Biases in Oral Reading : An Account of the Co-occurrence of Surface Dyslexia and Semantic Dementia. The Quarterly Journal of Experimental Psychology, 49A(2), 417-446. 99 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page100 FUSHIMI, T., KOMORI, K., IKEDA, M., PATTERSON, K., IJUIN, M., & TANABE, H. (2003). Surface dyslexia in a Japanese patient with semantic dementia : evidence for similarity-based orthography-to-phonology translation. Neuropsychologia, 41(1644-1658). FUSHIMI, T., KOMORI, K., IKEDA, M., LAMBON-RALPH, M. A., & PATTERSON, K. (2009). The association between semantic dementia and surface dyslexia in Japanese. Neuropsychologia, 47, 1061-1068. GALTON, C. J., PATTERSON, K., GRAHAM, K., LAMBON-RALPH, M. A., WILLIAMS, G., ANTOUN, N., HODGES, J. (2001). Differing patterns of temporal atrophy in Alzheimer’s disease and semantic dementia. Neurology, 57(2), 216-225. GOLD, B. T., BALOTA, D. A., CORTESE, M. J., SERGENT-MARSHALL, S. D., SNYDER, A. Z., SALAT, D. H., BUCKNER, R. L. (2005). Differing neuropsychological and neuroanatomical correlates of abnormal reading in early-stage semantic dementia and dementia of the Alzheimer type. Neuropsychologia, 43, 833-846. GOLD, B. T., BALOTA, D. A., JONES, S. J., POWELL, D. K., SMITH, C. D., & ANDERSEN, A. H. (2006). Dissociation of automatic and strategic lexical-semantics : functional magnetic resonance imaging evidence for differing roles of multiple frontotemporal regions. The Journal of Neuroscience, 26(24), 6523-6532. GORNO-TEMPINI, M., HILLIS, A., WEINTRAUB, S., KERTESZ, A., MENDEZ, M., CAPPA, S., BOEVE, B. (2011). Classification of primary progressive aphasia and its variants. Neurology, 76(11), 1006-1014. GORNO TEMPINI, M. L., DRONKERS, N. F., RANKIN, K. P., OGAR, J. M., PHENGRASAMY, L., ROSEN, H. J., MILLER, B. L. (2004). Cognition and anatomy in three variants of primary progressive aphasia. Annals of neurology, 55(3), 335-346. GRAHAM, K. S., HODGES, J. R., & PATTERSON, K. (1994). The Relationship Between Comprehension and Oral Reading in Progressive Fluent Aphasia. Neuropsychologia, 32(3), 299-316. GRAHAM, N. L., PATTERSON, K., & HODGES, J. R. (2000). The impact of semantic memory impairment on spelling : evidence from semantic dementia. Neuropsychologia, 38, 143-163. HILLIS, A. E., & CARAMAZZA, A. (1991). Mechanisms for accessing lexical representations for output : evidence for a category-specific semantic deficit. Brain and Language, 40, 106-144. HODGES, J. R., MARTINOS, M., WOOLLAMS, A. M., PATTERSON, K., & ADLAM, A.-L. R. (2008). Repeat and point : differentiating semantic dementia from progressive non-fluent aphasia. Cortex, 44(9), 1265-1270. HODGES, J. R., & PATTERSON, K. (2007). Semantic dementia : a unique clinicopathological syndrome. The Lancet Neurology, 6(11), 1004-1014. HODGES, J. R., PATTERSON, K., OXBURY, S., & FUNNELL, E. (1992). Semantic dementia : Progressive fluent aphasia with temporal lobe atrophy. Brain, 115(6), 1783-1806. HOFFMAN, P., EVANS, G. A. L., & LAMBON RALPH, M. A. (2014). The anterior temporal lobes are critically involved in acquiring new conceptual knowledge : Evidence for impaired feature integration in semantic dementia. Cortex, 50, 19-31. HOSOGI SENAHA, M. L., CARAMELLI, P., NITRINI, R., CHARCHAT-FICHMAN, H., & WEEKES, B. S. (2006). Semantic dementia without surface dyslexia in Portuguese. Brain and Language, 99, 42-43. JOUBERT, S., BRAMBATI, S. M., ANSADO, J., BARBEAU, E. J., FELICIAN, O., DIDIC, M., KERGOAT, M.-J. (2010). The cognitive and neural expression of semantic memory impairment in mild cognitive impairment and early Alzheimer's disease. Neuropsychologia, 48(4), 978-988. LAMBON-RALPH, M. A., POBRIC, G., & JEFFERIES, E. (2009). Conceptual knowledge is underpinned by the temporal pole bilaterally : convergent evidence from rTMS. Cerebral Cortex, 19(4), 832-838. LUZZI, S., SNOWDEN, J. S., NEARY, D., COCCIA, M., PROVINCIALI, L., & LAMBON-RALPH, M. A. (2007). Distinct patterns of olfactory impairment in Alzheimer's disease, semantic dementia, frontotemporal dementia, and corticobasal degeneration. Neuropsychologia, 45(8), 1823-1831. MARTIN, A. (2007). The representation of object concepts in the brain. Annu. Rev. Psychol., 58, 25-45. 100 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page101 MAYBERRY, E. J., SAGE, K., & LAMBON-RALPH, M. A. (2011). At the edge of semantic space : the breakdown of coherent concepts in semantic dementia is constrained by typicality and severity but not modality. Journal of Cognitive Neuroscience, 23(9), 2240-2251. McKAY, A., CASTLES, A., DAVIS, C., & SAVAGE, G. (2007). The impact of progressive semantic loss on reading aloud. Cognitive Neuropsychology, 24(2), 162-186. MECHELLI, A., FRISTON, K. J., FRACKOWIAK, R. S., & PRICE, C. J. (2005). Structural covariance in the human cortex. The Journal of Neuroscience, 25(36), 8303-8310. MECHELLI, A., SARTORI, G., ORLANDI, P., & PRICE, C. J. (2006). Semantic relevance explains category effects in medial fusiform gyri. Neuroimage, 30(3), 992-1002. MESULAM, M., GROSSMAN, M., HILLIS, A., KERTESZ, A., & WEINTRAUB, S. (2003). The core and halo of primary progressive aphasia and semantic dementia. Annals of neurology, 54(S5), S11-S14. MICELI, G., CAPASSO, R., & CARAMAZZA, A. (1994). The interaction of lexical and sublexical processes in reading, writing and repetition. Neuropsychologia, 32, 317-333. MUMMERY, C. J., PATTERSON, K., PRICE, C., ASHBURNER, J., FRACKOWIAK, R., & HODGES, J. R. (2000). A voxel-based morphometry study of semantic dementia : relationship between temporal lobe atrophy and semantic memory. Annals of neurology, 47(1), 36-45. NOBLE, K., GLOSSER, G., & GROSSMAN, M. (2000). Oral Reading in Dementia. Brain and Language, 74, 48-69. PASCUAL-LEONE, A., WALSH, V., & ROTHWELL, J. (2000). Transcranial magnetic stimulation in cognitive neuroscience-virtual lesion, chronometry, and functional connectivity. Current opinion in neurobiology, 10(2), 232-237. PATTERSON, K., & HODGES, J. R. (1992). Deterioration of Word Meaning : Implications for Reading. Neuropsychologia, 30(12 ), 1025-1040. PATTERSON, K., NESTOR, P. J., & ROGERS, T. T. (2007). Where do you know what you know ? The representation of semantic knowledge in the human brain. Nature Reviews Neuroscience, 8(12), 976-987. PATTERSON, K., LAMBON-RALPH, M. A., JEFFERIES, E., WOOLLAMS, A., JONES, R., HODGES, J. R., & ROGERS, T. T. (2006). ‘Presemantic’’ Cognition in Semantic Dementia : Six Deficits in Search of an Explanation. Journal of Cognitive Neuroscience, 18(2), 169-183. PLAUT, D. C., McCLELLAND, J. L., SEIDENBERG, M. S., & PATTERSON, K. (1996). Understanding normal and impaired word reading : Computational principles in quasi-regular domains. Psychological Review, 103, 56-115. POBRIC, G., JEFFERIES, E., & LAMBON-RALPH, M. A. (2007). Anterior temporal lobes mediate semantic representation : mimicking semantic dementia by using rTMS in normal participants. Proceedings of the National Academy of Sciences, 104(50), 20137-20141. RABINOVICI, G. D., JAGUST, W. J., FURST, A. J., OGAR, J. M., RACINE, C. A., MORMINO, E. C., MILLER, B. L. (2008). A amyloid and glucose metabolism in three variants of primary progressive aphasia. Annals of neurology, 64(4), 388-401. ROGERS, T. T., LAMBON-RALPH, M. A., GARRARD, P., BOZEAT, S., MCCLELLAND, J. L., HODGES, J. R., & PATTERSON, K. (2004). Structure and deterioration of semantic memory : a neuropsychological and computational investigation. Psychological review, 111(1), 205. ROSEN, H. J., KRAMER, J. H., GORNO-TEMPINI, M. L., SCHUFF, N., WEINER, M., & MILLER, B. L. (2002). Patterns of cerebral atrophy in primary progressive aphasia. The American journal of geriatric psychiatry, 10(1), 89-97. SAKURAI, Y., TSUCHIYA, K., ODA, T., HORI, K., TOMINAGA, I., AKIYAMA, H., MANNEN, T. (2006). Ubiquitin-positive frontotemporal lobar degeneration presenting with progressive Gogi (word-meaning) aphasia. A neuropsychological, radiological and pathological evaluation of a Japanese semantic dementia patient. Journal of the Neurological Sciences, 250, 3-9. SCHWARTZ, M. F., MARIN, O. S., & SAFFRAN, E. M. (1979). Dissociations of language function in dementia : A case study. Brain and Language, 7, 277-306. SNOWDEN, J. S., GOULDING, P., & NEARY, D. (1989). Semantic dementia : A form of circumscribed cerebral atrophy. Behavioural Neurology. 101 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page102 SUH, M. K., KIM, E.-J., LEE, B. H., SEO, S. W., CHIN, J., KANG, S. J., & NA, D. L. (2010). Hanja (Ideogram) alexia and agraphia in patients with semantic dementia. Neurocase : The Neural Basis of Cognition, 16(2), 146-156. TRANEL, D., GRABOWSKI, T. J., LYON, J., & DAMASIO, H. (2005). Naming the same entities from visual or from auditory stimulation engages similar regions of left inferotemporal cortices. Journal of Cognitive Neuroscience, 17(8), 1293-1305. VANDENBERGHE, R., PRICE, C., WISE, R., JOSEPHS, O., & FRACKOWIAK, R. (1996). Functional anatomy of a common semantic system for words and pictures. Nature, 383(6597), 254-256. VISSER, M., JEFFERIES, E., & RALPH, M. L. (2010). Semantic processing in the anterior temporal lobes : a meta-analysis of the functional neuroimaging literature. Journal of Cognitive Neuroscience, 22(6), 1083-1094. WARD, J., STOTT, R., & PARKIN, A. J. (2000). The role of semantics in reading and spelling : evidence for the ‘summation hypothesis’. Neuropsychologia, 38, 1643-1653. WARRINGTON, E. K. (1975). The selective impairment of semantic memory. Quarterly Journal of Experimental Psychology, 27(4), 635-657. WEEKES, B. S., & CHEN, H. Q. (1999). Surface Dyslexia in Chinese. Neurocase, 5, 161-172. WIBLE, C. G., HAN, S. D., SPENCER, M. H., KUBICKI, M., NIZNIKIEWICZ, M. H., JOLESZ, F. A., NESTOR, P. (2006). Connectivity among semantic associates : an fMRI study of semantic priming. Brain and language, 97(3), 294-305. WILSON, M. A., JOUBERT, S., FERRÉ, P., BELLEVILLE, S., ANSALDO, A. I., JOANETTE, Y., BRAMBATI, S. M. (2012). The role of the left anterior temporal lobe in exception word reading : Reconciling patient and neuroimaging findings. NeuroImage, 60, 2000-2007. WILSON, M. A., & MARTÍNEZ-CUITINO, M. (2012). Semantic dementia without surface dyslexia in Spanish : Unimpaired reading with impaired semantics. Behavioural Neurology, 25, 273-284. WILSON, S. M., HENRY, M. L., BESBRIS, M., OGAR, J. M., DRONKERS, N. F., JARROLD, W. GORNO-TEMPINI, M. L. (2010). Connected speech production in three variants of primary progressive aphasia. Brain, 133(7), 2069-2088. WOOLLAMS, A. M., LAMBON-RALPH, M. A., PLAUT, D. C., & PATTERSON, K. (2007). SD-Squared : On the Association Between Semantic Dementia and Surface Dyslexia. Psychological Review Copyright by the American Psychological Association, 114(2), 316-339. WU, X.-Q., LIU, X.-J., SUN, Z.-C., CHROMIK, L., & ZHANG, Y.-W. (2014). Characteristics of dyslexia and dysgraphia in a Chinese patient with semantic dementia. Neurocase : The Neural Basis of Cognition, 1-10. 102 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page103 Neuroimagerie du vieillissement normal du langage et de la parole Melody Courson, Pascale Tremblay Résumé Les techniques d’imagerie cérébrale permettent d’étudier les corrélats neurostructurels et neurofonctionnels du vieillissement normal du langage et de la parole. Cette revue de littérature vise à décrire et analyser les résultats des études d’imagerie par résonance magnétique structurelle et fonctionnelle portant sur le vieillissement des capacités langagières que sont le traitement syntaxique, la récupération lexicale, ainsi que sur le vieillissement de la perception et de la production de la parole. Il émerge de cette revue que plusieurs mécanismes neurobiologiques pourraient intervenir au cours du vieillissement : la compensation, la dé-différentiation, la diminution de l’activation, la réduction de flexibilité cérébrale, ainsi qu’un phénomène connu sous le nom de réserve cérébrale. Ces mécanismes, qui sont présents dans de nombreuses aires du cerveau à des degrés divers, affectent les habiletés langagières à différentes échelles, révélant un processus de vieillissement complexe et hétérogène. Mots clés : vieillissement, Imagerie par résonance magnétique, récupération lexicale, traitement syntaxique, perception de la parole, production de la parole. Neuroimaging of normal aging and its impacts on speech and language Abstract Brain imaging methods have enabled the investigation of the neurostructural and neurofunctional correlates of the aging of language and speech. The present review of literature aims to describe and analyze the results of structural and functional magnetic resonance imaging studies focusing on the aging of language abilities such as syntax processing, lexical retrieval, as well as speech perception and production. This review shows that different neurobiological mechanisms appear to play a role in the aging of language functions: compensation, dedifferentiation, brain activation decline and reduction in cerebral flexibility, as well as a phenomenon known as the brain reserve capacity. These mechanisms are present, to different extents, in distinct brain areas, and they affect language skills to different degrees, revealing a complex and heterogeneous aging process in the human brain. Key Words : aging, magnetic resonance imaging, lexical retrieval, syntactic processing, speech perception, speech production. Rééducation Orthophonique - N° 260 - décembre 2014 103 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page104 Melody COURSON 1,2 Pascale TREMBLAY 1,2 1. Université Laval, Faculté de médecine, Département de Réadaptation, Québec, Qc., Canada 2. Centre de Recherche de l’Institut Universitaire en santé mentale de Québec (CRIUSMQ), Québec, Qc., Canada Correspondance : Pascale Tremblay, Ph. D. Université Laval, Département de Réadaptation Centre de Recherche de l’Institut Universitaire en santé mentale de Québec (CRIUSMQ) 2601 rue de la Canardière Office F-2445 Québec (Québec), CANADA, G1J 2G3 Courriel : [email protected] ♦ Introduction L e vieillissement de la population mondiale constitue une importante préoccupation médico-sociale actuelle. Au-delà de l’âge de 85 ans, la probabilité de développer une démence liée à une pathologie neurodégénérative est en effet de 50% (Hebert, Scherr, Bienias, Bennett, & Evans, 2014). Il est donc nécessaire de mieux comprendre les mécanismes qui sous-tendent l’apparition et le développement de ces pathologies neurodégénératives. Il est cependant primordial, dans le but de caractériser les anomalies cognitives et neurologiques liées aux maladies neurodégénératives, de comprendre les mécanismes cognitifs et neurologiques liés au vieillissement normal afin de pouvoir effectuer des diagnostics différentiels plus précis, plus rapidement. Dans cet article, nous effectuerons d’abord un survol des effets du vieillissement sur la cognition et le langage (section 1.1), puis nous introduirons les changements neurologiques qui surviennent avec l’âge (section 1.2). Nous détaillerons ensuite les changements neurologiques qui surviennent et leurs impacts sur les fonctions langagières, incluant la syntaxe (section 2), la récupération lexicale (section 3) et la parole (section 4). 104 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page105 Vieillissement des fonctions cognitives et langagières La littérature comportementale rapporte que le vieillissement cognitif n’est pas uniforme. Certaines fonctions cognitives, telles que la mémoire autobiographique, le traitement des émotions et les processus de mémoire automatique semblent largement préservées (Hedden & Gabrieli, 2004) tandis que d’autres subissent un déclin au cours du vieillissement. C’est le cas de la vitesse de traitement, c’est-à-dire la vitesse à laquelle une information est traitée ou une tâche réalisée, (Cerella & Hale, 1994), la mémoire de travail (Hester, Kinsella, & Ong, 2004 ; Park et al., 2002), la mémoire à court terme (Hester et al., 2004), la mémoire épisodique (Souchay, Isingrini, & Espagnet, 2000), les capacités visuo-spatiales (Kumar & Priyadarshi, 2013) et le raisonnement non verbal (Miller, Myers, Prinzi, & Mittenberg, 2009). Certaines fonctions cognitives telles que la mémoire de travail, la mémoire épisodique et la vitesse de traitement déclinent de manière linéaire tout au long de la vie, tandis que d’autres incluant la mémoire sémantique et la mémoire à court terme semblent décliner très peu jusqu’à environ 70 ans, âge à partir duquel le déclin est plus drastique (Hedden & Gabrieli, 2004). L’ensemble de ces observations démontre que le vieillissement des facultés cognitives est un phénomène hétérogène. En plus des pertes cognitives, le vieillissement normal est accompagné de modifications comportementales au niveau du langage et de la parole. La littérature rapporte en effet un déclin de capacités langagières telles que (1) le traitement syntaxique, à la fois pour la compréhension de phrases syntaxiquement complexes (Stine-Morrow, Ryan, & Leonard, 2000) et pour la production de phrases syntaxiquement complexes à l’écrit (Kemper, 1987) comme à l’oral (Kemper, Thompson, & Marquis, 2001) et (2) la récupération lexicale lors de tâches de dénomination d’images (Evrard, 2002 ; Feyereisen, 1997 ; Kavé, Knafo, & Gilboa, 2010). La perception de la parole, particulièrement lorsque celle-ci est rapide et qu’elle contient de longues phrases (Wingfield, Poon, Lombardi, & Lowe, 1985), et la production de la parole, en termes de vitesse et de fluence (Duchin & Mysak, 1987 ; Searl, Gabel, & Fulks, 2002 ; Wingfield et al., 1985) sont également altérées par le vieillissement normal. Le déclin des capacités de récupération lexicale apparaissant au cours du vieillissement normal pourrait être lié à des difficultés d’ordre phonologique (White & Abrams, 2002), qui pourraient également avoir un effet sur la perception et la production de la parole, bien que ceci demeure à démontrer. Bien qu’un rôle potentiel des fonctions cognitives telles que la mémoire de travail dans le déclin des facultés langagières reste également à éclaircir (Kemtes & Kemper, 1997 ; Caplan & Waters, 2005), la littérature démontre clairement que le vieillissement a un impact profond sur un grand nombre de processus langagiers. 105 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page106 Vieillissement cérébral Les recherches sur le vieillissement se sont intensifiées depuis une quinzaine d’années grâce au développement de techniques d’imagerie du cerveau puissantes et sécuritaires (pour une introduction à ces différentes techniques, voir l’article de Coll, Blais-Michaud et Jackson, dans ce numéro). Les différentes techniques de neuroimagerie telles que l’imagerie par résonance magnétique (IRM) et l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) permettent d’étudier les associations entre les modifications comportementales et cognitives liées au vieillissement, et les modifications de la structure et du fonctionnement du cerveau. Les modifications structurelles liées au vieillissement les plus étudiées au moyen de l’IRM incluent le volume et l’épaisseur de la matière grise (i.e. la densité de corps cellulaires des neurones formant le cortex cérébral) et la quantité de matière blanche1 (i.e. les fibres reliant les différentes aires corticales) du cerveau. L’IRMf permet d’étudier les modifications du fonctionnement du cerveau liées au vieillissement : l’activation des aires corticales et sous-corticales lors de la réalisation d’une tâche spécifique, et la connectivité fonctionnelle qui est l’analyse de la synchronisation temporelle de l’activation de différentes aires lors d’une tâche et qui permet de déterminer le décours temporel des activations cérébrales. Ce type d’analyse repose sur le principe que des aires dont l’activation est synchrone lors de la réalisation d’une tâche font partie d’un même réseau neuronal fonctionnel. De nombreuses études démontrent que la quantité de matière grise (De Leon et al., 1997 ; Salat et al., 2004 ; van Velsen et al., 2013) et la quantité de matière blanche (D H Salat, Tuch, Greve, et al., 2005 ; D H Salat, Tuch, Hevelone, et al., 2005 ; David H Salat, 2011 ; Walhovd et al., 2005), diminuent avec l’âge. Toutefois, la perte de matière grise liée au vieillissement n’est pas uniforme au travers du cerveau (Chee et al., 2009 ; Thambisetty et al., 2010 ; Walhovd et al., 2005 ; van Velsen et al., 2013). Certaines régions et aires corticales sont plus vulnérables au vieillissement : il s’agit des lobes pariétaux, des gyri postcentraux et précentraux, du cortex insulaire, du gyrus cingulaire antérieur, du gyrus frontal moyen (MFG) gauche, du planum temporale gauche et des gyri temporaux transverses (Good et al., 2001). Une étude longitudinale conduite sur cinq ans chez des adultes sains âgés de 59 à 85 ans au début de l’étude a révélé une perte annuelle de 2.4 cm³ de matière grise et de 3.1 cm³ de matière blanche (Resnick, Pham, Kraut, Zonderman, & Davatzikos, 2003) et confirmé que les 1. L’étude structurelle de la matière blanche est aussi appelée étude de la connectivité structurelle. 106 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page107 régions frontales inférieures, cingulaires, insulaires et pariétales inférieures, subissaient une réduction de matière grise plus importante que les régions temporales et occipitales. Sur le plan du vieillissement du fonctionnement du cerveau, on note également une grande hétérogénéité, tant au niveau de la nature des changements, que de leur localisation dans le cerveau et de leur impact sur le langage, la cognition et la motricité. Les principaux mécanismes neurofonctionnels de vieillissement qui ont été identifiés sont (1) la compensation, (2) la dé-différenciation, (3) la diminution de l’activité cérébrale, et (4) la réduction de flexibilité cérébrale. Afin de distinguer ces patrons de changements les uns des autres, il est nécessaire de mettre en lien l’activité du cerveau et la performance d’un même individu. Le mécanisme de compensation se traduit par une corrélation positive entre une augmentation de l’activité cérébrale et la performance, c’est-à-dire qu’une forte activité cérébrale est associée à une meilleure performance. Cette augmentation de l’activité cérébrale peut se produire dans des aires impliquées dans la tâche ou encore engager des circuits non typiquement associés à une tâche mais qui sont moins vulnérables au vieillissement (notion de réserve cérébrale). La même augmentation d’activité corticale, lorsque corrélée négativement à la performance (i.e. lorsqu’une forte activité corticale est associée à une réduction de la performance), suggère un mécanisme de « dé-différentiation » plutôt que de compensation. Cette dé-différentiation peut refléter (1) une réduction d’efficacité neuronale, c’est-à-dire qu’un plus grand recrutement neuronal devient nécessaire pour effectuer une tâche qui autrefois était accomplie avec moins d’effort, ou (2) une perte de sélectivité neuronale, c’est-à-dire une réduction de la capacité à recruter les populations de neurones spécialisés dans la tâche à réaliser résultant en une augmentation nuisible de certaines aires du cerveau (Carp, Park, Hebrank, Park, & Polk, 2011 ; Carp, Park, Polk, & Park, 2011 ; J. O. S. Goh, 2011 ; J. O. Goh, Suzuki, & Park, 2010 ; Park et al., 2004). Le troisième mécanisme, la diminution de l’activité cérébrale, associée à une diminution de la performance, est généralement attribué à une réduction de l’activité neuronale, c’est-à-dire une difficulté à activer adéquatement des aires impliquées dans une tâche. Le quatrième mécanisme, la réduction de flexibilité, se traduit par une rigidité de l’activité cérébrale, consistant en une activation cérébrale constante, quelle que soit la difficulté de la tâche, chez les personnes âgées, alors que chez les jeunes on observe une modulation de l’activité cérébrale en fonction du degré de difficulté de la tâche ou des stimuli à traiter. Ce déficit d’adaptation de l’activité corticale à la difficulté de la tâche est associé à une diminution des performances. Ces quatre mécanismes neurofonctionnels du vieillissement cérébral seront davantage discutés plus loin (cf. discussion). 107 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page108 Plusieurs théories tentent d’expliquer les mécanismes cérébraux qui soustendent les modifications du comportement et des capacités cognitives qui surviennent au cours du vieillissement. Le modèle HAROLD (i.e. Hemispheric Asymmetry Reduction in Old Adults) de Cabeza (2002) s’appuie sur des études portant sur les corrélats neurologiques du vieillissement de la perception visuelle, de l’encodage de la mémoire épisodique, de la récupération des mémoires épisodique et sémantique, de la mémoire implicite, de la mémoire de travail et du contrôle inhibiteur pour proposer qu’au cours du vieillissement, pour lutter contre les déficits neurocognitifs, le cerveau recrute le cortex préfrontal bilatéralement lors de la réalisation de tâches qui ne requièrent qu’un hémisphère chez les jeunes adultes. Cette réduction de l’asymétrie hémisphérique serait bidirectionnelle : lors de tâches nécessitant l’implication du cortex préfrontal droit chez les jeunes adultes, par exemple, lors de la récupération de mémoire épisodique, le cortex préfrontal gauche serait sur-recruté chez les adultes âgés, et à l’inverse, lors de tâches nécessitant l’implication du cortex préfrontal gauche chez les jeunes adultes, comme dans le cas de l’encodage épisodique, le cortex préfrontal droit serait sur-recruté chez les adultes âgés. Il existe deux interprétations possibles à ce mécanisme : l’hypothèse de la compensation et l’hypothèse de la dé-différentiation. Une corrélation entre une réduction de l’asymétrie hémisphérique et un maintien des performances cognitives chez les personnes âgées (p. ex. Reuter-Lorenz et al., 2000) renforce l’hypothèse d’un mécanisme de compensation, tandis que la corrélation entre une augmentation des aires recrutées et une baisse des performances appuie l’hypothèse d’une dé-différentiation liée au vieillissement (p. ex. Burianová, Lee, Grady, & Moscovitch, 2013), ainsi, les mécanismes neurobiologiques qui soustendent la réduction de l’asymétrie hémisphérique demeurent à clarifier. Un second modèle neurocognitif du vieillissement postule qu’un déplacement postéro-antérieur de l’activité corticale, le « Posterior-Anterior Shift in Aging » ou PASA (Davis, & Ball, 1989), serait le mécanisme prédominant du vieillissement cognitif. D’après ce modèle, l’observation d’une réduction de l’activation des aires corticales sensorielles (aires plus postérieures) et d’une augmentation de l’activation des aires corticales frontales (plus antérieures), associées à une augmentation des performances, refléterait un mécanisme de compensation. Pour expliquer le sur-recrutement préfrontal lié au vieillissement, il existe toutefois une hypothèse complémentaire, selon laquelle cette modification des patrons d’activation cérébrale observée chez les personnes âgées ne serait pas due au vieillissement en tant que tel, mais à une baisse du seuil de difficulté liée au vieillissement. Il a en effet été observé (Meinzer, Seeds, et al., 2012) que les adultes jeunes et plus âgés présentaient une augmentation de l’ac- 108 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page109 tivation préfrontale lors de la réalisation de tâches complexes. Toutefois, les tâches pour lesquelles les adultes âgés présentaient cette augmentation accrue étaient plus simples que les tâches pour lesquelles les jeunes adultes présentaient une augmentation accrue des mêmes aires, c’est-à-dire que des tâches qui étaient simples pour des jeunes adultes étaient plus complexes pour les adultes âgés, qui sur-recrutaient alors les aires préfrontales. Cette hypothèse est connue sous le nom de « Compensation-Related Utilization of Neural Circuits Hypothesis » ou CRUNCH (Reuter-Lorenz et al., 2005), et stipule que le manque d’efficacité au niveau du traitement cognitif entraîne le recrutement de ressources cognitives additionnelles à des niveaux de difficultés plus bas chez les personnes âgées que les jeunes. Ce bref aperçu de la littérature démontre que les changements neurostructurels et neurofonctionnels liés au vieillissement varient en fonction de l’aire cérébrale (certaines aires étant en effet plus vulnérables que d’autres) et de la fonction cognitive et langagière étudiée. L’étude des associations entre ces changements et les performances cognitives et comportementales rend compte d’une grande complexité dans les mécanismes neurocognitifs du vieillissement. Afin de comprendre les mécanismes neurologiques structurels et fonctionnels impliqués dans le vieillissement normal, il est donc nécessaire d’étudier les fonctions cognitives et langagières (1) isolément, car elles peuvent présenter des mécanismes cognitifs et neurologiques différents les unes des autres, et (2) en interaction, car leur fonctionnement peut être modifié par d’autres fonctions cognitives et langagières, elles aussi potentiellement vulnérables au vieillissement. Les techniques d’IRM et d’IRMf sont utilisées pour l’étude spécifique du vieillissement du langage et de la parole et permettent de corréler des données neuro-anatomiques et neuro-fonctionnelles aux observations comportementales ; ces techniques ont ainsi permis de grandes avancées dans le domaine des neurosciences cognitives du langage. Les études d’imagerie cérébrale s’intéressant au vieillissement du langage2 portent essentiellement sur le traitement syntaxique et la récupération lexicale, tandis que celles portant sur la parole s’intéressent principalement à la perception de la parole dans le bruit. Ces données seront discutées et évaluées en détail dans les sections suivantes. 2. Notons que le vieillissement est une notion relative et que les études s’intéressant au vieillissement du langage et de la parole ne situent pas le début du processus de vieillissement au même âge. Ainsi, lorsque certaines études considèrent que les adultes sont âgés à partir de l’âge de 60 ans, d’autres incluent des adultes de 49 ans dans leur population âgée. Il est également notable qu’aucun adulte de plus de 88 ans n’a participé à ces études ; il est en effet difficile de rencontrer des adultes très âgés, exempts de tous troubles neurocognitifs. 109 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page110 ♦ Vieillissement du traitement syntaxique Les corrélats neurologiques du vieillissement du traitement de la syntaxe ont été très peu étudiés. À notre connaissance, il n’existe dans la littérature que deux études en imagerie qui se sont spécifiquement intéressées aux caractéristiques cérébrales anatomiques et fonctionnelles du traitement de la syntaxe chez les sujets âgés (Peelle, Troiani, Wingfield, & Grossman, 2010 ; Tyler et al., 2010). L’étude de Peelle et al. (2010) repose sur l’hypothèse d’une augmentation des difficultés des personnes âgées à traiter les structures syntaxiques complexes (Kemper et al., 2001) en raison de difficultés plus générales survenant au cours du vieillissement normal comme le déclin de la mémoire de travail et la réduction de la vitesse de traitement. Dans cette étude, un groupe d’adultes jeunes (17-27 ans) et un groupe d’adultes âgés (6077 ans) ont réalisé une tâche de compréhension de la syntaxe dans laquelle ils devaient déterminer qui était l’acteur de chaque phrase entendue, dans des phrases syntaxiquement simples et complexes. D’un point de vue comportemental, la performance du groupe âgé était aussi bonne que celle du groupe jeune pour le traitement des phrases simples, tandis qu’elle était significativement inférieure pour les phrases complexes. L’analyse IRMf a révélé que de nombreuses aires corticales bilatérales (gyrus frontal inférieur (IFG), cortex insulaire, gyrus temporal moyen (MTG), aire motrice supplémentaire (SMA), précunéus, gyrus cingulaire antérieur et gyrus frontal supérieur (SFG)) et sous-corticales (putamen et noyau caudé) étaient davantage activées, chez les adultes jeunes et âgés, lors du traitement des phrases complexes. Il est à noter que l’augmentation de l’activité du cortex insulaire antérieur gauche, ainsi que la connectivité entre les aires activées, étaient significativement plus importantes chez les jeunes adultes que chez les personnes âgées lors du traitement des phrases complexes. Toutefois, pour les personnes âgées, la performance était positivement corrélée à l’activation du cortex insulaire antérieur et de l’IFG gauches et à une bonne connectivité fonctionnelle entre les aires activées. Il semble donc que l’IFG et le cortex insulaire antérieur, même si ce dernier participe à d’autres fonctions cognitives et langagières (cf. discussion), soient nécessaires au traitement syntaxique. Une corrélation négative entre l’activation du MTG postérieur gauche et les performances syntaxiques complexes indique que le sur-recrutement de cette aire chez les personnes âgées ne permet pas le maintien de leurs performances. L’étude de Tyler et al. (2010), au contraire, s’appuie sur l’hypothèse selon laquelle le traitement syntaxique n’est pas altéré par le vieillissement (Caplan & Waters, 2005). Parce qu’une absence de changements comportementaux n’est pas nécessairement associée à une absence de modifications anatomiques et 110 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page111 fonctionnelles3, les auteurs ont étudié les corrélats neuronaux du traitement syntaxique - normal - chez un groupe de jeunes adultes (19-34 ans) et un groupe d’adultes âgés (49-86 ans). Les auteurs ont utilisé une tâche mise au point dans des études antérieures (p. ex. Tyler & Marslen-Wilson, 2008). Dans cette tâche, ne nécessitant pas l’implication de la mémoire de travail, souvent difficile à séparer des processus syntaxiques, les participants devaient repérer un mot cible dans différents types de phrases, incluant des phrases possédant une structure syntaxique mais n’ayant pas de sens (i.e. n’induisant pas de construction sémantique), comme : « Sa dent était conduite parce qu’il avait un ongle faible ». Les performances comportementales étaient similaires chez les adultes jeunes et plus âgés. L’analyse IRMf a révélé l’activation d’un réseau fronto-temporal (FT) gauche chez le groupe âgé similaire à celui du groupe jeune (IFG gauche et MTG gauche) mais plus étendu (incluant également le MFG gauche et le MTG gauche). De plus, le réseau FT droit n’était activé que par les adultes âgés. Une corrélation négative entre le volume de MG du MTG gauche et l’activité du réseau FT droit a été mise en évidence chez les personnes âgées. Selon les auteurs, le recrutement du réseau FT droit chez les personnes âgées, de même que le recrutement plus étendu du réseau FT gauche, reflèteraient une forme de plasticité cérébrale consécutive à la perte de MG du réseau FT gauche qui permettrait aux personnes âgées, par compensation, de maintenir leurs capacités en traitement syntaxique. Selon les auteurs, ces résultats démontrent que l’activation frontale observée chez les personnes âgées lors du traitement syntaxique n’est pas nécessairement liée à une compensation générale (i.e. une compensation réalisée par l’implication de processus cognitifs généraux comme l’attention), mais, au moins en partie, à une compensation spécifique, au sein du réseau cortical lié au traitement syntaxique. De ces résultats, en apparence opposés, il est possible d’extraire plusieurs observations d’ordre général concernant les corrélats neurologiques du vieillissement du traitement syntaxique. Tout d’abord, les mécanismes impliqués dans le vieillissement du traitement syntaxique semblent être principalement corticaux et distribués. De plus, ces études montrent que le vieillissement s’accompagne d’une augmentation des activations corticales chez les personnes âgées, 3. En effet, on pense ici à la possibilité d’une réorganisation neuronale de type compensation qui permettrait de maintenir la performance au cours du vieillissement. 111 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page112 autant lorsque la performance décline que lorsqu’elle est stable. La divergence observée par rapport au comportement lui-même pourrait s’expliquer par le type de traitement syntaxique étudié – simple et complexe - et son vieillissement, à plusieurs niveaux fonctionnels : de manière isolée, et en interaction avec d’autres processus cognitifs tels que la mémoire de travail et l’attention. Une interprétation possible est que le traitement syntaxique en soi ne soit pas dégradé avec le vieillissement, mais que le déclin d’autres processus cognitifs, comme la mémoire de travail, l’attention ou les capacités de contrôle exécutif, ait un impact néfaste sur les capacités de traitement des structures syntaxiques complexes. Davantage d’études en imagerie cérébrale, alliant les analyses structurelle, fonctionnelle et de connectivité, et variant à la fois la difficulté syntaxique et cognitive sont nécessaires pour identifier, avec précision, les impacts du vieillissement sur le traitement syntaxique. ♦ Vieillissement de la récupération lexicale Une des difficultés liées au vieillissement les plus documentées est le trouble de la récupération lexicale, ou « manque du mot », c’est-à-dire des difficultés à récupérer des mots en mémoire. La récupération lexicale est un processus impliquant à la fois un accès sémantique et un accès phonologique. Étude globale de la récupération lexicale (processus sémantiques et phonologiques confondus) Dans une étude récente (Obler et al., 2010), une analyse du volume de matière grise et de matière blanche, a été effectuée chez des adultes de 56 à 79 ans, et mise en relation avec les résultats d’une tâche de dénomination de noms et de verbes afin de déterminer si des changements au niveau de la structure du cerveau affectent la récupération lexicale au cours du vieillissement. Les adultes jeunes et âgés ont démontré des performances similaires dans la dénomination des verbes et des noms. Les résultats montrent que pour la dénomination de verbes, les performances sont positivement corrélées : (1) au volume de matière grise dans le MFG gauche, le gyrus angulaire droit et le MTG droit ; et (2) à la quantité de matière blanche dans le MTG, l’ITG, le MFG droit et les projections cortico-calleuses. Pour la dénomination de noms, les temps de réponses sont négativement corrélés : (1) au volume de matière grise dans le MFG gauche et le planum temporal gauche, et (2) à la quantité de matière blanche dans les gyri temporaux moyens et les gyri temporaux inférieurs. Ces résultats suggèrent qu’avec le vieillissement, de bonnes performances de dénomination de verbes et de noms sont liées à la préservation de la matière grise de régions frontales et temporales bilatérales, ainsi qu’à la préservation de la matière blanche. Des 112 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page113 études de Fridriksson et al. (2006), Berlingeri et al. (2013) et Wierenga et al. (2008), menées avec des adultes de (1) 20-82 ans, (2) 18-30 ans et 50-80 ans, et (3) 20-34 ans et 68-84 ans, montrent également d’aussi bonnes performances de dénomination chez les personnes âgées que chez les jeunes. Au niveau cérébral, certaines aires corticales gauches, telles que l’IFG, la partie postérieure du gyrus temporal supérieur (STG) (Fridriksson et al., 2006), le gyrus cingulaire antérieur et le SMA (Wierenga et al., 2008) semblent être davantage activées chez les personnes âgées durant la tâche de dénomination. D’autre part, si les adultes jeunes et âgés semblent partager des activations latéralisées à gauche (i.e. IFG, gyrus précentral4 et cortex insulaire) lors d’une tâche de dénomination (Berlingeri et al., 2013), les adultes âgés ont également présenté des activations dans les homologues droits de ces aires (Berlingeri et al., 2013 ; Fridriksson et al., 2006 ; Wierenga et al., 2008). Ces trois études suggèrent que de bonnes performances de dénomination sont liées à une augmentation de l’activité des aires habituellement impliquées dans cette tâche chez les jeunes adultes, mais également à un recrutement d’aires non recrutées chez les jeunes adultes dans l’hémisphère droit. Des analyses supplémentaires (Wierenga et al., 2008) ont cependant montré que la performance était positivement corrélée à l’activation de l’IFG gauche chez les adultes âgés performants et moins performants, tandis qu’elle était positivement corrélée à l’activation de l’IFG droit chez les personnes âgées performantes et négativement corrélée à l’activation de l’IFG droit chez les moins performantes. Il semble donc qu’une augmentation de l’activité cérébrale de l’hémisphère droit ne soit pas systématiquement associée à une augmentation ou à un maintien des performances de récupération lexicale chez les adultes âgés. Les résultats combinés de ces études suggèrent que les modifications des patrons d’activation corticale et les caractéristiques neurostructurelles liées au vieillissement varient d’un individu à l’autre en lien avec le niveau de performance langagière. Comparaison des processus sémantique et phonologique dans la récupération lexicale Plusieurs études ont comparé les processus sémantique et phonologique de la récupération lexicale via des tâches de fluences verbales (Meinzer, Flaisch, et al., 2012 ; Meinzer et al., 2009, Meinzer, Seeds, et al., 2012) plutôt que des tâches de dénomination. Dans ces études, les activations cérébrales associées à 4 Le gyrus précentral, ainsi que le sulcus précentral, contiennent le cortex prémoteur. Le sulcus précentral, situé derrière le gyrus précentral, contient le cortex moteur primaire, lequel contient une grande quantité de neurones moteurs supérieurs. Voir les Figures 1 et 2 pour l’emplacement exact de ces régions. 113 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page114 la fluence verbale chez des adultes jeunes (respectivement de : 20-33 ans, 19-32 ans, et 19-32 ans) et âgés (respectivement de : 64-88 ans, 69-80 ans, et 61-80 ans) ont été comparées. Lors d’une tâche simple de fluences phonologiques (avec les lettres H, F, N et A) et sémantiques (avec les catégories : sports, fruits, parties du corps et instruments de musique), Meinzer et al. (2009) ont observé, chez les adultes âgés, que les performances en fluences phonologiques étaient aussi élevées que chez les jeunes, tandis que leurs performances en fluences sémantiques étaient significativement inférieures. Cette diminution de la performance des adultes âgés était corrélée à des activations plus bilatérales que chez les jeunes. En effet, en plus des aires corticales de l’hémisphère gauche activées dans les deux groupes lors de la tâche de fluence sémantique (i.e. STG, IFG, MFG), les adultes âgés ont également activé l’IFG et le MFG droits. Dans une étude subséquente (avec les lettres M, J, S, K, T, Q, P, N et les catégories sémantiques suivantes : parties du corps, types de musique, vêtements, insectes, couleurs, épices, boissons, actes criminels), les auteurs (Meinzer, Seeds, et al., 2012) ont toutefois obtenu des résultats comportementaux opposés (i.e. de meilleures performances sémantiques que phonologiques). Chez les adultes âgés, une réduction des performances était corrélée à des activations dans l’hémisphère droit plus importantes lors de la tâche sémantique (MFG et IFG) et lors de la tâche phonologique (STG, gyrus cingulaire postérieur et gyrus supramarginal). Dans une troisième étude, les auteurs (Meinzer, Flaisch, et al., 2012) ont à nouveau démontré de plus grandes difficultés en fluence phonologique qu’en fluence sémantique, indépendamment de l’âge. Dans cette étude, les auteurs se sont particulièrement intéressés aux patrons d’activation des IFG. Pour chaque tâche de fluence, deux niveaux de difficulté ont été employés : facile (fluence sémantique avec les catégories sémantiques familières « parties du corps », « vêtements », « couleurs », « boissons » et fluence phonologique avec des consonnes fréquemment présentes en début de mot : M, S, T, P) et difficile (fluence sémantique avec les catégories sémantiques peu familières « types de musique », « insectes », « épices », « actes criminels » et fluence phonologique avec des consonnes peu fréquemment présentes en début de mot : J, K, Q, N), formant un ensemble de quatre tâches variant de la plus simple à la plus complexe : fluence sémantique facile, fluence sémantique difficile, fluence phonologique facile, et fluence phonologique difficile. Dans les deux groupes d’âge et pour les deux niveaux de difficulté de fluence verbale, une meilleure performance était corrélée à une activité moins importante de l’IFG gauche. L’IFG droit n’a été activé que lors de la tâche difficile de fluence phonologique (i.e. la tâche la plus difficile des quatre) chez les jeunes adultes, tandis qu’il était activé dès la tâche de fluence sémantique difficile chez les personnes âgées. Malgré 114 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page115 des performances similaires chez les adultes jeunes et âgés dans chaque tâche de fluence, l’implication de l’IFG a augmenté en fonction de l’âge. Les résultats de ces trois études semblent indiquer que : (1) le seuil de difficulté des tâches de fluence est plus bas chez les adultes âgés, et (2) les adultes âgés recrutent davantage l’hémisphère droit, dont l’IFG droit, que les jeunes adultes pour maintenir leur performance dans des tâches difficiles. 115 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page116 Étude du traitement sémantique dans la récupération lexicale Lors d’une tâche de jugement sémantique, dans laquelle des adultes en bonne santé devaient déterminer si les phrases entendues avaient du sens ou non, Berlingeri et al. (2013) ont comparé les patrons d’activation d’adultes jeunes (18-30 ans) et âgés (50-80 ans). Tous les participants, jeunes et âgés, ont obtenu de bonnes performances à la tâche. Les jeunes adultes ont présenté une forte latéralisation gauche des activations lors de cette tâche : IFG, gyrus précentral, gyrus supramarginal5, STG, MTG et gyrus temporal inférieur (ITG). Les aires activées chez les personnes âgés étaient également latéralisées à gauche, bien que moins fortement, avec des activations droites : IFG, gyrus précentral, MTG, ITG, gyrus parahippocampique et gyrus occipital moyen. Cette étude révèle donc un lien entre la préservation des performances sémantiques au cours du vieillissement et une réduction de la latéralisation des activations corticales. Dans une autre étude d’IRMf, Gold et al. (2009) ont comparé les patrons d’activations corticales aux performances obtenues lors d’une tâche de décision lexicale chez des adultes jeunes (19-26 ans) et âgés (63-83). Dans cette étude, les participants devaient déterminer si chaque suite de lettres était un mot ou un pseudo-mot. Certains de ces mots étaient amorcés (i.e. leur contenu sémantique était pré-activé par la présentation d’un mot lié sémantiquement avant la présentation du mot à juger). Pour les mots non-amorcés, les adultes âgés ont obtenu des temps de réponse plus longs que les jeunes adultes, ce qui indique un traite5. Le gyrus supramarginal est impliqué dans la mémoire verbale à court terme. Les auteurs ne font cependant aucune mention de l’implication que pourrait avoir un manque d’activation de cette aire cérébrale sur le traitement du langage chez les adultes âgés. 116 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page117 ment plus long, et possiblement plus difficile, chez les adultes âgés. Ces résultats ont été associés à un sous-recrutement des régions perceptuelles visuelles et du cortex pariétal inférieur gauche6, ainsi qu’à un sur-recrutement de régions impliquées dans le traitement sémantique (i.e. l’ITG et l’IFG gauche). Les auteurs émettent l’hypothèse que les adultes âgés s’appuient davantage sur le contenu sémantique que sur l’orthographe des mots pour résoudre la tâche, contrairement aux jeunes adultes. Le traitement sémantique étant plus long que le traitement orthographique, cela expliquerait les temps de réponse plus longs chez les personnes âgées. Pour les mots amorcés (i.e. avec une pré-activation sémantique), les adultes jeunes et âgés ont répondu aussi rapidement ; l’amorçage sémantique a éliminé le délai de réponse observé chez les adultes âgés lorsqu’il n’y avait pas d’amorçage. Les temps de réponse étaient positivement corrélés à l’activation de l’ITG gauche et du gyrus fusiforme moyen gauche ; des temps de réponses plus courts étaient associés à une moindre activation de ces aires corticales. Lorsque le traitement sémantique est amorcé, les performances et les activations corticales des adultes âgés sont similaires à celles des jeunes adultes. Ces résultats semblent indiquer que le traitement sémantique en soi ne serait pas dégradé au cours du vieillissement, mais que la dégradation liée au vieillissement d’autres processus cognitifs, notamment la mémoire de travail, pourrait avoir un impact néfaste sur le traitement sémantique. Étude du traitement phonologique dans la récupération lexicale Chez des adultes jeunes (21-34 ans) et âgés (55-71), des données neurofonctionnelles ont été recueillies lors d’une tâche visuelle de jugement de rimes (Geva et al., 2012). Les deux groupes ont obtenu des performances similaires, toutefois les auteurs ont mis en évidence une activation de l’IFG plus importante chez les adultes âgés. Une corrélation positive entre l’augmentation de l’activation de l’aire triangulaire7 droite (i.e. la partie médiane de l’IFG) et la performance a été montrée chez tous les adultes. Les auteurs suggèrent que cette augmentation est liée à une meilleure inhibition des erreurs. D’autres études ont étudié l’aspect phonologique de la récupération lexicale liée au vieillissement en utilisant le paradigme expérimental du « mot sur le bout de la langue », ou « tip of the tongue » (TOT) en anglais (Shafto, Burke, Stamatakis, Tam, & Tyler, 2007 ; Shafto, Stamatakis, Tam, & Tyler, 2010 ; Stamatakis, Shafto, Williams, Tam, & Tyler, 2011). Ce paradigme permet de provoquer chez les adultes une 6. Le cortex inférieur pariétal regroupe deux aires anatomiquement et fonctionnellement distinctes, le gyrus supramarginal et le gyrus angulaire. 7. Aussi connue sous son nom latin de "pars triangularis”. 117 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page118 situation de récupération phonologique difficile, au cours de laquelle ils ont la sensation d’avoir le mot sur le bout de la langue : après avoir accédé à la sémantique du mot, les personnes ne parviennent pas à accéder à sa forme phonologique. Dans l’étude de Shafto et al. (2007), les corrélats structurels de la récupération phonologique ont été mis en évidence chez des adultes de 19 à 88 ans. Les auteurs ont observé que la fréquence des TOT augmentait en lien avec une diminution du volume de matière grise : (1) du STG et du gyrus précentral lorsque l’analyse tenait compte du facteur « âge » et (2) du cortex insulaire lorsque le facteur « âge » était exclu de l’analyse. Les modifications structurelles associées à l’augmentation des difficultés de récupération phonologique ne sont donc pas nécessairement liées à l’âge. Dans une étude d’IRM fonctionnelle et structurelle (Shafto et al., 2010), alors que les performances étaient similaires pour les deux groupes d’âge, l’augmentation de l’activité du cortex insulaire était atténuée chez les adultes âgés (66-88 ans) en comparaison aux jeunes adultes (20-37 ans). Cette différence était liée à l’atrophie du cortex insulaire gauche. Ensemble, ces deux études suggèrent un rôle important du cortex insulaire antérieur dans la récupération phonologique. Étant donné l’implication du cortex insulaire dans de multiples processus langagiers, cognitifs, émotionnels et moteurs, il est cependant possible que le cortex insulaire joue un rôle plus général dans le traitement du langage (cf. discussion). Ce groupe de chercheurs s’est également intéressé à la connectivité structurelle liée au vieillissement (Stamatakis et al., 2011). Conduite chez des personnes de 19 à 82 ans, cette étude montre une préservation de l’asymétrie hémisphérique de la matière blanche (en termes de volume de matière blanche) faisant partie du réseau du langage, avec une prédominance de l’hémisphére gauche. D’autre part, l’augmentation du nombre de TOT accompagnant le vieillissement semble liée à la détérioration de l’intégrité de la matière blanche de la partie postérieure du fascicule supérieur (FLS) gauche. Les auteurs proposent que le FLS participe à ce processus langagier et que sa détérioration entraîne des difficultés de récupération phonologique car la connectivité des aires impliquées dans la récupération phonologique est alors moins efficace. Ainsi, ces trois études suggèrent que l’augmentation des difficultés de récupération phonologique est liée à la fois à des déclins structurels, fonctionnels et de connectivité. ♦ Vieillissement de la parole En plus d’entrainer des changements au niveau du traitement syntaxique et de la récupération lexicale, le vieillissement s’accompagne également de changements affectant la perception et la production des sons du langage. Ces changements sont décrits dans les paragraphes qui suivent. 118 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page119 Perception de la parole La perception de la parole se dégrade avec le vieillissement, particulièrement dans des environnements bruyants. Plusieurs études (Erb & Obleser, 2013 ; Hwang, Li, Wu, Chen, & Liu, 2007 ; Wong et al., 2009) se sont intéressées aux corrélats cérébraux fonctionnels du vieillissement normal de la perception de la parole. Dans ces trois études, les patrons d’activation cérébrale ont été comparés chez des adultes jeunes (respectivement de 21-31 ans, 19-27 ans, et 22-31 ans) et âgés (respectivement de 61-76 ans, 63-75 ans, et 56-77 ans) lors de tâches de perception de la parole dans des conditions de bonne et de mauvaise intelligibilité : un questionnaire de compréhension suite à la perception de phrases (Hwang et al., 2007), une tâche d’identification de mots (Wong et al., 2009) et une tâche de répétition de mots (Erb & Obleser, 2013). Dans ces trois études, l’audition normale des participants avait été contrôlée lors d’une évaluation audiométrique (audiométrie tonale complète ou partielle). Ces études rapportent des résultats comportementaux similaires : une meilleure performance chez les jeunes adultes que chez les adultes âgés, particulièrement marquée lors de la perception de parole peu intelligible. L’étude de Hwang et al. (2007) a montré que lors de la perception de la parole dans le bruit, chez les jeunes adultes, certaines aires corticales étaient davantage activées qu’elles ne l’étaient chez les adultes âgés : le cortex auditif, la partie antérieure du STG et la partie postérieure du STG. De plus, des activations sous-corticales n’ont été mises en évidence que pour les jeunes adultes : une activation du thalamus droit lors de la perception de parole sans bruit, et une activation bilatérale du thalamus lors de la perception de parole dans le bruit. Ces résultats suggèrent un sous-recrutement des aires corticales sensorielles auditives et sous-corticales des personnes âgées lors de la perception de la parole, principalement quand celle-ci est présentée dans du bruit. D’autre part, une diminution de la flexibilité des activations semble présente chez les adultes âgés lors de la perception de la parole. L’analyse de Wong et al. (2009) a révélé que les jeunes adultes présentaient des variations d’activation en fonction de la difficulté de perception de la parole, sous la forme d’une augmentation de l’activation du gyrus cingulaire antérieur et du STG gauche, et d’une réduction de l’activation du précunéus dans la condition la moins intelligible. Cependant, chez les adultes âgés, qu’elles soient suractivées (précunéus droit) ou sous-activées (gyrus cingulaire et STG gauche), l’activation dans ces aires n’était pas modulée en fonction de la difficulté de perception de la parole. Il semble donc que l’activité de certaines aires corticales manque de flexibilité chez les adultes âgés. Erb et al. (2013) ont obtenu des résultats similaires dans le gyrus cingulaire antérieur qui, chez les jeunes adultes, était suractivé lors de la perception 119 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page120 de la parole dégradée, alors qu’il était suractivé quel que soit le niveau d’intelligibilité chez les adultes âgés, reflétant une réduction de flexibilité cérébrale dans cette aire. Enfin, la corrélation entre la performance aux tâches de perception de parole et les patrons d’activation corticale ont fait émerger, chez les personnes âgées, la présence de mécanismes de compensation principalement fronto-pariétale dans le précunéus et le gyrus précentral droit (Wong et al., 2009), ainsi que dans le gyrus de Heschl, le MTG, le gyrus précentral, le gyrus angulaire, le putamen et le MFG (Erb & Obleser, 2013). Un mécanisme similaire a également été démontré chez les jeunes adultes, mais dans des aires cérébrales différentes : le gyrus fusiforme gauche, le cervelet droit et le gyrus cingulaire postérieur (Erb & Obleser, 2013). De plus, une analyse de la capacité d’adaptation à la parole dégradée dans cette même étude montre que les adultes âgés ayant obtenu un meilleur score à un test de mémoire de travail se sont plus rapidement adaptés à la parole dégradée, ce qui suggère que les adultes âgés peuvent avoir recours à la mémoire de travail dans la perception de la parole lorsque celle-ci est peu intelligible. D’autres études (Bilodeau-Mercure, Lortie, Sato, Guitton, & Tremblay, 2014 ; Eckert et al., 2008 ; Harris, Dubno, Keren, Ahlstrom, & Eckert, 2009) se sont penchées sur les liens pouvant exister entre changements structurels, patrons d’activation et perception de la parole au cours du vieillissement normal. Des adultes jeunes et âgés (respectivement de 21 à 75 ans ; de 19-39 ans et 61-79 ans ; et de 21-32 ans et 61-74 ans) ont réalisé des tâches de répétition de mots (Eckert et al., 2008 ; Harris et al., 2009) ou de séquences de syllabes (Bilodeau-Mercure et al., 2014) dans lesquelles les stimuli étaient présentés auditivement, à différents degrés d’intelligibilité. Ces études rapportent une baisse de performance lors de ces tâches de perception de la parole lorsque l’intelligibilité des stimuli est réduite chez l’ensemble des participants (Bilodeau-Mercure et al., 2014 ; Eckert et al., 2008) ou uniquement chez les adultes âgés (Harris et al., 2009). Sur le plan neurofonctionnel, la plupart des effets mis en évidence dans ces trois études concernent l’ensemble des participants. Lors de la perception de parole peu intelligible, une réduction de l’activation d’aires temporales a été mise en évidence, plus spécifiquement dans le sulcus temporal supérieur antérieur, le STG (Eckert et al., 2008 ; Harris et al., 2009), l’hippocampe gauche et le cortex entorhinal (Eckert et al., 2008). Eckert et al. (2008) ont également observé une dé-différentiation (i.e. un sur-recrutement cérébral non bénéfique à la performance) dans le lobe frontal. Les aires motrices participeraient également à la perception de la parole et leur activation serait modulée par le degré d’intelligibilité de la parole ; lors de la perception de parole peu intelligible, l’activation du cortex moteur primaire gauche et du gyrus postcentral supérieur 120 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page121 gauche8 semble diminuer, tandis que l’activation du SMA semble augmenter. Faisant écho à la notion de flexibilité cérébrale abordée dans les études décrites plus haut, ces travaux rapportent un manque de flexibilité d’activation chez les adultes âgés dans le cortex insulaire antérieur gauche, qui est moins activé qu’il ne l’est chez les jeunes adultes, quel que soit le degré d’intelligibilité de la parole (Bilodeau-Mercure et al., 2014), et dans le gyrus cingulaire antérieur (Harris et al., 2009), qui est plus activé qu’il ne l’est chez les jeunes adultes, quel que soit le degré d’intelligibilité de la parole. Chez les personnes âgées, Eckert et al. (2008) ont observé un mécanisme de compensation, c’est-à-dire l’association de bonnes performances à une augmentation de l’activation du gyrus cingulaire antérieur bilatéral et du MFG gauche, ainsi qu’un effet de dédifférentiation, c’est-à-dire une augmentation de l’activation d’une aire cérébrale (ici, le MFG) associée à une réduction des performances. D’un point de vue neurostructurel, un effet médiateur de la réduction de l’épaisseur corticale du cortex insulaire antérieur droit sur la baisse des performances à la tâche de perception de parole a été observé chez les personnes âgées (Bilodeau-Mercure et al., 2014). L’analyse des modifications cérébrales structurelles et fonctionnelles sur le vieillissement de la perception du langage n’a révélé aucune interaction entre les mécanismes du vieillissement structurels et fonctionnels (Bilodeau-Mercure et al., 2014). Ces auteurs ont toutefois démontré une interaction indépendante de l’âge : une réduction de l’épaisseur corticale serait en effet liée à (1) une augmentation de l’activation du gyrus postcentral supérieur gauche et du gyrus précentral supérieur droit, et (2) une réduction de l’activation du cortex insulaire droit et du gyrus précentral inférieur gauche. Lorsque des interactions liées au vieillissement ont pu être observées, elles étaient indirectes : d’une part, une réduction du volume de la matière grise temporale serait liée à une augmentation du recrutement d’aires frontales, qui serait liée à une augmentation de la performance chez les adultes âgés (Eckert et al., 2008) ; d’autre part, une réduction du volume de la matière grise du STG serait liée à une diminution des performances, qui serait liée à une augmentation de l’activation du gyrus cingulaire antérieur (Harris et al., 2009). Un effet plus direct de l’épaisseur corticale sur la performance a toutefois été démontré dans une autre étude (Wong, Ettlinger, Sheppard, Gunasekera, & Dhar, 2010). Dans cette étude, Wong et al. (2010) ont en effet démontré que l’épaisseur corticale dans la partie triangulaire de l’IFG gauche et dans le SFG gauche étaient corrélées positivement à la performance dans une tâche de perception de phrases dans le bruit. Ces résultats montrent que, dans cer8. Le gyrus et le sulcus postcentral contiennent le cortex somatosensoriel primaire. Voir la Figure 1. 121 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page122 taines aires, une épaisseur corticale plus importante peut être associée à de meilleures performances langagières. Production de la parole À notre connaissance, la littérature comporte seulement trois articles traitant spécifiquement des corrélats neurologiques du vieillissement normal de la production de la parole (Sörös, Bose, Sokoloff, Graham, & Stuss, 2011 ; Tremblay, Dick, & Small, 2013 ; Tremblay, Bilodeau-Mercure, & Sato, 2014)9,10. Dans ces études, des adultes jeunes (de respectivement 21-32 ans, 18-38 ans, et 20-34 ans) et âgés (de respectivement 62-84 ans, 57-70 ans, et 61-74 ans) ont produit des mots isolés (Tremblay et al., 2013) ou des séquences de sons simples et complexes (Sörös et al., 2011 ; Tremblay et al., 2014) suite à la présentation auditive (Sörös et al., 2011), visuelle ou audiovisuelle (Tremblay et al., 2013) de ces stimuli linguistiques. Dans les études de Soros et al. (2011) et Tremblay et al. (2013), les adultes jeunes et âgés ont obtenu des performances de production identiques, tandis que Tremblay et al. (2014) ont observé un effet néfaste de la complexité des séquences de syllabes11 sur les performances et les temps de réponses. D’un point de vue neurofonctionnel, les adultes âgés ont présenté un sur-recrutement de certaines aires telles que le MTG, le SMA, le MFG et l’IFG (Sörös et al., 2011), ainsi qu’un sous-recrutement d’autres aires telles que le gyrus précentral inférieur, le sulcus temporal supérieur moyen et le SMA droit (Tremblay et al., 2013), le cortex moteur primaire inférieur gauche, le gyrus précentral supérieur droit, le sulcus temporal supérieur gauche et le sulcus postcentral supérieur droit (Tremblay et al., 2014). Divers mécanismes liés au vieillissement de la production de la parole ont été mis en évidence dans cette dernière étude, démontrant la diversité des mécanismes neurologiques impliqués dans le vieillissement de la production de la parole. Ainsi, les analyses ont révélé, chez les personnes âgées, des phénomènes : (1) de compensation aux niveaux cortical (cortex insulaire) et sous-cortical (putamen gauche et 9. Plusieurs études ont utilisé des tâches impliquant la production de mots dans le but d’étudier les processus linguistiques et non la production de la parole spécifiquement. Ces études ne seront pas discutées ici. 10. L’étude de la production de la parole (incluant son vieillissement) a été plus lente à se développer que les autres domaines du langage en raison de difficultés techniques liées aux mouvements de la tête associés avec la production de sons et de mots, lesquels causent des artéfacts dans les images IRM. Des techniques d’imageries à échantillonnage discontinue (« sparse sampling ») ont été développées et validées pour l’étude de la production de la parole (Gracco, Tremblay, & Pike, 2005), ce qui permet maintenant au chercheur d’étudier la production du langage au moyen de l’IRMf. 11. L’effet de complexité reflète une difficulté à produire des séquences de syllabes différentes (p.ex. /pa-taka/) comparé à des séquences de syllabes identiques (p.ex. /pa-pa-pa/). Cet effet a été reproduit dans une étude comportementale de notre équipe (Bilodeau-Mercure et al., 2014). 122 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page123 noyau caudé gauche), (2) de dé-différentiation aux niveaux cortical (gyrus précentral supérieur droit et cortex moteur primaire inférieur droit) et sous-cortical (noyau caudé, putamen, thalamus et cervelet). Chez les adultes âgés, le cortex insulaire antérieur supérieur droit et le sulcus temporal supérieur antérieur gauche étaient davantage activés lors de la production de séquences complexes que de séquences simples. Au niveau neurostructurel, chez les adultes âgés, des diminutions du volume et de l’épaisseur corticales en comparaison aux jeunes adultes ont été observées dans le SMA, le SFG postérieur, le sulcus temporal supérieur moyen gauche et le gyrus précentral inférieur. Une diminution du seul volume était présente dans le gyrus temporo-occipital et le sulcus temporal supérieur moyen droit, tandis que le sulcus temporal transverse et le planum temporal gauche ne présentaient qu’une réduction de l’épaisseur de matière grise. Enfin, un effet direct de la structure sur l’activation fonctionnelle a été mis en évidence : un effet de compensation au niveau du SFG postérieur gauche, dont la diminution de l’épaisseur de matière grise était liée à une augmentation d’activation de cette aire. ♦ Discussion L’objectif de cet article était de fournir un portrait de l’état actuel des connaissances dans le domaine du vieillissement normal des facultés langagières, et de montrer l’apport de l’imagerie à l’étude du vieillissement de ces fonctions. Sur le plan comportemental, il ressort de la présente analyse des difficultés liées à l’âge sur le plan du traitement syntaxique, de la récupération lexicale ainsi que de la perception et la production de la parole ; ces difficultés apparaissent lorsque la complexité est augmentée, ce qui suggère que le vieillissement est lié à une réduction du seuil de difficulté ou de la capacité à effectuer des performances langagières maximales, en lien avec l’hypothèse CRUNCH abordée dans l’introduction. Il apparait que certaines de ces difficultés, notamment syntaxiques, pourraient être liées à une réduction de capacités cognitives plus générales telles que la mémoire de travail. Tous ces changements comportementaux sont accompagnés de changements neurostructurels et neurofonctionnels. Les relations entre les changements neurologiques et comportementaux sont discutées dans les sections suivantes. Vieillissement neurostructurel et langage En accord avec la littérature (Chee et al., 2009 ; De Leon et al., 1997 ; D H Salat, Tuch, Greve, et al., 2005 ; D H Salat, Tuch, Hevelone, et al., 2005 ; David H Salat, 2011 ; David H Salat et al., 2004b ; Thambisetty et al., 2010 ; Walhovd et al., 2005 ; van Velsen et al., 2013) les études d’imagerie structurelle 123 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page124 sur le vieillissement du langage et de la parole rapportent une réduction globale du volume de matière blanche, ainsi qu’une réduction du volume et de l’épaisseur de matière grise qui varient d’une aire à une autre. Certaines corrélations entre structure cérébrale et performance ont été établies chez les personnes âgées ; dans plusieurs études portant sur la récupération lexicale (Shafto et al., 2007 ; Stamatakis et al., 2011) et la parole (Tremblay et al., 2013 ; Tremblay et al., 2014 ; Wong et al., 2010), la réduction de l’épaisseur ou du volume de certaines aires corticales et sous-corticales ou de faisceaux de matière blanche est associée à un déclin des performances. Ces données impliquent qu’il existe un effet de la dégradation cérébrale structurelle sur les fonctions langagières. Cet effet doit être nuancé car, il est à noter qu’il existe également des relations entre les variations structurelles et les performances langagières qui sont indépendantes de l’âge (Obler et al., 2010 ; Tremblay et al., 2013) ; bien que le vieillissement soit généralement associé à une réduction de la matière grise et de la matière blanche, la dégradation structurelle, davantage que l’âge en tant que tel, pourrait être l’élément clé lié au déclin des capacités langagières. De plus, il semble que les changements neurofonctionnels puissent avoir un plus grand impact sur les fonctions langagières que les changements neurostructurels ; toutefois la comparaison entre l’impact des changements structurels et fonctionnels sur les fonctions langagières n’en est qu’à son commencement. Vieillissement neurofonctionnel et langage L’analyse des données fonctionnelles liées au vieillissement fait émerger plusieurs mécanismes de vieillissement neurobiologique impliqués dans le vieillissement des facultés langagières : la diminution de l’activation, la dé-différenciation, la compensation, la diminution de la flexibilité cérébrale. Tous ces mécanismes ont également été observés dans les études d’imagerie du vieillissement d’autres fonctions cognitives, sensorielles et motrices (p. ex. Burianová et al., 2013 ; Carp, Park, Hebrank, et al., 2011 ; Carp, Park, Polk, et al., 2011 ; Reuter-Lorenz et al., 2000 ; Tucker-Drob, 2009). Il est également important de considérer la théorie de la réserve cérébrale en lien avec le vieillissement des facultés langagières. Dans les prochains paragraphes, nous présentons une discussion de chacun de ces mécanismes (diminution de l’activation cérébrale, dédifférentiation, compensation, diminution de la flexibilité des activations, capacité de réserve). Le premier mécanisme, la diminution de l’activation cérébrale, est associé à la réduction de l’activation (ou la non-activation) de certaines aires cérébrales durant une tâche chez les personnes âgées comparativement aux personnes jeunes, et est souvent associée à un déclin des fonctions langagières, et à 124 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page125 une réduction de l’efficacité des neurones situés dans cette aire. Elle pourrait toutefois également refléter une diminution de la connectivité de ces aires. En effet, il est connu que la connectivité (matière blanche) diminue avec l’âge, ce qui a pour effet de réduire les échanges d’informations entre différentes parties du cerveau. Il est possible que cette perte de connectivité se traduise par une baisse d’activation. Le deuxième mécanisme, la dé-différentiation, est un mécanisme neurofonctionel qui consiste en une augmentation nuisible de l’activation dans une partie du cerveau, laquelle est associée à une réduction de la performance. Ce phénomène a été observé principalement dans des aires frontales (IFG, MFG, gyrus cingulaire postérieur, cortex moteur primaire et gyrus précentral). Les activations de ces aires étaient plus bilatérales chez les personnes âgées que chez les jeunes adultes, c’est-à-dire que les adultes âgés recrutaient davantage les aires frontales droites. Dans une étude sur la production de la parole, toutefois, le phénomène de dé-différentiation a été observé dans de nombreuses aires sous-corticales incluant le cervelet et le striatum (Tremblay et al, 2014). Le rôle du mécanisme de dé-différentiation reste peu clair. Il est possible qu’il s’agisse d’une tentative de compensation inefficace. Il pourrait également s’agir d’une compensation partielle, qui ne permettrait pas de maintenir les performances à leur niveau initial, mais de limiter le déclin des performances lié au vieillissement. Le troisième mécanisme neurocognitif mis en évidence est la compensation ; le sur-recrutement d’aires corticales impliquées dans une tâche, ou encore le recrutement d’aires qui ne sont pas habituellement impliquées dans la tâche (compensation par réorganisation cérébrale), associé à un maintien des performances chez les adultes âgés (Grady, 2009). Ce mécanisme a principalement été observé, au sein des études évaluées dans le cadre de cet article, dans les régions frontales : IFG bilatéral, MFG, gyrus cingulaire antérieur, SMA, gyrus précentral droit. Cette implication de régions frontales lors de tâches langagières ou de parole est interprétée par certains auteurs comme reflétant l’intervention de processus cognitifs ou exécutifs, tels que la mémoire de travail ou l’attention, qui permettraient de maintenir la performance des personnes âgées (Cabeza, 2002 ; S. W. Davis, Dennis, Daselaar, Fleck, & Cabeza, 2008). Des données comportementales appuient cette hypothèse : la corrélation positive entre performances de mémoire de travail et (1) la performance de répétition de phrases complexes (Norman, Kemper, Kynette, Cheung, & Anagnopoulos, 1991), et (2) la rapidité d’adaptation à la parole dégradée (Erb & Obleser, 2013). Pour résumer, la littérature rapporte que le vieillissement normal s’accompagne : (1) d’une diminution des activations corticales sensorielles temporales, et (2) d’une augmentation des activations corticales frontales, ce qui semble correspondre au modèle de 125 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page126 compensation selon un déplacement postéro-antérieur PASA (S. W. Davis et al., 2008). Il est cependant rare que ces deux mécanismes (i.e. sous-recrutement temporal et sur-recrutement frontal) soient observés dans une même étude ; le rattachement de ces observations à ce modèle théorique doit donc être envisagé avec prudence. Le quatrième et dernier mécanisme neurobiologique ressortant de la littérature est une diminution de la flexibilité des activations liée au vieillissement (Bilodeau-Mercure et al., 2014 ; Wong et al., 2009), un mécanisme bien connu dans la littérature sur le vieillissement du cerveau (D’Esposito, Deouell, & Gazzaley, 2003 ; D'Esposito, Jagust, & Gazzaley, 2009 ; Gazzaley & D’Esposito, 2003 ; Gazzaley & D'Esposito, 2005). Une rigidité des activations de certaines aires corticales a été observée chez les personnes âgées en comparaison aux jeunes adultes – c’est à dire une perte de différentiation, au niveau cérébral, des niveaux de complexité ou de difficulté chez les personnes âgées. Cette rigidité a été associée à une diminution des performances des adultes âgés en comparaison à des jeunes adultes. Alors que chez les jeunes adultes, l’activation de ces aires s’ajuste au niveau de difficulté de la tâche et est associée à de bonnes performances, elle reste stable chez les adultes âgés et est associée à de mauvaises performances. Il semble donc que ce manque de flexibilité d’activation participe au déclin des capacités de langage et de parole lié au vieillissement. Un autre modèle théorique dominant, celui de la théorie de la capacité de réserve (Satz, 1993 ; Stern, 2002, 2003 ; Stern et al., 2003), pourrait cependant expliquer la diversité de ces observations, du moins en partie. La théorie de la capacité de réserve repose sur deux mécanismes neurobiologiques : la compensation neurale (i.e. le recrutement accru d’aires déjà impliquées dans une tâche, ou le recrutement d’aires supplémentaires) et la réserve neurale. Ce dernier principe repose sur l’observation qu’il existe d’importantes différences interindividuelles dans l’organisation cérébrale. Un individu dont les réseaux neuronaux sont plus efficaces, et ont une plus grande capacité de traitement ou sont plus flexibles lutterait plus efficacement contre les symptômes liés à un déclin structurel. Ainsi l’autopsie de cerveaux d’individus ayant ou non développé une démence, a montré que le cerveau de 33% des adultes âgés décédés sans symptômes de démence présentait les traces de plaques neuritiques, habituellement liées au développement de la maladie d’Alzheimer (Neuropathology Group. Medical Research Council, 2001). D’après le modèle de la réserve, les différences inter-individuelles joueraient donc un rôle important dans l’apparition ou l’absence d’apparition - du déclin de fonctions cognitives au cours du vieillissement. De nombreux facteurs, tels que la génétique, mais aussi l’environnement socio-économique, le niveau d’alphabétisation, le niveau 126 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page127 d’éducation, les loisirs, pourraient entrer en ligne de compte et avoir eu un effet protecteur sur le fonctionnement cérébral des adultes âgés (Stern, 2009). Cette théorie apporte une explication à la difficulté de mettre en évidence un ou même plusieurs mécanismes neurobiologiques systématiquement liés au vieillissement du langage et de la parole. L’évolution individuelle du cerveau, ainsi que le développement d’une capacité de réserve plus ou moins grande, pourraient jouer un rôle déterminant dans la manifestation – ou l’absence de manifestation - des « symptômes » du vieillissement normal. Vieillissement et langage : rôle du cortex insulaire Avant de conclure, il nous apparaît important de discuter plus avant d’une aire corticale, le cortex insulaire antérieur, l’une des régions les plus robustement associées au vieillissement du langage et de la parole. Le cortex insulaire est une très large aire corticale située au fond du sillon latéral et divisée en de nombreuses sous-régions. Malgré les nombreux résultats liant la partie antérieure du cortex insulaire au vieillissement des fonctions langagières, le cortex insulaire antérieur n’est vraisemblablement pas spécialisé dans les processus langagiers et de la parole. En effet, une revue de la littérature concernant le cortex insulaire antérieur révèle que celui-ci est impliqué dans un éventail très vaste de tâches cognitives, motrices, perceptuelles et langagières (Nelson et al., 2010). Par exemple, le cortex insulaire a été identifié comme appartenant au réseau de la production de la parole dans un grand nombre d’études (Ackermann & Riecker, 2004 ; Bohland & Guenther, 2006 ; Bookheimer, Zeffiro, Blaxton, Gaillard, & Theodore, 2000 ; Haller, Radue, Erb, Grodd, & Kircher, 2005 ; Peschke, Ziegler, Kappes, & Baumgaertner, 2009 ; Riecker et al., 2005 ; A. Riecker, Brendel, Ziegler, Erb, & Ackermann, 2008 ; A. Riecker, Wildgruber, Dogil, Grodd, & Ackermann, 2002), ce que confirment Dronkers et al. (Dronkers, 1996 ; Ogar et al., 2006) qui ont montré, en utilisant la morphométrie basée sur le voxel, qu’une lésion de cette région entraîne une apraxie de la parole, un trouble de la planification de la parole affectant le séquençage. D’autres études ont toutefois montré que le cortex insulaire antérieur est impliqué dans le décours temporel/séquençage d’autres modalités telles que dans la réalisation de séquences de mouvements de doigts (Bengtsson, Ehrsson, Forssberg, & Ullén, 2004 ; Lewis & Miall, 2002). Il est donc possible que le cortex insulaire antérieur contribue à des tâches langagières et motrices orientées vers un but, de manière plus générale, possiblement en termes de contrôle exécutif ou d’attention, davantage qu’à des processus langagiers spécifiques tels que la récupération phonologique. Cette hypothèse est supportée par la découverte d’une augmentation de l’activité de cette aire en fonction du degré d’intelligibilité de phrases présentées auditivement (Bilodeau-Mercure et al., 2014), ainsi 127 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page128 que par la répétition de pseudo-mots contenant des syllabes ne faisant pas partie de la langue maternelle des participants, ce qui, en comparaison à la répétition de pseudo-mots ne contenant que des syllabes familières, nécessitait une plus grande attention (Moser et al., 2009). Ces études et d’autres suggèrent que toute manipulation expérimentale faisant appel à des capacités attentionnelles/exécutives accrues entraîne la modulation de l’activation du cortex insulaire antérieur. En accord avec cette hypothèse, le déclin lié au vieillissement observé dans de nombreux aspects du comportement humain a été associé à des modifications dans l’étendue de l’activation du cortex insulaire antérieur, incluant des déclins dans les capacités d’abstraction (Goh, Beason-Held, An, Kraut, & Resnick, 2013), d’empathie (Chen, Chen, Decety, & Cheng, 2014), d’inhibition (Turner & Spreng, 2012), et de la perception visuelle (Seo, Jeong, Kim, & Choi, 2010). Il est donc possible que les modifications des patrons d’activation du cortex insulaire antérieur observées dans les études présentées ici reflètent un mécanisme de compensation neurobiologique non spécifique au langage qui pourrait jouer un rôle important dans le soutien de fonctions langagières et de la parole au cours du vieillissement. ♦ Conclusion La présente revue de littérature, bien que non exhaustive, révèle que le vieillissement des facultés langagières est relié à l’intervention de différents mécanismes neurobiologiques incluant la dé-différentiation, la compensation, la diminution de l’activité cérébrale et la réduction de flexibilité cérébrale. Ces avancées importantes dans la compréhension de la neurobiologie du vieillissement ont été permises par l’avènement de techniques d’imagerie puissantes, sécuritaires et dont l’utilisation, autant en recherche qu’en clinique, est de plus en plus répandue. L’étiologie complexe et multifactorielle des difficultés langagières liées au vieillissement suggère que le développement de nouvelles interventions en neuro-réadaptation devra cibler les particularités du vieillissement des différentes facultés langagières, en termes d’aires et de mécanismes impliqués, de même que prendre en compte des différences individuelles importantes, afin de développer des interventions efficaces pour lutter contre l’apparition des troubles de la communication dans le vieillissement. REFERENCES ACKERMANN, H., & RIECKER, A. (2004). The contribution of the insula to motor aspects of speech production : a review and a hypothesis. Brain and Language, 89(2), 320–8. doi:10.1016/S0093934X(03)00347-X 128 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page129 BENGTSSON, S. L., EHRSSON, H. H., FORSSBERG, H., & ULLÉN, F. (2004). Dissociating brain regions controlling the temporal and ordinal structure of learned movement sequences. The European Journal of Neuroscience, 19(9), 2591–602. doi:10.1111/j.0953-816X.2004.03269.x BERLINGERI, M., DANELLI, L., BOTTINI, G., SBERNA, M., & PAULESU, E. (2013). Reassessing the HAROLD model : is the hemispheric asymmetry reduction in older adults a special case of compensatory-related utilisation of neural circuits ? Experimental Brain Research, 224(3), 393–410. doi:10.1007/s00221-012-3319-x BILODEAU-MERCURE, M., LORTIE, C. L., SATO, M., GUITTON, M. J., & TREMBLAY, P. (2014). The neurobiology of speech perception decline in aging. Brain Structure & Function. doi:10.1007/s00429-013-0695-3 BOHLAND, J. W., & GUENTHER, F. H. (2006). An fMRI investigation of syllable sequence production. NeuroImage, 32(2), 821–41. doi:10.1016/j.neuroimage.2006.04.173 BOOKHEIMER, S. Y., ZEFFIRO, T. A, BLAXTON, T. A, GAILLARD, P. W., & THEODORE, W. H. (2000). Activation of language cortex with automatic speech tasks. Neurology, 55(8), 1151–7. Retrieved from http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/11071493 BURIANOVÁ, H., LEE, Y., GRADY, C. L., & MOSCOVITCH, M. (2013). Age-related dedifferentiation and compensatory changes in the functional network underlying face processing. Neurobiology of Aging, 34(12), 2759–67. doi:10.1016/j.neurobiolaging.2013.06.016 CABEZA, R. (2002). Hemispheric asymmetry reduction in older adults : The HAROLD model. Psychology and Aging, 17(1), 85–100. doi:10.1037//0882-7974.17.1.85 CAPLAN, D., & WATERS, G. (2005). The relationship between age, processing speed, working memory capacity, and language comprehension. Memory, 13(3-4), 403–413. doi:10.1080/09658210344000459 CARP, J., PARK, J., HEBRANK, A., PARK, D. C., & POLK, T. a. (2011). Age-related neural dedifferentiation in the motor system. PloS One, 6(12), e29411. doi:10.1371/journal.pone.0029411 CARP, J., PARK, J., POLK, T. A, & PARK, D. C. (2011). Age differences in neural distinctiveness revealed by multi-voxel pattern analysis. NeuroImage, 56(2), 736–43. doi:10.1016/j.neuroimage.2010.04.267 CERELLA, J., & HALE, S. (1994). The rise and fall in information-processing over the life span. Acta Psychologica, 86, 109–197. CHEE, M. W. L., CHEN, K. H. M., ZHENG, H., CHAN, K. P. L., ISAAC, V., SIM, S. K. Y. NG, T. P. (2009). Cognitive function and brain structure correlations in healthy elderly East Asians. NeuroImage, 46(1), 257–69. doi:10.1016/j.neuroimage.2009.01.036 CHEN, Y.-C., CHEN, C.-C., DECETY, J., & CHENG, Y. (2014). Aging is associated with changes in the neural circuits underlying empathy. Neurobiology of Aging, 35(4), 827–36. doi:10.1016/j.neurobiolaging.2013.10.080 COUNCIL, N. G. M. R. (2001). Pathological correlates of late-onset dementia in a multicentre, community-based population in England and Wales. The Lancet, 357, 169–175. D’ESPOSITO, M., DEOUELL, L. Y., & GAZZALEY, A. (2003). Alterations in the BOLD fMRI signal with ageing and disease : a challenge for neuroimaging. Nature Reviews. Neuroscience, 4(11), 863–72. doi:10.1038/nrn1246 DAVIS, G. A, & BALL, H. E. (1989). Effects of age on comprehension of complex sentences in adulthood. Journal of Speech and Hearing Research, 32(1), 143–50. Retrieved from http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/2704189 DAVIS, S. W., DENNIS, N. A, DASELAAR, S. M., FLECK, M. S., & CABEZA, R. (2008). Que Pasa ? The posterior-anterior shift in aging. Cerebral Cortex (New York, N.Y. : 1991), 18(5), 1201–9. doi:10.1093/cercor/bhm155 De LEON, M. J., GEORGE, A. E., GOLOMB, J., TARSHISH, C., CONVIT, A., KLUGER, A., WISNIEWSKI, H. M. (1997). Frequency of Hippocampal Formation Atrophy in Normal Aging and Alzheimer ’ s Disease. Neurobiology of Aging, 18(1), 1–11. DRONKERS, N. (1996). A new brain region for coordinating speech articulation. Letters to Nature, 384, 159–161. 129 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page130 DUCHIN, S. W., & MYSAK, E. D. (1987). Disfluency and rate characteristics of young adult, middleaged, and older males. Journal of Communication Disorders, 20(3), 245–57. Retrieved from http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/3597824 ECKERT, M. A, WALCZAK, A., AHLSTROM, J., DENSLOW, S., HORWITZ, A., & DUBNO, J. R. (2008). Age-related effects on word recognition : reliance on cognitive control systems with structural declines in speech-responsive cortex. Journal of the Association for Research in Otolaryngology : JARO, 9(2), 252–9. doi:10.1007/s10162-008-0113-3 ERB, J., & OBLESER, J. (2013). Upregulation of cognitive control networks in older adults’ speech comprehension. Frontiers in Systems Neuroscience, 7(December), 116. doi:10.3389/fnsys.2013.00116 EVRARD, M. (2002). Ageing and Lexical Access to Common and Proper Names in Picture Naming. Brain and Language, 81(1-3), 174–179. doi:10.1006/brln.2001.2515 FEYEREISEN, P. (1997). A meta-analytic procedure shows an age-related decline in picture naming : comments on Goulet, Ska, and Kahn (1994). Journal of Speech, Language, and Hearing Research : JSLHR, 40(6), 1328–33. Retrieved from http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/9430752 FRIDRIKSSON, J., MORROW, K. L., & BAYLIS, G. C. (2006). Activity During Language Processing. Journal of Speech, Language, and Hearing Research, 49(August), 690–698. GAZZALEY, A., & D’ESPOSITO, M. (2003). The contribution of functional brain imaging to our understanding of cognitive aging. Science of Aging Knowledge Environment, 4, PE2. Retrieved from http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/12844554 GEVA, S., JONES, P. S., CRINION, J. T., PRICE, C. J., BARON, J., & WARBURTON, E. A. (2012). The Effect of Aging on the Neural Correlates of Phonological Word Retrieval. Journal of Cognitive Neuroscience, 24(11), 2135–2146. doi:10.1162/jocn GOH, J. O., BEASON-HELD, L. L., AN, Y., KRAUT, M. A, & RESNICK, S. M. (2013). Frontal function and executive processing in older adults : process and region specific age-related longitudinal functional changes. NeuroImage, 69, 43–50. doi:10.1016/j.neuroimage.2012.12.026 GOH, J. O. S. (2011). Functional Dedifferentiation and Altered Connectivity in Older Adults : Neural Accounts of Cognitive Aging. Aging and Disease, 2(1), 30–48. Retrieved from http://www.pubmedcentral.nih.gov/articlerender.fcgi?artid=3066008&tool=pmcentrez&rendertype=abstract GOH, J. O., SUZUKI, A., & PARK, D. C. (2010). Reduced neural selectivity increases fMRI adaptation with age during face discrimination. NeuroImage, 51(1), 336–44. doi:10.1016/j.neuroimage.2010.01.107 GOLD, B. T., ANDERSEN, A. H., JICHA, G. A, & SMITH, C. D. (2009). Aging influences the neural correlates of lexical decision but not automatic semantic priming. Cerebral Cortex (New York, N.Y. : 1991), 19(11), 2671–9. doi:10.1093/cercor/bhp018 GOOD, C. D., JOHNSRUDE, I. S., ASHBURNER, J., HENSON, R. N., FRISTON, K. J., & FRACKOWIAK, R. S. (2001). A voxel-based morphometric study of ageing in 465 normal adult human brains. NeuroImage, 14(1 Pt 1), 21–36. doi:10.1006/nimg.2001.0786 GRACCO, V. L., TREMBLAY, P., & PIKE, B. (2005). Imaging speech production using fMRI. NeuroImage, 26(1), 294–301. doi:10.1016/j.neuroimage.2005.01.033 GRADY, C. L. (2009). Compensatory Reorganization of Brain Networks in Older Adults. In W. J. Jagust & M. D'Esposito (Eds.), Imaging the aging brain (pp. 105-113). Oxford : Oxford University Press HALLER, S., RADUE, E. W., ERB, M., GRODD, W., & KIRCHER, T. (2005). Overt sentence production in event-related fMRI. Neuropsychologia, 43(5), 807–14. doi:10.1016/j.neuropsychologia.2004.09.007 HARRIS, K. C., DUBNO, J. R., KEREN, N. I., AHLSTROM, J. B., & ECKERT, M. A. (2009). Speech recognition in younger and older adults : a dependency on low-level auditory cortex. The Journal of Neuroscience : The Official Journal of the Society for Neuroscience, 29(19), 6078–87. doi:10.1523/JNEUROSCI.0412-09.2009 HEBERT, L. E., SCHERR, P. A., BIENIAS, J. L., BENNETT, D. A., & EVANS, D. A. (2014). Alzheimer Disease in the US Population - Prevalence estimates using the 2000 Census. Archives in Neurology, 60, 1119–1122. 130 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page131 HEDDEN, T., & GABRIELI, J. D. E. (2004). Insights into the ageing mind : a view from cognitive neuroscience. Nature Reviews. Neuroscience, 5(2), 87–96. doi:10.1038/nrn1323 HESTER, R. L., KINSELLA, G. J., & ONG, B. (2004). Effect of age on forward and backward span tasks. Journal of the International Neuropsychological Society : JINS, 10(4), 475–81. doi:10.1017/S1355617704104037 HWANG, J.-H., LI, C.-W., WU, C.-W., CHEN, J.-H., & LIU, T.-C. (2007). Aging effects on the activation of the auditory cortex during binaural speech listening in white noise : an fMRI study. Audiology & Neuro-Otology, 12(5), 285–94. doi:10.1159/000103209 KAVÉ, G., KNAFO, A., & GILBOA, A. (2010). The rise and fall of word retrieval across the lifespan. Psychology and Aging, 25(3), 719–24. doi:10.1037/a0018927 KEMPER, S. (1987). Syntactic complexity and elderly adults’ prose recall. Experimental Aging Research, 13(1-2), 47–52. doi:10.1080/03610738708259299 KEMPER, S., THOMPSON, M., & MARQUIS, J. (2001). Longitudinal change in language production : Effects of aging and dementia on grammatical complexity and propositional content. Psychology and Aging, 16(4), 600–614. doi:10.1037//0882-7974.16.4.600 KEMTES, K. A., & KEMPER, S. (1997). Younger and older adults’ on-line processing of syntactically ambiguous sentences. Psychology and Aging, 12(2), 362–371. KUMAR, N., & PRIYADARSHI, B. (2013). Differential effect of aging on verbal and visuo-spatial working memory. Aging and Disease, 4(4), 170–7. Retrieved from http://www.pubmedcentral.nih.gov/articlerender.fcgi?artid=3733580&tool=pmcentrez&rendertype=abstract LEWIS, P. A, & MIALL, R. C. (2002). Brain activity during non-automatic motor production of discrete multi-second intervals. Neuroreport, 13(14), 1731–5. Retrieved from http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/12395113 MEINZER, M., FLAISCH, T., SEEDS, L., HARNISH, S., ANTONENKO, D., WITTE, V., CROSSON, B. (2012). Same modulation but different starting points : performance modulates age differences in inferior frontal cortex activity during word-retrieval. PloS One, 7(3), e33631. doi:10.1371/journal.pone.0033631 MEINZER, M., FLAISCH, T., WILSER, L., EULITZ, C., ROCKSTROH, B., CONWAY, T., CROSSON, B. (2009). Neural signatures of semantic and phonemic fluency in young and old adults. Journal of Cognitive Neuroscience, 21(10), 2007–18. doi:10.1162/jocn.2009.21219 MEINZER, M., SEEDS, L., FLAISCH, T., HARNISH, S., COHEN, M. L., MCGREGOR, K., CROSSON, B. (2012). Impact of changed positive and negative task-related brain activity on wordretrieval in aging. Neurobiology of Aging, 33(4), 656–669. doi:10.1016/j.neurobiolaging.2010.06.020.Impact MILLER, L. J., MYERS, A., PRINZI, L., & MITTENBERG, W. (2009). Changes in intellectual functioning associated with normal aging. Archives of Clinical Neuropsychology : The Official Journal of the National Academy of Neuropsychologists, 24(7), 681–8. doi:10.1093/arclin/acp072 MOSER, D., FRIDRIKSSON, J., BONILHA, L., HEALY, E. W., BAYLIS, G., BAKER, J. M., & RORDEN, C. (2009). Neural recruitment for the production of native and novel speech sounds. NeuroImage, 46(2), 549–557. doi:10.1016/j.neuroimage.2009.01.015 NELSON, S. M., DOSENBACH, N. U. F., COHEN, A. L., WHEELER, M. E., SCHLAGGAR, B. L., & PETERSEN, S. E. (2010). Role of the anterior insula in task-level control and focal attention. Brain Structure & Function, 214(5-6), 669–80. doi:10.1007/s00429-010-0260-2 NORMAN, S., KEMPER, S., KYNETTE, D., CHEUNG, H. T., & ANAGNOPOULOS, C. (1991). Syntactic complexity and adults’ running memory span. Journal of Gerontology, 46(6), P346–51. Retrieved from http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/1940091 OBLER, L. K., RYKHLEVSKAIA, E., SCHNYER, D., CLARK-COTTON, M. R., SPIRO, A., HYUN, J., ALBERT, M. L. (2010). Bilateral brain regions associated with naming in older adults. Brain and Language, 113(3), 113–23. doi:10.1016/j.bandl.2010.03.001 OGAR, J., WILLOCK, S., BALDO, J., WILKINS, D., LUDY, C., & DRONKERS, N. (2006). Clinical and anatomical correlates of apraxia of speech. Brain and Language, 97(3), 343–50. doi:10.1016/j.bandl.2006.01.008 131 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page132 PARK, D. C., LAUTENSCHLAGER, G., HEDDEN, T., DAVIDSON, N. S., SMITH, A. D., & SMITH, P. K. (2002). Models of visuospatial and verbal memory across the adult life span. Psychology and Aging, 17(2), 299–320. doi:10.1037//0882-7974.17.2.299 PARK, D. C., POLK, T. A, PARK, R., MINEAR, M., SAVAGE, A., & SMITH, M. R. (2004). Aging reduces neural specialization in ventral visual cortex. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 101(35), 13091–5. doi:10.1073/pnas.0405148101 PEELLE, J. E., TROIANI, V., WINGFIELD, A., & GROSSMAN, M. (2010). Neural processing during older adults’ comprehension of spoken sentences : age differences in resource allocation and connectivity. Cerebral Cortex (New York, N.Y. : 1991), 20(4), 773–82. doi:10.1093/cercor/bhp142 PESCHKE, C., ZIEGLER, W., KAPPES, J., & BAUMGAERTNER, A. (2009). Auditory-motor integration during fast repetition : the neuronal correlates of shadowing. NeuroImage, 47(1), 392–402. doi:10.1016/j.neuroimage.2009.03.061 RESNICK, S. M., PHAM, D. L., KRAUT, M. A, ZONDERMAN, A. B., & DAVATZIKOS, C. (2003). Longitudinal magnetic resonance imaging studies of older adults : a shrinking brain. The Journal of Neuroscience : The Official Journal of the Society for Neuroscience, 23(8), 3295–301. Retrieved from http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/12716936 REUTER-LORENZ, P. A, JONIDES, J., SMITH, E. E., HARTLEY, A, MILLER, A, MARSHUETZ, C., & KOEPPE, R. A. (2000). Age differences in the frontal lateralization of verbal and spatial working memory revealed by PET. Journal of Cognitive Neuroscience, 12(1), 174–87. Retrieved from http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/10769314 REUTER-LORENZ, P. A., & LUSTIG, C. (2005). Brain aging : reorganizing discoveries about the aging mind. Curr Opin Neurobiol, 15(2), 245-251 RIECKER, A, MATHIAK, K., WILDGRUBER, D., ERB, M., HERTRICH, I., GRODD, W., & ACKERMANN, H. (2005). fMRI reveals two distinct cerebral networks subserving speech motor control. Neurology, 64(4), 700–6. doi:10.1212/01.WNL.0000152156.90779.89 RIECKER, A., BRENDEL, B., ZIEGLER, W., ERB, M., & ACKERMANN, H. (2008). The influence of syllable onset complexity and syllable frequency on speech motor control. Brain and Language, 107(2), 102–13. doi:10.1016/j.bandl.2008.01.008 RIECKER, A., WILDGRUBER, D., DOGIL, G., GRODD, W., & ACKERMANN, H. (2002). Hemispheric lateralization effects of rhythm implementation during syllable repetitions : an fMRI study. NeuroImage, 16(1), 169–76. doi:10.1006/nimg.2002.1068 SALAT, D. H. (2011). The declining infrastructure of the aging brain. Brain Connectivity, 1(4), 279–93. doi:10.1089/brain.2011.0056 SALAT, D. H., BUCKNER, R. L., SNYDER, A. Z., GREVE, D. N., DESIKAN, R. S. R., BUSA, E., FISCHL, B. (2004a). Thinning of the cerebral cortex in aging. Cerebral Cortex (New York, N.Y. : 1991), 14(7), 721–30. doi:10.1093/cercor/bhh032 SALAT, D. H., BUCKNER, R. L., SNYDER, A. Z., GREVE, D. N., DESIKAN, R. S. R., BUSA, E., FISCHL, B. (2004b). Thinning of the cerebral cortex in aging. Cerebral Cortex (New York, N.Y. : 1991), 14(7), 721–30. doi:10.1093/cercor/bhh032 SALAT, D. H., TUCH, D. S., GREVE, D. N., van der KOUWE, A J. W., HEVELONE, N. D., ZALETA, A K., DALE, A M. (2005). Age-related alterations in white matter microstructure measured by diffusion tensor imaging. Neurobiology of Aging, 26(8), 1215–27. doi:10.1016/j.neurobiolaging.2004.09.017 SALAT, D. H., TUCH, D. S., HEVELONE, N. D., FISCHL, B., CORKIN, S., ROSAS, H. D., & DALE, a M. (2005). Age-related changes in prefrontal white matter measured by diffusion tensor imaging. Annals of the New York Academy of Sciences, 1064, 37–49. doi:10.1196/annals.1340.009 SEARL, J. P., GABEL, R. M., & FULKS, J. S. (2002). Speech disfluency in centenarians. Journal of Communication Disorders, 35(5), 383–92. Retrieved from http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/12194560 SEO, Y., JEONG, B., KIM, J.-W., & CHOI, J. (2010). The relationship between age and brain response to visual erotic stimuli in healthy heterosexual males. International Journal of Impotence Research, 22(4), 234–9. doi:10.1038/ijir.2010.9 132 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page133 SHAFTO, M. A, BURKE, D. M., STAMATAKIS, E. A, TAM, P. P., & TYLER, L. K. (2007). On the tipof-the-tongue : neural correlates of increased word-finding failures in normal aging. Journal of Cognitive Neuroscience, 19(12), 2060–70. doi:10.1162/jocn.2007.19.12.2060 SHAFTO, M. A, STAMATAKIS, E. A, TAM, P. P., & TYLER, L. K. (2010). Word retrieval failures in old age : the relationship between structure and function. Journal of Cognitive Neuroscience, 22(7), 1530–40. doi:10.1162/jocn.2009.21321 SÖRÖS, P., BOSE, A., SOKOLOFF, L. G., GRAHAM, S. J., & STUSS, D. T. (2011). Age-related changes in the functional neuroanatomy of overt speech production. Neurobiology of Aging, 32(8), 1505–13. doi:10.1016/j.neurobiolaging.2009.08.015 SOUCHAY, C., ISINGRINI, M., & ESPAGNET, L. (2000). Aging, episodic memory feeling-of-knowing, and frontal functioning. Neuropsychology, 14(2), 299–309. Retrieved from http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/10791869 STAMATAKIS, E. A, SHAFTO, M. A, WILLIAMS, G., TAM, P., & TYLER, L. K. (2011). White matter changes and word finding failures with increasing age. PloS One, 6(1), e14496. doi:10.1371/journal.pone.0014496 STERN, Y. (2002). What is cognitive reserve ? Theory and research application of the reserve concept. Journal of the International Neuropsychological Society : JINS, 8(3), 448–60. Retrieved from http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/11939702 STERN, Y. (2003). The concept of cognitive reserve : a catalyst for research. Journal of Clinical and Experimental Neuropsychology, 25(5), 589–93. doi:10.1076/jcen.25.5.589.14571 STERN, Y. (2009). Cognitive reserve. Neuropsychologia, 47(10), 2015–28. doi:10.1016/j.neuropsychologia.2009.03.004 STERN, Y., ZARAHN, E., HILTON, H. J., FLYNN, J., DELAPAZ, R., & RAKITIN, B. (2003). Exploring the neural basis of cognitive reserve. Journal of Clinical and Experimental Neuropsychology, 25(5), 691–701. doi:10.1076/jcen.25.5.691.14573 STINE-MORROW, E. A, RYAN, S., & LEONARD, J. S. (2000). Age differences in on-line syntactic processing. Experimental Aging Research, 26(4), 315–22. doi:10.1080/036107300750015714 THAMBISETTY, M., WAN, J., CARASS, A., AN, Y., PRINCE, J. L., & RESNICK, S. M. (2010). Longitudinal changes in cortical thickness associated with normal aging. NeuroImage, 52(4), 1215–23. doi:10.1016/j.neuroimage.2010.04.258 TREMBLAY, P., DICK, A. S., & SMALL, S. L. (2013). Functional and structural aging of the speech sensorimotor neural system : functional magnetic resonance imaging evidence. Neurobiology of Aging, 34(8), 1935–51. doi:10.1016/j.neurobiolaging.2013.02.004 TREMBLAY, P., & SATO, M. (n.d.). The neural underpinning of speech sound sequencing in young and older adults : fMRI evidence. NeuroImage. TUCKER-DROB, E. M. (2009). Differentiation of cognitive abilities across the life span. Developmental Psychology, 45(4), 1097–118. doi:10.1037/a0015864 TURNER, G. R., & SPRENG, R. N. (2012). Executive functions and neurocognitive aging : dissociable patterns of brain activity. Neurobiology of Aging, 33(4), 826.e1–13. doi:10.1016/j.neurobiolaging.2011.06.005 TYLER, L. K., & MARSLEN-WILSON, W. (2008). Fronto-temporal brain systems supporting spoken language comprehension. Philosophical Transactions of the Royal Society of London. Series B, Biological Sciences, 363(1493), 1037–54. doi:10.1098/rstb.2007.2158 TYLER, L. K., SHAFTO, M. A, RANDALL, B., WRIGHT, P., MARSLEN-WILSON, W. D., & STAMATAKIS, E. a. (2010). Preserving syntactic processing across the adult life span : the modulation of the frontotemporal language system in the context of age-related atrophy. Cerebral Cortex (New York, N.Y. : 1991), 20(2), 352–64. doi:10.1093/cercor/bhp105 WALHOVD, K. B., FJELL, A. M., REINVANG, I., LUNDERVOLD, A., DALE, A. M., EILERTSEN, D. E., FISCHL, B. (2005). Effects of age on volumes of cortex, white matter and subcortical structures. Neurobiology of Aging, 26(9), 1261–70 ; discussion 1275–8. doi:10.1016/j.neurobiolaging.2005.05.020 WATERS, G. S., & CAPLAN, D. (2001). Age, working memory, and on-line syntactic processing in sentence comprehension. Psychology and Aging, 16(1), 128–144. doi:10.1037//0882-7974.16.1.128 133 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page134 WHITE, K. K., & ABRAMS, L. (2002). Does priming specific syllables during tip-of-the-tongue states facilitate word retrieval in older adults ? Psychology and Aging, 17(2), 226–235. doi:10.1037//0882-7974.17.2.226 WIERENGA, C. E., BENJAMIN, M., GOPINATH, K., PERLSTEIN, W. M., LEONARD, C. M., ROTHI, L. J. G., CROSSON, B. (2008). Age-related changes in word retrieval : role of bilateral frontal and subcortical networks. Neurobiology of Aging, 29(3), 436–51. doi:10.1016/j.neurobiolaging.2006.10.024 WINGFIELD, A., POON, L. W., LOMBARDI, L., & LOWE, D. (1985). Speed of processing in normal aging : effects of speech rate, linguistic structure, and processing time. Journal of Gerontology, 40(5), 579–85. Retrieved from http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/4031406 WONG, P. C. M., ETTLINGER, M., SHEPPARD, J. P., GUNASEKERA, G. M., & DHAR, S. (2010). Neuroanatomical characteristics and speech perception in noise in older adults. Ear and Hearing, 31(4), 471–9. doi:10.1097/AUD.0b013e3181d709c2 WONG, P. C. M., JIN, J. X., GUNASEKERA, G. M., ABEL, R., LEE, E. R., & DHAR, S. (2009). Aging and cortical mechanisms of speech perception in noise. Neuropsychologia, 47(3), 693–703. doi:10.1016/j.neuropsychologia.2008.11.032 134 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page135 Substrats neuronaux et fonctionnels de la perception de la parole chez les porteurs de l’implant cochléaire Maxime Maheu, Julie Roy, Sara Pagé, François Champoux* Résumé La surdité s’accompagne souvent d’une importante réorganisation cérébrale lorsqu’elle survient précocement et pour une longue période. Les porteurs d’implant cochléaire (IC) deviennent alors une population chez qui il est intéressant d’étudier ce phénomène. Par le biais des différentes techniques d’imagerie cérébrale, il est possible d’identifier et de caractériser les substrats neuronaux de cette réorganisation. Les méthodes de neuroimagerie permettent aussi l’examen des changements fonctionnels pouvant s’effectuer au sein du système auditif central. Ces connaissances permettent une meilleure évaluation de la réorganisation qui limite parfois la réadaptation suite à l’acquisition de l’IC. Par conséquent, un protocole de réadaptation individualisé pour les porteurs de l’IC devient envisageable. L’objectif du présent article est d’effectuer un recensement des examens en neuroimagerie effectués chez les personnes sourdes. Un effort particulier sera fait pour souligner l’apport de ces données à la compréhension des difficultés de la perception de la parole chez les porteurs de l’IC lors de certaines tâches auditives et multisensorielles. Mots clés : implant cochléaire, neuroimagerie, plasticité cérébrale, perception de la parole, surdité. Neural and functional substrates of cochlear implant speech perception proficiency Abstract Hearing loss is often accompanied by changes to peripheral and central auditory pathways. Factors such as the age at the onset hearing loss and duration of auditory deprivation can have a significant impact on cerebral reorganization. Cochlear implant (CI) users are a particular interesting population in which to study this plasticity due to the temporary nature of their hearing loss. A number of studies have investigated cerebral reorganization in CI users using various imaging techniques. Results from these investigations have provided clinically useful insight on the repercussions of CI on cortical reorganization. The objective of this review is to survey the existing neuroimagery literature on CI users. A particular attention will be given to the relationship between CI users’ auditory and multisensory task performance, and speech perception ability. Key Words : cochlear implant; deafness, neuroimagery, plasticity, speech perception. Rééducation Orthophonique - N° 260 - décembre 2014 135 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page136 Maxime MAHEU Julie ROY Sara PAGÉ François CHAMPOUX Centre de recherche interdisciplinaire en réadaptation du Montréal métropolitain (CRIR) Institut Raymond-Dewar (IRD) Montréal, Québec, Canada. École d’orthophonie et d’audiologie (EOA) Université de Montréal Montréal, Québec, Canada. Correspondance : François Champoux, PhD Professeur adjoint 7077 avenue du parc, bureau 3001-44 Université de Montréal Faculté de médecine École d'orthophonie et d'audiologie C.P. 6128, Succursale Centre-Ville Montréal, (Québec) H3C 3J7 Courriel: [email protected] L a particularité la plus prodigieuse du système nerveux central est son aptitude à s’adapter aux problématiques de la vie courante. Les permutations sensorielles engendrées par une privation auditive ou visuelle représentent effectivement un défi majeur de réajustement pour l’organisme. Le système nerveux doit alors se réorganiser au niveau central afin de s’adapter à ces nouvelles conditions. C’est la plasticité du cerveau qui permettra une réorganisation fonctionnelle et adaptée. La neuroimagerie offre l’opportunité d’examiner de quelle façon les réponses corticales et sous corticales peuvent se réorganiser suite à une privation sensorielle. Les diverses variables impliquées dans le processus de la plasticité intermodale ont reçu une grande attention chez les personnes aveugles. L’une des conclusions majeures des études sur les effets d’une privation visuelle est que la réorganisation intermodale survient de façon à ce que les régions déafférentées soient prises en charge par les autres modalités sensorielles, soit tactiles ou auditives (par ex. Gougoux et coll., 2005 ; Pascual-Leone et coll., 2005). Au contraire des résultats retrouvés chez les personnes aveugles, de récentes études chez les personnes sourdes suggèrent que la plasticité neuronale est variable en 136 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page137 fonction des modalités sensorielles (Bavelier et Neville, 2002). Les changements sensoriels chez les personnes sourdes ne semblent pas se faire de façon aussi uniforme puisqu’on observe une variabilité quant à l’amélioration et la diminution de la performance de certaines habiletés (pour une revue complète des recherches effectuées chez les personnes aveugles et sourdes, voir Collignon et coll. 2011). Bien que partielles, ces données mettent en évidence les conséquences de la réorganisation intermodale chez les personnes sourdes et soulignent l’impact d’une mauvaise adaptation dans un contexte de réadaptation (voir Merabet et Pascual-Leone, 2010). Ces données sont particulièrement importantes dans le cadre d’un programme de réadaptation à la suite de l’implantation cochléaire. L’implant cochléaire (IC) est un dispositif qui permet de convertir un signal auditif en impulsions électriques afin de stimuler directement le nerf auditif. Ce dispositif permet de restaurer la capacité de détection auditive d’un individu avec surdité profonde à un niveau se situant dans les limites de la normale (Mens, 2007). Depuis plusieurs années, des centaines de chercheurs ont exploré les performances auditives chez les porteurs de l’IC, sans égard à l’influence possible des autres modalités sensorielles sur les résultats. Le consensus général qui ressort des études dans ce domaine révèle que les performances auditives sont pratiquement imprévisibles (Peterson et coll., 2010). Cependant depuis les dernières années, un nombre d’études ont révélé que la plasticité intermodale s’avère un facteur clé dans les limitations auditives et le déclenchement de conflits multisensoriels chez les porteurs de l’IC (voir Champoux et coll., 2009 ; Doucet et coll., 2006 ; Landry et coll., 2012a ; Lee et coll., 2001 ; Lee et coll., 2007 ; Tremblay et coll., 2010). Ces découvertes suggèrent que la plasticité intermodale ne peut plus être ignorée dans l’intervention et le développement de stratégies de réadaptation chez les personnes porteuses de l’IC. Depuis peu, on note un important besoin d’adapter les programmes d’entrainement perceptuel pour les porteurs de l’IC en lien avec la nature et le degré de réorganisation intermodale (Landry et coll., 2012b). Dans les prochaines lignes, les connaissances actuelles portant sur la réorganisation cérébrale chez les individus ayant une surdité profonde seront résumées. Trois grands thèmes seront abordés. Tout d’abord, les études ayant examiné les changements morphologiques et fonctionnels à l’aide de la neuroimagerie chez l’individu sourd seront discutées. Par la suite, l’apport de ces études sur l’identification des facteurs prédictifs de la perception de la parole chez les porteurs de l’IC sera exposé. Finalement, un aspect plus moderne de l’apport de la neuroimagerie au domaine de l’audiologie sera approfondi, soit l’importance de ces examens dans l’identification des substrats neuronaux des conflits multisensoriels de la parole chez les porteurs de l’IC. 137 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page138 ♦ Changements morphologiques et fonctionnels Plusieurs études suggèrent que l’expérience auditive pourrait avoir une influence majeure sur le développement structurel du cerveau. Par exemple, certaines études ont révélé des modifications structurelles (c.-à-d. une modification dans la structure macroscopique ou microscopique du cerveau) importantes chez les musiciens professionnels. En effet, à l’aide de mesures d’épaisseur corticale, Hyde et coll. (2009a ; 2009b) ont révélé des différences importantes dans les aires auditives et motrices primaires des musiciens. À l’aide de la spectroscopie par résonance magnétique (SRM), Aydin et coll. (2005) ont quant à eux révélé des différences importantes dans le planum temporale (PT) gauche des musiciens. Plus spécifiquement, les chercheurs ont démontré que la concentration d’un marqueur d'intégrité neuronale dans le PT, le N-acétylaspartate (NAA), était modifiée par l’expérience auditive chez l’humain ; la concentration de NAA étant beaucoup moins grande chez les non-musiciens que chez les musiciens professionnels. Comme l’expérience auditive semble modifier la structure anatomique du cerveau, une perte auditive devrait avoir une influence correspondante dans ces aires cérébrales. Les examens en tractographie (c.-à-d. en imagerie par diffusion, une technique basée sur l’IRM) n’ont pas réussi à révéler de différences significatives au niveau de l’intégrité des connexions dans l’aire auditive primaire (Husain et coll., 2011 ; Kim et coll., 2009). Par contre, la présence de modifications structurelles au niveau des aires auditives a été révélée à quelques reprises chez les personnes sourdes à l’aide de la volumétrie. On retrouve cependant une grande variabilité dans les résultats des aires auditives primaires (gyrus de Heschl : HG) et/ou associatives (PT et gyrus temporal supérieur : STG). Penhune et coll. (2003), de même que Leporé et coll. (2010) ont révélé une densité normale de matière grise et de matière blanche dans les aires auditives (HG ou PT) de personnes sourdes. Shibata (2007) rapporte, quant à lui, une réduction de la densité de matière blanche dans le STG gauche, alors que Emmorey et coll. (2003) ont révélé une réduction bilatérale de la matière blanche du HG. Chez l’animal, il semble que la surdité réduit de manière importante la transmission GABAergique (neurotransmetteur inhibiteur) dans le cortex auditif, laquelle est cruciale à la transduction du signal neuronal (voir Kotak et coll., 2008 ; Sarro et coll., 2008). Quelques données suggèrent aussi des différences morphométriques importantes dans les aires motrices chez les personnes ayant une surdité profonde. Encore une fois, on retrouve une grande variabilité dans les résultats. Une étude a révélé une augmentation du volume de la matière grise dans l’aire 138 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page139 motrice gauche représentant la main chez les personnes sourdes (Penhume et coll., 2003). Leporé et ses collaborateurs (2010) ont aussi rapporté des changements importants dans l’aire motrice chez les personnes sourdes de naissance. Les auteurs rapportent une augmentation de plus de 20% du volume de la matière blanche dans certaines régions motrices, incluant l’aire de Broca et les aires adjacentes reliées à la production de la parole. Toutefois, Shibata (2007), ne rapporte aucune différence de densité de matière blanche ou grise dans les aires motrices. Finalement, Bogolepova et coll. (2002) ont révélé des différences significatives dans la cytoarchitecture (c.-à-d. l'arrangement et la distribution des cellules) des aires motrices liées à la production de la parole chez un enfant sourd âgé de 4 ans, suggérant que le développement du cerveau des enfants « puisse être bouleversé dans des conditions de déficience auditive ». En somme, les données morphologiques sont très divergentes. Selon Leporé et coll. (2010), les divergences observées pourraient être expliquées par un manque d’homogénéité des groupes, notamment en ce qui concerne la durée de la surdité et l’âge au moment de la surdité. Bien qu’il semble évident que certains changements soient observables, il ne semble pas y avoir de réorganisation commune observable chez toutes les personnes sourdes. Au contraire des études morphologiques, les études en neuroimagerie fonctionnelle sont beaucoup plus concluantes. De façon similaire aux études menées chez les personnes aveugles, des études en neuroimagerie fonctionnelle ont révélé que le cortex auditif déafférenté pouvait être pris en charge par le système visuel (voir Doucet et coll., 2006 ; Emmorey et coll., 2003 ; Finney et coll., 2001 ; 2003 ; Hirano et coll., 2000 ; Lee et coll., 2001 ; Lomber, Meredith et Kral, 2010 ; Nishimura et coll., 1999 ; Petitto et coll., 2000 ; Shibata, 2007). Il est effectivement observé chez les personnes ayant une surdité profonde que la stimulation visuelle de bas niveau active la région de l’aire auditive primaire droite (Finney et coll., 2001). Il a aussi été établi chez des personnes ayant une surdité que les aires auditives primaires et secondaires bilatérales peuvent être impliquées dans la perception du langage gestuel (Petitto et coll., 2000) ou dans le traitement de la lecture labiale (Hirano et coll., 2000). Les fonctions cognitives de haut niveau semblent occuper la région sous-utilisée du cortex auditif. Aussi, plus le degré et la durée de la perte auditive sont importants, plus la réorganisation corticale est imposante (Petitto et coll., 2000 ; Hirano et coll., 2000). Contrairement aux multiples études suggérant une importante réorganisation visuelle chez les personnes sourdes, un nombre moins important d’études ont suggéré une réorganisation tactile chez l’individu ayant une surdité profonde. Des recherches en imagerie fonctionnelle ont révélé que des stimulations 139 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page140 tactiles de vibrations au niveau des mains pouvaient activer les régions auditives chez les individus sourds (Levänen, Jousmäki et Hari, 1998 ; Schurmann et coll., 2006 ; Sharma et coll., 2007). Une étude récente en électrophysiologie de haute densité démontre des changements tactiles chez l’enfant sourd. Cette étude suggère une représentation topographique plus étendue d’une composante précoce (c.-à-d. la composante N20) des potentiels évoqués somesthésiques (PES) chez certains enfants sourds, plus spécifiquement chez ceux ayant une plus longue période de privation sensorielle (Charroó-Ruíz et coll., 2013). ♦ Identification des facteurs prédictifs de la perception de la parole chez les porteurs de l’implant cochléaire En partant du principe que la réorganisation cérébrale est l’élément clé pouvant limiter la restauration de l’entrée auditive chez les porteurs de l’IC, les variables responsables d’une plus grande réorganisation cérébrale deviennent par conséquent les variables permettant de prédire les performances auditives de l’individu porteur de l’IC (Green et coll., 2007). Les recherches en neuroimagerie citées plus haut ont permis de déterminer les variables favorisant ou limitant la réorganisation intermodale. Parmi les variables les plus déterminantes pour la performance dans les tâches de perception de la parole chez les individus porteurs de l’IC, on retrouve : la durée de la surdité et l’âge au moment de l’apparition de la surdité. Certaines variables plus controversées font présentement l’objet d’études, soit les stratégies de communication et l’utilisation d’aides auditives permettant de maintenir l’entrée auditive. Finalement, un facteur postimplantation semble aussi déterminant, soit la durée du port de l’implant. Durée de la surdité. Les résultats des études en neuroimagerie suggèrent qu’une grande période de surdité peut encourager les fonctions sensori-motrices à s’approprier les aires du cortex auditif sous-utilisées. Des corrélations directes ont été rapportées entre la performance de reconnaissance des mots postimplantation, l’activité corticale en réponse à une stimulation auditive et la durée de la surdité. En effet, il semblerait que l’individu sourd avec une plus grande période de privation sensorielle démontre un plus faible niveau d’activité corticale en réponse aux stimulations sonores et une moins bonne performance avec l’IC (Lee et coll., 2001). Lors de leur étude réalisée à l’aide de la tomographie par émission de positons (TEP), Lee et coll. (2001) ont démontré que la performance au niveau de la perception de la parole peut être corrélée avec la durée de la perte auditive. Effectivement, les personnes ayant une surdité depuis 6.5 années avant l’implantation cochléaire présentent une plus grande activation des aires auditives que les individus ayant perdu l’audition depuis 11 ans avant 140 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page141 l’implantation cochléaire. Les receveurs de l’IC après une période de surdité de plus de 20 ans sans support auditif ne montrent pratiquement aucune activation des aires auditives, et ce, bilatéralement. Âge au moment de l’apparition de la surdité. Le fait que la privation sensorielle survienne à un plus jeune âge comparativement à un âge plus avancé semble amplifier les changements intermodaux. (Giraud et coll., 2001 ; Lee et coll., 2001). En effet, il est communément accepté que les candidats chez qui la surdité survient après l’acquisition du langage (post-lingual) performent mieux suivant l’implantation cochléaire à toutes les tâches auditives comparativement aux candidats chez qui la surdité est survenue avant l’acquisition du langage (pré-lingual) (voir Giraud et coll., 2001). Effectivement, ces personnes peuvent atteindre des performances de perception de la parole allant jusqu’à 90% après seulement 2 à 4 années suivant l’activation de l’appareil. Parallèlement à ces changements comportementaux, des données en neuroimagerie suggèrent aussi une réorganisation intermodale importante chez les personnes ayant une surdité congénitale et porteuses d’un IC. En effet, il a été révélé que des stimuli auditifs activent à la fois les aires auditives primaires et secondaires des personnes porteuses de l’IC ayant une surdité acquise après l’acquisition du langage, alors que ces mêmes stimuli auditifs activent seulement l’aire auditive primaire chez les personnes avec une surdité acquise avant l’acquisition du langage (Naito et coll., 1997). En fait, l’activation de l’aire auditive primaire est similaire chez les personnes ayant reçu l’IC avant l’acquisition du langage et après l’acquisition du langage dès le moment de l’implantation (Herzog et coll., 1991) alors que l’activation des aires auditives associatives diffère (Hirano et coll., 2000). En d’autres termes, une surdité précoce semble engendrer une plus grande réorganisation intermodale qu’une surdité tardive. Stratégies de communication. Peu de recherches ont révélé l’impact d’un mode de communication alternatif durant la période de surdité sur la réorganisation cérébrale et sur l’efficacité de l’IC. Certaines recherches ont suggéré que l’utilisation d’un mode de communication visuel (c.-à-d. l’utilisation de la langue des signes ou de la lecture labiale) durant la période de surdité pourrait engendrer des performances réduites dans des tâches de perception de la parole suite à l’implantation cochléaire (Hirano et coll., 2000, Lee et coll., 2001 ; Doucet et coll., 2006). Par exemple, Hirano et ses collaborateurs (2000) ont révélé que des patients entrainés à un mode de communication visuel seraient plus enclins à des changements intermodaux importants comparativement aux individus entrainés à un mode de communication oral. Ce dernier mode de communication semble prévenir l’utilisation par l’information sensori-motrice des régions corticales sous-stimulées (Hirano et coll., 2000). Ces résultats restent 141 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page142 cependant très controversés. En effet, Lyness et ses collaborateurs (2013) ont récemment avancé qu’il n’existerait en réalité pas de lien évident entre l’utilisation d’un mode de communication visuel chez les personnes sourdes et les performances dans des tâches de perception de la parole suite à l’implantation cochléaire. En fait, les auteurs émettent l’hypothèse que la réorganisation cérébrale dans le cortex auditif pourrait survenir et ce, peu importe le mode de communication utilisé. Utilisation d’aides auditives pré-implantation. Notre équipe de recherche a récemment exploré les facteurs pouvant contribuer à la variabilité au niveau des changements intermodaux en étudiant la relation entre la réorganisation intermodale et l’utilisation d’appareils auditifs avant l’implantation cochléaire (Shiell, Champoux et Zatorre, 2014). L’utilisation de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle a permis d’identifier l’activité liée aux mouvements des yeux chez 17 personnes avec surdité acquise en bas âge et 17 contrôles entendants. Il a été révélé que l’amplitude de l’activité reliée à la réorganisation intermodale au niveau du gyrus temporal supérieur (GTS) et des connexions entre le GTS et la région de la scissure calcarine est reliée à la durée du port des appareils auditifs pré-implantation ; le port continu d’appareils auditifs limitant la réorganisation cérébrale, même chez les individus sourds de naissance et utilisant un mode de communication visuel. Ces données supportent l’hypothèse voulant que l’audition résiduelle joue un rôle dans la réorganisation intermodale. Plus spécifiquement, ces données suggèrent que la privation auditive en bas âge altère non seulement la réorganisation des régions auditives, mais aussi l’interaction entre le cortex auditif primaire et le cortex visuel, et que la stimulation auditive tout au cours de la vie, aidée par l’utilisation d’appareils auditifs, peut inhiber la réorganisation intermodale chez les personnes sourdes en bas âge. Ces données suggèrent que, dans certains cas précis, l’implantation cochléaire pourrait être indiquée même chez des personnes ayant une surdité de longue durée et acquise avant l’acquisition du langage. Encore une fois, ces données restent controversées. En effet, afin d’éliminer l’action concomitante de certaines variables reliées à la perte auditive, telle la période d’acquisition du langage (voir Lyness, et coll., 2013), ces données nécessitent d’être examinées chez un plus grand nombre de personnes, et ce, en contrôlant plus spécifiquement chacune des variables impliquées dans la réorganisation intermodale citées ci-haut. Durée du port de l’implant cochléaire. La durée du port de l’IC a été démontrée comme ayant un effet significatif sur la performance auditive dans plusieurs études électrophysiologiques. Ces études suggèrent qu’une plus grande expérience avec l’IC peut aider à recouvrir la fonction auditive après une privation sensorielle prolongée (par ex. Allen, Nikolopoulos et O'Donoghue, 142 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page143 1998 ; Damen et coll., 2007 ; Nicholas et Geers, 2006 ; Pantev et coll., 2006). La durée du port de l’IC exerce une influence sur l’évolution de l’activité de la zone corticale recrutée. À cet effet, l’étude effectuée par Giraud et coll. (2001) à l’aide de la TEP montre clairement que plusieurs régions du cortex auditif deviennent de plus en plus actives en réponse à des stimuli auditifs en fonction d’une plus grande période de temps post-implant. Cette activité s’exacerbe donc avec le temps et est positivement corrélée avec la capacité de décodage des sons de la parole. Toutefois, le plus remarquable demeure l’augmentation concomitante de l’activité corticale visuelle. Effectivement, celle-ci a été démontrée comme étant relativement spécifique puisque l’activité visuelle était corrélée à l’exposition de sons de la parole, mais non à celle du bruit. Les chercheurs concluent donc que le cortex visuel participe au décodage de la parole en empruntant la voie de la lecture labiale. ♦ L’identification des substrats neuronaux des conflits multisensoriels de la parole chez les porteurs de l’implant cochléaire Chez les personnes sourdes, les fonctions sensorielles non auditives prennent en charge les régions corticales typiquement associées à l’audition, démontrant la capacité impressionnante du cerveau à s’adapter aux changements. Une importante question survient alors en regard des fonctions auditives. L’étendue de la réorganisation cérébrale à la suite d’une surdité revêt une importance particulière pour les audiologistes, spécialement dans les cas où une personne ayant une surdité profonde fait le choix d’obtenir un IC. Cet appareil permettra de stimuler le système auditif et l’information auditive sera alors redirigée vers les aires auditives corticales. À la lumière des informations mentionnées ci-haut concernant la réorganisation intermodale, il est possible que d’autres sens non auditifs stimulent les régions auditives corticales. D’où la question de savoir comment l’audition et une autre modalité sensorielle peuvent interagir dans les tâches exigeant un traitement multisensoriel. Une grande partie de la compréhension de la parole survient dans un environnement multisensoriel dans lequel des indices sensori-moteurs et auditifs sont présents. Sachant que le cortex auditif peut être stimulé par l’information sensori-motrice après une période de surdité prolongée, il est possible d’émettre l’hypothèse que l’information sensorimotrice peut interférer avec le traitement auditif et le traitement multisensoriel de certains utilisateurs de l’IC ayant subi une réorganisation plus importante durant la période de privation auditive (avant l’implantation). Les interactions audiovisuelles ont été étudiées en profondeur chez l’humain comme chez l’animal. Ces évidences supportent la notion que l’intégration 143 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page144 entre deux sens augmente la précision et la saillance des stimuli auditifs et visuels par le biais d’un avantage coopératif dans les situations congruentes (voir Calvert et Thesen, 2004 ; Stein et Stanford, 2008) et fournit la redondance des indices auditifs et visuels nécessaires pour caractériser plus rapidement et efficacement les objets dans notre environnement (voir Driver et Noesselt, 2008). Les interactions entre les modalités auditives et visuelles ont été révélées dans plusieurs conditions expérimentales (Murray et Wallace, 2012). Les caractéristiques spécifiques à l’interaction audiovisuelle chez les individus porteurs de l’IC ont aussi reçu beaucoup d’attention. Il semble y avoir un consensus quant à la facilité des individus porteurs de l’IC d’accéder à l’information visuelle et auditive quand les deux indices sont congruents (par ex. Geers, 2004 ; Giraud et coll., 2001 ; Kaiser et coll., 2003 ; Moody-Antonio et coll., 2005 ; Tyler et coll., 1997). Certains soutiennent même que les individus porteurs de l’IC seraient meilleurs que les individus avec audition normale pour intégrer l’information auditive et visuelle dans ces circonstances (par ex. Rouger et coll., 2007). L’habileté à intégrer l’information audiovisuelle incongruente (c.-à-d. où le stimulus auditif est sans lien avec la stimulation visuelle présentée simultanément) a aussi été étudiée récemment. Schorr et coll. (2005) ont utilisé des stimuli similaires à ceux utilisés pour l’effet McGurk (McGurk et McDonald, 1976) afin d’investiguer la capacité des enfants avec IC à intégrer des indices multisensoriels incongruents en fonction de l’expérience du langage oral. Les auteurs ont découvert des résultats comparables aux individus entendants pour les enfants âgés de 2 ans et demi ou moins. Par contre, la capacité de fusion chez les enfants ayant reçu l’IC plus tard au cours de leur vie était réduite. Ceci est cohérent avec la notion que la durée de la surdité pourrait être un facteur important à l’utilisation de l’IC puisque ce facteur a été démontré comme ayant une influence sur la réorganisation corticale. Ces résultats ont été confirmés par notre équipe de recherche chez des candidats avec surdité acquise après l’apprentissage du langage (Tremblay et coll., 2010). Ces données sont conformes aux différentes notions de changements intermodaux en fonction de l’âge d’apparition de la privation sensorielle (voir Giraud et coll., 2001). La capacité de séparer ou fusionner l’information auditive et visuelle conflictuelle chez les porteurs d’IC a aussi été étudiée par notre équipe de recherche en utilisant des stimuli de parole et de non-parole (voir Champoux et coll., 2009 ; Landry et coll., 2012a ; Tremblay et coll., 2010). Nos plus récents résultats suggèrent que certains utilisateurs d’IC dépendent de façon trop importante des indices visuels pour séparer les indices auditifs et visuels de façon adéquate. Ces résultats suggèrent que dans certaines situations multisensorielles, l’information visuelle peut faciliter la perception auditive, mais peut parfois gêner la 144 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page145 performance de discrimination auditive chez certains porteurs de l’IC quand l’entrée audiovisuelle demande une séparation de l’information (c.-à-d. lorsque l’information visuelle n’est pas pertinente à la tâche de discrimination auditive). Il a été suggéré que de tels changements dans le traitement de l’information multisensorielle soient présents chez les individus ayant eu une plus grande réorganisation cérébrale. Dans l’ensemble, ces études démontrent l’importance de comprendre le degré de réorganisation corticale à la suite de la privation sensorielle. Il semble que la nature de la plasticité intermodale suivant la privation sensorielle soit au cœur de la réadaptation fonctionnelle suivant l’implantation cochléaire puisque la capacité de restaurer l’audition via cet appareil est directement liée au processus de plasticité neurale. Les substrats neuronaux de tels conflits multisensoriels de la parole n’ont toutefois été confirmés que récemment. À l’aide de la TEP, Song et coll. (2014) ont démontré que les porteurs de l’IC, contrairement aux sujets contrôles, utilisent de manière plus prononcée les aires visuelles et l’aire de l’amygdale droite dans des tâches audiovisuelles congruentes. Les analyses corrélationnelles ont aussi révélé que de bonnes performances dans les tâches de parole étaient positivement corrélées avec l’activité de l’amygdale droite dans les situations multisensorielles congruentes (c.-à-d. dans des situations où l’information provenant de la modalité auditive et visuelle est complémentaire), mais qu’elle était négativement corrélée avec l’activité bilatérale visuelle, peu importe la congruence dans la tâche. La plus grande différence de l’étude se retrouvait dans une tâche audiovisuelle incongruente, où les porteurs de l’IC démontraient une activité du gyrus frontal inférieur gauche, suggérant une modulation cognitive dans la résolution du conflit multisensoriel. Pris dans leur ensemble, ces résultats confirment les données obtenues par notre laboratoire suggérant que les porteurs de l’IC utilisent de façon prédominante les stimuli visuels dans des tâches de perception de la parole congruentes et qu’ils sont plus distraits par ces derniers dans des tâches audiovisuelles de perception de la parole incongruentes (Champoux et coll., 2009 ; Landry et coll., 2012a ; Tremblay et coll., 2010). ♦ Conclusion La surdité, lorsqu’elle survient précocement, peut être accompagnée de plasticité intermodale. Bien que les données en neuroimagerie soient difficilement utilisables à elles seules afin de préconiser une approche thérapeutique ou un mode de communication plutôt qu’un autre chez une personne ayant une surdité, elles demeurent instructives pour l’audiologiste et l’orthophoniste lorsqu’une personne considère l’implantation cochléaire. En effet, il demeure 145 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page146 que pour ceux qui font le choix d’acquérir un IC, cette réorganisation cérébrale aura un impact indéniable sur la performance dans des tâches de perception de la parole ; cette réorganisation est un facteur clé pouvant être déterminant dans les performances auditives et engendrer des conflits intersensoriels chez les porteurs de l’IC (par ex. Champoux et coll., 2009 ; Doucet et coll., 2006 ; Lee et coll., 2001 ; Lee et coll., 2007 ; Landry et coll., 2012a ; Tremblay et coll., 2010). Les mesures en neuroimagerie sont souvent les seules permettant de prédire l’efficacité potentielle de l’IC ou d’expliquer les performances perceptuelles supérieures ou amoindries dans certaines tâches spécifiques. L’étude de la réorganisation cérébrale et de la neuroplasticité est un domaine très large qui nécessite d’être examiné à des niveaux très différents, du domaine moléculaire, aux systèmes neuraux jusqu’au domaine du comportement (Merabet et Pascual-Leone, 2010). Chez les porteurs de l’IC, la neuroimagerie permet l’identification et la caractérisation de la plasticité cérébrale pré- et postopératoire. Les méthodes de neuroimagerie permettent une connaissance approfondie des changements fonctionnels pouvant s’effectuer au sein du système auditif central. Ces connaissances permettent une évaluation précise de la réorganisation qui limite parfois la réadaptation suite à l’acquisition de l’IC. Par conséquent, un pronostic de réhabilitation individualisé devient plus envisageable. À ce jour, il n’existe aucune mesure d’évaluation pouvant prédire avec certitude quel sera le niveau global de bénéfice de l’IC apporté à une personne. Il est évident que les techniques d’imagerie ne pourront jamais, à elles seules, prédire la réussite d’un plan de réadaptation individualisé, bien qu’elles puissent s’avérer un complément de haute qualité au support offert aux intervenants en milieux de réadaptation fonctionnelle. Toutefois, comme les données morphologiques ne sont pas encore concluantes et que les données fonctionnelles sont, pour l’instant, trop complexes et coûteuses, elles sont toujours loin d’être utilisées de manière courante dans la pratique audiologique. Les données en neuroimagerie restent cruciales d’un point de vue fondamental. Comme il a été illustré dans le présent article, ces données permettent de révéler i) l’origine des problèmes dans la perception de la parole chez les porteurs de l’IC et ii) l’abondance de facteurs affectant la performance post-implantation. Jusqu’à maintenant, les méthodes de réadaptation auditive reflètent ces découvertes et ont généralement remporté du succès. En effet les données des recherches ont aidé à prédire la performance de l’IC sur une base individuelle préalablement à l’implantation cochléaire, ont permis un counseling plus efficace et ont permis des attentes réalistes quant à la performance de l’IC. Ces données ont aussi mené à la compréhension de la variabilité importante de la performance des individus porteurs d’IC dans certaines situations. Ces avancées ont permis la mise en 146 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page147 place de procédures de réadaptation post-implant plus individualisées, diminuant ainsi le coût des soins de santé. Malheureusement, plusieurs domaines de recherches en neuroimagerie chez les personnes sourdes restent sous-explorés. La plupart des études sont conduites chez un nombre relativement restreint de personnes et chez des groupes plus ou moins hétérogènes. Ceci a comme résultat de confondre certaines variables de la réorganisation cérébrale (Lyness et coll., 2013). Par conséquent, plusieurs éléments demeurent très controversés. Les connaissances des mécanismes associés aux changements sensori-moteurs suivant la période de privation auditive demeurent encore réduites. De manière encore plus troublante, ce qui reste de ces altérations après la restauration de l’audition via l’IC et les conflits qui peuvent en découler entre les différents sens demeurent pratiquement inexplorés. En fait, il subsiste encore un débat quant à l’identité des systèmes qui sont altérés et des mécanismes sous-jacents à la plasticité neuronale adaptative ou maladaptative suivant une période de surdité (pour une revue complète, voir Bavelier et Neville, 2002). Il va sans dire que les facteurs qui peuvent réduire ou promouvoir ces changements sont encore moins bien admis (voir Bavelier et Neville 2002 ; Collignon et coll., 2011 ; Merabet et PascualLeone, 2010). Aussi, ces facteurs n’ont été que survolés chez les personnes porteuses de l’IC (Landry et coll., 2012b). Par ce fait, il devient crucial de découvrir les conséquences de la surdité dans les processus unisensoriels et multisensoriels chez ces personnes. Parions que ces informations pourront être appuyées sous peu à l’aide des techniques de neuroimagerie. REFERENCES ALLEN MC, NIKOLOPOULOS TP, O'DONOGHUE GM (1998). Speech intelligibility in children after cochlear implantation. Am J Otol, 19:742-746. AYDIN K, CIFTCI K, TERZIBASIOGLU E, OZKAN M, DEMIRTAS A, SENCER S, MINARECI O (2005). Quantitative proton MR spectroscopic findings of cortical reorganization in the auditory cortex of musicians. AJNR Am J Neuroradiol, 26:128-136. BAVELIER D, NEVILLE HJ (2002). Cross-modal plasticity : where and how ? Nat Rev Neurosci 3 : 443452. BOGOLEPOVA IN, MALOFEEVA LI, BELOGRUD' TV (2002). Peculiarities of the structure of the speech-motor cortex of the brain frontal lobe in a deaf-mute child. Morfologiia, 122:28-31. CALVERT GA, THESEN T (2004). Multisensory integration : methodological approaches and emerging principles in the human brain. J Physiol Paris, 98:191-205. 147 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page148 CHAMPOUX F, LEPORE F, GAGNE JP, THEORET H (2009). Visual stimuli can impair auditory processing in cochlear implant users. Neuropsychologia, 47:17-22. CHARROÓ-RUÍZ LE1, PICÓ T, PÉREZ-ABALO MC, HERNÁNDEZ MDEL C, BERMEJO S, BERMEJO B, ÁLVAREZ B, PAZ AS, RODRÍGUEZ U, SEVILA M, MARTÍNEZ Y, GALÁN L (2013). Cross-modal plasticity in deaf child cochlear implant candidates assessed using visual and somatosensory evoked potentials. MEDICC Rev, 15:16-22. COLLIGNON O, CHAMPOUX F, VOSS P, LEPORE F (2011). Sensory rehabilitation in the plastic brain. Prog Brain Res, 191:211-231. DAMEN GW, BEYNON AJ, KRABBE PF, MULDER JJ, MYLANUS EA (2007). Cochlear implantation and quality of life in postlingually deaf adults : long-term follow-up. Otolaryngol Head Neck Surg, 136:597-604. DOUCET ME, BERGERON F, LASSONDE M, FERRON P, LEPORE F (2006). Cross-modal reorganization and speech perception in cochlear implant users. Brain, 129:3376-3383. DRIVER J, NOESSELT T (2008). Multisensory interplay reveals crossmodal influences on 'sensory-specific' brain regions, neural responses, and judgments. Neuron, 57:11-23. EMMOREY K, ALLEN JS, BRUSS J, SCHENKER N, DAMASIO H (2003). A morphometric analysis of auditory brain regions in congenitally deaf adults. Proc Natl Acad Sci U S A, 100:10049-10054. FINNEY EM, FINE I, DOBKINS KR (2001). Visual stimuli activate auditory cortex in the deaf. Nat.Neurosci, 4:1171-1173. FINNEY EM, CLEMENTZ BA, HICKOK G, DOBKINS KR (2003). Visual stimuli activate auditory cortex in deaf subjects : evidence from MEG. Neuroreport, 14:1425-1427. GEERS AE (2004). Speech, language, and reading skills after early cochlear implantation. Arch Otolaryngol Head Neck Surg, 130:634-638. GIRAUD AL, PRICE CJ, GRAHAM JM, FRACKOWIAK RS (2001). Functional plasticity of languagerelated brain areas after cochlear implantation. Brain, 124:1307-1316. GOUGOUX F, ZATORRE RJ, LASSONDE M, VOSS P, LEPORE F (2005). A functional neuroimaging study of sound localization : visual cortex activity predicts performance in early-blind individuals. PLoS Biol, 3:e27. GREEN KM, BHATT YM, MAWMAN DJ, O'DRISCOLL MP, SAEED SR, RAMSDEN RT, GREEN MW (2007). Predictors of audiological outcome following cochlear implantation in adults. Cochlear Implants Int, 8:1-11. HERZOG, H., LAMPRECHT, A., KUHN, A., RODEN, W., VOSTEEN, K. H., & FEINENDEGEN, L. E. (1991). Cortical activation in profoundly deaf patients during cochlear implant stimulation demonstrated by H2(15)O PET. J Comput Assist Tomogr, 15:369-375. HIRANO S, NAITO Y, KOJIMA H, HONJO I, INOUE M, SHOJI K, TATEYA I, FUJIKI N, NISHIZAWA S, KONISHI J (2000). Functional differentiation of the auditory association area in prelingually deaf subjects. Auris Nasus Larynx, 27:303-310. HUSAIN FT, MEDINA RE, DAVIS CW, SZYMKO-BENNETT Y, SIMONYAN K, PAJOR NM, HORWITZ B (2011). Neuroanatomical changes due to hearing loss and chronic tinnitus : a combined VBM and DTI study. Brain Res, 1369:74-88. HYDE KL, LERCH J, NORTON A, FORGEARD M, WINNER E, EVANS AC, SCHLAUG G (2009a). Musical training shapes structural brain development. J Neurosci, 29:3019-3025. HYDE KL, LERCH J, NORTON A, FORGEARD M, WINNER E, EVANS AC, SCHLAUG G (2009b). The effects of musical training on structural brain development : a longitudinal study. Ann N Y Acad Sci, 1169:182-186. KAISER AR, KIRK KI, LACHS L, PISONI DB (2003). Talker and lexical effects on audiovisual word recognition by adults with cochlear implants. J Speech Lang Hear Res, 46:390-404. KIM DJ, PARK SY, KIM J, LEE DH, PARK HJ (2009). Alterations of white matter diffusion anisotropy in early deafness. Neuroreport, 20:1032-1036. KOTAK VC, TAKESIAN AE, SANES DH (2008). Hearing loss prevents the maturation of GABAergic transmission in the auditory cortex. Cereb Cortex, 18:2098-2108. LANDRY S, BACON BA, LEYBAERT J, GAGNÉ JP, CHAMPOUX F (2012a). Audiovisual segregation in cochlear implant users. PLoS One 7, e33113. 148 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page149 LANDRY S, LÉVESQUE J, CHAMPOUX F (2012b). Brain plasticity an obstacle for cochlear implant rehabilitation. Hear J, 65:18-20. LEE DS, LEE JS, OH SH, KIM SK, KIM JW, CHUNG JK, LEE MC, KIM CS (2001). Cross-modal plasticity and cochlear implants. Nature, 409:149-150. LEE HJ, GIRAUD AL, KANG E, OH SH, KANG H, KIM CS, LEE DS (2007). Cortical activity at rest predicts cochlear implantation outcome. Cereb Cortex, 17:909-917. LEPORÉ N, VACHON P, LEPORE F, CHOU YY, VOSS P, BRUN CC, LEE AD, TOGA AW, THOMPSON PM. (2010). 3D mapping of brain differences in native signing congenitally and prelingually deaf subjects. Hum Brain Mapp, 31:970-978. LEVÄNEN S, JOUSMÄKI V, HARI R (1998). Vibration-induced auditory-cortex activation in a congenitally deaf adult. Curr Biol, 8:869-872. LOMBER SG, MEREDITH MA, KRAL A (2010). Cross-modal plasticity in specific auditory cortices underlies visual compensations in the deaf. Nature Neurosci, 13:1421-1427. LYNESS CR, WOLL B, CAMPBELL R, CARDIN V (2013). How does visual language affect crossmodal plasticity and cochlear implant success ? Neurosci Biobehav Rev, 37:2621-2630. McGURK H, MacDONALD J (1976). Hearing lips and seeing voices. Nature, 264:746-748. MENS LH (2007). Advances in cochlear implant telemetry : evoked neural responses, electrical field imaging, and technical integrity. Trends Amplif, 11:143-59. MERABET LB, PASCUAL-LEONE A (2010). Neural reorganization following sensory loss : the opportunity for change. Nat Rev Neurosci, 11:44-52. MOODY-ANTONIO S, TAKAYANAGI S, MASUDA A, AUER ET, FISHER L, BERNSTEIN LE (2005). Improved speech perception in adult congenitally deafened cochlear implant recipients. Otol Neurotol, 26:649-654. MURRAY MM, WALLACE MT (2012). The Neural Bases of Multisensory Processes. Murray MM (ed). Frontiers in Neuroscience. Boca Raton (FL) : CRC Press. NAITO Y, HIRANO S, HONJO I, OKAZAWA H, ISHIZU K, TAKAHASHI H, FUJIKI N, SHIOMI Y, YONEKURA Y, KONISHI J (1997). Sound-induced activation of auditory cortices in cochlear implant users with post- and prelingual deafness demonstrated by positron emission tomography. Acta Otolaryngol 117:490-496. NICHOLAS JG, GEERS AE (2006). Effects of early auditory experience on the spoken language of deaf children at 3 years of age. Ear Hear, 27:286-298. PANTEV C, DINNESEN A, ROSS B, WOLLBRINK A, KNIEF A (2006). Dynamics of auditory plasticity after cochlear implantation : a longitudinal study. Cereb Cortex, 16:31-36. NISHIMURA H, HASHIKAWA K, DOI K, IWAKI T, WATANABE Y, KUSUOKA H, NISHIMURA T, KUBO T (1999). Sign language 'heard' in the auditory cortex. Nature, 397:116. PASCUAL-LEONE A, AMEDI A, FREGNI F, MERABET LB (2005). The plastic human brain cortex. Annu Rev Neurosci, 28:377-401. PENHUNE VB, CISMARU R, DORSAINT-PIERRE R, PETITTO LA, ZATORRE RJ (2003). The morphometry of auditory cortex in the congenitally deaf measured using MRI. Neuroimage, 20:12151225. PETERSON NR, PISONI DB, MIYAMOTO RT (2010). Cochlear implants and spoken language processing abilities : review and assessment of the literature. Restor Neurol Neurosci, 28:237-250. PETITTO LA, ZATORRE RJ, GAUNA K, NIKELSKI EJ, DOSTIE D, EVANS AC (2000). Speech-like cerebral activity in profoundly deaf people processing signed languages : implications for the neural basis of human language. Proc Natl Acad Sci U S A, 97:13961-13966. ROUGER J, LAGLEYRE S, FRAYSSE B, DENEVE S, DEGUINE O, BARONE P (2007). Evidence that cochlear-implanted deaf patients are better multisensory integrators. Proc Natl Acad Sci U S A, 104:7295-7300. SARRO EC, KOTAK VC, SANES DH, AOKI C (2008). Hearing loss alters the subcellular distribution of presynaptic GAD and postsynaptic GABAA receptors in the auditory cortex. Cereb Cortex, 18:2855-2867. SCHÜRMANN M, CAETANO G, HLUSHCHUK Y, JOUSMÄKI V, HARI R (2006). Touch activates human auditory cortex. Neuroimage, 30:1325-1331. 149 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page150 SHARMA A, GILLEY PM, DORMAN MF, BALDWIN R (2007). Deprivation-induced cortical reorganization in children with cochlear implants. Int J Audiol, 46:494-499. SHIBATA DK (2007). Differences in brain structure in deaf persons on MR imaging studied with voxelbased morphometry. AJNR Am J Neuroradiol, 28:243-249. SHIELL MM, CHAMPOUX F, ZATORRE RJ (2013) Reorganization of Auditory Cortex in Early-deaf People : Functional Connectivity and Relationship to Hearing aid Use (accepté provisoirement). SONG JJ, LEE HJ, KANG H, LEE DS, CHANG SO, OH SH (2014). Effects of congruent and incongruent visual cues on speech perception and brain activity in cochlear implant users. Brain Struct Funct (sous presse). STEIN BE, STANFORD TR (2008). Multisensory integration : current issues from the perspective of the single neuron. Nat Rev Neurosci, 9:255-266. TREMBLAY C, CHAMPOUX F, LEPORE F, THÉORET H (2010). Audiovisual fusion and cochlear implant proficiency. Restorative Neurology and Neuropsychology, 28:283-291. TYLER RS, FRYAUF-BERTSCHY H, KELSAY DM, GANTZ BJ, WOODWORTH GP, PARKINSON A (1997). Speech perception by prelingually deaf children using cochlear implants. Otolaryngol Head Neck Surg, 117:180-187. 150 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page151 Imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) et orthophonie : quelles applications cliniques ? Edith Durand, Diana Mina, Elisa Vauclare, Marika Beaudoin Landry, Francis Tremblay, Ana Inés Ansaldo Résumé L’orthophonie évolue en se nourrissant des avancées de plusieurs disciplines en vue de mieux saisir les troubles du langage et de la communication et de parvenir à aider ceux qui en souffrent. La neuroimagerie fonctionnelle (NIF), ou l’étude du cerveau en action, s’impose comme une source inépuisable de données empiriques concernant l’origine des troubles de langage et les phénomènes de plasticité cérébrale qui sous-tendent la récupération induite par la thérapie orthophonique. Le virage vers des soins axés sur des données probantes est maintenant très avancé et par conséquent, il est d’autant plus important de traduire les résultats des études utilisant la NIF ayant été publiées au cours des dernières années à des applications cliniques pour enrichir la pratique des cliniciens soucieux de l’efficacité des interventions auprès de la clientèle. Mots clés : orthophonie, neuroimagerie, IRMf, plasticité cérébrale, aphasie. Magnetic Resonance Imaging in Speech-Language Pathology: what clinical applications ? Abstract Speech-language pathology as a science has been inspired by different paradigms to obtain a comprehensive understanding of language impairments and develop therapeutic approaches, from linguistic models to psychological theories. Functional neuroimaging (FNI) gives us the chance to study human brain in action, a tremendous source of empirical data describing language impairments and, more importantly, therapy-induced neuroplasticity. Thus, advances in fMRi research on therapy-induced neuropalsticity must now be translated to clinical pratice, so as to favor evidence-based interventions in persons with communication disorders. Key Words : speech-language pathology, neuroimaging, fMRI, neuroplasticity, aphasia. Rééducation Orthophonique - N° 260 - décembre 2014 151 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page152 Edith DURAND1 Diana MINA1 Elisa VAUCLARE1 Marika BEAUDOIN LANDRY1 Francis TREMBLAY1 Ana Inés ANSALDO1, 2 1 Laboratoire de plasticité cérébrale, communication et vieillissement Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal 2 École d’orthophonie et d’audiologie Faculté de médecine Université de Montréal Correspondance : Ana Inés Ansaldo, Ph.D. Professeure agrégée Département d'orthophonie et d'audiologie Faculté de médecine, Université de Montréal Centre de recherche de l'IUGM 4565, chemin Reine Marie Montréal, Québec H3W 1W5 Canada Web: http://www.laboansaldo.com L La question de l’efficacité des interventions et du pronostic de récupération du langage est une préoccupation importante pour les orthophonistes, notamment pour les cliniciens qui interviennent auprès des personnes présentant des troubles acquis du langage. L’avancée des techniques de neuroimagerie fonctionnelle en recherche a permis de donner un nouvel éclairage à ces questionnements, étayant les observations cliniques et les résultats comportementaux de données neurofonctionnelles. En effet, la neuroimagerie fonctionnelle (NIF) permet l’étude du cerveau en action et de mettre en évidence la plasticité cérébrale, soit la capacité que le cerveau possède à se remodeler, tout au long de la vie, et même suite à une lésion cérébrale occasionnée, par exemple, par un accident vasculaire cérébral (AVC). Grâce aux avancées des techniques en NIF, il est désormais possible d’analyser l’activation des aires cérébrales impliquées dans une tâche langagière et d’identifier les changements neurofonctionnels corrélés à l’amélioration comportementale observée chez les patients aphasiques suite à une thérapie. 152 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page153 Après un bref rappel à propos de l’aphasie et de la plasticité cérébrale, cet article s’attachera à présenter différentes techniques en neuroimagerie fonctionnelle. Nous discuterons ensuite des changements neurofonctionnels identifiés suite à une thérapie en orthophonie et présenterons les perspectives cliniques de la neuroimagerie envisageables en orthophonie. Étant donné que notre laboratoire cible particulièrement la population des personnes présentant une aphasie, notre exposé portera sur cette population. ♦ Aphasie, plasticité cérébrale et neuroimagerie AVC-Aphasie L’accident vasculaire cérébral est un problème majeur de santé publique. En effet, à la suite d’un AVC, une personne sur quatre est atteinte d’aphasie. La prévalence des AVC au Canada est de 50 000 chaque année. Au Canada, 315 000 canadiens et canadiennes vivent avec les séquelles d’un AVC, dont 100 000 vivant avec une aphasie chronique (Agence de la Santé Publique du Canada, 2011). En France, 200 000 à 250 000 personnes vivent avec les séquelles d’une aphasie (Organisation Mondiale de la Santé, 2013). L’aphasie peut affecter le langage oral dans son versant expressif comme réceptif, mais aussi la lecture et l’écriture. Ces troubles acquis du langage constituent une source de handicap à long terme, car il entrave la participation sociale, pouvant mener la personne à l’isolement social et à la dépression (Le Dorze & Brassard, 1995). Il existe différentes façons de classer les différents types d’aphasies. Dans cet article, nous avons choisi la classification la plus souvent adoptée dans la littérature, à savoir une classification fondée sur la fluence, divisant les aphasies non fluentes ou de type Broca correspondant à une atteinte portant davantage sur les capacités d’expression du langage et les aphasies fluentes ou de type Wernicke correspondant à une atteinte portant davantage sur les capacités de compréhension du langage (Chomel-Guillaume & Leloup, 2010). Malgré la diversité de tableaux cliniques d’aphasie, l’anomie ou communément appelée « manque du mot », est la caractéristique commune à toutes les aphasies. L’anomie constitue une entrave majeure dans les échanges interpersonnels (Macoir, 2012 ; Marcotte, Vitali, Delgado, & Ansaldo, 2006). La récupération de l’aphasie dépend des mécanismes de plasticité cérébrale. Une compréhension accrue de l’interaction entre ces mécanismes et la thérapie du langage permet de mieux cibler l’intervention orthophonique auprès des personnes aphasiques. 153 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page154 Les mécanismes de la plasticité cérébrale Définition La plasticité cérébrale, ou neuroplasticité, est la capacité du cerveau à se modifier et se remodeler tout au long de la vie. Ce phénomène permanent rend possible l’apprentissage et l’adaptation à l’environnement (Chomel-Guillaume & Leloup, 2010 ; Pulvermüller, 2005). Quel que soit l’âge, le cerveau est flexible et capable de changement (Raymer, 2008). Nous savons aujourd’hui que le cerveau s’appuie sur un fonctionnement en réseaux fonctionnels. Un réseau est un ensemble de régions cérébrales interconnectées qui sont activées préférentiellement selon la tâche à effectuer. Dans le fonctionnement normal, le cerveau remodèle continuellement ses réseaux pour encoder de nouvelles expériences par le principe hebbien (Kleim & Jones, 2008). Deux processus fondamentaux contribuent à la neuroplasticité cérébrale : l’un consiste à multiplier les connexions, on parle alors de synaptogénèse, l’autre est responsable de la suppression de connexions inefficaces ou inutilisées, processus appelé « élagage synaptique ». La synaptogénèse peut s’envisager selon l’image suivante : si deux neurones sont en activité simultanément, ils créent ou renforcent leur connexion, via leurs synapses, de sorte que l'activation de l'un par l'autre sera facilitée à l'avenir. Ce principe est connu sous le nom de « fire-together-wire-together rule » (traduction libre : « la règle de la stimulation simultanée-connexion spontanée »). Lorsque deux objets ou évènements apparaissent ensemble, les connexions synaptiques entre deux neurones s’établissent et ils resteront par la suite connectés fonctionnellement. Ce phénomène soutient l’apprentissage, particulièrement pour l’acquisition du langage (Boulenger, Hauk, & Pulvermüller, 2009 ; Pulvermüller, 2011). En effet, l’apprentissage se fait de manière associative par la mise en relation d’aires cérébrales responsables de la perception et d’aires du langage pour comprendre les mots relatifs à une situation et les produire également dans le contexte adéquat, avec suffisamment de répétition et de stabilité pour ancrer la relation (Pulvermüller, 2011). Au fil des expériences, des réseaux robustes de langage se construisent. Par contre, si les neurones sont actifs indépendamment et ne sont plus associés, leur lien s’affaiblit (Pulvermüller, 2011 ; Pulvermüller & Berthier, 2008), c’est le processus de l’élagage synaptique. Le cerveau remodèle donc continuellement ses réseaux pour encoder de nouvelles expériences (Kleim & Jones, 2008). Dans le cas de la survenue d’une lésion, d’autres mécanismes de neuroplasticité sont enclenchés. 154 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page155 Les mécanismes de plasticité cérébrale post-lésionnels Quand une région cérébrale perd ses connexions suite à une lésion, une cascade de changements s’opère, liés au drainage des débris dégénératifs, au remodelage des processus neuronaux et à la production de nouvelles connexions synaptiques (Kleim & Jones, 2008). D’autre part, les lésions cérébrales peuvent aussi entraîner à la fois une perturbation de la fonction temporaire et des changements fonctionnels de longue durée, tels que la modification de l’excitabilité corticale (Carey & Seitz, 2007). Deux types de processus soutiennent les mécanismes neurobiologiques de récupération : la réactivation fonctionnelle et la réorganisation fonctionnelle. La réactivation fonctionnelle est caractérisée par la récupération par les aires périlésionnelles de leurs fonctions antérieures. Dans le cas du langage, les aires lésées de l’hémisphère gauche recouvrent leur fonctionnement antérieur après une période d’hypoactivité occasionnée par la période de latence post-lésionnelle appelée diaschisis. La réorganisation fonctionnelle, quant à elle, consiste en l'activation d’aires cérébrales non canoniques pour la tâche, aussi bien dans l'hémisphère ipsilésionnel que contra-lésionnel (Grafman, 2000). Ce phénomène survient généralement lorsque les lésions sont plus massives (Crosson, 2007 ; Heiss, 2003 ; Perani, 2003 ; Thompson, 2010). Ainsi, les aires homologues aux aires lésées peuvent être recrutées. Plus récemment, les avancées en recherche animale ont permis de mettre en évidence qu’il était possible d’agir sur les mécanismes de plasticité cérébrale post-lésionnels ; ces recherches ont dégagé des principes qui, adaptés à la recherche en neuro-réadaptation chez l’humain, sont à intégrer dans les thérapies en vue d’optimiser ces mécanismes. Principes de neuroplasticité dépendante de l’expérience Les études menées chez les animaux (Taub, Uswatte, & Elbert, 2002) ont permis de dégager les principes thérapeutiques essentiels rendant possible des améliorations au niveau comportemental associées à des changements neurofonctionnels. Selon Kleim et Jones (2008), ces principes de neuroplasticité dépendante de l’expérience (NPDE) sont à appliquer dans les protocoles des thérapies et incluent notamment la spécificité, la répétition, la fréquence, la durée et la saillance. La spécificité d’une thérapie désigne le fait de cibler un traitement spécifique lors d’une intervention qui impliquera la nature des changements neurofonctionnels. De plus, pour que des changements neurofonctionnels opèrent, un taux de répétition par séance suffisant est nécessaire afin d’atteindre un niveau d’amélioration et ce, en effectuant plusieurs séances de thérapie par semaine. Enfin, la saillance désigne le fait que la thérapie doit porter sur une tâche utile pour la personne, susceptible de capter toute son attention 155 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page156 et sa motivation, avec l’importance bien connue par les cliniciens de proposer des items personnalisés d’intervention. Nous relaterons ci-après les résultats d’une étude de notre laboratoire qui a identifié les changements neurofonctionnels associés aux améliorations comportementales suite à une thérapie sémantique intégrant les principes de spécificité, répétition, intensité, durée et saillance auprès de personnes aphasiques chroniques avec anomie (Marcotte et al., 2012). En ce qui concerne les autres principes, leurs impacts n’ont pas été démontrés en utilisant la NIF. Nous ne les relaterons donc pas dans cet article. L’ensemble des principes NPDE sont importants à intégrer dans une thérapie en vue d’obtenir des changements comportementaux associés à des changements neurofonctionnels inscrits sur le long terme. En vue d’identifier les changements neurofonctionnels associés aux changements comportementaux dans le cadre des recherches concernant l’aphasie et sa récupération, différentes techniques de neuroimagerie ont été exploitées. ♦ Techniques de neuroimagerie fonctionnelle IRMf et outils d’analyse de données IRM et IRMf L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est une technique basée sur la génération d’un champ magnétique combinée à l’émission de radiofréquences. L’IRM permet la mise en évidence des structures anatomiques et l’identification de lésions anatomiques chez les personnes ayant subi un AVC. L’IRM fonctionnelle, ou IRMf, permet, par une mesure indirecte, l’étude du « fonctionnement » du cerveau avec une bonne résolution spatiale, mais une faible résolution temporelle. Pour plus de détails sur l’IRMf, nous renvoyons le lecteur au travail présenté dans ce volume par Coll, Blais-Michaud et Jackson : « Introduction à la neuroimagerie et à son application pour l’étude du langage et de la cognition ». Outils d’analyse de données Suite à une acquisition de données en IRMf, il existe différents outils d’analyse de données qui permettent de répondre à différents besoins de recherche. En effet, d’une part, il est possible d’étudier les activations des aires cérébrales de manière isolée ; on parle alors d’analyses en ségrégation. Il est alors possible d’identifier les activations locales liées à une tâche. D’autre part, il est possible d’étudier l’activation de réseaux cérébraux, soit des ensembles d’aires qui agissent de manière synchrone pour accomplir une tâche ; on parle 156 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page157 alors d’analyses en intégration. En effet, les aires cérébrales activées au cours d’une tâche sont interconnectées de manière proximale ou via des faisceaux de matière blanche, formant ainsi une grande variété de réseaux fonctionnels dynamiques, qui changent leur configuration selon la nature et le niveau de difficulté de la tâche. Des réseaux sont désormais identifiés au niveau de la mémoire, de l’attention, du langage, mettant en évidence le travail synchrone et en synergie de certaines aires recrutées pour effectuer des tâches cognitives (Katell, 2009). L’étude des réseaux fonctionnels constitue une avenue très intéressante pour comprendre le fonctionnement cérébral normal. Par exemple, le « réseau du mode par défaut » (RMD), décrit de manière très précise chez les participants sains, est identifiable lorsque le participant est au repos, les yeux fermés, sans faire d’activité spécifique. Lors de la survenue d’une tâche précise, ce réseau diminue son intégration, au profit de la mise en jeu d’autres réseaux spécifiques au traitement de l’information reliée à la tâche. La spectroscopie proche infrarouge Une autre technique de NIF est la spectroscopie proche infrarouge (Near InfraRed Spectroscopy (NIRS)), appelée aussi « imagerie optique ». Cette technique permet de déterminer les activations cérébrales provoquées par la réalisation d’une tâche par le participant. Utilisant un type de lumière proche de l’infrarouge, l’imagerie optique permet de mesurer les variations hémodynamiques (modification de l’oxygénation de l’hémoglobine du sang). Cette technique, peu coûteuse et facilement déplaçable, s’est avérée efficace pour étudier le fonctionnement cérébral. Cette technique à haut potentiel clinique pourrait, dans l’avenir, devenir un outil de prise de décision clinique accessible aux orthophonistes, qui pourraient s’en servir pour faire des courts tests du potentiel de plasticité cérébrale en lien avec des approches d’intervention précises. De la sorte, l’orthophoniste pourrait tenir compte des facteurs neurofonctionnels pouvant moduler le pronostic de récupération des clients et l’efficacité des interventions orthophoniques. Ceci étant dit, nous sommes encore loin de ces applications. Par contre, l’étude du langage à l’aide de la NIRS est en pleine évolution et de nombreux travaux sur le langage ont été publiés dans la dernière décennie. Nous référons le lecteur au numéro spécial de la revue Brain & Language sur ce sujet (Ansaldo, Kahlaoui, & Joanette, 2012). La stimulation transcrânienne magnétique La dernière technique que nous aborderons est la stimulation transcrânienne magnétique (STM). Cette technique non invasive consiste en l’application d’une impulsion magnétique sur le cortex cérébral à travers le crâne, au moyen d’une bobine. L’impulsion magnétique induit de brefs courants intra-cor- 157 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page158 ticaux qui dépolarisent les neurones (Di Lazzaro et al., 1998). Pour exemple, si la STM est appliquée au niveau des régions motrices, alors elle induit une activité motrice, si elle est appliquée au niveau des aires associatives corticales, elle induit de brèves perturbations dans des tâches cognitives dans lesquelles le participant s’inscrit (Valero-Cabré, Pascual-Leone, & Coubard, 2011). La STM a notamment permis de dresser des cartes des aires motrices du cerveau et d’explorer les liens entre stimulation et comportements observables. Développement d’outils de thérapie utilisant les principes de NIF La STM fait partie des outils aujourd’hui explorés pour leurs apports thérapeutiques. En effet, la stimulation transcrânienne répétitive utilise le principe de stimulation focale en vue de modifier l’activité d’aires cibles, dont nous donnons quelques résultats dans la section suivante. Nous ajouterons enfin la stimulation électrique transcrânienne à courant direct (transcranial Direct Current Stimulation (tDCS)), qui utilise des électrodes positionnées sur le crâne en fonction des régions dont on souhaite influencer le fonctionnement. L’application d’un faible courant entre les électrodes permet de modifier l’activation d’aires cibles. Nous relaterons aussi quelques résultats obtenus suite à l’application de la tDCS. ♦ Les apports de la neuroimagerie fonctionnelle à la thérapie orthophonique En plus d’offrir la possibilité d’étudier les mécanismes de plasticité cérébrale soutenant la récupération spontanée de l’aphasie, les techniques de neuroimagerie mettent en évidence les changements neurofonctionnels induits par les thérapies du langage. Marqueurs fonctionnels plus spécifiques par thérapie Dans son acception première, un marqueur est un élément permettant de repérer une chose ou un phénomène. Dans le domaine médical, un marqueur biologique ou biomarqueur est une mesure objective de la réponse biologique qui est quantifiable, précise et reproductible (Leppänen, 2013). De nos jours, le terme « marqueur » est davantage utilisé comme indicateur de la présence d’un état pathologique. Ainsi, en biologie moléculaire, les marqueurs biologiques, tels que certains antigènes spécifiques, sont recherchés pour identifier la présence de cancers. L’avancée des techniques de neuroimagerie, et notamment la neuroimagerie fonctionnelle, a impliqué la définition de marqueurs d’une nouvelle génération : les marqueurs neurofonctionnels. Les marqueurs neurofonctionnels sont définis par le rapport entre l’amélioration comportementale et les 158 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page159 changements neurofonctionnels (Burke, Dobkin, Noser, Enney, & Cramer, 2014). Ils permettent l’identification des processus neurofonctionnels déficitaires ou bien le niveau d’efficacité probable d’une thérapie du langage administrée à des populations spécifiques. Une compréhension des mécanismes neurofonctionnels permettra de mieux cibler l’intervention orthophonique auprès des personnes aphasiques. Les marqueurs neurofonctionnels peuvent être identifiés en utilisant des méthodes d’analyses en ségrégation (activation d’aires) ou des méthodes d’analyses en intégration (connectivité fonctionnelle). Dans les études mesurant l’efficacité d’une thérapie du langage, les calculs de corrélation permettent l’identification de marqueurs neurofonctionnels prédictifs de la réponse à une thérapie donnée. À cet égard, Meinzer, Djundja, Barthel, Elbert et Rockstroh (2005) ont effectué une revue de littérature sur les marqueurs neurofonctionnels caractérisant l’application de thérapies par contrainte induite (TCI). Les TCI sont une adaptation des thérapies initialement appliquées au traitement des troubles moteurs secondaires à des accidents vasculaires (Taub et al., 2002). Elles intègrent les principes de neuroplasticité dépendante de l’expérience. Ainsi, la thérapie par contrainte induite (voir page 230 dans cet article) vise l’amélioration de la communication fonctionnelle en imposant une contrainte spécifique au patient : se limiter à la communication verbale, donc pas de gestes ni d’utilisation du langage écrit. De plus, le patient doit produire des énoncé précis, dans des contextes de communication contrôlés (Pulvermüller et al., 2001). Dans une de leurs études, Meinzer et al. (2008) mentionnent que 11 participants présentant des aphasies chroniques de types variés, mais dont le symptôme commun est l’anomie, ont bénéficié d’une thérapie par contrainte induite administrée à raison de 3 heures de traitement par jour pendant 10 jours consécutifs. Une séance d’IRMf avant et une après la thérapie ont permis d’identifier les marqueurs neurofonctionnels de neuroplasticité induite par la TCI. Les résultats de cette étude indiquent que tous les participants ont montré une amélioration en dénomination d’images traitées et non traitées ainsi que dans une variété de tests langagiers inclus dans leur batterie. Quant aux données d’IRMf, elles ont permis de mettre en évidence une corrélation entre l’amélioration en dénomination et l’activation post-thérapie des aires périlésionnelles spécifiques à chacun des participants. Cette étude est intéressante, mais elle ne permet pas d’associer l’efficacité de la TCI à un profil neurofonctionnel commun à tous les participants, ce qui empêche la généralisation des observations en IRMf à l’ensemble de la population étudiée. Une autre étude du même type mesurait l’impact de la TCI auprès de 16 participants présentant une aphasie chronique (Richter, Miltner, & Straube, 159 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page160 2008). Les résultats ont montré une amélioration de la production spontanée chez les participants. De plus, les analyses de corrélation ont permis de mettre en évidence que l’activation du gyrus inférieur droit et de l’insula en pré-thérapie serait prédictive de l’amélioration suite à la TCI. Cette étude est intéressante, car elle fait un lien direct entre l’activation pré-thérapie de l’hémisphère droit et la réponse positive à la TCI. Par contre, les auteurs (Richter et al., 2008) ne fournissent pas une description détaillée de la procédure de la thérapie, ce qui empêche de reproduire le protocole et limite donc la généralisation des observations à d’autres cohortes de personnes avec aphasie non fluente et chronique souffrant d’anomie. Une autre étude de ségrégation menée par Marcotte et al. (2012) au sein de notre laboratoire s’est intéressée à étudier les changements neurofonctionnels associés à une thérapie par analyse des traits sémantiques (SFA) chez 9 participants souffrant d’aphasie chronique non fluente et d’anomie, qui participaient à une séance d’IRMf avant et après la thérapie. Suite à la thérapie, en plus d’une amélioration de la dénomination chez tous les participants, des changements neurofonctionnels ont permis de documenter la plasticité cérébrale induite par la thérapie. Plus spécifiquement, deux aires ont joué un rôle clé : le lobule pariétal inférieur gauche et le gyrus précentral gauche dont l’activation post-thérapie a été observée chez l’ensemble des participants. Ces aires, recrutées lors de tâches de dénomination chez les participants sains, font partie du système de neurones miroirs (Aziz-Zadeh, 2012 ; Aziz-Zadeh, Wilson, Rizzolatti, & Iacoboni, 2006 ; Kemmerer, Castillo, Talavage, Patterson, & Wiley, 2008 ; Pulvermüller, 2005, 2011 ; Rizzolatti & Craighero, 2004 ; Rizzolatti & Sinigaglia, 2010 ; Tettamanti et al., 2005) et participent à l’encodage d’informations sensorimotrices et multimodales qui étaient stimulées par la nature sémantique de la thérapie SFA. La stimulation intensive des traits sémantiques sensorimoteurs induite par la SFA favoriserait le recrutement de ce système qui prendrait en charge la dénomination lorsque le circuit canonique est endommagé par un AVC (Durand, 2013). De plus, cette étude a permis d’identifier des marqueurs neurofonctionnels prédictifs d’une bonne réponse à la thérapie SFA chez l’ensemble des participants. En particulier, l’activation du cortex moteur primaire avant la thérapie SFA a été associée à une réponse positive à la SFA. De plus, la procédure de la thérapie est décrite en détail, et donc reproductible. Ainsi, le devis expérimental de cette étude (Marcotte et al., 2012) permet de généraliser les observations à l’ensemble de la population souffrant d’aphasie chronique non fluente, avec anomie sévère. Bien que l’utilisation d’indices sémantiques dans la thérapie du manque du mot soit fréquente, elle ne s’avère pas toujours efficace ; les données de Marcotte et al. (2012) permettent de cibler les meilleurs candidats à bénéficier de cette 160 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page161 approche. Malgré le fait que l’IRMf ne soit pas un outil accessible dans les centres de réadaptation, il est possible que dans un futur pas si lointain, on puisse adapter ce protocole au milieu clinique en le rendant accessible aux orthophonistes par le biais de l’imagerie optique qui, tel que discuté dans la section 2.2., est un outil bien plus économique et adapté à une situation clinique que l’IRMf. L’observation d’un lien positif entre l’activation du cortex moteur et l’amélioration de la dénomination rapporté dans ces études (Durand, 2013 ; Marcotte et al., 2012) vient corroborer des observations convergentes provenant de plusieurs études (Pulvermüller, 2011 ; Small, Buccino, & Solodkin, 2013) parmi lesquelles les activations cérébrales concomitantes des aires motrices et des aires langagières montrent que le geste pourrait améliorer la production (Raymer et al., 2006 ; Rose, 2006). Ces études ouvrent aussi des perspectives en neuro-réadaptation, notamment l’intérêt des thérapies transdisciplinaires mettant en synergie les ergothérapeutes et les orthophonistes, par exemple. Des marqueurs neurofonctionnels révélateurs des différents réseaux impliqués dans la récupération du langage Le langage, par sa complexité, implique la mise en relation de plusieurs fonctions cognitives telles que la mémoire, l’attention et les fonctions exécutives. Ainsi, Fridriksson, Nettles, Davis, Morrow et Montgomery (2006) ont montré via une étude comportementale auprès de 25 participants présentant une aphasie des corrélations significatives entre les scores en communication fonctionnelle et les scores aux tests de fonctions exécutives. Cette étude met en évidence les liens entre les fonctions cognitives et le langage. Les études en neuroimagerie fonctionnelle viennent étayer ces constats comportementaux. Ainsi, les études d’intégration permettent d’explorer les changements neurofonctionnels observés suite à une thérapie orthophonique dans le réseau langagier, mais aussi dans d’autres réseaux identifiés. Une étude de Marcotte, Perlbarg, Marrelec, Benali et Ansaldo (2013) s’est focalisée sur le RMD, bien décrit chez des participants sains et altéré dans plusieurs conditions associées aux troubles du langage telles que la maladie d’Alzheimer, le trouble du spectre de l’autisme, la schizophrénie et le traumatisme crânien (Buckner, Andrews-Hanna, & Schacter, 2008). Neuf participants avec aphasie chronique non fluente et anomie ayant reçu une thérapie par analyse des traits sémantiques (SFA) ont été examinés à l’aide des analyses de connectivité fonctionnelle permettant de décrire le RMD. Les résultats démontrent que la lésion causant l’aphasie diminue la connectivité du RMD, mais que la thérapie SFA, administrée de manière intensive, permet d’améliorer cette connectivité jusqu’à atteindre des niveaux comparables à ceux présents chez des participants sains. Étant donné l’importance du RMD dans le 161 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page162 cadre du traitement attentionnel et mnésique, ces résultats montrent que la thérapie orthophonique a un impact au-delà des circuits spécifiques au langage, mettant en évidence l’effet potentiel des interventions orthophoniques auprès d’autres populations présentant des troubles cognitifs non langagiers. Ceci est un argument de poids pour justifier les interventions orthophoniques dans des cas où les difficultés attentionnelles et mnésiques sont le premier signe observé. Une autre étude plus récente de Tremblay, Durand, Marcotte et Ansaldo (2013) a trouvé une corrélation positive entre l’intégration du RMD pré-thérapie et la récupération de l’anomie de verbes suite à une thérapie SFA pour les verbes. L’état du RMD avant la thérapie pourrait donc permettre de prédire une réponse positive à la thérapie SFA chez une population souffrant d’aphasie et d’anomie pour les verbes, contribuant ainsi à une prise en charge plus efficace de ce type de trouble langagier. Ces deux études (Marcotte et al, 2013 ; Tremblay et al, 2013) pourraient avoir des applications cliniques importantes, car l’étude du RMD demande peu de temps et ne nécessite pas un protocole IRMf complexe, ce qui permettrait d’avoir accès aux marqueurs d’efficacité de manière économique en termes de temps et de coût. (Marcotte et al., 2013 ; Tremblay et al., 2013, November 7th). Les thérapies combinant traitement et utilisation d’un outil de stimulation La stimulation transcrânienne magnétique répétitive (STMr) : un outil en développement pour les thérapies du langage En phase aiguë post-AVC, tandis que l’excitabilité cérébrale de l’hémisphère intact est augmentée, celle de l’hémisphère lésé est diminuée (Mally, 2013). Cette activité importante dans l'hémisphère préservé pourrait inhiber et interférer avec la récupération fonctionnelle du langage (Weiduschat, 2011). Des techniques de stimulation cérébrale non invasive utilisent la stimulation transcrânienne magnétique (STM) ou la stimulation transcrânienne à courant direct (tDCS), qui peuvent modifier l’excitabilité des groupes de neurones. Les résultats obtenus suggèrent que la stimulation magnétique inhibitoire de la zone homologue de Broca dans l'hémisphère droit, couplée à des séances de thérapie orthophonique, permet d’éviter une latéralisation hémisphérique droite pour le langage (Weiduschat, 2011). En outre, la normalisation des activations cérébrales peut être accompagnée d'une amélioration clinique (ibid.). Les stimulations peuvent être uniques, séparées de quelques secondes ou répétées (STMr). La combinaison de STMr ou de tDCS avec des séances de thérapie orthophonique immédiates peut promouvoir des améliorations additionnelles du langage pour une variété de patients aphasiques (Martin, 2014 ; Naeser, 2010). En effet, 162 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page163 les résultats ont démontré une augmentation de l’activation de l’aire motrice supplémentaire gauche chez les participants présentant des aphasies chroniques non fluentes qui recevaient des séances d’orthophonie couplées avec la stimulation cérébrale par STMr. Ils ont pu rehausser un circuit neuronal spécifique pour la tâche de dénomination et ce circuit a été renforcé immédiatement post-STMr avec la pratique additionnelle de la tâche. Il est à espérer que l’utilisation combinée des thérapies et de la STMr puisse optimiser les changements de neuroplasticité induits par chacune d’elles, ce qui augmenterait les gains cliniques chez les patients avec des aphasies chroniques et des déficits langagiers stabilisés. Il s’agit ici d’orienter la neuroplasticité pour permettre de meilleurs gains en concomitance avec les activités de rééducation (Naeser, 2010). L’apport de la STM et la STMr à l’orthophonie est indiscutable. Les études de Tremblay et Gracco (2009) avec des participants sains démontrent les effets spécifiques de la STM appliquée sur le cortex ventral prémoteur gauche dans des tâches de discrimination de phonèmes et le recrutement du système moteur pour assister la segmentation phonologique ainsi que le processus de mémoire de travail. Grâce à l’utilisation de la STM, les résultats de cette étude confirment l’étroite connexion entre la perception de la parole et les systèmes de production. Dans une autre étude, Tremblay, Sato et Small (2012) utilisent la STMr afin de créer une « lésion » réversible du cortex prémoteur ventral gauche et examinent les conséquences de la lésion dans la construction de phrases décrivant à la première personne des actions et des objets. Le principal résultat de cette étude démontre que l’inhibition par la STMr du cortex prémoteur ventral gauche module la construction de phrases décrivant des actions manuelles Tremblay, Satto et Small (2012). L'importance de la recherche fondamentale est ici renouvelée pour permettre ce type de percée au plan clinique. Toutefois, cette technique d'avantgarde se butte aux données limitées que nous détenons actuellement sur les processus neurofonctionnels en réseaux qui sous-tendent le langage. Enfin, les avancées des méthodes d’analyse en neuroimagerie anatomique permettent actuellement d’appréhender l’analyse de la substance blanche corticale, via des acquisitions en imagerie du tenseur de diffusion (diffusion tensor imaging (DTI)). Le rôle de la substance blanche est primordial dans la transmission des informations. Van Hees et al. (2014) ont identifié des changements au niveau de la diffusivité du faisceau arqué et du faisceau unciné avant et après l’application d’une intervention intensive de 12 séances de traitement phonologique et sémantique auprès de 8 participants aphasiques. Avant la thérapie, les 163 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page164 mesures chez les participants aphasiques montraient une plus faible diffusivité dans le faisceau arqué en comparaison avec des participants contrôles appariés. Après la thérapie, les mesures dans le faisceau arqué gauche étaient similaires à celles des participants contrôles. Aucun changement significatif n’a été démontré pour le faisceau unciné. Ces changements neurofonctionnels démontrent l’impact de la thérapie sur la substance blanche sous-jacente, notamment le faisceau arqué gauche. Des études futures se pencheront sur la recherche de marqueurs en DTI pouvant prédire la réponse à une thérapie donnée. Ce type d’études aurait un potentiel clinique important, car il pourrait informer les orthophonistes sur les meilleurs choix thérapeutiques selon le statut (préservé ou touché) de la matière blanche. ♦ Discussion et conclusion La contribution de la neuroimagerie fonctionnelle à la pratique orthophonique est indéniable et elle se trouve à plusieurs niveaux. Premièrement, elle permet d'obtenir des repères quant au traitement neurofonctionnel du langage chez des participants sains (Price, 2000) en documentant la complexité des processus langagiers qui mettent en action un ensemble d’aires bien au-delà des aires de Broca et de Wernicke. Puisque le traitement du langage est largement distribué à travers le cerveau, des lésions très variées sont susceptibles d’entraîner des déficits langagiers qui mériteraient d’être évalués par des orthophonistes. De plus, les études en neuroimagerie montrent l’impact des interventions orthophoniques au niveau cérébral, soit par la réactivation des aires induite par une intervention orthophonique, soit par le recrutement d’aires non canoniques suite à une intervention orthophonique. De plus, la NIF peut contribuer à orienter le choix des interventions par le biais des marqueurs neurofonctionnels de pronostic ; ces marqueurs indiquent qu’un tel profil d’activation observé avant la thérapie est associé à une bonne réponse à une thérapie donnée. Ce type d’information a le potentiel d’augmenter l’efficience et l’efficacité des interventions orthophoniques. Ceci étant dit, la validité écologique des études menées en NIF dans un contexte clinique est à considérer. En effet, la lourdeur technologique des approches, le coût des examens et le caractère complexe des protocoles actuels ne permettent pas de se servir de la NIF dans un contexte clinique orthophonique. Toutefois, les données probantes issues de la NIF servent d’arguments pour justifier des interventions orthophoniques chez des populations variées, et fournissent des pistes quant aux approches plus efficaces selon le type de profils d’aphasie. Aussi, l’aspect social et contextuel de la communication entre deux 164 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page165 interlocuteurs est difficile à reproduire dans un contexte technologique lourd comme celui de la majorité des techniques de NIF. Il est possible que dans l’avenir, des données recueillies en imagerie par résonance magnétique fonctionnelle puissent inspirer des études se servant de l’imagerie optique, une technologie légère et portative, où le participant peut être assis face à un interlocuteur et en interaction communicationnelle. Ainsi, il sera important de développer des protocoles adaptés en termes de durée et de coût pour que les découvertes dans le domaine puissent être intégrées à la pratique clinique. Une autre contribution importante de la NIF à la clinique orthophonique découle des données probantes sur les interactions entre réseaux divers, tels le réseau moteur et le réseau langagier. Ces données pointent vers l’intérêt d'orienter la neuro-réadaptation vers l’application des approches transdisciplinaires d’intervention pouvant stimuler la synergie existant entre ces réseaux. Ainsi, la neuroplasticité induite par la thérapie est interprétée dans sa globalité, amenant chaque professionnel de la réadaptation à travailler en collaboration pour converger vers un objectif commun. Par ailleurs, les données provenant des études en connectivité indiquent que des interventions visant le langage pourraient avoir un impact réparti sur les fonctions exécutives (Marcotte et al., 2013). Cela n’est pas surprenant quand on considère la complexité du langage, une fonction cognitive intégratrice de multiples fonctions telles la mémoire et l’attention. De plus, ces données probantes mettent en valeur les interventions orthophoniques au-delà de la clientèle « traditionnelle » et justifient davantage le rôle de l’orthophoniste auprès d'une grande diversité de clientèles. Par ailleurs, grâce à la neuroimagerie fonctionnelle, l’impact des interventions orthophoniques chez des populations avec déficits chroniques n’est plus à questionner ; la NIF montre que la neuroplasticité induite par la thérapie orthophonique est possible même longtemps après la lésion. En conclusion, les données de la neuroimagerie fonctionnelle constituent de précieuses ressources pour les activités d'évaluation et d'intervention des cliniciens. Une pratique basée sur les données probantes est enrichie par des conceptions théoriques et des paradigmes décrivant l’activité cérébrale et ses multiples facettes. En plus de considérer les besoins du patient et l'expérience clinique, le professionnel dispose également de données empiriques se référant à la réactivité du cerveau à la stimulation orthophonique et aux perspectives d'évolution pour réussir à offrir un traitement optimal. Le potentiel de réadaptation d’un patient peut dès lors être mieux défini pour optimiser l’offre de services du système de santé. 165 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page166 Pour assister le travail des cliniciens, les recherches futures devront continuer à identifier des marqueurs neurofonctionnels pouvant orienter le choix d’une approche au profit d’une autre. Par exemple, dans le cas de l’aphasie, certaines caractéristiques du profil neurologique d’un patient pourraient mener au choix d’une thérapie d’indiçage phonologique, alors que d’autres inviteraient à privilégier une approche sémantique. La poursuite de ce type de recherches permet d’argumenter l’introduction prochaine de techniques de neuroimagerie fonctionnelle dans les établissements de santé pour assister le travail des cliniciens par le biais de protocoles adaptés aux besoins du milieu. Visualiser l’activité cérébrale d’un patient lors de tâches langagières pourrait permettre d’inférer le pronostic de récupération et les interventions potentiellement efficaces. De plus, l’étude de l’état de repos pourrait permettre d’utiliser la neuroimagerie fonctionnelle en clinique sans avoir systématiquement recours à une procédure spécifique durant la prise d’images. En demandant simplement au patient de s’allonger sans bouger, il serait possible d’obtenir de précieuses informations sur l’intégrité du réseau du mode par défaut, valeur prédictive de la récupération du langage. En somme, investir dans l’introduction de technologies de neuroimagerie fonctionnelle accessibles aux cliniciens et à leurs patients permet de rentabiliser les ressources en place en orientant la prise en charge par des mesures objectives. À moyen terme, la rentabilité de l’investissement est envisageable et mérite d’être davantage étudiée par nos institutions. REFERENCES ANSALDO, A. I., KAHLAOUI, K., & JOANETTE, Y. (2012). Functional Near-Infra Red Spectroscopy (fNIRS) : A Promising Functional Imaging Technique for the Study of Brain and Language. Brain and Language, 121(2), 77-184. AZIZ-ZADEH, L. (2012). Embodied semantics for language related to actions : a review of fMRI and neuropsychological research. Language and Action in Cognitive Neuroscience, 273. AZIZ-ZADEH, L., WILSON, S. M., RIZZOLATTI, G., & IACOBONI, M. (2006). Congruent Embodied Representations for Visually Presented Actions and Linguistic Phrases Describing Actions. Current Biology, 16(18), 1818-1823. doi: http://dx.doi.org/10.1016/j.cub.2006.07.060 BOULENGER, V., HAUK, O., & PULVERMÜLLER, F. (2009). Grasping Ideas with the Motor System : Semantic Somatotopy in Idiom Comprehension. Cerebral Cortex, 19(8), 1905-1914. doi: 10.1093/cercor/bhn217 166 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page167 BUCKNER, R. L., ANDREWS-HANNA, J. R., & SCHACTER, D. L. (2008). The brain's default network : anatomy, function, and relevance to disease. Ann N Y Acad Sci, 1124, 1-38. doi: 10.1196/annals.1440.011 BURKE, E., DOBKIN, B. H., NOSER, E. A., ENNEY, L. A., & CRAMER, S. C. (2014). Predictors and biomarkers of treatment gains in a clinical stroke trial targeting the lower extremity. Stroke, 45(8), 2379-2384. doi: 10.1161/STROKEAHA.114.005436 Canada, A. d. l. s. p. d. (2011). Suivi des maladies du cœur et des accidents vasculaires cérébraux (AVC) au Canada – Faits saillants sur les AVC 2011. CAREY, L. M., & SEITZ, J. F. (2007). Functional neuroimaging in stroke recovery and neurorehabilitation : conceptual issues and perspectives. International journal of stroke, 2, 245-264. CHOMEL-GUILLAUME, S., & LELOUP, G. (Dir.). (2010). Les aphasies : Evaluation et rééducation. Issy-Lès-Moulineaux : Masson. CROSSON, B., MC GREGOR, K., GOPINATH, K., CONWAY, T.,BENJAMIN, M., CHANG, Y.L., WHITE, K. (2007). Functional MRI of language in aphasia : A review of the literature and the methological challenges. Neuropsychology Review, 17(2), 157-177. Di LAZZARO, V., RESTUCCIA, D., OLIVIERA, A., PROFICE, P., FERRARA, L., INSOLA, A., ROTHWELL, J. C. (1998). Magnetic transcranial stimulation at intensities below active motor threshold activation intracortical inhibitory cicuits. Exp. Brain Res., 119, 265-268. DURAND, E., ANSALDO, A.I. (2013). Recovery from Anomia Following Semantic Feature Analysis : Therapy-induced Neuroplasticity Relies upon a Circuit Involving Language and Motor Processing Areas. The Mental Lexicon. Special Issue : The Neural Correlates of Lexical Processing 21, 195-215. doi: 10.1075/ml.8.2.04dur FRIDRIKSSON, J., NETTLES, C., DAVIS, M., MORROW, L., & MONTGOMERY, A. (2006). Functional communication and executive function in aphasia. Clin Linguist Phon, 20(6), 401-410. doi: 10.1080/02699200500075781 GRAFMAN, J. (2000). Conceptualizing functional neuroplasticity. J Commun Disord, 33(4), 345-355. doi: S0021-9924(00)00030-7 [pii] HEISS, W. D., THIEL, A., KESSLER, J., HERHOLZ, K. (2003). Disturbance and recovery of language function : correlates in PET activation studies. NeuroImage, 20(supp.1), S42-S49. KATELL, M. E. a. (2009). Le réseau cérébral par défaut : rôle cognitif et perturbations dans la pathologie. Laboratoire de neuropsychologie GIP Cyceron. Université de Caën. Basse Normandie. KEMMERER, D., CASTILLO, J. G., TALAVAGE, T., PATTERSON, S., & WILEY, C. (2008). Neuroanatomical distribution of five semantic components of verbs : Evidence from fMRI. Brain and Language, 107(1), 16-43. doi: http://dx.doi.org/10.1016/j.bandl.2007.09.003 KLEIM, J. A., & JONES, T. A. (2008). Principles of Experience-Dependent Neuroplasticity. Journal of Speech and Hearning Research. Le DORZE, G., & BRASSARD, C. (1995). A description of the consequences of aphasia on aphasic persons and their relatives and friends, based on the WHO model of chronic disease. Aphasiology, 9(3), 239-255. LEPPÄNEN, P. H. T. (2013). Introduction to the Special Issue on Brain Event-Related Potentials as Biomarkers of Language and Literacy Development, Feedback, and Intervention. Developmental Neuropsychology, 38(8), 507-513. doi: 10.1080/87565641.2013.829842 MACOIR, J., ROUTHIER, S. SIMARD, A. PICARD, J. (2012). Maintenance and Generalization Effects of Semantic and Phonological Treatments of Anomia : A Case Study. Communication Disorders Quartely., 33(2), 119-128. MALLY, J. (2013). Non-invasive brain stimulation (rTMS and tDCS) in patients with aphasia : Mode of action at cellular level. Brain Research Bulletin, 98, 30-35. MARCOTTE, K., ADROVER-ROIG, D., DAMIEN, B., de PREAUMONT, M., GENEREUX, S., HUBERT, M., & ANSALDO, A. I. (2012). Therapy-induced neuroplasticity in chronic aphasia. Neuropsychologia, 50(8), 1776-1786. doi: 10.1016/j.neuropsychologia.2012.04.001 MARCOTTE, K., PERLBARG, V., MARRELEC, G., BENALI, H., & ANSALDO, A. I. (2013). Defaultmode network functional connectivity in aphasia : therapy-induced neuroplasticity. Brain Lang, 124(1), 45-55. doi: 10.1016/j.bandl.2012.11.004 167 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page168 MARCOTTE, K., VITALI, P., DELGADO, A. P., & ANSALDO, A. I. (2006). Bases neurobiologiques de la récupération de l'aphasie chronique : réseaux impliqués dans la dénomination à la suite d'une thérapie sémantique. Fréquences. Revue d l'Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec, 18(2), 23-26. MARTIN, P., TREGLIA, E., NAESER, M.A., HO, M., BAKER, E., MARTIN, E. G., BASHIR, S., PASCUAL-LEONE, A. (2014). Language improvements after TMS plus modified CILT : Pilot, openprotocol study with two chronic nonfluent aphasia cases. Restorative Neurology and Neuroscience, 32, 483-505. MEINZER, M., DJUNDJA, D., BARTHEL, G., ELBERT, T., & ROCKSTROH, B. (2005). Long-term stability of improved language functions in chronic aphasia after constraint-induced aphasia therapy. Stroke, 36(7), 1462-1466. doi: 10.1161/01.STR.0000169941.29831.2a MEINZER, M., FLAISCH, T., BREITENSTEIN, C., WIENBRUCH, C., ELBERT, T., & ROCKSTROH, B. (2008). Functional re-recruitment of dysfunctional brain areas predicts language recovery in chronic aphasia. NeuroImage, 39(4), 2038-2046. doi: http://dx.doi.org/10.1016/j.neuroimage.2007.10.008 NAESER, M. A., MARTIN, P., TREGLIA, E., HO, M., KAPLAN, E., BASHIR, S., HAMILTON, R., COSLETT, H.B., PASCUAL-LEONE, A. (2010). Research with rTMS in the treatment of aphasia. Restorative Neurology and Neuroscience, 28, 511-529. PERANI, D. (2003). A fMRI study of word retrieval in aphasia. Brain and Language, 85(3), 357-368. PRICE, C. J. (2000). The anatomy of language : contributions from functional neuroimaging. J Anat, 197 Pt 3, 335-359. PULVERMÜLLER, F. (2005). Brain mechanisms linking language and action. Nat Rev Neurosci, 6(7), 576-582. PULVERMÜLLER, F. (2011). Meaning and the brain : The neurosemantics of referential, interactive, and combinatorial knowledge. Journal of Neurolinguistics(0). doi: 10.1016/j.jneuroling.2011.03.004 PULVERMÜLLER, F., & BERTHIER, M. L. (2008). Aphasia therapy on a neuroscience basis. Aphasiology, 22, 563-599. PULVERMÜLLER, F., NEININGER, B., ELBERT, T., MOHR, B., ROCKSTROH, B., KOEBBEL, P., & TAUB, E. (2001). Constraint-induced therapy of chronic aphasia after stroke. Stroke, 32(7), 16211626. RAYMER, A. M. (2008). Transalational Research in Aphasia : From neuroscience to Neurorehabilitation. RAYMER, A. M., SINGLETARY, F., RODRIGUEZ, A., CIAMPITTI, M., HEILMAN, K. M., & ROTHI, L. J. G. (2006). Effects of gesture+verabl treatment for noun and verb retrieval in aphasia. Journal of the International of Speech-language Pathology, 8(2), 92-109. RICHTER, M., MILTNER, W. H., & STRAUBE, T. (2008). Association between therapy outcome and right-hemispheric activation in chronic aphasia. Brain, 131(5), 1391-1401. RIZZOLATTI, G., & CRAIGHERO, L. (2004). The mirror-neuron system. Annu. Rev. Neurosci., 27, 169-192. RIZZOLATTI, G., & SINIGAGLIA, C. (2010). The functional role of the parieto-frontal mirror circuit : interpretations and misinterpretations. Nat Rev Neurosci, 11(4), 264-274. ROSE, M. L. (2006). The utility of arm and hand gestures in the treatment of aphasia. International Journal of Speech-Language Pathology, 8(2), 92-109. doi: 10.1080/14417040600657948 Santé, O. M. d. l. (2013). Statistiques sanitaires mondiales. apps.who.int. iris. Dépôt Institutionnel pour le partage de l'information ISBN:9789242564587. SMALL, S. L., BUCCINO, G., & SOLODKIN, A. (2013). Brain repair after stroke-a novel neurological model. Nat Rev Neurol, 9(12), 698-707. doi: 10.1038/nrneurol.2013.222 TAUB, E., USWATTE, G., & ELBERT, T. (2002). New Treatments in Neurorehabilitation Founded on Basic Research. Nature Reviews Neuroscience, 3(3), 228-236. doi: 10.1038/nrn754 TETTAMANTI, M., BUCCINO, G., SACCUMAN, M. C., GALLESE, V., DANNA, M., SCIFO, P., PERANI, D. (2005). Listening to Action-related Sentences Activates Fronto-parietal Motor Circuits. Journal of Cognitive Neuroscience, 17(2), 273-281. doi: 10.1162/0898929053124965 168 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page169 THOMSON, C. K. d. O. D. B., BONAKDARPOUR, B., GARIBALDI, K., PARRISH, T.B. (2010). Neural Plasticity and treatment-induced recovery of sentence processing agrammatism. Neuropsychologia, 48(11), 3211-3227. TREMBLAY, F., DURAND, E., MARCOTTE, K., & ANSALDO, A. I. (2013, November 7th). Largescale neural networks' dynamics in language and recovery from aphasia : functional connectivity data. Paper presented at the Society for the Neurobiology of Language SNL, San Diego. TREMBLAY, P., & GRACCO, V. L. (2009). Contribution of the pre-SMA to the production of words and non-speech oral motor gestures, as revealed by repetitive transcranial magnetic stimulation (rTMS). Brain Res, 1268, 112-124. doi: 10.1016/j.brainres.2009.02.076 TREMBLAY, P., SATO, M., & SMALL, S. L. (2012). TMS-induced modulation of action sentence priming in the ventral premotor cortex. Neuropsychologia, 50, 319-326. VALERO-CABRE, A., PASCUAL-LEONE, A., & COUBARD, O. A. (2011). La stimulation magnétique transcrânienne (SMT) dans la recherche fondamentale et clinique en neuroscience. Revue Neurologique, 167(4), 291-316. doi: http://dx.doi.org/10.1016/j.neurol.2010.10.013 VAN HEES, S., MCMAHON, K., ANGWIN, A., DE ZUBICARAY, G., READ, S., & COPLAND, D. A. (2014). A functional MRI study of the relationship between naming treatment outcomes and resting state functional connectivity in post-stroke aphasia. Hum Brain Mapp, 35(8), 3919-3931. doi: 10.1002/hbm.22448 WEIDUSCHAT, N., THIEL, A., RUBI-FESSEN, I., HARTMANN, A., KESSLER, J., MERL, P., KRACHT, L. ROMMEL, T., HEISS, W.D. (2011). Effects of repetitive transcranial magnetic stimulation in aphasic stroke : A randomized controlled pilot study. Stroke, 42, 409-415 169 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page170 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page171 Contribution de l’IRM à l’analyse de la physiologie de la déglutition et des dysphagies oropharyngées : étude fonctionnelle des prothèses intra-laryngées Florence Guilleré Résumé Ces travaux ont pour objectif, à partir de l’analyse en ciné-IRM du processus de déglutition salivaire chez un sujet sain, d’optimiser le rendement clinique de cette technique pour les dysphagies. Un protocole d’imagerie rapide et une grille d’évaluation (D-GRID) ont été conçus. Leur application a été étudiée chez des patients présentant une tumeur des voies aéro-digestives supérieures, et chez des patients porteurs de Prothèses Intra-Laryngées (PIL). La D-GRID permet de mesurer et d’évaluer le mécanisme de protection des voies aériennes, de concevoir des programmes de réhabilitation et de suivre l’évolution des dysphagies. L’analyse de la déglutition en ciné-IRM est limitée par l’absence de bolus et la position de decubitus dorsal, mais nos résultats montrent sa fiabilité. La ciné-IRM définit des modèles du déplacement normal ou anormal des structures anatomiques au cours de la déglutition. Les données de l’imagerie dynamique contribuent au développement des PIL. Mots clés : ciné-IRM, déglutition salivaire, dysphagies oropharyngées, grille d’évaluation (D-GRID), prothèses Intra-Laryngées. Contribution of cine-MRI to the physiology of swallowing and oro-pharyngeal dysphagia. Functional study of intra-laryngeal prostheses Abstract The aim of this study was to develop the use of fast imaging to assess the swallowing mechanism in healthy volunteers, and to optimize its clinical use in case of oro-pharyngeal dysphagia. A fast imaging protocol during dry swallowing and an evaluation grid (D-GRID) were designed. Healthy subjects, patients with head and neck cancer or patients implanted with intra-laryngeal prostheses underwent kinetic MRI. True-FISP sequences provide accurate information about morphological aspects of the oro-pharyngo-larynx and displacements of anatomical structures involved in the normal or impaired swallowing mechanism. The analysis of the swallowing process with cine-MRI is restricted because of the lack of bolus and the supine position, but our results show the reliability of this method. Patterns of normal or abnormal anatomical structures movements during swallowing are determined by cine-MRI. The development of Intra-Laryngeal Prostheses represents a therapeutic solution partly based on dynamic MRI data. Key Words : Cine-MRI, Dry Swallowing, Oro-Pharyngeal Dysphagia, Evaluation grid (D-GRID), Intra-Laryngeal Prostheses. Rééducation Orthophonique - N° 260 - décembre 2014 171 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page172 Florence GUILLERÉ, Ph.D. Orthophoniste Service d’ORL et de chirurgie cervicofaciale CHU de Strasbourg Hôpital Hautepierre (Strasbourg) 1 Av Molière 67098 Strasbourg Cedex Courriel : [email protected] L ’article présenté est un extrait de la thèse soutenue en septembre 2013 par Florence Guilleré, orthophoniste au service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale du CHU de Strasbourg15. Depuis octobre 2005, F. Guilleré développe l’application des techniques d’IRM du mouvement à l’évaluation et à la rééducation des dysphagies oropharyngées en collaboration avec Christian Debry et Philippe Schultz, chirurgiens ORL, Francis Veillon et Sophie Riehm, radiologues du service de radiologie du CHU9. Ces travaux ont eu pour objectifs, à partir de l’analyse en ciné-IRM de la déglutition de la salive chez le sujet sain, de préciser son intérêt diagnostique pour les dysphagies, d’analyser le mécanisme physiopathologique, de concevoir des programmes de rééducation des dysphagies, d’évaluer objectivement l’évolution des troubles de la déglutition, l’impact de la rééducation, et d’étudier la fonctionnalité d’implants intralaryngés. ♦ Ciné-IRM et DÉGLUTITION La déglutition est le mécanisme permettant le passage de la salive et des aliments de la cavité buccale vers l’œsophage tout en protégeant les voies respiratoires. Les perturbations de ce processus, observables à tout âge, de la naissance au plus grand âge, peuvent être la conséquence d’une atteinte périphérique des structures anatomiques du carrefour aéro-digestif ou de celle des structures corticales et/ou sous-corticales impliquées dans le contrôle neurologique de la déglutition7,22,23,26,30,31. Les étiologies susceptibles d’entraîner des troubles de la déglutition et d’engager le pronostic vital et fonctionnel sont nombreuses et variées (tumeurs des Voies Aéro-Digestives Supérieures (VADS), affections neurologiques tumorales ou dégénératives, traumatismes, vieillissement…). Plusieurs spécialités médicales dont l’ORL sont concernées par les dysphagies et leur prise en charge, et les explorations fonctionnelles de la déglutition sont en constante évolution. 172 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page173 Actuellement, le « gold-standard » des méthodes d’exploration de la déglutition en cas de dysphagie demeure la vidéofluoroscopie. Néanmoins les informations concernant les tissus mous restent limitées, la vidéofluoroscopie est irradiante et contre-indiquée en cas de fausses-routes majeures. La méthode d’investigation idéale des troubles de la déglutition serait une technique non invasive, de résolutions spatiale et temporelle permettant de visualiser précisément i) les phases de la déglutition, ii) le transfert de la salive ou d’un bolus de différentes textures au travers des voies aéro-digestives, iii) la morphologie et le déplacement des structures anatomiques impliquées et iiii) les fausses-routes. Les premières applications de l’IRM dynamique à l’étude de la déglutition et des dysphagies oropharyngées datent des années 90, avec le développement des techniques d’imagerie rapide ou ultra-rapide du mouvement pour l’imagerie cardiaque et vasculaire1-6,10-13,16-19,24,28,29. Les premières IRM dynamiques de déglutition ont été pratiquées en déglutition salivaire ou avec ingestion d’un produit de contraste liquide ou solide. L’IRM s’effectue en position de decubitus dorsal (voir glossaire, annexe 1) : avaler un bolus solide ou liquide en position allongée sur le dos n’est pas un contexte physiologique standard de déglutition et présente des risques de fausses-routes. En revanche, la déglutition de la salive dans cette position s’apparente à la déglutition de la salive au repos. L’IRM est ainsi envisageable dans la majorité des cas, en particulier pour les patients traités pour un cancer ORL qui présentent des troubles sévères de la déglutition, et pour lesquels une vidéofluoroscopie est contre-indiquée23. La prise en charge des dysphagies comporte la rééducation de la déglutition ; les programmes rééducatifs sont fondés sur les données de l’exploration du mécanisme physiopathologique. Les études portant sur les effets de la réhabilitation de la déglutition sont peu nombreuses et hétérogènes. En 2009, R. Speyer et al.27 ont analysé 59 articles rédigés en allemand, anglais, français, hollandais et espagnol, publiés de 1986 à 2008. Il ressort de cette revue de la littérature que, tandis que les effets à court terme de la rééducation sont bien documentés, les données des effets à long terme restent rares. Les points faibles les plus fréquemment rencontrés dans la méthodologie sont l’absence de groupe contrôle – groupe constitué de patients n’ayant pas bénéficié de rééducation -, les possibilités de récupération spontanée qui ne sont pas évoquées, le faible nombre de patients inclus aux études, le manque d’analyses statistiques, d’évaluation objective, et de données pré-traitement. L’examen de la déglutition de la salive par IRM dynamique permet une évaluation objective de la dysphagie. Les dysfonctionnements majeurs du pharyngo-larynx sont responsables de troubles sévères de la déglutition et/ou de problèmes respiratoires importants (e.g. sténose laryngée (voir glossaire, annexe 1)). Une bio-prothèse implantable 173 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page174 en silicone et en titane comportant des valves, dénommée PIL (Prothèse Intra Laryngée), conçue afin de suppléer aux fonctions déficientes, est actuellement à l’étude8,14. Elle a été mise au point à partir de travaux théoriques associant ingénieurs et cliniciens (ERT 1061 – UMR 977 – Protip SAS). La PIL est proposée lorsqu’aucune amélioration notable ne peut être rapidement espérée par la rééducation orthophonique ou par les techniques chirurgicales répertoriées dans la littérature. Le suivi pré- et post-opératoire clinique et radiologique des patients comporte l’analyse à différents intervalles de la fonction respiratoire, du fonctionnement des valves par nasofibroscopie et par ciné-IRM, de l’appréciation des fausses-routes sous réalimentation per os par nasofibroscopie et vidéofluoroscopie. La première partie de cet exposé présente le développement du protocole d’IRM de la déglutition et la conception de la grille d’évaluation (D-GRID*). La deuxième partie illustre à partir d’un cas détaillé comment analyser le mécanisme physiopathologique et concevoir un programme de rééducation de la déglutition d’après les données de l’IRM. La troisième partie ouvre des perspectives d’application de la ciné-IRM par l’étude de la fonctionnalité d’implants intra-laryngés. ♦ L’analyse de la déglutition par ciné-IRM L’application de la ciné-IRM chez des patients présentant une dysphagie oropharyngée a rendu nécessaire l’exploration de la déglutition chez des sujets sains en ciné-IRM afin d’obtenir des données standard et mettre en évidence la physiopathologie. Matériels et Méthodes Des acquisitions morphologiques et dynamiques dans les 3 plans au cours de la déglutition de la salive ont été obtenues chez des individus sains (n=30). La population témoin est constituée de 10 hommes et 20 femmes (sexratio : 1/2), âgés de 23 à 61 ans (moyenne : 39 ans, médiane : 42 ± 19 ans). La cohorte est composée de personnel médical ou paramédical hospitalier exempt de tout antécédent de troubles de la déglutition. Le protocole d’imagerie comporte l’IRM morphologique puis l’IRM dynamique de déglutition dans les 3 plans de l’image : le plan sagittal médian pour l’analyse des mouvements ; le plan coronal dont : - une coupe oblique postérieure (COR 1) parallèle à la Paroi Pharyngée Postérieure (PPP) pour apprécier le recul de la langue, - une coupe oblique antérieure (COR 2) passant par l’épiglotte et le pharyngolarynx pour mettre en évidence l’action des 174 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page175 muscles palato-pharyngiens et la fermeture glottique (Fig.1) ; le plan axial passant par la Base De Langue (BDL) et la vallécule parallèlement au disque intervertébral C3/C4 afin de visualiser l’occlusion oropharyngée maximale (Fig.2). Fig.1. Copies d’écran des plans de coupe a) coronale postérieure -COR1- b) coronale antérieure –COR2*. *NB : comme en radiologie, sur les coupes coronales et axiales, ce qui est à droite de l’écran correspond au côté gauche du sujet, ce qui est à gauche sur l’image est la droite du sujet Fig.2. Copie d’écran du plan de coupe axial -AX1- 175 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page176 Aucun produit de contraste n’a été utilisé. Il a été simplement demandé au sujet d’avaler en continu sa salive pendant toute la durée du bruit de chaque séquence dynamique. Les séquences d’imagerie rapide ont été obtenues sur un système de 1.5 T (MAGNETOM Avanto, Siemens, Erlangen, Allemagne). La durée d’acquisition était de 22 secondes pour 128 images soit 5.8 images par seconde dans le plan sagittal ; dans les plans coronal et axial, la durée d’acquisition était de 18 s pour 100 images soit 5.5 images par seconde (les caractéristiques techniques complémentaires figurent en annexe 2). L’examen dure environ 15mn. *D-GRID : Déglutition-Guilleré RIehm Debry Interprétation Les images ont été enregistrées sous format numérique DICOM (Digital Imaging and COmmunications in Medicine) gravées sur CD Rom. Les séries ont été interprétées sur une console en double lecture (SR radiologue et FG orthophoniste). Les différentes phases de la déglutition ont été analysées en mode dynamique et également image par image. Calculs statistiques Les calculs statistiques ont été réalisés par un biostatisticien (FL), avec le logiciel R-2.14.0. Les comparaisons entre variables -déplacements des structures anatomiques (déplacement de la PPP-stades 0 et 1-, élévation du larynx -1, 1,5, 2, 2,5 vertèbres- et élévation de l’os hyoïde –1, 1,5, 2 vertèbres–), sexe des témoins- et les coefficients de corrélation ont été calculés avec les tests de Fisher, de Spearman et de Student. Nous rapporterons ici les résultats principaux. La concordance entre les mesures de ces déplacements effectuées par les observateurs a été évaluée avec le coefficient Kappa de Cohen pondéré. Les intervalles de confiance de ce coefficient ont été calculés à 95%. La significativité de chaque test a été retenue au seuil de 5%, (p-value<0.05). Résultats Les structures anatomiques participant à la déglutition sont identifiées aussi bien en imagerie morphologique qu’en imagerie ultra-rapide, quel que soit le plan de coupe (Fig.3-5). Visualisation des mouvements : Deux phases de la déglutition salivaire sont identifiées : mouvement lingual, élévation du voile du palais et fermeture vélo-pharyngée pour la phase orale ; élévations du larynx et de l’os hyoïde, recul de la BDL, bascule de l’épiglotte, contraction des muscles palatopharyngiens, rapprochement des cartilages aryténoïdes, occlusion oropharyngolaryngée à l’exception de la relaxation et de l’ouverture du Sphincter Supérieur de l’Œsophage (SSO) pour la phase pharyngée. 176 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page177 Fig. 3. Identification et correspondance des structures anatomiques en coupe sagittale médiane cervicale haute a) en IRM morphologique b) en mode True-FISP. 1. palais dur, 2. uvule palatine, 3. lèvres, 4. paroi pharyngée postérieure, 5. langue, 6. oropharynx, 7. épiglotte, 8. mandibule, 9. os hyoïde, 10. vestibule laryngé, 11. vallécule, 12. cartilage aryténoïde, 13. cartilage cricoïde, 14. bouche de l’œsophage. Fig. 4. Identification et correspondance des structures anatomiques en coupe coronale cervicale haute a) en IRM morphologique b) en mode True-FISP. 1. uvule palatine, 2. muscle palato-pharyngien, 3. épiglotte, 4. repli ary-épiglottique, 5. vestibule laryngé, 6. bande ventriculaire, 7. ventricule de Morgagni, 8. cartilage thyroïde, 9. corde vocale. 177 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page178 Fig. 5. Identification et correspondance des structures anatomiques en coupe transversale cervicale a) en IRM morphologique b) en mode True-FISP. 1. mandibule, 2. os hyoïde, 3. épiglotte, 4. sinus piriforme, 5. larynx, 6. bouche de l’œsophage. Grille d’évaluation (D-GRID) et mesures (Tableau 1) La D-GRID, fondée sur les observations en imagerie dynamique, a été conçue pour représenter et évaluer la mobilité des tissus mous et des cartilages essentiels à la déglutition et à la rééducation de ses troubles : recul de la BDL, avancée de la PPP (facteur oropharyngé) et élévations du larynx et de l’os hyoïde (facteur laryngé). Les mouvements de ces structures anatomiques ont pour objectif la fermeture complète de l’isthme oropharyngolaryngé à la déglutition : la qualité de l’occlusion oropharyngée a été intégrée à la grille, destinée à des patients susceptibles de présenter des fausses-routes, des capacités motrices réduites et une occlusion oropharyngée déficiente. Nous avons choisi une échelle à 3 degrés d’évaluation : 0 pour absence de mouvement et d’occlusion, 1 pour mouvement et occlusion incomplets, 2 pour mouvement et occlusion complets. Facteur oropharyngé : Un recul lingual et une occlusion oropharyngée complets (stade 2) correspondent à un déplacement antéro-postérieur net de la langue et à la disparition de la filière aérique de l’oropharynx (Fig.6) ; un déplacement de la BDL et une occlusion complets, de stade 2, ont été constatés chez tous les 178 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page179 témoins (Tableau 1). Les stades 0 et 1 reflèteraient des troubles de déglutition graves (0 : pas de recul de la BDL) ou modérés (1 : recul incomplet de la BDL). La motilité de la PPP est variable : elle reste immobile (stade 0) chez 33,33% de la cohorte (Tableau 1). La mesure de son avancée (d) peut être réalisée à partir d’un point fixe, le corps vertébral de C2 ou l’interligne C2-C3 en regard de l’oropharynx, selon la morphologie du sujet (Fig.7). Pour cela, il suffit d’effectuer une première mesure au repos, soit de sélectionner la réglette proposée dans la barre d’outils à disposition sur l’écran, de cliquer sur le premier point de référence à l’extrémité du corps vertébral de C2, et de déplacer la souris jusqu’à l’extrémité de la PPP (vers la gauche de l’écran), de cliquer une nouvelle fois pour fixer la mesure : la valeur de la distance s’affiche en mm. La deuxième mesure sera réalisée de la même façon au point maximal de déglutition repéré en faisant défiler les images une à une (Fig.7). La mesure du déplacement est obtenue par soustraction de la valeur minimale de la valeur maximale. Les valeurs de d obtenues chez 66,67% des témoins sont réparties de 0,5 à 3 mm (précision au 5/10ème de mm) : elles peuvent correspondre au stade 1, soit 0<d≤3 mm (Tableau 1). Les stades 0 et 1 de l’avancée de la PPP sont physiologiques ; les valeurs de d supérieures à 3 mm correspondraient à un stade 2. Fig.6. Coupes sagittales médianes cervico-faciales en mode True-FISP a) au repos b) à la déglutition, recul de la BDL et occlusion oropharyngée complets (stades 2). 179 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page180 Fig.7. Mesure de l’avancée de la PPP (d) sur des coupes sagittales médianes en mode True-FISP a) épaisseur de la PPP au repos : 4 mm e) épaisseur maximale de la PPP à la déglutition : 6 mm, d=2 mm (stade 1). Facteur laryngé : l’élévation laryngée est repérable par le déplacement du cartilage cricoïde et celui de l’os hyoïde dans l’axe vertical. La colonne cervicale, qui est une unité anatomique fixe, individuelle relative, a été choisie comme unité de mesure. L’ascension du larynx est calculée à partir du bord inférieur du cartilage cricoïde, du point de référence à l’horizontale au repos en regard de C6 à son point le plus haut, et celle de l’os hyoïde à l’horizontale au repos en regard de C3 à son point le plus haut, de ½ vertèbre en ½ vertèbre (Fig.8). Le larynx s’élève de 1 à 2,5 vertèbres et l’os hyoïde de 1 à 2 vertèbres chez les sujets sains (Tableau 1). 180 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page181 Fig.8. Mesures de l’élévation du larynx et de l’os hyoïde b) élévation maximale au cours de la déglutition : larynx: 1,5 vertèbres ; os hyoïde : 1 vertèbre. a) position au repos Résultats statistiques Les résultats ne font pas apparaître de corrélations statistiquement significatives entre âge, avancée de la PPP, élévations du larynx et de l’os hyoïde (p>0.05). Le coefficient de corrélation rho de Spearman, calculé pour la PPP dont le mouvement est une variable à deux valeurs (stade 0 ou stade 1), est légèrement négatif, plus l’âge augmente, moins la paroi pharyngée se déplace. Une corrélation entre l’élévation du larynx et celle de l’os hyoïde est observée (p Fisher=0.002). La comparaison des élévations deux à deux n’est pas significative (p>0.05). L’avancée du mur pharyngé est plus importante chez les femmes que chez les hommes (p Fisher=0.044). Les élévations du larynx et de l’os hyoïde ne sont pas sexe-dépendantes (p Fisher=0.904). L’étude de la fiabilité inter-lecteurs montre un niveau d’accord entre les juges (coefficient Kappa modéré) excellent (0.81<K<1) pour les mesures des déplacements du mur pharyngé postérieur (0.93), du larynx (0.93) et de l’os hyoïde (0.92). Discussion Les études répertoriées de 1995 à 20101-6,10-13,16-19,24,28,29 (Tableau 2) concernent exclusivement ou en partie l’analyse de la déglutition en IRM dynamique chez des volontaires sains en temps réel. Différentes séquences d’imagerie rapide ont été testées : les séquences les plus appropriées à la déglutition (peu d’artefacts de mouvements) sont les séquenses Turbo-FLASH4,6,11,17,24,28, 181 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page182 SSFSE3,16 et True-FISP1,5. Les images obtenues dans notre série (Fig. 1 à 8) offrent une qualité satisfaisante pour la visualisation statique morphologique ou dynamique de la déglutition. Les systèmes d’IRM dynamique de la déglutition les plus fréquemment utilisés ont une induction magnétique de 1,5 T (Tesla, voir glossaire - Tableau 2), rarement en-dessous (0,5 T18). Les essais (n=2) que nous avons menés sur un système à 3 T (Signa, General Electric, Buc, France), se sont avérés de moins bonne qualité : un système à haut champ magnétique est plus sensible aux artefacts de mouvements20. De plus, les éléments d’antenne équipant l’Avanto sont plus spécialisés, et dédiés à l’imagerie cervicale. Nous avons poursuivi les examens sur le système de 1,5 T. La majeure partie des études rapportées (n=18, Tableau 2) comportent des acquisitions de ciné-IRM ou d’IRM morphologiques de référence en séquences sagittales (n=16) ; quelques-unes s’intéressent aux séquences coronales (n=6) et axiales (n=3) : nous avons réalisé les premières acquisitions et recueilli des données en IRM dynamique de déglutition dans les 3 plans de l’image. Le protocole en ciné-IRM a été développé dans notre équipe en déglutition salivaire en raison de son objectif : son application en carcinologie ORL. Les traitements des tumeurs des voies aéro-digestives supérieures peuvent être à l’origine de fausses-routes majeures chez des patients déjà sévèrement fragilisés par la maladie. En outre, la rééducation de la déglutition est réalisée en déglutition salivaire lorsque la reprise de l’alimentation n’est pas possible par voie orale : les données de l’IRM dynamique ont été exploitées dans la perspective de l’évaluation des capacités de la déglutition de la salive et de leur évolution. La position en decubitus dorsal et la déglutition salivaire sont apparentées à la déglutition naturelle au cours du sommeil. Honda et al. relèvent une différence de coordination des mouvements entre la déglutition en position assise ou en position allongée : l’IRM à champ ouvert offre des perspectives intéressantes pour une imagerie de déglutition avec bolus en position assise17. Les études réalisées avec des séquences True-FISP ont porté sur la déglutition de bolus liquide5 (eau), de bolus de texture lisse5 (yaourt) ou pâteuse1, 5 (semoule5, pudding1), avec ou sans agent de contraste5 (gadolinium5 (voir glossaire) ou dérivé de gadolinium1). Notre équipe a réalisé les premières IRM dynamiques de déglutition salivaire en séquences True-FISP. L’interprétation des images dépend des connaissances préalables de la physiologie de la déglutition. En vidéofluoroscopie l’interprétation des images est subjective et les études de fiabilité inter- ou intra-individuelle montrent des différences (Léonard et al.21, communication de V. Woisard, congrès de la SFP&PaCo, oct. 2010). Dans notre étude, la concordance inter-observateurs à l’interprétation des images et à la cotation de l’avancée de la PPP et de l’élévation de l’os hyoïde et du larynx est statistiquement excellente (0.81<K<1). Une 182 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page183 étude de la concordance inter- et intra-observateurs serait à mener avec un plus grand nombre de lecteurs. Parmi les études de la déglutition en ciné-IRM répertoriées (Tableau 2), la seule échelle proposée (Honda et al. en 200317) est ciblée sur la comparaison de la qualité des images obtenues en ciné-IRM et en vidéofluoroscopie. La DGRID, fondée sur les observations en imagerie dynamique, a été conçue pour représenter et évaluer la mobilité des tissus mous et des cartilages essentiels à la déglutition et à la rééducation de ses troubles : recul de la BDL, avancée de la PPP (facteur oropharyngé) et élévation du larynx (facteur laryngé). En position de decubitus dorsal et en déglutition salivaire, les données de notre cohorte montrent que le déplacement de la PPP n’est pas observé pour un tiers de sujets sains (stade 0) : cette absence de mobilité doit être considérée comme normale. Lorsqu’il est observé, le déplacement de la PPP (d) est compris entre 0,5 et 3 mm (stade 1) : l’avancée standard de la PPP correspond au stade 0 ou 1. Des valeurs supérieures à 3 mm ou stade 2 pourraient signifier une compensation par développement de ce déplacement pour améliorer un mécanisme de protection des voies aériennes déficitaire ou problématique. Les mesures des élévations en unités anatomiques de notre cohorte déterminent les valeurs standard qui serviront de référence pour les patients dysphagiques : élévation du larynx de 1 à 2,5 vertèbres, élévation de l’os hyoïde de 1 à 2 vertèbres (Tableau 1). Les mesures des déplacements de l’os hyoïde et du larynx en vidéofluoroscopie de la déglutition montrent une corrélation entre l’élévation de l’os hyoïde et de celle du larynx dans l’étude de Palmer et al.25, qui suggèrent que le mécanisme musculaire est commun aux deux structures. Nos résultats retrouvent cette corrélation statistiquement significative (p<0.05). Nous avons décidé de conserver les deux structures anatomiques dans notre grille d’évaluation malgré leur corrélation pour deux raisons : une raison statistique (comparaison deux-à-deux non significative -p>0.05-) et une raison clinique (résections partielles ou totales de l’os hyoïde et atteinte plus ou moins importante des muscles sous- ou sus-hyoïdiens dans les traitements des cancers des VADS). ♦ Conclusions Globalement, nos résultats confirment les données de la littérature sur l’application de l’imagerie rapide à l’analyse de la déglutition. Les séquences True-FISP sont adaptées à la visualisation directe des lèvres, de la langue, du palais mou, du pharynx, du larynx et de l’œsophage, et à la description quantitative et qualitative des mouvements des structures laryngées au cours du cycle 183 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page184 normal de la déglutition. Notre protocole d’imagerie permet une analyse chronologique du processus de déglutition. La D-GRID est un outil simple de mesure des composantes de la physiologie de la déglutition, conçu pour être appliqué à la physiopathologie des dysphagies oropharyngées, en complément d’autres méthodes d’exploration, comme la nasofibroscopie et la vidéofluoroscopie de déglutition. Nous avons déterminé des valeurs de référence des déplacements des structures anatomiques au cours de la déglutition chez des sujets sains afin d’évaluer les déplacements de ces structures anatomiques chez des patients dysphagiques. L’exploitation de la D-GRID dans ce contexte est étudiée et illustrée dans la partie 2. ♦ Application de la ciné-IRM à l’examen des dysphagies oropharyngées d’étiologie ORL au CHU de Strasbourg : Étude de cas Le but de cet exposé est de décrire, à partir d’un cas clinique de dysphagie en carcinologie ORL, comment la ciné-IRM de la déglutition de la salive contribue de façon précise à l’analyse de la physiopathologie et à la rééducation de la déglutition. Étude de cas - Patient N°45 Le patient (♂, 54 ans), présente une tumeur classée pT3N1M0 (voir glossaire) de la région des 3 replis à droite traitée par laryngectomie sus-glottique avec hémiépiglottectomie droite étendue au repli ary-épiglottique, ablation de la moitié de l’os hyoïde du côté droit et curage cervical fonctionnel bilatéral (voir glossaire) avec gastrostomie et trachéotomie. L’exérèse carcinologique est représentée en figure 9. La respiration est assurée par une canule de trachéotomie ; le système est non fenêtré (voir glossaire) au début afin de protéger les voies respiratoires des fausses-routes salivaires, puis fenêtré (voir glossaire) au 8ème jour pour laisser un passage au flux d’air par les voies respiratoires hautes. L’alimentation est garantie par voie entérale (sonde de gastrostomie). La cicatrisation au bout de 10 jours autorise le sevrage de la canule. La décanulation bien supportée dans les 24 h permet l’entraînement rééducatif avec apprentissage de la technique sans et avec déglutition salivaire (manœuvre de déglutition supra sus-glottique avec rotation à droite22,31). L’exercice des praxies oro-pharyngolaryngées stimule les glandes salivaires et favorise la production de la salive : il sera abordé quand la déglutition de la salive et la reprise alimentaire seront assurées. La reprise de la nutrition par voie orale est progressive, avec de l’eau gélifiée puis des aliments de textures mixées ou lisses (yaourts, compotes…) ; les 184 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page185 liquides sont proscrits afin d’éviter les fausses-routes et sont épaissis. La chirurgie est suivie d’une Radio- et ChimioThérapie (RCT) qui débute 2 mois et demi après l’intervention, et dure 7 semaines. Le patient bénéficie de 11 séances de rééducation orthophonique post-opératoire au cours de son hospitalisation et de 4 séances après hospitalisation, sur une période de 7 mois. Durant cette période, très motivé, il s’entraîne quotidiennement (4 fois par jour, durée de quelques minutes à 20 minutes) avec des interruptions dues à son état de fatigue au cours de la RCT. Le mode de nutrition est mixte pendant la durée des traitements, et laissé à l’appréciation du patient. Il sera sevré de sa sonde de gastrostomie 2 mois après la RCT. Fig.9. Exérèse carcinologique patient N°45 IRM1 Chez ce patient, nous ne disposons pas de données pré-traitement, et la première acquisition en ciné-IRM (représentée par X sur le tableau 3) est réalisée 1 mois après le traitement chirurgical. Le patient présente un recul lingual incomplet, une avancée de la PPP de stade 1, une occlusion oropharyngée complète dans le plan sagittal médian (Fig. 10 a), et une élévation laryngée réduite (0.5 vertèbre). Les données sont exposées sur le tableau 3. Les coupes coronales et axiale objectivent une fermeture oropharyngée quasi-complète, avec un sinus piriforme droit semi-fermé (à gauche sur l’image) (Fig. 10 b,c). Une faiblesse de la fermeture apparaît par intermittence, l’occlusion oropharyngée est effective de façon plus brève à droite qu’à gauche. Le mécanisme de protection des voies respiratoires est insuffisant. Les données du facteur oropharyngé dans le plan sagit- 185 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page186 tal montrent un déficit du recul lingual qui n’entrave pas l’occlusion oropharyngée dans le plan sagittal : le déplacement de la PPP, dans les limites standard (d1=1,5 mm, 0<d1≤3 mm, stade 1), permet une occlusion complète. Ce mouvement spontané de la PPP pourrait être un moyen de compensation développé spontanément par le patient ou préexister à la pathologie. Il peut être renforcé par la rééducation (par exemple par la déglutition langue tirée31). Les exercices de phonation fondés sur l’articulation des phonèmes vélaires, les mouvements de recul mandibulaire (menton rentré) vs. avancée mandibulaire, sans et avec déglutition salivaire, sont indiqués pour améliorer la qualité du recul lingual. Les données du facteur laryngé montrent une élévation du larynx et de l’os hyoïde (0,5 vertèbre) en-deçà des valeurs de référence (de 1 à 2,5 vertèbres pour le larynx et de 1 à 2 vertèbres pour l’os hyoïde). Ce déficit pourrait expliquer le défaut de fermeture du vestibule laryngé (Fig.10 a, 2.). Glottages actifs ou passifs, sans et avec déglutition salivaire, voix chantée (le patient chantait dans une chorale avant la maladie), théâtralisation, sont programmés. En conclusion, la rééducation orthophonique, à poursuivre après hospitalisation, doit être axée sur l’élévation laryngée et l’augmentation de la mobilité des structures participant à la déglutition. L’alimentation par voie orale reste possible en évitant les liquides en raison du pertuis (voir glossaire). Afin d’évaluer l’évolution de la déglutition, une IRM comparative est indiquée. Fig.10. a 1 Recul lingual incomplet, 2 défaut de fermeture du vestibule laryngé en coupe sagittale (image 76 série 2), b 3 occlusion incomplète en coronale (image 4 série 4) et c 4 en axiale (image 20 série 7) IRM 1, M1 post-opératoire patient N°45. 186 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page187 IRM 2 L’IRM dynamique réalisée 12 mois après l’intervention (IRM 2 = O, Tableau 3), montre un recul lingual standard complet en coupe sagittale, une augmentation conséquente de l’avancée de la PPP ayant évolué de 1,5 mm (0<d1≤3 mm, stade 1) à 5 mm (d2>3 mm, stade 2). L’occlusion oropharyngée se maintient : satisfaisante dans le plan sagittal, elle reste incomplète dans les autres plans. L’élévation laryngée est meilleure, avec des valeurs standard, de 1,5 vertèbres au lieu de 0,5 à l’IRM 1 (=X) (Fig. 11 a, Tableau 3). Les coupes coronales objectivent une contraction symétrique des piliers palato-pharyngiens ainsi qu’une occlusion glottique complète. Un pertuis visible en coronale et en axiale persiste (Fig. 11 b,c). Fig.11. IRM 2, M12 post-opératoires patient N°45 a 1 meilleur recul lingual en coupe sagittale et 2 fermeture du vestibule laryngé (image 95 série 8), b 3, 4 pertuis en coupes coronale (image 9 série 9) et c axiale (image 27 série 11). Le facteur oropharyngé a évolué avec des déplacements des tissus mous (langue et PPP) meilleurs. La qualité de l’occlusion oropharyngée reste déficitaire dans les plans coronal et axial (pertuis du côté de l’exérèse de l’épiglotte). Les fausses-routes aux liquides persistantes sont contrôlées par le patient avec manœuvre de protection (déglutition supra sus-glottique avec rotation à droite). La manœuvre n’est pas nécessaire avec des textures mixées. En conclusion, les améliorations mises en évidence incitent à la poursuite de l’entraînement rééducatif afin de réduire le pertuis persistant du côté droit à la déglutition. 187 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page188 ♦ Discussion Nous avons mis en œuvre l’examen de la déglutition salivaire par IRM dynamique et exploité la D-GRID à l’examen et à la prise en charge des dysphagies oropharyngées en carcinologie ORL depuis octobre 20059. Les IRM sont inscrites dans le cadre du suivi carcinologique pour les tumeurs dont la localisation ou le traitement génère ou sera susceptible de générer des fausses-routes ou des dysphagies complexes. L’objectif de l’IRM est i) l’analyse de la déglutition avant traitement, ii) l’analyse de la dysphagie avant et après traitement chirurgical, radio- et/ou chimiothérapique, iii) la conception de programmes de réhabilitation de la déglutition, iv) l’étude de l’évolution de la dysphagie et de l’impact de la rééducation. L’exérèse chirurgicale du patient affecte une zone clé de la déglutition du transit pharyngé et de la fermeture oropharyngée : celle-ci est complète dans le plan sagittal et incomplète dans le plan coronal et axial, en raison de la localisation de la tumeur et de la dissymétrie résultant de son traitement (chirurgie, RCT). L’avantage de l’IRM dynamique sur la vidéofluoroscopie est de fournir un angle de vue dans les 3 plans de l’espace et de rendre compte des mouvements des structures anatomiques dans chacun de ces 3 plans. Les acquisitions des IRM 1 et 2 ont mis en évidence la présence d’un déficit minime de l’occlusion oropharyngée, interprété comme source de fausses-routes aux liquides. L’évolution du pertuis n’est pas analysée : ses dimensions pourraient être mesurées. La D-GRID indique des valeurs du facteur oropharyngé et du facteur laryngé 12 mois après intervention se rapprochant des valeurs standard pour le recul lingual et l’élévation du larynx et de l’os hyoïde. Le patient a retrouvé une mobilité oro-laryngée efficiente et développé l’avancée de la PPP permettant une fermeture dans le plan sagittal, néanmoins insuffisante. Les fausses-routes ponctuelles à la déglutition de liquides peuvent être contrôlées par les manœuvres de protection. Ces indications incitent à la poursuite de l’entraînement rééducatif. La rééducation a duré 7 mois après l’intervention, soit 3 mois après RCT. En l’absence de données pré-traitement, l’avancée de la PPP (d), supérieure aux valeurs de référence (d2=5mm, pour des valeurs standard telles que 0<d≤3 mm) pourrait aussi bien être un mécanisme de compensation développé spontanément par le patient ayant débuté avant traitement, renforcé par la rééducation, qu’un résultat de la réhabilitation. Un contrôle en IRM dans un délai de 6 à 12 mois permettrait de mesurer l’évolution du mécanisme de déglutition : l’un des effets secondaires de la radiothérapie est la fibrose musculaire3,7,31. Une "surveillance" avec imagerie de la déglutition permettrait d’apprécier la mobilité des structures anatomiques engagées dans le processus de déglutition et de guider la rééducation si elle est nécessaire. 188 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page189 D’un point de vue économique, le coût d’une IRM est environ 6 fois celui d’une vidéofluoroscopie (288€ vs. 47€ en 2014). Non irradiante, étroitement liée à la programmation de la rééducation et à l’entraînement orthophonique, elle autorise une mesure objective précise de la déglutition et de sa réhabilitation. Il serait indispensable d’étudier de la même façon les déplacements observés en vidéofluoroscopie des cartilages, de la langue, de la PPP, si la qualité des images le permet. Un mémoire d’orthophonie est en cours sur la comparaison de l’impact de la nasofibroscopie, de la vidéofluoroscopie et de la ciné-IRM de déglutition sur les programmes de rééducation des dysphagies d’étiologie ORL ou neurologique (Marion Kessler, Université de Lorraine, 2014-2015). ♦ Conclusions Cet exemple de dysphagie oropharyngée d’étiologie carcinologique ORL illustre l’analyse des acquisitions en IRM dynamique et décrit l’exploitation de notre grille d’évaluation. L’exploration de la déglutition salivaire en ciné-IRM couplée à la D-GRID montre comment i) le traitement d’un processus tumoral affecte les capacités à déglutir, ii) la biomécanique de la déglutition évolue et iii) le plan de la rééducation de la dysphagie est déterminé. Des acquisitions prétraitement fourniraient des informations sur le mécanisme de déglutition préexistant aux traitements thérapeutiques. L’IRM renseigne dans les 3 plans de l’image et autorise des mesures qui pourraient être développées (mesure des pertuis). La ciné-IRM de déglutition pourrait être intégrée au suivi carcinologique des patients. Les perspectives d’application de l’IRM de déglutition salivaire et de travaux sont nombreuses : l’efficience de cet examen sur la prédiction des fausses-routes avec une comparaison de l’exploration de la déglutition en vidéofluoscopie, l’impact de la RT sur la biomécanique de la déglutition, l’influence du port de la canule de trachéotomie sur la déglutition, l’application de cette technique aux dysphagies d’étiologie neurologique, l’effet de l’âge et du genre sur la déglutition, etc. Dans le cadre des dysfonctionnements majeurs du pharyngo-larynx avec implantation de prothèses intra-laryngées, un suivi fonctionnel en imagerie est nécessaire. L’IRM dynamique a été intégrée aux méthodes objectives d’exploration de la déglutition pré- et post-implantation. ♦ Étude fonctionnelle des Prothèses Intra Laryngées Introduction La Prothèse Intra-Laryngée (PIL) est actuellement en phase d’essai clinique chez des patients trachéotomisés ayant un larynx présent mais non fonc- 189 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page190 tionnel. L’objectif primaire de la PIL est de restaurer les fonctions primitives de respiration par voie haute, de déglutition, d’olfaction, et de supprimer l’orifice de trachéotomie pouvant faire espérer aux patients une réinsertion socioprofessionnelle et une diminution de ce handicap ressenti à titre personnel de manière très négative et dégradante8,14. L’objectif secondaire de la PIL est de constituer un larynx artificiel pour les patients ayant subi une laryngectomie totale14. Cette étude de faisabilité a pour but d’évaluer la capacité de la PIL à i) permettre une rééducation alimentaire en minimisant les risques de fausses routes en complément ou sans gastrostomie d’alimentation, ii) éviter les complications liées aux canules à ballonnets (voir glossaire), sources potentielles de complications (sténose trachéale, trachéomalacie (voir glossaire)), iii) permettre une respiration haute sans orifice de trachéotomie si l’état du patient le permet. Ces travaux visent à étudier l’impact de la prothèse sur la restauration de la déglutition par des acquisitions comparatives en ciné-IRM de déglutition avant et après mise en place de la PIL. Matériel et méthodes L’étude pilote PRI 2006, HUS N°3866, ID RCB 2006-A00270-51, a été menée de 01/2007 à 01/06/2013, sur une population de n=5 patients (sex-ratio 0.7, âge médian 64 ± 17 ans, Tableau 4 ) ; les essais sont ouverts, non randomisés et multicentriques. La prothèse intralaryngée (Newbreez®) est composée de deux parties : une valve amovible en titane qui permet au patient de respirer et de déglutir, insérée sur un corps en silicone qui conforme l'ensemble des structures laryngées (Fig. 12 A), la valve se situant au-dessus de l’espace glottique. La valve de plus petit diamètre s’abaisse seule à l’inspiration, la valve de plus grande dimension restant en position de repos (Fig. 12 B) ; à l’expiration les deux valves sont solidaires et s’élèvent (Fig. 12 C). A la déglutition les clapets sont fermés ; leur position est maintenue par des aimants pour éviter le passage du bol alimentaire au travers de la prothèse (Fig. 12 D). Les aimants résistent à une pression exercée sur les valves par un bolus de 7 g. Les PIL sont disponibles en plusieurs diamètres. Afin de s’assurer avant toute pose que la prothèse choisie correspond bien à l’anatomie du patient, une imagerie médicale et/ou un contrôle per-opératoire par ancillaire (voir glossaire) sont réalisés. La PIL est posée sous anesthésie générale par voie endoscopique : la mise en place de sa partie supérieure au même niveau que les aryténoïdes assure une impaction optimale de la prothèse (Fig 13). Sans trachéotomie, un ancillaire spécifique permettra de la placer. La PIL peut facilement être extraite sous endoscopie et anesthésie locale. Le déroulement pratique de l’essai comporte un suivi post-opératoire clinique et radiologique (J8, J15, M1, M2…M..). Les critères 190 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page191 d’évaluation de l’efficacité de la PIL retenus sont apportés par les analyses postopératoires à différents intervalles de temps de la fonction respiratoire sur le plan clinique, du fonctionnement des valves par nasofibroscopie et par cinéIRM en déglutition salivaire, de l’appréciation des fausses-routes sous réalimentation per os par nasofibroscopie et par vidéofluoroscopie de déglutition. Fig.12. PIL A. constitution de l’implant B. à l’inspiration, le petit clapet s’ouvre vers l’intérieur C. à l’expiration, le grand clapet accompagné du petit s’ouvre vers l’extérieur de la prothèse D. position fermée à la déglutition maintenue par un aimant. Fig.13 A. Illustration en 3D de la PIL B. Scanner de la PIL en place chez le patient N°96. 191 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page192 Résultats (Tableau 5) Les essais fonctionnels de la PIL ont été réalisés en nasofibroscopie avec décanulation du patient. L’évaluation du fonctionnement des valves rend nécessaire la décanulation et l’occlusion de l’orifice de trachéotomie ; secondairement, la réalisation d’une nasofibroscopie avec essais de déglutition est possible. Les examens montrent que les valves sont fonctionnelles et permettent une respiration de type inspiration et expiration, normale et sans effort. Leur fermeture à la déglutition est assurée. Toutefois, la présence de stases salivaires entraîne une inhalation à l’inspiration par regorgement, du fait du déficit de la vidange pharyngée, insuffisante. Au fur et à mesure des essais, la durée de port de la PIL s’est améliorée (de 5 jours à 6 mois). Les douleurs, lorsqu’elles sont présentes, sont contrôlées par les antalgiques et s’atténuent progressivement. Le patient N°3 a rencontré des difficultés de tolérance de la canule de trachéotomie. La canule n’autorisant pas le passage du flux respiratoire par le haut, restreint le fonctionnement et l’auto-nettoyage de la PIL, l’assèchement de l’oro-pharyngo-larynx et l’entraînement rééducatif. La présence de l’aimant (Fig. 12 D), dont le fonctionnement assure l’occlusion de la prothèse à la déglutition, limite les examens par ciné-IRM : l’intégrité de l’implant est menacée et l’artefact métallique qu’il génère altère la qualité des images. Des chevrons ont équipé le fût de la PIL, afin d’assurer une meilleure stabilité de la PIL (expulsée par le patient N°40). ♦ Discussion Peu de chercheurs s’intéressent actuellement à la conception d’une prothèse laryngée artificielle. De nombreuses prothèses en titane poreux ont été implantées jusqu’à maintenant chez l’homme par notre équipe : implants de thyroplastie, implants phonatoires, prothèses mandibulaires. La totalité des implants ont été acceptés sans rejet chez les patients n’ayant pas été irradiés auparavant8. Les essais menés avec la PIL confirment les études menées in vivo8. Ils ont permis de déterminer les indications, les examens et les types de prothèses les plus appropriés à la gestion des déficits fonctionnels du larynx. L’utilité présupposée d’une PIL ne peut être estimée qu’au cas par cas. Le critère décisif est l’engorgement du pharynx, qui est évaluable avant la mise en place par examens cliniques et paracliniques (Vidéofluoroscopie de déglutition, etc.). S’il y a des fausses-routes secondaires (troubles de l’ensemble des effecteurs de la déglutition), la PIL ne sera d’aucune utilité. Une adaptation de la structure du fût de la PIL avec l’ajout de chevrons a pu remédier à son instabilité. Secondairement, ce dispositif limite les risques de nécrose des tissus aux points de contact. Les évaluations successives chez nos patients ont montré que 192 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page193 les troubles de la déglutition majeurs sont une contre-indication absolue à la mise en place d’une PIL, en raison de la stase par regorgement venant recouvrir le plan des aryténoïdes où se situe la partie proximale de l’implant : l’inspiration entraîne une inhalation à l’ouverture des valves. Ce fait aurait pu être anticipé comme la partie sommitale de la prothèse, pas assez surélevée par rapport au plan des aryténoïdes, n’améliorait pas la configuration anatomique pré-existante. La PIL n’a pas résolu la problématique des fausses-routes salivaires. En conséquence, les indications de mise en place sur sténose glottique associée à des troubles de la déglutition mineurs ou moyens sont très nettement précisées. Les mécanismes de protection des voies aériennes à la déglutition incluent la fermeture oropharyngée, résultant du recul de la base de la langue, de la bascule de l’épiglotte et de l’ascension laryngée. Un score significatif d’occlusion oropharyngée, indicatif de fausses-routes potentielles, déterminé en ciné-IRM de déglutition pourrait contribuer à la décision d’implantation et au choix d’un type de prothèse laryngée. Les acquisitions IRM devront comporter des séquences dans les trois plans ; l’évaluation de l’occlusion oropharyngée est obtenue en additionnant les stades de chacun des plans (2 occlusion complète, 1 complète, 0 absente). La présence d’une filière étroite sera cotée 1,5 (Tableau 6). Une PIL sans aimant de rappel, de conception différente de sa partie sommitale, permettant les investigations par IRM, est à l’étude. ♦ Conclusion Les indications d’implantation de PIL sont liées aux essais cliniques et aux études préliminaires ; elles évolueront en fonction de l'expérience des équipes. Dans notre série, les essais avec troubles majeurs de déglutition présentés par 4 patients sur 5, ont permis i) de mieux cibler les indications d’implantation : la PIL est indiquée dans tous les types de sténose laryngée, associée ou non à des troubles de la déglutition mineurs ou moyens, ii) de vérifier leur fonctionnement en respiration et en déglutition en enlevant la canule le temps de l’examen, iii) de préciser le suivi par ciné-IRM, envisageable avant implantation et dans les jours précédant l’explantation, en raison du risque de dysfonctionnement des aimants, et iiii) d’adapter la rééducation. Le tableau 6 présente les types et concepts de prothèses intra-laryngées correspondant aux capacités fonctionnelles de déglutition, de respiration et de phonation. La phonation est réalisée en voix soufflée, en chuchotant. Á terme, le type IV devrait disparaître au profit du type III permettant la phonation sans fausses-routes. Une prothèse de larynx artificiel a été conçue à partir de la PIL afin de suppléer aux fonctions de respiration et de déglutition chez les patients traités par laryngectomie totale 193 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page194 pour cause carcinologique (Étude HUS N° 4493, ID RCB N° 2011-A00032-39, "Mise en place d’un larynx artificiel après laryngectomie totale"). ♦ Conclusions générales et perspectives La compréhension et la prise en charge thérapeutique des troubles de la déglutition requièrent des techniques d’exploration dont les plus courantes sont la nasofibroscopie et la vidéofluoroscopie. Le champ d’investigation de l’examen de la déglutition par IRM a été jusqu’à maintenant peu exploité : ces travaux sont le reflet du développement de son utilisation. La ciné-IRM pour l’évaluation de la déglutition est un outil prometteur : elle fournit des informations différentes en permettant des études multiplanaires des tissus mous sans irradiation ni produit de contraste. Notre grille d’évaluation, la D-GRID, visualise des données précises qu’elle permettrait de comparer chez les témoins et les patients avant et après traitement chirurgical, radiochimiothérapique ou orthophonique. Les programmes de rééducation de la déglutition pourraient être mieux ciblés et les effets des différents traitements thérapeutiques mesurés. Les perspectives sont nombreuses. Des acquisitions en ciné-IRM de déglutition d’une cohorte plus importante de volontaires sains permettraient de constituer des effectifs statistiquement suffisants et de fixer les valeurs standard des facteurs oropharyngés et laryngés. Les données temporelles, notamment la coordination des mouvements des structures anatomiques impliquées dans la déglutition, et le degré d’occlusion du vestibule laryngé seraient à explorer, le score global d’occlusion oropharyngée de la D-GRID à exploiter. Les effets de l’âge (>70 ans), de la radio- et/ou chimiothérapie, du port de la canule de trachéotomie pourraient être recherchés, les données recueillies en IRM comparées à celles de la vidéofluoroscopie. La ciné-IRM pourrait être appliquée aux dysphagies d’étiologies diverses (neurologique, infectieuse..) et en pédiatrie. Peu de données existent dans la littérature sur les maladies rares : le suivi en imagerie de patients présentant une dysphagie dans le cadre d’une maladie systémique comme la sclérodermie pourrait documenter la physiopathologie et son évolution. Les autres fonctions de l’oro-pharyngo-larynx, la respiration et la phonation, seraient aussi susceptibles d’être étudiées par ciné-IRM. REFERENCES AJAJ W, GOYEN M, HERRMANN B, MASSING S, GOEHDE S, LAUENSTEIN T, RUEHM SG. Measuring tongue volumes and visualizing the chewing and swallowing process using real-time TrueFISP imaging-initial clinical experience in healthy volunteers and patients with acromegaly. Eur Radiol. 2005 ; 15(5): 913-918. 194 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page195 AKIN E, SAYIN MÖ, KARAÇAY, BULAKBA I N. Real-time balanced turbo field echo cine-magnetic resonance imaging evaluation of tongue movements during deglutition in subjects with anterior open bite. American Journal of Orthodontics and Dentofacial Orthopedics.2006 Jan : 24-28. ALBITER M, PETROW P, KOLB F, BRETAGNE E, LUBOINSKI B, SIGAL R. Étude de la déglutition par ciné-IRM utilisant la séquence single shot fast spin écho (SSFSE) chez des volontaires sains et des patients traités pour un cancer ORL. J. radiol. 2003 ; 84(3): 311-316. ANAGNOSTARA A, STOECKLI S, WEBER OM, KOLLIAS SS. Evaluation of the Anatomical and Functional Properties of Deglutition with Various Kinetic High-Speed MRI Sequences. Journal of Magnetic Resonance Imaging. 2001 ; 14: 194-199. BARKHAUSEN J, GOYEN M, VON WINTERFELD F, LAUENSTEIN T, ARWEILER-HARBECK D, DEBATIN JF. Visualization of swallowing using real-time True-FISP MR fluoroscopy. Eur Radiol. 2002 ; 12 : 129-133. BREYER T, ECHTERNACH M, ARNDT S, RICHTER B, SPECK O, SCHUMACHER M, MARKL M. Dynamic magnetic resonance imaging of swallowing and laryngeal motion using parallel imaging at 3T. Magnetic Resonance Imaging. 2009 ; 27: 48-54. CREVIER-BUCHMAN L, BRIHAYE S, TESSIER C. La déglutition après chirurgie partielle du larynx. Solal, Marseille. 1998. DEBRY C, SCHULTZ P, VAUTIER D. Biomaterials in laryngotracheal surgery : a solvable problem in the near future ? J Laryngol Otol. 2003 Feb ; 117(2) : 113-117. FAUVET F, et al. Étude de la déglutition et des dysphagies oropharyngées par ciné-IRM. Rev. Laryngol. 2008 ; 129(2) : 85-90. FLAHERTY RF, SELTZER S, CAMPBELL T, WEISSKOFF RM, GILBERT RJ. Dynamic Magnetic Resonance Imaging of Vocal Fold Closure During Deglutition. Gastroenterology. 1995 ; 109 : 843-849. FOUCART JM, CARPENTIER P, PAJONI D, RABISCHONG P, PHARABOZ C. Kinetic magnetic resonance imaging analysis of swallowing : a new approach to pharyngeal function. Surg Radiol Anat. 1998 ; 20 : 53-55. GILBERT RJ, DAFTARY S, WOO P, SELTZER S, SHAPSEY SM, WEISSKOFF RM. Echo-Planar Magnetic Resonance Imaging of Deglutive Vocal Fold Closure: Normal and Pathologic Patterns of Displacement. Laryngoscope. 1996 ; 106 : 568-572. GILBERT RJ, DAFTARY S, CAMPBELL TA, WEISSKOFF RM. Patterns of Lingual Tissue Deformation Associated with Bolus Containment and Propulsion During Deglutition as Determined by Echo-Planar MRI. JMRI. 1998 ; 8 : 554-560. GUILLERÉ F. Un larynx artificiel à l’horizon 2011 ? Ortho-magazine, Elsevier-Masson, Issy-les- Moulineaux, Mai-juin 2009 ; 82 : 16-7. GUILLERÉ-FAUVET F. Contribution de l’IRM à l’analyse de la déglutition et des dysphagies oropharyngées. Étude fonctionnelle des prothèses intra-laryngées. Thèse de doctorat d’université en sciences médicales, Université de Strasbourg, sept. 2013, (à paraître aux Editions Universitaires Européennes). HARTL DM, ALBITER M, KOLB F, LUBOINSKI B, SIGAL R. Morphologic Parameters of Normal Swallowing Events Using Single-Shot Fast Spin Echo Dynamic MRI. Dysphagia. 2003 ; 18 : 156-162. HONDA Y. Kinetic MRI using high-speed sequence to evaluate swallowing –Comparison with videofluorography. Oral Radiol. 2003 ; 19 : 14-21. HONDA Y, YATA N. Dynamic Imaging of Swallowing in a Seated Position Using Open-Configuration MRI. Journal of Magnetic Resonance Imaging. 2007 ; 26 : 172-176. KARAÇAY , AKIN E, SAYIN Ö, BULAKBA I N. Real-time balanced turbo field echo Cine-MRI in the analysis of deglutition events and transit times. Journal of Oral Rehabilitation. 2006 ; 33 : 646653. KASSLER B, VETTER D. Comprendre l’IRM. Elsevier-Masson. Paris, 6ème éd. 2006. LEONARD R, KENDALL K, MCKENZIE S, GONÇALVES MI, WALKER A. Structural Displacements in Normal Swallowing : A Videofluoroscopic Study. Dysphagia. 2000 ; 15 : 146-152. LOGEMANN JA. Dysphagia : Evaluation and Treatment. Folia Phoniatr Logop. 1995 ; 47 : 140-164. 195 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page196 MURRY T, CARRAU R. Functional Tests of Swallowing. Plural Publishing, Inc. Oxford. 2006 ; (4) : 7579. PANEBIANCO V, RUOPPOLO G, PELLE G, SCHETTINO I, ROMA R, BERNARDO S, De VINCENTIIS C, LONGO L, PASSARIELLO R. Morpho-functional patterns of physiologic oropharyngeal swallowing evaluated with dynamic fast MRI. Eur Arch Otorhinolaryngol. 2010 ; Published on line. PALMER JB, TANAKA E, ENSRUD E. Motions of the posterior pharyngeal wall in human swallowing : A quantitative videofluorographic study. Archives of Physical Medicine and Rehabilitation. Nov. 2000 ; 81 (11) : 1520-1526. POUDEROUX P. Troubles de la déglutition : étiologies et prise en charge. Hépato-gastro. 1999 ; 6 (4) : 247-257. SPEYER R, et al.. Effects of Therapy in Oropharyngeal Dysphagia by Speech and Language Therapists : A Systematic Review. Dysphagia. 2010 ; 25 : 40-65. SUTO Y, KAMBA M, KATO T. Technical note : Dynamic analysis of the pharynx during swallowing using Turbo-FLASH magnetic resonance imaging combined with an oral positive contrast agent – a preliminary study. The British Journal of Radiology. 1995 ; 68 : 1099-1102. SUTTON BP, CONWAY C, BAE Y, BRINEGAR C, LIANG Z-P, KUEHN DP. Dynamic Imaging of Speech and Swallowing with MRI. 31st Annual International Conference of the IEEE EMBS Minneapolis, USA, Sept, 2009 : 6651-6654. VANBECKEVOORT D, PONETTE E. Troubles fonctionnels du pharynx et de l’oesophage : évaluation par l’étude dynamique à produits de contraste. EMC Radiodiagnostic-Appareil digestif. 2009 ; 120. WOISARD V, PUECH M. La réhabilitation de la déglutition chez l’adulte. Solal, Marseille. 2003. 196 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page197 197 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page198 198 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page199 IRM et DÉGLUTITION - ANNEXES Annexe 1 Glossaire Ancillaire : Instrument destiné à aider le chirurgien à effectuer une mesure. Canule à ballonnet : Canule équipée d’un ballonnet à son extrémité inférieure qui une fois gonflé permet une meilleure étanchéité de la trachée et empêche le passage d’aliments dans les poumons en cas de fausses-routes. Curage cervical fonctionnel : Exérèse des chaînes ganglionnaires situées dans le cou en respectant les nerfs moteurs, les gros vaisseaux sanguins et les muscles. Decubitus : en médecine, le terme decubitus décrit un corps allongé à l’horizontale. Decubitus dorsal : la personne est à plat dos. Gadolinium : Terre rare ferromagnétique utilisée comme agent de contraste en IRM. Non fenêtré vs. fenêtré : se rapporte au système de canule constitué de tubes à parois pleines ne permettant la respiration que par la canule de trachéotomie (système non fenêtré) ou comportant des parois perforées afin de laisser passer l’air à travers les tubes vers le haut et permettre de respirer par la canule de trachéotomie ou par le nez ou la bouche (système fenêtré). Pertuis : Ouverture, trou. Séquence True-FISP : séquence d’imagerie rapide Siemens dédiée à l’imagerie du mouvement (True-Fast Imaging SPin). Les types de séquences d’imagerie rapide sont désignés par des acronymes propres à chaque constructeur de système IRM. Les études répertoriées en imagerie rapide de la déglutition chez le sujet sain, de 1995 à 2013, ont utilisé des séquences SSFSE, SPGR, EPI (GE HEALTHCARE), FLASH, TurboFLASH, Multi-Shot Spiral FLASH, True-FISP (SIEMENS), BTFE (PHILIPS). Sténose laryngée : une sténose est une modification anatomique de proportions variables qui se traduit par le rétrécissement d’une structure. Dans la sténose laryngée le calibre du larynx est diminué, ce qui entraîne des difficultés respiratoires plus ou moins sévères selon le degré de la sténose. Tesla : unité d’induction magnétique. Trachéomalacie : Ramollissement des anneaux cartilagineux de la trachée dont les parois se collabent à la respiration et empêchent le passage de l’air. Tumeur pT3N1M0 : classification internationale des cancers selon leur extension anatomique pTNM (Pathological Tumor Nodes Metastasis = Tumeur, Ganglions, Métastases Pathologiques), 2009 (dernière édition). p : résultats des analyses anatomo-pathologiques ; T3 : tumeur primitive >4 cm ; N1 : adénopathie homolatérale unique voisine ≤3 cm; M0 : pas de signe de métastases à distance. 199 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page200 Annexe 2 200 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page201 Quelques outils pour comprendre l’imagerie par résonance magnétique et se repérer dans le cerveau Melody Courson Rééducation Orthophonique - N° 260 - décembre 2014 201 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page202 Melody COURSON1,2 1. Université Laval, Faculté de médecine Département de Réadaptation Québec, Qc., Canada 2. Centre de Recherche de l’Institut Universitaire en santé mentale de Québec (CRIUSMQ) Québec, Qc., Canada Correspondance : Melody Courson Orthophoniste Étudiante au doctorat en médecine expérimentale Université Laval, Département de Réadaptation Centre de Recherche de l’Institut Universitaire en santé mentale de Québec (CRIUSMQ) 2601 rue de la Canardière, office F-2445, Québec (Québec), CANADA, G1J 2G3 Courriel: [email protected] L a compréhension de l’anatomie et du fonctionnement du cerveau au moyen de l’imagerie par résonance magnétique (IRM), est utile lors de la lecture d’articles scientifiques en neuroimagerie. Internet est une source quasi-inépuisable d’information, mais il est parfois difficile de découvrir des sites à la fois accessibles et sérieux, offrant une information vérifiée et valide. Cette section a pour objectif de répertorier de manière non exhaustive des sources d’information fiables et accessibles, portant sur l’IRM et le cerveau. ♦ Comprendre l’imagerie par résonance magnétique IMAIOS : http://www.imaios.com/fr Il s’agit du site d’une entreprise française d’e-learning médical, créée en partenariat avec de nombreuses universités incluant, pour n’en citer que quelques-unes, la Havard Medical School (Boston, États-Unis), l’Université Paris Descartes (Paris, France), l’Université de Tokyo (Tokyo, Japon), et la Faculté de Médecine de l’Université de Zurich (Zurich, Allemagne). Ce site propose des cours en ligne portant sur divers aspects de la médecine, incluant une section explicative du fonctionnement de l’IRM intitulée : « e-MRI. L’IRM pas à pas : cours interactif sur l’imagerie par résonance magnétique ». Une partie du 202 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page203 contenu de ce site est payante, mais la section IRM est en accès gratuit après inscription au site. Cette section est composée de plusieurs modules ou chapitres qu’il est possible de suivre dans un ordre préétabli ou selon ses préférences/besoins. Des concepts complexes tels que la résonance magnétique nucléaire, les notions techniques de l’IRM telles que le codage spatial et l’amélioration du contraste, ainsi que des techniques d’imagerie différentes telles que l’imagerie du tenseur de diffusion, l’imagerie fonctionnelle cérébrale et l’IRM à très haut champ, sont abordés avec clarté, et de nombreuses illustrations en facilitent la compréhension. Ce site a été certifié jusqu’en juillet 2015 (avec des vérifications trimestrielles) par le HON (Health On the Net Foundation), dont on peut retrouver les critères de certification ici : http://www.hon.ch/HONcode/Patients/Visitor/visitor.html. ♦ Comprendre le cerveau Le cerveau à tous les niveaux : http://lecerveau.mcgill.ca/ Ce site, existant en français et en anglais, qui a été développé à l’Université McGill (Montréal, Canada) en 2003, est composé de trois sections : (1) principes fondamentaux, (2) fonctions complexes, et (3) dysfonctions. Dans ces sections, de nombreux modules abordent des sujets variés des neurosciences comme l’évolution du cerveau, les émotions et le sommeil. Un module est dédié au langage et traite des corrélats neurologiques du langage et de la parole, tout en adoptant une approche critique et éclairée de l’apport des associations anatomo-fonctionnelles à notre compréhension du langage. Ce site présente la particularité d’offrir chaque module en trois niveaux de difficulté - débutant, intermédiaire et avancé – ce qui lui permet de s’adresser à un public varié. Pour un approfondissement des sujets abordés, le site contient des liens vers des publications scientifiques. Le site donne également accès au blogue du cerveau à tous les niveaux dans lequel un article scientifique est résumé et vulgarisé toutes les semaines. Il est possible d’accéder à tous les articles publiés sur le blogue depuis 2010. Une dernière caractéristique du site est qu’il est « copyleft », c’està-dire que contrairement à un « copyright », il permet, et il encourage même la reproduction, ainsi que la modification de son contenu dans un objectif de diffusion et de partage libre et gratuit de la connaissance. Brain Explorer : http://fr.brainexplorer.org/ Ce site a été créé par le Lundbeck Institute, un forum international à but non lucratif pour l’éducation et l’interaction des professionnels de la santé, rattaché à la société pharmaceutique danoise H. Lundbeck A/S. Ce site a été certi- 203 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page204 fié jusqu’en janvier 2013 par le HON (Health On the Net Foundation), dont on peut retrouver les critères de certification ici : http://www.hon.ch/HONcode/Patients/Visitor/visitor.html. Ce site, écrit en français, aborde les concepts et principes fondamentaux du fonctionnement cérébral dans plusieurs rubriques : Atlas du cerveau : cette rubrique contient la définition de toutes les composantes du cerveau, de la matière grise et blanche, au système limbique, en passant par les hémisphères et les ventricules. De très nombreux liens permettent d’obtenir la définition des termes employés tout au long du texte. Contrôle neurologique : cette section décrit les principes permettant la transmission de l’information neuronale tels que la neurotransmission, le potentiel d’action, la synapse et les neurotransmetteurs. Les troubles cérébraux : l’épidémiologie, le diagnostic, l’évolution, l’étiologie, la comorbidité, le traitement et la prévention relatifs à de nombreux troubles (AVC, démence, dépression, épilepsie, maladie de Parkinson, migraine, schizophrénie, sclérose en plaques, troubles anxieux, trouble bipolaire, trouble panique, troubles du sommeil) sont décrits dans cette section. Des illustrations, un glossaire et des lectures complémentaires achèvent d’offrir une information claire et complète du fonctionnement du cerveau. ♦ Se repérer dans le cerveau Brain Explorer : http://fr.brainexplorer.org/ La section « Illustrations » de ce site (décrit plus en détail dans la section « Comprendre le cerveau ») permet de visualiser les principales structures du cerveau telles que les hémisphères, les différents lobes et les structures souscorticales, de manière schématique. Il permet donc d’avoir une idée grossière de la structure du cerveau. The whole brain Atlas : www.med.harvard.edu/aanlib/home.html Ce site, créé par la faculté de médecine de l’Université Harvard (Boston, États-Unis), développé par Keith Johnson et Alex Becker, permet de visualiser les structures corticales et sous-corticales, sur des images de scans anatomiques, dans les trois plans : axial, coronal et sagittal. Au-delà de la localisation anatomique dans le cerveau sain, ce site propose une visualisation détaillée du cerveau dans le cas de certaines pathologies telles que : - Le mutisme post-AVC - L’aphasie fluente post-AVC 204 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page205 - L’alexie sans agraphie post-AVC - La Maladie d’Alzheimer Bien que ce site soit en anglais, la traduction des termes anatomiques en français (sur Google ou n’importe quel site de traduction) est suffisamment aisée pour que la navigation de ce site reste fluide et son contenu accessible. Big Brain : https://bigbrain.loris.ca/ Ce site est le résultat d’un partenariat entre les chercheurs de deux principaux instituts – le McConnell Brain Imaging Centre du Montreal Neurological Institute (Montreal, Canada) et l’Institute of Neuroscience and Medicine, Research Centre Jülich (Jülich, Allemagne) – ainsi que d’autres institutions internationales. Il est nécessaire de faire une demande d’inscription pour accéder à ce site. Cette demande peut prendre quelques jours à être traitée… mais l’attente en vaut la peine ! Ce site permet de visualiser un cerveau en 3D, selon les trois plans axial, coronal et sagittal. Dans l’onglet « 3D volumes », il est possible de sélectionner un cerveau 3D en fonction de son volume, de sa résolution et de la taille du fichier (et par conséquent du degré de détail de l’image). Ce site est particulièrement précieux dans le cas où l’on souhaite localiser une aire en fonction de ses coordonnées MNI. Lorsqu’un cerveau 3D a été sélectionné, il suffit en effet d’inscrire les coordonnées souhaitées dans l’onglet de gauche. L’image est alors centrée sur le point correspondant à ces coordonnées. Les trois coupes axiale, coronale et sagittale sont disponibles sur la même page et permettent une visualisation optimale de l’aire recherchée. Grâce à ce site, il est possible de localiser n’importe quelle aire corticale et sous-corticale pour peu que l’on en connaisse les coordonnées MNI. 205 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page206 NOTES 206 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page207 NOTES 207 texte 260_Mise en page 18/12/14 15:28 Page208 Aucun article ou résumé publié dans cette revue ne peut être reproduit sous forme d’imprimé, photocopie, microfilm ou par tout autre procédé sans l’autorisation expresse des auteurs et de l’éditeur. 208 Couv 260_Mise en page 1 18/12/14 15:32 Page2 Revue créée par l’A.R.P.L.O.E.V. Paris Revue éditée par la Fédération Nationale des Orthophonistes Rédaction - Administration DERNIERS NUMÉROS PARUS : 76, rue Jean Jaurès, 62330 ISBERGUES Directeur de la publication : la Présidente de la F.N.O. : — Tél. : 03 21 61 94 96 — — Fax : 03 21 61 94 95 — e-mail : [email protected] Anne Dehêtre Abonnement normal : 104 euros Abonnement réduit : 81 euros réservé aux adhérents F.N.O., ou d’une association européenne membre du CPLOL Abonnement étudiant : 54 euros (joindre copie de la carte) Abonnement étudiant étranger : 58 euros (joindre copie de la carte d’étudiant) Abonnement étranger : 114 euros Vente au numéro disponible sur le site www.orthoedition.com Membres fondateurs du comité de lecture : Pr ALLIERES G. • A. APPAIX • DECROIX • R. S. DIATKINE BOREL-MAISONNY • H. DUCHÊNE M. DUGAS • J. FAVEZ-BOUTONNIER • J. GERAUD R. GRIMAUD • L. HUSSON • Cl. KOHLER • Cl. LAUNAY F. LHERMITTE • L. MICHAUX • P. PETIT G. PORTMANN • M. PORTMANN • B. VALLANCIEN. Comité scientifique Aline d’ALBOY Dr Guy CORNUT Ghislaine COUTURE Dominique CRUNELLE Pierre FERRAND Lya GACHES Olivier HERAL Jany LAMBERT Frédéric MARTIN Alain MENISSIER Pr Marie-Christine MOUREN-SIMEONI Bernard ROUBEAU Anne-Marie SIMON Monique TOUZIN N° 259 : L’EDUCATION THÉRAPEUTIQUE DU PATIENT EN ORTHOPHONIE - Editorial : L’ETP en orthophonie (Frédérique BRIN-HENRY ) — Rencontre : L’intégration d’un patient-expert dans un programme d’ETP : regards croisés, (Roland VARINOT , Frédérique BRIN-HENRY) — Données Actuelles : Education thérapeutique du patient (ETP) : principes et intérêts, (Claire MARCHAND) - Au-delà du masque de l’expert - Réflexions sur les ambitions, enjeux et limites de l’Éducation Thérapeutique du Patient, (Alexandre KLEIN) — Examen et interventions : Interdisciplinarité autour du patient en éducation thérapeutique : le point de vue de soignants, (Sylvie DIANCOURT) - Education thérapeutique du patient aphasique et son conjoint, (Frédérique BRIN-HENRY) - Proposition d’un diagnostic éducatif dans le cadre du programme « Communiquer malgré l’aphasie », (Estelle BERNARD) - Impact d’un Programme d’Education Thérapeutique du Patient (ETP) pour des personnes aphasiques et leurs aidants, (Charline CÉSAR, Frédérique BRIN-HENRY, Estelle BERNARD) - L’implication des aidants dans les programmes d’éducation thérapeutique, (Nathaly JOYEUX) - Éducation Thérapeutique du Patient dysphagique : état des lieux et propositions, (Ariane LÉTUMIER, Antony, Caroline HELLY) - De la conception à la labellisation d’ateliers thérapeutiques pour adolescents dyslexiques, (Françoise GARCIA) — Perspectives : Le réseau dans l’éducation thérapeutique : intérêt pour l’orthophoniste et le médecin coordinateur - Expérience du réseau de l’Espace Régional d’Education Thérapeutique de Basse-Normandie et du réseau Normandys, (Audrey ARMAND) - La Fédération Nationale des Aphasiques de France et l’ETP, (Jean-Dominique JOURNET) Rédacteur en chef Jacques ROUSTIT Secrétariat de rédaction Marie-Dominique LASSERRE Abonnements Sylvie TRIPENNE Commission paritaire : 1110 G 82026 N° 258 : DENISE SADEK-KHALIL ET SON ŒUVRE – HOMMAGES ET TÉMOIGNAGES - Editorial : (Dominique MARTINAND-FLESCH) — Introduction : Denise Sadek-Khalil, le langage oral au carrefour de la linguistique et de la clinique, (Marie-Pierre THIBAULT) — Apports de ses travaux : Un itinéraire improbable, (Ronald LOWE) - Sur les pas de Denise Sadek-Khalil. Rigueur, Liberté et Interaction dans la prise en charge orthophonique, (Shirley VINTER) - Donner libre(s) cours à la recherche du langage : l’enseignement de Denise Sadek, (Elisabeth MANTEAU-SÉPULCHRE) - Denise Sadek-Khalil, Gustave Guillaume : psycho-pédagogie et psychomécanique du langage, (Philippe SÉRO-GUILLAUME) - Denise Sadek-Khalil : de la théorie à la réalité du langage, (Guy CORNILLAC) - Prendre, apprendre et comprendre, (Denise SADEK-KHALIL) — Compagnonnage : Une pionnière en orthophonie : Denise Sadek-Khalil, (Anne-Marie WEIL-LEVEN, Simone TERRIER) - Gustave Guillaume et Denise Sadek-Khalil : la philosophie du langage (Colette SIRAT) - Rencontres et Privilèges, (Mireille COHEN-MASSOUDA) - Denise Sadek... l'art de transmettre la langue dans un plaisir mutuel - Témoignages du CEOP, (Marie-Claude CAUVIN-GARRITY, Marie-Christine CHAPERON, Christine ROMAND, Michel MAULET, Martial FRANZONI) - A propos de « 7 Leçons de 1980 à 1984 » par Mme Sadek à une fillette sourde, (Francine JALABERT) - Voir, savoir, faire savoir : en suivant les traces de SADEK sur les sentiers de la langue, (Martine MIR) - Denise Sadek-Khalil, maître de stage et penseur de l’orthophonie (Mireille KERLAN) - Un incontournable pour l’orthophonie de demain : l’approche de Denise Sadek-Khalil sur les traces de Gustave Guillaume, (Patricia MALQUARTI) — Rencontre et hommage : Grandeur et simplicité, (Monique et JeanMarie DUCROS, Pascale DUCROS) - Témoignages (Claire DEMATEÏS-KOPPEL, Frédéric DEMATEÏS) Introduction à l’hommage rendu à Denise Sadek-Khalil lors de son inhumation le 20 avril 2012 (Nadine SERVAJEAN) Réalisation TORI 01 43 46 92 92 Impression : CIA Bourgogne Rééducation Orthophonique Rencontres Données actuelles Examens et interventions Perspectives ne la ur le ng oi co , p ag ma ne gn er e, ge im ur it ce p rie se pl os ion pt las , qu m an tim , ion tic ort su ité ho in e, en t u d ce ter m t, co lat rd e c ph vi s, ac a le ch ion ité la ér on m eil g tio lad ct lé , , a p éb ie an lis y n ie ur air ci p ar ra , e, e, né ha ole tiq se ru s d ég s v -IR sie , ue me s s , nt su en én ém ieil M , m , p so é a lis , al le ra r ra n ad c m im tiv tiie tur ar ot e, dé e, gin rigé sé al né - ISSN 0034-222X Rééducation Orthophonique Neuroimagerie et orthophonie : de la recherche à la pratique clinique N° 260 - 2014 52e Année décembre 2014 Trimestriel N° 260 ga im pe ge ag rc , p e iti ep la on t s tim , ion su d u co la rd ch tion ité c t léa , u r i r ci dé e, e, v en gén sém ra sor éra a m im tiv ur arg otr e dé , s ina igé é l Couv 260_Mise en page 1 18/12/14 15:32 Page1 Fondatrice : Suzanne BOREL-MAISONNY Neuroimagerie et orthophonie : de la recherche à la pratique clinique Fédération Nationale des Orthophonistes